M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 421 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 1016 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 30
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 421.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement d’appel a été déposé afin d’obtenir de la commission ou du Gouvernement des précisions sur la prise en compte des pathologies spécifiques à certaines branches.
Par exemple, nous savons maintenant que le monde agricole a été durement touché par des séries de décès prématurés dus à l’usage sans masque protecteur de pesticides puissants.
De nombreux agriculteurs salariés agricoles ont vu leur retraite prématurément interrompue par la survenue de tumeurs cancéreuses au cerveau.
Comme dans d’autres milieux de travail, des pathologies spécifiques résultent de la manipulation de produits toxiques, des postures fatigantes, des travaux saisonniers intenses.
Nous souhaitons être éclairés sur le point suivant : si des accords comportent des obligations en matière d’examens médicaux inférieures au droit commun, il faut bien entendu prévoir leur caducité. Toutefois, nous voulons être assurés que cela n’entraînera pas une limitation de la prise en compte des spécificités de ces métiers, qui doivent pleinement bénéficier de la prise de conscience dans ce domaine et du progrès des connaissances techniques et épidémiologiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 1016.
M. Jean-François Voguet. Au lieu de remettre en cause l’indépendance des médecins du travail, le Gouvernement ferait bien de s’attarder sur le devenir des cotisations des entreprises servant théoriquement à financer la médecine du travail.
Cette cotisation obligatoire, qui représente, selon le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise, une manne d’un milliard d’euros, est censée servir à rémunérer les 6 500 médecins du travail qui sont employés dans leur très grande majorité par des associations. Or celles-ci sont toutes contrôlées par des représentants du MEDEF ou de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME.
Si, depuis 2004, la loi impose la parité dans leur conseil d’administration avec deux tiers de patrons et un tiers de salariés, dans les faits, seuls les employeurs ont les moyens de contrôler ces activités... et d’en abuser.
En effet, bien des médecins et des syndicalistes ont pu constater de nombreuses fraudes, sans que les mécanismes de contrôle soient en mesure de les prévenir ou de les empêcher. Le cas le plus classique est le financement en sous-main des biens immobiliers du MEDEF, selon un montage croisé : une société civile immobilière aux mains des entrepreneurs possède le siège du comité local, tandis qu’une société de moyens, abondée par la médecine du travail, finance l’acquisition de l’immeuble ou de l’appartement.
Dans d’autres cas, la médecine du travail permet tout simplement de subvenir aux frais de fonctionnement du MEDEF local. Par exemple, la convention passée à Issy-les-Moulineaux, en 2001, entre le service médical interentreprises de la banlieue Sud-Ouest et le MEDEF Hauts-de-Seine Sud stipule que le service de médecine du travail prendra en charge « à hauteur de 75 % » les frais de secrétariat, ainsi que la moitié du salaire du « secrétaire général » du MEDEF, la moitié des frais « du véhicule de tourisme » du MEDEF, sans oublier les « frais de photocopies, d’affranchissement et de diverses fournitures ».
Les exemples sont encore très nombreux, mais ne suscitent apparemment pas de réaction du ministère de la santé ou du ministère du travail. Au contraire, les médecins du travail, qui dénoncent cette situation de monopole de fait du MEDEF sur une institution censée protéger la santé des salariés et les dérives qui en découlent, sont perçus comme gênants.
Gageons qu’avec cette réforme, le problème sera réglé puisque nous ne les entendrons plus !
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’alinéa 30.
M. le président. L'amendement n° 611 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, M. Lecerf, Mme Hermange et M. Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. - Les signataires d'accords collectifs comportant des obligations en matière d'examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime disposent de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi pour mettre leur texte en conformité avec la réglementation. À défaut, ces accords sont réputés caducs.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
En évitant de déclarer d'emblée caducs des accords déjà négociés, cet amendement vise à manifester le respect du législateur pour les partenaires sociaux en leur accordant un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi pour mettre leur texte en conformité avec la réglementation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable émet sur les amendements identiques nos 421 et 1016, ainsi que sur l’amendement n° 611 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 421 et 1016.
Monsieur Dominati, votre amendement n° 611 rectifié n’est pas tout à fait d’ordre rédactionnel. C’est pourquoi le Gouvernement émet, là encore, un avis défavorable.
Monsieur Godefroy, pour répondre à votre question, sachez que, lorsque les conventions tombent, on en revient au droit commun.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 421 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 421 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1016.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 611 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 611 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'article 25 quater.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de l’article 25 quater est très éclairante et montre combien cet article a un lointain rapport avec le projet de loi.
Depuis des heures, nous parlons de médecine du travail, de travail, et de ce qu’il peut comporter comme facteur d’épanouissement pour l’être humain, mais aussi de ce en quoi il peut devenir facteur de maladie, de malaise, d’accident, de crise, de suicide même, tout cela du précaire, cher à Mme Parisot, jusqu’au cadre.
Le travail est une matière magnifique, mais aussi dangereuse. C’est une source d’affections dont il faut réparer les dérives et les effets. C’est aussi une fonction humaine que le grand patronat financiarisé rend paradoxalement malade. (Mme Fabienne Keller s’exclame.)
La nouvelle donne, c’est la maladie du travail, et les trois récents articles du journal Le Monde sur trois pages montrent à quel point cela est profond et gagne en quantité.
Que doit-on attendre de la médecine du travail ? Qu’elle donne aux employeurs le moyen de justifier, médicalement, la mise au rebut de tel travailleur, au motif qu’il deviendrait trop coûteux ou trop improductif ? Ou qu’elle sache s’ouvrir à ce qui parle au profond des êtres confrontés au travail, qui peut être malade. La maladie du travail est une maladie évolutive.
Ainsi, si certains travaux ne sont plus aussi durs qu’auparavant, d’autres formes d’asservissement apparaissent.
La mission d’information sur le mal-être au travail souligne que les procédures managériales, dans bien des entreprises où l’on ne porte pas de charges lourdes, où l’on ne travaille ni dans le bruit ni avec des matières dangereuses, sont pourtant des facteurs de souffrance.
Quand on se suicide dans le centre de recherches de Renault, à Guyancourt, ce n’est pas parce qu’on est dans un atelier de peinture, mais c’est parce qu’on est soumis à une pression insupportable du point de vue humain !
Quand on impose aux jeunes salariés des centres d’appels de Teleperformance la réalisation dans un temps donné d’un nombre donné d’appels téléphoniques, on développe la culpabilisation de ces salariés !
Quand on demande aux techniciens de France Télécom d’être des bateleurs pour vendre tel type de téléphone portable ou tel contrat d’abonnement, on néglige leurs compétences, on blesse leur identité même !
Ce qu’on attend de la médecine du travail, ce n’est pas d’être l’instrument de la gestion des emplois version patronale, mettant au rebut ceux qui ne « rapportent » plus assez et continuant de justifier l’exploitation de ceux qui peuvent encore « rendre du jus ».
Les travailleurs qui veulent avoir un pouvoir d’agir, mais les médecins du travail aussi, pensent à cela jusqu’à en souffrir. Mais Mme Parisot dit que la liberté de penser s’arrête là où commence le droit au travail. Changeons d’air, dit le MEDEF !
Il faut donc rentrer à l’écurie votre cavalier, il abîme aussi le travail parlementaire. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Il faut élargir la notion de médecine du travail, conforter les droits des salariés et leur en donner de nouveaux. Quand je dis conforter, je pense à l’indépendance de la médecine du travail.
En vérité, votre pratique cavalière vous est dictée par votre politique « Fouquet’s ». La gestion industrielle ou financière des hommes est devenue principe de gouvernement.
Il y avait des manques à corriger, des manques à compléter ; il y avait aussi à conserver un régime de droit avec, en son cœur, la dignité humaine inhérente à tous les membres de la famille humaine.
Aujourd’hui, c’est la restauration de l’ordre spontané du travail, l’obligation à défaire méthodiquement l’héritage social de la Résistance. C’est un grand retournement.
Ces nouveaux fondamentaux ignorent la coopération et promeuvent la confrontation, la République des affaires, la démocratie limitée, qui ne considère les résultats d’un scrutin que s’ils répondent aux vœux des dirigeants qui l’organisent.
On assiste à une privatisation de l’État-providence, à une pulvérisation du droit en droit subjectif. Cette déconstruction fait perdre au droit social sa capacité de rendre les citoyens solidaires.
Les services de responsabilité publique, comme la médecine du travail, sont doublement menacés de désagrégation et de calcification.
Il se crée comme un marché de produits législatifs ouvert aux choix individuels. Il y a course au moins-disant social. Les libertés collectives des salariés sont subordonnées aux libertés économiques des entreprises.
Quand j’étais ministre de la santé, j’ai fait de très nombreuses visites dans les entreprises et j’ai toujours trouvé le patronat gêné, et souvent commandeur de la médecine du travail.
Tout cela explique que je ne peux, personnellement et en qualité d’ancien ministre de la santé, que voter contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Les menaces qui pèsent sur la médecine du travail sont connues. La pénurie se profile à court terme compte tenu du vieillissement des médecins et de leur sous-renouvellement. Plus de la moitié d’entre eux ont plus de 55 ans, très exactement 3 957 praticiens sur 7 204, alors que moins de 80 étudiants en médecine optent chaque année pour la médecine du travail.
Les médecins du travail assurent déjà chacun en moyenne le suivi de 3 000 salariés, voire 3 200 par endroits, et les besoins vont grandissant avec l’augmentation des pathologies liées aux conditions de travail, sans même évoquer la sous-déclaration chronique des accidents du travail et maladies professionnelles.
Les enjeux sont, à la fois, de respect de l’individualité et de la dignité humaine, de santé publique, mais aussi entrepreneuriaux.
Le présent projet de loi, qui porte réforme des retraites, il faut le rappeler, car le débat de ce soir nous en a largement éloignés, comporte justement, après son passage à l’Assemblée nationale, un titre IV nouveau traitant de la médecine du travail.
Monsieur le rapporteur, lettres pour lettres, j’ai reçu, comme tous mes collègues, nombre de courriers de médecins du travail, attachés à l’exercice de leur métier, m’alertant contre ces dispositions. J’ai pris connaissance, comme vous tous ici, de l’avis averti du Conseil national de l’Ordre des médecins, déjà évoqué.
Dès lors, même s’il s’agit à l’évidence d’un cavalier, pourquoi une telle levée de boucliers contre ce titre IV ?
Monsieur le ministre, vous avez vigoureusement contesté le fait que ce projet porte gravement atteinte à l’indépendance de la médecine du travail et vous nous avez mis au défi de désigner une seule disposition de cette nature.
Peut-être, finalement, – je veux bien vous accorder ce bénéfice – n’avez-vous pas conscience d’une manipulation et – j’utiliserai des termes assez forts – d’avoir mis toutes vos compétences au service d’un projet rétrograde, digne de l’époque des maîtres des forges.
La clé de la réponse à votre défi est dans ces quelques lignes : « La réforme de la médecine du travail apparaît comme la résultante d’une série de mesures en apparence disparates mais non dénuées de cohérence. Ces mesures s’agencent comme des morceaux de puzzle pour dessiner un ensemble qui amorce un mouvement significatif de transformation du modèle français de protection de la santé au travail. Une logique d’ensemble apparaît... » Ces quelques lignes sont extraites d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’éducation nationale, l’IGAS-IGEN, d’octobre 2007.
L’analyse, en termes choisis, est parfaitement lucide. Le cadre de la médecine n’est presque pas modifié. Les lignes bougent à peine. Mais tout change, point par point, et il faut un peu de recul pour découvrir la mutation qui s’opère.
Votre défi est donc faussement habile, puisque c’est non pas une seule disposition qui est en cause, mais plusieurs qui le sont ensemble, de l’article 25 quater à l’article 25 duodecies, et au huitième alinéa de l’article 27 ter C.
Le tout premier point de cette métamorphose est la réécriture de l’article L. 4622-2 du code du travail. Cet article dispose actuellement que celui qui assure le service de santé au travail prend le nom de médecin du travail. Désormais, celui qui prend le nom de médecin du travail n’assurera donc plus le service de santé au travail. Peut-on être plus clair ? Bien sûr, vous ne supprimez pas, pas tout à fait, pas encore, la médecine du travail, mais vous l’évidez.
Le procédé de l’évidement relève de la même méthode que celle qui a été récemment appliquée au service public hospitalier avec la loi dite « HPST » et qui le sera bientôt aux départements avec le projet de réforme des collectivités territoriales.
À cette première touche s’ajoutent toutes les autres : la redéfinition des missions des services de santé au travail, les SST, la dilution du médecin du travail au sein d’une équipe pluridisciplinaire, la quantification d’objectifs et de moyens, l’ouverture à la sous-traitance pour certaines catégories professionnelles, le conventionnement sans contrôle avec une entreprise « pour les opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles » et, enfin, la reconnaissance des AT-MP par une nouvelle procédure confiée à une commission pluridisciplinaire. Cela permettra de mettre rapidement un terme à la présomption d’imputabilité à l’employeur.
Au final, le tableau qui se dessine est celui d’un service de santé au travail transformé en service de santé publique au rabais dirigé par les employeurs, et qui a pour but de participer à l’exonération de la responsabilité de ces derniers !
J’ajoute que la manière dont vous introduisez cette réforme de la médecine du travail, en catimini, par voie d’amendement tardif, constitue une véritable provocation. Nul n’ignore que ce projet est mûri de longue date. Le procédé ne fait pas illusion. L’affaire de l’amiante n’a-t-elle pas suffisamment servi de leçon ?
Vous le comprendrez, nous voterons contre l’article 25 quater. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je résumerai brièvement la position de notre groupe sur l’article 25 quater.
La série d’articles qui nous sont soumis portant sur la médecine du travail, dont cet article 25 quater, nous paraît inacceptable tant sur le fond que sur la forme.
Sur la forme d’abord : alors que, depuis trois ans, le sujet d’une réforme des services de la santé au travail est en réflexion, que de nombreux rapports et consultations ont été effectués, ces articles balayent ce travail antérieur.
Ils reviennent en quelques lignes sur tous les principaux fondements de la médecine du travail, à savoir une priorisation des risques professionnels et l’indépendance des médecins du travail, écartant de fait toute discussion d’un projet de loi spécifique sur la médecine du travail que tout le monde attendait.
En débattre aujourd’hui, au sein de la réforme des retraites, révèle clairement la volonté d’amoindrir les missions du service public de santé au travail et d’en réduire l’autonomie.
De nombreux médecins nous ont fait connaître leur incompréhension et leur déception de voir bâcler une réforme qu’ils estiment pourtant nécessaire, et que certains souhaitaient même avec force. Les syndicats, quant à eux, se sentent tout simplement méprisés.
Sur le fond ensuite : prévoir l’intervention de médecins non spécialisés, déconnectés de la connaissance du milieu de travail et des postes de travail, risque de conduire à une perte de qualité, notamment dans les actions préventives, qui exigent une connaissance du terrain professionnel.
Évoquer la prévention collective des risques professionnels en termes uniquement techniques ou de santé publique néglige l’approche des méthodes, des démarches et de l’éthique requises en matière d’action de prévention de ces risques.
Par ailleurs, cet article 25 quater, qui définit les missions des services de santé au travail, risque de porter atteinte aux compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Il ne définit pas assez précisément la notion d’« équipe pluridisciplinaire », laissant dans le flou la question de la prépondérance du médecin, qui a notamment une mission d’animateur, et celle du rôle des autres personnes constituant l’équipe.
Pour finir, il ne définit pas les critères selon lesquels seront désignés des salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention. Il ne précise pas non plus comment cette disposition s’articulera avec les CHSCT.
Par conséquent, regrettant particulièrement que vous ayez émis un avis défavorable sur notre amendement de suppression, nous voterons évidemment contre cet article 25 quater.
Monsieur le président, vous pouvez constater ma bonne volonté. Il me reste deux minutes, mais – ce n’est pas mon habitude – je m’arrête là !
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 quater, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 55 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 25 quinquies
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 25 quinquies (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 25 sexies
La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé :
« 1° De représentants des entreprises adhérentes, issus des organisations professionnelles d’employeurs, représentatives sur le plan national interprofessionnel ou professionnel ;
« 2° De représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« 3° (nouveau) Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l’un parmi les représentants des organisations professionnelles d’employeurs et l’autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l’âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d’une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
« Les modalités d’application de cet article sont déterminées par voie réglementaire. »
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail.
II ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. Le directeur doit se centrer sur un rôle de coordination et d’organisation du travail, indispensable au bon fonctionnement du service, et être le facilitateur des missions que la loi confie aux médecins du travail.
Les objectifs locaux et orientations doivent être mis en cohérence avec des objectifs nationaux. Ils doivent être élaborés et validés en commission médico-technique, CMT, et ne peuvent porter atteinte à l’indépendance médicale.
La pénurie médicale n’affecte pas seulement la médecine du travail. Des solutions innovantes doivent être mises en œuvre sans porter atteinte à la qualité du service que les salariés et les employeurs sont en droit d’attendre.
Il faut offrir des perspectives de carrière à tous les médecins. Cet article prévoit la gestion paritaire des services de santé au travail pour les services interentreprises, en donnant une voix prépondérante au président, qui sera un employeur.
Si, dans les services de santé au travail des grandes entreprises, c’est l’employeur qui désigne les représentants des salariés, en revanche, pour les PME rattachées à un service interentreprises, vous revenez à une gestion paritaire. Le vrai paritarisme aurait été, par exemple, d’instaurer une présidence tournante.
Cela montre votre préoccupation réelle, qui est de satisfaire les grands groupes dans lesquels vous donnez tout le pouvoir médical aux employeurs, alors que, dans les PME, vous respectez le paritarisme.
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 25 sexies prévoit que le service de santé au travail interentreprises sera administré par un conseil composé des représentants des entreprises adhérentes. Le président, élu parmi eux, disposera d’une voix prépondérante.
Pour les professionnels de la santé au travail, le médecin du travail est là pour « dire » la santé au travail et non pour participer aux négociations ou aux compromis.
Cette « voix prépondérante » renforce le pouvoir des entreprises sur les services de santé au travail, et, nous l’avons dit tout à l’heure, menace l’indépendance des médecins du travail.
Comme je l’ai indiqué auparavant, les professionnels de la santé au travail sont inquiets pour leur indépendance, déjà mise à mal ces dernières années.
Bien que vous vous en défendiez, ces articles, portant bel et bien réforme de notre système de santé au travail, s’orientent vers une tendance qui existe depuis plusieurs années : la démédicalisation de la prévention des risques professionnels.
En effet, le patronat demande depuis plusieurs années qu’il y ait moins de médecins, mais plus d’infirmiers et d’ergonomes dans les services de santé au travail. Évidemment, cette préconisation n’est pas innocente, car, lorsqu’il y a moins de médecins, il y a moins de « paperasse embarrassante », comme des déclarations de maladies professionnelles…
Je cherche ici non pas à diaboliser les employeurs – ils se débrouillent très bien tout seuls –, mais à décrire une situation malheureusement bien réelle. La substitution aux médecins du travail de professionnels moins autonomes, sans statut protecteur, favorise la position des employeurs.
Depuis des années, on assiste à la casse d’un service de santé au travail efficace, dont la mission exclusive est « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
La « voix prépondérante » que vous accordez dans l’article 25 sexies renforce cette casse. C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de l’en empêcher.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 395 rectifié, présenté par MM. Gilles et Lardeux, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 8
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré par un conseil composé :
« 1° D'un tiers de représentants des entreprises adhérentes ;
« 2° D'un tiers de représentants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel ;
« 3° D'un tiers de représentants désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le Président du conseil est élu parmi les représentants mentionnés aux 1° et 2°. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 612, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré par un conseil composé :
« 1° d'un tiers de représentants des entreprises adhérentes ;
« 2° d'un tiers de représentants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives sur le plan national interprofessionnel ;
« 3° d'un tiers de représentants désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le Président du conseil est élu parmi les représentants mentionnés au 1° et au 2°. »
La parole est à M. Philippe Dominati.