Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est grave !
M. Alain Fauconnier. Et même catastrophique !
M. Yannick Bodin. Il sera sans doute nécessaire de faire le bilan – pourquoi pas dès les vacances de la Toussaint ? – pour évaluer le nombre de jeunes qui « entrent dans la carrière » et sont déjà en congé maladie.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Yannick Bodin. Permettez-moi de vous le dire, et c’est un ancien professeur qui vous parle, beaucoup de jeunes sont totalement désespérés d’avoir été jetés dans une piscine sans qu’on leur ait appris à nager : ils coulent les uns après les autres ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.) C’est un scandale absolu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute au Gouvernement !
M. Yannick Bodin. En outre, ils sont pénalisés puisqu’ils perdent une année de retraite avant de commencer à travailler. Pour les récompenser, vous leur ajoutez deux ans à la sortie !
Ils sont donc doublement pénalisés : à l’entrée et à la sortie ; tout cela en l’espace de quelques mois.
J’attire votre attention sur l’intérêt qu’il y a à suivre très attentivement la situation de l’ensemble des fonctionnaires. J’insiste plus particulièrement sur celle des enseignants, qui ont l’impression de s’être fait avoir en entrant dans ce métier, même s’ils l’ont choisi.
À l’entrée, on leur a dit : « Tu cotiseras plus tard ! » ; à la sortie, on leur dira : « Tu continues à cotiser et tu n’auras pas ta retraite tout de suite ! »
Globalement, cela peut représenter trois années supplémentaires par rapport à la situation antérieure. C’est tout simplement scandaleux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Certains diront : « Encore un rapport ! » Oui, mais il est important, et c’est la raison pour laquelle je souscris totalement à l’amendement n° 912.
Il faut bien, à un moment, faire le point sur les conditions de sortie de la vie active des agents des trois fonctions publiques.
Je profite de cette explication de vote pour évoquer un autre rapport, prévu à l’article 21 A. Car lorsque cet article viendra en discussion, je serai à Digne-les-Bains, préfecture de mon département, pour manifester contre la fermeture des services publics ; les Alpes-de-Haute-Provence sont en effet particulièrement touchées par la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Aux termes de l’article 21 A, il est demandé au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Je ne suis pas contre cette idée. D’ailleurs, mes chers collègues, ceux d’entre vous qui me connaissent le savent – certains en sont peut-être choqués –, je n’ai pas d’hostilité particulière à la création d’une telle structure.
Je mets toutefois en garde la commission, sa présidente et, en particulier, son rapporteur, car j’ai vu mentionné, dans le rapport, le projet de créer une caisse unique pour tous les fonctionnaires de l’État, territoriaux et hospitaliers.
Madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, surtout, n’envisagez jamais une telle issue ! Certes, cela peut être tentant, puisque tous ces fonctionnaires obéissent aux mêmes règles, sont régis par le même code et s’acquittent de la même cotisation salariale, au taux de 7,85 %.
Le seul problème est que le taux de la cotisation employeur varie : il est de 27,3 % pour les collectivités territoriales et de 62 % pour la fonction publique de l’État.
M. Claude Domeizel. Si, par mégarde, on créait une caisse unique, compte tenu des effectifs des trois fonctions publiques, ce taux passerait à un peu plus de 50 %. Je vous laisse imaginer dans quelle situation nous mettrions les collectivités territoriales et les hôpitaux si nous prenions une telle décision !
M. Claude Domeizel. Au-delà de la commission des affaires sociales, je tiens à alerter le Sénat dans son ensemble : de grâce, mes chers collègues, effacez de votre esprit cette idée de créer une seule caisse pour les agents des trois fonctions publiques !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Très brièvement, monsieur Domeizel, je saluerai votre intervention pour trois raisons.
Tout d’abord, merci d’avoir tenu ces propos, car vous avez décrit exactement la situation qui pourrait se produire si nous allions trop vite.
Ensuite, merci d’avoir rappelé que le taux de cotisation employeur dans la fonction publique de l’État est de 62 %. Nous avons débattu de cette question hier, j’ai indiqué ce qu’il en était et vous reprenez exactement le chiffre que j’ai cité.
Enfin, merci de constater que le Gouvernement, comme il l’a toujours affirmé, ne va pas trop vite. Je l’ai déjà dit, mais je le répéterai encore si nécessaire : notre logique ne consiste pas du tout à aller vers le régime unique que vous évoquiez pour la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. (M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
M. Yannick Bodin. Et que pensez-vous de la situation des enseignants ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous partageons le point de vue du président de la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, de façon très claire. Là où nous allons trop vite, me semble-t-il, c’est dans la montée en charge de la durée de cotisation. C’est ce point qui nous préoccupe, car nous savons que ces questions sont complexes.
Pour ce qui est des caisses de retraite, il faut clarifier ce dispositif. Les éléments que nous a donnés Claude Domeizel, et que vous venez de confirmer, monsieur le secrétaire d’État, permettent de justifier l’existence de caisses distinctes dans les trois fonctions publiques, ce qui me semble très important.
Par ailleurs, comme nous l’avons souligné depuis longtemps, nous sommes inquiets de la très rapide montée en charge de la durée de cotisation, même si on nous affirme que les 41,5 annuités ne seront atteintes qu’en 2018. Telle est la spécificité de cette réforme par rapport à celles qui ont eu lieu dans les autres pays de l’Union européenne et dont nous considérons qu’elles ont été bien moins rapidement mises en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l’amendement n° 1226.
M. Claude Domeizel. Ce matin, lors de l’examen de l’article 9, j’expliquais que j’avais été le premier signataire d’un amendement tendant à résoudre la situation délicate des congés spéciaux dans la fonction publique territoriale.
Monsieur le secrétaire d’État, ces congés spéciaux ne se confondent pas avec les CPA, les cessations progressives d’activité. Ils concernent les administrateurs de la fonction publique territoriale et pourraient être comparés à la mise hors cadre des préfets. Pendant cinq ans, une collectivité met en quelque sorte en préretraite un fonctionnaire. Un dispositif similaire existe au Sénat.
Compte tenu de l’effectif des administrateurs territoriaux, et sachant que chaque collectivité a droit à un seul congé spécial et que toutes ne prennent pas ce type de décision, les fonctionnaires concernés sont en nombre très restreint.
Le problème, c’est que le congé spécial s’achève au bout de cinq ans. Les fonctionnaires en question risquent donc de se trouver dans une situation difficile : leur congé spécial sera terminé, mais ils ne pourront bénéficier d’une retraite à taux plein parce que l’âge de celle-ci aura été reculé. Ceux qui ont choisi de prendre un congé spécial à 60 ans en pensant partir à la retraite à 65 ans à taux plein se trouveront sans salaire et ne toucheront pas la pension qu’ils auraient souhaitée. Certes, ils pourront toujours prendre leur retraite, mais pas à taux plein. C’est là manquer d’honnêteté vis-à-vis des fonctionnaires qui ont pris une telle décision.
C’est la raison pour laquelle j’avais transformé un amendement déposé par le groupe socialiste en sous-amendement à l’amendement n° 1226 de la commission, dont je me disais qu’il avait toutes les chances d’être adopté.
Toutefois, la commission des finances persiste et signe dans son application de l’article 40 de la Constitution, même si la mesure en cause ne concerne qu’une poignée de fonctionnaires.
Certes, il s’agit des deniers publics, mais je puis vous garantir, monsieur le secrétaire d’État, que les fonds de la CNRACL peuvent supporter cette dépense supplémentaire sans le moindre problème, car le ratio par rapport à la masse des pensions versées, même si je n’en connais pas le chiffre exact, doit être extrêmement proche de zéro.
La commission des finances a tout à fait le droit de déclarer ce sous-amendement irrecevable. Toutefois, on a vu M. Woerth monter à la tribune pour dire : « Calmez-vous, on va donner la possibilité aux mères de familles qui ont élevé trois enfants ou qui ont des enfants lourdement handicapés de partir à la retraite à 60 ans » ; or cela représente une mesure autrement plus coûteuse.
Nous pourrions donc résoudre aisément un problème, qui, financièrement, est très marginal.
Je regrette donc que mon sous-amendement n’ait pas été présenté. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez toujours le reprendre à votre compte sans être frappé par les dispositions de l’article 40 de la Constitution.
M. Claude Domeizel. Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je n’ai aucun problème pour vous répondre, monsieur Domeizel. Vous avez soulevé un problème réel, qui, comme vous le savez, relève du domaine réglementaire. Cela dit, je suis tout à fait prêt à étudier la question.
M. Claude Domeizel. Pourquoi ne pas sous-amender votre texte ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Parce que cette question relève d’un décret.
Je reviendrai vers vous ultérieurement et je n’ai aucune position figée sur le sujet, car il y a là un vrai problème.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sous-amendez, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur l’article.
M. Nicolas Alfonsi. N’ayant pu défendre l’amendement n° 344 rectifié, faute de l’avoir cosigné, je rappellerai en un mot la position du groupe RDSE sur cet article 11.
Il est donc prévu de relever l’âge d’ouverture du droit à pension des fonctionnaires appartenant à la catégorie sédentaire de la fonction publique, dans les mêmes conditions que le régime général. Vous proposez donc d’augmenter de deux ans la limite d’âge qui correspond pour eux à l’annulation de la décote.
Cette disposition est injuste, car les personnels contraints aujourd’hui d’attendre 65 ans sont ceux qui ont eu des carrières morcelées et les plus précaires. Il s’agit principalement des femmes ayant interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants.
Certes, nous venons d’adopter un amendement de la commission permettant de reprendre certains aménagements concernant les femmes et les aidants familiaux. Toutefois, s’agissant tout particulièrement des femmes, il faut reconnaître que les conditions retenues sont trop restrictives.
Aussi, notre groupe votera contre l’article 11. (Mme Christiane Demontès applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le secrétaire d’État, juste avant la suspension de nos travaux, vous avez qualifié mes propos de « caricaturaux ».
Mme Bariza Khiari. Je suis pourtant connue dans cet hémicycle comme une personne tenant plutôt des propos nuancés.
Mme Bariza Khiari. Toutefois, nous faisons de la politique et nous sommes obligés de pointer vos carences en matière économique et sociale. Or quand nous soulignons vos errements, voilà que nous devenons caricaturaux !
Mme Bariza Khiari. Nous faisons seulement vivre la démocratie de manière paisible dans cet hémicycle. Et si vous jugez cela trop violent – je vous le dis avec le sourire, monsieur le secrétaire d’État –, il faut changer de job ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Quand j’affirme que nous – les sénateurs présents de ce côté de l’hémicycle –, nous protégeons les acquis sociaux, tandis que vous, vous défendez les acquis tout court, mes propos peuvent vous paraître caricaturaux, mais, pour nous, ils sont seulement factuels.
Mme Bariza Khiari. Pour paraphraser le poète René Char : « À nous regarder, vous vous habituerez. »
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas sûr !
Mme Bariza Khiari. J’en viens à mon explication de vote.
Comme je l’ai fait remarquer lors de ma précédente intervention, le Gouvernement est fautif en ce qu’il nous présente ce texte comme résultant d’une nécessaire prise en compte des données démographiques, alors qu’il n’est que la traduction d’une forme d’incapacité à gérer convenablement les effets de la crise économique et sociale.
Certes, l’aspect démographique est essentiel : à quoi bon le nier ? Quel que soit le système de retraite, il s’agit d’un élément clé. Cependant, la réforme de 2003 a indexé la durée de cotisation sur l’augmentation de l’espérance de vie.
Dès lors, si le dispositif a été confronté à de nouveaux défis, c’est parce que – je persiste et je signe – vous avez été incapables de maintenir la croissance et l’emploi. Je ne nie pas la crise, mais nos voisins ont fait mieux.
Ne vous en déplaise, monsieur le secrétaire d’État, les déficits actuels sont dus principalement à la non-augmentation de la masse salariale et aux mauvais chiffres du chômage. Les recettes ont baissé et, par conséquent, des déficits se forment. En d’autres termes, c’est le Gouvernement, et lui seul – et non la démographie –, qui creuse les déficits.
Si l’on veut relever ce défi, il faut s’attaquer aux véritables problèmes, comme le font certains de nos voisins européens avec des résultats nettement supérieurs aux nôtres.
M. Philippe Dallier. L’Espagne, par exemple ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Bariza Khiari. Il faut lutter contre le chômage et trouver de nouvelles recettes pour financer les déficits. Le report de l’âge légal de la retraite, de même que celui de l’âge de la retraite à taux plein, n’est pas une réponse adaptée.
Comme vous n’évoquez jamais la question de l’emploi, nous sommes obligés de le faire.
En ce qui concerne l’emploi public, depuis 2007, 100 000 fonctionnaires n’ont pas été remplacés, dans les secteurs les plus divers, en fonction d’une logique purement comptable. Puisque vous aimez les rapports, je vous citerai celui de la Cour des comptes, qui a elle-même estimé que cette logique était court-termiste si elle ne s’accompagnait pas d’une réflexion sur les domaines où le travail des fonctionnaires pouvait évoluer, c’est-à-dire sur le lien entre les missions et l’emploi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous citez également le FMI. J’aimerais y revenir. Vous disposez de si peu d’arguments que vous en venez à utiliser deux phrases prélevées dans un rapport de cette organisation.
Vous aimeriez bien que Dominique Strauss-Kahn donne son imprimatur à votre réforme des retraites, mais tel n’est pas le cas. Mme Aubry l’a souligné hier : elle a montré que nous avions pour les retraites un véritable programme, qu’elle a tranquillement déroulé. Elle a précisé ce que contenait le rapport, en lisant le passage concerné du début à la fin, et elle a rappelé que ce texte n’engageait pas le FMI dans son ensemble, ni a fortiori son directeur général. En effet, quand un rapport du FMI est publié, ce n’est pas Dominique Strauss-Kahn qui le signe.
En 2011, quelque 34 000 postes seront supprimés au sein de l’éducation nationale ou de la police. Les récriminations sont de plus en plus importantes, tandis que s’accroît la demande du public pour des services de qualité et nombreux. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, en temps de crise, c’est notre modèle social, avec nos services publics, qui sert d’amortisseur.
Cette politique de non-remplacement des fonctionnaires s’inscrit dans la perspective du départ à la retraite des baby-boomers, mais cette tendance ralentira dans les prochaines années. Si on ne cherche pas une position plus raisonnable et moins dogmatique, on n’arrivera nullement à un emploi public stable et de qualité.
Après les dégâts de la RGPP, vous nous demandez de faire passer l’âge de départ des fonctionnaires de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans. Les fonctionnaires, notamment les femmes, sous tension permanente, seront épuisés. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article 11. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 180 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
Article 12
(Non modifié)
I. – La loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « est fixée à », la fin du premier alinéa de l’article 1er est ainsi rédigée : « soixante-sept ans lorsqu’elle était, avant l’intervention de la loi n° … du … portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans. » ;
2° À l’article 1-2, les mots : « à soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article 1er » ;
3° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 7, les mots : « à soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « conformément au premier alinéa de l’article 1er ».
II. – L’évolution de la limite d’âge mentionnée aux 1°, 2° et 3° du I est fixée par décret dans les conditions définies au II de l’article 11 de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le souligne le rapport de la commission des affaires sociales, l’article 12 découle bien sûr de l’article 11. Il constate le passage de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans pour les fonctionnaires de la catégorie sédentaire n’ayant pas atteint le nombre requis d’annuités et en tire les conséquences pour un certain nombre de postes de la fonction publique, tout en prévoyant des dérogations, notamment pour les fonctionnaires étant passés de la catégorie active à la catégorie sédentaire.
Nous contestons le bien-fondé de cette réforme de manière globale. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression pure et simple de cet article. Je l’ai rappelé lors de l’examen de l’article 11 : les solutions que vous préconisez ne répondent pas aux véritables enjeux de la question des retraites ; vous vous placez sur le terrain de la démographie quand c’est d’orientation économique qu’il conviendrait de discuter.
Le recul de l’âge pour obtenir une retraite à taux plein lorsque l’on n’atteint pas le nombre requis d’annuités pour y prétendre avant est l’exemple même du caractère idéologique et inhumain de ce texte. Qui ne sera dans l’impossibilité de satisfaire à cette exigence, sinon, principalement, les femmes et les personnes ayant eu une carrière mouvementée, hachée ? Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous que ce sont des populations privilégiées, des nantis qui profitent du système ? Nous croyons, pour notre part, qu’il s’agit de personnes fragiles, précaires et ayant connu une vie plutôt difficile.
À 65 ans, bien des gens ont effectué une carrière complète ou quasi complète. Même les populations bien plus jeunes – les trentenaires, voire les jeunes actifs –, qui sont souvent entrées plus tard sur le marché du travail, auront atteint à cet âge les 42 années de cotisation. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que le présent texte s’adresse véritablement à elles. Si vous prévoyez une clause de revoyure en 2018, ce sera sans doute pour tenter de durcir encore vos positions à leur égard. Vous constaterez alors que nous étions fondés à décrire votre réforme comme inefficace, puisqu’il vous faudra chercher de nouveaux moyens de financement.
À court terme, la très grande majorité si ce n’est l’ensemble des Français qui atteindront l’âge de 65 ans auront cotisé le temps requis, à l’exception de la catégorie la plus précaire, à savoir les femmes qui jonglent avec des périodes de temps partiel le plus souvent subi, de chômage, d’inactivité et les personnes ayant eu des carrières brisées, heurtées, inhabituelles.
Pour nous, réforme est synonyme de progrès. Quand un texte qui se veut réformateur fragilise encore davantage des catégories précaires, il se pare d’atours qu’il ne mérite pas. Je suis résolument opposée au recul de l’âge de la retraite à taux plein. Si certains veulent travailler plus, la loi les y autorise, mais que ceux qui veulent s’arrêter parce que la vie ne leur a déjà pas fait beaucoup de cadeaux le puissent, voilà qui me semble une véritable avancée. La solidarité doit continuer à avoir un sens dans notre pays.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l’article 12.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mon intervention sur l’article vaudra présentation de l’amendement n° 19.
Nous souhaitons la suppression de l’article 12 qui est un article de coordination avec l’article 11, car le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge limite dans la fonction publique est tout à fait inadapté aux caractéristiques de notre société.
Si l’on y ajoute la RGPP et son objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est une véritable pénurie d’emplois publics qui va se déclencher : elle se traduira très concrètement, comme on le remarque déjà, par une réduction du nombre de places proposées aux concours.
Relever l’âge limite de départ à la retraite des fonctionnaires et ne plus reconduire le poste que dans un départ sur deux, voilà qui sera fortement préjudiciable à l’emploi des jeunes, alors que notre pays aurait pourtant bien besoin d’une politique plus adaptée et plus audacieuse en ce domaine.
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. Guy Fischer. Je vous rappelle que 25 % des jeunes de moins de 25 ans en âge de travailler sont au chômage. Il est donc complètement aberrant de prolonger la durée de travail des personnes en fin de carrière, d’autant que cette réforme occulte un élément majeur et basique du financement des retraites : c’est l’emploi qui permet de financer les retraites par les cotisations des actifs. Vous n’invoquez les arguments démographiques que pour mieux masquer l’échec de votre politique en matière d’emploi.
Mme Christiane Demontès. Oui !
M. Guy Fischer. Nous n’en serions en effet pas là si vous n’aviez multiplié les mesures telles que le bouclier fiscal, les niches fiscales, sacrifiant l’argent public pour sauver les banques qui, responsables de la crise financière, ont provoqué la disparition de milliers d’emplois. Il aurait fallu que le Gouvernement s’occupe d’avantage des problèmes sociaux du plus grand nombre plutôt que de se soucier de l’intérêt de quelques-uns, les plus puissants et les plus favorisés.
Cette réforme que l’on prétend faire pour résorber les problèmes de financement des retraites contient des dispositions qui, précisément, les aggraveront. En se privant de nouveaux emplois avec la RGPP et en favorisant l’extension des années de travail des fonctionnaires, on contribue à restreindre le nombre de nouvelles cotisations pour les retraites. Si le nombre d’actif baisse, logiquement, le financement des retraites diminue également.
Il s’agit donc bien d’une logique à court terme, qui ne permettra même pas de résoudre la question des déficits budgétaires de l’État – ce sera l’objet de nos prochains débats –, car c’est sans compter le coût que représenteront ces millions de chômeurs. L’UNEDIC a estimé le coût de la réforme des retraites entre 440 et 530 millions d’euros pour l’assurance chômage, ce qui est loin d’être négligeable ! C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article, car il contribue à alimenter cette réforme absurde et inefficace.
La RGPP s’applique de manière très contrastée. Ainsi, aux Hospices civils de Lyon, où il est bien sûr impossible de supprimer les emplois médicaux ou paramédicaux, on constate cependant des contractions qui équivalent à la suppression d’un poste sur deux. Mais, dans les services administratifs, on va bien plus loin : ce sont jusqu’à trois emplois sur quatre qui sont supprimés. Des pans entiers sont sacrifiés. La suppression de l’article 12 se justifie donc totalement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par Mme Pasquet, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 145 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 345 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 19 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l’amendement n° 145.