Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélémy et de Polynésie française
Vote sur l'ensemble (fin)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. le rapporteur.

M. Éric Doligé, rapporteur. Je souhaiterais très rapidement donner la position de la commission des finances.

Les accords fiscaux qu’il nous est proposé d’approuver sont satisfaisants au regard tant des finances publiques que de la nécessité de garantir l’exercice des compétences fiscales des collectivités concernées.

Il ne s’agit pas ici de revenir sur le principe des lois organiques que nous avons votées, et sur l’octroi des compétences fiscales aux collectivités d’outre-mer concernées. L’objectif des conventions que nous sommes appelés à approuver est justement d’encadrer l’exercice de ces compétences et de garantir que celui-ci se fera dans le respect des règles de transparence et des principes de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

En outre, ces accords ont fait l’objet de longues négociations, et il ne me semble pas opportun de revenir sur l’équilibre qui a présidé à leur conclusion.

C’est pourquoi la commission des finances, outre une correction d’erreur matérielle, n’a pas apporté de modification à la présente proposition de loi organique, et vous propose de l’adopter en l’état.

Mme la présidente. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Madame la présidente, mes chers collègues, je ne pensais pas intervenir dans ce débat, mais j’ai entendu tellement de propos scandaleux : paradis fiscal, délits d’initiés, véritables flibustiers que sont les Saint-Martinois et les Saint-Barths, blanchiment d’argent !

Je voudrais rappeler à mes collègues que ce sont de tels propos, tenus parfois ici, qui provoquent les incidents extrêmement graves que nous déplorons.

En effet, dire cela, c’est démontrer que des Français ne connaissent pas la France, et c’est grave ! Comment pouvez-vous voter une loi et formuler des observations sur des régions que vous méconnaissez ?

Président du conseil régional de la Guadeloupe pendant douze ans, je voudrais vous dire, madame Bricq : quelles sont les subventions que l’État a versées pour construire le lycée de Saint-Barthélemy ? J’entends que des étudiants quittent Saint-Barthélemy. Or il n’y a pas de lycée à Saint-Barthélemy ! Il n’y a pas non plus d’hôpital ! La loi de défiscalisation, Saint-Barthélemy ne l’a jamais appliquée, et l’a totalement refusée !

J’entends parler, en outre, d’un paradis fiscal. Saint-Martin et Saint-Barthélemy étaient deux communes de la Guadeloupe placées sous les lois républicaines. S’il y a eu paradis fiscal, c’est que des fonctionnaires de l’État n’ont pas fait leur travail. Ce n’est pas concevable !

Qu’avez-vous fait de ces deux îles ? Vous avez, à Saint-Martin, laissé construire, contre la volonté des élus locaux, l’aéroport en zone hollandaise. Quand nous avons demandé à l’époque au Gouvernement de pouvoir siéger au conseil d’administration de cet aéroport – je me tourne vers mon collègue Louis-Constant Fleming, qui sait le combat que nous avons mené –, le Gouvernement nous a dit « non ». L’aéroport international de Saint-Martin, c’est là qu’atterrissent les avions d’Air France, en acquittant de lourdes taxes.

Quand vous avez décidé de construire un port, nous avons demandé la priorité. Or le port a été édifié en zone hollandaise. Que nous a-t-on donné en zone française ? On nous a donné l’hôpital, et nous avons joué sur cette île à Mère Teresa, car tous les Haïtiens et les habitants de Saint-Domingue malades se sont installés à l’hôpital de Saint-Martin. N’est-ce pas, mon cher collègue Fleming ?

C’est la faillite de cette île que nous avons soutenue grâce à une chose qui était illégale : alors que Saint-Martin ne payait pas de taxe d’octroi de mer, la Guadeloupe lui versait à ce titre 23 millions d’euros de l’époque, auxquels s’ajoutait la taxe complémentaire d’île éloignée. En outre, nous donnions à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, qui ne la payaient pas, la taxe destinée à alimenter le Fonds d’investissement routier : chaque fois qu’un Guadeloupéen circulait, il acquittait une taxe pour construire les routes, dont une partie était reversée à ces deux collectivités.

J’entends parler de subventions : donnez-en ! Les Haïtiens, les Dominicains ne vous demanderont que cela. Vous voulez supprimer l’aide à Saint-Martin en disant que vous allez attribuer des subventions. C’est ce qui est en train de se passer dans la Caraïbe !

On vous a parlé de laboratoire. Eh bien, moi, je suis pour le laboratoire. Le moment est venu, dans le cadre de la fiscalité, de parvenir à une complémentarité relationnelle entre la Caraïbe et les départements français de la zone, parce que, d’un côté, nous percevons des fonds européens dans le cadre des programmes opérationnels du Fonds européen de développement régional, ou FEDER, et, de l’autre, nous subventionnons les pays de la Caraïbe, qui reçoivent des fonds de l’Union européenne.

Par ailleurs, depuis fort longtemps – 1983 ! –, notre pays a laissé à l’Europe le soin de négocier dans la Caraïbe, au nom de la France, les accords, au titre de la Caricom, du Cariforum et de Lomé.

Donc, lorsqu’on parle de la Caraïbe et de l’outre-mer, je vous en supplie, ici, apprenez réellement ce qui se passe, et arrêtez de considérer les habitants de ces îles comme des assistés, des trafiquants ou des coupables de délits d’initiés ! Ce sont des Français, qui, en toute circonstance, essaient de respecter les règles républicaines. (MM. Christian Cointat et Robert Laufoaulu applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Constant Fleming.

M. Louis-Constant Fleming. Madame la présidente, ayant été mis en cause par mon collègue Thierry Foucaud, qui a déclaré que je n’avais pas associé M. Richard Tuheiava, sénateur de la Polynésie, à cette proposition de loi,…

M. Thierry Foucaud. C’est un constat !

M. Louis-Constant Fleming. … je précise simplement que j’ai effectivement fait cette démarche, mais que M. Tuheiava a répondu qu’il ne pouvait pas s’associer à une proposition de loi présentée par des sénateurs UMP.

M. Thierry Foucaud. C’est un autre constat !

Mme Nicole Bricq. M. Tuheiava a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique de nos collègues de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a suscité, on vient de s’en rendre compte, une opposition étonnante de la part, notamment, des membres du groupe CRC-SPG, qui ont publié la semaine dernière un communiqué de presse plutôt virulent.

La critique porte en particulier sur les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qui seraient, selon eux, érigées en véritables paradis fiscaux par la présente proposition de loi.

Tel n’est pourtant pas du tout l’objet de ce texte, loin de là, et M. le rapporteur Éric Doligé, dont je tiens à saluer la qualité du rapport, l’a excellemment bien rappelé. Mais, je me permets de le souligner, trop souvent, l’obsession de paradis fiscal n’est que l’expression d’un rêve d’enfer fiscal.

Depuis 2007, ces collectivités sont des collectivités d’outre-mer qui disposent d’une autonomie fiscale. C’est purement et simplement l’application de l’article 74 de la Constitution. Je dis cela pour notre collègue du groupe RDSE, qui, visiblement, n’avait pas fait le lien entre « collectivités d’outre-mer » et l’article 74 de la Constitution…

Dès lors, il était devenu indispensable d’éviter les doubles impositions, auxquelles, je le pense, personne, dans cette assemblée, n’est favorable.

Des conventions de même type ont déjà été adoptées avec les autres collectivités ultramarines disposant d’une compétence fiscale, et personne ne s’en est indigné – ce qui est normal puisque c’est la justice !

Le problème ne se posant pas pour Saint-Barthélemy, qui n’a pas mis en place de fiscalité directe sur son territoire, ce qui ne l’empêche pas d’être relativement riche, la présente proposition de loi organique entend résoudre le cas de Saint-Martin, en s’inspirant largement du modèle prévu par l’OCDE – c’est une référence.

Elle prévoit également une assistance administrative mutuelle en matière fiscale avec Saint-Martin, Saint-Barthélémy et la Polynésie française, afin de prévenir, par une plus grande transparence et un contrôle sur place, la fraude et l’évasion fiscales – c’est précisément ce que nous voulons éviter.

Je tiens à appeler l’attention de nos collègues de l’opposition sur le fait que les dispositions du texte dont nous débattons aujourd’hui contribuent par conséquent à la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale qui découle de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cette opposition politicienne ne peut s’expliquer que par de la mauvaise foi ou, plus vraisemblablement, par une méconnaissance de la réalité du terrain – pour ma part, à l’instar de notre collègue Lucette Michaux-Chevry, je privilégie cette deuxième hypothèse.

Comme l’a rappelé Louis-Constant Fleming, le texte que nous examinons cet après-midi revêt un caractère primordial pour la survie financière de la collectivité de Saint-Martin, en ce qu’il met fin aux délais que celle-ci a subis dans la mise en œuvre de son autonomie fiscale.

Dans ces conditions, vous le comprendrez, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UMP votera en faveur de la présente proposition de loi organique tendant à l’approbation de quatre accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de la Polynésie française. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Je voudrais, sans agressivité aucune, réagir brièvement aux interventions de mes collègues.

Les termes « délits d’initiés » ou « flibustiers » sont sans doute excessifs… Toutefois, s’il y a une telle volonté de lutter contre la fraude fiscale, c’est sans doute bien que celle-ci doit exister ! (Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Christian Cointat s’esclaffent.) Cela me paraît, somme toute, assez logique.

M. Christian Cointat. Notre but est justement de l’éviter !

M. François Fortassin. Si vous estimez que tout est vertueux sur ces territoires, je vous laisse la responsabilité de vos propos, mes chers collègues.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Ayant déjà largement explicité la position du groupe socialiste lors de mon intervention liminaire, je n’avais pas prévu de reprendre la parole à ce stade du débat.

Je tiens toutefois à prendre acte de la position de la commission des finances et de la déclaration de M. le rapporteur, affirmant qu’il y aura un contrôle fiscal digne de ce nom. Comme l’ensemble des membres du groupe socialiste, je suis très attachée à ce que ce contrôle soit effectif.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous avons soutenu le ministre du budget lorsqu’il a voulu, dans la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009, se doter d’un outil de lutte contre la fraude fiscale, la fameuse brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, à laquelle j’ai fait référence dans la discussion générale.

Encore faut-il lui donner les moyens de fonctionner ! Or, si l’on applique la RGPP au ministère du budget et aux cellules chargées de mener les contrôles fiscaux, il est légitimement permis de s’inquiéter.

Quant au petit jeu qui consiste à relever les contradictions des groupes politiques, il pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’UMP. Il suffirait de rappeler la position constante du rapporteur général et des commissaires de la commission des finances à propos des mesures de défiscalisation, une position qui, au demeurant, vaut pour l’ensemble du territoire français – vous voyez que l’on ne fait pas d’ostracisme, mes chers collègues !

De surcroît, il ne faut pas confondre les départements d’outre-mer, qui, par définition, n’ont pas la compétence fiscale, et les collectivités d’outre-mer, lesquelles peuvent exercer cette autonomie fiscale.

J’ai simplement voulu dire que la défiscalisation, surtout lorsqu’elle est massive et qu’elle se traduit par une diminution du nombre des contrôles, permet vraisemblablement à de petits trous de se former – et même s’ils ne sont pas « noirs », ils sont tout de même très sombres !

Un autre moyen existe peut-être pour aider ces territoires et leur permettre d’avoir un développement économique endogène.

Quoi qu’il en soit, dès lors que l’État prend des mesures de défiscalisation, il me semble qu’il doit se donner les moyens de les évaluer régulièrement et d’en contrôler l’utilisation.

Il me semble que mon propos est clair, et qu’il reflète une volonté commune à l’ensemble des groupes à propos des mesures de défiscalisation, que celles-ci concernent le territoire hexagonal ou les départements et collectivités d’outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il ressort du compte rendu de la commission des finances du 2 février que son président, M. Jean Arthuis, a tenu les propos suivants : « Est-il légitime de maintenir les dispositifs de défiscalisation à Saint-Barthélemy, île prospère ? Quel gâchis d’argent public ! Certains observateurs locaux disent que les parkings y sont trop petits, tant sont nombreuses les voitures défiscalisées ! »

Le groupe CRC-SPG n’est donc pas le seul à s’interroger !

Au demeurant, c’est vous qui avez parlé de délits d’initiés et de blanchiment d’argent, madame Michaux-Chevry. Nous n’avons, pour notre part, jamais employé ces termes, conscients que nous sommes de nos responsabilités !

Nous sommes en revanche préoccupés de constater que les pertes de recettes fiscales, qui s’élèvent à 6 millions d’euros pour Saint-Barthélemy, et autant pour Saint-Martin, n’ont profité qu’aux plus fortunés.

Aussi, il me semblait que le temps était peut-être venu de proposer une évaluation des effets de l’application de l’article 74 de la Constitution, sur lequel les statuts de ces deux collectivités territoriales sont fondés.

Il nous semble notamment que la situation budgétaire, sociale et économique pose problème. Je l’ai dit et redit, au nom du groupe CRC-SPG : toutes les compétences transférées à la collectivité de Saint-Martin ne sont pas assurées par cette dernière. Par exemple, l’aide sociale à l’enfance n’a pas été mise en œuvre, alors qu’elle concerne 40 % de la population, et que 20 % des jeunes sont au chômage.

Nous devons changer cette situation, et ne pas travailler à sens unique. Les 12 millions d’euros de moins-value fiscale seraient mieux utilisés pour encourager le développement économique et aider la population.

Quand je disais que les paradis fiscaux profitaient à certains, mais pas à tous, je voulais tout simplement décrire la réalité suivante : pendant que les plus riches payent moins d’impôt, les plus pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Mais vous pouvez toujours essayer de me démontrer que la situation est paradisiaque pour la majorité des populations de ces territoires !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 160 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 213
Majorité absolue des suffrages exprimés 107
Pour l’adoption 189
Contre 24

Le Sénat a adopté.

Vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélémy et de Polynésie française
 

6

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 15 février 2011 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quatorze heures trente :

2. Débat d’orientation sur les conclusions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

À dix-huit heures trente et le soir :

3. Débat sur le schéma national des infrastructures de transport.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART