Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 77

Article additionnel avant l'article 77

Mme la présidente. L'amendement n° II–206, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Avant l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 568 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « tabac au détail », sont insérés les mots : «, à compter du 1er janvier 2011, » ;

2° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une licence ne vaut que pour un point de vente. » ;

3° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre maximum de licences ainsi accordées est fixé à 540 pour la Martinique, 550 pour la Guadeloupe, 1070 pour La Réunion et 300 pour la Guyane. » ;

4° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2011, seuls les distributeurs agréés peuvent vendre du tabac manufacturé aux personnes mentionnées au premier alinéa. » ;

5° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« À titre transitoire, les détaillants vendant habituellement du tabac manufacturé antérieurement au 1er janvier 2011 et n'ayant pas bénéficié de l'attribution d'une licence au titre de l'année 2011, sont autorisés à poursuivre la vente aux particuliers pendant la période strictement nécessaire à l'épuisement de leur stock et au plus tard jusqu'au 30 juin 2011. »

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne la vente de tabac dans les DOM où, contrairement à la métropole, elle n’est pas soumise à un monopole.

Le Parlement a adopté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, l’article 568 bis du code général des impôts, qui organise une procédure de licences accordées par le conseil général aux débitants de tabac.

Ce dispositif présente le double avantage d’attribuer une nouvelle ressource aux départements, par le biais d’une redevance, et de mettre fin à l’anarchie complète du marché du tabac, tout en respectant les équilibres actuels et les commerces en activité. Il s’agit en définitive de moraliser ce marché et de permettre aux politiques de prévention de s’appliquer aussi outre-mer.

Depuis deux ans, le Gouvernement n’a toujours pas pris le décret d’application de cet article, ce qui crée une insécurité juridique indéniable pour les vendeurs, puisque la cessation d’activité des points de vente dépourvus de licence est fixée, dans l’article même du code, « au plus tard le 1er janvier 2011 ».

Cet amendement vise en conséquence à conforter l’environnement juridique du commerce du tabac dans les DOM et à remédier à l’inertie du Gouvernement sur cette question essentielle de santé publique.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II–358, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :

I. - Amendement n° II-206

A. - Alinéas 3 et 9

Remplacer les mots :

1er janvier

par les mots :

1er juillet

B. - Alinéas 6 et 7

Rédiger ainsi ces alinéas :

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, une licence peut être accordée pour la vente au détail du tabac dans les galeries marchandes attenantes à des supermarchés ou des hypermarchés aux personnes ayant la qualité de commerçant qui pratiquaient la vente au détail du tabac à titre principal antérieurement au 1er janvier 2010. » ;

C. - Alinéa 11

Remplacer les mots :

30 juin

par les mots :

31 décembre

D. - Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :

6° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret. »

II. - La perte de recettes résultant du I pour les conseils généraux est compensée à due concurrence par un relèvement de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Je comprends le souci de ma collègue Anne-Marie Payet de lutter contre le tabagisme outre-mer, et j’ajouterai également à ce problème celui de l’alcoolisme.

Voilà quelques années, j’avais fait voter au conseil général de La Réunion un doublement du prix du paquet de cigarettes. La consommation avait dans un premier temps baissé de 25 %, avant, malheureusement, de reprendre une courbe ascendante, les habitudes l’emportant sur les sacrifices qu’il faut consentir pour acheter un paquet de cigarettes.

Ce sous-amendement a pour but d’améliorer les conditions d’application de l’amendement que vient de présenter Mme Payet. Il vise tout d’abord à accorder une licence aux personnes qui pratiquaient déjà la vente au détail de tabac à proximité des grandes surfaces ; il donne ensuite au Gouvernement la possibilité de prendre un décret pour mettre en œuvre ce dispositif ; il prévoit enfin de reporter de six mois sa date d’entrée en vigueur, du 1er janvier au 1er juillet 2011.

Ce sous-amendement vise à rendre plus cohérent le texte de Mme Payet et à sécuriser l’avenir professionnel des marchands de cigarettes. Car ce ne sont pas des gens qui travaillent au noir ! Ils ont des employés, un chiffre d’affaires, une famille, un revenu, et l’on ne peut pas du jour au lendemain jouer à la loterie avec leur avenir. La cigarette n’a pas été inventée par ces vendeurs, mais par notre société, et sa commercialisation obéit déjà à des règles strictes.

Ce sous-amendement tend donc à adoucir l’application de l’amendement de Mme Payet et, surtout, à donner au Gouvernement quelques mois pour mettre en place les dispositions légales.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II–381, présenté par MM. Lise, Gillot, S. Larcher, Patient, Tuheiava et Antoinette, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° II-206

Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « accordée au nom du département par le président du conseil général » sont supprimés ;

La parole est à M. Claude Lise.

M. Claude Lise. L’amendement présenté par Mme Payet, dont je peux partager l’objectif en termes de santé publique, pose un problème aux conseils généraux d’outre-mer.

En réalité, il a pour conséquence de rendre effectif un transfert de responsabilités, je dirai même un transfert de compétences, auxdits conseils, lequel s’accompagne inévitablement d’un transfert de charges.

Je rappelle que les conseils généraux d’outre-mer ont expressément marqué leur opposition à ce transfert, qu’ils n’ont pas demandé et qui, au vu des difficultés financières qu’ils connaissent en ce moment, serait vraiment très mal venu.

Ce sous-amendement prévoit donc sa suppression : le président du conseil général ne serait plus chargé de délivrer ces licences dans les conditions prévues par le texte de l’amendement n° II–206.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Massion, rapporteur spécial. L’amendement présenté par Mme Payet trouve sa source dans le fait que les décrets d’application d’une loi votée à la fin de l’année 2008 n’ont toujours pas été pris.

Le premier sous-amendement, présenté par M. Virapoullé, tend à assouplir le calendrier.

Le second sous-amendement, proposé par M. Lise, vise pour sa part à retirer aux conseils généraux la délivrance des licences de tabac.

La commission des finances sollicite l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. L’amendement n° II–206 reprend le libellé d’un amendement relatif à la réglementation des licences de tabac outre-mer, qui avait été adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.

Actuellement, les conseils généraux d’outre-mer perçoivent les droits de consommation, et il était donc logique qu’ils puissent aussi gérer ces licences.

Le Gouvernement n’est pas resté inactif dans ce dossier, et je remarque d’ailleurs que Mme Payet a repris dans le texte de cet amendement des dispositions du décret qui avait été préparé par nos services.

M. le sénateur Lise, qui est également président de conseil général, vient toutefois de rappeler les questions que se posent les collectivités départementales.

Nous partageons bien évidemment l’objectif de santé publique cher à Mme Payet, dont je salue d’ailleurs l’engagement et la détermination. Pour autant, il faut aussi considérer l’impact économique (M. Claude Lise opine.), l’impact sur les collectivités locales, et c’est pourquoi je comprends tout à fait la démarche de M. Virapoullé, qui souhaite que nous approfondissions l’analyse.

À cet égard, je m’engage à ce qu’un fonctionnaire de mon administration soit mobilisé durant les trois mois à venir pour procéder à une remise à plat complète de ces questions, afin que nous puissions préparer un décret qui permettra tout à la fois de répondre à cet objectif de santé publique que nous partageons tous, compte tenu des conséquences du tabagisme sur la santé, et d’échafauder un dispositif qui recueillera l’assentiment des collectivités, en particulier des conseils généraux, qui auront à gérer les licences de tabac.

Dans ces conditions, je demande à Mme Payet de bien vouloir retirer cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s’agit d’une question récurrente et il faudrait, là encore, que nous sortions de l’ambiguïté.

D’un côté, le législateur est irréprochable et insère dans les textes qu’il adopte, notamment dans la loi « hôpital, patients, santé et territoires », des objectifs de santé publique. De l’autre, une disjonction apparaît entre la législation et la pratique, et ce fossé nous fait prendre le risque de passer pour des personnes velléitaires ou hypocrites.

Nous devons absolument sortir de cette situation inacceptable, madame la ministre.

Vous avez annoncé sous trois mois la parution d’un décret,…

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Six mois !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … qui devrait permettre à la loi d’entrer en application.

Sous le bénéfice d’un tel engagement solennel devant le Sénat, à l’occasion du vote des crédits de la mission « Outre-mer », Mme Payet pourrait peut-être retirer son amendement… (Mme le rapporteur pour avis marque son refus.) Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à saluer la constance, la détermination et l’engagement de Mme Payet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Compte tenu de l’importance de la fiscalité sur le tabac, il serait opportun d’unifier, sur tout le territoire français, le régime général des tabacs.

Certaines dispositions qui s’appliquent outre-mer sont fort pertinentes, notamment le fait que les conseils généraux puissent percevoir les droits de consommation.

Nous savons tous que les conseils généraux métropolitains manquent de ressources. Cet amendement est donc l’occasion pour nous d’attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que, si les départements de métropole pouvaient également percevoir ces droits de consommation, cela permettrait de compenser quelque peu les énormes transferts de charges qu’ils subissent, de même que les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle.

L’uniformisation de la réglementation présenterait également l’intérêt de mettre un terme aux multiples régimes dérogatoires qui s’appliquent en matière de vente du tabac. Ainsi, le Parlement a voté la prorogation du régime spécifique applicable à la Corse, au motif que les buralistes de l’île seraient menacés par la concurrence espagnole et italienne. Pourtant, 200 kilomètres de mer les séparent, alors que les buralistes de Moselle se trouvent eux à cinq kilomètres du Luxembourg, où le prix du tabac est encore plus bas qu’en Italie ou en Espagne ! Je ne vois donc pas ce qui justifie la coexistence de cette multitude de régimes différents. Les buralistes de Moselle sont tout aussi respectables que ceux de Corse, et les départements de métropole mériteraient de bénéficier des mêmes dispositions que celles qui s’appliquent aux collectivités d’outre-mer, et dont le Gouvernement ferait bien de s’inspirer pour remédier aux difficultés financières des départements métropolitains.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. J’ai écouté avec attention Mme Payet, qui s’exprimait au nom de notre commission des affaires sociales, de même que MM. Virapoullé et Lise. Je partage globalement le point de vue de ces trois orateurs.

Je trouve en revanche profondément choquant que Mme Payet soit obligée de déposer, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement pour que l’on se rende compte qu’une mesure adoptée voilà deux ans par le Parlement n’a toujours pas été mise en œuvre, et pour que Mme la ministre s’engage à l’appliquer dans les trois mois qui viennent.

Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit, et ce n’est sans doute pas la dernière. Il se trouve, en l’occurrence, que la victime est un département d’outre-mer, mais ce serait tout aussi choquant s’il s’agissait d’une collectivité métropolitaine.

Vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre, que nombre de lois ne sont pas mises en œuvre plusieurs années après leur adoption, faute pour le Gouvernement d’avoir pris les décrets d’application. Je me demande dès lors pourquoi l’on demande au Parlement de voter des lois si l’on sait pertinemment que les décrets d’application ne paraîtront jamais ! (Mmes Brigitte Bout, Sylvie Goy-Chavent et Bernadette Bourzai applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Je ne comprends pas votre hostilité, madame la ministre.

Nous nous sommes entretenus longuement à ce sujet vendredi. Les présidents de conseils généraux auront une trop grande marge de manœuvre, dites-vous, ils pourront accorder des licences à un euro selon un choix qui sera entaché de favoritisme.

Je vous demande de faire un peu confiance aux présidents des collectivités. Ce sont des gens responsables, qui sauront faire preuve de sagesse et de discernement et appliquer cette mesure avec souplesse.

Rien n’empêche le ministre de leur adresser une circulaire ou un simple courrier pour leur préciser de fixer au départ un prix intermédiaire, afin que la réforme ne soit pas brutale, et prévoir un réajustement annuel pour atteindre le niveau de la métropole, dans dix ans, par exemple.

Mon amendement a été adopté en décembre 2008. L’application de la disposition était prévue au 1er janvier 2011. J’ai laissé deux ans au Gouvernement pour engager les discussions avec les conseillers généraux et ensuite pour publier le décret.

Des projets de décrets ont été préparés par Bercy. Vous avez jugé que leur rédaction n’était pas parfaite sans proposer toutefois de modification. Il y avait trop d’imprécisions, mais, j’en suis certaine, s’il y avait plus de précisions on aurait pu nous reprocher de ne pas laisser suffisamment de liberté de manœuvre aux conseils généraux.

Le délai arrive à expiration et le Gouvernement doit faire preuve de courage pour que l’application soit effective au 1er janvier.

Lors de sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre m’a confortée dans ma position. Je me suis vraiment sentie en phase avec lui en l’écoutant avec toute l’attention qu’il mérite. La pause est la marque des indécis, a-t-il dit, et « notre indécision serait une revanche de la peur, cette peur du changement qui nous a longtemps conduits à célébrer la théorie du “ni-ni” et à louer celle du “temps laissé au temps”.

Ayons le courage, madame la ministre, mes chers collègues, de mener cette réforme à son terme.

J’en viens aux sous-amendements.

Le sous-amendement n° II–358 remet complètement en cause l’amendement de la commission des affaires sociales.

Premièrement, il vise à décaler la date d’entrée en vigueur au 1er juillet 2011.

Deuxièmement, il tend à autoriser une dérogation pour certains commerçants, mais, surtout, il renvoie de nouveau à un décret l’application du mécanisme des licences.

Inutile de vous dire, mes chers collègues, que je ne vois pas pourquoi le Gouvernement prendrait ce décret durant le premier semestre 2011, alors qu’il refuse de le faire depuis plusieurs mois, en remettant en cause non pas l’amendement présenté aujourd’hui, mais la disposition votée il y a deux ans.

En outre, il ne propose même pas d’amendement en conséquence. C’est vraiment illogique, sauf à vouloir bafouer les décisions du Parlement.

Au final, je ne peux donc qu’être défavorable au sous-amendement n° II–358, présenté par Jean-Paul Virapoullé.

S’agissant du sous-amendement n° II–381, je comprends tout à fait les arguments des présidents de conseils généraux, qui sont présents. Ce qui est important, c’est que le mécanisme des licences soit effectif. Je suis donc favorable à ce sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission des finances ?

M. Marc Massion, rapporteur spécial. La commission des finances est bien embarrassée. (Sourires.) M. le président Arthuis l’a dit tout à l’heure, sur le plan législatif, nous avons fait notre travail, mais il semble qu’il y ait un retard de la part de l’exécutif dans l’application.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ça coince !

M. Marc Massion, rapporteur spécial. Mme Payet demande l’application d’un décret au 1er janvier 2011, alors que le décret n’est pas prêt. Cela semble donc matériellement difficile.

Cela dit, si on accepte les propositions de Mme la ministre, à nos yeux, cet engagement de produire enfin ce décret dans les six mois ne pourrait être pris que pour la dernière fois.

Si, dans un an, vous venez nous dire que vous avez de nouveau nommé un fonctionnaire de votre administration pour faire le point, madame la ministre, cela n’ira pas. Matériellement, vous ne pouvez pas publier le décret maintenant, soit. Mais prenez l’engagement formel que, dans les six mois, ce décret d’application sera pris.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous allez jurer, madame la ministre !

M. Marc Massion, rapporteur spécial. Dans ces conditions, nous souhaiterions que Mme Payet retire son amendement.

Mme la présidente. Madame Payet, l’amendement n° II–206 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, le décret ne changera pas l’attribution aux conseils généraux. Je ne retire pas mon amendement.

Celui-ci apporte un certain nombre de précisions. Il fixe l’entrée en vigueur au 1er janvier 2011 ; il prévoit qu’une licence ne vaudra que pour un point de vente ; il fixe le nombre de licences par département à un point de vente pour 750 habitants, je rappelle que nous avons pris les conclusions d’un rapport effectué par Bercy. En ce moment, en outre-mer, c’est un point de vente pour 320 habitants. Nous proposons une mesure intermédiaire. En métropole, c’est un point de vente pour 3 500 habitants. Ce que je propose n’est pas brutal ; je pense que c’est tout à fait acceptable.

De surcroît, cet amendement prévoit l’organisation d’une période transitoire de six mois pour les détaillants qui n’obtiendraient pas de licence et qui doivent, bien sûr, pouvoir revendre leurs stocks et, en conséquence, il vise à supprimer le renvoi à un décret, qui devient inutile.

Mme la présidente. Madame le rapporteur, vous pourriez peut-être saisir la suggestion de la commission des finances et donc fixer une date un peu plus éloignée, ce qui permettrait éventuellement au Gouvernement d’émettre un avis favorable.

Mme la ministre ayant évoqué une mission de trois mois, peut-être pourriez-vous rectifier l’amendement en ce sens…

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. On pourrait retenir la date du 1er avril 2011, mais à condition que cela ne renvoie pas encore à un décret. Une mission ayant déjà été réalisée par Bercy, je ne vois pas pourquoi il en faudrait une nouvelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Madame la sénatrice, j’ai envie de dire : oui à une nouvelle mission. Nous pourrions effectivement nous contenter de ce décret. Je considère de ma responsabilité de dire qu’il faut compléter cette mission. Pourquoi ? D’abord, en raison de l’objectif de santé publique, qui est noble et que nous partageons tous.

Aujourd’hui, en métropole, il y a un débit de tabac pour 3 000 habitants. Nous fixons ce nombre à un pour 550 habitants en Guadeloupe, un pour 1 000 à la Martinique et un pour 750 pour la Réunion.

Pourquoi l’objectif de santé publique ne pourrait-il pas être le même sur le territoire métropolitain et en outre-mer ?

Nous pourrions envisager, dans le cadre de ce décret, une mesure progressive pour tenir compte, notamment, de la situation économique, et pour avoir à terme les mêmes objectifs de santé publique en métropole et outre-mer.

La santé est un sujet d’intérêt général et, à ce titre, cette question n’a pas été envisagée. Ne serait-ce que sur ce point-là, je pense que cela nécessite de regarder les choses de plus près.

Par ailleurs, lorsque le projet de décret a été soumis aux collectivités, pas de manière officielle, mais lors d’une première approche, nous avons eu, à juste titre, des observations pertinentes et, vous le savez mieux que moi, la présidente du conseil général de La Réunion a saisi officiellement le Gouvernement sur cette question.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Elle a peur de ne pas être réélue !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le président du conseil général de la Martinique et le président du conseil général de la Guadeloupe – ici présents – ainsi que le président du conseil général de la Guyane ont la même position.

Je prends l’engagement ici, devant la représentation nationale, de travailler en profondeur et d’élaborer un décret qui, au bout du compte, sera vraiment applicable dans l’intérêt de l’objectif que nous partageons tous.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote.

M. Claude Lise. Je voulais réagir tout à l’heure – c’était un point d’ordre – parce que j’ai été très choqué d’entendre, dans les propos qui ont été rapportés, que les présidents de conseils généraux, dans cette affaire, seraient tentés de se livrer à je ne sais quel favoritisme. Ce n’est pas le problème.

Le problème, c’est qu’il s’agit d’un transfert de compétences et de charges contre l’avis des conseils généraux et dans une situation difficile.

Profitant de l’occasion, je veux dire à certains de mes collègues de l’Hexagone que nous percevons non pas la taxe sur les tabacs, mais une taxe additionnelle. Cette disposition – j’en suis d’ailleurs à l’origine – a été prise dans la loi d’orientation pour l’outre-mer, parce que nous avons une insuffisance de ressources. Il ne faudrait pas non plus que l’on se trompe sur les raisons pour lesquelles nous avons le bénéfice de cette taxe additionnelle. Sinon il va falloir revoir pratiquement toutes les ressources.

Je signale qu’aujourd’hui l’État doit 71 millions d’euros au conseil général de la Martinique, plus de 93 millions d’euros à la Guadeloupe et plus de 200 millions d’euros à La Réunion.

Madame la présidente, madame la ministre, les raisons de ces difficultés viennent aussi du fait que certaines dispositions sont votées de manière précipitée et un peu trop partisane, sans avoir poussé la réflexion à son terme. C’est ce qui s’est passé sur cette question. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif, mais il y a eu un vote partisan sans que l’on soit allé au bout de la réflexion. Et nous nous sommes rendu compte ensuite qu’il y avait une difficulté dans la mise en œuvre.

Encore une fois, nous sommes d’accord sur l’objectif, mais peut-être faut-il nous donner le temps de trouver une solution juste, équitable et efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. Nous sommes tout à fait d’accord, nous le répétons, avec la philosophie de l’amendement de Mme Payet, mais deux chiffres doivent être pris en compte.

Premièrement, il y a les charges qui incomberont au conseil général. Selon la simulation que nous avons faite ensemble, nous devrions embaucher dix personnes pour mener à terme ce dossier. Certains pensent que nous avons déjà de l’argent parce que nous percevons quelques redevances sur la taxe additionnelle : non !

Deuxièmement, c’est le nombre de licences à attribuer. Aujourd’hui, nous partons sur 550. Nous avons téléphoné au service des douanes : pour la Guadeloupe, il y a aujourd’hui 1 200 à 2 000 licences ; pour la Martinique, c’est pareil, et pour La Réunion, entre 1 500 et 2 000.

Nous sommes tout à fait d’accord, mais profitons de cette possibilité, je dirai même de cette sagesse, pour mettre en place au mieux l’amendement de Mme Payet, parce qu’il faut tenir compte du nombre de débits de tabac existant afin de déterminer le nombre de licences.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nos collègues d’outre-mer – j’entendais M. Claude Lise, il y a un instant – doivent considérer qu’il y a sans doute des spécificités ultramarines, mais le principe qui avait été retenu, c’est celui d’une responsabilité transférée au conseil général, la contrepartie étant la perception d’une redevance par les conseils généraux.

La délivrance de ces licences s’accompagnait d’une ressource pour les conseils généraux. C’était bien cela qui était prévu dans le dispositif.

Aussi, je m’étonne que, sur ce point, vous soyez en désaccord. Il y a donc manifestement une incompréhension sur le contenu de cette législation.

Que Mme la ministre consulte les conseils généraux, c’est une bonne manière, mais je tiens à vous dire qu’en France métropolitaine ce n’est pas toujours le cas s’agissant des dispositions que les conseils généraux doivent appliquer.

Cette bonne manière ne doit pas avoir pour conséquence l’ajournement du passage à l’acte…

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … car cette disjonction entre la loi votée et la mise en œuvre fragilise considérablement la démocratie et la République, car c’est l’affichage permanent de l’impuissance politique.

Mes chers collègues, je vous mets en garde contre de telles pratiques, qui participent à une sorte de désenchantement général. Sortons de ces ambiguïtés !

Pour le reste, nous devons tous être bien conscients que notre sac à bonnes nouvelles est épuisé et que, compte tenu de la situation de nos finances publiques, nous sommes dans l’obligation d’être pédagogues et de mettre nos concitoyens, qu’ils soient ultramarins ou métropolitains, en face de leurs responsabilités et des obligations de la République.

Madame la ministre, je le répète, il faut que nous sortions de cette ambiguïté. Il y a vraiment urgence. Si j’avais une Constitution, je vous demanderais de jurer sur la Constitution (Sourires.) que vous prendrez ce décret sous trois mois pour que cette loi devienne effective.