Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Pour ma part, j’attache de l’importance aux propos de M. Denis Kessler, car il est le maître à penser du MEDEF.
Mme Annie David. Et de Laurence Parisot !
M. Guy Fischer. Par ailleurs, il exerce d’autres responsabilités, puisqu’il préside le groupe privé Scor, qui s’occupe de financiarisation.
Dès que M. Kessler s’exprime, je suis particulièrement attentif. C’est un peu comme pour M. Guillaume Sarkozy ! (Sourires.)
Mes chers collègues, voyez comment il traite notre régime de protection sociale :
« Le code de la sécurité sociale est un morceau d’anthologie, comme le code général des impôts ». Si je traduis dans mon langage, cela donne : « Le pacte social de 1945, issu des travaux du Conseil national de la Résistance, est périmé. Il faut le remettre en cause et faire autre chose ». Il l’a d'ailleurs reconnu explicitement.
« Tout le système de protection français semble nappé d’un opaque voile d’ignorance. » Vous entendez, mes chers collègues ? Cela signifie qu’il faut le revoir entièrement.
« Le système est toujours qualifié par ses thuriféraires de “solidaire”, un mot-valise – écoutez ce mépris ! – que l’on évite de définir, mais qui semble déplacé depuis que l’on reporte son coût sur les générations à venir. L’invocation solidaire participe de ce voile d’ignorance qui sert à masquer ces reports de charges […] ».
Mes chers collègues, comme je ne voudrais pas vous ennuyer (Mais non ! et marques d’ironie sur les travées de l’UMP.), je terminerai en vous citant cette charge contre tous les services publics, qui disposent de régimes spéciaux : « Au hasard des débats publics, on déchire ici ou là le voile d’ignorance, toujours très partiellement. On apprend les conditions de départ à la retraite de certaines catégories de salariés du secteur public exorbitantes – j’insiste sur ce terme – du droit commun, on découvre le caractère à proprement parler extraordinaire – j’insiste également – de l’aide médicale d’État ». J’en passe et des meilleures !
M. Kessler affirme que « le débat ne fait que commencer ». Les travailleurs ont intérêt à se méfier de ce maître à penser du MEDEF et de la majorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Bravo !
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 260 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le retire, monsieur le président, car je ne veux pas que l’on m’accuse de vouloir supprimer le financement destiné aux retraites.
M. le président. L'amendement n° 260 est retiré.
M. Guy Fischer. Mais nous sommes quand même contre cet article !
M. le président. Je mets aux voix l'article 48.
(L'article 48 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 48
M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mme Demontès, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Desessard, Mmes Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Le Menn, Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les sommes affectées au fonds sont mises en réserve jusqu'au 1er janvier 2020, date à partir de laquelle elles pourront être progressivement affectées aux régimes obligatoires susmentionnés.
« Avant le 1er juillet 2019, le Comité de pilotage des régimes de retraite mentionné à l'article L. 114-4-2 remet au Gouvernement et au Parlement un rapport sur les conditions d'affectation des réserves constituées par le fonds. »
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Le Fonds de réserve pour les retraites, ou FRR, est une épargne collective constituée avec un objectif précis.
Dans un système par répartition confronté au défi du vieillissement, il est un levier temporaire permettant d’assurer la viabilité du système. Plus précisément, il contribue avec ses réserves à la pérennité du régime de retraite, participe directement à la consolidation financière du système par répartition et renforce la solidarité entre les générations.
C’est dans cet esprit que le gouvernement de Lionel Jospin avait instauré ce fonds. Plus précisément, celui-ci a pour mission de constituer un capital que nous transmettrons à nos enfants pour les aider à faire face au papy-boom des années 2020 et suivantes.
À l’occasion de l’examen du précédent PLFSS, ma collègue Christiane Demontès avait précisé que le Fonds de réserve pour les retraites était un « outil essentiel de notre système de retraite » et que son rôle ser[ait] d’autant plus important à partir de 2020, lorsque la transition démographique entraîner[ait] un doublement du besoin de financement du régime général. »
À ce titre, et parce que je sais la majorité sensible aux comparaisons internationales – c’était le cas du précédent gouvernement, et j’imagine qu’il en est de même du nouveau –, j’observe que de nombreux pays développés vieillissants se sont dotés de fonds identiques. Je pense notamment à la Suède, à la Norvège mais aussi à l’Irlande ou à la Nouvelle-Zélande, sans oublier l’Espagne, le Portugal ou le Japon. Mes chers collègues, nous venons de faire le tour du monde en quinze secondes !
Nous assistons même à la constitution de fonds semblables dans certains pays émergents connaissant une transition démographique rapide, tels que la Corée ou la Chine.
J’observe que ces fonds sont généralement de taille importante, puisque tous représentent entre 5 et 15 points du PIB de leur pays, exception faite de la Norvège, où les réserves correspondent à 80 % du revenu national annuel.
Le FRR apparaît donc comme relativement modeste puisque, avec 31 milliards d’euros d’actifs, il ne représente que 2 points de notre PIB.
À cela, il y a une explication : depuis 2003, la droite, c'est-à-dire votre gouvernement, madame la secrétaire d'État, a cessé de l’approvisionner. En 2020, date des premiers décaissements, nos concitoyens auraient dû pouvoir compter sur 83 milliards d’euros courants, et voir assurés par là même environ 15 % des besoins de financements de leurs retraites, ce qui est loin d’être négligeable.
Au regard de cette transition démographique, nous avons demandé, PLFSS après PLFSS, que, d’une part, le Fonds de réserve pour les retraites soit alimenté et que, d’autre part, ses crédits soient sanctuarisés. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus.
Pis, le précédent gouvernement a fait main basse sur la période 2012-2018, c'est-à-dire sur les 33 milliards d’euros de ce fonds, pour les verser à la CADES, comme Annie Jarraud-Vergnolle l’a souligné tout à l'heure. Par là même, chers collègues de la majorité, vous laissez sans réponse aucune la question du déséquilibre démographique à partir de l’année 2020.
Cette politique, à l’inverse du sens de la responsabilité et de la solidarité auquel l’Élysée et Matignon font sans cesse référence, ne procède certainement pas d’une bonne gouvernance. Elle est à proprement parler irresponsable.
Dans les faits, le Gouvernement a décidé de transformer le FRR en instrument de financement des déficits courants durant la montée en charge de sa réforme. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Respectez votre temps de parole !
M. Ronan Kerdraon. Cette politique ôte au régime par répartition tout amortisseur pour la période à laquelle il aurait été le plus nécessaire.
Au reste, comment ne pas voir dans cette opération un nouveau coup d’accélérateur à la logique de capitalisation que nous avons dénoncée lors du débat sur les retraites ? En effet, ce manque de réserves affectera nécessairement les charges qui pèseront sur les jeunes générations.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il suffisait de dire : « Vive la famille ! »
M. Ronan Kerdraon. Vous le savez, chers collègues de la majorité, nous ne pouvons accepter une pareille politique. Nous considérons que le choc démographique majeur que représente la montée en charge des générations du baby-boom nécessite la constitution de réserves. Ne pas les constituer revient à faire peser sur les générations suivantes un endettement supplémentaire inacceptable.
Si nous suivons votre logique, ces générations seront soumises à une triple peine : cotiser davantage, percevoir des pensions moindres et se passer des sommes qui leur étaient destinées. Le Gouvernement prend aux actifs de demain pour donner aux retraités d’aujourd’hui.
C’est pourquoi nous vous proposons de réinstaurer ce fonds de réserve. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cher collègue Kerdraon, vous le savez, le Gouvernement a fait le choix de mobiliser dès maintenant le FRR.
Vous évoquez d’autres pays qui, eux, font des réserves. C’est vrai, mais ils les constituent avec des excédents budgétaires, alors que nous les formons avec des emprunts, c'est-à-dire avec un surcroît de dette. La différence est tout de même notable.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En complément des propos de M. le rapporteur, je soulignerai que le Fonds de réserve pour les retraites n’est nullement détourné de son objet principal.
M. Guy Fischer. Il est siphonné !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il faut préciser que, les déficits étant en avance de dix ans, il était logique d’anticiper l’utilisation des actifs de ce fonds pour assurer la pérennité du système.
Avec le schéma qui vous a été proposé et duquel vous avez longuement discuté, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en capacité de rembourser cette dette et nous contribuons donc à maintenir cette équité intergénérationnelle qui fait l’essence même de notre système par répartition.
Enfin, je préciserai que les versements du Fonds de réserve pour les retraites à la CADES ne conduisent pas à vider celui-ci de tous ses actifs, car il continuera bien entendu à exister.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Je suivrai bien évidemment l’avis de la commission et du Gouvernement.
Je voudrais simplement féliciter notre collègue Kerdraon pour son brillant plaidoyer en faveur de la capitalisation. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Dériot. Eh oui ! Bravo !
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par Mme Demontès, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Desessard, Mmes Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Le Menn, Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À chaque modification des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles concernant les régimes de retraite, tous les assurés ayant validé au moins une durée d'assurance d'au moins deux trimestres dans un des régimes de retraite légalement obligatoires bénéficient d'une information sur le contenu et les conséquences de ces modifications, notamment sur les conditions dans lesquelles les droits à la retraite sont constitués. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Disposer d’informations fiables en matière de droits à la retraite est essentiel. Pour s’en rendre compte, il suffit de constater que, bien souvent, ce n’est qu’au moment de la liquidation de leurs droits, ou seulement quelques années avant, que les assurés prennent conscience des conséquences du déroulement de leur carrière sur le montant de leur pension.
C’est dans cet esprit que l’article 10 de la loi du 21 août 2003 a instauré le droit à l’information individuelle des assurés sur leur future retraite. Cette disposition a créé un groupement d’intérêt public connu sous le nom de GIP Info Retraite, cher à notre collègue Claude Domeizel. Cette structure a institué un annuaire regroupant tous les assurés sociaux, ainsi qu’un collecteur permettant de recueillir toutes les informations dans l’ensemble des trente-cinq régimes.
Mon collègue Claude Domeizel nous précisait il y a quelques semaines que « dès 2011, toutes les cohortes seront couvertes ». D’ores et déjà, tous les assurés âgés de 35 ans à 45 ans reçoivent un relevé individuel de situation, imprimé, qui porte à leur connaissance leur situation au regard de la retraite.
En outre, à partir de 50 ans, le GIP Info Retraite fournit une estimation individuelle globale, qui permet à chacun de disposer d’une information sur le niveau de sa retraite selon son âge de départ : 60 ans, 61 ans ou 62 ans.
À l’occasion de l’examen du texte portant réforme des retraites, l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, qui prévoyait les modalités de ce droit à information, a été modifié.
Vous le savez, chers collègues de la majorité, le groupe socialiste s’est opposé à cette modification. Outre que celle-ci constituait l’aveu de l’échec de votre réforme, la raison principale de notre refus était la suivante : si l’article 3 du projet de loi portant réforme des retraites comportait quelques améliorations en matière d’information des assurés sur les divers régimes de retraite, il révélait aussi, en creux, les faiblesses de ce texte. Je pense, notamment, à l’information sur les dispositifs permettant d’améliorer le montant futur de la pension de retraite, qui ouvre les portes au prosélytisme en faveur du système par capitalisation.
L’exigence qui a été à la base du dépôt de nos amendements est toujours de mise : informer le plus justement, le plus précisément et de la manière la plus transparente possible l’ensemble des assurés, notamment les plus modestes et les plus fragiles d’entre eux.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises : cette réforme n’est pas financée. La convocation d’un grand rendez-vous en 2013 est, là aussi, un aveu d’échec. Votre réforme appelle donc mécaniquement d’autres évolutions, qu’elles soient de nature réglementaire, législative ou bien conventionnelle.
C’est dans cette perspective que nous considérons indispensable que, à chaque modification des dispositions concernant les régimes de retraite, l’ensemble des assurés soient informés. Il y va du simple respect dû à nos concitoyens, mais aussi d’un souci de transparence, allié à la recherche d’une constante amélioration de notre gouvernance. (M. Jean-Marc Todeschini applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La proposition de notre collègue est bien trop lourde à mettre en œuvre. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Gisèle Printz. Si j’allégeais ma proposition, serait-elle acceptée ? (Sourires.)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Non, cela n’est pas possible !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 155.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Section 3
Dispositions relatives aux dépenses d’accidents de travail et de maladies professionnelles
Articles additionnels avant l'article 49
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny, Le Menn, Desessard, Kerdraon, Jeannerot et Teulade, Mmes Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. S. Larcher, Gillot et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le taux de cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par entreprise.
« Pour établir la valeur du risque qui sert de base de calcul au taux brut, il est retenu une valeur forfaitaire fixée par décret par catégorie d'accident. Pour les accidents avec arrêt, cette valeur forfaitaire est supérieure au montant moyen des prestations et indemnités versées au titre de ces accidents. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La Cour des comptes a montré dans différents rapports que le système de tarification n'incitait pas vraiment à la mise en place dans les entreprises d'une politique de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Le projet de loi relatif aux retraites prévoit la mise en place d'une pénalité applicable aux entreprises qui ne seraient pas couvertes par un accord ou un plan d'action de prévention de la pénibilité. Même si cette sanction n'est au maximum que de 1 % des rémunérations versées par une entreprise de 50 salariés ou plus, cette disposition indique une volonté, certes timide, mais présente, d'inciter les entreprises à réaliser des efforts en ce sens.
Des accords de branche et d'entreprise sont également proposés pour créer des dispositifs d'allégement ou de compensation de la charge de travail pour des salariés occupés à des travaux pénibles, ainsi que la création de fonds dédiés alimentés par les contributions des entreprises non couvertes par des accords de prévention de la pénibilité.
La création d'un fonds de soutien relatif à la pénibilité au sein de la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, est aussi prévue en direction des entreprises couvertes par un accord de branche ou d'entreprise. Ce fonds sera alimenté par l'État et par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale.
L'ordonnancement de ces dispositifs est quelque peu chevauchant, particulièrement si l'on y ajoute les dispositions des articles L. 422-4 et L. 422-5 du code de la sécurité sociale issus de l'article 74 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
L'article L. 422-4 prévoit une nouvelle possibilité d'imposition supplémentaire par la CNAM lorsque des situations particulièrement graves de risque exceptionnel dans un établissement n'ont pas été corrigées malgré une première injonction.
L'article L. 422-5 prévoit en parallèle que la CNAM peut accorder des subventions aux entreprises éligibles à ses propres programmes de prévention des risques professionnels, après avis du CHSCT – comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – ou des délégués du personnel.
Il est regrettable que ces dispositions pertinentes n'aient pas encore reçu un début d’application faute de parution des arrêtés nécessaires. Cette situation pourrait conduire à douter de la force des intentions du Gouvernement.
Malgré cela, il est évident que la tendance législative et réglementaire, sous l'impulsion de la Cour des comptes, de même que la pratique de la CNAM vont dans le sens d’une responsabilisation des employeurs sur la prévention des risques auxquels sont exposés les travailleurs dans l'entreprise.
Il n'en est que plus paradoxal, alors que des dispositions relatives à la pénibilité sont mises en place, de constater que le système de cotisations relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, premier et sans doute plus efficace vecteur en direction des employeurs, n'évolue pas dans la même direction.
Aussi, nous proposons par cet amendement que la détermination du taux de cotisation soit désormais établie par entreprise et non seulement par risque, afin d’inciter à la prévention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles. Cet amendement tend à renforcer le système de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Or, une réforme vient juste d’être votée précisément pour renforcer le caractère incitatif de la tarification. Dans ces conditions, imposer une nouvelle réforme ne me paraît pas tout à fait opportun, mon cher collègue.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny, Le Menn, Desessard, Kerdraon, Jeannerot et Teulade, Mmes Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation intégrale des préjudices causés par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément, des préjudices résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ainsi que de l'ensemble des frais occasionnés à la suite de l'accident ou de la maladie professionnelle, notamment l'aménagement du logement et des moyens de locomotion, des frais médicaux non pris en charge et de l'intervention d'une tierce personne. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail a été l'acte fondateur de la reconnaissance de la spécificité des accidents du travail. Cependant, pour des raisons tenant aux circonstances de l'époque, cette loi est fondée sur un compromis : elle facilite la reconnaissance des accidents du travail, mais ne prévoit en contrepartie qu'une indemnisation partielle des dommages causés au salarié.
Cette disparité a persisté jusqu'à nos jours, alors que, dans le même temps, les régimes de réparation intégrale se généralisaient, qu'il s'agisse d'accidents de la circulation, d'aléas thérapeutiques ou, dans le domaine du travail, de maladies développées en raison d'une exposition à l'amiante.
À ce jour, les victimes d'accidents du travail ne perçoivent encore qu'une indemnisation partielle des dommages subis : 60 % de leur revenu pendant les vingt-huit premiers jours d'arrêt, puis 80 % à partir du vingt-neuvième jour. Cette indemnisation ne couvre pas l'ensemble des dommages, dont les conséquences vont souvent au-delà des atteintes physiques et morales immédiates.
Une réparation améliorée ne peut généralement être obtenue qu'à la suite de plusieurs années de procédure par la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. L'établissement d'un régime légal de réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles permettrait pourtant de limiter le nombre de contentieux visant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur et de rétablir l'égalité entre les victimes d'accidents.
Actuellement, lorsque la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que « la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. »
L'énumération des préjudices pouvant donner lieu à réparation est donc strictement limitée. Il ne s'agit pas d'une véritable réparation intégrale du préjudice, puisque l'ensemble des conséquences du dommage ne sont pas prises en compte.
Cependant, de nombreuses victimes ont besoin, après les soins médicaux immédiats, d'aménagements divers, notamment du logement et des moyens de locomotion, et de l'intervention d'une tierce personne. De plus, la totalité des frais médicaux n'est pas remboursée.
La victime et ses proches se heurtent donc à de nombreuses difficultés pour lesquelles aucune indemnisation n'est prévue, alors même que ces dernières ont leur source dans la survenue de l'accident ou de la maladie professionnelle.
En réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue publique le 18 juin 2010, a indiqué l'interprétation qu'il convient de faire de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Le Conseil constitutionnel considère qu’indépendamment de la majoration de la rente ou du capital allouée en fonction de la réduction de la capacité de la victime, lorsque l’accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de d’employeur, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit « peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l'employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. »
Ce faisant, le Conseil constitutionnel ouvre la voie d'une réparation véritablement intégrale des préjudices subis par les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, même si elle n'est pour l’instant prise en compte que dans le cas de la faute inexcusable.
Il est du devoir du Parlement de prendre acte de cette avancée et d'intégrer clairement dans la loi les dispositions formulées par le Conseil constitutionnel. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet amendement vise à compléter les préjudices indemnisables dans le cas d’une faute inexcusable de l’employeur.
La question est complexe et dépend essentiellement à l’heure actuelle des évolutions de la jurisprudence. Peut-être une initiative du Gouvernement dans ce domaine serait-elle bienvenue, madame la secrétaire d’État ?
À ce stade, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Depuis la loi du 9 avril 1898, les accidents du travail bénéficient d’une présomption d’imputabilité qui garantit aux victimes une réparation automatique mais forfaitaire.
En cas de faute inexcusable, la victime peut être indemnisée plus largement pour ses préjudices extrapatrimoniaux et obtenir ainsi réparation de ses souffrances ou des éventuels préjudices.
Vous l’avez mentionné, le Conseil constitutionnel, dans une décision tout à fait récente qui date du 18 juin 2010, s’est prononcé sur le caractère conforme à la Constitution du régime de réparation forfaitaire de la branche AT-MP et a apporté des précisions sur les règles applicables en cas de faute inexcusable.
Elles permettent désormais aux victimes de demander, dans ce dernier cas, un complément d’indemnisation à l’employeur.
Pour ces raisons, il n’y a pas lieu de revenir sur la loi. Aussi, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.