M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 482 rectifié et 234.
Par l’amendement n° 459 rectifié, est demandée la suppression des examens des demandes d’asile selon la procédure prioritaire, à l’exception toutefois de celles nécessaires à l’application du règlement Dublin II. La commission est défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 235 rectifié.
Les amendements nos 86 rectifié, 236 rectifié et 460 visent à supprimer les dispositions permettant d’examiner en procédure prioritaire une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures d’asile. La commission des lois rappelle qu’il est essentiel de conserver ce cas d’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire, afin d’empêcher que des demandes manifestement dilatoires ne fassent échec à l’exécution d’une procédure d’éloignement. La commission est donc défavorable à ces amendements.
Les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis proposent, d’une part, d’introduire dans notre droit la définition de la notion de pays d’origine sûr retenue par le droit communautaire, et, d’autre part, d’exclure du champ de la procédure prioritaire les demandes entrant dans le champ de la convention de Genève ou de la protection subsidiaire.
La commission des lois est favorable au 1° de ces amendements, qui introduirait dans notre droit la définition du concept de pays sûr qui figure dans la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005. Cette définition paraît en effet plus explicite que celle qui figure à l’article L. 741-4 du code des étrangers. En particulier, en visant la notion de « peines ou traitements inhumains ou dégradants », elle permet de prendre explicitement en compte les mauvais traitements tels que l’excision ou les mariages forcés.
La commission des lois est en revanche plus réservée sur le 2° de ces amendements. Si elle en comprend bien la logique, elle craint toutefois qu’il n’empêche de placer en procédure prioritaire les étrangers qui sollicitent l’asile de façon manifestement dilatoire, quelques heures avant l’exécution de leur reconduite à la frontière, par exemple. Or, même si les demandes formulées dans de telles circonstances comportent des moyens valables, elles n’en sont pas moins dilatoires.
En tout état de cause, je rappelle que l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA entende le demandeur. Les délais d’examen sont toutefois réduits. Néanmoins, le demandeur en procédure prioritaire ne peut pas être éloigné tant que l’OFPRA ne s’est pas prononcé sur sa demande, conformément aux principes posés par le Conseil constitutionnel.
La commission est par conséquent favorable aux 1° des amendements nos 238 rectifié bis et 16, et défavorable aux 2° de ces mêmes amendements.
M. le président. Permettez-moi de vous interrompre, monsieur le rapporteur, pour faire remarquer qu’il sera opportun de mettre aux voix ces amendements par division.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ajouterai, monsieur le président, que, si le 1° de ces amendements est adopté, il devra compléter l’article 75 du projet de loi, et non s’y substituer.
Enfin, la commission des lois est défavorable aux amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis. En effet, ces amendements proposent de supprimer les dispositions du code des étrangers relatives à la notion de pays d’origine sûr.
La notion de pays d’origine sûr est issue du droit communautaire. Le protocole annexé au traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 prohibe en principe les demandes d’asile entre États membres de l’Union européenne. Selon la directive du 29 avril 2004, un pays est considéré comme sûr s’il veille au respect des principes de liberté, de démocratie et d’état de droit, ainsi qu’au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 23 de la directive du 1er décembre 2005 permet d’examiner les demandes présentées par les ressortissants de ces pays selon la procédure prioritaire.
Je ferai toutefois trois remarques.
Tout d’abord, cette notion de pays sûr n’induit qu’une présomption de sécurité et ne fait pas obstacle, évidemment, à une reconnaissance de la qualité de réfugié par l’OFPRA ou la Cour nationale du droit d’asile.
Par ailleurs, la liste des pays sûrs est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA sous le contrôle du juge administratif, qui, comme le relèvent les auteurs de l’amendement, examine attentivement si les conditions sont réunies.
Enfin, et en toutes hypothèses, un demandeur d’asile ressortissant d’un pays d’origine sûr ne peut pas être éloigné avant que l’OFPRA ne se soit prononcé sur sa demande, je l’ai déjà expliqué.
L’utilisation de cette notion est donc entourée de nombreuses garanties.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 482 rectifié, 234, 459 rectifié, 235 rectifié, 86 rectifié, 236 rectifié et 460. En effet, ces amendements visent à supprimer la procédure prioritaire. Le Gouvernement considère justement que la procédure prévue par la loi assure un juste équilibre entre les exigences du droit d’asile et la nécessité de parer aux demandes d’asile manifestement étrangères à une problématique de protection.
S’agissant des amendements nos 16 et 238 rectifié bis, le Gouvernement souhaite le maintien de la rédaction initiale de l’article. En l'occurrence, il ne suit donc pas l’avis de la commission. En effet, le Gouvernement considère que la définition d’un pays d’origine sûr est déjà donnée par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qu’il n’est aucunement nécessaire de modifier cette définition, et ce d’autant que cette définition est conforme au droit communautaire, notamment à la directive du 1er décembre 2005.
S’agissant des amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis, qui visent à supprimer la liste des pays d’origine sûrs, le Gouvernement considère que leur objet n’est pas acceptable. Il souhaite en effet conserver cette liste et appliquer aux ressortissants des pays d’origine sûrs la procédure prioritaire. Ce dispositif, jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, est autorisé par le droit communautaire. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 rectifié, 236 rectifié et 460.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous prenons acte de la position de M. le rapporteur, qui est favorable au 1° de ces deux amendements identiques.
Pour autant, le 2° de ces deux amendements, qui tend à compléter le 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, nous paraît également important.
En effet, il s’agit de préciser que l’examen individuel pourra être pris en compte de manière sérieuse et bénéficier à un certain nombre de personnes issues de pays considérés comme « sûrs ».
De mon point de vue, il serait regrettable que notre beau pays de France n’offre l’asile qu’à des personnes venant de pays non sûrs.
En effet, les critères de définition des « pays sûrs » ne sont pas toujours adaptés aux exigences du droit d’asile. Par exemple, au temps du maccarthysme, nous nous sommes enorgueillis d’accueillir nombre d’artistes, d’écrivains ou de cinéastes américains ; les États-Unis étaient pourtant considérés comme un pays sûr ! De même, le Royaume-Uni devait probablement considérer la France comme un pays sûr lorsque Victor Hugo s’est exilé à Jersey… Gardons cela en tête lorsque nous discutons des pays sûrs et non sûrs !
À mon sens, le droit d’asile doit faire l’objet d’un examen individuel. Sinon, pourraient être placées dans la même catégorie des personnes qui ne pourraient pas prétendre au droit d’asile, alors qu’elles essaieraient d’en bénéficier par un biais quelconque, et d’autres qui demanderaient l’asile parce que dans leur pays elles se verraient empêchés d’exercer leur métier. Jusqu’à une période très récente, nombre d’avocats ou d’enseignants tunisiens ne pouvaient pas exercer leur profession parce qu’ils étaient opposants. Pourtant, le gouvernement français considérait la Tunisie comme un pays sûr. Il faut donc faire attention à certaines qualifications.
Par ailleurs, je constate que les pays européens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une liste. C’est la méthode qui a été retenue, mais nous devrions peut-être y réfléchir.
Le 2° des deux amendements identiques vise à préciser que « ne peut être considérée comme un recours abusif ou frauduleux, la demande d’asile présentée par un étranger qui invoque des circonstances susceptibles de lui permettre de se voir reconnaître, le cas échéant, la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire. » Cela a le mérite de clarifier les choses !
Ainsi, un individu empêché d’exercer son activité professionnelle dans un pays considéré chez nous comme « sûr » aurait tout de même la possibilité d’aller travailler ailleurs. N’oublions pas qu’il y a aussi des ouvriers qui sont dans cette situation.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Certes, la commission pense que la définition de « pays d’origine sûr » doit faire l’objet de précisions, conformément à l’évolution du droit. Mais c’est extrêmement subtil.
Or, madame Borvo Cohen-Seat, le dispositif que Mme Boumediene-Thiery et vous proposez au 2° de vos amendements respectifs revient à détruire la procédure prioritaire. Vous cherchez à revenir à ce que vous avez défendu auparavant, ce qui est d’ailleurs logique. Vos amendements sont extrêmement bien construits, mais on ne peut pas les adopter dans leur intégralité sous peine de remettre en cause la procédure prioritaire.
C’est pourquoi la commission souhaite un vote par division, monsieur le président. Nous sommes d'accord pour modifier la définition du pays d’origine sûr, mais pas pour adopter le 2° des deux amendements identiques et détruire la procédure prioritaire. J’espère que c’est bien clair dans l’esprit de nos collègues.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souscris aux arguments qui ont été avancés par Mme Borvo Cohen-Seat.
Toutefois, je prends acte de la proposition qui nous a été adressée. Même si la mesure que nous proposons au 2° de nos deux amendements identiques me semble également importante, l’adoption du 1° dans le cadre d’un vote par division serait déjà une première étape positive.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Voilà une femme pragmatique !
M. le président. Je rappelle que la commission a souhaité qu’il soit procédé à un vote par division sur les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Je mets aux voix le 1° des amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le 2° des amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
(Ce texte n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis, modifiés, qui tendent désormais à compléter l’article 75 en s’insérant avant le premier alinéa.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 75, modifié.
(L'article 75 est adopté.)
Article 75 bis A
(Non modifié)
Au I de l’article 6 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, après le mot : « étrangères », sont insérés les mots : «, du ministre chargé de l’immigration ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Kergueris et Duvernois.
L'amendement n° 92 est présenté par MM. Arthuis et Gouteyron.
L'amendement n° 464 est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Louis Duvernois, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Louis Duvernois. Alors que la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État a prévu une double tutelle du ministre des affaires étrangères et européennes et du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le nouvel établissement public Campus France, cet article, issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, vise à modifier le texte voté par le Parlement l'été dernier, en ajoutant la tutelle du ministre chargé de l'immigration sur cet établissement, ce qui aboutirait à une triple tutelle.
La multiplicité des tutelles est par principe à proscrire, afin de simplifier les relations de l’établissement public avec l’État et de renforcer son pilotage stratégique.
La question de la tutelle sur le nouvel établissement public Campus France avait été longuement étudiée au sein de la commission des affaires étrangères, saisie au fond, et de la commission de la culture, saisie pour avis, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État. Les deux commissions sénatoriales avaient estimé qu'une tutelle partagée entre trois ministères ne serait pas gage d'efficacité et pourrait contribuer à un déficit de pilotage stratégique sur le nouvel opérateur.
Suivant cette logique, il me semble souhaitable, dans un souci de clarté et d’efficacité, de limiter les ministères de tutelle aux deux ministères directement et significativement impliqués dans la définition des orientations stratégiques, la gouvernance et le financement de l’établissement.
En outre, les compétences du ministère de l’intérieur en matière de visas ne sauraient à elles seules constituer une raison valable de lui conférer la tutelle de l’établissement.
En effet, une proportion importante des étudiants étrangers en France, notamment les étudiants originaires de l'espace Schengen, échappent à la procédure des visas, qui n'est pas en vigueur avec leur pays d'origine.
Mes chers collègues, je vous propose donc, par cet amendement, de supprimer la tutelle du ministère de l’intérieur sur Campus France et de revenir aux dispositions que nous avions adoptées au mois de juillet 2010 dans un climat consensuel.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l'amendement n° 92.
M. Jean Arthuis. Louis Duvernois vient d’exposer l’objet de son amendement, qui est identique au nôtre.
Mes chers collègues, Adrien Gouteyron et moi nous sommes interrogés sur l’opportunité d’inscrire une disposition confiant la tutelle de Campus France au ministère de l’intérieur, chargé de l’immigration, dans un projet de loi relatif à l’immigration.
Je parle sous le contrôle de M. le rapporteur, ainsi que du président et des membres de la commission des lois : nous sommes, me semble-t-il, à la limite du cavalier législatif.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! C’est un véritable cavalier !
M. Jean Arthuis. Adrien Gouteyron et moi-même avons déposé cet amendement parce que, dans le cadre des travaux de contrôle de la commission des finances, nous avions sollicité de la Cour des comptes une enquête sur l’association Égide, qui était, je le rappelle, une des structures dont est issu Campus France.
À l’occasion de cette audition, nous nous étions interrogés sur l’opportunité de mettre en place une triple tutelle. Le débat que nous avons eu le 13 octobre 2010 était parfaitement clair : il fallait s’en tenir à la double tutelle issue de la loi de 2010.
Je ne reviendrai pas sur les arguments présentés par Louis Duvernois ; ils sont les nôtres.
En conséquence, nous demandons au Sénat de supprimer l’article 75 bis A.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 464.
M. Richard Yung. L’opérateur Campus France a été créé par la loi du 27 juillet 2010, soit il y a un peu plus de six mois. Cela montre de quelle façon nous travaillons…
M. Jean Arthuis. Quelle instabilité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est courant !
M. Richard Yung. Tout à fait !
Le Sénat, dans toute sa sagesse, a débattu longuement du problème de la tutelle au mois de juillet dernier. Or voilà que, six mois après, un « objet législatif non identifié » vient se « poser » sur ce texte ! C’est dire la mauvaise qualité de nos travaux et la mauvaise organisation du Gouvernement. Si nous travaillions moins et que nous faisions du travail de meilleure qualité, le pays s’en porterait mieux !
Cet amendement est un vrai cavalier législatif. Le député Jean-François Mancel, je ne sais pour quelle raison, s’est soucié de multiplier les tutelles de Campus France. Chacun sait qu’une tutelle, ça va, que deux tutelles, c’est plus difficile, mais que trois tutelles,…
M. Christian Cointat. Bonjour les dégâts !
M. Richard Yung. … c’est impossible ! Il n’est pas besoin d’avoir fait HEC pour le savoir !
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été excellemment développés par mes collègues. Pour les mêmes raisons, mon groupe demande, lui aussi, la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Qu’il me soit permis de resituer un peu le contexte.
C’est lors de l’examen en première lecture du projet de loi que la commission des lois de l’Assemblée nationale, par la voix de Jean-Luc Warsmann, a introduit cette disposition pour placer la tutelle de Campus France sous l’autorité du ministère de l’immigration.
Cette proposition pourrait se justifier par le fait que le ministère de l’immigration est chargé de la politique d’entrée et de séjour, et de l’exercice d’une activité professionnelle. En l’occurrence, cette mission inclut les étudiants étrangers. Le ministère de l’immigration aura évidemment un rôle déterminant. C'est la raison pour laquelle cette proposition a été formulée.
Pour autant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je serai très bref puisque Mme la ministre s’en est remise à la sagesse du Sénat.
Néanmoins, je veux souligner combien il est important de ne pas multiplier les tutelles. Je suis tout à fait d’accord avec Richard Yung : avec une tutelle, on sait qui est responsable ; à partir de deux tutelles, la responsabilité commence à se déliter ; à trois tutelles, plus personne n’y comprend rien !
Instaurer plusieurs tutelles, c’est multiplier et diluer la responsabilité, mais c’est aussi accroître les blocages. Voilà pourquoi il convient d’éviter les multiplications.
Je voterai donc les amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 92 et 464.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
L'article 75 bis A est supprimé.
Article 75 bis
(Non modifié)
Les six premiers alinéas de l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La demande d’aide médicale de l’État est déposée auprès de l’organisme d’assurance maladie du lieu de résidence de l’intéressé. Cet organisme en assure l’instruction par délégation de l’État. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je souhaite profiter de l’examen de l’article 75 bis pour condamner une nouvelle fois la remise en cause de l’aide médicale d’État, l’AME.
La création, par la loi de finances pour 2011, d’un droit d’entrée annuel par adulte bénéficiaire de l’AME est injuste, dangereuse et contreproductive, à la fois sur le plan médical et sur le plan financier.
Présentées comme des mesures d’économies – Sainte RGPP ! –, les restrictions d’accès à l’AME risquent de produire l’effet inverse, à savoir un alourdissement des dépenses. Cette crainte a d’ailleurs été récemment formulée par l’inspection générale des finances, l’IGF, et l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, au terme d’une enquête.
D’après cette enquête, la mise en place d’un droit d’entrée, censé rapporter 6 millions d’euros par an, risque de « conduire à de lourds effets pervers », sans avoir « d’effet de responsabilisation des assurés ».
Sans se prononcer directement sur le forfait de 30 euros, les inspecteurs de l’IGAS ont souligné que toute contribution, même modeste, dissuadera certains malades de se faire soigner, ce qui multipliera les « recours tardifs à l’hôpital, nettement plus coûteux ».
Si 10 % des malades retardent leur prise en charge, les dépenses de soins s’alourdiront de 20 millions d’euros, soit trois fois plus que les économies attendues !
Dans ces conditions, je regrette profondément que l’amendement n° 465, déposé par mon groupe, ait été déclaré irrecevable par la commission des finances en application de l’article 40 de la Constitution, sorte d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal ! C’était attendu !
M. Richard Yung. D’après le président de la commission des finances, la suppression du droit d’entrée aurait risqué d’étendre le champ des bénéficiaires de l’AME.
M. le président. L'amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article vise à créer un guichet unique pour la demande d’aide médicale d’État, à savoir l’organisme d’assurance maladie, afin d’éviter les prétendues fraudes.
La demande d’aide médicale d’État destinée aux étrangers résidant depuis plus de trois mois en France et ayant des revenus inférieurs à 634 euros par mois peut, actuellement, être déposée auprès de quatre organismes : l’assurance maladie, le centre communal d’action sociale, les services sanitaires et sociaux du département, et les associations à but non lucratif agrées par le préfet.
Rappelons, cependant, qu’il s’agit simplement d’offrir une facilité d’accès géographique pour le dépôt de la demande. En effet, quel que soit l’organisme choisi, le dossier sera instruit par la caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM ! Ainsi, cet article augmentera les difficultés pour entrer dans le dispositif en réduisant considérablement le nombre de points de réception de dépôt des demandes.
Cette disposition est donc parfaitement inutile et repose sur un soupçon permanent et infondé de fraudes des étrangers.
En outre, M. Yung l’a souligné, l’aide médicale d’État a déjà fait l’objet de modifications dans le projet de loi de finances pour 2011.
La raison d’être de cet article se trouve dans le rapport de l’IGAS, qui avait pointé une forte hausse des dépenses d’AME en 2009, et dans la volonté de réduire le montant de celles-ci qui en avait résulté.
Dans cet esprit, la loi de finances pour 2011 a déjà créé un dispositif inadmissible de droit annuel d’entrée pour l’AME qui s’élève à 30 euros. C’est inacceptable au regard des droits des malades, en général, et de ceux des étrangers les plus démunis, en particulier.
C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est tout à fait favorable à la création d’un guichet unique pour l’aide médicale d’État. Elle est donc défavorable à l’amendement n° 240.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?