PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion sur le budget nous ramène toujours au fondement de cet exercice, la solidarité nationale. Mise en commun selon les moyens, redistribution selon les besoins, telle est la philosophie qui la fonde.
L’examen des crédits de la mission « Outre-mer » est l’occasion de rendre hommage à notre grand pays qui n’oublie pas ses territoires du bout du monde, réfutant l’idée commune selon laquelle « loin des yeux, loin du cœur ».
Mon sentiment de reconnaissance est d’autant plus vif que Wallis-et-Futuna a bénéficié directement de la solidarité nationale, au travers du fonds de secours mis en place dans cette mission « Outre-mer ».
En effet, au mois de mars dernier, un violent cyclone a touché nos îles, causant d’énormes dégâts. Dès le lendemain, madame la ministre, vous avez annoncé l’aide d’urgence, une aide alimentaire et, bien sûr, l’aide pour la reconstruction.
Il reste beaucoup à faire pour effacer complètement les dégâts, mais les familles sont volontaires et enthousiastes dans leurs travaux de reconstruction et reconnaissantes pour l’aide obtenue.
Je veux souligner l’arrivée à Wallis et Futuna, cette nuit, de la TNT, comme partout en outre-mer. Huit chaînes gratuites dans tous les foyers, c’est une ouverture formidable sur le monde. Cette situation est peu commune dans cette région océanienne. C’est encore la solidarité des Français qui le permet.
J’en viens au projet de budget pour 2011. La mission « Outre-mer » voit ses crédits se réduire. La crise est passée par là et l’outre-mer doit naturellement prendre sa place dans l’effort national.
La perspective d’un retour aux moyens antérieurs dès le budget pour 2012 est réjouissante et le sacrifice consenti en ces temps de crise n’en est que mieux accepté.
Pour ce qui concerne plus directement Wallis-et-Futuna, madame la ministre, je souhaite savoir ce qu’il en est de l’aide au fret dont pourra bénéficier ma collectivité selon l’article 24 de la LODEOM. C’est un formidable moyen de dynamiser la production locale, surtout pour la consommation intérieure, et aussi – pourquoi pas ? – une amorce d’exportation qui reste insignifiante aujourd’hui.
Cela m’amène d’ailleurs à vous interroger sur l’insertion de Wallis-et-Futuna dans son environnement régional. Je sais que vous avez demandé à Ubifrance d’assurer un certain nombre de missions fort utiles pour favoriser l’exportation provenant de l’outre-mer. Wallis-et-Futuna pourrait-il bénéficier de cette expertise ?
Ce sont des mesures comme l’aide au fret qui contribuent à étoffer et à renforcer une petite économie locale. Je pense aussi à la prime à la création d’emploi mise en place par l’article 16 de la loi « Girardin », qui a donné de bons résultats. Mais je souhaite vous proposer, madame la ministre, de revoir les modalités de son attribution pour la rendre encore plus performante.
Pouvez-vous aussi me préciser comment évolue le projet de service militaire adapté à Futuna ? Le SMA a fait ses preuves : il a entraîné l’adhésion de tous, et le Président de la République s’est engagé à en doubler les effectifs. Nous comptons beaucoup sur ce dispositif pour former une partie de nos jeunes sur place, notamment ceux qui se voient refuser leur demande d’incorporation dans l’armée.
La formation professionnelle de notre jeunesse constitue un objectif majeur : c’est la garantie d’un emploi. Le dispositif « formation-mobilité » permet à de nombreux jeunes de venir en métropole pour y acquérir les compétences nécessaires pour leur insertion dans le marché du travail.
Une convention du 27 juin 2007 entre l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, la LADOM, anciennement l’ANT, l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer, et le territoire précise les dispositions visant cette formation et donne au Service de l’inspection du travail et des affaires sociales, le SITAS, de Wallis-et-Futuna, la coordination de l’ensemble de préparation à la mobilité.
Cependant, la convention d’objectifs et de moyens 2009-2011 entre le ministère de l’outre-mer et l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité énonce le principe selon lequel cet opérateur de l’État a en charge le suivi intégral des dossiers de formation et la coordination entre les différents acteurs.
Les nouveaux décrets relatifs aux dispositifs de mobilité ont retenu, pour Wallis-et-Futuna, le principe de la gestion dérogatoire.
Compte tenu de ces évolutions réglementaires, sans doute serait-il nécessaire de clarifier les rôles des différents partenaires, c'est-à-dire le SITAS, la LADOM et l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, pour l’intérêt des jeunes Wallisiens et Futuniens, comme l’a souligné le directeur de la LADOM. La situation actuelle semble confuse et pourrait rapidement aboutir à des conflits de compétence.
Madame la ministre, je tiens à exprimer la grande satisfaction des responsables du territoire quant au suivi de nos jeunes stagiaires par la LADOM en métropole. Toutefois, la phase relative à l’insertion dans le marché du travail nous rend pour le moment demandeurs de plus d’informations. Je n’oublie pas non plus le suivi de nos stagiaires dans le cadre de notre dispositif « Quarante cadres pour le territoire ».
Madame la ministre, j’en viens à un sujet difficile, celui de la desserte inter-îles, dont le poids financier devient de plus en plus insupportable pour le budget de la collectivité. Je relaie donc la demande du territoire pour un renouvellement de l’aide supplémentaire accordée à la fin de 2009 pour le fonctionnement de cette desserte.
Le coût annuel prévisionnel pour 2010 de la subvention d’équilibre versée par le territoire représente 300 millions de francs CFP, soit près de 10 % du budget de fonctionnement de la collectivité.
En 2009, la dotation initiale de l’État a atteint 1,455 million d'euros, complétée en fin d’année par un million d’euros supplémentaires, correspondant à un engagement pris par le ministre d’alors, en charge de l'outre-mer, d’imputer à l’État le surcoût de la mise en exploitation du deuxième appareil.
Pour 2010, la dotation de l’État s’élève à 1,6 million d'euros. Les élus souhaitent que l’État puisse apporter en fin d’année un complément de financement équivalent à celui qui a été attribué à la fin de l’année 2009.
La subvention d’équilibre, dénommée depuis 2009 « subvention de fonctionnement », correspond à un engagement pris par le ministre en charge de l’outre-mer. Son montant a beaucoup fluctué ces dix dernières années. Après avoir atteint un sommet de plus de 2 millions d’euros en 2004, pour permettre au budget territorial de revenir à l’équilibre, il s’est stabilisé ces dernières années pour atteindre 506 998 euros en 2008 et en 2009.
En 2010, son montant a été fixé à 470 000 euros, une nette baisse par rapport aux deux années antérieures.
Aussi, compte tenu des charges exceptionnelles auxquelles le territoire a eu à faire face en 2010, notamment avec le cyclone Tomas qui a entraîné, au-delà des dégâts directs et immédiats, une baisse de l’activité économique et le nécessaire financement, notamment, de la reconstruction du réseau téléphonique de Futuna, il serait formidable que l’État puisse apporter, en fin d’année, un complément de financement, de telle sorte que la subvention atteigne un niveau au moins équivalent à celui de 2009.
Dans un tout autre registre, je souhaite, en tant que représentant du Sénat au comité national de l’Initiative française pour les récifs coralliens, l’IFRECOR, dire l’importance de cet organisme pour nos collectivités d’outre-mer.
Ce dernier existe maintenant depuis 1999 et effectue un travail essentiel. Le ministère de l’outre-mer, qui en partage la tutelle avec le ministère de l’écologie, finance les comités locaux, et je l’en remercie. Le prochain comité national fera, la semaine prochaine, le bilan de la deuxième phase, pour la période 2006-2010, de mise en œuvre du plan cadre. Il fera également adopter le contenu et l’animation de la troisième phase, qui courra de 2011 à 2015.
Enfin, puisque le temps m’est compté, je voudrais, d’ores et déjà, avant d’y revenir plus longuement au moment de la discussion de l’amendement que nos rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont décidé de déposer, sans concertation et avec ce que je ressens un peu comme du mépris (Exclamations.), aborder le sujet de l’Agence de santé.
Le budget prévu sera sans doute insuffisant, car la communauté hospitalière de territoire, CHT, de Nouméa, vers laquelle nous sommes obligés d’évacuer bon nombre de nos malades, augmente ses tarifs de plus de 5 % chaque année ! Ne pourriez-vous, madame la ministre, nous aider dans nos relations avec la CHT ?
Madame la ministre, à la veille de 2011, année de l’outre-mer, je vous renouvelle ma confiance et voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la ministre, il y a une phrase que vous aimez prononcer depuis quelque temps : « L’outre-mer doit s’inscrire également dans l’effort national de maîtrise de la dépense publique ». C’est une phrase qu’apprécie fortement votre ministre de tutelle, puisqu’il n’a pas hésité à déclarer, s’adressant aux maires ultramarins lors du récent Congrès des maires : « L’État s’impose des règles très strictes pour limiter la casse, les déficits et ce qui peut nous arriver avec Bruxelles ; cela s’applique à tout le monde. L’outre-mer ne peut être totalement exonéré de cet effort national et, sur ce sujet, Marie-Luce Penchard a tenu un discours de vérité, un discours de femme d’État ».
C’est un très bon point pour vous, madame la ministre ! Mais, vous le savez certainement mieux que M. Hortefeux, la situation des outre-mer n’est en rien semblable à celle de la métropole et chaque territoire d’outre-mer présente ses propres particularités. De ce fait, ils méritent une attention différente.
Soyez rassurée, madame la ministre, je ne vais pas vous faire un inventaire à la Prévert de tous les maux des outre-mer, ni vous rappeler le malheureux souvenir des événements qui ont émaillé nos territoires en 2009.
Je souhaite m’inscrire non dans la complainte, mais dans la volonté d’agir avec les moyens que vous êtes censée mettre à la disposition de mon département de Guyane dans cette période de restriction budgétaire.
Les crédits qui lui sont réservés dans le projet de loi de finances pour 2011 s’élèvent, toutes missions confondues, à 1,3 milliard d’euros, soit une baisse notable de 40 millions d’euros par rapport à 2010, sur laquelle je n’épiloguerai pas. Considérons-la comme notre tribut à l’effort national !
Plus que sur l’évolution des chiffres, concentrons-nous sur l’effectivité des actions, sur leur adéquation à la réelle problématique du territoire. Le temps qui m’est imparti m’oblige à n’intervenir que sur quelques questions, que je juge essentielles.
Je commencerai par l’enseignement scolaire dont la situation demeure particulièrement préoccupante, au point qu’un ancien recteur n’a pas hésité à conférer à la Guyane le triste privilège « des plus mauvais résultats de France sur tous les plans ».
Nous vivons des situations ubuesques, dont l’une a récemment poussé de jeunes étudiants à bloquer le rectorat. Ils manifestaient leur colère d’avoir découvert, après s’être inscrits à une formation, en l’occurrence, le brevet de technicien supérieur, BTS Études et économie de la construction, qu’elle ne serait pas lancée. C’était un « BTS fantôme », pour reprendre leurs propres termes… Tout cela témoigne d’une situation catastrophique, qui devrait nécessiter la mise en place d’un « plan Marshall ». Or tel n’est pas le cas, on en est même très loin !
Tout en saluant la pérennisation de la dotation spéciale d’équipement scolaire, je regrette que la mission « Enseignement scolaire » elle-même ne progresse que de 2 %, taux nettement inférieur à la population scolarisable, laquelle progresse de plus de 5 % chaque année. Doit-on continuer, madame la ministre, à enfoncer dans le gouffre de l’illettrisme et des échecs scolaires une jeunesse aussi nombreuse ?
J’en viens à un autre sujet d’importance, le logement, qui est aussi une priorité urgente. Et pour cause ! En Guyane, 15 % de la population vit dans des logements insalubres ou illicites. Ces derniers, au nombre de 19 000, abritent 30 000 personnes. En outre, 13 000 demandes de logements ne peuvent être satisfaites dans le secteur locatif social. Pourtant, 80 % de la population est éligible au logement social.
C’est une véritable crise aigüe du logement à laquelle on assiste et que l’on n’arrive pas à juguler. Il est vrai que vous avez fixé des objectifs encore plus ambitieux que ceux qui figuraient dans la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, soit 5 700 logements locatifs sociaux par an, contre 5 400 pour l’ensemble des DOM, en misant sur une stabilisation de la Ligne budgétaire unique, la LBU, et sur le nouveau dispositif de défiscalisation créé par la LODEOM.
Mais quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que vous faites reculer de 30 % les crédits de paiements de la LBU et que les dossiers immobiliers montés en défiscalisation ont du mal à sortir tant la procédure paraît complexe. Il en résulte que, pour l’heure, les résultats sont loin d’être à la hauteur des besoins. En conséquence, madame la ministre, peut-on espérer que votre système de financement du logement social, que vous défendez si bien, deviendra vite opérationnel ?
Madame la ministre, un troisième point m’a fortement interpellé dans l’examen de votre budget. Il s’agit, outre les retards pris dans l’application des mesures de la LODEOM, de la réduction plus que significative de crédits, voire leur suppression. Ils concernaient pourtant des actions qui, selon moi, concouraient ou pouvaient concourir à la politique de développement endogène, dispositif préconisé par le chef de l’État pour sortir les outre-mer de leur non-développement.
Parmi les sujets essentiels, je veux citer le rabotage des niches fiscales avec, notamment, l’exclusion des investissements réalisés dans le secteur photovoltaïque du champ des investissements éligibles à la défiscalisation. C’était, entre autres, pour beaucoup de communes de Guyane encore enclavées, la seule possibilité de fournir en électricité leurs nombreux sites à l’écart. L’amendement que j’ai présenté, à cet effet, même s’il a semblé être entendu par M. Baroin, ancien ministre de l’outre-mer, bien au fait des choses, n’a pas été retenu pour autant.
Je citerai également un autre sujet d’importance, la réduction des crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI. Ce fonds, créé par l’article 31 de la LODEOM afin de participer au financement d’équipements structurants en partenariat avec les collectivités territoriales d’outre-mer, voit le montant de ses autorisations d’engagement ramené à 10 millions d’euros. Les autorisations d’engagement ouvertes en 2010 s’élèvent à près de 60 millions d’euros pour un montant en provenance du FEI de près de 39 millions d’euros destiné à des opérations de financement d’écoles, de réseaux d’assainissement ou d’infrastructures de transport.
La Guyane a bénéficié, à elle seule, au titre de ce fonds, de 4,9 millions d’euros. Il paraît donc incompréhensible qu’il soit ramené à un tel montant.
Je citerai, enfin, l’appui à l’accès aux financements bancaires auquel je délivre une mention spéciale ! Cette initiative répondait à une demande récurrente des socioprofessionnels locaux. Elle a été relayée par la proposition n° 34 de la mission d’information du Sénat sur la situation des DOM, dont l’objet était : « Étendre aux agriculteurs et aux pêcheurs des départements outre-mer les dispositifs de garantie et d’aide applicables en métropole. »
Tout en saluant cette initiative, il convient d’en limiter la portée : le fonds de garantie ne sera doté que de 5 millions d’euros en crédits de paiement en 2011, et aucun crédit n’est prévu en autorisations d’engagement pour 2011, alors que le fonds était doté de 10 millions d’euros.
En dépit de l’instauration de ce fonds, les banques continuent à voir avec la plus grande frilosité la clientèle venant des secteurs productifs.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositifs existant en métropole, les dispositifs OSEO, ne sont toujours pas appliqués aujourd’hui dans les DOM, même s’il existe une convention-cadre de partenariat signée entre OSEO et l’Agence française de développement, l’AFD, dont « l’objet est d’étendre la gamme des produits financiers distribués par l’AFD qui concerne désormais l’ensemble des produits OSEO ». Cela demeure un point à éclaircir ou à clarifier dans les délais les plus brefs si l’on veut réellement faire décoller économiquement « les outre-mer ».
Madame la ministre, mon temps est malheureusement écoulé, et je le regrette, car j’aurais voulu également aborder la situation catastrophique de la santé en Guyane. À ce propos, quid du plan santé outre-mer ?
J’aurais aimé vous parler aussi de l’exploitation aurifère et du rôle qu’elle peut jouer pour la Guyane, de l’orpaillage clandestin et de ses ravages.
Je vous remercie à l’avance de bien vouloir répondre à toutes les questions que je vous ai posées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget qui nous est soumis s’inscrit dans le contexte que nous connaissons. Les finances publiques sont en berne cette année, et les perspectives à moyen terme ne poussent pas davantage à l’optimisme.
Dans cette situation, le budget de l’outre-mer accuse donc une diminution raisonnable, que je qualifierai, pour ma part, de contribution républicaine.
Ainsi, il ne sera pas dit demain que l’outre-mer a contribué à l’augmentation du déficit et de la dette publique, au moins en 2011.
En effet, si je récuse, au nom de cette contribution républicaine, l’idée que l’on parle d’effort de la nation lorsqu’il s’agit des dépenses consacrées à l’outre-mer, j’approuve, en revanche, qu’il soit demandé un effort à l’outre-mer comme au reste de la nation. Celui-ci se traduit par une baisse de 0,6 % des autorisations d’engagement et de 2,3 % des crédits de paiement.
Certes, les retards demeurent et, de ce point de vue, je comprends l’amertume de certains de mes collègues. Je la comprends d’autant mieux que la LODEOM votée voilà à peine un an subit, par la force des choses, le « coup de rabot » national.
En rabotant les niches fiscales dont fait partie la défiscalisation outre-mer, l’État espère diminuer son manque à gagner fiscal. Il est vrai que la remise en cause des politiques de développement de manière récurrente n’est pas de nature à favoriser la stabilité du cadre économique, qui est si nécessaire pour susciter la confiance des investisseurs et les inciter à prendre des risques outre-mer.
Je me permets d’insister : si la contribution me semble légitime, il faut néanmoins espérer désormais que l’objectif d’économie de la dépense fiscale ne se traduise pas par la diminution de l’investissement dissuadé par le « coup de rabot ». Dans ce cas, on aurait alors créé un cercle vicieux qui obligerait l’État à rendre d’une main ce qu’il aurait gagné de l’autre.
Vous devez sans doute, au moins pour certains, être étonnés de m’entendre parler ainsi de la défiscalisation. Je crois que chacun ici connaît la position de Saint-Barthélemy, donc la mienne, sur le sujet. En réalité, ce n’est pas tant la défiscalisation en elle-même que je soutiens que la stabilité du cadre économique.
À cet égard, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir des amendements adoptés par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Gaël Yanno. Je reste, en effet, persuadé que la défiscalisation ne peut être un outil utile à l’économie qu’à la condition que l’investissement ne soit pas uniquement guidé par l’opportunisme fiscal. C’est pour cela que la collectivité de Saint-Barthélemy a choisi d’autoriser les investissements en défiscalisation dans des secteurs ciblés et en nombre limité.
Ainsi, les dispositions relatives à la transparence et, si j’ose dire, à la moralisation du dispositif, introduites par l’Assemblée nationale, vont dans le sens d’une saine clarification des règles bénéficiant avant tout à l’économie locale. De même, l’augmentation de 2 % du taux de rétrocession s’inscrit dans cette même logique.
Selon moi, ces amendements adressent un message consistant à rappeler l’objectif principal de la défiscalisation, à savoir l’augmentation de l’investissement en outre-mer, la compensation du déficit de capitalisation, et pas seulement la réduction de l’impôt. Il était plus que temps !
C’est à ce prix que l’outre-mer cessera d’être considéré comme un terrain de jeux pour payer moins d’impôts, au mépris de l’intérêt de l’économie locale et du développement durable.
Dans cette même philosophie, j’ai cosigné les amendements présentés par notre collègue Jean-Paul Virapoullé, afin d’introduire un agrément au premier euro pour les investissements dans le domaine du photovoltaïque, car l’accroissement des contrôles est une autre manière de faire des économies en évitant une utilisation détournée des fonds publics.
J’aurais néanmoins souhaité que ce principe d’agrément au premier euro soit étendu à l’ensemble des investissements éligibles. Cela aurait renforcé l’effet de la disposition de la LODEOM, fort opportunément introduite par la commission des finances, qui permet aux présidents de région de rendre un avis sur les projets d’investissement soumis à agrément. En effet, qui mieux que les collectivités locales peut juger de l’opportunité d’un investissement en ayant une vue globale sur l’économie ?
Une entreprise ne devrait pas, en effet, avoir la possibilité d’investir dans un domaine qui ne correspond ni aux besoins réels ni à la volonté politique de la collectivité concernée, d’autant que, lorsqu’on parle de défiscalisation, il s’agit d’argent public. On se situe donc du point de vue non pas uniquement de l’intérêt de l’entreprise, mais aussi de celui de la collectivité.
C’est d’ailleurs pour cela que je vous félicite, madame la ministre, d’avoir préservé le logement social car, même si Saint-Barthélemy n’est pas concernée, s’il est un secteur qui relève de l’action publique et de la solidarité, c’est bien celui du logement.
Pour terminer sur la défiscalisation, permettez-moi de dire quelques mots sur le photovoltaïque, qui a provoqué des remous en métropole comme en outre-mer. Dans ce débat, je distinguerai l’investissement artisanal ou familial des projets photovoltaïques à caractère industriel.
Le premier me semble devoir être encouragé, car il contribue largement à faire évoluer les mentalités et le rapport à l’énergie en favorisant une meilleure gestion de sa consommation. Plus les foyers deviendront autonomes grâce au solaire, plus ils auront conscience de leur consommation dès lors qu’ils en sont les gestionnaires. C’est mon avis. On pourrait donc, outre-mer mieux qu’ailleurs, développer ce type de comportement compte tenu de la disponibilité de l’énergie solaire. Je reste pour autant conscient du coût élevé de l’équipement, mais convaincu que le déplacement de l’avantage fiscal sur le solaire privé pourrait favoriser une baisse des prix.
Je suis moins enthousiaste s’agissant des centrales photovoltaïques. La « surchauffe » provoquée par un surcroît d’investissements évoquée par nos collègues de l’Assemblée nationale montre bien que le secteur est particulièrement dynamique. La suppression de l’avantage fiscal ne devrait donc pas se traduire par un arrêt total des investissements. On sait en outre que, au-delà de 30 % d’énergies renouvelables, la stabilité du réseau électrique n’est plus assurée.
Je partage, là encore, l’avis de mon collègue Jean-Paul Virapoullé. Par son amendement, celui-ci a proposé un compromis afin de ne pas remettre en cause les projets engagés.
J’évoquerai enfin un point qui concerne particulièrement Saint-Barthélemy. Comme j’ai eu à vous l’exposer, madame la ministre, il me plairait que les conditions d’accès au fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif pour les associations sportives de Saint-Barthélemy puissent être adaptées, afin de tenir compte notamment de leur difficulté à constituer des ligues, eu égard à l’étroitesse de l’île et au nombre de licenciés. Ces associations sont, dès lors, tributaires de fréquents déplacements pour les compétitions et le système actuel contribue à limiter les ambitions, voire à exclure nos jeunes de toute compétition à partir d’un certain niveau.
Madame la ministre, au-delà de ce budget, cette discussion est l’occasion de vous dire ma satisfaction de la politique conduite en faveur de l’outre-mer.
Les engagements du CIOM ont été respectés. Toutes les conditions sont actuellement réunies pour que la LODEOM puisse jouer pleinement son rôle ; je pense en particulier aux dispositions relatives à la continuité territoriale. L’année 2011 sera l’année des outre-mer. Dans la mise en œuvre progressive de la politique de la mer, l’outre-mer a retrouvé la place qu’il mérite, puisque, à cet instant, tous les comités maritimes ont été mis en place et sont en ordre de marche – ce n’est pas le cas sur la façade maritime métropolitaine – et que le secteur du logement, secteur prioritaire, a été préservé.
Je ne reviendrai pas sur la diminution globale des crédits, l’essentiel ayant été dit.
Il va sans dire, madame la ministre, mes chers collègues, que je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Nous voici de nouveau réunis, madame la ministre, pour l’examen du projet de budget de la mission « Outre-mer ».
Comme vous le savez, les départements d'outre-mer cumulent un grand nombre de handicaps structurels économiques et sociaux. Comme vous le savez aussi, cette situation est particulièrement aggravée par la crise à laquelle nous sommes confrontés depuis deux ans.
En 2009, le PIB outre-mer a reculé de 6,5 %, et les investissements de 25 %.
La précarité progresse inexorablement : plus de 20 % des ménages vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Le chômage est trois fois plus élevé que dans l’Hexagone et touche particulièrement les jeunes et les plus de 50 ans.
Les collectivités locales sont exsangues. Elles compensent, tant bien que mal, depuis trois décennies, une situation globale de développement défavorable, accentuée par des ressources fiscales extrêmement faibles.
Cette dramatique réalité, madame la ministre, vous la connaissez. Et pourtant tout indique dans les prévisions de la mission « Outre-mer » pour 2011 que vous n’êtes pas parvenue à la faire comprendre à vos collègues de Bercy.
Dans ces prévisions pour 2011, l’outre-mer est en effet perdant sur tous les fronts.
Premièrement, cela a été dit et répété, les crédits de la mission « Outre-mer » diminuent en crédits de paiement de 2,3 %, soit deux fois plus que le reste des dépenses de l’État.
Deuxièmement, la volte-face opérée sur les dispositifs de défiscalisation va, de toute évidence, finir de mettre à mal les investissements privés.
Mais soyons concrets ! Examinons les points clés de votre budget.
Sur le logement, l’État ne respecte pas ses engagements.
Alors que la LBU était censée demeurer le « socle du financement du logement social », vous avez procédé à un véritable « tour de passe-passe » en la remplaçant, dans les faits, par la défiscalisation.
Ainsi, les crédits de paiement consacrés à la construction de logements locatifs sociaux et très sociaux diminuent de 34 millions d’euros. À titre d’illustration, cela équivaut purement et simplement à la suppression de l’ensemble de la LBU pour la Martinique.
La manœuvre peut vous sembler habile, mais, dans la pratique, elle va contribuer à l’accélération de l’effondrement, largement engagé, du secteur du BTP et évidemment à la non-production des logements nécessaires.
Parallèlement, les aides pour l’accession à la propriété diminuent de 8 millions d’euros, et les aides pour l’amélioration de l’habitat privé de 3 millions d’euros.
En matière d’aménagement du territoire, les crédits destinés aux contrats de plan État-région et aux contrats de projet et de développement sont en baisse de 12 millions d’euros !
En ce qui concerne la continuité territoriale, les fonds dédiés sont rognés de 3 millions d’euros, et les moyens des collectivités territoriales amputés de 31 millions d’euros.
Les crédits d’appui à l’accès au financement bancaire diminuent également en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, avec une baisse respective de 18 millions d'euros et de 2,5 millions d'euros.
Même les moyens en faveur de l’emploi, qui est pourtant présenté comme la priorité de ce gouvernement et de votre ministère, se trouvent dégradés. Ainsi, les crédits pour la compensation des exonérations de charges sociales sont réduits de 34 millions d’euros !
Par ailleurs, le décret d’application concernant l’aide au fret prévue par la LODEOM n’est toujours pas sorti, alors que la TVA NPR a été supprimée dès la loi de finances pour 2009.
J’arrête ici cette triste liste pour ce qui est de la mission « Outre-mer ».
Le plus grave, c’est que, parallèlement, sont prises des mesures de remise en cause de la défiscalisation, qui vont bien au-delà du coup de rabot national de 10 %.
En 2006, Nicolas Sarkozy, qui n’était pas encore Président de la République, parlait ainsi de la loi Girardin de 2003 : « Des engagements ont été pris par l’État sur quinze ans, ils doivent être respectés. »
En 2008, deux ans après ce discours, les dispositifs d’exonération des charges sociales et de défiscalisation sont revus à la baisse, et ce sans évaluation préalable.
En 2009, la LODEOM réécrit, une nouvelle fois, ces dispositifs.
Aujourd’hui, un an plus tard, ils sont de nouveau remis en cause dans le projet de loi de finances pour 2011 que nous examinons.
Désormais, la chose est convenue, à chaque loi de finances, hop ! un coup de rabot.
Il est temps que le Gouvernement comprenne que nous avons besoin de dispositifs stables et pérennes pour assurer notre développement. Qu’il pourfende les tricheurs et les profiteurs, c’est nécessaire, et même urgent. Mais, de grâce ! qu’il ne place pas les acteurs économiques des outre-mer dans une situation d’insécurité juridique et financière permanente.
Madame la ministre, les outre-mer, ce sont des territoires et des hommes, pas une variable d’ajustement des politiques budgétaires d’un État qui n’honore pas ses engagements.
L’année 2011, année des outre-mer, devrait être, à mon sens, l’année des retards rattrapés. Malheureusement, j’ai bien peur qu’elle ne soit que l’année des occasions perdues ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Adrien Giraud et Jean-Paul Virapoullé applaudissent également.)