Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Votre réponse est paradoxale, monsieur le ministre.
Pour justifier la non-intervention de l’État en faveur de la commune d’Angoulême, vous arguez que les compétences ont été partagées et que l’État ne s’occupe plus désormais que de la voirie relevant strictement de la sienne.
Or, en tant que président d’un conseil général, vous savez aussi bien que moi que les départements continuent malgré tout à participer au financement des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers. Ainsi, dans le cadre du dernier contrat de plan État-région, le mien a contribué à hauteur de 67 millions d’euros aux travaux effectués sur la voirie nationale. Je ne peux donc accepter votre réponse, monsieur le ministre.
Par ailleurs, bien que la loi portant réforme des collectivités territoriales interdise un certain nombre de financements croisés, l’État est aujourd'hui le premier à exiger le recours à de tels financements, en particulier en matière de développement ferroviaire. À cet égard, vous avez évoqué la ligne à grande vitesse Est européenne : il en va de même pour la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le département de la Charente étant appelé à apporter 30 millions d’euros, la communauté d’agglomération d’Angoulême 10 millions d’euros et la ville de Cognac, pourtant distante de quarante kilomètres, 4 millions d’euros.
Je ne peux donc souscrire à vos arguments, monsieur le ministre ; votre sourire témoigne d’ailleurs que vous-même n’y croyez pas !
prolifération du frelon asiatique
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Milhau, auteur de la question n° 1046, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Jean Milhau. La prolifération du frelon asiatique est devenue un véritable fléau depuis l’apparition de cet insecte dans le sud-ouest de la France en 2004.
Cette espèce invasive se développe de manière exponentielle en raison de son cycle de reproduction très rapide. Cela entraîne la destruction des ruchers et a des conséquences sur la biodiversité. Mais nos populations se trouvent également affectées et ainsi mises en danger. Les services d’incendie et de secours n’intervenant plus qu’en cas de péril sur la voie publique, les particuliers doivent faire détruire à leurs frais les nids par des sociétés privées. Or ces nids sont souvent situés à la cime des arbres, ce qui nécessite l’utilisation d’une nacelle, d’où un coût difficilement supportable pour un ménage, pouvant varier entre 150 euros et 1 000 euros.
Au mois de janvier 2010, le Gouvernement avait indiqué qu’un projet d’arrêté visant à classer le frelon asiatique comme espèce invasive était en préparation et qu’une mission interministérielle était en cours, afin d’étudier des solutions techniques fiables permettant d’assurer le contrôle de l’espèce.
À ma connaissance, cette mission n’a toujours pas publié son rapport à ce jour, alors que c’est à l’automne que les nids deviennent visibles. Il y a urgence à les détruire, et tous les moyens doivent être mis en œuvre, qu’il s’agisse du piégeage des femelles fondatrices ou de l’attribution de crédits spécifiques à la recherche, afin de freiner cette prolifération, de préserver la qualité et la biodiversité de notre environnement et de défendre notre écosystème, qui est tributaire des pollinisateurs autochtones.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer à quelle date la mission interministérielle rendra son rapport et quelles mesures spécifiques seront retenues pour procéder le plus rapidement possible à la destruction des nids et lutter contre cette espèce invasive ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur Milhau, la question que vous avez adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement intéresse non seulement les apiculteurs, évidemment concernés au premier chef, mais également une grande partie de la population, car le développement d’espèces invasives, dans le domaine animal comme dans le domaine végétal, peut affecter la biodiversité.
Le frelon à pattes jaunes, originaire d’Asie, est un prédateur de l’abeille domestique. Comme vous l’avez rappelé, son inscription sur l’une des nombreuses listes de nuisibles a, dans un premier temps, été envisagée, mais cet insecte n’est pas connu pour porter atteinte à la biodiversité. D’ailleurs, les interventions contre lui ne relèvent pas des dispositions prévues par le code de l’environnement pour la protection de la nature.
Le contrôle de l’expansion du frelon à pattes jaunes pose avant tout des problèmes d’ordre technique. Faute de pouvoir envisager l’éradication de cette espèce, deux voies complémentaires méritent d’être explorées : d’une part, les possibilités de protection ponctuelle des ruchers ; d’autre part, le contrôle de la dynamique des populations de cet insecte. Chacune de ces deux voies nécessite des solutions techniques fiables, qui font encore défaut. Par exemple, le piégeage des reines sortant d’hibernation a été conseillé par un institut technique, mais déconseillé par le Muséum national d’histoire naturelle. Les avis divergent également sur l’opportunité de détruire les nids.
La mission conjointe réunissant des inspecteurs généraux des ministères chargés de l’agriculture, de la santé et de l’environnement vient de s’achever, et son rapport orientera les choix juridiques et techniques à effectuer. D’ores et déjà, l’administration du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement apporte son soutien au Muséum national d’histoire naturelle, qui travaille à réunir et à valider les données naturalistes relatives à l’expansion de cette espèce en France et contribue à la recherche de solutions nouvelles, en coordination avec un laboratoire de l’Institut national de la recherche agronomique implanté à Bordeaux, auquel les services du ministère apportent également leur soutien financier.
Vous m’avez interrogé sur la date de publication du rapport et sur les suites qui y seront apportées. Je puis vous indiquer que les inspecteurs généraux missionnés ont remis leurs conclusions et que leurs propositions sont en cours d’analyse. Le rapport sera publié dans les tout prochains jours.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Milhau.
M. Jean Milhau. Je remercie M. le ministre de ces informations.
Je n’ignore pas que ce frelon participe à la biodiversité et qu’il n’est pas question de l’éradiquer. Toutefois, je pense qu’il convient de lutter contre sa prolifération.
M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !
M. Jean Milhau. Par conséquent, je souhaite que la mission en cours puisse nous apporter un éclairage et des pistes pour lutter contre un fléau qui touche en effet non seulement les apiculteurs, mais également l’ensemble du monde rural.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous prie de remercier en notre nom M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, d’avoir permis la tenue dans de très bonnes conditions de cette séance tardive de questions orales, malgré la réunion du conseil des ministres.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Vietnam
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de la commission de la culture, de l’éducation et de la jeunesse de l’Assemblée nationale du Vietnam, conduite par son vice-président, M. Le Van Hoc. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
La délégation rencontrera notamment nos collègues Christian Poncelet, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Vietnam, et Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, afin de renforcer les échanges et la coopération entre les deux assemblées dans l’organisation, notamment, du travail parlementaire.
Au nom de la Haute Assemblée, je souhaite à nos collègues la bienvenue et forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à fortifier les liens et l’amitié entre nos deux pays et nos deux peuples. (Nouveaux applaudissements.)
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Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).
Relations avec les collectivités territoriales
Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 79 à 86) et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui regroupe les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales inscrits en dotations budgétaires et les moyens de la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, représente 2,5 milliards d’euros dans une enveloppe des concours de l’État aux collectivités territoriales de 59 milliards d’euros, voire de 99 milliards d’euros si l’on ajoute la fiscalité transférée et les dégrèvements.
Vous pouvez constater que je me garde bien d’employer les termes d’ « effort financier de l’État », que notre assemblée a bannis à l’occasion du vote de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, pour les remplacer par ceux de « concours financiers de l’État » aux collectivités territoriales.
Sur les crédits mêmes de la mission, la commission des finances a peu d’observations à présenter.
En effet, la plupart des dotations retracées par la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se voient appliquer la règle du gel en valeur des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Il s’agit, en particulier, de la dotation forfaitaire « titres sécurisés », de la dotation de développement urbain, la DDU, de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de la dotation « régisseurs de police municipale » et de la dotation globale d’équipement des départements.
Pour les dotations générales de décentralisation, les DGD, qui sont calculées en fonction des charges transférées, quelques ajustements mineurs sont prévus.
On note aussi que les dotations outre-mer qui obéissent à des règles d’indexation spécifiques échappent, de fait, à la règle du gel en valeur. C’est le cas, en particulier, de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires versée à Mayotte.
Pour ce qui concerne les crédits de fonctionnement de la Direction générale des collectivités locales, on observe une forte hausse des moyens en autorisations d’engagement, qui correspond, notamment, à une progression des dépenses d’informatique en faveur du projet Colbert départemental. On attend beaucoup de cet outil pour améliorer la qualité des échanges de données entre les préfectures et la DGCL, notamment lors de la répartition de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
S’agissant de la péréquation, la commission des finances proposera d’adopter un amendement qui tend à créer, dans le prolongement des conclusions d’un groupe de travail du Comité des finances locales, le CFL, une dotation de solidarité rurale cible pour soutenir particulièrement les 10 000 communes les plus pauvres sans pénaliser les autres, dans le même esprit que la dotation de solidarité urbaine cible actuelle.
L’examen du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » appelle deux observations.
Première observation, il convient de signaler que la très forte augmentation des montants en cause est due au fait que, en 2011, le compte de concours financiers retracera les reversements de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de cotisation foncière des entreprises, d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et de taxe sur les surfaces commerciales alors qu’il n’avait plus à retracer les reversements de taxe professionnelle en 2010. Nous revenons donc à un niveau habituel.
Seconde observation, la première section du compte, qui retrace des avances accordées aux collectivités locales, est, depuis longtemps, très peu active. La commission des finances proposera un amendement de suppression de ces crédits.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
En conclusion, je voudrais évoquer ce qui me semble être un élément central du projet de budget pour 2011 pour la mission, et qui apparaît surtout au travers des articles rattachés : la question du rôle et de la place du Comité des finances locales. Cette instance de concertation et de décision, qui rassemble les collectivités et l’État, a fait la preuve de sa compétence et de son efficacité.
Fondamentalement, le gel des dotations et le fait que la préservation des éléments de péréquation est désormais inscrite dans la loi, qui fixe elle-même les montants des diverses composantes de la DGF des collectivités territoriales, privent le CFL d’une grande part de ses compétences.
Or je crois profondément nécessaire de préserver cette instance de concertation entre l’État et les collectivités territoriales, car elle permet de progresser et d’aboutir sur des sujets importants : je pense, notamment, aux groupes de travail que le CFL a constitués sur la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et sur la dotation de solidarité rurale, la DSR.
Il nous faudra donc restaurer à son profit des marges de manœuvre dans un contexte moins favorable que celui de la période passée, durant laquelle le CFL était amené à répartir la progression des concours de l’État. Ces marges de manœuvre, le CFL pourra les retrouver d’une part en procédant aux ajustements des dotations en fonction de critères territoriaux, d’autre part en participant à la définition des règles de la péréquation horizontale, qui est un sujet central dans un contexte de gel des dotations de l’État aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le bref laps de temps qui m’est imparti pour évoquer devant vous les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, je développerai trois thèmes qui ont particulièrement retenu l’attention de la commission des lois.
Premièrement, la commission des lois a noté que les collectivités territoriales seraient soumises, en 2011, à un degré inédit de modération budgétaire : une part importante des concours de l’État fera l’objet d’un « gel en valeur » à hauteur du montant ouvert en loi de finances initiale de 2010.
Cette association des acteurs locaux à l’effort de lutte contre les déficits publics, s’il a été accepté et compris par la commission des lois, a suscité certaines remarques.
Tout d’abord, je rappellerai que les collectivités sont loin d’être les premières responsables de la dégradation de nos finances publiques.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Au 31 décembre 2009, la dette locale ne représentait en effet que 10,5 % de la dette publique totale. Dès lors, l’idée que le gel serait une « garantie de non-baisse », selon les termes employés par le Gouvernement, et qu’il serait finalement un facteur de protection des finances locales nous semble pour le moins contestable.
Ensuite, la limitation de la croissance des concours de l’État vient s’ajouter aux réformes déjà menées, notamment au remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, qui a très sensiblement réduit l’autonomie fiscale des collectivités : celles-ci sont donc de plus en plus dépendantes des décisions prises au niveau central. Or le pouvoir central n’est pas forcément un donneur d’ordres facile à vivre : l’État donne toujours plus de responsabilités aux collectivités, mais quelquefois moins de moyens.
Enfin, la commission des lois s’est inquiétée d’une autre mesure, qui doit favoriser la diminution des dépenses des collectivités : il s’agit de la modulation des dotations de l’État en fonction de critères dits « de bonne gestion ».
La commission des lois est réservée, voire perplexe, devant ce projet : comment sera-t-il possible de définir des critères de bonne gestion qui soient valables pour toutes les collectivités, indépendamment de leurs caractéristiques ? En quoi ce projet s’inscrit-il dans la promotion du principe constitutionnel de libre administration ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Pourquoi l’État serait-il mieux placé que les élus locaux pour distinguer ce qui relève d’une gestion vertueuse et performante de ce qui, à l’inverse, est source de gabegie ?
M. Jean-Pierre Sueur. Excellent !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Bref, nous nous interrogeons sur la légitimité de cette réforme qui, en l’état, ne nous semble ni opportune ni juste.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Deuxièmement, la commission des lois s’est intéressée de près à l’état des finances départementales.
En effet, la crise de 2008-2009 a révélé la fragilité structurelle des départements, qui sont soumis à un fort effet de ciseaux et doivent supporter les coûts induits par le financement des dépenses sociales. Celles-ci représentent désormais 62 % de leurs charges de fonctionnement.
Dans ce cadre, la commission des lois a pris acte de la création de la mission d’appui chargée de venir en aide aux départements les plus en difficulté, dont le Parlement sera amené à débattre lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Elle a également noté que la réforme de la prise en charge de la dépendance permettrait certainement d’apporter une réponse aux problèmes rencontrés par les départements dans le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
Toutefois, la commission des lois estime que ces initiatives ne sauraient, à elles seules, restaurer la viabilité des finances des départements. Elle considère ainsi qu’il sera nécessaire, à terme, de revoir les modalités de financement de toutes les prestations sociales portées par les départements, afin soit d’augmenter le taux de couverture des dépenses sociales par l’État, soit de revoir les mécanismes de fixation du montant du droit à compensation.
En dernier lieu, je dirai quelques mots sur la participation des collectivités territoriales au processus normatif.
Tout d’abord, je tiens à saluer l’action de la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, qui a rempli ses missions de manière exigeante et constructive, et qui a examiné pas moins de 108 textes de janvier à septembre 2010.
Plus généralement, la commission des lois a constaté que le Gouvernement avait fait certains efforts pour mieux prendre en compte l’incidence des normes sur les collectivités territoriales. Ainsi, un processus de révision des normes a été lancé, en lien étroit avec les associations d’élus, et un « moratoire » sur les normes nouvelles a été mis en place par le biais d’une circulaire de juillet dernier pour soulager les acteurs locaux, qui sont trop souvent étouffés par les normes techniques édictées par l’État. S’il est trop tôt pour juger de l’efficacité concrète de ces mesures, elles démontrent toutefois que les mentalités sont en train de changer à l’échelon central.
Telles sont les observations que la commission des lois voulait porter à la connaissance du Sénat, et sous le bénéfice desquelles elle a cependant donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose de quinze minutes au total pour intervenir.
Nous avons beaucoup de difficultés à tenir les horaires prévus. Je formulerai un certain nombre de propositions à ce sujet lors de la conférence des présidents qui se tiendra demain, mais, dans l’immédiat, je demande à tous les orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mois après la réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle, l’examen du projet de budget de cette mission nous offre l’occasion de porter de nouveau un regard d’ensemble sur la place que l’État accorde aux collectivités territoriales.
Le constat est alarmant : les atteintes répétées, réforme après réforme, au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales font aujourd’hui sentir leurs effets à un point tel que l’équilibre budgétaire de ces dernières s’en trouve fortement et inéluctablement menacé.
Plusieurs éléments nous amènent à établir ce constat.
En premier lieu, il nous est annoncé que, entre 2011 et 2014, les concours de l’État feront l’objet d’un « gel en valeur » à hauteur du montant ouvert en loi de finance initiale de 2010, soit 50,45 milliards d’euros.
Ce gel annonce une baisse d’au moins 1 milliard d’euros des concours de l’État pour 20 000 communes. Cela signifie rien de moins qu’une asphyxie de nos régions, de nos départements et de nos communes, alors que, dans le même temps, l’État continue de se désengager de ses responsabilités en transférant de nombreuses compétences sans les assortir des moyens correspondants.
À l’échelon tant national que local, l’État persiste à mener une politique fiscale injuste au profit des plus riches, tandis que les départements font face à une hausse soutenue des dépenses sociales. Ces dernières sont liées, certes, aux effets de la crise économique, mais aussi à la mise en œuvre du revenu de solidarité active, dont l’État doit pourtant assurer la compensation – je vous renvoie à notre proposition de loi sur ce sujet –, ainsi qu’à divers transferts de compétences.
En second lieu, l’année 2011 sera celle de l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités, 2010 ayant été une année de transition durant laquelle l’État versait une petite compensation aux collectivités. Les effets de la réforme se feront pleinement sentir dès 2011.
Lors des débats sur la suppression de la taxe professionnelle, M. Estrosi s’était engagé à ce qu’elle ne déséquilibre pas les investissements et les politiques d’aménagement des collectivités et des territoires. Or, comme nous l’avions prédit, les investissements des collectivités locales ont diminué de 2,1 % en 2010, et ce n’est qu’un début.
Le Gouvernement voit en cette baisse une marque de prudence des collectivités dans la gestion de leur budget. Il se dit certainement que lorsqu’on leur serre la ceinture, elles dépensent mieux ! Eh bien non, les collectivités ne dépensent pas mieux ! Elles sont simplement contraintes d’interrompre, de reporter des projets. Ce sont bien évidemment les usagers des services publics qui souffrent en premier lieu de cette situation, l’état des routes se dégradant et le nombre de logements diminuant. Les entreprises de la voirie et du bâtiment, qui se voient contraintes de réduire leurs effectifs, en pâtissent également.
Au final, c’est donc la situation de l’emploi qui se détériore, alors que vous vous targuez de vouloir la préserver, voire de l’améliorer, avec la suppression de la taxe professionnelle, qui, selon vous, devait inciter les entreprises à embaucher. Aujourd’hui, la diminution des investissements contraint les entreprises à licencier. Encore une fois, vous jouez des apparences et vous donnez d’une main ce que vous reprenez de l’autre, mais nous ne sommes pas dupes, et les citoyens non plus.
Enfin, à l’occasion de l’ouverture du dernier congrès de l’Association des maires de France, M. Sarkozy s’est félicité d’avoir mis en place une réforme des collectivités territoriales « équilibrée ». Il n’a apparemment pas écouté les inquiétudes exprimées par les maires et les différents élus… Continuant sa politique de dénigrement de l’échelon local, il montre du doigt nos collectivités en leur imputant, et en leur faisant subir, les conséquences du déficit budgétaire national.
À propos de politique de dénigrement, j’aimerais attirer l’attention sur un projet ahurissant du Gouvernement : la mise en place d’une modulation des dotations de l’État aux collectivités en fonction de « critères de bonne gestion » !
Certains d’entre nous se demandent déjà quels pourraient ces « critères de bonne gestion ». Pour ma part, je m’interroge avant tout sur les objectifs de ce projet, qui me paraît pernicieux. Il s’agit encore une fois de stigmatiser les élus, souvent bénévoles, en présumant leur mauvaise gestion, alors même qu’ils tentent d’être des contre-pouvoirs et les « amortisseurs sociaux » de votre politique antisociale et sélective. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Le Gouvernement devrait comprendre – je pense en fait qu’il feint de l’ignorer – que si la situation financière de nos villes est effectivement tendue, c’est à cause non pas d’une gestion irresponsable des élus, mais de sa politique de dotations restrictives, dont le présent projet de loi de finances est l’illustration. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pourrons voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet.
M. Christian Poncelet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des finances des collectivités territoriales et lui demander de bien vouloir indiquer au Sénat dans quelles conditions celles-ci, appelées à participer à l’effort de redressement du solde des finances publiques de notre pays, pourront assumer, l’an prochain, l’intégralité de leurs missions.
M. Jean-Pierre Sueur. Bonne question !
M. Christian Poncelet. Ai-je besoin de rappeler que les collectivités territoriales sont un agent important de notre activité économique ? Elles assurent en effet près de 74 % de l’investissement public en France, et elles ont ainsi largement contribué à sortir notre pays de la récente crise économique.
Nombreuses sont, par exemple, les communes de mon département, les Vosges, qui ont tenu à jouer pleinement leur rôle dans la bataille contre la crise. Comme le conseil général, elles l’ont fait en investissant.
Faut-il également préciser que les collectivités tiennent un rôle majeur dans le domaine de l’action sociale ? Pour s’en convaincre, il n’est que de constater la forte demande sociale procédant de la dégradation du marché du travail, demande qu’elles sont appelées à satisfaire en assurant une grande partie du financement nécessaire.
Comment, en fonction de leurs ressources propres et des moyens qui leur seront consentis dans le cadre du budget pour 2011, pourront-elles accomplir leurs missions au service de la population et conserver leur bénéfique niveau de partenariats ?
Considérons, dans un premier temps, la situation financière de ces collectivités, notamment celle des départements : certains connaissent une situation précaire, voire sont à la veille de la faillite, au point que, lors du récent congrès de l’Assemblée des départements de France, les 102 présidents de conseil général ont, à l’unanimité, appelé le Gouvernement à rechercher des remèdes durables, sans exclure le recours à une procédure d’urgence.