M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 141 est tout à fait judicieux. Il vise à prévoir une information des assurés concernés quant à la possibilité du remboursement des trimestres de cotisation, dont le rachat deviendra inutile du fait de la réforme. Dans la mesure où ces assurés ne sont pas très nombreux, l’information pourra être délivrée assez facilement.
La commission a donc émis un avis favorable.
L’amendement n° 302 me semble satisfait par l’amendement n° 141.
Mme Christiane Demontès. Pourtant, la précision qu’il apporte n’est pas superflue : ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !
Mme Annie David. Et un amendement similaire a déjà été adopté !
Mme Christiane Demontès. Eh oui ! Allez, monsieur le rapporteur, un bon geste ! (Sourires.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Eh bien soit ! La commission émet un avis favorable sur les deux amendements. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christiane Demontès. Merci, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. L’amendement n° 141 ne pose pas de problème. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Concernant l’amendement n° 302, qui vise à étendre le dispositif aux Français établis hors de France, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Bien entendu, nous voterons ces deux amendements, qui tendent à préciser fort opportunément que les salariés qui ont procédé au rachat d’une partie de leurs années d’études seront informés de la possibilité offerte par cet article de bénéficier d’un remboursement, de même que l’article 3 prévoit expressément que les assurés sont tenus informés de leur situation quant à leurs droits en matière de retraite.
Beaucoup d’entre vous ont, en séance publique comme en commission des affaires sociales, salué l’avancée que constitue cet article 9 bis. Pour notre part, nous ne pouvons nous empêcher d’y voir aussi une arrière-pensée de la majorité, qui souhaite inciter les travailleurs à accroître la part de capitalisation dans leurs retraites.
Quoi qu'il en soit, sans publicité en direction des personnes directement concernées, il y aurait fort à craindre que ce dispositif ne soit que partiellement utilisé, et j’ose espérer que telle n’est pas la volonté du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, les dispositions de l’amendement n° 302 intégrant celles de l’amendement n° 141, nous retirons ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 302.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article9 bis (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Chapitre II
Limite d’âge et mise à la retraite d’office
Article 10
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 1237-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« La même procédure est applicable chaque année jusqu’au soixante-neuvième anniversaire du salarié. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d'État, reculer de deux ans et l’âge légal de départ à la retraite et celui auquel les salariés pourraient bénéficier d’une retraite sans décote, en les portant respectivement à 62 ans et 67 ans, ne vous suffit apparemment pas puisque vous réaffirmez votre volonté de voir certains fonctionnaires travailler le plus longtemps possible. En effet, depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, vous avez modifié les règles en matière de mise à la retraite d’office.
Ainsi, un fonctionnaire pourrait décider, s’il le souhaite, de travailler jusqu’à l’année de ses 70 ans. En ce sens, l’article 10 n’est pas une innovation : il est dans la continuité de votre politique.
D’ailleurs, selon votre majorité, il n’y aurait rien de scandaleux à ce que des salariés puissent travailler jusqu’à 70 ans s’ils le souhaitent. Mais la liberté des salariés est contrebalancée par les réalités que vivent nos concitoyens. Prévoir une telle mesure, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé, ne suffit pas : il faut déjà s’assurer, d’une part, que le niveau des pensions est assez élevé pour permettre aux travailleurs de liquider leur retraite plus tôt s’ils le souhaitent et, d’autre part, que les travailleurs qui ont subi des conditions de travail particulièrement difficiles ou qui ont commencé à travailler très jeunes puissent bénéficier d’une retraite anticipée.
Cela étant, eu égard à l’attachement de nos concitoyennes et concitoyens à la retraite à 60 ans – ils ne cessent de nous le montrer, manifestation après manifestation, la prochaine étant demain et la suivante, mardi –, cet article a une portée bien plus symbolique qu’effective.
Il s’agit pour vous, l’air de rien, d’inscrire dans la loi, et surtout dans les têtes, l’idée selon laquelle il serait possible, pour qui le voudrait, de travailler jusqu’à 70 ans. Il ne vous suffira plus, alors, qu’à opérer un léger basculement pour rendre progressivement obligatoire ce qui est aujourd’hui facultatif…
Cet article constitue un coup de canif supplémentaire dans notre pacte social, lequel est déjà bien entaillé depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République !
Au-delà, la question que soulève cet article, c’est celle de la société qu’on est en train de construire. Force est de constater que l’idée que nous nous faisons d’une société de progrès et de solidarité est à l’opposé, chers collègues, de celle que vous appelez de vos vœux !
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous souhaitons affirmer notre opposition à cet article qui recule de deux années l’âge auquel les salariés peuvent être mis à la retraite d’office.
Avec cet article, la « limite d’âge » passerait à 69 ans révolus. On pourrait ainsi travailler jusqu’à l’année de ses 70 ans. Il s’agit donc du franchissement d’un seuil : la mise au travail du quatrième âge, c'est-à-dire une grave régression sociale.
Nous contestons la nécessité de recourir à un recul de l’âge de départ à la retraite sous couvert d’une prétendue urgence démographique, assis sur des projections hasardeuses, pour financer notre système de retraite par répartition. Cette position est d’ailleurs confortée par le fait que le présent projet de loi n’assure en aucun cas un financement équilibré à l’horizon 2018.
Or un financement pérenne sans mettre en difficulté l’économie de notre pays est tout à fait envisageable, comme le démontre notre proposition de loi relative au financement du droit à la retraite à 60 ans. Celle-ci montre que d’autres solutions sont possibles.
Avec votre réforme, il s’agit, comme le disait le numéro 2 du MEDEF, de supprimer tous les acquis de la Libération en démantelant progressivement le programme du Conseil national de la Résistance, fondé sur la solidarité nationale et intergénérationnelle.
Pour notre part, nous pensons que ce programme est toujours d’actualité et que la retraite par répartition reste une idée d’avenir, une idée moderne ! Pour cette raison et parce que nous considérons que les salariés ont le droit de profiter d’une retraite méritée après une vie de labeur, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable car, en maintenant la rédaction actuelle du code du travail, le salarié pourrait, de droit, rester à son poste jusqu’à son 72e anniversaire. Or, si j’ai bien écouté vos propos, monsieur Vera, ce n’est pas ce que vous voulez !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il serait assez paradoxal de supprimer cet article, car l’âge auquel un employeur pourrait mettre à la retraite d’office un salarié serait repoussé à 72 ans. Je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitez ! Or ce serait bien la conséquence de votre amendement. Pour notre part, nous voulons abaisser cet âge à 70 ans.
Si le salarié veut continuer à travailler, et c’est sa liberté, l’employeur ne peut pas le mettre à la retraite d’office.
Dans le même temps, cette mesure est cohérente avec la politique que nous menons, et je comprends bien que vous y êtes opposés : nous souhaitons permettre le cumul emploi-retraite et donner à ceux qui le désirent la possibilité de continuer à travailler.
Voilà pourquoi je suis opposé à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 911, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 90 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 est abrogé.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, relatif à la mise en retraite d’office après 65 ans, illustre la situation qui voit, d’un côté, des jeunes ne pas trouver d’emploi et, de l’autre, des seniors êtres contraints de travailler plus longtemps, à condition, bien sûr, qu’ils aient conservé un emploi ou qu’ils puissent en obtenir un, ce qui est loin d’être toujours le cas ! Les entreprises préfèrent souvent, en effet, se séparer de leurs salariés de plus de 50 ans ou refuser d’embaucher des seniors. On constate d’ailleurs que le taux d’emploi baisse fortement et régulièrement à partir de 55 ans.
Travailler après 65 ans, ce n’est pas, sauf rares exceptions, un « choix de vie », comme on a pu l’entendre dire. Au contraire, la plupart du temps, les personnes ne souhaitent continuer à travailler que parce qu’elles ont la perspective d’une retraite trop maigre. Il y a aussi, c’est vrai, des cadres supérieurs ou de direction qui souhaitent prolonger leur activité, mais ce sont des cas tout à fait marginaux, qui concernent des catégories privilégiées.
Pour la majorité d’entre eux, les salariés préféreraient s’arrêter et, s’ils sont contraints de continuer, c’est à leur corps défendant : en vérité, la solidarité nationale a failli puisqu’elle ne leur permet pas de faire face aux dépenses de la vie courante ou de soins. On s’aperçoit qu’il y a de plus en plus de personnes qui prolongent ainsi leur vie de travail.
Autrement dit, s’agissant du financement des retraites, la clef, ce n’est pas la durée du travail, mais bien l’insuffisance des cotisations entrant dans les caisses de sécurité sociale du fait des politiques d’exonération.
La garantie de l’avenir des retraites passe nécessairement par une remise en cause de ces exonérations et exemptions de cotisations patronales dont bénéficient la quasi-totalité des entreprises dont les dirigeants sont membres du MEDEF.
Elle passe également par un accès de tous à un emploi et par un partage plus équitable de la valeur ajoutée puisque la part revenant aux actionnaires, les chiffres l’attestent, est de plus en plus importante.
À travers cet amendement, nous réaffirmons que le travail doit être structurellement bien rémunéré.
M. le président. L'amendement n° 980, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement sur la population qui a travaillé jusqu'à la limité d'âge. Cette étude détaillée détermine précisément les proportions de femmes et d'hommes ainsi que leur classe socioprofessionnelle, qui ont travaillé au-delà de l'acquisition d'une retraite sans décote.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, je sais que ni vous ni M. le rapporteur n’aimez les rapports, mais au vu de ce que vous nous proposez avec cet article, il nous semble important que le Gouvernement remette au Parlement un rapport précisant le nombre de personnes qui, parmi ces salariés souhaitant travailler jusqu’à l’année de leurs 70 ans, sont véritablement volontaires et le nombre de celles qui se trouvent en fait dans l’obligation de travailler.
Cela permettrait de savoir si, parmi ces salariés, il n’y a pas surtout, comme le disait à l’instant mon collègue Guy Fischer, des personnes ayant des pensions de retraite si modestes qu’elles sont incitées à travailler plus longtemps. Il serait, selon nous, inacceptable que, dans de tels cas, l’activité puisse être prolongée jusqu’à 70 ans.
Les salariés qui travailleront volontairement jusqu’à 70 ans auront certainement des tâches ou des métiers intéressants, valorisants, épanouissants. Cela n’est pas fait non plus pour nous satisfaire, car on peut considérer que ces personnes en empêcheront ainsi d’autres, plus jeunes – c'est-à-dire, éventuellement, en milieu, voire en fin de carrière –, de pouvoir accéder aux postes en question : il y aurait là une véritable injustice !
Nous souhaiterions également que, dans ce rapport, figure la répartition entre les hommes et les femmes. En effet, nous craignons que, arrivées à l’âge du départ à la retraite, trop de femmes ne soient obligées, faute d’une pension suffisante, de continuer de travailler jusqu’à l’année de leur soixante-dixième anniversaire, ce qui serait totalement inadmissible.
À nos yeux, le report de l’âge légal du départ en retraite à taux plein à 67 ans est déjà indéfendable. Si, de surcroît, vous ouvrez la possibilité d’aller jusqu’à 70 ans, la coupe sera vraiment pleine !
Bien sûr, il s’agit d’« un rapport de plus », et je sais que la commission et le Gouvernement n’en sont guère friands, mais l’importance du sujet me paraît mériter qu’ils fassent, un instant, taire leurs réticences à cet égard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 911 vise à abroger les dispositions relatives au relèvement de l’âge de mise à la retraite d’office qui figurent dans la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009. Vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 980 tend effectivement, madame David, à la remise d’un rapport supplémentaire, dont l’objet est d’ailleurs formulé en termes assez vagues. Au demeurant, les différentes données visées par cet amendement peuvent déjà être recueillies auprès des différents régimes. Par conséquent, l’avis de la commission est, là aussi, défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d’âge était de soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi et nés à compter du 1er janvier 1956, la limite d’âge est fixée à soixante-sept ans.
II. – Pour ceux de ces fonctionnaires qui sont nés antérieurement au 1er janvier 1956, cette limite d’âge est fixée par décret, de manière croissante par génération et dans la limite de l’âge fixé au I.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. En réalité, l’article 11 est le « frère jumeau » de l’article 6 puisqu’il concerne, pour les fonctionnaires, l’âge légal du départ en retraite à taux plein, qui serait porté de 65 ans à 67 ans.
Soit dit par parenthèse, comme il est prévu que le report s’effectue en cinq ans, nous passons d’un calcul fondé sur des trimestres à un calcul fondé sur des « quadrimestres ». Je vous laisse imaginer les difficultés que cette évolution occasionnera pour les gestionnaires des systèmes informatiques...
Quoi qu’il en soit, ce dispositif ne concernera que 17 % des assurés. En effet, les autres seront déjà partis en retraite, à 60 ans ou à 62 ans, selon la période, en raison de leur fatigue. Actuellement, seuls 17 % des assurés attendent l’âge de 65 ans pour prendre leur retraite. Et il s’agit avant tout de femmes !
En effet, du fait d’une carrière en pointillé, 22 % d’entre elles sont obligées d’attendre cet âge pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Elles seront donc les plus pénalisées par une telle mesure. Nous l’avons déjà souligné, et je le répète même si cela vous ennuie ! (Mme la présidente de la commission des affaires sociales s’exclame.) Auparavant, elles pouvaient prétendre à une retraite à taux plein à 65 ans ; désormais, elles devront atteindre l’âge de 67 ans.
Par ailleurs, comme cette séance fait un peu figure de « session de rattrapage » et nous donne l’occasion d’évoquer des amendements aspirés par l’article 40 de la Constitution vers la porte de sortie, je souhaite attirer l’attention de la commission et du Gouvernement sur l’une de nos propositions. Là encore, je ne prendrais pas ombrage à ce que, soit vous, monsieur le rapporteur, soit vous, monsieur le secrétaire d'État, vous le repreniez…
Un dispositif appelé « congé spécial » existe dans les fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière. Comme il est d’une durée de cinq années, les agents qui demandent à en bénéficier le font à l’âge de 60 ans. Désormais, le couperet tombera au bout des cinq ans et les personnes concernées ne pourront plus partir en retraite puisqu’elles n’auront pas atteint l’âge de 67 ans. Les nouvelles mesures introduisent par conséquent une pénalisation qui est gênante.
J’avais donc proposé un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 9, afin de remédier à ce problème et de prolonger la durée du congé spécial jusqu’à l’âge légal de départ en retraite à taux plein. Hélas ! la commission des finances est passée par là et a estimé que cela grèverait grandement les finances publiques...
En réalité, comme une poignée de personnes seulement serait concernée, je pense que nous pourrions faire un effort à leur égard. À défaut, elles se retrouveront dans l’impossibilité de prendre leur retraite et ne percevront ni salaire ni pension ! Dans ce cas, elles se tourneront sans doute vers vous pour régler la question. (M. François Autain applaudit.)
Mme Christiane Demontès. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Depuis toujours, le financement des retraites repose quasi exclusivement sur la masse salariale, exception faite de la CSG.
Un tel dispositif avait toute sa cohérence au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais, en un demi-siècle, la donne a radicalement changé sur le plan macroéconomique, et ce à deux niveaux.
Premièrement, et personne ne peut le contester, il y a eu une hausse historique de la productivité, qui est liée non seulement aux nouvelles organisations du travail, mais également aux progrès fantastiques des technologies mises en œuvre.
Deuxièmement, les revenus du capital, qui constituaient seulement une fraction minime du PIB à la fin des Trente Glorieuses, ont explosé ! La conversion au néolibéralisme des élites dirigeantes dans les années quatre-vingt a induit un développement sans précédent des marchés financiers, de cette « économie casino » qui plombe l’activité économique par des prélèvements de plus en plus importants sur la valeur ajoutée, freinant ainsi l’investissement, l’activité économique et l’emploi. Ce développement inédit exige la réversion des dividendes exorbitants aux ménages, essentiellement les plus riches.
Oui, nos sociétés ont évolué en profondeur, et pas seulement sur le plan démographique, avec le déséquilibre croissant entre actifs et inactifs. L’évolution s’est aussi effectuée sur le plan macroéconomique.
Ignorer ces éléments et se cantonner à une approche exclusivement démographique pour tenter de rééquilibrer le système de retraite en s’appuyant sur la masse salariale n’est pas seulement profondément injuste pour les salariés, notamment les plus modestes, les plus fragiles, ceux qui sont exposés aux travaux les plus durs et les femmes. Une telle posture relève, au choix, de l’aveuglement, du conservatisme, d’une certaine mauvaise foi ou de ce que je serais tenté d’appeler une « alliance de classe », car il s’agit bien de cela !
La crispation sur un financement reposant exclusivement sur la masse salariale prend évidemment un relief particulier dans la fonction publique puisque le Gouvernement se prépare à liquider 34 000 postes de fonctionnaires en 2011. Cherchez l’erreur ! (Mme Annie David acquiesce.)
Le dogme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui résulte de la tristement célèbre RGPP, la révision générale des politiques publiques, permettra certes à l’État d’économiser 400 millions d’euros, mais il se traduira également par la baisse correspondante de la masse salariale, donc des bases de cotisation. Monsieur le secrétaire d'État, vous accentuez ainsi le déficit des régimes de retraite correspondants !
Et la réponse que vous apportez est rigoureusement inacceptable ! Vous proposez de travailler plus longtemps et d’augmenter les cotisations en période de gel structurel des salaires nominaux dans la fonction publique, c’est-à-dire d’accentuer la baisse du pouvoir d’achat…
Pour terminer, je souhaite revenir sur les effets de cette détestable RGPP, qu’il faut enfin appeler par son nom : la « réduction généralisée des personnels publics ».
Monsieur le secrétaire d'État, sortez de votre tour d’ivoire ! Allez sur le terrain, acceptez enfin de dialoguer : avec les infirmières et autres personnels de santé qui n’en peuvent plus, car ils sont incapables de répondre à des besoins croissants, alors que les effectifs sont toujours plus réduits ; avec les enseignants et l’ensemble de la communauté éducative, confrontés à des problèmes sociétaux croissants, alors que les moyens sont en diminution ; avec les travailleurs sociaux, qui doivent faire face, crise oblige, à la multiplication des situations dramatiques, mais sans être soutenus ; avec les gardiens de prison, chargés de gérer, politique répressive oblige, des détenus toujours plus nombreux alors que, là encore, les effectifs vont décroissant, ce qui finit par poser des problèmes de sécurité, notamment dans les prisons centrales ; avec les policiers, chargés du maintien de l’ordre dans une société qui se délite ; avec l’ensemble des acteurs du service public, dont, complexification de nos procédures oblige, la charge de travail administratif explose !
Tous, je dis bien tous, sans exception, sont atterrés par ce qui est en train de se passer : la destruction méthodique d’un pilier de notre pacte républicain, nos services publics, qui ont été construits progressivement depuis la Seconde Guerre mondiale et qui sont le marqueur d’une société développée !
Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de douter de l’attachement au service public que vous vous efforcez d’afficher.
Honnêtement, on ne pouvait pas faire pis que le tandem « réforme des retraites-RGPP » ! C’est pourquoi les Verts voteront en faveur de la suppression de l’article 11.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. L’article 11 prévoit le relèvement progressif de deux années de la limite d’âge dans la fonction publique ; en fait, c’est la voiture-balai pour n’oublier aucun fonctionnaire.
Vous avez fait passer l’âge légal de la retraite de 60 ans à 62 ans, à l’article 5, et l’âge de départ en retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans, à l’article 6.
Le relèvement de la limite d’âge visé par l’article 11 est la conséquence du recul de l’âge de départ à la retraite, qui sera, quoi que vous puissiez en dire, brutal. Nos concitoyens l’ont bien compris, qui manifestent avec force leur opposition à cette réforme et à votre méthode !
Cela a d’abord concerné le régime général. Maintenant, avec le présent article, on s’attaque aux fonctionnaires des catégories sédentaires. Tout cela est cohérent avec votre idéologie. Je prends donc la parole non pas pour dénoncer le seul article 11, mais pour refuser l’ensemble des modifications que vous voulez faire avaliser.
Cet article met en évidence votre volonté de mettre également au pas les fonctionnaires. Ma défense sera, dès lors, celle de tous les travailleurs, et non d’une catégorie particulière. Le découpage du texte facilite le brouillage des questions, alors que le recul est global, général et, de ce fait, condamnable.
Mais je rappellerai également que la fonction publique, cela a été souligné par mes collègues, ne se compose pas seulement d’agents de catégorie A ! Il y a tous ceux des autres catégories, qui perçoivent souvent de modestes traitements et occupent des postes à forte pénibilité. Cela, vous ne pouvez l’ignorer, monsieur le secrétaire d'État.
Pour soutenir ce double recul de deux ans, vous arguez sans cesse de la situation démographique. Les chiffres sont connus ; je n’y reviens pas.
Il reste que je suis très étonnée, car la réforme de 2003, que l’on nous présentait alors comme la panacée, la « grande réforme », censée résoudre l’ensemble des problèmes de manière durable, s’est visiblement révélée insuffisante. Elle n’a rien réglé.
Pourtant, les données démographiques étaient les mêmes à l’époque. L’ennuyeux, avec la démographie, c’est qu’elle est une science s’intéressant au long terme et, de surcroît, une science plutôt exacte : il est donc difficile de la faire mentir. Ce qui prévalait en 2003 est toujours valable aujourd'hui. Finalement, rien n’a changé sur le fond.
En vérité, c’est votre politique qui cause cette détérioration des comptes et qui alourdit les déficits ! Le problème démographique que vous pointez si souvent n’est qu’un alibi, un paravent, pour masquer votre véritable échec.
La politique économique que vous menez ne donne aucun résultat, si ce n’est qu’elle creuse les déficits et qu’elle contribue à maintenir dans un état déplorable la santé économique de notre pays.
Parler des retraites, c’est aussi parler des emplois, notamment des emplois publics. C’est également parler de la RGPP qui casse les services publics, cela a été souligné par mon collègue Jacques Muller. Vous ne mesurez pas les conséquences du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ni le poids de cette décision sur l’ensemble des fonctionnaires : magistrats, policiers, médecins, infirmiers, instituteurs, etc. Cette politique de non-remplacement créé un manque sur tout le territoire.
Plutôt que de vous interroger sur le bien-fondé de vos orientations, vous préférez en « remettre une couche » en fragilisant encore, par le présent texte, les fonctionnaires. C’est bel et bien une réforme injuste et inefficace.
Je rappelle que les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés, contrairement à ce que vous tentez souvent de faire croire pour opposer le secteur public au secteur privé. Comme dans tous les secteurs, il existe des situations différenciées, ce dont vous ne tenez absolument pas compte. Le secteur public compte nombre d’emplois difficiles, avec de tout petits salaires, mais également beaucoup de précarité, notamment chez les contractuels.
Parce que chacun d’entre nous doit beaucoup à tous les agents du service public, parce que ceux-ci ont assuré notre formation, parce qu’ils assurent notre sécurité, parce qu’ils se préoccupent de notre santé, parce que les services publics qu’ils assument sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, nous souhaitons la suppression de cet article, qui est à l’image du texte : un assemblage idéologique se parant d’un courage politique qui vous fait défaut pour mieux masquer vos échecs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)