M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi du texte à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi par M. Reichardt, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, la proposition de loi relative à la prévention et l’accompagnement pour l’organisation des soirées en lien avec le déroulement des études (n° 421, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur. Le dépôt de cette motion, que je présente au nom de la commission des lois, me semble suffisamment motivé par le contenu de mon rapport et des interventions des orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais tout d’abord, au nom de la commission, remercier de son initiative notre collègue Jean-Pierre Vial, auteur de la proposition de loi. Tous les orateurs de la discussion générale, ainsi que M. le ministre, ont reconnu qu’elle soulevait un véritable problème.
Je salue également l’important travail accompli par M. Reichardt sur ce sujet difficile.
La commission des lois a décidé à l’unanimité – cela mérite d’être souligné – de proposer le renvoi du texte à la commission. Le dépôt d’une telle motion de procédure ne relève en aucun cas d’une tactique dilatoire : il ne s’agit nullement, dans notre esprit, d’éluder le grave problème que représente la multiplication de faits ayant des conséquences désastreuses, parfois dramatiques, en termes de santé publique.
Il convient d’examiner les causes de cette situation et d’envisager les remèdes qui peuvent y être apportés. À cet égard, je me permets de souligner que nous n’avancerons pas si nous ne prenons pas en compte la responsabilité de chacun des acteurs : organisateurs, chefs d’établissement dans la mesure où ils auront été prévenus de la tenue d’une manifestation dans l’enceinte de celui-ci…
Cette motion tendant au renvoi à la commission n’a donc pas pour objet de dessaisir le Sénat d’un sujet tout à fait important. En effet, si elle est adoptée, nous proposerons à nos collègues de la commission des affaires sociales de constituer un groupe de travail commun dont la tâche sera d’élaborer, dans les deux ou trois mois à venir, un certain nombre de propositions concrètes, qui ne seront pas forcément de nature législative. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il serait précieux que ce travail puisse être mené en concertation avec le Gouvernement.
En résumé, nous ne vous proposons pas, mes chers collègues, de vous dessaisir : nous nous engageons au contraire à approfondir la réflexion, en vue d’aboutir à une panoplie de réponses concrètes à un problème complexe, grave et préoccupant.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Ayant souvent eu l’occasion d’apprécier la qualité des débats au Sénat, je ne suis pas surpris de la haute tenue de celui qui nous réunit aujourd’hui : dans un esprit d’ouverture et de respect des opinions de chacun, il nous a permis de progresser notablement. Je voudrais à mon tour remercier M. Vial de son initiative, et saluer le travail de M. le rapporteur.
Je suis tout à fait déterminé à œuvrer sur ce sujet d’intérêt général. Nous ne devons pas nous relâcher, car toute baisse de vigilance entraîne une résurgence des dérives.
Par ailleurs, je suis bien entendu parfaitement disposé à mener une réflexion commune avec le groupe de travail sénatorial sur les pistes d’amélioration possibles. Le renvoi du présent texte à la commission ne doit surtout pas être synonyme d’enterrement du problème soulevé. Je le dis clairement : le Gouvernement a besoin que la représentation nationale se mobilise sur cette question.
Enfin, ne nous faisons pas d’illusions : pour des raisons juridiques que j’ai rappelées, le passage par la loi est nécessaire pour un certain nombre de mesures.
En tout état de cause, j’ai totalement confiance en la sagesse de la Haute Assemblée. Dans l’immédiat, je suis résolu à utiliser d’ores et déjà tous les outils réglementaires à ma disposition pour lutter contre les dérives que vous avez dénoncées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures, pour les questions cribles thématiques sur la désindustrialisation.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions cribles thématiques
la désindustrialisation
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la désindustrialisation.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddeï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’annonce de milliers de suppressions d’emplois chez PSA – 6 000 en Europe, dont plus de 4 000 sur le sol français ! – intervient dans un contexte déjà difficile. Vous le savez, 4 700 000 personnes sont déjà inscrites à Pôle emploi.
Des problèmes analogues se posent dans le raffinage, autour de l’étang de Berre, à Dunkerque, ainsi que dans de nombreuses PME et TPE. À l’évidence, notre pays est entré dans une nouvelle étape de la désindustrialisation.
En dépit d’une relance de la production manufacturière au premier trimestre de 2011, les chiffres sont en stagnation, voire en baisse en cette fin d’année.
M. Roland Courteau. C’est fâcheux !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, que faites-vous devant ces suppressions d’emplois ? Vous misez essentiellement sur de grands groupes multinationaux, oubliant des milliers de PME et de TPE. Inévitablement, notre pays connaît une baisse de son activité industrielle !
Or cette baisse de l’activité industrielle n’est pas une fatalité. Voyez l’Allemagne, qui affiche une santé insolente !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Notre pays n’a pas de politique industrielle. Certes, des déclarations sont faites, mais, à notre grand regret, aucun acte suffisamment fort ne vient soutenir notre industrie, nos industriels, nos salariés, qui ont besoin d’une politique industrielle et d’un Gouvernement qui s’investisse en ce sens.
Monsieur le ministre, quelles sont vos réponses ?
Dans le bassin d’emplois de Sochaux-Montbéliard, qui fait partie de ma circonscription, et où se trouve une usine Peugeot, l’annonce, il y a plusieurs semaines, de la suppression de milliers d’emplois chez ce constructeur automobile a créé un émoi considérable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vos questions mériteraient bien plus qu’une réponse de deux minutes. Je ne peux que me contenter de vous dire une nouvelle fois combien nous sommes attachés à mettre en œuvre les vingt-trois mesures annoncées lors des états généraux de l’industrie.
Ainsi, nous avons créé la conférence nationale de l’industrie, qui a permis d’associer pour la première fois l’ensemble des partenaires sociaux, des industriels à l’élaboration de la politique industrielle.
Nous avons également mis en place la première semaine de l’industrie afin d’associer les plus jeunes et de promouvoir le « fabriqué en France ».
Nous avons nommé un ambassadeur de l’industrie, Yvon Jacob, qui travaille notamment sur une question cruciale pour l’avenir de notre industrie : la réciprocité dans les échanges internationaux.
Nous nous efforçons, avec le ministre de l’économie, François Baroin, de revaloriser le rôle de l’État actionnaire. Nous avons d’ailleurs reçu les dirigeants des grandes entreprises publiques pour leur assigner un certain nombre d’objectifs.
Par ailleurs, nous développons l’emploi et les compétences dans les territoires.
Le dispositif de soutien à la réindustrialisation de 200 millions d'euros pour les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, et les PME, dont vous avez fait état à l’instant dans vos préoccupations, est opérationnel depuis juillet 2010. Des investissements pour un montant de 350 millions d'euros ont été encouragés, et 1 500 emplois ont été créés.
Nous consolidons les filières industrielles françaises, notamment grâce au très important travail de médiation de la sous-traitance mené par Jean-Claude Volot.
Nous avons créé douze comités stratégiques de filières, qui travaillent bien.
Je pourrais vous citer aussi la façon dont nous dopons la compétitivité et l’innovation de nos entreprises avec France Brevets, avec la pérennisation du remboursement immédiat du crédit d’impôt recherche, avec la suppression de la taxe professionnelle, qui est très appréciée par nos industriels, vous le savez. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Il nous reste une étape importante à réaliser : mieux orienter l’épargne des Français vers l’industrie. Nous allons transformer le livret de développement durable en « livret de développement industriel durable ».
J’aurai sans doute l’occasion, au cours de cette séance, d’approfondir un certain nombre des thèmes que je viens de citer.
M. Pierre Martin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, tant la taxe professionnelle que l’impôt sur les sociétés diffèrent considérablement selon que l’on est un artisan, une PME ou une multinationale.
Les nombreux cadeaux fiscaux ont été accordés sans aucune contrepartie. Or notre pays a besoin d’un patriotisme industriel. Il n’en a pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Nous devons développer l’aide à l’industrie, mais, qu’il s’agisse du crédit d’impôt recherche, de l’impôt sur les sociétés, ce soutien doit favoriser les investissements sur le territoire national. Sans contreparties, les grands groupes prendront l’argent, iront sur les marchés émergents et oublieront le sol national. Réagissons : nous avons besoin d’une vraie politique industrielle ; nous n’en avons plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’industrie sidérurgique est en cours de démantèlement en France et dans le reste de l’Europe.
Le groupe ArcelorMittal accélère les délocalisations de production d’acier vers des pays où les réglementations environnementales et sociales lui permettent d’accroître encore ses bénéfices. Le résultat, ce sont neuf hauts fourneaux européens à l’arrêt en 2011, alors que le groupe a dégagé un profit net de 3,5 milliards d’euros durant les neuf premiers mois de l’année 2011 et qu’il a promis 1 milliard de plus en 2012 à ses actionnaires.
Après Gandrange et Liège, le groupe continue la casse de l’outil industriel ici, abandonnant des parts de marché, qu’il récupère en Inde ou ailleurs, et laissant ainsi des milliers de salariés sans emploi.
À l’annonce de l’arrêt du haut fourneau de Florange, des centaines de travailleurs ont été plongés dans l’angoisse : 405 intérimaires et 350 cotraitants remerciés, 600 salariés au chômage technique, 160 fournisseurs et sous-traitants menacés.
La direction d’ArcelorMittal a annoncé la prolongation jusqu’au premier trimestre de 2012 de la fermeture des hauts fourneaux P3 et P6 de Florange et l’arrêt temporaire sur les laminoirs à froid de la ligne d’étamage 2 de la filière packaging sur les aciers d’emballages. Aucune visibilité ! Aucune date de reprise ! Ce sont 45 salariés de plus mis au chômage partiel.
La filière liquide et le packaging sur les aciers d’emballages en Lorraine sont plus que compromis.
Il y a urgence à mettre en œuvre une vraie politique industrielle. Les délocalisations dans la sidérurgie accéléreront les délocalisations dans la métallurgie et dans d’autres secteurs d’activité.
Aujourd’hui, certains se raccrochent au projet ULCOS de captage et de stockage du CO2. N’est-ce pas d’abord un projet destiné à augmenter la productivité – on parle de 30 % – de la filière acier au bénéfice d’ArcelorMittal avec l’argent public ? À quel prix ? Et pensez-vous que l’Europe est prête à investir dans un outil qui fonctionnerait six mois dans l’année ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir la remise en marche et la modernisation des hauts fourneaux P3 et P6 ainsi que le maintien de l’activité sidérurgique en Lorraine ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Madame la sénatrice, la sidérurgie reste un secteur important en France puisqu’elle emploie actuellement 50 000 personnes environ. Nous nous battons pour qu’elle conserve ses positions.
Concernant le site de Florange, ArcelorMittal a annoncé un arrêt temporaire de son haut fourneau ; je ne peux que vous dire ce qu’est l’engagement d’ArcelorMittal, à savoir qu’il n’y aurait pas de fermeture à terme de ce haut fourneau. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le groupe s’est engagé à investir plus de 50 millions d'euros en maintenance. On ne maintient pas un site qu’on a l’intention de fermer.
Nous nous battons aussi pour que le projet ULCOS de captage et de stockage du CO2, qui ferait du site de Florange l’un des plus compétitifs en Europe, se réalise.
Vous avez évoqué un certain nombre de pistes. Nous avons réservé une enveloppe de 150 millions d'euros aux investissements d’avenir. J’ai signé, il y a une quinzaine de jours, le permis exclusif de recherches nécessaire pour ce projet. Je suis allé à Bruxelles, le 8 novembre dernier, plaider ce projet auprès des trois commissaires européens concernés, afin que les financements européens – 250 millions d'euros – puissent être accordés.
S’agissant de Gandrange, je vous ai trouvée un peu injuste. Sachez que, sur les 571 suppressions de postes qui ont eu lieu, 99 % des salariés ont été reclassés et ont retrouvé un emploi. La promesse du Président de la République a donc été respectée.
M. Roland Courteau. À vérifier !
M. Éric Besson, ministre. ArcelorMittal a par ailleurs signé avec l’État une convention d’ancrage territorial très exigeante, qui a conduit à la réalisation de 30 millions d'euros d’investissements additionnels : laminoirs et ateliers de coupe, centre technique de formation des apprentis, fonds lorrain des matériaux. En outre, ArcelorMittal finance une convention classique de revitalisation à hauteur de 3 millions d'euros afin d’aider à la création de projets locaux.
Je le répète, les engagements demandés par le Président de la République ont été tenus : tous les salariés ont été reclassés et ArcelorMittal consacre des moyens importants à la revitalisation du site.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je doute que cette réponse soit à la hauteur des enjeux.
Le déclin de l’industrie française est fort et marqué : 600 000 emplois ont disparu dans le secteur ces dix dernières années, fruits amers des gains de productivité arrachés au travail et au développement du « précariat », notamment sous la forme du travail intérimaire.
La recherche de la rentabilité financière de court terme trouve toute application : ici, délocalisation – ma collègue Évelyne Didier l’a rappelé et je le constate sur le site Sevelnord, dans mon département du Nord – ; là, liquidation de la recherche-développement ; ailleurs, absence d’investissements productifs ; partout, réduction progressive de l’emploi comme des capacités de production.
Cette course au profit met en cause l’industrie comme élément durable et fondateur de notre économie.
Aujourd’hui, 16 % du PIB français dépendent de l’industrie, contre 30 % en Allemagne. Il est temps d’arrêter ce déclin, en s’appuyant non pas sur le Fonds stratégique d’investissement, qui n’a rien réglé, mais sur nos atouts, nos plus grandes entreprises, les compétences et qualités de leurs salariés – techniciens, cadres comme ouvriers. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ceux qui, comme moi, parcourent la France depuis quarante ans sont en mesure d’apprécier le véritable saccage de son industrie.
Dans des régions comme la Picardie, où autrefois les usines fumaient, il n’y a plus que des friches industrielles.
La Lorraine comptait 80 000 employés dans la sidérurgie, contre 4 000 aujourd'hui. Désormais, 90 000 Lorrains travaillent à l’étranger, notamment dans les banques luxembourgeoises.
M. Bourquin vient d’évoquer les 4 000 emplois, en particulier dans le secteur de la recherche-développement, qui vont être supprimés chez Peugeot, notamment sur le site de Sochaux-Belchamp.
Monsieur le ministre, la surévaluation de l’euro, que le rapport sur la réindustrialisation de nos territoires n’aborde qu’en page 182, joue selon moi un rôle tout à fait essentiel dans la désindustrialisation de la France. Or le rôle du change dans le commerce international a toujours été caché par les tenants de la monnaie forte.
L’euro, dont le cours de lancement était à 1,16 dollar au 1er janvier 1999, cours qu’il a retrouvé en 2003, n’a cessé d’être surévalué, dans une proportion de 20 % à 50 %. Ainsi, il s’échangeait contre 1,40 dollar en 2004, 1,60 dollar en 2008 et 1,50 en 2009. Malgré la crise qui le frappe depuis 2010, son cours reste aujourd’hui à 1,37 dollar, c’est-à-dire à plus de 20 % au-dessus de son cours de lancement.
La part de l’industrie française dans la valeur ajoutée, tombée à près de 30 % au début des années quatre-vingt, s’établit aujourd'hui à 16 %, contre 22 % il y a six ans.
Selon les statistiques fournies par M. Estrosi, l’industrie ne représente plus que 13 % de l’emploi total, soit 3,3 millions de personnes, contre 5,5 millions au début des années quatre-vingt.
Nos parts de marché à l’exportation ont régressé. Elles représentaient 8 % au début des années quatre-vingt, contre 3,8 % aujourd'hui.
Au début de son mandat, le Président Sarkozy évoquait en termes forts le handicap que constituait pour l’industrie française un euro trop cher. Ce thème a toutefois disparu de son discours. L’alignement sur l’Allemagne est devenu le leitmotiv de ses interventions.
Une monnaie est faite pour un pays ! Vouloir étendre un « mark bis » – l’euro – au reste de l’Europe était une erreur.
M. Roland Courteau. Le temps de parole est dépassé !
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous que la monnaie branlante qu’est l’euro reste surévaluée ?
En tant que ministre de l’industrie, quelles initiatives avez-vous prises pour rendre notre monnaie moins chère ? (Marques d’impatience sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Didier Guillaume. Deux minutes !
M. Jean-Pierre Chevènement. M. Trichet s’est toujours retranché derrière les missions données à la Banque centrale européenne pour ne rien faire.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Chevènement. Quelle démarche le Gouvernement français a-t-il effectuée pour obtenir que la révision du traité de Lisbonne porte aussi sur le rôle de la BCE, afin de rendre le change plus compétitif ? Êtes-vous conscient de la nécessité d’une monnaie moins chère pour réindustrialiser la France ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, c’est vrai, l’industrie française a vu depuis trente ans son poids reculer, dans l’emploi comme dans la valeur ajoutée. Pour autant, ne cédons pas au « déclinisme » ambiant. Cela vaut en particulier pour vous au regard de votre parcours.
Notre industrie représente encore 3 700 000 emplois directs et indirects. En termes d’exportations, elle occupe toujours le deuxième rang en Europe et le cinquième rang dans le monde.
En vingt-cinq ans, notre industrie a multiplié par trois sa production et par 4,5 ses exportations.
Pour la première fois depuis un quart de siècle, même si les chiffres ne sont pas grandioses, l’emploi industriel s’est stabilisé en France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) En outre, selon l’INSEE, notre industrie a déjà retrouvé plus des deux tiers de son niveau d’avant la crise de 2008.
Autre point, que l’on évoque rarement : cette année, nous avons dénombré plus de 360 créations ou extensions d’usines sur nos territoires, soit une par jour.
Par ailleurs, vous avez raison, la France connaît des problèmes de compétitivité. On pourrait débattre de la part relative des différents facteurs ; il y a eu de nombreux rapports sur le sujet. Je ne suis pas sûr toutefois que l’on puisse tout imputer à l’euro, en affirmant que l’euro est surévalué ou que d’autres monnaies sont sous-évaluées.
Tout d’abord, depuis 2008, l’euro s’est déprécié de 18 % par rapport au dollar.
Ensuite, vous le constatez comme moi, le cours de l’euro n’empêche pas certains de nos industriels de battre des records commerciaux : par exemple, Airbus n’a jamais autant vendu qu’en 2011 et aura plus de 4 000 avions à livrer dans les prochaines années.
Pour autant, le niveau de l’euro reste une préoccupation du Gouvernement et, au premier chef, du Président de la République. En témoigne l’action du Président, dans le cadre du G20, pour résorber les déséquilibres monétaires mondiaux. Malheureusement, je n’ai pas le temps de vous décrire les initiatives qui ont été prises en ce sens.
Monsieur Chevènement, vous avez raison, il faut protéger notre industrie de toute guerre des changes. C’est ce que nous faisons, mais nous devons mener dans le même temps une politique industrielle ambitieuse dont je n’ai eu le temps précédemment que de décrire les têtes de chapitre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.
Je rappelle que vous disposez d’une minute, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, ne vous leurrez pas ! Le déclin est malheureusement une réalité. Mais vous ne faites rien pour lutter contre ce déclin !
M. Joël Guerriau. À qui la faute ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Je vous l’accorde, le choix d’une monnaie forte est ancien, mais les choses s’accélèrent !
La France compterait encore 3 700 000 emplois industriels, directs et indirects. Il faut toutefois mettre les choses en perspective : au début des années quatre-vingt, le nombre de ces emplois était de l’ordre de 8 à 9 millions !
M. Patrick Artus vient de cosigner un livre intitulé La France sans ses usines. Une « entreprise sans usine », c’est justement ce que souhaitait faire d’Alcatel son patron, M. Tchuruk. Nous y sommes désormais ! Mais la France sans usine, c’est la fin de la France.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous soyez conscients, vous, M. Sarkozy et d’autres encore, que, dans la période troublée qui s’annonce avec la crise de la monnaie unique, la recherche d’une monnaie moins chère doit demeurer notre cap. Sinon, c’en sera fini de la France !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, en un peu plus de vingt ans, la part industrielle française dans le PIB national est passée de plus de 30 % à un peu moins de 15 %. II y a d’autant moins de fatalité à cette régression que notre pays dispose de grands groupes industriels, leaders mondiaux dans leur domaine, et d’un tissu de PMI-PME dont les savoir-faire ne demandent qu’à être mobilisés, à travers des filières à forte composante technologique.
Permettez-moi d’évoquer le domaine des énergies renouvelables, en particulier de l’énergie solaire, dont la région Rhône-Alpes, que vous connaissez bien, constitue un territoire d’excellence.
Si Photowatt vient de franchir une nouvelle étape difficile dans un contexte international perturbé, la filière démontre sa capacité à être un acteur de niveau mondial ; je pense à Soitec dans le solaire par concentration, à la vente récente d’une première usine clés en main par un consortium français au détriment de ses compétiteurs allemand et japonais ou encore au succès international de la société Fonroche à Agen.
Les partenariats conduits par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et l’Institut national de l’énergie solaire avec plus de deux cents industriels, dont plus de cent PMI-PME, démontrent cette capacité de la filière française.
Lors de son déplacement en Savoie sur le thème du développement des énergies renouvelables, le 9 juin 2009, le Président de la République rappelait l’importance de l’énergie, son soutien à l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables et son engagement en vertu duquel, lorsque l’on dépensera « un euro pour le nucléaire, on dépensera un euro pour les énergies propres ».
Or, dans son dernier rapport, auquel a contribué le laboratoire américain de référence NREL, le réseau REN21 a rappelé que les cinq premiers investisseurs dans le domaine des énergies renouvelables étaient la Chine, l’Allemagne, les États-Unis, l’Italie et le Brésil, loin devant la France.
Monsieur le ministre, j’ai deux questions à vous poser.
La première concerne le marché national, qui, bien que limité dans son volume à la suite du moratoire, mérite de pouvoir bénéficier aux produits et équipements les plus respectueux de l’environnement en matière d’émissions de gaz à effets de serre, ce qui est le cas des produits fabriqués en France.
Ne peut-on instaurer une norme environnementale qui permettrait de procéder à une sélection objective en fonction de la qualité et des garanties des matériels et équipements vendus ?
La seconde question concerne le soutien à la filière industrielle française, qu’il s’agisse du solaire thermique, du solaire photovoltaïque ou du solaire par concentration.
Quels sont les moyens prévus dans le cadre du plan de relance du grand emprunt que le Gouvernement entend mobiliser au profit de cette filière, dans le prolongement des engagements du Président de la République ?