M. Roland Courteau. Bien dit !
Mme Claire-Lise Campion. Dans ce cas également, ce sont les plus fragiles, les plus exposés qui seront pénalisés.
M. Roland Courteau. Comme d’habitude !
Mme Claire-Lise Campion. Ils le seront aussi en conséquence des annonces qui ont été faites ce matin par le Premier ministre en matière de retraite.
Sans aucune considération pour le Parlement, vous décrétez que le passage de l’âge légal de la retraite à 62 ans interviendra non plus en 2018, mais dès 2017. Encore une fois, des gages sont donnés aux marchés ! Mais quelles certitudes avez-vous quant à l’évolution de l’emploi ? Aucune ! Aussi les 200 millions d’euros d’économies escomptés en 2012 et les 4,4 milliards d’euros prévus d’ici à 2016 ne sont-ils que pure théorie. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que vous faites porter le poids de votre responsabilité sur nos concitoyens.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Une fois de plus !
Mme Claire-Lise Campion. Enfin, je souhaite évoquer rapidement la situation des hôpitaux.
Votre politique a sciemment fragilisé l’hôpital public pour mieux servir le secteur privé.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Claire-Lise Campion. Néanmoins, en période préélectorale, il est toujours bon de mettre entre parenthèses les dispositions les plus brutales. Ainsi, vous avez suspendu la convergence tarifaire jusqu’au 31 décembre 2012.
Aujourd’hui, il est indispensable de mettre à plat les modalités de financement du secteur hospitalier. À défaut, nous ne pourrons pas garantir une amélioration de l’équilibre entre tarification à l’activité et missions de service public, et ce sont une fois encore nos concitoyens qui en feront les frais.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Ce ne sera pas la première fois…
Mme Claire-Lise Campion. Madame la secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez a raté le rendez-vous de la justice et de l’efficacité ; le quotidien d’un trop grand nombre de nos concitoyens est là pour en témoigner.
Pour notre part, nous prônons une tout autre politique, en rupture avec votre stricte vision comptable et de court terme. Elle permettra aux principes fondateurs de notre régime de protection sociale, qui veulent que chacun reçoive selon ses besoins et contribue selon ses moyens, de prévaloir pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser une pensée amicale à M. Fischer, qui aurait dû être des nôtres ; soyez certains qu’il suit nos travaux avec attention.
L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’ouvre dans un climat particulier, marqué par les injonctions à répétition des agences de notation. Celles-ci sont tellement présentes dans le débat actuel, n’hésitant pas à brandir la menace de sanctions contre tout gouvernement qui s’écarterait de leurs exigences, que l’on trouverait presque normal de les voir représentées dans cet hémicycle… À moins que le PLFSS pour 2012 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif qui vient d’être annoncé ne les rassurent ! C’est sans doute le cas, mais c’est précisément ce qui nous inquiète.
Malgré les annonces faites ce midi, le déficit de la sécurité sociale pour l’exercice 2012 restera colossal. En réalité, les Français vont payer cher le déficit de croissance, laquelle, selon le Président de la République, ne dépassera pas 1 %, « comme en Allemagne », a-t-il précisé. Le taux de croissance sera sans doute même bien inférieur en réalité, l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, tablant sur 0,8 %. En effet, la France, à la différence de l’Allemagne, n’a pas voulu ou su conserver un tissu industriel performant et de qualité, ni protéger l’emploi dans les PME. Or ce différentiel de croissance se traduira, dans les comptes de la sécurité sociale, par une perte de recettes d’au moins 1,5 milliard d’euros.
C’est encore aux travailleurs, aux assurés sociaux que le Gouvernement demande de mettre la main à la poche. Ce sera le cas avec la réduction du pouvoir d’achat de certaines prestations sociales et la mise en place probable d’un quatrième jour de carence pour les indemnités maladie ; ce sera le cas aussi avec la diminution de 0,3 point de l’ONDAM – déjà trop faible –, que les établissements publics de santé et le secteur médicosocial pourront difficilement supporter et qui se traduira dans certains cas par une réduction du personnel et la détérioration des conditions d’accueil et de soins.
Cela est intolérable, car ce que l’on appelle le « trou » de la sécurité sociale est d’abord le résultat de politiques menées depuis trop longtemps. Personne ne peut prétendre qu’il n’existe pas aujourd’hui les moyens financiers de renouer avec l’équilibre sans ponctionner encore et toujours le monde du travail. Celles et ceux qui invoquent une éventuelle règle d’or feraient mieux de chercher ici et maintenant les solutions durables et pérennes pour permettre le financement de la plus belle avancée sociale de notre histoire : la sécurité sociale
Il suffit d’observer les comptes des grandes entreprises du CAC 40 pour se rendre compte que notre système souffre non pas d’un manque d’argent, mais d’une mauvaise orientation et utilisation de celui-ci. Dans un scénario complètement fou, qui se vérifie un peu plus chaque jour, on constate que l’argent sert l’argent. Les richesses créées par le travail sont accaparées par la finance, qui emprunte de plus en plus massivement les chemins de la spéculation.
M. Serge Dassault. N’importe quoi !
M. Dominique Watrin. Le déficit de la sécurité sociale, c’est d’abord un déficit de courage !
Pourtant, cela fait des années que nous proposons d’autres voies, comme la taxation des revenus financiers, la modulation des taux de cotisations sociales en fonction de la politique d’emploi et de salaires des entreprises ou encore la mise à contribution des éléments annexes de rémunération tels que les retraites chapeaux et les stock-options dans de plus justes proportions. Cela serait utile non seulement au financement de la sécurité sociale, mais aussi au dynamisme de notre économie. La seule remise en cause des niches sociales, jugées peu pertinentes, voire inefficaces par l’Inspection générale des finances, rapporterait 12,8 milliards d’euros à l’État. Oui, il faut sortir du cercle vicieux imposé par la finance et les puissances d’argent, pour entrer dans un cercle vertueux de développement de l’emploi et des salaires.
Mais, de toutes ces propositions, vous n’en retenez aucune, préférant faire supporter les efforts par les salariés et les ménages. Plutôt que de mettre en œuvre les réformes structurelles que la Cour des comptes appelle de ses vœux et que nous proposons, vous préférez puiser toujours dans les mêmes poches.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Or les mesures d’austérité sont d’autant moins supportables qu’elles s’ajoutent à celles du même ordre qui ont été prises dans un passé récent : hausses du forfait hospitalier, instauration de franchises et de forfaits et, dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative, augmentation de la taxe sur les mutuelles. Pour récupérer 1 milliard d’euros supplémentaires, vous transformez, non sans habileté, les mutuelles en collecteurs d’impôt, reportant sur elles l’impopularité des hausses de cotisations qu’elles ne pourront éviter.
Permettez-moi de m’arrêter aussi quelques instants sur l’instauration d’un secteur optionnel, c’est-à-dire sur l’autorisation, pour les professionnels de santé, de ne pas respecter les tarifs opposables. Là encore, vous renvoyez la responsabilité vers les mutuelles, censées rembourser les dépassements d’honoraires.
Alors que nos concitoyens nous font part chaque jour de la difficulté, voire de l’impossibilité, d’accéder à des médecins ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires, votre seule réponse consiste en l’abandon du secteur 1. Alors que les dépassements d’honoraires ont augmenté de 50 % en dix ans, alors que les sommes qui sont parfois demandées à l’hôpital suscitent la colère, voire la révolte, des patients, vous ne trouvez rien de mieux à faire que de les étendre encore et de les officialiser.
Dans tous les cas de figure, ce sont les citoyens les plus modestes qui sont touchés. C’est pourquoi il aurait été plus sage, mais surtout plus juste, de prendre, comme nous vous le proposerons, des mesures propres à limiter les dépassements et à garantir le droit pour tous d’accéder à une médecine de qualité et à tarifs opposables.
Il faut aussi conditionner les aides à l’installation des professionnels de santé au respect des tarifs opposables, car la hausse constante du coût des consultations, conjuguée aux différents prélèvements que j’ai évoqués voilà un instant –franchises médicales ou participation de 1 euro –, a eu pour effet de faire croître, quoi que vous en disiez, le nombre de personnes renonçant à des soins. Tout cela entraînera l’explosion de la médecine d’urgence, celle qui est réalisée à l’hôpital, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est coûteuse.
En résumé, votre politique est néfaste non seulement pour les patients, mais aussi pour les comptes de la sécurité sociale.
Concernant la branche famille, je salue l’augmentation du plafond de ressources pour le complément de libre choix du mode de garde et la majoration de son montant en faveur des parents isolés. Il s’agit d’une petite avancée, mais qui ne pèsera pas lourd face au report de la revalorisation des allocations familiales au 1er avril et à l’annonce par le Premier ministre d’une indexation de celles-ci sur la prévision de croissance à 1 %, et non plus l’inflation. S’il n’y avait pas du tout de croissance, les familles en paieraient-elles les conséquences alors qu’elles ne portent aucune responsabilité dans cet échec ?
Nous pensons en outre qu’il faut affirmer d’autres ambitions que celles qui sont inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La modification du décret qui permet d’inscrire plus d’enfants qu’une structure ne peut en accueillir est la démonstration qu’il faut impérativement créer des places d’accueil pour les jeunes enfants, prioritairement dans des structures collectives de qualité, pratiquant des tarifs compatibles avec la situation sociale des parents : c’est à cette condition aussi que l’on pourra favoriser le travail des femmes.
Je regrette d’ailleurs que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’intègre aucune mesure relative à la formation des professionnels de la petite enfance.
Nous ne pouvons pas davantage nous satisfaire du statu quo dans la branche accidents du travail et maladies professionnelles, s’agissant notamment du phénomène de sous-déclaration. Outre les reports de charges financières sur la branche maladie qui en résultent, cela témoigne des blocages qui persistent, au sein des entreprises, pour reconnaître qu’une maladie ou un accident est lié à l’activité professionnelle. Cela nous inquiète, car, au final, cela signifie que certaines maladies ou certains accidents professionnels sont insuffisamment pris en compte et ne peuvent donc pas faire l’objet de mesures préventives. Celles-ci font cruellement défaut.
Quant aux victimes, elles sont une nouvelle fois oubliées. Vous avez su les taxer en 2010 en fiscalisant leurs indemnités journalières, et en 2008 en les soumettant aux franchises médicales ; vous ne savez toujours pas les reconnaître dès lors qu’il s’agit d’organiser la compensation intégrale de leur préjudice. Aujourd’hui, une victime du travail est toujours moins bien indemnisée qu’une victime de la route : ce n’est pas supportable !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles. Très bien !
M. Dominique Watrin. Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement, en particulier, pour indemniser correctement les dizaines de milliers de personnes qui ont été exposées à l’amiante ? Ces victimes, qui souffrent dans leur corps et dans leur tête et dont dix meurent chaque jour en France, se voient contraintes aujourd’hui par des jugements de tribunaux de rembourser la moitié des indemnisations qu’elles ont perçues du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.
Quant à la branche vieillesse, je tiens à protester, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, contre l’annonce aujourd’hui par le Premier ministre d’une accélération de la mise en œuvre du recul que constitue le passage à 62 ans de l’âge légal de la retraite. Cela va encore aboutir à une diminution des pensions versées ou, pour ceux qui continueront à travailler, à une réduction de leur espérance de vie en bonne santé.
Durant le débat sur la réforme des retraites, nous avons proposé de financer la retraite à 60 ans en taxant le capital. Ce n’est pas cette voie que vous avez choisie ; je regrette que vous persistiez dans ce recul social.
Enfin, je voudrais évoquer brièvement le secteur médicosocial.
Vous avez renoncé à légiférer sur la perte d’autonomie. Je suis persuadé que c’est une erreur de refermer le débat si tôt après l’avoir engagé et de tout suspendre à l’échéance présidentielle.
M. Roland Courteau. Grave erreur !
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Très bien !
M. Dominique Watrin. En effet, les problèmes s’accumulent : manque de places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – les EHPAD –, « reste à charge » trop lourd, moyens de fonctionnements insuffisants, asphyxie financière des départements… Ne parlons pas des formules alternatives et intermédiaires entre domicile et établissement médicalisé, qu’il faut promouvoir.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Dominique Watrin. Nous sommes persuadés qu’il est possible de construire une prise en charge solidaire du vieillissement de notre société et d’un accompagnement de qualité de nos personnes âgées. Ce chantier est à ouvrir sans délai ; faut-il d’ailleurs rappeler les appels au secours lancés par les associations d’aide à domicile ?
Madame la secrétaire d’État, l’année dernière, le Gouvernement a opéré un transfert de 100 millions d’euros du secteur médicosocial vers le secteur sanitaire. Un tel transfert est injustifié, particulièrement au regard du principe de fongibilité asymétrique, et pèse lourdement sur la création de places. Celle-ci a été quasiment gelée l’année dernière faute de financement. Aucun crédit ne doit manquer cette année au secteur médicosocial : vous y engagez-vous ?
En conclusion, bien que l’application de l’article 40 de la Constitution nous contraigne et limite notre action, le groupe CRC formulera de nombreuses propositions, articulées selon un principe commun : mettre en perspective des financements nouveaux et prendre l’argent là où il est, pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.
Le courage ne peut se réduire à organiser une chasse aux déficits quand celle-ci aboutit à ponctionner toujours un peu plus les assurés sociaux, même si cela fait plaisir aux agences de notation.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Dominique Watrin. Le vrai courage, c’est de rester fidèles à l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance, aux principes fondateurs de la sécurité sociale et aux sources mêmes de notre Constitution, qui place la protection de la santé au premier rang des devoirs de la nation.
M. Roland Courteau. Bravo !
M. Dominique Watrin. C’est cette voie que nous préconiserons d’emprunter tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais formuler des propositions visant à obtenir des réductions importantes de dépenses, car l’actualité nous oblige à tout faire pour revenir le plus rapidement possible à l’équilibre budgétaire.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Attention… (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Serge Dassault. Le financement de la sécurité sociale est actuellement assuré par des charges pesant sur les salaires, qui augmentent nos coûts de production et réduisent nos exportations. Une partie de ces charges est acquittée par l’État, sous forme de subvention ; il se substitue ainsi aux contribuables ou aux entreprises, ce qu’il ne devrait pas faire, car il recourt pour cela à des emprunts destinés à financer des dépenses de fonctionnement.
En 2012, les dépenses prévues au titre du régime général et financées actuellement par les charges sur les salaires sont relatives à la maladie, à la famille et à la retraite. Concernant la maladie et la famille, leur montant prévisionnel pour 2012 est de 212,5 milliards d’euros, avec un déficit de 12,2 milliards d’euros. Elles représentent plus de 66 % des dépenses de la sécurité sociale.
La France est le seul pays qui finance son assurance maladie par les salaires ; ailleurs, on utilise d’autres moyens, tels que le financement privé par les salariés ou les entreprises, l’impôt – TVA ou autre.
La méthode employée dans notre pays présente trois graves inconvénients.
Tout d’abord, elle réduit la compétitivité de nos entreprises, car les salaires nets perçus par les salariés leur coûtent le double en réalité, ce qui alourdit nos coûts de production. De ce fait, on ne vend plus grand-chose à l’étranger !
Ensuite, le financement de l’assurance maladie par les charges pesant sur les salaires est insuffisant, puisqu’elle est en déficit permanent par manque de recettes.
Enfin, ces charges sur salaires trop élevées conduisent nos entreprises soit à ne pas embaucher, soit à licencier, soit à délocaliser leur production ; en tout cas, elles limitent les augmentations de salaires.
Aussi, pour favoriser à la fois la compétitivité de nos entreprises, indispensable à la relance économique, et le financement de l’assurance maladie, je propose de financer l’assurance maladie et la branche famille non plus par les charges sur les salaires, mais par les frais généraux des entreprises ou une part de TVA. Un « coefficient d’activité » permettra de répartir ces dépenses, en favorisant les entreprises de main-d’œuvre, et donc l’emploi, au détriment des importations, des services et des délocalisations.
Les charges spécifiques concernant les salariés, à savoir l’assurance chômage, l’assurance vieillesse et l’indemnisation des accidents du travail, continueront à être financées par les salaires.
Cette opération permettrait de diminuer le montant des charges sur salaires de 49 %, ce qui réduirait considérablement nos coûts de production, favoriserait notre activité industrielle, accroîtrait l’emploi, les exportations et la croissance. Cette dernière, dont nous avons tant besoin, ne viendra pas toute seule ; elle résultera de la progression de nos exportations, qui ne sera possible que si nous avons des produits compétitifs à vendre, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Ajoutons qu’une telle mesure profiterait aussi à l’État, qui pourrait économiser grâce à elle près de 15 milliards d’euros.
Un autre avantage considérable de cette disposition serait de supprimer le déficit de l’assurance maladie, par le biais de l’adaptation, chaque année, du coefficient d’activité au déficit prévisionnel. Cela permettrait, dans une certaine mesure, d’augmenter les prestations, ce que certains réclament ; encore faut-il avoir les moyens de le faire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
En résumé, ma proposition permettrait de réduire les coûts de production et de relancer la croissance tant attendue, de mieux financer, en l’équilibrant, notre assurance maladie, enfin, pour l’État, d’économiser plus de 15 milliards d’euros d’allégements de charges. Elle vaut la peine, me semble-t-il, d’être étudiée.
Je voudrais en outre souligner que le financement de la sécurité sociale par l’État à la place des entreprises, par le biais des allégements de cotisations, coûte plus de 20 milliards d’euros par an, en raison de l’application des 35 heures, payées 39. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. On l’attendait !
M. Serge Dassault. En dix ans, l’État a ainsi payé 200 milliards d’euros pour que les salariés ne travaillent pas. Il s’est endetté d’autant ; quel beau résultat ! Alors que l’État est confronté à une très grave crise financière et doit à tout prix équilibrer son budget, il n’en prend pas le chemin. Il n’y parviendra pas sans supprimer cette charge due à la mise en œuvre des 35 heures, ce qu’il ne pourra faire sans rétablir les 39 heures légales !
Travailler plus permettra la relance de la croissance que chacun appelle de ses vœux, une augmentation du pouvoir d’achat des salariés, avec un relèvement du SMIC : travailler plus permettra de gagner plus. (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. On a déjà donné !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’était le slogan du Président de la République ! Vous avez un train de retard !
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. On a déjà été bernés une fois !
M. Serge Dassault. Si l’on ne fait rien, on ne parviendra jamais à réduire le déficit budgétaire !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Mais on n’a jamais dit qu’on ne voulait rien faire, monsieur Dassault !
M. Serge Dassault. En revanche, notre pays sera de plus en plus mal noté, ce qui alourdira encore la charge de sa dette !
Mes chers collègues, l’heure est grave. Il faut faire des sacrifices, il faut travailler plus ! Le coût du travail est trop élevé chez nous et la France ne vend plus rien à l’étranger !
M. Roland Courteau. Vous vous répétez !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vos solutions ne fonctionnent pas !
M. Serge Dassault. Notre balance commerciale est très gravement déficitaire.
La mise en place des deux propositions que je viens de formuler permettrait de relancer l’activité, d’augmenter le pouvoir d’achat et de réduire les dépenses de plus de 35 milliards d’euros, sans aucune augmentation d’impôts ni réduction de prestations : il s’agit de la simple substitution d’une charge à une autre, qui ne coûterait rien à personne !
Ces deux mesures me semblent incontournables dans la perspective de notre effort pour atteindre l’équilibre budgétaire. Si nous ne les appliquons pas, nous n’y arriverons pas. On ne peut pas continuer à accumuler les déficits : l’échéance de 2016 pour un retour à l’équilibre est bien trop lointaine, car d’ici là, si nous ne faisons rien, notre note aura été abaissée dix fois et la charge des intérêts de notre dette augmentera dans des proportions dramatiques.
Telles sont les propositions que je vous soumets face à la situation financière critique où nous nous trouvons. Elles méritent que l’on y réfléchisse. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme le soulignent à juste titre de nombreux observateurs, ce PLFSS pour 2012 est marqué par la rigueur. De plus, comme l’a fort justement observé M. le rapporteur général, il a été construit sur des hypothèses économiques aujourd’hui dépassées, sans même parler des dernières annonces de M. le Premier ministre, qui imposeront l’élaboration d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. À cet égard, nous nous attendons au pire, hélas !
Mon intervention portera plus spécifiquement sur le volet médicosocial de ce PLFSS, en écho à l’excellent rapport de notre collègue Ronan Kerdraon.
Madame la secrétaire d’État, j’observerai tout d’abord que, nonobstant « l’effet de priorité » accordé par ce projet de budget au secteur médicosocial – ses crédits progressent de 4,2 %, contre 2,7 % pour le secteur hospitalier, l’ONDAM s’élevant, du moins pour l’heure, à 2,8 % –, ce dernier n’est pas suffisamment épargné.
J’en veux pour preuve le montant des crédits affectés aux personnes handicapées, qui pourtant bénéficient d’un « coup de pouce » budgétaire. Si, pour le handicap, l’ONDAM progresse de 2,1 %, la majeure partie de cette augmentation servira à financer de nouvelles places. À périmètre constant, l’enveloppe budgétaire allouée au fonctionnement des établissements et services n’augmentera donc que de 0,75 %, soit moins que l’inflation prévue, estimée entre 2 % et 2,1 %. En d’autres termes, les structures existantes devront réduire leurs dépenses de manière drastique pour boucler leurs budgets.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Excellente observation !
M. Jacky Le Menn. Mes chers collègues, je souhaite ensuite appeler votre attention sur six points qui interpellent et inquiètent plus spécifiquement les acteurs de terrain.
En premier lieu, s’agissant du « gel de crédits » que certains orateurs viennent d’évoquer, le gel de 100 millions d’euros qui a été appliqué en 2011 aux dotations sanitaires et médicosociales peut modifier encore sensiblement en 2012 la portée des orientations fixées par le Gouvernement. Ce gel a abouti à l’invalidation de facto du vote du PLFSS pour 2011 par les parlementaires.
Par ailleurs, le secteur médicosocial représente 20 % des crédits gelés, alors qu’il ne constitue que 10 % des crédits de l’assurance maladie : cela semble procéder d’une « fongibilité asymétrique inversée », cela a été dit, par rapport à la lettre et à l’esprit de la loi HPST.
Dans son annexe B, le PLFSS pour 2012 prévoit une nouvelle mise en réserve de dotations, pour un montant de 545 millions d’euros au titre de l’ONDAM global. D’ailleurs, ce chiffre pourrait encore augmenter, à la suite des annonces de ce matin.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jacky Le Menn. Le secteur médicosocial ayant été sévèrement frappé par un tel gel en 2011 – les crédits en question ne lui ont toujours pas été restitués, malgré les besoins de financement constatés dans le champ du handicap, artificiellement masqués par un jeu d’équilibrage entre les deux sous-objectifs de dépenses « personnes âgées » et « personnes handicapées » –, nous estimons qu’il doit être préservé de toute nouvelle mesure de cet ordre en 2012.
En deuxième lieu, une délégation pleine et entière des crédits votés par le Parlement s’impose, avec un « rebasage » indispensable et sincère de l’objectif global des dépenses pour les personnes handicapées, afin de ne pas continuer à pénaliser indirectement le secteur des personnes âgées.
À la lecture du rapport budgétaire pour 2010 – dernier exercice connu – de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, que l’on ne peut abstraire d’une approche globale concernant la compréhension et l’évaluation du financement du secteur médicosocial, il apparaît que le résultat de la section I, dédiée au financement des établissements et services médicosociaux, est présenté dans une logique de compensation de l’exécution des deux sous-objectifs de dépenses. La sous-consommation de crédits sur l’enveloppe des personnes âgées est ainsi compensée par un dépassement, d’un montant presque équivalent, de l’enveloppe consacrée aux personnes handicapées.
Nous déplorons le caractère anormal de ce mécanisme d’équilibrage des comptes de la CNSA, et partant l’instabilité de la construction des objectifs de dépenses des années suivantes. Il n’est plus acceptable de poursuivre dans cette voie, avec un mécanisme de compensation inter-secteurs d’une ampleur anormale qui dénature profondément les orientations voulues par le Parlement, lequel vote deux montants de sous-enveloppes de crédits différents en toute connaissance de cause.
Dès lors, un « rebasage » significatif de l’objectif de dépenses au bénéfice des personnes handicapées devient indispensable en vue d’affecter effectivement aux établissements assurant l’accueil des personnes âgées dépendantes l’ensemble des crédits votés par le Parlement en leur faveur dans le cadre du PLFSS. La majorité des fédérations gestionnaires d’établissements et services concernés intervenant dans le secteur médicosocial sont très critiques à l’égard de ce modus operandi qui n’a que trop duré.
En troisième lieu, il est urgent de réactiver d’une manière vigoureuse la politique de médicalisation des EHPAD, brutalement stoppée en 2011.
Il s’agit d’une action prioritaire pour redonner confiance aux professionnels travaillant dans ces établissements, ainsi qu’aux résidants eux-mêmes, sans oublier leurs familles. En effet, force est de constater que le niveau de l’encadrement soignant dans les EHPAD n’a pas suivi l’aggravation très rapide de la perte d’autonomie de nombre de personnes accueillies et l’augmentation des besoins en soins techniques dans ces établissements.
Cette évolution est tout à fait logique compte tenu de la préférence exprimée par nos concitoyens : quitter leur domicile le plus tard possible, lorsque leur état de santé et de dépendance est très dégradé. En EHPAD, les taux d’encadrement actuels sont encore trop éloignés des objectifs définis par le plan solidarité-grand âge.
Certes, le PLFSS pour 2012 prévoit des mesures nouvelles dédiées à cette médicalisation, mais elles nous semblent insuffisantes, de même qu’aux responsables d’établissements concernés. En outre, ces derniers s’inquiètent de la rapidité avec laquelle ces mesures sont mises en œuvre, étant donné la difficulté de recruter les personnels soignants nécessaires.
En quatrième lieu, il est nécessaire de relancer la dynamique de conventionnement dans le secteur des EHPAD.
Les dispositions législatives prévoient que les établissements assurant l’hébergement des personnes âgées et les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée qui accueillent une proportion de personnes âgées dépendantes supérieure à un seuil fixé par décret ne peuvent héberger des personnes âgées remplissant certaines conditions de perte d’autonomie que s’ils ont passé une convention avec le président du conseil général et le directeur de l’agence régionale de santé concernée.
La durée de la convention, fixée par voie réglementaire, est de cinq ans. Or les contraintes budgétaires de ces dernières années ont conduit les pouvoirs publics à ralentir le rythme de renouvellement des conventions pluriannuelles, voire à geler ce renouvellement, comme ce fut le cas en 2011.
Cette situation a eu pour conséquence de placer les établissements dans l’illégalité : en effet, ils continuent à assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes en l’absence de convention les y autorisant expressément. C’est pourquoi nous voterons l’amendement déposé sur ce point par le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
En cinquième lieu, j’évoquerai la question de l’expérimentation relative à la tarification des EHPAD, objet de l’article 37 du PLFSS.
Cette proposition ne laisse pas d’inquiéter les fédérations gestionnaires, ainsi que l’Assemblée des départements de France, l’ADF. En effet, cette expérimentation concernant les ressources des EHPAD – à savoir une modulation du forfait global relatif aux soins dans les EHPAD, en fonction d’indicateurs de qualité et d’efficience dont la liste sera fixée par décret – ne peut être acceptée tant que les établissements ne seront pas justement dotés au regard de leur groupe iso-ressources moyen pondéré, ou GMP, et de leur « pathos » moyen pondéré, ou PMP.
L’introduction de tels critères risque de pénaliser fortement ces structures d’hébergement, dont le montant des dotations de soins ne correspond déjà pas aux besoins de leurs résidants.
Le préalable fondamental au lancement d’une telle expérimentation doit être la mise en œuvre sur l’ensemble du territoire national d’un financement suffisant des dotations des établissements au regard des niveaux de dépendance et de besoins en soins des personnes qu’ils accueillent.