M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 51.
Article 51 bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 722-17 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « pouvant prétendre en raison de leur âge aux prestations de vieillesse » sont remplacés par les mots : « réunissant pas la durée minimale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes mentionnée à l’article L. 732-25 ». – (Adopté.)
Article 51 ter (nouveau)
Après le b de l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux deux premiers alinéas et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, les personnes mentionnées à l’article L. 321-5 et au 2° de l’article L. 722-10 du présent code qui justifient des conditions fixées aux a et b du présent article peuvent cumuler leur pension de vieillesse non salariée agricole avec une activité professionnelle non salariée agricole exercée sur une exploitation ou entreprise agricole donnant lieu à assujettissement du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole. » – (Adopté.)
Article 51 quater (nouveau)
Au 2° de l’article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 732-18-3, ». – (Adopté.)
Article 51 quinquies (nouveau)
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ce minimum n’est pas applicable aux pensions de réversion issues d’une pension dont le montant est inférieur au minimum prévu à l’article L. 351-9. »
II. – Le présent article s’applique aux pensions de réversion prenant effet à compter du 1er juillet 2012. – (Adopté.)
Article 51 sexies (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 634-3-3 du code de la sécurité sociale, après la deuxième occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail ». – (Adopté.)
Article 51 septies (nouveau)
I. – L’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 816-1. – Le présent titre est applicable aux personnes de nationalité étrangère qui répondent à l’une des conditions suivantes :
« 1° Être titulaire depuis au moins dix ans d’un titre de séjour autorisant à travailler ;
« 2° Être réfugié, apatride, avoir combattu pour la France ou bénéficier de la protection subsidiaire ;
« 3° Être ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, dans les conditions mentionnées à l’article L. 262-6 du code de l’action sociale et des familles. »
II. – Le présent article s’applique aux demandes déposées postérieurement à la publication de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 41 est présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 132 rectifié est présenté par Mmes Cohen et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 139 est présenté par M. Caffet, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 301 est présenté par Mme Escoffier et M. Collombat.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteure, pour présenter l’amendement n° 41.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. En réponse à des amendements visant à purement et simplement priver les étrangers non communautaires résidant en France de l’accès au minimum vieillesse, le Gouvernement a fait adopter par l’Assemblée nationale l’article 51 septies, qui soumet ces étrangers à des conditions d’attribution plus restrictives.
L’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ne serait ainsi plus accordée aux étrangers non communautaires que dans le cas où ils possèdent depuis plus de dix ans – contre cinq ans aujourd’hui – un titre de séjour les autorisant à travailler en France ; la même exigence s’appliquerait aux titulaires de la carte de résident.
Contrairement au Gouvernement et à ceux qui l’ont inspiré, nous ne pensons pas que l’ASPA, d’un montant de 742 euros par mois pour une personne seule et de 1 181 euros par mois lorsque les deux membres du couple en bénéficient, provoque un flux d’immigration vers notre pays. C’était l’un des arguments avancés.
Les nouvelles conditions imposées par l’article 51 septies, s’il entrait en vigueur, ne feraient qu’accentuer les difficultés des personnes âgées qui résident régulièrement en France depuis plusieurs années et qui ont apporté leur force de travail à notre pays.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 132 rectifié.
M. Dominique Watrin. Comme le précédent, l’amendement n° 132 rectifié vise à supprimer l’article 51 septies, issu d’une initiative de soixante-sept députés de la majorité gouvernementale.
Les auteurs de l’amendement dont cet article est issu tirent argument d’une augmentation de 20 % en cinq ans du coût de l’ASPA. Dans leur exposé des motifs, ils font valoir que, sur 70 930 allocataires, 22 803 sont des ressortissants étrangers hors espace économique européen.
La ficelle est un peu grosse : les coûts augmenteraient à cause du nombre trop important de bénéficiaires étrangers… Ce discours en rappelle d’autres, que nous étions plus habitués à entendre à l’extrême droite !
Cette analyse stigmatisante ignore plusieurs réalités.
Tout d’abord, l’ASPA n’est pas exportable : autrement dit, ses bénéficiaires vivent durablement sur le territoire national. Sa vocation première – permettre aux personnes âgées n’ayant pas cotisé suffisamment de vivre dignement dans notre pays – est donc parfaitement respectée, en l’état actuel des choses.
Surtout, on prétend faire supporter par les personnes âgées étrangères non ressortissantes de l’Union européenne une responsabilité qu’elles n’ont pas à assumer, elles qui sont les victimes d’une situation économique dégradée : le sous-emploi d’une partie toujours plus grande de nos concitoyens, nationaux ou non, les expose à des durées de travail partielles, donc à des périodes incomplètes de cotisation.
En plus donc d’être stigmatisant, l’article 51 septies fait supporter par les retraités les conséquences de la précarisation du travail.
Je rappelle enfin que si les dépenses liées à l’ASPA ont bien augmenté de 20 %, c’est principalement du fait de la revalorisation de 25 % du montant de cette prestation – une promesse de Nicolas Sarkozy qui, pour une fois, a été tenue…
Cette revalorisation était nécessaire. La droite, y compris celle qui se prétend « populaire », ne peut pas en prendre prétexte pour diminuer le nombre des bénéficiaires !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 139.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. À cette heure tardive, je me contenterai de dire que l’amendement adopté par la commission des finances est identique à celui qui a été présenté par Mme Demontès au nom de la commission des affaires sociales et que nos motivations sont tout à fait similaires à celles que les deux précédents orateurs viennent d’exposer.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 301.
Mme Anne-Marie Escoffier. J’ajoute ma voix au concert de nos collègues qui viennent de s’exprimer.
Nos échanges me rappellent d’autres débats, notamment ceux qui ont accompagné le durcissement de toutes les lois qui concernent les étrangers. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas soutenir l’article 51 septies.
De surcroît, je ne comprends pas pourquoi l’obligation de résidence serait portée à dix ans, alors que la condition est seulement de cinq ans lorsqu’il s’agit de nationalité…
J’ajoute qu’une catégorie d’étrangers me semble avoir été complètement oubliée : celle des demandeurs d’asile. On ne sait jamais où en sont ces personnes, qui ne bénéficient d’aucune sorte de droit… Il me semble qu’il y a là une véritable lacune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces quatre amendements identiques ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’avis est défavorable.
Je trouve particulièrement intéressant de constater de nouveau que vous aurez beau accumuler les arguties, ce débat se résume une nouvelle fois à ceci : nous proposons une modification qui, sans priver les bénéficiaires de leurs droits, permet de faire des économies ; et vous n’en voulez pas !
Il s’agit d’une différence fondamentale entre les propositions du Gouvernement et de sa majorité parlementaire et celles de l’opposition et de la majorité sénatoriale.
Les choses doivent être claires ; elles le sont ce soir. Vous vous expliquerez avec les Français, qui veulent préserver leur modèle social mais savent que cela suppose des économies.
Sur un sujet comme celui-ci, nous pouvons et nous devons faire ces économies. Mais vous vous y refusez ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. D’une certaine manière, l’article 51 septies vise à corriger une inégalité au sein de la population étrangère éligible à l’ASPA.
Les étrangers non communautaires sont éligibles à l’ASPA s’ils remplissent les conditions d’âge et de ressources, résident en France de façon stable et régulière plus de six mois par année civile et sont en situation régulière sur le territoire national. Ils doivent en outre justifier de la détention, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour les autorisant à travailler.
L’ASPA est une prestation à vocation sociale non contributive. À ce titre, elle ne peut faire l’objet d’une discrimination fondée sur la seule nationalité.
Or, dans certains cas, elle peut être attribuée à des étrangers non communautaires sans que ceux-ci aient à justifier d’un séjour en situation régulière depuis au moins cinq ans ; c’est notamment le cas pour les bénéficiaires du regroupement familial, qui sont éligibles immédiatement.
Cette situation, inégalitaire par rapport à celle des autres étrangers, n’est pas justifiée.
Il est utile que le versement de l’ASPA aux personnes âgées soit réglementé de manière plus juste : c’est précisément, comme l’a rappelé M. le ministre, l’objet de l’article 51 septies.
Cet article a pour effet de déconnecter l’ASPA de la détention d’une carte de résident. Il instaure une égalité de traitement entre tous les étrangers non communautaires, qui seront tous ainsi soumis à la condition de résidence préalable de droit commun pour bénéficier de l’ASPA.
Il ne s’agit absolument pas de remettre en cause l’accueil des étrangers en France de façon régulière, ni la garantie d’un niveau de vie décent dans notre pays, mais il convient de faire en sorte que l’on ne puisse pas immédiatement bénéficier de la solidarité nationale sans aucune contrepartie.
Afin d’offrir une stabilité juridique devenue indispensable, l’article 51 septies porte en outre la condition de résidence de cinq à dix ans : désormais, tous les étrangers, à l’exception des réfugiés et des apatrides, devront prouver, pour avoir droit à l’ASPA, qu’ils résident en France de manière régulière depuis dix ans.
Le relèvement de la condition de résidence de droit commun prouve que personne n’est stigmatisé. Bien au contraire : il s’agit d’apporter des garanties pour que ce système puisse perdurer.
J’ajoute que cet article s’appliquera seulement aux demandes nouvelles.
Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe UMP et moi-même voterons contre ces amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41, 132 rectifié, 139 et 301.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 51 septies est supprimé.
Article 52
Pour l’année 2012, les objectifs de dépenses de la branche Vieillesse sont fixés :
1° Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 210,5 milliards d’euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 110,7 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteure.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. Comme elle l’a fait pour ceux de la branche maladie, la commission des affaires sociales demande au Sénat de rejeter les objectifs de dépenses de la branche vieillesse.
La réforme des retraites adoptée l’an passé se caractérise par ses effets injustes sur les catégories les moins favorisées : les assurés aux parcours professionnels discontinus, en premier lieu les femmes, les seniors privés d’emploi et les salariés aux conditions de travail les plus pénibles.
Le retour à l’équilibre n’est pourtant nullement assuré, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement. D’ores et déjà, nous savons que les transferts escomptés de l’assurance chômage vers l’assurance vieillesse sont compromis – nous le voyons malheureusement chaque mois avec l’augmentation du chômage…
Par ailleurs, certains déficits ne sont pas traités, en premier lieu le déficit du régime des exploitants agricoles.
Nous vous demandons donc de rejeter l’article 52.
M. le président. Je mets aux voix l’article 52.
(L’article 52 n’est pas adopté.)
Section 3
Dispositions relatives aux dépenses des accidents de travail et de maladies professionnelles
Article 53
Le montant du versement mentionné à l’article L. 176-1 du code de la sécurité sociale est fixé, pour l’année 2012, à 790 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article fixe le montant de la compensation par la branche AT-MP à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. L’article 40 de la Constitution nous empêche d’en augmenter le montant. Ce n’est pourtant pas l’envie qui nous en manque !
Par rapport à l’année dernière, monsieur le ministre, vous augmentez cette compensation de 80 millions d’euros. C’est nécessaire, mais nous pensons que c’est encore en deçà de la réalité des besoins.
Si l’on regarde quelques années en arrière, force est de constater que la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ne cesse d’augmenter, en dépit de quinze années d’actions consacrées à la juguler : en 1997, son montant estimé était de 135 millions en équivalent euros ; aujourd’hui, la commission Diricq estime, dans son dernier rapport, que la sous-déclaration pourrait représenter jusqu’à 1,1 milliard d’euros de dépenses. Certes, entre-temps, le périmètre considéré a évolué, mais le problème demeure aigu et, surtout, les causes sont toujours les mêmes : certaines victimes ne connaissent pas leurs droits et certains employeurs font pression pour que des accidents ou maladies d’origine professionnelle ne soient pas déclarés ou reconnus comme tels.
Par ailleurs, plus de la moitié de la sous-déclaration, telle qu’elle est évaluée par la commission Diricq, concerne des cas de cancers d’origine professionnelle, plus particulièrement ceux qui sont liés à l’amiante. Il est insupportable que ces maladies ne soient pas prises en charge par la branche.
Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, mène, de son côté, une action déterminée pour l’indemnisation des victimes de mésothéliomes. Mais qu’en est-il de la branche ?
Monsieur le ministre, quelles actions envisagez-vous, au-delà de ce que recommande la commission Diricq, pour mettre fin à cette situation ? J’espère que vous pourrez nous donner quelques éléments de réponse. Je rappelle que c’est l’une des raisons pour lesquelles la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Nous devons faire un effort particulier pour résoudre ce problème, car cette situation ne saurait perdurer. Le phénomène de sous-déclaration s’accroît en effet sans cesse. Il nous faut donc absolument veiller à ce que les déclarations soient établies correctement, par les services hospitaliers comme par les médecins libéraux, et que toutes les cotisations des entreprises soient effectivement perçues.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l’article.
Mme Jacqueline Alquier. Au cours de cette intervention, je n’hésiterai pas à reprendre quelques-uns des arguments que vient d’exposer M. le rapporteur, car répéter, c’est se donner une chance supplémentaire d’être entendu…
Cet article prévoit donc, à la charge de la branche AT-MP, une compensation de 790 millions d’euros à l’assurance maladie, au titre de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles.
Nous tenons à dénoncer un manque flagrant de volonté politique de la part du Gouvernement en la matière. En effet, le montant estimé de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance est en augmentation constante depuis 1997. Si ce problème demeure, c’est parce que les causes, bien qu’identifiées, sont toujours aussi présentes, et même aggravées dans le contexte de fort chômage que nous connaissons.
On exige des salariés une productivité maximale, alors que les consignes de sécurité sont souvent moins bien indiquées et moins bien suivies.
Le problème est particulièrement dramatique pour les travailleurs précaires, salariés en contrat à durée déterminée ou en intérim, prestataires de service de tous ordres, qui n’ont pas accès, la plupart du temps, aux services de prévention ou de santé des grandes entreprises. Ils sont pourtant chargés d’effectuer, en général, les tâches les plus dures et les plus dangereuses, sans qu’ils aient véritablement pu suivre une formation professionnelle à la sécurité.
Il est avéré que la précarité est un facteur supplémentaire de risque professionnel.
La prévention est insuffisante à cause d’un réel manque de moyens.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles a signé une centaine de protocoles de prévention avec des services de santé au travail. Or il n’a pas été envisagé, dans la récente réforme de la médecine du travail, de mesures permettant de résoudre le problème de la pénurie des médecins du travail. Cette réforme a en revanche maintenu la prééminence des organisations patronales au sein des services de santé, portant ainsi atteinte à l’indépendance des médecins de ces services. En outre, elle autorise des dérogations pour le suivi de certaines catégories de salariés, encore une fois ceux qui sont les plus fragiles, parce qu’ils sont les plus précaires.
Les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles sont longues et souvent compliquées ; les salariés manquent d’informations et subissent souvent des pressions de la part des employeurs.
La commission Diricq note également, dans son rapport, que certains employeurs dissimulent des accidents du travail, car ils craignent d’afficher des taux de sinistralité qui induiraient une augmentation de leurs cotisations à la branche AT-MP. Par ailleurs, il arrive que des pathologies émergentes ou mal connues ne figurent pas sur les tableaux des maladies professionnelles.
Tous ces facteurs participent à la récurrence des phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance qui rendent nécessaire le versement d’une compensation à l’assurance maladie.
Plutôt que d’entériner ce constat, année après année, le Gouvernement ne pourrait-il pas responsabiliser les employeurs par des mesures fortes et justes, qui les inciteraient réellement à prévenir les pathologies professionnelles et à assumer l’indemnisation des victimes du travail ?
Les mesures actuelles ne témoignent pas de cette volonté et sont, trop souvent, de pur principe et d’affichage. La santé au travail n’est manifestement la priorité ni des employeurs ni du Gouvernement. (M. Alain Milon proteste.)
Dans ce contexte, les préconisations de la commission Diricq nous semblent aller globalement dans le bon sens. Nous serons attentifs à leur mise en œuvre.
Le groupe socialiste s’abstiendra sur cet article, afin de ne pas priver l’assurance maladie de la compensation à laquelle elle a droit, même si le montant proposé se situe plutôt dans la fourchette basse des estimations de la commission. Celle-ci considère en effet que le coût de la sous-déclaration pourrait atteindre 1,110 milliard d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Comme l’ont rappelé le rapporteur et Jacqueline Alquier, cet article fixe le montant de la compensation versée à la branche maladie par la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Dans son rapport, Jean-Pierre Godefroy souligne, par ailleurs, que « la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles apparaît de plus en plus importante ».
Si une part minime de cette sous-déclaration peut être le fait de salariés qui oublient de déclarer leurs accidents ou maladies liés au travail, elle est d’abord, et avant tout, le fait des employeurs qui rechignent à déclarer les accidents du travail, afin de réduire le taux de sinistralité.
L’Humanité a récemment révélé que la société Bouygues avait volontairement tenté de réduire le véritable chiffre des accidents du travail sur le chantier de l’EPR de Flamanville.
En avril, l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, avait indiqué qu’elle enquêtait sur une sous-déclaration du nombre d’accidents du travail sur ce chantier ; un accident sur quatre ne serait ainsi pas déclaré. L’ASN déclarait, dans un procès-verbal : « Le fait que cette démarche ait été intentionnelle et se soit répétée alors même que ces sociétés avaient pleinement connaissance de l’obligation de déclarer tout accident démontre l’intention d’éluder l’information de l’inspecteur du travail et donc de détourner la surveillance ».
Certes, tous les employeurs ne méconnaissent pas leurs obligations légales dans les mêmes proportions Il n’en demeure pas moins que la sous-déclaration est massive, notamment pour ce qui concerne les cancers professionnels.
Cette réalité, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez semble la méconnaître lorsqu’il propose, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, une compensation très inférieure au coût de la sous-déclaration tel qu’il est évalué dans le rapport Diricq, soit 1,1 milliard d’euros, pour la fourchette haute retenue par les auteurs du rapport.
Il est temps, comme le rappelle la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, que les salariés, y compris ceux qui sont victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, cessent de payer pour les employeurs. C’est parce que ces derniers sont responsables de l’état de santé des salariés qu’ils sont les seuls cotisants à cette branche.
Or, en refusant d’assurer à la branche maladie la compensation intégrale des sommes qu’elle engage pour les salariés victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, vous socialisez le financement des soins qui leur sont prodigués, monsieur le ministre. Vous faites supporter par les salariés une partie des dépenses liées à ces accidents et à ces maladies, alors que les employeurs devraient être les seuls financeurs.
Pour éviter cette situation, et en attendant que des mesures plus efficaces soient prises pour contraindre les employeurs à respecter la santé des salariés, nous n’avons qu’une solution : augmenter le montant de la compensation. Mon groupe avait ainsi déposé un amendement visant à porter le montant de la compensation de 790 millions d’euros à 1,105 milliard d’euros, conformément aux préconisations de la commission Diricq, mais l'amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances.
Comme il ne peut ni voter contre l’article 53, au risque de priver l’assurance maladie de cette compensation, ni augmenter le montant prévu, le groupe CRC s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Les membres de la commission ont décidé, dans leur majorité, de s’abstenir lors du vote de cet article afin, comme vient de l’expliquer notre collègue Annie David, par ailleurs présidente de la commission des affaires sociales, de ne pas priver l’assurance maladie de 790 millions d’euros de recettes.
Il conviendra, à l’avenir, de se pencher sérieusement sur les comptes de la branche AT-MP. L’an prochain, la Cour des comptes se prononcera de nouveau sur le sujet, et nous ne pouvons pas savoir ce qu’il en sera alors. Nous devrons, quoi qu’il en soit, y voir beaucoup plus clair !
J’ajoute, en remettant ma casquette d’élu local, qu’il est déplorable de constater, sur un chantier aussi important et emblématique que celui de l’EPR de Flamanville, un tel taux de sous-déclaration et des conditions de travail aussi déplorables.
M. Alain Milon. Arrêtez l’EPR ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je souhaite rappeler aux trois orateurs qui viennent de s’exprimer, et plus particulièrement à M. Godefroy, que la France arrive en tête des pays européens pour la reconnaissance des cancers professionnels liés à l’amiante, devant l’Allemagne.
J’ai pris, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, de nouvelles dispositions visant à rendre notre pays encore plus exemplaire en matière de prise en compte des accidents du travail et des maladies professionnelles, et de protection des salariés. En tant que ministre de la santé, je considère que nous devons renforcer notre efficacité en la matière. C’est pourquoi nous étudions actuellement, en particulier dans le cadre du plan cancer 2009-2013, les moyens d’améliorer le dépistage et la prise en charge de ces cancers.
Bien que nous soyons les plus avancés en Europe à cet égard, nous ne sommes pas quittes pour autant, et nous devons encore progresser, mesdames, messieurs les sénateurs.