Article 140
(Non modifié)
L’article L. 213-5 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 213-5. – Sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction, les délits prévus et réprimés par :
« – les articles L. 115-3, L. 115-16, L. 115-18, L. 115-20, L. 115-22, L. 115-24, L. 115-26, L. 115-30, L. 121-6, L. 121-14, L. 213-1 à L. 213-2-1, L. 213-3, L. 213-4, L. 214-1 à L. 214-3 et L. 217-1 à L. 217-11 du présent code ;
« – les articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle ;
« – les articles L. 1343-2 à L. 1343-4, L. 3322-11, L. 3351-1, L. 3351-2, L. 4212-1, L. 4212-2, L. 4212-3, L. 4212-4, L. 4212-5, L. 4212-7, L. 4223-1, L. 4223-4, L. 4323-2, L. 5421-1, L. 5421-2, L. 5421-3, L. 5421-4, L. 5421-5, L. 5421-6, L. 5421-6-1, L. 5424-1, L. 5424-3, L. 5424-6, L. 5424-11, L. 5431-2, L. 5431-5, L. 5431-6, L. 5431-7, L. 5432-1, L. 5441-1, L. 5441-2, L. 5441-3, L. 5441-4, L. 5441-5, L. 5441-6, L. 5441-8, L. 5441-9, L. 5442-1, L. 5442-2, L. 5442-4, L. 5442-9, L. 5442-10, L. 5442-11, L. 5461-3 et L. 5462-3 du code de la santé publique ;
« – les articles L. 237-1, L. 237-2, L. 237-3, L. 253-17, L. 254-9, L. 255-8, L. 671-9 et L. 671-10 du code rural et de la pêche maritime ;
« – la loi du 30 décembre 1931 tendant à réprimer la fraude dans le commerce de l’essence térébenthine et des produits provenant des végétaux résineux ;
« – la loi du 29 juin 1934 tendant à assurer la loyauté du commerce des fruits et légumes et à réprimer la vente des fruits véreux ;
« – la loi du 3 juillet 1934 tendant à réglementer la fabrication des pâtes alimentaires ;
« – la loi du 2 juillet 1935 tendant à l’organisation et à l’assainissement des marchés du lait et des produits résineux ;
« – la loi du 25 juin 1936 tendant à la définition légale et à la protection du cuir et à la répression de la fraude dans la vente du cuir et des produits ouvrés du cuir ;
« – la loi du 21 avril 1939 tendant à réprimer les fraudes dans la vente des objets en écaille et en ivoire ;
« – la loi du 3 février 1940 tendant à réglementer le commerce des produits destinés à l’alimentation des animaux. » – (Adopté.)
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Article 149
(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution par l’Assemblée nationale en première lecture)
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Article 149 quater
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – (Non modifié)
III. – (Non modifié)
IV. – (Non modifié)
V. – L’article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 615-17. – Les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance déterminés par voie réglementaire, à l’exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative.
« Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle au recours à l’arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du code civil.
« Les tribunaux de grande instance mentionnés au premier alinéa du présent article sont seuls compétents pour constater que le brevet français cesse de produire ses effets, en totalité ou en partie, dans les conditions prévues à l’article L. 614-13 du présent code. »
VI. – (Non modifié) – (Adopté.)
Article 149 quinquies
(Suppression maintenue)
Chapitre VII
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)
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Chapitre VIII
Habilitation du Gouvernement à modifier des dispositions législatives
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Article 155 ter
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour :
1° Rationaliser et moderniser l’implantation, l’organisation, le fonctionnement, la composition et les règles de procédure et de compétence des tribunaux maritimes commerciaux ;
2° Définir la notion d’infraction maritime et préciser certaines incriminations, en vue de :
– harmoniser, sous réserve des adaptations nécessaires destinées à favoriser la coopération entre le ministère public et les services déconcentrés du ministère chargé de la mer et ceux chargés du travail, les règles de procédure applicables en ce qui concerne la recherche et la constatation des infractions, l’enquête, l’instruction et les poursuites ;
– fixer les règles relatives à la responsabilité pénale des personnes physiques ou morales exerçant en droit ou en fait un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire, les sanctions applicables en cas d’obstacle aux contrôles et les peines complémentaires applicables à certaines infractions ;
3° Abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet dans les domaines visés par les 1° et 2° en raison de l’évolution des principes du droit ou des circonstances dans lesquelles elles ont été prises ;
4° Modifier la loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande et la cinquième partie du code des transports, afin de :
a) Préciser les incriminations et sanctions pénales relatives aux manquements aux dispositions des livres II et V de la cinquième partie du code des transports, en tenant compte des conditions particulières dans lesquelles s’exerce le travail maritime, et d’assurer, en tant que de besoin, la cohérence avec les incriminations et les niveaux de sanctions pénales prévus par le code du travail ;
b) Définir les incriminations et sanctions pénales relatives aux manquements dans l’exercice de fonctions de sûreté à bord d’un navire ;
c) Préciser la liste des agents compétents pour rechercher et constater les infractions aux dispositions de la cinquième partie du code des transports, au code disciplinaire et pénal de la marine marchande et aux dispositions non codifiées relatives au transport et à la navigation maritimes ainsi qu’aux conditions minimales requises pour le travail à bord des navires, aux effectifs à bord, aux conditions d’emploi, de travail, de vie et d’hygiène des gens de mer et aux soins médicaux ;
5° Étendre avec les adaptations nécessaires ou, selon le cas, adapter les dispositions modifiées à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, dans le respect des compétences de ces collectivités ;
6° Prendre toutes mesures de cohérence résultant de la mise en œuvre des 1° à 5°.
Les ordonnances doivent être prises au plus tard dans un délai de dix-huit mois suivant la publication de la présente loi. Les projets de loi portant ratification de ces ordonnances doivent être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit leur publication. – (Adopté.)
Chapitre IX
Dispositions transitoires et diverses
Article 156
(Suppression maintenue)
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Article 158
Sont applicables dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises l’article 133, le I de l’article 136 et l’article 137.
Les articles 2 et 3 et le II de l’article 6 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna aux administrations de l’État et à leurs établissements publics.
Le 3° du I de l’article 97 est applicable à Mayotte.
Sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna les articles 10, 10 quater, 14 bis, 27, 27 decies, 30 quinquies, 31, les I et II de l’article 32, les articles 32 ter, 32 quinquies, 39, 48 bis, les I et II de l’article 50, les articles 98, 101, 102 A, 102, 105, 106, 111 bis, 113 bis, 114, 115, 116, 116 bis, 118, 119, 133 bis, 135, 145 et 146.
Les III et IV de l’article 32 et les articles 32 quater et 149 quater sont applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
Le IV de l’article 138 est applicable en Nouvelle-Calédonie.
Sont applicables en Polynésie française les articles 14, 41, 42, 42 bis, 43, 45, 46 et 100 bis.
Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna le I de l’article 6, les III et IV de l’article 32 bis, les articles 35, 51 bis, 51 ter, le I de l’article 94, le III de l’article 96, le 9° de l’article 128, l’article 128 quater, l’article 129 et le I de l’article 138.
Sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises les articles 39, 98, 128 quater et les 2° et 3° de l’article 129.
Le I de l’article 33, les articles 34 et 133, le I de l’article 136 et l’article 137 sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République. – (Adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens à souligner de nouveau les points positifs qui ont été introduits dans la proposition de loi en première lecture, comme l’autopsie judiciaire, ou en seconde lecture, grâce à l’appui de notre rapporteur.
Nous avons évoqué les copropriétés en temps partagé, mais je voudrais revenir sur une question que j’ai déjà abordée lors de la discussion générale : il s’agit des entrées de ville qui fait l’objet des articles 83 AA et 83 AB.
Ces deux articles émanent d’une proposition de loi que j’avais présentée ; ils ont été adoptés à l’unanimité par le Sénat. Je tiens à le rappeler, notre collègue Ambroise Dupont, qui se préoccupe depuis très longtemps de cette question, est à l’initiative de l’article relatif aux voiries. Quant à l’autre article, il tend à imposer dans l’ensemble des documents d’aménagement la prise en compte de la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de villes, ce qui est bien nécessaire !
À la suite du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, je précise que ces articles ne se réduisent pas à ce qui a été voté dans le cadre du Grenelle de l’environnement : ils vont plus loin. L’article 83 AB, parce qu’il traite clairement des voiries, et l’article 83 AA, parce qu’il rend obligatoire l’application d’un principe général à l’ensemble des documents d’aménagement.
Il est donc très important que ces dispositions figurent dans le texte. Nous ne les avons pas évoquées lors de la discussion des articles cet après-midi car elles ont été réintroduites, à l’unanimité, lors de l’examen du rapport par la commission. J’espère de tout cœur que la commission mixte paritaire retiendra ces mesures.
Toutefois, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi, d’abord parce que nous désapprouvons certains articles, mais surtout parce qu’au moins trois dispositions – celles qui sont relatives au classement des élèves issus de l’École nationale d’administration, à la question du rapporteur public et à la possibilité de passer un accord entre des cocontractants en cas de violation de la loi – sont lourdes de conséquences et nous paraissent inconstitutionnelles. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle – je l’ai déjà indiqué – nous saisirons le Conseil constitutionnel.
Nonobstant les avancées positives apportées par ce texte, notamment celles que je viens de citer et auxquelles j’ajouterai les amendements adoptés sur l’initiative de Françoise Cartron, nous ne pourrons le voter pour ces raisons de fond.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
20
Nomination de membres de commissions
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des finances, une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ainsi qu’une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Hubert Falco membre de la commission des finances à la place laissée vacante par M. Gérard Longuet, dont le mandat de sénateur a cessé ;
- M. André Reichardt membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale en remplacement de M. Hubert Falco, démissionnaire ;
- M. Claude Léonard membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication en remplacement de M. André Reichardt, démissionnaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
21
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 25 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009, relative à la lutte contre la fracture numérique, le rapport sur le fossé numérique en France.
Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné du dépôt de ce document, qui sera disponible au bureau de la distribution.
22
Prix du livre numérique
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au prix du livre numérique (proposition n° 309, texte de la commission n° 340, rapport n° 339).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Jacques Legendre, madame le rapporteur, chère Colette Mélot, mesdames, messieurs les sénateurs, nous célébrerons en cette année 2011 les trente ans de la loi du 10 août 1981, cette loi qui a créé le prix unique du livre et à propos de laquelle le célèbre éditeur Jérôme Lindon, l’un de ses premiers et courageux défenseurs, souligna à fort juste titre que, si elle ne traitait certes d’une question juridique ou économique, elle était avant tout « affaire de civilisation ».
Nous savons à quel point cette régulation a contribué à préserver la diversité culturelle et la créativité éditoriale, tout en accompagnant la croissance quasi continue du marché du livre français depuis trente ans.
Nous savons le rôle joué par cette loi pour permettre à tous les réseaux de vente au détail de coexister, en premier lieu les 3 500 librairies indépendantes.
Nous savons aussi que le prix fixe du livre – je crois utile de le rappeler dans le contexte actuel – est favorable au consommateur, que je préfère nettement, pour ma part, appeler « lecteur ».
M. Jack Ralite. Très bien !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Disposer d’une offre riche et variée et non d’un choix standardisé, réduit à quelques best-sellers, quelle que soit leur qualité : voilà l’intérêt du lecteur ! Et ce d’autant que la loi Lang de 1981, loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles, qui a inspiré près de la moitié des pays de l’Union européenne, n’a pas eu d’effets inflationnistes, qu’elle s’est révélée compatible avec une large gamme de tarifs. Ainsi, le prix d’un livre de poche est-il en moyenne de 6 euros.
Notre responsabilité collective est à présent de faire vivre cette loi de civilisation à l’heure du numérique.
Je tiens par conséquent à saluer l’attention soutenue que la représentation nationale, notamment au sein de la Haute Assemblée, porte à un tel enjeu. La proposition de loi relative au prix du livre numérique, dont Mme Catherine Dumas et M le président Legendre ont eu l’initiative, nous fournit l’occasion de définir le cadre de régulation indispensable pour accompagner la chaîne du livre dans un processus de transformation sans précédent depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, il y a cinq siècles.
J’ai effectué, au début du mois, un déplacement aux États-Unis riche de bien des enseignements sur la formidable transformation dans laquelle nous sommes engagés. J’en retiens notamment les effets dévastateurs d’une concurrence sauvage sur le marché du livre numérique, illustrée par la terrible guerre des prix que se sont livrés les principaux réseaux de vente de livres numériques aux États-Unis en 2009-2010 et qui a vu certains opérateurs pratiquer de considérables rabais, voire des ventes à perte – un véritable dumping – sur les meilleures ventes, au détriment des équilibres de l’ensemble de la chaîne du livre.
Mais l’effort de régulation et de structuration du marché entrepris récemment aux États-Unis mérite aussi d’être souligné. Comme vous le savez, depuis 2010, les plus grands éditeurs américains ont obtenu le passage au système du contrat d’agence, où l’éditeur contrôle son prix, avec l’appui notable de Google et d’Apple. Contrairement aux prédictions alarmistes, ce changement de modèle économique n’a entraîné aucun fléchissement du marché, lequel, bien au contraire, a continué sa croissance soutenue.
Dans ce contexte, il est clair que l’objectif qui consiste à préserver la diversité éditoriale en prenant appui sur un riche réseau de détaillants reste pleinement d’actualité à l’heure du numérique. S’il est normal que l’arrivée du numérique s’accompagne de transferts de valeur à l’avantage d’acteurs nouveaux, nous devons veiller à ce que cette transformation n’aboutisse pas à une baisse globale de la valeur produite, comme ce fut le cas pour la musique. Il convient d’éviter que des acteurs en position de force n’imposent des conditions défavorables à toute la chaîne du livre.
Il convient aussi de défendre, à l’heure du numérique, le rôle essentiel de médiateur culturel joué par les libraires pour qui le livre ne se réduit pas à un produit d’appel.
Dans ces conditions, une régulation est plus que jamais nécessaire. Il nous faut naturellement l’adapter à la réalité de ce nouveau marché, notamment en la ciblant sur le livre « homothétique », lequel devrait représenter l’essentiel du marché du livre numérique dans les quatre ou cinq prochaines années. Cependant, l’intervention de cette régulation à un stade précoce est la meilleure garantie pour que le développement du marché s’effectue dans des conditions harmonieuses, sans captation de la valeur par des acteurs dominants.
J’ajoute qu’il est tout à fait normal, et même tout à fait souhaitable, que les éditeurs soient en mesure de contrôler la valeur du livre, quel que soit, j’y insiste, le lieu d’implantation du diffuseur. Afin d’assurer la cohérence du dispositif proposé, en évitant les risques de contournement, ce principe doit s’appliquer à l’ensemble des ventes de livres numériques effectuées en France. Je rejoins donc entièrement l’objectif suivant lequel les distributeurs établis en France doivent pouvoir jouer à armes égales avec ceux qui sont établis hors de nos frontières. Il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu’elles s’adressent à des lecteurs français.
Il est toutefois parfaitement légitime qu’il y ait un débat, y compris entre les deux chambres, sur la meilleure stratégie à retenir pour atteindre cet objectif partagé par l’ensemble de la filière. Nous savons que le contrat de mandat a pour effet de restreindre l’autonomie du détaillant et donc le rôle de médiation culturelle des libraires. Malgré cet inconvénient, ce modèle a fait ses preuves, notamment aux États-Unis, à l’égard des grands opérateurs de l’internet.
Par ailleurs, comme vous le savez, ce sujet est suivi avec une grande attention par la Commission européenne, qui a rendu deux avis très réservés sur la proposition de loi française. Nous devons donc avoir conscience des interrogations sérieuses que l’approche développée ici soulève du côté de Bruxelles.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement entend poursuivre le dialogue entamé depuis plusieurs mois déjà avec les institutions européennes. Attentif aux remarques et aux interrogations légitimes de la Commission européenne, le Gouvernement fera valoir en particulier, par une analyse juridique et microéconomique très rigoureuse, que la loi instaurant un prix unique du livre numérique répond à un enjeu crucial de diversité culturelle. La préservation de la diversité culturelle, consacrée non seulement par la convention de l’UNESCO, mais aussi par les traités et la jurisprudence européenne, est un principe cardinal,…
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Absolument !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. … auquel il nous faut donner toute sa portée à l’heure du numérique.
À l’image du conseil Culture informel auquel je me suis rendu ce lundi en Hongrie, je défendrai avec force l’idée que, dans l’univers physique comme sur Internet, le livre demeure un objet culturel singulier, irréductible à sa seule dimension commerciale.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Sans me prononcer sur le fond de la procédure d’enquête récemment engagée par la Commission, je ne manquerai pas, dans le cadre de ce dialogue, de souligner, à tout le moins, mon étonnement devant la disproportion des moyens employés, alors que le marché du livre numérique est tout juste naissant. Cette initiative a pu être perçue comme une manifestation d’hostilité sans précédent à l’égard d’acteurs majeurs du monde culturel. Je comprends ce sentiment. Éditer la Pléiade, Milan Kundera, Umberto Eco ou Günter Grass, ce n’est pas comme vendre des voitures trafiquées !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Absolument !
Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Bien sûr !
MM. Roland Courteau et M. Jack Ralite. Eh oui !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. N’oublions pas que le socle de la civilisation européenne, c’est sa capacité de marier l’écrit au génie de la diversité.
Je n’accepte donc pas l’idée que les grands supermarchés numériques, étrangers à toute préoccupation de diversité éditoriale et de rémunération de la création, soient le seul visage du marché intérieur culturel.
Dans ce prétendu paradis du consommateur, qui découvrira les Julien Gracq de demain, qui les fera partager ? Je rappelle que Julien Gracq resta fidèle toute sa vie à un modeste éditeur installé tout près d’ici, José Corti. N’oublions pas que les découvertes sont le plus souvent le fait de libraires et d’éditeurs indépendants, les grands réseaux, y compris numériques, ne faisant qu’amplifier le mouvement une fois qu’il est lancé.
Au marché dérégulé qui, en vertu d’une vision très abstraite de l’intérêt du consommateur, fait le jeu de certains acteurs à prétentions hégémoniques, pour lesquels le livre n’est qu’un produit d’appel, l’Europe se doit de préférer le développement équilibré de l’« écosystème » des industries créatives et le soutien à la compétitivité des acteurs industriels européens, ce qui passe aussi par une TVA à taux réduit pour le livre numérique, à l’instauration de laquelle je m’emploie sans relâche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi examinée ce soir ne créera pas les conditions d’une économie de rente pour certains acteurs mais celles du développement d’une offre légale abondante, attractive pour le lecteur, tout en préservant une assiette stable de rémunération pour les ayants droit, en particulier les auteurs, qui doivent pleinement bénéficier de cette « nouvelle frontière » du monde de l’édition.
Je regrette donc que les discussions entreprises depuis plusieurs mois entre auteurs et éditeurs aient été interrompues à l’orée du Salon du livre, alors que d’importantes avancées paraissaient à portée de main. Il n’est pas interdit de se demander, à cet égard, si la loi ne devrait pas sanctionner très vite les résultats les plus solides de ces discussions. Je pense aux avancées les plus susceptibles d’enrichir notre code de la propriété intellectuelle, lequel, s’il mérite d’être adapté au monde numérique, ne peut l’être qu’après une instruction rigoureuse par les pouvoirs publics. Dans tous les cas, j’invite les parties à reprendre leurs discussions et leurs négociations le plus rapidement possible.
Bien entendu, cette proposition de loi trouve sa place – éminente – dans la stratégie globale sur le livre numérique mise en œuvre par le Gouvernement, et dont vous connaissez les grands axes.
« Quand on proclama que la Bibliothèque comprenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant. Tous les hommes se sentirent maîtres d’un trésor intact et secret ». Certes, nous sommes encore loin de l’utopie babélienne explorée par Jorge Luis Borges. Il reste que, vous le savez cependant, la France est le seul pays d’Europe à avoir mis en place un système de financement ambitieux de numérisation des livres, d’un montant de 10 millions d’euros par an, qui a permis de numériser, d’une part, les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque nationale de France – plus de 1,2 million de documents sont à ce jour disponibles dans Gallica –, d’autre part, les catalogues papier « vivants » des éditeurs, soit à ce jour un total de 600 000 titres.
J’ai également eu le plaisir de signer, il y a quelques semaines, avec René Ricol, commissaire général à l’investissement, et les professionnels concernés un accord-cadre de portée historique, qui permettra la numérisation de 500 000 livres du XXe siècle indisponibles dans les librairies, compte tenu notamment de la difficulté de réactualiser les contrats de manière simple pour les éditeurs.
Alors que, aux Etats-Unis, la justice vient de rejeter le projet d’accord entre Google et les auteurs et éditeurs américains concernant l’exploitation de plusieurs millions d’œuvres protégées, la stratégie ainsi mise en œuvre en France par le ministère et les professionnels français du livre pour favoriser la diffusion des œuvres dans l’univers numérique tout en respectant le droit d’auteur se trouve, de ce fait, pleinement confortée.
Outre l’action en faveur de la lecture, en lien avec les bibliothèques et les médiathèques de nos territoires, à travers les quatorze propositions de mon « plan lecture », et le soutien à près de 500 libraires indépendants, à travers le label « librairie indépendante de référence », j’ai placé l’adaptation de la librairie traditionnelle au numérique au cœur de mes priorités.
Je m’attache ainsi à soutenir, via le Centre national du livre, le projet « 1001libraires.com », qui entend fédérer, sur Internet, l’offre du plus grand nombre de libraires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure du « capitalisme cognitif » et des formidables transformations liées au numérique, l’adaptation de l’écosystème du livre doit être accompagnée par les pouvoirs publics, à travers une régulation efficace, proportionnée, garante de la diversité culturelle.
La proposition de loi examinée ce soir, cette « loi de développement durable du livre numérique », répond à une telle exigence. Elle recueille donc mon plein soutien.
Transposant à l’univers numérique, moyennant les adaptations nécessaires, les principes vertueux de la loi Lang, ce texte constitue une contribution essentielle à la construction civilisée du marché du livre numérique que, tous, nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste, du RDSE et du groupe CRC-SPG.)