M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Mayotte entre dans une nouvelle phase de son développement avec l’accession prévue, en avril 2011, de cette collectivité au statut de département d’outre-mer, en conséquence directe de la consultation populaire du 29 mars 2009.
Au mois d’octobre dernier, la discussion au sein de notre assemblée du projet de loi organique relatif au département de Mayotte m’a donné l’occasion de faire le point sur la situation actuelle de notre collectivité et sur les retards de son développement économique et social, avant d’aborder les questions relatives à l’organisation de ce 101e département de la République française.
Madame la ministre, les sociétés évoluent. Les besoins de Mayotte ne sont plus ceux d’hier.
Le Gouvernement a souhaité que la solidarité nationale continue de s’exercer au mieux des intérêts de cette collectivité qui a, encore aujourd’hui, le plus grand besoin d’un accompagnement fort de l’État dans cette phase importante de son évolution et de sa mise à niveau.
Madame la ministre, nous vous demandons, dans toute la mesure du possible, de prendre en compte, dans un premier temps, nos retards dans le domaine des infrastructures indispensables pour nos progrès à venir, à savoir les routes et voies de communications, les hôpitaux et dispensaires nécessaires à l’amélioration de la santé publique, le réseau d’assainissement, ainsi que – j’y reviens une fois de plus – la construction d’un « véritable » aéroport répondant, dans sa conception architecturale, aux attentes tant des élus que de la population.
Cette question devrait faire l’objet d’un nouvel examen permettant autant que possible de rapprocher les points de vue sur ce projet particulièrement important pour l’avenir de Mayotte. Il est évident, en effet, qu’un tel chantier doit se fonder sur un consensus aussi large que possible et ne pas susciter d’inutiles polémiques.
En dépit d’un cadre budgétaire national dont je connais toutes les contraintes, et malgré les efforts déjà accomplis par l’État afin de résorber nos retards de développement, je souhaite que soit octroyé à Mayotte un concours financier spécifique destiné à permettre aux communes de faire face aux lourdes charges de cette période de transition, jusqu’à l’installation, en 2014, de l’organisation départementale et en attendant, bien entendu, l’application progressive de la fiscalité locale, qui apportera aux municipalités les ressources nécessaires à leur fonctionnement.
Madame la ministre, il me semble indispensable qu’une formation adaptée soit apportée à plusieurs catégories de fonctionnaires qui sont, dès à présent, appelés à mettre en œuvre concrètement la départementalisation sur le plan administratif, technique et financier.
Par ailleurs, je souhaite appeler tout spécialement votre attention sur l’état du réseau routier de Mayotte, qui se compose de 90 kilomètres de routes nationales et de 139 kilomètres de voies départementales.
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas beaucoup !
M. Adrien Giraud. La direction de l’équipement est responsable de la gestion des routes nationales, pour le compte de l’État, et des routes départementales, pour celui de notre collectivité.
Ces routes ont été dimensionnées à une époque où le trafic routier était faible. Elles sont souvent détériorées et déformées faute de moyens d’entretien régulier, à la suite, notamment, des inévitables dégâts résultant de la saison des pluies. L’érosion est alors considérable : c’est pourquoi le réseau routier se dégrade rapidement. Et il faut tenir compte également de l’augmentation importante du trafic des poids lourds entre les principaux pôles économiques.
Quelques aménagements ont déjà été réalisés – je pense aux rocades de M’tsapéré en 2002 et de Passamainty en 2005 – pour désengorger ce trafic très intense.
Partant du constat que des besoins cruciaux perdurent à Mayotte, en particulier en termes d’infrastructures, le treizième contrat de projet État-Mayotte 2008-2014 a retenu comme son quatrième axe la mise en œuvre d’un aménagement équilibré du territoire par la création, l’amélioration et la sécurisation du réseau routier. Le coût prévu de cette action s’élève à 20 millions d'euros pour le réseau national, à la charge de l’État.
À la fin de cette année, un peu plus de 8 millions d'euros auront été consommés, soit la totalité des crédits ouverts entre 2009 et 2010. Il reste donc 12 millions d’euros à honorer pour les prochaines années. Je souhaite obtenir du Gouvernement toutes les assurances sur le respect de ces engagements si importants pour nombre d’entreprises locales, c’est-à-dire pour l’emploi des Mahorais.
S’agissant de la programmation routière, hors ouvrages d’art, concernant le réseau national, les montants d’autorisations d’engagement s’élèvent à 4 millions d’euros par an pour les trois prochaines années.
La dernière étude réalisée par le Centre d’études techniques de l’équipement d’Aix constate que les besoins d’entretien et de régénération du réseau de Mayotte sont de 15 millions d’euros afin, simplement, de réaliser les travaux nécessaires pour remettre et maintenir le patrimoine en état, sans en modifier les caractéristiques.
En ce qui concerne l’amélioration du réseau routier, les besoins sont estimés à 30 millions d’euros, dont un peu plus de 11 millions d’euros sont financés par le contrat de projet État-Mayotte. Près de 20 millions d’euros supplémentaires seront donc nécessaires afin de mettre le réseau routier en état.
Madame la ministre, je n’insisterai pas davantage sur l’état du réseau départemental : on peut évaluer à environ 35 millions d’euros les besoins d’investissements qui seront nécessaires au cours des prochaines années pour assurer la sécurité de ces routes et qui ne peuvent être financés par les communes mahoraises, faute de moyens.
Nous espérons que vous nous apporterez les éclaircissements nécessaires sur l’état actuel de ces dossiers, suivis avec une grande impatience à Mayotte. En effet, leur intérêt économique pour les entreprises rejoint les besoins de la population en termes de sécurité routière et d’amélioration des échanges de toute nature, tant à l’intérieur de la collectivité que dans ses relations avec l’extérieur, en particulier dans le domaine du tourisme.
En conclusion, il est évident que les Mahorais peuvent enfin, dans le cadre départemental, consacrer tous leurs efforts au développement économique, ainsi qu’aux progrès sociaux et culturels de notre collectivité.
La réponse apportée par les Mahorais lors de la consultation du 29 mars 2009 signifie également que le temps est désormais venu de tirer les conséquences de l’évolution politique récente, qui appelle bien évidemment de vigoureuses actions de « rattrapage » lancées et accompagnées par l’État.
Lors de la discussion budgétaire de l’an dernier, j’ai eu l’occasion d’appeler l’attention du Gouvernement sur nos priorités, car nous le savons bien, comme dit le proverbe, « Paris ne s’est pas construite en un jour ». Il s’agit néanmoins pour nous d’urgences économiques et sociales qui s’appellent éducation, modernisation foncière, logement. Je sais pouvoir compter sur la vigilance et l’engagement du Gouvernement pour relever de tels défis avec Mayotte.
Permettez-moi enfin de rappeler, une fois encore, que Mayotte a depuis longtemps formulé le vœu d’accéder au statut de région ultrapériphérique de l’Europe communautaire, au même titre que les actuels départements d’outre-mer.
Madame la ministre, les Mahorais attendent beaucoup de votre action. Je sais que vous aurez le souci de ne pas les décevoir. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les précédents orateurs ayant déjà largement commenté les crédits de la mission « Outre-mer », je ne m’appesantirai guère davantage, notamment compte tenu du temps qui m’est imparti.
Concernant d’autres dispositions du projet de loi de finances pour 2011 qui touchent à l’outre-mer, je salue particulièrement l’effort de maintien de la défiscalisation en faveur du logement social outre-mer.
Cependant, je ne peux que déplorer, encore une fois, le frein politique mis à l’investissement photovoltaïque en outre-mer, sujet qui a déjà été débattu la semaine dernière.
L’arrêt de la défiscalisation dans ce secteur – il est certes modéré par les récents débats parlementaires qui ont permis d’épargner temporairement les petites installations – se situe tout de même à l’opposé des objectifs du Grenelle de l’environnement et de la volonté gouvernementale affirmée au travers de la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, d’aller vers une plus grande autonomie énergétique de l’outre-mer dans le cadre d’un développement économique endogène.
Sur le plan énergétique, nous le savons, les territoires ultramarins sont encore très fortement dépendants des importations pétrolières, avec toutes les conséquences qui en résultent. La commission d’évaluation créée récemment se penchera sur l’impact réel des défiscalisations en matière photovoltaïque, ce qui offrira à la Polynésie française une chance de démontrer l’extrême brutalité de cette mesure dans ce secteur dont la durée de vie n’a été que d’une seule année dans notre fenua, c'est-à-dire notre pays.
Madame la ministre, vous le savez mieux que nous, dans le secteur des énergies renouvelables, la nation a tout à gagner que nos outre-mer puissent être des pôles avancés, à la condition essentielle et préalable que la priorité aux intérêts des départements et collectivités d’outre-mer soit assurée conformément à la Charte des Nations unies ou, tout au moins, que l’exigence onusienne émergente du « partage des bénéfices de la croissance » soit appliquée en faveur des populations ultramarines concernées.
En Polynésie française, la phase de faisabilité d’une centrale-pilote d’énergie thermique des mers offshore d’une puissance de 5 mégawatts est sur le point d’être lancée. Nous la soutenons, tout comme vous, madame la ministre.
Le système d’air conditionné par refroidissement à l’eau de mer, le système SWAC, ou Sea Water Air Conditioning, qui y a été testé pour la toute première fois avec succès voilà déjà plusieurs années, alimente désormais plusieurs établissements hôteliers de renom.
Le développement de l’exploitation des énergies marines, en particulier de l’énergie hydrolienne, fait partie des atouts concurrentiels dont nous pouvons tirer parti.
En d’autres termes, la puissance d’un État viendra de la mer !
On ne le répète pas assez, les outre-mer représentent 97 % de la surface maritime française et la Polynésie représente 49 % de cette surface maritime ultramarine. Je sais donc au nom de quel potentiel je m’exprime devant la nation.
De plus en plus, les outre-mer français prennent conscience de leurs énormes potentiels propres, endogènes et de ce que représenterait, pour la nation, l’union de telles capacités !
Cependant, nous ne sommes ni à la fin du XIXe siècle, période sombre pour une partie de nos outre-mer, ni en 1958, dans un contexte politique de reconstruction nationale, ni encore en 1973, au lendemain du choc pétrolier à la suite duquel la dette publique de la France a pris naissance et où l’on gérait l’outre-mer français – passez-moi l’expression – « à la hussarde » !
En 2010, les lignes ont bougé.
La nation doit avoir et se donner les moyens de ses grandes ambitions. L’outre-mer français en fait-il partie ?
On ne peut pas satisfaire tout le monde, c’est vrai. Serait-ce alors à dire qu’il y aurait « trop de monde » et plus assez de moyens ?
Nos outre-mer réclament un accompagnement institutionnel et financier qui soit cohérent et loyal, suivant leur histoire propre, leurs aspirations ou leur statut institutionnel.
Ils réclament un partenariat renouvelé avec un État qui leur conférerait les outils institutionnels et les moyens financiers de leur développement économique endogène ou de leur décollage propre.
La Nouvelle-Calédonie s’est brillamment, mais non sans douleur, placée dans cette dernière perspective, et nous la saluons fièrement à ce titre. Madame la ministre, le jour viendra, j’en suis convaincu, où la Polynésie française saura prendre cet envol en toute maturité.
Néanmoins, à présent, nous ne pouvons plus supporter, à l’orée des nouveaux défis énergétiques, climatiques, financiers, diplomatiques qui nous attendent en ce début du XXIe siècle, de pâtir en silence d’une politique nationale anachronique envers les outre-mer français, politique qui, en réalité, est pilotée en filigrane tant par les ambitions technologiques d’un puissant lobby militaro-industriel français que par la rigueur budgétaire de Bercy.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Richard Tuheiava. Le véritable problème de fond qui rend difficilement crédible l’esprit même d’un « partenariat renouvelé » entre État et outre-mer français est que les éléments d’appréciation et de discussion dont disposent nos populations et nos élus ultramarins ne sont pas loyalement mis à la disposition de ces derniers, comme s’ils ne devaient pas en avoir conscience, afin d’être maintenus dans une sorte d’ignorance organisée devenue la normalité.
Près de quarante-quatre ans après le premier tir d’expérimentation nucléaire en Polynésie française et quinze ans après l’arrêt définitif des essais nucléaires en 1998, j’ai posé à plusieurs reprises au ministre de la défense la question écrite très simple consistant à savoir si au moins un rapport financier avait été officiellement établi sur les retombées financières, économiques, technologiques, diplomatiques des essais nucléaires pour la région. En effet, 193 expérimentations nucléaires ont été réalisées en Polynésie française pendant une période de quarante ans. Je n’ai obtenu aucune réponse !
Chacun de nous ici sait pourtant que l’industrie des microprocesseurs informatiques, de la fibre optique,…
M. le président. Il vous faut vraiment conclure !
M. Richard Tuheiava. Je termine, monsieur le président !
Toutes les innovations que je viens de citer, auxquelles s’ajoutent les programmes de fusée Ariane et les centrales électriques nucléaires, sont issues de l’expertise française, développée directement à partir des quarante années d’expérimentations en Polynésie française…
C’est cela le point de départ d’un partenariat rénové et loyal avec nous, madame la ministre !
Je poursuivrai mon propos au sujet du projet de loi de finances pour 2011, notamment sur l’article 77 et la dotation globale de développement économique, dans le cadre des explications de vote, puisque le temps qui m’était imparti est épuisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les années 2009 et 2010 ont été riches en événements pour l’outre-mer, d’un point de vue tant économique et social que politique et normatif !
La crise de mars 2009, révélatrice du malaise qui gangrène nos territoires depuis un certain temps, a déclenché une réaction en chaîne de bonnes intentions pour refonder la confiance et encourager la croissance, notamment les états généraux de l’outre-mer, la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer, l’adoption de la LODEOM dans cet hémicycle, ou encore la première réunion du Conseil interministériel de l’outre-mer.
Toujours en quête de reconnaissance et forts de leurs richesses, nos territoires seront à l’honneur en 2011, lors des manifestations de « l’année des outre-mer ». Toutefois, comment donner toute sa portée à ce clin d’œil à l’outre-mer si la crise économique et sociale, à l’échelon local, déstabilise les forces vives et angoisse nos concitoyens ? C’est contre cet état de fait qu’il faudrait lutter par des orientations et des moyens adaptés !
Madame la ministre, vous l’aurez compris, même si je peux me réjouir des manifestations culturelles à venir, sans doute utiles pour une meilleure connaissance des outre-mer et pour la promotion de ces territoires, je regrette amèrement que les arbitrages du projet de loi de finances pour 2011 ne soient pas porteurs d’impulsions de nature à promouvoir le développement endogène, tant scandé lors des états généraux, ou à stimuler la croissance des économies locales.
En effet, des dispositions de telle nature auraient permis de contrer les tendances observées : hausse spectaculaire du chômage en 2009, de plus de 23 %, augmentation de plus de 11 % du nombre de demandes d’emploi en attente, en particulier de celles des jeunes et des seniors, repli de la consommation des ménages, de l’investissement, des échanges commerciaux, avec un recul de 23 % des importations et de 14 % des exportations, paralysie de l’économie et, surtout, crise du secteur du bâtiment et des travaux publics, conséquence inévitable des blocages qui pénalisent la production de logements sociaux.
Malheureusement, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2011 ne me semble pas contenir les impulsions nécessaires pour faire face à une telle situation ; cela est d’autant plus vrai que, au-delà des lignes budgétaires, même rabotées, qui sont affichées, les procédures de traitement des dossiers visent inexorablement, nous semble-t-il, à limiter efficacement la consommation des crédits budgétés.
À propos de lignes budgétaires, madame la ministre, c’est la première année depuis trois ans que votre budget est en légère baisse : moins 0,5 % en autorisations d’engagement et moins 2,3 % en crédits de paiement.
Même s’il ne représente que 16 % de l’effort budgétaire global de la nation envers l’outre-mer – ce qui, nous l’avons déjà dit et répété, ne permet pas d’avoir une vision nette de l’action globale de l’État dans nos territoires, c’est tout de même ce budget qui nous renseigne sur la volonté politique du Gouvernement à agir, résolument ou non, dans les compartiments essentiels de la vie et de la société au sein des extensions ultramarines de la République que constituent nos territoires.
Dans ce cru 2011 du budget des outre-mer, je me contenterai de pointer trois sujets cruciaux : l’emploi, le logement et la continuité territoriale.
D’abord, en matière d’emplois, les chiffres que j’ai rappelés précédemment sont éloquents et alarmants ! Même si les objectifs fixés par le Président de la République sur trois ans pour le SMA, le service militaire adapté, ne seront pas atteints, ce dispositif est efficace ; il connaît un certain succès et constitue un excellent vecteur de qualification pour nos jeunes.
Pour autant, au-delà de la gravité de la situation des jeunes, il ne faudrait pas méconnaître la situation des seniors, qui risque de se dégrader avec la mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives aux retraites ; d’où l’impératif d’un développement économique pour répondre à leur demande.
Concernant les crédits consacrés au soutien aux entreprises, aux exonérations de charges patronales, je note l’effort qui est consenti pour apurer la dette de l’État envers les organismes sociaux. Mais, surtout, madame la ministre, il faut tout faire pour éviter qu’elle ne se reconstitue rapidement, une tendance que l’on observe peut-être d’ores et déjà.
Ensuite, sur la question du logement social, je reste vraiment inquiet. Madame la ministre, je vous ai récemment interpellée à ce sujet en mettant l’accent sur les 7 000 logements en attente de construction, la chute de plus de 35 % de l’activité du BTP, la destruction d’emplois, les plans sociaux en cours d’élaboration et les 20 000 Guadeloupéens qui attendent désespérément un logement ! Les réponses que vous m’avez fournies ne m’ont pas satisfait et elles ont d’ailleurs provoqué un profond émoi chez les professionnels du logement, notamment en Guadeloupe.
Or, dans le projet de budget que nous examinons, les crédits consacrés à cette question stagnent en autorisations d’engagement et chutent de plus de 9 % en crédits de paiement ! C’est dire si la crise risque de perdurer, sinon de s’aggraver. J’insiste donc de nouveau sur la nécessité de simplifier la procédure de délivrance des agréments, de débloquer les dossiers en cours et de rassurer les opérateurs immobiliers en affirmant la possibilité de combiner les deux sources de financement que sont la défiscalisation prévue par la LODEOM et la ligne budgétaire, socle du financement du logement social !
Enfin, concernant la continuité territoriale, vecteur symbolique de citoyenneté, de solidarité et d’unité nationales, je regrette que, dix-huit mois après le vote de la LODEOM, les dispositions majeures prévues ne puissent entrer en vigueur !
Madame la ministre, en matière de développement économique, de chômage, de logement, de cherté de la vie, de situation des collectivités territoriales, les clignotants sont au rouge !
Après les espérances suscitées par les conclusions et décisions issues des états généraux de 2009, l’année 2010 se termine sur une réelle déception. Cela a été largement exprimé ce matin.
Que sera 2011 ? Ce projet de budget ne me permet pas d’être optimiste ! Je vous invite, et à travers vous le Gouvernement, à ne pas laisser pourrir la situation, car, croyez-moi, les conséquences pourraient être désastreuses pour tous, et à tout point de vue !
Bien entendu, madame la ministre, je ne voterai pas a priori contre votre projet de budget, car je veux penser que vous entendrez et comprendrez mon appel. Il n’en reste pas moins que j’écouterai attentivement vos réponses à mes interrogations comme à celles de mes collègues. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions dû aujourd’hui examiner un budget audacieux, à la hauteur des promesses qui ont été faites en réponse à la crise sociale qui a durement touché l'outre-mer.
Au lieu de cela, ce budget suit cette année le même chemin que celui que le Gouvernement impose à l’ensemble de nos politiques publiques : la voie de la régression. C’est le moins que l’on puisse dire ! En effet, on observe une diminution des crédits de 46 millions d’euros par rapport à l’an passé.
Il y a eu la crise, me direz-vous. Mais, madame la ministre, la crise ne justifie pas que vous puissiez ainsi vous exonérer des engagements essentiels de l’État car, en dernier ressort, ce sont les populations à risque, celles qui sont les plus fragiles et les plus exposées qui en font les frais !
Déjà, la crise de 2009 a fortement endommagé les finances des collectivités. L’octroi de mer a subi des tirs croisés de toutes sortes et le gel des dotations des collectivités pour trois ans aggravera encore cette situation.
Ce choix paraît difficilement défendable, car il s’agit de résorber en trois ans une trentaine d’années de dérapages non contrôlés en en faisant porter la responsabilité par ceux qui n’y sont pour rien.
À qui la faute ? Elle est imputable, certainement pas à ceux qui, pour la plupart, vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais bel et bien aux tenants du capitalisme et du libéralisme dont ce gouvernement est trop souvent le fidèle porte-voix.
Ce budget devait être le reflet des dispositifs qui ont été votés dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer. Or, dix-huit mois après sa promulgation, celle-ci n’est que partiellement mise en œuvre.
La ligne budgétaire unique s’amenuise de 21 millions d’euros et les crédits consacrés aux logements sociaux et très sociaux perdent la somme, si l’on peut dire « modique », de 34 millions d’euros. Quand on connaît l’immensité des besoins en outre-mer, les chiffres parlent d’eux-mêmes !
Pour prendre l’exemple cité ma collègue Gélita Hoarau concernant La Réunion, 22 600 familles ont déposé une demande de logement. Or, comme l’a souligné le rapporteur spécial Éric Doligé, en 2009, seuls 6 200 logements ont été construits en outre-mer, alors qu’il en faudrait au minimum 45 000 par an pour faire face aux 60 000 demandes en attente. Ce décalage est dramatique. Qui plus est, il entre encore une fois en contradiction avec la promesse de rallonge budgétaire de 20 millions d'euros, attendue par les bailleurs sociaux.
Ainsi devient-il plus qu’urgent d’augmenter la ligne budgétaire unique, comme il devient essentiel de rectifier le tir quant à la mise en œuvre de la défiscalisation appliquée au logement social, pensée et voulue par le Gouvernement. Au regard des dérives constatées pendant la crise, il nous paraît inopportun, voire indécent, de faire dépendre le logement social des arbitrages d’investisseurs privés.
Le logement social ne peut pas et ne doit pas devenir un instrument de régulation des finances publiques.
Offrir à tous ceux qui en ont besoin un habitat décent contre un loyer adapté et maîtrisé : telle est la politique du logement que nous souhaitons voir mise en œuvre, aussi bien en outre-mer qu’en métropole.
Par ailleurs, les décisions du conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 sont, elles aussi, au point mort : 137 mesures ont été annoncées pour les outre-mer, dont 71 mesures transversales à l’ensemble des collectivités ultramarines. Aujourd’hui, la banane est menacée par des multinationales américaines avides, favorisées par les règles de l’Organisation mondiale du commerce, qui s’appliquent avec tranchant et sans appel.
Le tourisme décline et le chômage atteint des sommets pour les ultramarins. Le taux de chômage est deux fois plus élevé dans les départements d'outre-mer qu’en métropole et augmente six fois plus vite : il atteint 22,7 % en Guadeloupe, 21,2 % en Martinique, 20,6 % en Guyane et 29 % à La Réunion. Mais, surtout, il touche de plein fouet les jeunes, dans des proportions encore plus importantes. Faut-il rappeler que les départements d’outre-mer sont les régions d’Europe où le chômage des jeunes atteint des niveaux record ?
Madame la ministre, face à l’ensemble de ces problématiques, c’est votre responsabilité qui est engagée.
Certes, ce ne sont pas les « plans d’action » qui ont manqué ces dernières années : loi d’orientation pour l’outre-mer, loi de programme pour l'outre-mer, loi pour le développement économique des outre-mer. Au total, la liste est longue des mesures grandiloquentes, qui ont toutes rendu l’âme ou la rendront, puisque ce budget 2011 manque cruellement d’audace !
Madame la ministre, dix-huit mois après le vote de la LODEOM, les dispositions prévues ne sont toujours pas toutes en vigueur et, un an après votre engagement solennel au Sénat, certains décrets d’application ne sont pas encore publiés.
Le nouveau dispositif de continuité territoriale balbutie, les pratiques des compagnies aériennes flottent dans un clair-obscur. Quant au rapport de synthèse prévu par la loi sur les coûts et les prix des transporteurs soumis à l’obligation de service public, les parlementaires attendent toujours, la transparence aussi !
Nous regrettons que, une fois de plus, l’outre-mer soit relégué au second plan et méprisé de la sorte. Au final, ce budget pour 2011 n’est pas à la hauteur des engagements pris. C’est inadmissible !
Nos concitoyens ultramarins méritent bien mieux que le sort que vous entendez leur réserver dans le présent projet de loi de finances. C'est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG votera contre les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)