M. Claude Domeizel. Je me réjouis que cet amendement vienne en discussion ce soir, car j’étais, avec notre ex-collègue Dominique Leclerc, l’auteur du rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur les pensions de réversion.
Croyez-moi, il s’agit d’un sujet fort complexe, surtout que, depuis la mise en place du régime général, en 1945, qui s’est accompagnée de la généralisation de la réversion, les formes de vie matrimoniale ont grandement évolué !
Puisqu’il s’agit de la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement, j’invite d’abord les rapporteurs à relire celui que Dominique Leclerc et moi-même avions produit.
Permettez-moi, ensuite, d’apporter ma contribution au débat en disant qu’il existe deux logiques en matière de pensions de réversion.
La première logique consiste à assurer un niveau de vie au conjoint survivant.
La seconde, que je qualifierai de patrimoniale, fait de la réversion un « droit de suite ». En effet, la pension est un patrimoine pour celui qui la perçoit, mais elle peut aussi être considérée comme le patrimoine de deux personnes ayant vécu ensemble.
Les nouvelles formes de vie matrimoniale viennent grandement bousculer la réflexion sur les pensions de réversion. La reconnaissance du pacte civil de solidarité nous est apparue, à Dominique Leclerc et à moi-même, comme inévitable à brève échéance. Nous attendons depuis 2007, année de la publication de notre rapport. Alors mettons-nous au travail ! Je suis tout à fait d’accord.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Claude Domeizel. Tous les éléments nécessaires au Gouvernement pour fournir un rapport avant le 31 janvier 2012 sont disponibles.
Je souligne également que l’Allemagne et la Grande-Bretagne assimilent d’ores et déjà le pacte civil de solidarité au mariage en ce qui concerne l’application des règles de réversion. Par conséquent, il convient de nous mettre au diapason des autres pays européens.
Toutefois, afin d’éviter les effets d’aubaine, nous avions apporté une nuance dans notre rapport, à savoir que, dans un premier temps au moins, l’union devait avoir une ancienneté d’au moins cinq ans.
La réflexion sur le pacte civil de solidarité ouvre, il est vrai, une autre réflexion sur les personnes qui vivent en union libre et qui peuvent prouver leur union par l’existence d’enfants qu’elles ont eus en commun.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Claude Domeizel. À moins bien sûr que l’on veuille voir disparaître presque totalement les pensions de réversion, compte tenu de la diversification des formes de vie matrimoniale ?... En effet, si l’on n’accorde le droit à la réversion ni aux pacsés, ni aux personnes vivant en union libre et en mesure de le prouver, le nombre des pensions de réversion va fortement diminuer.
Pour ce qui me concerne, je suis favorable à l’amendement visant à la remise d’un rapport à la date butoir du 31 janvier 2012. Je le voterai afin que nous puissions, le plus rapidement possible, mettre en place ce nouveau dispositif pour les personnes qui ont signé un pacte civil de solidarité. (M. Roland Courteau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. L’amendement n° 39, qui vise à solliciter la remise par le Gouvernement d’un rapport évaluant les conditions d’extension du bénéfice de la pension de réversion aux partenaires d’un pacte civil de solidarité, nous donne l’occasion de pointer du doigt la discrimination dont sont victimes les personnes liées par un PACS.
En effet, depuis la création du pacte civil de solidarité en 1999, plusieurs dispositions législatives ont progressivement étendu aux personnes liées par un PACS le bénéfice de dispositions autrefois réservées aux seuls conjoints. Il en est ainsi de l’attribution du capital décès, des rentes versées au survivant en matière d’accident du travail ou encore des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité.
Toutefois, une discrimination persiste au regard des pensions de réversion, qui, à ce jour, sont réservées aux seuls époux, en dépit de l’avis favorable à l’extension de ce droit émis par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat en 2007 et du Médiateur de la République en 2009.
Les sénatrices et sénateurs écologistes sont évidemment partisans de l’extension du bénéfice de la pension de réversion aux partenaires d’un pacte civil de solidarité. En l’état du droit est en effet maintenue une situation d’inégalité de traitement fondée sur l’orientation sexuelle, puisque les partenaires de sexes différents peuvent se marier s’ils souhaitent bénéficier de la pension de réversion, tandis que les couples de même sexe n’ont pas encore cette possibilité, ce que nous déplorons, d’ailleurs.
En l’état, les cinq sénatrices et cinq sénateurs écologistes voteront pour cet amendement n° 39.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Si d’autres collègues sont spécialistes de ces questions, pour ma part, je dois le reconnaître, j’ai découvert que les personnes pacsées ne bénéficiaient pas du dispositif relatif aux pensions de réversion en lisant le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Ce serait effectivement justice que d’étendre à ces personnes le bénéfice de la pension de réversion, au nom de l’égalité. Mais, bien évidemment, dans le contexte actuel, il convient d’évaluer le coût d’une telle extension.
Nous sommes donc plutôt favorables à cet amendement, tout en regrettant le choix du 31 janvier 2012, car le délai nous semble un peu court pour procéder à une étude sérieuse et complète sur le sujet.
M. Roland Courteau. Deux mois, quand même !
Mme Chantal Jouanno. Je ne doute pas qu’il y ait d’autres considérations, au-delà de la fin de la session... Néanmoins, sur le fond, l’amendement est bon.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 49.
Article 50
I. – À la fin de la première phrase du troisième alinéa du III de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « ce calcul » sont remplacés par les mots : « le calcul de la durée d’assurance mentionnée au premier alinéa du présent III ».
II. – À la fin du second alinéa de l’article L. 351-1-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « pour ce calcul » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « dans la durée d’assurance tous régimes confondus pour apprécier le dépassement de la limite mentionnée au premier alinéa. Un décret fixe la liste des bonifications et majorations auxquelles s’applique le présent alinéa. »
III. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 643-3 du même code est ainsi rédigé :
« La durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré accomplie après l’âge prévu au premier alinéa et au-delà de la durée mentionnée au deuxième alinéa donne lieu à une majoration de la pension dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Toutefois, pour l’appréciation de cette condition de durée, les bonifications de durée de services et majorations de durée d’assurance, à l’exclusion de celles accordées au titre des enfants et du handicap, prévues par les dispositions législatives et réglementaires, quel que soit le régime de retraite de base au titre duquel elles ont été acquises, ne sont pas prises en compte. Un décret fixe la liste des bonifications et majorations auxquelles s’applique le présent alinéa. »
IV. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 723-10-1 du même code est ainsi rédigé :
« La durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré accomplie après l’âge prévu au premier alinéa et au-delà de la durée mentionnée au deuxième alinéa donne lieu à une majoration de la pension dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Toutefois, pour l’appréciation de cette condition de durée, les bonifications de durée de services et majorations de durée d’assurance, à l’exclusion de celles accordées au titre des enfants et du handicap, prévues par les dispositions législatives et réglementaires, quel que soit le régime de retraite de base au titre duquel elles ont été acquises, ne sont pas prises en compte. Un décret fixe la liste des bonifications et majorations auxquelles s’applique le présent alinéa. »
V. – L’article L. 732-25-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les bonifications de durée de services et majorations de durée d’assurance, à l’exclusion de celles accordées au titre des enfants et du handicap, prévues par les dispositions législatives et réglementaires, quel que soit le régime de retraite de base au titre duquel elles ont été acquises, ne sont pas prises en compte dans la durée d’assurance tous régimes confondus pour apprécier le dépassement de la durée minimale mentionnée au premier alinéa. Un décret fixe la liste des bonifications et majorations auxquelles s’applique le présent alinéa. »
VI. – Le présent article n’est pas applicable aux assurés qui remplissent, avant le 1er janvier 2013, les conditions d’âge et de durée d’assurance ouvrant droit au bénéfice de la majoration de pension prévue au III de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l’article L. 351-1-2, au dernier alinéa du I des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 732-25-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)
Article 51
I. – Après l’article L. 382-29 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 382-29-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 382-29-1. – Sont prises en compte pour l’application de l’article L. 351-14-1, dans les mêmes conditions que les périodes définies au 1° du même article, les périodes de formation accomplies au sein de congrégations ou de collectivités religieuses ou dans des établissements de formation des ministres du culte qui précèdent l’obtention du statut défini à l’article L. 382-15 entraînant affiliation au régime des cultes. »
II. – L’article L. 382-29-1 du code de la sécurité sociale est applicable aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2012.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 131 rectifié est présenté par Mmes Cohen et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteure, pour présenter l’amendement n° 40.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. L’article 51 concerne le régime des ministres des cultes et instaure une possibilité de rachat à titre onéreux des périodes de formation à la vie religieuse, par analogie avec le rachat des années d’études supérieures prévu depuis la réforme des retraites de 2003.
Cet article aurait pu paraître anecdotique si nous n’avions constaté, à la lecture de l’étude d’impact, qu’il vise en réalité à neutraliser la portée d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en octobre 2009.
La Cour a en effet considéré que les périodes de formation à la vie religieuse avaient été regardées à tort comme ne constituant pas des périodes d’affiliation au régime. Depuis 2006, ces périodes donnent d’ailleurs lieu à affiliation.
Finalement, le dispositif de rachat à titre onéreux qui nous est proposé revient à faire entièrement porter par les assurés les conséquences du défaut d’affiliation établi par la Cour de cassation.
De notre point de vue, il y a une certaine hypocrisie dans cette formule, car le rachat est d’autant plus coûteux que l’âge des intéressés est élevé, ce qui est le cas de nombre d’assurés du régime des ministres des cultes. On peut penser que les modalités de rachat seront ainsi dissuasives au regard du bénéfice potentiel sur le montant de la pension.
Enfin, nous pensons qu’il n’est pas sans risque d’ouvrir la porte, par des assimilations successives, à l’élargissement d’un cadre aujourd’hui strictement délimité aux études supérieures.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales estime que la solution envisagée par le Gouvernement n’apporte pas de réponse satisfaisante au problème posé et propose donc de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC proposent également la suppression de cet article 51, car ils considèrent qu’il méconnaît le principe de laïcité.
Nous n’ignorons rien des difficultés que peuvent rencontrer les ministres des cultes une fois l’âge de la retraite venu. Mais, selon nous, ce n’est pas à la solidarité nationale de jouer mais bien aux responsables de cette situation de supporter les conséquences de leurs actes, nous voulons parler de ces employeurs qui imposent à leurs salariés des salaires de misère !
Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que la CAVIMAC, la Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes, bénéficie à l’heure actuelle d’un régime dérogatoire qui lui est très favorable. En effet, depuis 1978, cette caisse « omet » de prélever la cotisation employeur de 5,4 % destinée à alimenter la caisse d’allocations familiales, ce qui représente 13 millions d’euros. Les congrégations sont également exonérées de CSG et de CRDS, soit plus de 10 millions d’euros.
Avec cet article 51, on constate une nouvelle fois qu’un beau cadeau est fait aux cultes, puisque l’on octroie le statut de « formation » reconnue par la loi à des activités de nature purement religieuse. Pourtant, ces périodes de formation religieuse, vous le savez, ne débouchent sur aucune insertion professionnelle, contrairement aux formations diplômantes ou stages professionnels visés par les possibilités de rachat existant dans d’autres régimes.
On peut d’ailleurs se demander si les périodes de formation visées par cet article ne sont pas en réalité des périodes de travail. Rappelons que les séminaristes et novices de l’église catholique, puisque c’est d’eux qu’il s’agit essentiellement, sont astreints, au cours de ces périodes, au célibat et à la vie communautaire et sont entièrement pris en charge, d’un point de vue matériel, par la collectivité religieuse. Or l’existence d’un lien de subordination, d’une activité et d’une rémunération, que l’on trouve bien ici, sont trois notions propres au contrat de travail.
Or, s’il y a travail, il n’y a pas formation. Et s’il y a travail, il doit y avoir cotisations. La loi ne peut donc pas prévoir d’attribution gratuite d’années de cotisation pour une catégorie de salariés, et pour une seule.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous constatons que le Gouvernement impose des mesures de rigueur à tous les salariés ainsi qu’aux apprentis, nous ne pouvons que nous opposer à cet article, qui, outre qu’il instaure un traitement inégalitaire entre ses bénéficiaires et l’ensemble de nos concitoyens, porte atteinte à la laïcité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques de suppression.
Si vous revenez sur cette mesure spécifique, les ministres du culte basculeront dans le régime général, en vertu des principes de répartition et de solidarité. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? Je ne le crois pas.
Oui, il s’agit de ministres du culte, mais est-ce une raison pour supprimer un dispositif spécifique destiné à prendre en compte une situation spécifique ?
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'amendement n° 40.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, j’aimerais bien savoir en quoi la suppression de l’article 51 ferait basculer les ministres du culte dans le régime général. Vous n’avez fourni aucune explication sur ce point.
Je vous signale au passage que ce régime est aujourd’hui plus que déficitaire, puisqu’il est pratiquement entièrement financé par la compensation entre régimes.
Si je suis favorable à l’amendement n° 40, qui vise à supprimer l’article 51, c’est tout simplement parce que le parallèle avec le rachat des années d’études supérieures ne me paraît pas pertinent en l’occurrence.
Je considère, en outre, que cette possibilité de rachat, introduite dans la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, est une fausse bonne idée. On s’aperçoit en effet que cette faculté, qui paraissait géniale à l’origine, est très peu utilisée, compte tenu du coût qu’elle représente pour les futurs pensionnés ayant suivi des études supérieures.
Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai l’amendement n° 40.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Domeizel, vous êtes, dans cet hémicycle, l’un des spécialistes des questions relatives aux retraites.
Si vous supprimez la disposition en question, les trimestres concernés seraient validés gratuitement, la CAVIMAC étant adossée au régime général. Cela fera supporter à l’ensemble des salariés une contribution de un million d’euros pour les ministres du culte.
M. Claude Domeizel. Pas du tout !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteure.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. Je vous rappelle simplement, monsieur le ministre, que ces périodes donnent lieu à affiliation à la CAVIMAC depuis 2006. À la suite de différents recours, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 22 octobre 2009, qu’il convenait de généraliser le dispositif. Par conséquent, même si nous adoptons les amendements de suppression de l’article 51, les assurés pourront toujours se référer à cet arrêt pour faire valoir leurs droits.
Par ailleurs, il est particulièrement hypocrite de demander à des assurés le plus souvent assez âgés de racheter leurs périodes de formation, comme s’il s’agissait d’années d’études. En général, les étudiants opèrent ce rachat dès leur entrée dans la vie active. Or tel n’est pas le cas ici !
Nous avons proposé des mesures destinées à réduire le déficit de la sécurité sociale. Dans le cas qui nous occupe, une nouvelle dépense de un million d’euros peut paraître élevée. Pourtant, c’est relativement peu !
M. Alain Milon. Il faudrait savoir !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 131 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 51 est supprimé.
Articles additionnels après l'article 51
M. le président. L'amendement n° 100 rectifié, présenté par Mmes Cohen et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 décembre 2012, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions d’amélioration du dispositif de retraite anticipée pour les travailleurs et fonctionnaires handicapés.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous proposons que soit remis au Parlement un rapport sur les moyens à mettre en œuvre afin d’améliorer le dispositif de retraite anticipée pour les travailleurs et fonctionnaires handicapés.
L’article 97 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et l’article 4 du décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010 relatif à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite ont étendu le champ d’application du dispositif de retraite anticipée prévu en faveur des personnes handicapées.
Il existe donc aujourd’hui deux catégories de bénéficiaires : d’une part, ceux qui sont visés initialement par l’article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire les personnes en situation de handicap qui se voient reconnaître une « incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret », à savoir un taux d’incapacité de 80 % ; d’autre part, les nouveaux bénéficiaires auxquels est désormais ouvert le dispositif de retraite anticipée, c’est-à-dire les assurés qui justifient de la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail. Est ainsi considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites à la suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique.
Cette absence de référence à un taux prédéfini constitue une nouveauté qui va dans le bon sens et que nous saluons, même si nous aurions préféré que la loi prévoie un départ anticipé et non une absence d’effet de certaines mesures pour les personnes en situation de handicap.
Pour autant, ce dispositif exclut de fait bon nombre de ces personnes en situation de handicap. Je pense notamment à celles qui ne remplissent ni le critère du taux d’incapacité de 80 % ni celui qui est fixé par l’article L. 5213-1 du code du travail. Il serait souhaitable de trouver un dispositif adapté à la situation de ces personnes-là, ce qui nécessite que nous nous penchions sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure. Cet amendement du groupe CRC est tout à fait intéressant. Il convient effectivement d’étudier de manière approfondie la situation des travailleurs et fonctionnaires handicapés au regard des nouvelles modalités de départ à la retraite.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 100 rectifié.
Malgré l’allongement de la durée d’activité par le report de l’âge de départ à la retraite décidé à l’occasion de la réforme de 2010, nous n’avons pas touché au seuil de cinquante-cinq ans qui s’applique aux travailleurs handicapés. Par ailleurs, nous avons amélioré leurs conditions de prise en charge.
Par conséquent, l’idée d’un rapport ne correspond pas à l’esprit de la loi.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 51.
L'amendement n° 253, présenté par M. Teulade, Mmes Alquier, Archimbaud et Campion, MM. Carvounas et Cazeau, Mme Claireaux, M. Desessard, Mmes Duriez, Génisson et Ghali, MM. Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, Labazée, Le Menn et J.C. Leroy, Mmes Meunier, Printz et Schillinger, M. Vergoz et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 mars 2012, le conseil d’orientation des retraites remet aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les conséquences sociales, économiques et financières du relèvement des deux bornes d’âge et les transferts des dépenses vers l’assurance maladie, l’invalidité, l’assurance chômage et vers les finances locales par le biais du revenu de solidarité active.
Afin de réaliser les travaux d’expertise nécessaires, le conseil fait appel en tant que de besoin aux administrations de l’État et aux organismes privés gérant un régime de base de sécurité sociale légalement obligatoire. Ce rapport est rendu public dès sa transmission aux commissions compétentes du Parlement.
La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Entre cinquante-cinq et soixante ans, près de la moitié des salariés sont sans emploi. La première conséquence du relèvement de l’âge de départ à la retraite, de soixante à soixante-deux ans, et de l’âge auquel la retraite est attribuée à taux plein, c'est-à-dire sans décote, qui a été repoussé de soixante-cinq à soixante-sept ans, sera de laisser au chômage, au RSA ou sans rien, pendant un an, deux ans, voire plus, ceux qui sont déjà en grande difficulté.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. René Teulade. Ces mesures engendrent des économies immédiates de court terme pour la branche retraite, sans garantir dans la durée le rétablissement de l’équilibre financier. Mais elles provoqueront des transferts vers l’assurance chômage, l’invalidité et vers les finances des collectivités locales par le biais du RSA.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. René Teulade. Cet amendement prévoit qu’avant le 31 mars 2012 le Conseil d’orientation des retraites remet aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les conséquences sociales, économiques et financières du relèvement des deux bornes d’âge et les transferts des dépenses vers l’assurance maladie, l’invalidité, l’assurance chômage et vers les finances locales par le biais du RSA.
Afin de réaliser les travaux d’expertise nécessaires, le Conseil fait appel en tant que de besoin aux administrations de l’État et aux organismes privés gérant un régime de base de sécurité sociale légalement obligatoire. Ce rapport est rendu public dès sa transmission aux commissions compétentes du Parlement.
Pour terminer, je profite de la présentation de cet amendement pour critiquer fortement la mesure annoncée dans la presse – elle nous sera présentée dans les jours qui viennent – et relative au relèvement plus rapide que prévu de l’âge de départ à la retraite.
À peine votée – c’était il y a tout juste un an -, au mépris du rôle non seulement social mais aussi économique des retraités, la réforme des retraites est utilisée, une fois de plus, comme variable d’ajustement…
M. Roland Courteau. Encore une fois !
M. René Teulade. … dans la politique de rigueur mise en place actuellement par le Gouvernement, et ce au mépris du monde syndical, dont j’ai entendu les représentants dans le cadre des travaux du COR : ils déplorent de ne pas avoir été consultés sur le relèvement accéléré de l’âge légal à soixante-deux ans.
Une telle situation traduit surtout une absence de dialogue, ce qui est particulièrement grave.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure. La commission considère, comme les auteurs de l’amendement, qu’il est nécessaire de procéder à une évaluation complète et objective des conséquences du relèvement des bornes d’âge.
Lorsqu’il y a un an, au moment du débat sur les retraites, nous nous sommes inquiétés de la situation des seniors, on nous a répondu qu’il suffirait de repousser l’horizon de leur départ en retraite pour qu’ils restent en situation d’activité…
Malheureusement, le chômage des plus de cinquante ans s’est aggravé au cours de la dernière année.
Le Gouvernement a évalué les conséquences mécaniques du relèvement des bornes d’âge sur les dépenses des régimes de retraite ; il a même tenu compte des mesures qui viennent d’être annoncées. Mais ses chiffres n’ont pas la même précision quand il s’agit de savoir comment évolueront les pensions et les taux de remplacement, ni surtout quelle sera la situation de ceux de nos concitoyens qui sont dépourvus de revenu d’activité : ils devront attendre deux années supplémentaires la liquidation de leur pension de retraite !
Nous constatons d’ores et déjà que le Gouvernement, après quelques hésitations, a été contraint non seulement de proroger de deux années supplémentaires l’allocation équivalent retraite, l’AER, mais aussi, cet automne, de mettre en place une allocation transitoire de solidarité, l’ATS, d’ailleurs insuffisante, puisqu’elle concerne seulement les générations nées entre 1951 et 1953.
Nous pouvons donc craindre que les économies réalisées sur la branche vieillesse ne se traduisent par des coûts supplémentaires au titre des diverses prestations de solidarité et n’entraînent des suppléments de dépenses pour l’assurance chômage, compromettant ainsi le bouclage financier de la réforme des retraites.
Sur toutes ces questions, il est nécessaire d’obtenir des éclairages solides, qui tiennent compte des évolutions de la situation économique, car celles-ci infirment malheureusement les hypothèses optimistes retenues dans le cadre de la réforme de l’an dernier.
Le COR étant parfaitement qualifié pour conduire ce travail, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 253.