M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 25 ter
(Non modifié)
L’article L. 4612-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il procède à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article est intéressant parce qu’il valorise le rôle du CHSCT, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lequel fait partie des acteurs de prévention qui, au sein de l’entreprise, contribuent à la protection de la santé physique et mentale des salariés. En cela, cet article rejoint l’une des recommandations de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail que j’ai eu l’honneur de présider et dont le rapporteur était Gérard Dériot. Si vous voulez consulter notre rapport sur ce sujet, je vous renvoie à la recommandation n°10.
Je me réjouis de la valorisation des CHSCT, mais il conviendrait toutefois d’aller plus loin, dans ce texte ou dans un autre.
La première chose serait de veiller à ce que les CHSCT soient bien mis en place partout où la loi en fait aujourd’hui obligation. Je vous rappelle que l’article L. 4111-1 du code du travail dispose que la constitution d’un CHSCT est obligatoire dans les établissements et les entreprises occupant au moins 50 salariés. Or il semble que ce ne soit pas toujours le cas.
Il en est de même dans la fonction publique : l’accord conclu en 2009 sur la santé et la sécurité au travail prévoit d’y généraliser les CHSCT, mais, en 2010, on est encore loin du compte.
Je rappelle aussi que, à cet égard, la loi sur le dialogue social a tourné court en ce qui concerne les très petites entreprises, ce qui est regrettable.
J’espère que l’actuelle prise de conscience concernant les problèmes de santé et de sécurité au travail contribuera à lever certaines réticences et permettra d’accélérer le mouvement.
Parmi les recommandations de la mission, la plus importante, me semble-t-il, concerne l’élection directe des membres des CHSCT. Cette mesure leur donnerait plus de visibilité et accroîtrait leur légitimité. En outre, elle donnerait régulièrement l’occasion aux salariés de s’informer et de débattre, au sein de l’entreprise ou des branches, sur les questions de santé et de sécurité au travail. Nous avons déposé un amendement sur ce sujet. J’espère qu’il sera examiné avec bienveillance.
Une deuxième mesure pourrait consister à renforcer les moyens d’action des CHSCT, par exemple en augmentant les délégations horaires des élus ou en dotant chaque comité d’un budget propre. Cela renvoie encore à la recommandation n°10 de la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail, qui a été votée à l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales.
La troisième serait de mieux former les élus au CHSCT, en particulier sur les nouveaux risques pour la santé psychologique des salariés.
La quatrième vise à la création, dans les grandes entreprises, d’un « comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail » ou d’un « CHSCT de groupe », à l’instar du comité central d’entreprise ou du comité de groupe : cela permettrait d’aborder à un niveau adéquat des problèmes de santé au travail qui ne peuvent être traités complètement à l’échelle d’un établissement.
Bien entendu, je n’oublie pas qu’une négociation est actuellement en cours sur une éventuelle réforme des institutions représentatives du personnel. Nous devrions connaître, dans quelques mois, les propositions des partenaires sociaux sur ce thème – nous en avons déjà une petite idée grâce au rapport du Conseil économique, social et environnemental. Sans préjuger du résultat de cette négociation, j’espère, monsieur le ministre, que vous voudrez bien tenir compte de ces premières propositions d’origine sénatoriale.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l’article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le ministre, mon intervention portera essentiellement sur une question à laquelle j’aimerais que vous me répondiez.
Vous confiez au CHSCT le soin de procéder à l’analyse de l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité. Nous savons que ceux-ci sont multiples et en pleine mutation. Lesquels comptez-vous retenir ?
Je voudrais citer l’exemple d’une entreprise de ma circonscription spécialisée dans la sérigraphie sur matériaux composites. La manipulation de produits dangereux expose les salariés à divers risques ayant des répercussions à plus ou moins long terme sur leur santé. Ainsi, il n’est pas rare que ceux-ci développent des maladies professionnelles telles que des brûlures, des affections articulaires ou des problèmes pulmonaires, tout cela étant amplifié par la pratique d’horaires décalés en 2x8 et en 3x8. Dans cette entreprise, cette situation dure depuis plus de dix ans sans que rien ne soit fait pour y remédier.
Quand bien même l’exposition aux risques serait diagnostiquée et analysée, aucun moyen supplémentaire n’est alloué au CHSCT pour lui permettre de mener à bien cette nouvelle mission. Dans ces conditions, comment pourra-t-il se faire entendre de l’employeur et le contraindre à diminuer les risques sanitaires impliqués par l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l’article.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 25 ter, qui semble purement rédactionnel, porte sur les compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Nous sommes, là encore, en présence d’une disposition dont on peut se demander si elle a tout à fait sa place dans un projet de loi portant réforme des retraites, sauf à considérer que la raison d’être des CHSCT est de favoriser la préparation à la retraite des salariés des entreprises.
Permettez-moi cependant, mes chers collègues, de souligner ceci : le fait d’inscrire l’analyse de la pénibilité dans le champ de compétences des CHSCT est presque tautologique, tout simplement parce que, dans de nombreuses entreprises, cela fait bien longtemps que ces organismes paritaires se préoccupent de la question et qu’ils recommandent, études et rapports à l’appui, de prendre toutes dispositions en ce sens.
Dans le cadre du rapport de la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail, nous avions d’ailleurs fait de cette mesure l’une des préconisations essentielles.
Pour autant, nous pourrions nous féliciter de ce qu’une telle disposition soit inscrite dans le texte, quand bien même ne fait-elle que traduire dans le droit ce qui existait déjà dans la vie de nombre d’entreprises, en tout cas de celles qui sont dotées d’un CHSCT, et c’est sans doute de ce point de vue que le bât blesse.
Il va en effet falloir se pencher sérieusement sur la question des entreprises où il y a carence de CHSCT, et, plus encore, de celles qui ne sont pas tenues d’en posséder un, pour cause d’absence d’obligation légale.
Sans doute n’est-ce pas le sujet pour ce jour, puisque cette question procéderait plus d’une réforme du code du travail visant à renforcer les droits et garanties des salariés.
Nous sommes, hélas ! convaincus qu’il faudra un changement de politique suffisamment profond pour qu’une telle éventualité soit rendue possible. Il nous fallait cependant apporter ces précisions au débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première des inégalités est celle de l’âge de la mort. À ce sujet, Mme Parisot a déjà répondu à sa façon, en soulignant à quel point tout est précaire et qu’on ne pouvait, en somme, que s’y résoudre : « La vie est précaire ; la santé est précaire ; pourquoi le travail ne le serait-il pas ? »
Oui, la vie est précaire ; oui, la santé est précaire. C’est pourquoi notre rôle de législateur est de garantir une fin de vie digne et des retraites qui le soient tout autant. Je dis souvent que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Les retraites aussi !
L’espérance de vie en fonction des professions est une inégalité tangible et quantifiée statistiquement : l’espérance de vie d’un ouvrier est de sept années inférieure à celle d’un cadre.
Or ce projet ne prend aucunement en compte la pénibilité qui est à l’origine de cette inégalité devant la mort. Pis, il fait porter le coût du financement de la réforme sur tous ceux qui ont connu ou connaissent des métiers pénibles. Les ouvriers et les femmes sont ainsi appelés à payer la facture de la crise financière.
Voilà l’injustice. Doit-on s’y résoudre ? Oui, dit le MEDEF ; non, dit la gauche ! Peut-on, doit-on compenser cette inégalité première ? Non, dit ce projet de loi ; oui, dit la gauche !
À votre projet inefficace et cruellement, cyniquement injuste, nous répondons, au parti socialiste, par des propositions ; contrairement à ce que vous dites, nous avons aussi un bilan en la matière.
La loi Fillon sur les retraites de 2003 avait prévu, en son article 12, l’ouverture de négociations sur la pénibilité. Depuis 2005, les partenaires sociaux y travaillent. Une mission d’information parlementaire, confiée à un député de votre majorité, M. Poisson, a notamment examiné cette question.
Toutes ces rencontres, tous ces débats ont abouti à élaborer une définition très précise de la pénibilité intégrant les effets différés : « Il s’agit des expositions qui réduisent l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs. » Il convient de souligner les termes « sans incapacité ». Cette définition avait fait l’objet d’un accord avec les partenaires sociaux.
Si les négociations entre partenaires sociaux n’ont pas abouti, ce n’est pas, contrairement à ce que vous laissez entendre, parce que la pénibilité est difficile à définir. Elles n’ont pas été finalisées tout simplement parce que les partenaires n’étaient pas d’accord sur le financement. Cessez de dire, comme je viens de l’entendre de l’autre côté de l’hémicycle, que c’est compliqué, alors que le texte intègre, dans le volet « prévention », les facteurs de pénibilité identifiés !
Les statistiques sur l’espérance de vie montrent, avec certitude, que le lien entre la pénibilité et l’espérance de vie ne peut être appréhendé en fonction des effets immédiats. En retenant le concept d’incapacité, vous faites fausse route.
Vous affirmez qu’avec les carrières longues vous prenez en charge la question de la pénibilité : cela n’a rien à voir !
Vous dites que la pénibilité, prise en compte de façon collective, se révèle extraordinairement complexe. Oui, nous reconnaissons que c’est un sujet compliqué, mais tous les sujets visant à maintenir le « vivre ensemble », la solidarité, dans un pays de 60 millions d’habitants, sont délicats.
Face à ce projet injuste et inefficace, nous proposons la mise en place d’un système de bonification des annuités en fonction de la durée d’exposition, sous l’égide du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Toute période de travail doit bénéficier, selon des critères précis – travail de nuit, travail posté, port de charges lourdes –, d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite.
C’est une proposition claire qu’il est possible de mettre en œuvre.
Vous vous félicitez d’être les premiers à prendre en compte la pénibilité. C’est doublement faux : d’une part, la pénibilité définie par la droite est assimilée à de l’invalidité ; d’autre part, elle se pose aujourd’hui en des termes différents qu’en 2002, avant la loi Fillon de 2003. En augmentant la durée des annuités, le problème est d’une tout autre acuité. Il s’aggrave encore avec un départ à la retraite repoussé de 60 à 62 ans.
Les réponses que vous apportez au problème sont inappropriées.
Vous dites que la gauche n’a rien fait : en 2000, le gouvernement Jospin avait mis en place un dispositif de cessation d’activité de certains travailleurs exerçant des métiers pénibles.
Dois-je aussi rappeler que la fonction publique prend en depuis longtemps compte la pénibilité, avec la mise en place du service actif ? C’est également la pénibilité qui est à l’origine des régimes spéciaux.
Monsieur le ministre, l’intégration d’un chapitre par le biais de l’article 25 quater sur la réforme de la médecine du travail ne vise qu’à masquer l’absence de prise en compte de la pénibilité dans votre projet ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 25 ter.
(L’article 25 ter est adopté.)
Article 25 quater
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Les articles L. 4622-2 et L. 4622-4 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-2. – Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
« Art. L. 4622-4. – Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail. Ils agissent en coordination avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels. » ;
2° (Supprimé)
3° La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie est complétée par deux articles L. 4622-9 et L. 4622-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-9. – Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées d’assistants des services de santé au travail et de professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent l’équipe pluridisciplinaire.
« Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes.
« Art. L. 4622-10. – Les missions des services de santé au travail sont précisées, sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
« Ce contrat fixe également les modalités des actions conjointes ou complémentaires conduites par les services de santé au travail et les services de prévention des risques professionnels des caisses de sécurité sociale dans le respect de leurs missions respectives. À cet effet, ces services échangent toutes informations utiles au succès de ces actions de prévention à l’exclusion des informations personnelles relatives aux salariés, venues à la connaissance des médecins du travail. » ;
4° L’intitulé du chapitre IV du même titre II est ainsi rédigé : « Actions et moyens des membres des équipes de santé au travail » ;
5° Le même chapitre IV est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-3. – Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4624-1. » ;
6° Le titre IV du livre VI de la quatrième partie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail
« Art. L. 4644-1. – I. – L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
« À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative.
« 1° (Supprimé)
« 2° (Supprimé)
« 3° (Supprimé)
« Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés aux 1°, 2° et 3°. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.
« III. – Le présent article entre en vigueur à la date de publication des décrets prévus au II. »
II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi.
III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l’article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. En 2008, votre volonté de satisfaire le MEDEF en mettant les services de santé au travail sous la coupe des employeurs s’est heurtée au refus de tous les syndicats de salariés, et les négociations n’ont pu aboutir.
Aujourd’hui, vous essayez, par cet article, de passer en force. Vous y précisez la composition des services de santé au travail, les SST, à savoir au moins un médecin du travail, des intervenants en prévention, des infirmiers et des assistants. Si la pluridisciplinarité est un avantage, il est nécessaire de l’organiser. Qu’est devenue la prépondérance du médecin du travail ? Elle a disparu !
Vous ajoutez des assistants, ce qui est une façon d’entériner la pénurie de médecins du travail en les remplaçant par des personnels qui n’ont ni les mêmes compétences médicales ni les mêmes compétences réglementaires en termes d’interpellation des employeurs.
Dans cet article, l’employeur désignera les représentants des salariés au SST. Dans quel système sommes-nous ? Où est la démocratie sociale si c’est désormais l’employeur qui désigne les représentants des salariés ?
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Si vous aviez voulu le renforcement de la démocratie sociale, vous auriez proposé, par exemple, l’élection des représentants au CHSCT par les salariés et l’extension des missions avec les compétences et les moyens afférents.
Comme d’habitude, vous privilégiez la loi du plus fort. Pour vous, la loi n’est pas une protection du faible contre le fort ; elle est un moyen de museler encore un peu plus le faible !
Les missions des services de santé au travail ne pouvant pas, dans de nombreuses entreprises, être assurées en interne par l’entreprise, vous proposez de faire appel à des intervenants extérieurs payants, donc payés par l’employeur, donc, là encore, placés sous son autorité. Où est l’indépendance du diagnostic et des solutions proposées ? Vous avez décidément une vision à sens unique de la démocratie sociale !
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.
M. Jacky Le Menn. Je serai bref, car j’ai déjà évoqué ce qu’il convient de souligner à cet article 25 quater lors de mon intervention sur l’article 25. Il va de soi que les deux articles se recoupent.
Le présent article, dont l’objet est de préciser les missions des services de santé au travail, soulève plusieurs problèmes.
D’abord, l’équipe pluridisciplinaire est définie de manière trop floue – c’est un euphémisme ! –, ce qui contribue à alimenter les craintes des personnes directement concernées, qu’il s’agisse des représentants du monde du travail ou des salariés eux-mêmes.
Cette équipe comprendra au moins des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels, des infirmiers, et, le cas échéant, des assistants de services de santé au travail.
Des questions s’imposent immédiatement.
Quels seront les rôles respectifs des uns et des autres ? Qui déterminera ces rôles ? Que devient la prépondérance du médecin du travail dans cet ensemble pluridisciplinaire ? Que feront exactement les assistants dont on nous parle ? Quel sera le positionnement hiérarchique du médecin du travail par rapport au directeur des services de santé au travail ?
En outre, l’employeur désignera des salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention. Vaste problème !
Sur quels critères s’effectuera une telle désignation ? Comment le dispositif s’articulera-t-il avec les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ? Pourquoi les intervenants des services de santé au travail n’interviendront-ils qu’à défaut de la désignation des salariés de l’entreprise ? La pluridisciplinarité avec des spécialistes se fait-elle à défaut d’une organisation mise en place par l’employeur ? Ne faudrait-il pas plutôt, monsieur le ministre, renforcer et étendre les CHSCT, et, au besoin, comme vient de le rappeler Mme Jarraud-Vergnolle, prévoir leur élection directement par l’ensemble du personnel ?
Il convient de dissiper un tel halo d’incertitudes, tant pour rassurer les futurs usagers sur l’efficacité de cette structure que pour donner l’assurance aux professionnels qui l’animeront de pouvoir travailler en bonne complémentarité. C’est, en effet, le moins que l’on puisse attendre d’une équipe pluridisciplinaire !
Ce sont autant de questions sur lesquelles nous attendons des réponses claires et précises, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Article 25 quater, ou comment troquer une réforme de fond, attendue et nécessaire, celle de la médecine du travail, contre un amendement gouvernemental mal ficelé, inséré au milieu d’un projet de loi polémique… Je veux parler naturellement de l’amendement n° 730 rectifié, présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, et qui, après son adoption, est devenu l’article 25 quater.
Votre redéfinition des missions des services de santé au travail, sous couvert de modernisation et d’avènement de la pluridisciplinarité, signe la fin de la médecine du travail protectrice, pour mieux laisser la place à la médecine des patrons.
Entrons dans le détail : au lieu et place d’une médecine du travail dont l’objectif premier était « d’éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail », vous proposez que cette médecine ne fasse plus que « préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel », selon les termes de l’article 25 quater. Qu’est-ce qui a changé ? La référence au lien causal entre travail et santé est tout simplement supprimée !
Pourtant, la mention « éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail » avait été votée à la Libération, à l’unanimité des députés. Elle entendait mettre un terme à la médecine d’usine, c’est-à-dire à la médecine sous l’autorité de l’employeur.
C’était un progrès social essentiel, un de plus que vous sabrez aujourd’hui. Dès lors, comment ne pas croire que votre dispositif a, une fois encore, été écrit sur le bureau de Mme Parisot ? (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. C’est évident ! C’est d’ailleurs pour cela qu’elle se tait aujourd’hui !
M. Thierry Repentin. C’est une donatrice du premier cercle !
Mme Raymonde Le Texier. Pour ce faire, que proposez-vous ? De remplacer les médecins du travail par une équipe pluridisciplinaire !
Pourquoi pas ? L’apport de spécialités et de compétences complémentaires peut être une bonne chose, à condition que cela ne soit pas organisé n’importe comment et qu’il y ait une véritable garantie d’indépendance. Or, là où les médecins du travail avaient une indépendance garantie par la loi et étaient protégés du licenciement par l’inspecteur du travail, tout en étant contrôlés tous les cinq ans par les services du ministère, votre équipe pluridisciplinaire sera placée sous l’autorité… de l’employeur ! Pour l’indépendance, on repassera !
À croire que personne, dans ce gouvernement, n’est capable de reconnaître un conflit d’intérêts !
Votre projet pour la médecine du travail est tel que l’Ordre des médecins le condamne sans ambigüité, dans ces termes : « Le texte ne répond pas aux attentes des salariés, qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé, ni aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance. » On ne saurait être plus clair.
Ce que je ne comprends pas, monsieur le ministre, c’est votre précipitation. La profession de médecin du travail se meurt faute d’un renouvellement suffisant, celui-ci étant sciemment bloqué par un numerus clausus bien trop faible. Aujourd’hui, 75 % des médecins du travail ont plus de 50 ans. Ces spécialistes vont disparaître et, avec eux, avec leurs expertises, les maladies professionnelles également. Sans médecins du travail pour les qualifier, plus de maladies du travail ! Alors, monsieur le ministre, pourquoi avoir pris les devants, puisqu’il suffisait tout simplement d’attendre ?
En réalité, vous n’aviez pas le choix, car l’objet de votre texte n’était pas la disparition de la médecine du travail, seulement sa mise au pas. Le sociologue Pascal Marichalar, enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales, l’EHESS, a un avis éclairant sur la question.