M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Telle qu’elle est envisagée, l’expérimentation ne permettra pas de garantir la reconnaissance de ces niveaux, ce qui ne manquera pas d’accroître le sentiment d’insécurité, déjà trop fortement ancré, qui règne dans les structures d’hébergement ; cela est bien sûr inacceptable. En conséquence, mon groupe soutiendra l’amendement de suppression de cet article 37, présenté par M. le rapporteur général.
En sixième et dernier lieu, j’affirmerai notre refus de la convergence tarifaire pour les établissements médicosociaux et les unités de soins de longue durée, les USLD.
Nous présenterons un amendement visant à abroger la convergence tarifaire pour les établissements médicosociaux et les USLD. En effet, le mécanisme prévu par le Gouvernement pour organiser le dispositif de convergence tarifaire – lorsque les dotations de soins des établissements en cause dépassent un plafond fixé réglementairement, elles sont réduites – pourrait laisser à penser que la dotation de soins de certains EHPAD serait trop élevée, ce qui ne correspond pas à la réalité. Ainsi, aujourd’hui, 1,6 % seulement des EHPAD publics en situation de convergence présentent des ratios d’encadrement soignant supérieurs à 0,5, alors que ces ratios sont inférieurs à 0,3 pour 57 % d’entre eux.
Par exemple, selon la Fédération hospitalière de France, la majorité des établissements concernés ne disposent d’aucune infirmière la nuit, ni sur place ni en astreinte. Dans ces conditions, comment seraient-ils en mesure de restituer des moyens ? Vouloir persévérer dans cette voie relève de l’inconscience…
Pour conclure, je précise que nous nous associons pleinement aux observations et aux propositions du rapporteur général de la commission des affaires sociales sur ce volet médicosocial du PLFSS pour 2012. Notre groupe présentera une dizaine d’amendements.
Par ailleurs, nous déplorons l’ajournement de la réforme concernant la perte d’autonomie des personnes âgées, attendue depuis trop longtemps déjà. Ce renvoi à une date indéterminée engendre un sentiment de profonde déception parmi les personnes âgées, leurs familles, les élus locaux et l’ensemble des acteurs et des professionnels de ce secteur. Cette déception est à la hauteur des espoirs nés des déclarations d’intention répétées du Président de la République sur ce dossier. La majorité de nos concitoyens est également très déçue ; elle saura s’en souvenir le moment venu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Bien sûr, en mai 2012 !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’hôpital est en crise ! C’est la conséquence d’une politique libérale qui tend à appliquer aux hôpitaux publics les méthodes, organisations et financements du secteur privé lucratif. Si ce dernier est rentable, les hôpitaux publics doivent l’être également : c’est ainsi qu’on leur a imposé les mêmes critères de rendement avec la tarification à l’activité, la T2A, mode de rémunération visant à réduire la dépense hospitalière.
Or, aujourd’hui, la T2A apparaît plus que jamais comme une mesure catastrophique. Certes, la dotation globale n’était pas pleinement satisfaisante, et il était nécessaire de valoriser l’activité des hôpitaux pour assurer une plus grande équité entre les établissements publics de santé. Mais encore fallait-il leur accorder des ressources nouvelles pour leur permettre de répondre aux exigences de leurs missions, afin d’éviter les dérives productivistes que le professeur Grimaldi a fort justement dénoncées.
Vous avez donc décidé de faire converger les tarifs des hôpitaux publics avec ceux du secteur privé, niant ainsi la spécificité du secteur public et de ses dépenses. Comment peut-on faire un tel parallèle, quand on sait que les tarifs des actes réalisés dans les établissements privés n’intègrent pas la rémunération des médecins, les éventuels dépassements, les frais hôteliers ou encore un certain nombre d’actes techniques réalisés en médecine ambulatoire – je pense notamment aux analyses médicales ? Cela n’est pas concevable !
À cela s’ajoutent les dépenses spécifiques du secteur public auxquelles ne sont pas confrontées les cliniques privées lucratives : je pense aux dépenses liées aux soins non programmés, particulièrement coûteux, aux pathologies donnant lieu à des actes « non rentables », celles dont les cliniques ne veulent pas, ou encore à la prise en charge, si lourde, des personnes en situation de précarité. Ce mode de financement, couplé à des évolutions successives d’un ONDAM qui reste bien en deçà de l’augmentation des dépenses contraintes des hôpitaux publics – c’est encore le cas dans ce PLFSS –, explique pourquoi ces établissements sont déficitaires et ont été contraints de souscrire à des emprunts toxiques auprès de Dexia. Et que dire du gel des crédits des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, ces crédits dédiés au financement des services publics ? Leur gel, le redéploiement de 150 millions d’euros au titre de la convergence ciblée ou encore les économies imposées sur les plans d’achat permettent au Gouvernement de prélever plus de 800 millions d’euros sur les hôpitaux, afin de réduire considérablement l’ONDAM. Cette réduction, ce sont évidemment les établissements qui vont la supporter.
Au final, les deux tiers des hôpitaux sont en déficit et n’ont d’autre choix que de réduire la masse salariale, c’est-à-dire de supprimer des emplois, en alourdissant la charge de travail des agents restants.
Des services spécialisés entiers ont également fermé un peu partout dans le pays : endocrinologie, réanimation, anesthésie, pneumologie, chirurgie osseuse, urgences de nuit, soins intensifs, maladies infectieuses… Sans la lutte des personnels de l’hôpital Henri-Mondor, vous auriez aussi fermé le seul service public de chirurgie cardiaque de la banlieue parisienne. De même, toujours au nom de la réduction des dépenses publiques, de nombreuses maternités et des centres d’IVG ont fermé ou sont menacés de fermeture. Quel gâchis, quelle inconséquence pour notre santé ! La maternité des Lilas est devenue un symbole du refus de ces fermetures imposées, mais je pourrais aussi citer celles de Lannemezan, de la Seyne-sur-Mer ou de Valréas. De nombreux départements et territoires sont touchés. Entre 2000 et 2006, quatre-vingt-dix centres d’IVG ont fermé. Là aussi, quel recul scandaleux pour le droit et le choix d’avorter dans de bonnes conditions ! Sans la lutte des professionnels, des usagers et des élus, le centre d’IVG de l’hôpital Tenon aurait également fermé.
Pour nous, santé doit avant tout rimer avec proximité et égalité, et non avec rentabilité. Il faut en finir avec cette casse systématique de la santé publique. L’hôpital va mal, les personnels également et la situation ne risque pas de s’améliorer, compte tenu du manque d’investissement dans les hôpitaux publics. Du fait de la mise en œuvre du plan « Hôpital 2007 », les hôpitaux ont tellement dû emprunter pour investir que l’encours de la dette a augmenté de 88 %, au point que la charge de celle-ci représente dorénavant, en moyenne, 75 % de la capacité d’autofinancement des hôpitaux : autant dire que leurs marges de manœuvre sont réduites !
Pourtant, malgré cette situation extrêmement préoccupante, vous trouvez le moyen de réduire la dotation du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, au prétexte qu’il serait insuffisamment utilisé.
La loi HPST, en voulant faire des hôpitaux des entreprises et de leurs directeurs des patrons, vise à supprimer la notion de service public hospitalier et à transférer la partie la plus rentable de l’activité vers le privé. Ce mouvement a pour objectif la privatisation des hôpitaux, au détriment des patients, comme en témoigne la part grandissante du secteur privé dans les soins hospitaliers. Votre projet de loi de financement de la sécurité sociale ne fait qu’amplifier cette même logique, en imposant aux hôpitaux publics une rigueur dévastatrice.
En vérité, protection sociale et hôpitaux souffrent d’un même mal : l’application d’une politique volontariste de destruction du secteur public et de la solidarité, par un sous-financement organisé, au profit de la rentabilité et du secteur privé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de revenir, au nom du groupe UMP, sur les dispositions du PLFSS relatives aux retraites et à la branche vieillesse.
Le texte qui nous est soumis prévoit peu de mesures pour la branche vieillesse, ce qui est bien compréhensible compte tenu de la récente adoption de la réforme des retraites, menée à son terme avec détermination par le Gouvernement. Cependant, certaines de ces mesures sont marquantes et méritent d’être rappelées. J’y reviendrai dans quelques instants.
Il me paraît important de souligner que la réforme des retraites, qui était indispensable à la survie de notre système par répartition, se traduira, dès l’année 2012, par 5,4 milliards d’euros de recettes et d’économies sur les dépenses pour la branche vieillesse du régime général.
J’ajoute qu’elle permet d’améliorer très sensiblement le solde tendanciel de cette dernière, puisque, comme l’avait indiqué M. le ministre, le déficit prévisionnel est fixé à 5,8 milliards d’euros pour 2012. Avec l’ancien système, il aurait atteint 12 milliards d’euros, c’est-à-dire plus du double !
Cette réforme était courageuse, elle était nécessaire, elle est efficace. À ceux qui promettent un retour à l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans, nous disons : soyez responsables, et ne commettez pas l’erreur de croire qu’il est possible de s’affranchir de la réalité !
Quelques dispositions du PLFSS visent donc à prolonger la réforme introduite par la loi du 9 novembre 2010, qui est effectivement entrée en vigueur le 1er juillet dernier.
Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 nous engage dans la voie de l’assainissement de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles.
Il nous est proposé d’approuver le transfert des déficits comptables de cette branche pour les exercices 2009 et 2010 à la CADES, ainsi que l’affectation de recettes nouvelles audit régime, qui permettront d’améliorer son solde annuel.
Nous soutenons cette mesure, qui permettra un retour à l’équilibre de la branche et est par ailleurs financée en partie par les modifications des modalités d’abattement de CSG et de CRDS pour frais professionnels, modifications qui accroîtront les ressources de la CADES de 73 millions d’euros en 2012.
Des amendements présentés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale sont venus compléter le dispositif. Je pense notamment à l’élargissement au régime social des indépendants du dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés.
J’évoquerai brièvement les mesures annoncées le 24 août dernier par le Premier ministre, simplement pour souligner qu’elles contribuent, à hauteur de 800 millions d’euros, à la réduction du déficit de la CNAV de 6,2 milliards d’euros par rapport au solde tendanciel pour 2012.
J’en viens à présent à deux mesures nouvelles du PLFSS pour 2012 : la première concerne la retraite des sportifs amateurs de haut niveau et la seconde les cotisations du régime des cultes.
Les sportifs amateurs de haut niveau consacrent beaucoup de temps à la pratique de leur discipline. Par leurs performances et leur engagement, ils contribuent au rayonnement de la France dans le monde. Pourtant, leur statut d’amateur ne leur permet pas de valider des trimestres de cotisation en vue de la retraite.
Afin de tenir compte de cette situation particulièrement pénalisante, il est prévu de mettre en place, pour ces sportifs, un système d’ouverture de droits à la retraite sous condition de ressources, financé par l’État, pour un coût prévisionnel annuel évalué entre 6 millions et 9 millions d’euros.
Les périodes d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau seraient assimilées à des périodes d’assurance vieillesse, et ce à partir du 1er janvier 2012. Entre 2 000 et 3 000 athlètes, parmi les 6 500 à 7 000 amateurs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau, devraient pouvoir bénéficier de cette disposition.
Nous approuvons cette mesure, qui traduit notre considération et notre soutien au monde sportif amateur de haut niveau.
Par ailleurs, une mesure nouvelle contenue dans le PLFSS pour 2012 concerne le régime des cultes. Elle prévoit la possibilité de racheter, au titre des cotisations pour la retraite, les périodes de formation à la vie religieuse des ministres des cultes qui n’ont pas donné lieu, avant 2006, à cotisations. Ce dispositif est calqué sur celui du rachat des périodes de formation de la loi de 2010. Là encore, il s’agit d’une mesure équitable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Enfin, conformément à l’engagement pris par le Président de la République de revaloriser de 25 % le minimum vieillesse perçu par les personnes seules sur la durée du quinquennat, le PLFSS prévoit cette année encore une augmentation de 4,7 % de celui-ci. Elle interviendra au printemps de 2012. Grâce à cet effort, l’objectif de 25 % de revalorisation par rapport à 2007 sera effectivement atteint. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au travers du PLFSS pour 2012, le Gouvernement fait, de toute évidence, le choix de l’aggravation des inégalités sociales plutôt que celui d’une véritable politique de santé publique axée sur la prévention et la diminution des risques environnementaux.
Mme la ministre a souligné que l’heure n’était pas à la facilité, qu’il fallait maîtriser les dépenses et avoir le courage d’engager des réformes de fond : nous sommes d’accord, mais lesquelles ?
Ce PLFSS nous semble beaucoup trop timide dans le domaine de la prévention et de la diminution des risques environnementaux. Il faudrait, sur ce point, conduire une politique de santé publique ambitieuse, qui anticipe les problèmes et ne considère pas cette question de la prévention comme relevant d’un ensemble de mesures périphériques secondaires.
En 2010, les deux tiers des dépenses d’assurance maladie ont été consacrées au traitement des maladies chroniques et des affections de longue durée telles que le cancer, le diabète, l’obésité ou les maladies cardio-vasculaires. Par exemple, l’épidémie de diabète coûte environ 12,5 milliards d’euros par an. La simple stabilisation du nombre de cas permettrait d’économiser 1 milliard d’euros en agissant sur certaines causes de cette maladie, comme la sédentarité, la mauvaise alimentation ou certaines formes de pollution.
Les maladies chroniques, qui touchent 20 % de la population française, pourraient être largement contenues si une réelle politique de santé publique était enfin mise en place. Il nous paraît impérieux d’agir sur les causes des maladies plutôt que de se contenter d’en traiter les symptômes a posteriori.
Ces traitements représentent un poids considérable pour l’assurance maladie et, par conséquent, pour la population française, qui la finance. Ainsi, les dépenses de médicaments atteignent 17 milliards d’euros par an. Il est temps de mettre un frein à la surconsommation et à la surfacturation des médicaments, qui ne font qu’assurer une rente aux industriels de la santé.
Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par une meilleure diffusion de l’information à destination de tous. En effet, 80 % des problèmes de santé résultent de facteurs non médicaux – hygiène, environnement ou alimentation – et pourraient être évités si l’on mettait en place une réelle éducation à la santé.
Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par une action pour juguler l’épidémie de cancers que nous connaissons actuellement, le nombre de nouveaux cas ayant doublé en trente ans. On le sait, le cancer est désormais la première cause de mortalité en France.
Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par la réduction de l’emploi des pesticides ainsi que par l’interdiction de certains produits chimiques et de perturbateurs endocriniens révélés par les désastres du distilbène ou du bisphénol A.
Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par une meilleure alimentation et une meilleure hygiène de vie. Aujourd’hui, un enfant sur cinq est touché par l’obésité ou le surpoids, et la plupart d’entre eux souffrent ou souffriront de pathologies qui y sont associées : maladies cardio-vasculaires, diabète, etc.
L’obésité est deux fois plus répandue chez les ouvriers que chez les cadres, dont l’espérance de vie est supérieure de dix ans, ce qui ajoute l’injustice sociale à la crise sanitaire.
L’éducation à l’équilibre alimentaire, la généralisation des aliments sains, issus de l’agriculture biologique, une réglementation drastique de la publicité à destination des enfants sont des questions urgentes qu’il faut, selon nous, impérativement traiter.
Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par la lutte contre un certain nombre de lobbies – pharmaceutique, chimique, agroalimentaire ou encore du sucre ou de l’alcool –, ainsi que par la protection des lanceurs d’alerte.
Ce n’est donc pas un comportement dépensier, voire irresponsable, des malades qui est la cause fondamentale de la hausse des dépenses de l’assurance maladie et des énormes difficultés financières que nous évoquons aujourd'hui. La raison première de cette situation est bel et bien l’environnement dégradé dans lequel nous vivons. L’expansion des maladies chroniques doit être considérée comme un élément de la crise environnementale, au même titre que l’épuisement des ressources naturelles ou encore l’érosion de la biodiversité.
Nous ne résoudrons la crise de notre système de soins et de son financement que si nous agissons aussi à la source sur les causes des grandes maladies chroniques actuelles : le stress, la pollution, les conditions de travail, la mauvaise qualité de l’alimentation…
Notre système de santé ne peut plus se borner à traiter les conséquences de la dégradation de l’environnement : nous devons passer d’une logique uniquement curative à un système alliant soins, prévention et éducation à la santé.
« Mieux vaut prévenir que guérir » : cet adage simple devrait être au cœur de notre politique de santé et de solidarité sociale. En effet, maintenir une population en bonne santé n’a pas de prix, et surtout une population en mauvaise santé a un coût ! Ce coût est très important, comme nous pouvons le constater aujourd'hui. Il en résulte que nos raisonnements doivent se fonder sur des calculs qui ne soient pas simplement de court terme.
La seconde partie de mon intervention sera plus brève que la première, dans la mesure où elle traite de questions qui ont déjà été largement développées par certains de mes collègues.
Sous de nombreux aspects, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 accentue les inégalités sociales et les inégalités en matière d’accès aux soins. À cet égard, je citerai quelques exemples criants.
Le Gouvernement propose de doubler la taxe sur les contrats solidaires et responsables des complémentaires santé. Cette mesure va se répercuter sur le coût des contrats des mutuelles pour les usagers et accentuera les difficultés d’accès aux soins que la politique de « responsabilisation des malades » a déjà particulièrement amplifiées.
Le taux de remboursement de l’assurance maladie est, en moyenne, d’un peu moins de 77 %, contre plus de 80 % voilà trente ans. La part des dépenses de santé qui incombe aux complémentaires et aux usagers ne fait donc qu’augmenter. Cela est particulièrement vrai pour les soins courants, tels que les consultations des médecins généralistes ou les médicaments : le niveau de remboursement par l’assurance maladie est tombé à un peu plus de 60 %.
L’accès à une mutuelle pour toutes et tous et l’augmentation du taux de remboursement passent notamment par la suppression des franchises médicales et l’interdiction des dépassements d’honoraires. Le montant de ces derniers atteint, chaque année, 2 milliards d’euros, les deux tiers de cette somme pesant directement sur les ménages après intervention des organismes d’assurance complémentaire. Cette situation est totalement injuste.
Permettez-moi d’évoquer aussi une autre forme d’inégalité, à savoir l’inégalité en matière d’accès aux soins, due en particulier à l’existence de déserts médicaux. En effet, il y a aujourd'hui un certain nombre de territoires, tant dans des zones rurales que dans des zones densément urbanisées, où l’on manque de médecins. En tant que sénatrice de Seine-Saint-Denis, je peux vous dire que nous connaissons en la matière des situations aiguës, extrêmement préoccupantes, qui exigent des mesures incitatives fortes.
Enfin, lorsque vous proposez de diminuer les indemnités journalières pour lutter contre les prétendus abus des salariés, vous créez un autre type d’inégalité.
Nous assistons à une explosion du nombre des maladies professionnelles et des accidents du travail, liée à la dégradation des conditions de travail, à la pression subie constamment par les salariés et à l’individualisation des modes de gestion. Il est inconcevable de taxer les travailleurs et de ne pas mettre en place un meilleur système de prévention des accidents et des maladies au travail, ainsi qu’une réelle prise en compte de la pénibilité, y compris environnementale. À cet égard, mon collègue Jean-Pierre Godefroy a insisté sur le problème de l’amiante, qui est loin d’être réglé.
En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne répond pas aux grands enjeux de santé publique et de solidarité. Il s’appuie sur une vision comptable à court terme, il ne prévoit pas d’investir dans la prévention, il alourdit les dépenses de santé pour les plus modestes, il limite l’accès aux soins pour ceux de nos concitoyens qui sont le plus en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon propos portera sur la branche famille.
Le monde entier nous envie notre politique familiale, qui fait de la France l’un des rares pays développés à connaître une natalité dynamique. La politique familiale, ce sont certes des prestations, mais aussi tout un accompagnement qui permet aux femmes de pouvoir poursuivre une activité professionnelle si elles le désirent : je pense, par exemple, à la crèche dès l’âge de 2 mois et demi ou de 3 mois ou encore à l’école maternelle dès l’âge de 3 ans, alors que, dans de nombreux pays, aucune structure de ce type n’existe.
En cette période de crise économique mondiale, j’aimerais souligner les efforts consentis pour la branche famille, qui permettront notamment une augmentation des prestations liées à la petite enfance.
Le projet de budget qui nous est soumis se caractérise par des mesures que je qualifierai de novatrices en faveur des familles monoparentales.
Tout d’abord, il est proposé un mécanisme d’amélioration des aides à la garde pour les familles monoparentales comptant de jeunes enfants. Actuellement, dans le cadre de l’attribution de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant, les caisses d’allocations familiales ne tiennent pas vraiment compte de la situation d’isolement de certains parents allocataires. Les difficultés financières que le parent peut rencontrer pour élever seul son enfant seront dorénavant intégrées, grâce à un barème de ressources spécifique et à une majoration de l’allocation en fonction des revenus.
Toutefois, nous connaissons tous, dans nos communes, des cas de parents qui se déclarent isolés afin de bénéficier de tarifs plus faibles en crèche, alors qu’un couple existe bel et bien et vit en famille. Je pense, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement mesure ce risque et qu’il a trouvé le moyen de distinguer la fraude de ce qui relève de la nécessaire solidarité. J’espère que vous aurez le temps de nous expliquer quel dispositif vous envisagez de mettre en place.
Une autre disposition appréciable pour lutter contre l’isolement parental est la modification du régime d’attribution de l’allocation de soutien familial, l’ASF.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 franchit ainsi un pas très important avec le versement d’un complément d’ASF en substitution à une pension alimentaire non versée par un parent défaillant. Cette mesure prend réellement en compte l’intérêt de l’enfant, trop souvent oublié dans la séparation des couples.
Enfin, en termes de solidarité, le projet de loi de financement de la sécurité sociale apporte un soutien aux 21 000 parents handicapés de France et garantit une certaine égalité en matière d’éducation des enfants. L’objectif est d’aider financièrement ces parents handicapés, qui ont souvent besoin d’une aide à domicile pour s’occuper de leurs enfants, les encadrer dans les gestes de tous les jours et leur apporter une aide éducative, matérielle et sociale. Ce dispositif demeure cumulable avec l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, afin que l’aide apportée aux familles soit optimale.
En matière de petite enfance, je voudrais mettre l’accent sur les mécanismes relatifs au choix du mode de garde.
La garde des enfants est un facteur d’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’un enjeu pour notre pays. Grâce à de multiples mesures, la France bénéficie d’un taux de fécondité supérieur à deux enfants par femme, cas exceptionnel en Europe et au-delà parmi les pays développés, comme en témoigne l’exemple du Japon.
La garde à domicile demeure la solution la plus répandue, en raison de la souplesse qu’elle offre sur l’ensemble du territoire et en matière d’horaires, mais c’est aussi la plus coûteuse pour les parents. Le coût d’une nourrice à domicile est, en moyenne, de 1 067 euros, contre 327 euros pour une garde partagée et 114 euros pour une structure collective. Mais il ne peut y avoir des crèches partout en France. À cet égard, je crains, personnellement, que le développement de telles structures ne se trouve freiné, à l’avenir, par les contraintes d’encadrement et de recrutement de personnels qualifiés, ainsi que par le coût qu’elles représentent pour la collectivité.
Cela est particulièrement vrai en Île-de-France, une région qui se caractérise en outre par l’importance de la fraude sociale et fiscale liée aux gardes à domicile. En effet, les parents sont souvent les otages de nourrices qui refusent d’être déclarées.
Mme Christiane Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance-vieillesse. Oh ! Ce n’est pas possible de dire cela !
Mme Catherine Procaccia. En tout cas, tel est le cas dans mon département, où, faute de places en crèches et de nourrices agréées, ils doivent accepter les conditions imposées par les nourrices qu’ils trouvent après bien des recherches.
Je m’étonne toujours que rien ne soit fait pour contrer cette fraude involontaire s’agissant des parents, mais bien réfléchie de la part des nourrices, qui, en gardant trois ou quatre enfants non déclarés, se constituent un revenu confortable, tout en continuant à percevoir des allocations sociales.
Je souhaiterais que le ministère du travail intervienne contre cette fraude. Si, pour l’année 2010, 13 114 cas de fraude ont été détectés pour la branche famille, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport à 2009, je suis persuadée qu’il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg.
L’avenir repose en partie sur le développement de l’accueil par les établissements spécialisés qui reçoivent de façon constante ou occasionnelle les enfants. Ces établissements peuvent être gérés aussi bien par les collectivités territoriales que par des associations, des acteurs privés ou les parents.
Cette offre de garde collective tend à se généraliser depuis 2007, mais rencontre encore des problèmes d’application concrète. Ce point est crucial puisque, selon les départements, la capacité d’accueil pour 100 enfants varie de 26 à 76 places par établissement.
L’implication concrète de certains parents a permis le succès de nouveaux modes de garde innovants : je pense aux crèches parentales et aux gardes alternées.
De nouveaux acteurs privés se sont spécialisés dans le secteur de la garde d’enfants ; il existe maintenant des diplômes et des formations en matière d’encadrement des enfants. De nouvelles structures, comme les micro-crèches, qui peuvent accueillir jusqu’à neuf enfants, les crèches interentreprises ou les crèches privées sont un apport bienvenu. Il faut absolument encourager ces créations d’établissements, afin de pouvoir répondre aux nombreuses demandes dont nous faisons régulièrement l’objet et auxquelles nous ne pouvons donner localement de suite favorable.
Concernant les crèches privées, il serait intéressant, madame la secrétaire d’État, de revoir le système de financement. Par exemple, une crèche privée ne peut bénéficier de la prestation de service unique, la PSU, sans s’aligner sur les barèmes nationaux de la caisse d’allocations familiales.
Or cela lui est impossible eu égard aux coûts qu’elle doit répercuter sans bénéficier d’aucune subvention. Il faudrait peut-être trouver un système intermédiaire. Il en va de même pour l’ouverture du droit à d’autres prestations, comme la PAJE, aux parents dont les enfants sont accueillis dans de telles structures. En restreignant le dispositif, on aboutit à proposer des formules de garde à deux vitesses, amenant à une discrimination entre les parents qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas.
Enfin, je veux souligner le progrès, que nous devons à notre collègue Jean Arthuis, constitué par les maisons d’assistants maternels. Créées en 2010 à l’échelon national, elles permettent l’accueil de seize enfants par quatre assistants en dehors du domicile des parents. Là encore, il nous faudra encourager le développement de telles structures, et peut-être mieux recenser ce qui a été fait.
Telles sont, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les observations que je tenais à formuler sur la branche famille de ce projet de budget de la sécurité sociale pour 2012. Je continue à penser qu’en ce domaine la France demeure exemplaire, et j’aimerais que cette approche soit davantage partagée sur nos travées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)