M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Godefroy, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article L. 452-2, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation intégrale de ses préjudices. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les ayants droit de la victime mentionnés à l'article L. 434-7 ainsi que les ascendants et descendants et les ayants droit au sens du droit civil qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles ont droit à réparation intégrale des préjudices subis. » ;
3° Au deuxième alinéa, les mots : « du préjudice moral » sont remplacés par les mots : « intégrale des préjudices subis » ;
4° Le dernier alinéa est supprimé.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 18 juin 2010, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, sur la conformité à la Constitution du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
La décision Époux L. est la première comportant des réserves d’interprétation sur des dispositions en vigueur. Le Conseil a en effet jugé que le principe de responsabilité découlant de l’article IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 interdit de restreindre de façon disproportionnée le droit d’indemnisation des victimes.
Ainsi, l’ensemble des dommages non couverts par les dispositions spécifiques relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles doit pouvoir être indemnisé en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Il résulte de cette décision que sont contraires à la Constitution les dispositions limitatives de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qui énumère la liste des préjudices indemnisables dont la victime peut demander réparation dans ce cas.
Nous cherchons, par cet amendement, à conduire à son terme la logique de cette décision du Conseil constitutionnel. Nous demandons en effet que la victime d’une faute inexcusable soit indemnisée intégralement de son préjudice par l’employeur.
Nous savons, monsieur le ministre, que des travaux sont en cours sur cette question. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus ? Nous pensons, pour notre part, que nous pouvons et devons progresser dès aujourd’hui.
Notre amendement, monsieur le ministre, souffre néanmoins d’un défaut que j’admets volontiers : en effet, pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, nous avons été contraints de supprimer le dernier alinéa de l’article L. 452-3, qui prévoit que la branche fait l’avance des sommes dues aux victimes et se retourne ensuite contre l’employeur. C’est là un point central pour les victimes qui, ainsi, n’ont pas à engager de contentieux.
Aussi, monsieur le ministre, en espérant obtenir votre accord, nous vous demandons de bien vouloir supprimer le quatrième alinéa de notre amendement et donc de rétablir le dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. En effet, dans le cadre des règles constitutionnelles qui s’imposent à nous, vous seul avez le pouvoir de rétablir l’avance par les caisses de la branche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement serait tenté de demander le retrait de l’amendement n° 42 pour une simple et bonne raison : les partenaires sociaux adhèrent aux principes que nous avons retenus, avec notamment la désignation d’une personnalité qualifiée. Il s’agit de Mme Rolande Ruellan, ancienne présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui va associer l’ensemble des acteurs concernés à ses travaux.
Il s’agit donc bien d’une démarche participative, dans laquelle chacun se reconnaît. Sauf erreur de ma part, l’adoption de cet amendement poserait problème au regard de cette démarche.
Le Gouvernement aurait préféré que l’amendement soit retiré et, en tous les cas, émettra un avis défavorable si l’amendement est maintenu.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Nous prenons acte des éléments que vous portez à notre connaissance, monsieur le ministre. Il faut donc que les victimes attendent…
M. Alain Milon. Comme les enfants sourds ! (Murmures sur plusieurs travées.)
Mme Muguette Dini. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. … malgré la décision du Conseil constitutionnel.
Or, vous l’imaginez bien, dans le cas d’accidents de cette nature, l’attente est très préjudiciable. Bien sûr, nous l’admettons, la situation est complexe et il faut tenir compte de l’avis des partenaires sociaux.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exact !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cela étant, je vous ai souvent entendu dire, monsieur le ministre – sans doute à juste titre – que si, à un moment donné, les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’entendre, il faut prendre ses responsabilités.
Eh bien, mes chers collègues, je vous invite à appliquer la jurisprudence Bertrand (Sourires.), comme je l’ai déjà fait cette après-midi.
Le rapport de Mme Ruellan aura bien sûr toute son importance, car l’indemnisation des victimes du travail ne peut rester sans lien avec l’évolution de la responsabilité civile en général.
Monsieur le ministre, au regard de votre avis défavorable, je préfère retirer l’amendement n° 42. En effet, son adoption risquerait d’empêcher toute avance par la branche, ce qui serait extrêmement préjudiciable aux victimes. Or notre but n’est évidemment pas de nuire aux victimes, mais bien de leur apporter une plus grande satisfaction !
Mme Jacqueline Alquier. Nous suivons notre rapporteur !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. En conséquence, je retire l’amendement n° 42, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 42 est retiré.
L'amendement n° 43, présenté par M. Godefroy, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 452-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 452-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 452-6. - Les dispositions des articles L. 452-1 à L. 452-5 sont applicables, dans des conditions définies par voie réglementaire, aux salariés mentionnés au 8° de l’article L. 412-8. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Quoique différent, cet amendement répond à la même logique que le précédent.
Le régime de sécurité sociale des gens de mer est défini par le décret-loi du 17 juin 1938, relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins. En application de ce texte, les marins victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficient de prestations en nature permettant la prise en charge de leurs frais médicaux ainsi que le versement d’une indemnité journalière forfaitaire qui n’est cependant pas accordée si l’accident ou la maladie professionnelle résulte d’un fait intentionnel de l’intéressé.
Par ailleurs, le même décret-loi prévoit que la victime peut obtenir par voie contentieuse – j’insiste sur ce point – une réparation intégrale de ses préjudices si l’accident du travail ou la maladie professionnelle résulte de la faute d’un tiers. Mais le décret exclut expressément cette possibilité lorsque l’accident ou la maladie provient d’une faute inexcusable de l’employeur.
Dès lors, le dispositif de réparation complémentaire, voire intégrale en cas de faute intentionnelle, prévu par les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, et dont bénéficient tous les autres salariés, ne s’applique pas aux marins de l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM. Il s’agit, je le rappelle, du plus vieil établissement de solidarité en France, qui fut créé par Colbert !
Dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a clairement affirmé – toujours en conséquence de l’article IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – que les marins ressortissants au régime de l’ENIM ne pouvaient être privés du complément d’indemnisation lié à une faute inexcusable de leur employeur.
L’article 20 du décret-loi précité est donc anticonstitutionnel.
Certes, monsieur le ministre, la décision du Conseil constitutionnel produit tous ses effets en jurisprudence, puisque la Cour de cassation a ouvert aux gens de mer le bénéfice de l’indemnisation prévue au titre 4 du code de la sécurité sociale. Il nous paraît cependant important, pour la clarté du droit, qu’elle figure dans le code de la sécurité sociale : tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les conditions d’application par les tribunaux de la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et proposant des modifications législatives garantissant l’automaticité, la rapidité et la sécurité de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, comme vous le savez, le 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a rendu une décision capitale en matière d’indemnisation des accidentés du travail.
Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation, le 10 mai 2010, dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions portant sur le régime d’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles.
Si le Conseil a considéré que le régime était conforme à la Constitution, il a émis une réserve, et de taille, sur l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. En effet, il considère que la loi ne peut faire obstacle à ce que les victimes puissent demander à l’employeur, devant les juridictions de la sécurité sociale, réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre 4 du code de la sécurité sociale, dès lors que la faute inexcusable de l’employeur est prouvée.
La situation est claire. Pourtant, de nombreuses juridictions semblent méconnaître cette décision ou l’appliquent de manière erronée, les désaccords portant principalement sur la question des dommages couverts par le livre 4 du code de la sécurité sociale, sous peine de conséquences dramatiques pour les victimes. Ainsi, dès lors qu’un poste de préjudice est au moins partiellement indemnisé, certains tribunaux considèrent que l’employeur ne méconnaît pas ses obligations légales en termes de réparation.
Je citerai l’exemple évoqué par ma collègue Jacqueline Fraysse et au sujet duquel vous ne vous êtes pas exprimé, monsieur le ministre.
En mai 2009, le tribunal de grande instance de Niort allouait à une victime paraplégique une somme totale de 653 153 euros au titre des besoins en tierce personne. Sachant que le montant de la majoration pour tierce personne versée par la caisse n’est que de 125 260 euros, la victime aurait été privée, si elle n’avait pu se prévaloir de la réparation intégrale, d’une indemnisation complémentaire de près de 530 000 euros, somme qui couvre ses besoins réels en la matière.
Bien entendu, les tribunaux conservent une certaine liberté d’appréciation. Toutefois, celle-ci ne doit pas être source de ruptures d’égalité. Afin d’éviter de semblables situations, un rapport portant sur les conditions d’application par les tribunaux de la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et contenant des pistes de propositions nous semble tout à fait opportun.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Pour symbolique qu’elle soit, la date du 18 juin serait difficile à tenir, compte tenu du calendrier électoral… (Sourires.)
Madame Pasquet, sur le fond, nous avons le même objectif, et vous noterez d’ailleurs que les amendements de la commission cherchent à obtenir dès à présent l’indemnité intégrale en cas de faute inexcusable de l’employeur.
À l’Assemblée nationale, deux propositions de loi ont été déposées, l’une par M. Vidalies, l’autre par M. Cousin, reprenant d’ailleurs un texte de Mme Montchamp, tendant à permettre l’indemnisation intégrale. J’ose espérer que ces propositions de loi seront transmises assez rapidement au Sénat.
Nous savons par ailleurs que des travaux sont en cours au sein du ministère du travail, de l’emploi et de la santé. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que le débat progresse, chacun en est conscient dans cet hémicycle.
Il convient certes de limiter la production de rapports. Toutefois, en l’espèce, il s’agit du seul moyen permettant de faire avancer le débat. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 103 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable. En effet, toujours dans la logique de la commission Ruellan, il s’agit de ne pas contrecarrer les efforts entrepris.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
L'amendement n° 104 rectifié bis, présenté par Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l’objectif de réduire la sous-déclaration des maladies professionnelles, de mieux prévenir et réparer toutes les atteintes à la santé des salariés, y compris les atteintes à la santé mentale, le Gouvernement lance une réflexion d’ensemble sur l’évolution des tableaux de maladies professionnelles ainsi que sur les conditions d’accès au système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles. Les conclusions de cette étude font l’objet d’un rapport déposé devant le Parlement avant le 30 septembre 2012.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le rapport portant sur la sous-déclaration des accidents du travail préconisait en 2005 de revoir le tableau 57 « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », qui traite notamment des troubles musculo-squelettiques, ces TMS qui représentent entre 75 % et 80 % des maladies professionnelles reconnues.
En octobre dernier, ce document a fait l’objet d’une révision dont certains éléments sont des plus inquiétants.
En effet, il semblerait qu’au total cette révision ne contribue pas à une meilleure reconnaissance des TMS mais puisse au contraire en diminuer artificiellement le nombre : de fait, une partie de ces TMS pourraient ne plus être reconnus comme étant d’origine professionnelle.
Monsieur le ministre, vous avez tout d’abord obligé les victimes à objectiver leurs TMS en recourant à une IRM. Elles seront ainsi contraintes de réaliser un tel examen et à consulter des médecins spécialistes en secteur 2, lesquels ne sont pas toujours enclins à signer des certificats médicaux.
Mais surtout, pour voir sa pathologie inscrite sur la liste des maladies professionnelles, le salarié devra démontrer que son activité relève de la liste des métiers engendrant des TMS, et qu’il a été exposé pendant un temps certain à des postures néfastes pour sa santé.
En outre, le système complémentaire d’indemnisation des maladies professionnelles reste encore trop restreint. Il faut, d’une part, présenter un taux d’incapacité supérieur ou égal à 25 % et, d’autre part, prouver le lien entre la maladie et les conditions de travail. Ces deux conditions cumulatives tendent à rendre l’accès à ce dispositif impossible dans la mesure où – tous les médecins du travail vous le confirmeront – il est impossible d’atteindre ce seuil avec des TMS.
Ne pouvant influer directement ni sur le tableau des maladies professionnelles ni sur les conditions d’accès au système complémentaire d’indemnisation des maladies professionnelles, nous proposons donc la remise d’un rapport au Parlement sur ces deux sujets, afin de permettre à tous les salariés concernés d’accéder à une juste reconnaissance de leur situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement soulève un problème fondamental. En effet, la réflexion sur les tableaux dure depuis trop longtemps, et il est grand temps d’avancer.
J’avais émis quelques réserves sur la date initiale du 30 juin 2012, trop proche, du fait de la tâche qui sera la nôtre et celle de tous les Français au cours du premier semestre de l’année prochaine. L’échéance ayant été repoussée à septembre 2012, ce qui nous permettra – condition indispensable – de disposer de ces données avant le prochain PLFSS, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable : nous disposons déjà de nombreux tableaux et renseignements. Je ne perçois donc pas le bien-fondé d’un tel rapport.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Alquier. La question de la reconnaissance des maladies professionnelles est complexe et récurrente, pour des raisons scientifiques, d’abord. Que ce soit du fait de la non-déclaration volontaire ou d’une négligence, il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours facile de déterminer la cause précise d’une affection, qui peut d’ailleurs être multifactorielle. Il en résulte un désordre certain dans les taux de reconnaissance entre les caisses.
La réglementation est elle-même source de difficultés. Les avancées technologiques, les modifications des processus de production, la création de nouveaux produits conduisent à l’apparition de pathologies qui ne sont pas intégrées dans les tableaux relatifs aux maladies professionnelles dans un délai suffisamment rapide après leur apparition. Il est donc indispensable, comme l’ont dit les orateurs précédents, d’avancer à la fois sur la mise à jour des tableaux et sur la procédure de reconnaissance.
Je soutiens par conséquent l’amendement n° 104 rectifié bis.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
L'amendement n° 105 rectifié, présenté par Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du troisième alinéa du II de l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 est complétée par les mots : « de l’ordre judiciaire ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement concerne le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, et plus spécifiquement la présidence de son conseil d’administration.
Voilà quelques mois, le Gouvernement avait envisagé de faire présider le conseil d’administration de ce fonds, dont la mission est d’assurer une réparation intégrale et rapide du préjudice subi par les victimes de l’amiante, par un magistrat de l’ordre administratif et non par un magistrat issu de la Cour de cassation, donc de l’ordre judiciaire. Si à l’avenir ce fonds devait être présidé par un juge administratif ou par un conseiller d’État, des suspicions sur son indépendance naîtraient nécessairement dans la mesure où les magistrats de l’ordre administratif sont statutairement placés sous la tutelle du Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous prenons acte du fait que, le 8 octobre dernier, vous avez entendu les associations de victimes du travail et de l’amiante en nommant à la présidence du conseil d’administration du FIVA Mme Claire Favre, présidente de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation.
Cette décision, qui nous semble bonne, ne nous rassure pas pleinement pour autant. En effet, le décret n° 2011-1250 du 7 octobre 2011 – je vous ferai grâce de sa lecture – modifie les conditions d’élection du président du conseil d’administration du FIVA qui lui succédera.
Le recul que vous avez opéré semble n’être que temporaire, ce qui n’est pas satisfaisant. C’est la raison pour laquelle, afin d’assurer l’indépendance de ce fonds, nous proposons de modifier la loi de 2000 portant création du FIVA en inscrivant dans la législation le principe selon lequel la présidence du conseil d’administration du FIVA ne peut être confiée qu’à des magistrats de l’ordre judiciaire.
Enfin, monsieur le ministre, nous souhaiterions également savoir si vous entendez réformer prochainement la gouvernance du FIVA. Voilà quelques mois, vous proposiez de modifier les règles de composition du conseil d’administration du Fonds afin de confier aux représentants des employeurs la majorité de voix.
M. Dominique Watrin. Ayant déjà reculé sur ce point, pouvez-vous nous assurer que ce projet est définitivement abandonné ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Ce sujet m’a beaucoup préoccupé. Dans un premier temps, j’ai eu plutôt tendance à soutenir votre position, monsieur Watrin.
La commission partage tout à fait votre souhait de garantir l’indépendance du FIVA et du président de son conseil d’administration. Mais je ne suis pas sûr que la solution que vous proposez le permette. Ainsi, il n’est pas certain que la présidence par un magistrat de l’ordre judiciaire apporte plus de garanties que sa présidence par un magistrat de l’ordre administratif, qu’il émane du Conseil d’État ou de la Cour des comptes.
En effet, dans la rédaction que vous proposez, le magistrat pourrait être un membre du siège ou du parquet. Mais un parquetier a-t-il plus l’habitude de s’opposer à l’exécutif qu’un conseiller d’État ou un conseiller-maître ? Pour ma part, je ne le crois pas.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. En réalité, la question de fond est celle du caractère paritaire du conseil d’administration du FIVA qui décide des modalités d’indemnisation des victimes et de leurs ayants droit. Les projets auxquels vous avez fait référence tout à l’heure tendant à y porter atteinte ont heureusement été abandonnés. Dès lors, pour quelle raison empêcherait-on d’accéder à la présidence du conseil d’administration du FIVA un magistrat du Conseil d’État ou de la Cour des comptes ?
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur Watrin, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n°105 rectifié, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’ai rien à ajouter à l’excellente argumentation développée par M. le rapporteur, qui met un terme à tous les fantasmes que j’ai pu entendre sur le sujet. Si j’avais, moi, tenu de tels propos, la discussion se serait sans doute prolongée, mais, en l’occurrence, c’est le rapporteur qui a parlé – il connaît bien le sujet et ses avis font autorité en la matière – et tel ne sera pas le cas… Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de faire mienne votre intervention et de vous verser, en tant que de besoin, des droits d’auteur. (Sourires.)
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 105 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des arguments que vient d’exposer M. Godefroy.
M. le président. L'amendement n° 105 rectifié est retiré.