Mme Christiane Demontès. Comme vient de le rappeler Guy Fischer, l’article 12 est un article de conséquence qui a pour objectif de coordonner la rédaction de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public. Il prévoit de faire évoluer cette limite d’âge de manière croissante, à raison de quatre mois par génération.
Aussi, et cela ne vous surprendra pas, en cohérence avec les prises de position que nous avons précédemment défendues, nous opposerons-nous à son adoption. Nous défendons un système universel et personnalisé, une retraite choisie. Nous voulons garantir à toutes et à tous des droits clairs et permettre à chacune et à chacun de maîtriser sa vie dans un cadre solidaire et protecteur.
La retraite à 60 ans doit rester un droit et ne pas devenir une obligation. En allongeant la durée de travail, vous empêchez des milliers de jeunes d’entrer dans le monde de l’emploi ! Je rappelle, pour compléter les propos de Guy Fischer, que le taux de chômage de longue durée, c’est-à-dire de plus d’un an, ne cesse d’augmenter chez les jeunes. Tout le monde voit bien, et les jeunes au premier chef, que les prétendues politiques pour l’emploi des jeunes n’aboutissent pas : les mesures prises par votre Gouvernement ne sont pas suffisantes, monsieur le secrétaire d’État.
Dans ces conditions, comment imaginer que les mesures d’allongement de la durée de travail puissent avoir aujourd’hui un effet positif sur l’entrée dans l’emploi des jeunes ? Personne n’y croit !
L’enjeu des retraites, c’est d’abord celui du pacte social et républicain qui unit les Français, celui du lien intergénérationnel et du « vivre ensemble », socle qui fonde la solidarité contre l’individualisme. Or nous avons le sentiment que c’est ce dernier que vous appelez de vos vœux.
Le relèvement de la limite d’âge dans la fonction publique est la conséquence du relèvement de l’âge de départ à la retraite, mais il est aussi la conséquence d’une absence d’anticipation de la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos régimes de retraite. Ceux-ci ont accumulé des défaillances sérieuses, qui n’ont pas été corrigées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez, nous semble-t-il, trop tendance à vous réveiller quand le mal est fait, en tapant vite et fort, sans malheureusement anticiper l’avenir.
Disant cela, je pense également à la situation des autres branches de la sécurité sociale, qui est similaire à celle que connaissent nos régimes d’assurance vieillesse. Je n’ose imaginer le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinerons dans quelques semaines, après le débat sur les retraites ! Je n’ose davantage imaginer la situation dans laquelle vous avez plongé l’assurance maladie !
Nous sommes ici, une fois encore, dans une réforme comptable, à l’instar des réformes de 1993 et de 2003, qui, disiez-vous à l’époque, devaient régler l’équilibre de nos systèmes de retraite et, aujourd’hui, vous obligent malheureusement à recommencer et à reproduire les mêmes erreurs d’analyse !
Nous demandons donc la suppression de l’article 12. (Mme Raymonde Le Texier applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 345 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 19 et 145 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme vient de le dire Mme Demontès, cet article 12 s’inscrit dans la continuité du précédent. La commission, qui souhaite évidemment son maintien, est défavorable aux deux amendements identiques de suppression. De plus, je tiens à le dire, il permet de préserver la situation des fonctionnaires membres de l’ancien corps des instituteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 145.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
(Non modifié)
Le III de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’âge d’ouverture du droit à pension applicable aux fonctionnaires mentionnés au présent III est fixé à soixante ans et leur limite d’âge est fixée à soixante-cinq ans. »
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 13, qui vient compléter le III de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, consacre l’ouverture du droit à pension aux fonctionnaires concernés par cette loi à 60 ans et leur limite d’âge à 65 ans.
Il s’agit, notamment, du personnel infirmier hospitalier ayant opté pour la catégorie A de la fonction publique, comme proposition lui en a été faite par ladite loi. Ce faisant, ce personnel, actuellement en fonction, ayant choisi d’opter pour la catégorie A, s’il perd son classement en service actif, n’est en revanche pas touché par la mesure de recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite prévu par le projet dont nous débattons aujourd’hui. Nous en prenons acte.
Nous observons toutefois que cette mesure, prise pour inciter les infirmiers et les infirmières à opter pour le passage en catégorie A, dans un « marchandage » que nous avions déjà dénoncé à l’époque où le texte nous avait été soumis, ne peut occulter le fait que les soignants qui n’auront pas choisi d’intégrer la catégorie A – comme, du reste, les futures infirmières, non encore dans le corps infirmier hospitalier, qui relèveront automatiquement d’un classement en catégorie A sédentaire – seront concernés par le relèvement progressif de deux ans des bornes de limite d’âge pour leur départ à la retraite.
Autrement dit, si nous décodons, là aussi, la dimension « pénibilité » ayant justifié jusqu’ici le classement de tout le corps infirmier hospitalier en catégorie active n’est plus sanctuarisée sur ses bases actuelles, classement qui, je le rappelle, ouvre à cette catégorie la possibilité de prétendre à une pension de retraite à 55 ans.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Jacky Le Menn. Nous ne pouvons, dans ces conditions, que renouveler la demande formulée en juillet dernier : l’ensemble du corps des infirmiers hospitaliers doit pouvoir relever de la catégorie A de la fonction publique hospitalière en raison du niveau d’études requis – bac+3 et plus – aujourd’hui reconnu par l’université, dans le cadre de la filière LMD, avec maintien du bénéfice d’un classement en catégorie active ouvrant droit à un départ à la retraite à 55 ans sans possibilité de reculer cet âge à 57 ans.
Nous formulons une demande similaire pour les infirmiers anesthésistes diplômés d’État. Infirmiers spécialisés dont les cinq années d’études représentent un niveau d’équivalence universitaire en cours de reconnaissance au grade de master, classés jusqu’au 12 juin dernier dans la catégorie A active de la fonction publique hospitalière, compte tenu de la pénibilité de leur tâche, ils doivent pouvoir être maintenus dans cette catégorie active et prétendre ainsi à une pension de retraite à 55 ans.
En outre, les infirmiers anesthésistes, par leurs attributions et fonctions, remplissent tous les critères reconnus de pénibilité. Ils assument la continuité des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, alternant systématiquement travail de jour et travail de nuit. Leurs repos sont variables, ce qui n’est pas dénué de conséquences sur leurs rythmes biologiques.
Ils travaillent en permanence dans des conditions de stress extrême dues à la vigilance exigée dans leurs activités, à la gestion de gestes techniques précis et à la confrontation récurrente à des situations d’urgence vitale. Les temps de récupération et de repos sont souvent aléatoires et jamais choisis. Ils sont également exposés à des émanations gazeuses toxiques à long terme, malgré les systèmes de prévention utilisés qui n’offrent qu’une protection relative. L’ergonomie limitée autour d’une table d’opération, que j’ai personnellement pu constater, et la manipulation systématique des corps humains lors de leur positionnement sur les tables d’opération entraînent de nombreuses contraintes articulaires et posturales à l’origine de troubles musculo-squelettiques, les TMS.
Il serait donc tout à fait incongru que la notion de pénibilité ne soit pas retenue pour les infirmiers anesthésistes.
D’une manière générale, il s’agit, pour l’ensemble de ces personnels paramédicaux, de corps de métiers majoritairement féminins, dont tous nos concitoyens louent les services éminents tout en s’inquiétant de la pénibilité de leur travail. Ils savent que cette pénibilité est due, je le répète et j’y insiste, au stress croissant, au rythme de travail soutenu, à la station debout prolongée, à une multiplication du nombre de TMS, au travail de nuit astreignant, à une vigilance obligatoire de chaque instant, par exemple, pour la préparation des médicaments antimitotiques destinés à lutter, notamment, contre les pathologies cancéreuses.
Les personnels côtoient en continu la souffrance, très souvent la mort, mais aussi la douleur des familles. J’ai personnellement eu, pendant plus de trente ans, l’occasion de constater cette pénibilité tellement spécifique à ces corps de métiers indispensables au bon fonctionnement de notre système de santé.
Nous ne pouvons donc nous satisfaire monsieur le secrétaire d’État, de la mesure prévue par cet article 13 pour le personnel infirmier hospitalier et les autres personnels paramédicaux également concernés, dont les infirmiers anesthésistes.
Cette mesure fait illusion. Elle masque, en vérité, un marchandage inadmissible envers un personnel soignant admirable que l’on abuse sciemment. À nos yeux, comme à ceux de nos concitoyens, qui, par centaines de milliers, fréquentent les hôpitaux, pareille situation est non seulement déplorable, mais aussi condamnable.
Monsieur le secrétaire d’État, nonobstant cet article, sur lequel, pour ma part, je m’abstiendrai, il conviendrait que vous repreniez l’attache des représentants des personnels paramédicaux hospitaliers et des personnels infirmiers, infirmières ou anesthésistes, pour trouver un accord permettant de classer tous ces corps de métiers en catégorie A de la fonction publique hospitalière et de les intégrer dans la catégorie active susceptible de leur ouvrir le bénéfice d’un droit à pension à 55 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aux termes de cet article 13, il est donc proposé que les personnels hospitaliers et paramédicaux choisissent individuellement, à l’avenir, entre une meilleure rémunération, en contrepartie de l’allongement de sept ans de leur durée de travail jusqu’à 62 ans, ou l’allongement « allégé » à 57 ans, mais sans revalorisation salariale.
L’article 13 remet en cause la pénibilité du travail chez les infirmiers et infirmières prévu par l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Oui, nous sommes loin des engagements du Président de la République – c’est souvent ainsi ! – et de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, qui ont indiqué à de nombreuses reprises que leurs objectifs étaient de reconnaître les compétences des infirmières et de rendre cette profession attractive.
Cet article traduit, en effet, la méconnaissance d’un métier de plus en plus fatigant. Le personnel hospitalier doit mettre en œuvre de nouveaux talents : qualités d’accueil pour les admissions, aptitudes à canaliser et organiser un service des urgences de plus en plus fréquenté.
Par ailleurs, le développement des techniques de soins intensifs, l’apparition de matériels de plus en plus sophistiqués et complexes ont exigé des infirmières un niveau croissant de compétence technique et une véritable spécialisation. Plusieurs années d’activité professionnelle sont donc nécessaires pour qu’une infirmière connaisse parfaitement tous les aspects de son métier et qu’elle puisse, à son tour, former ses collègues plus jeunes.
Je rappelle qu’une infirmière est dans l’obligation d’avoir une attention de plus en plus soutenue dans son travail. Chacun se souvient des malheureux incidents et accidents dont certains ont entraîné le décès de patients. La plupart du temps, c’est elle qui est mise en cause.
Les statistiques sont la meilleure preuve de l’usure liée à l’exercice du métier : une infirmière sur cinq est en invalidité avant 48 ans. C’est une donnée incontestable. Leur durée moyenne de travail n’excède pas dix-sept ans.
En outre, 35 % des infirmières et infirmiers du secteur public travaillent régulièrement de nuit. Cela n’est pas neutre pour la santé ! Monsieur le secrétaire d’État, 60 % de ces personnes affirment éprouver des difficultés à accomplir leurs tâches dans les délais impartis. Nombreuses sont celles qui peinent à prendre leurs congés dans de bonnes conditions tant la quantité de travail est importante ! À cet égard, cet article ne constitue-t-il pas un véritable déni de leur mal-être ou de leurs difficultés ?
En effet, la profession est de plus en plus désertée et très nombreuses sont les infirmières qui partiront à la retraite d’ici à 2015.
L’annonce de la mesure prévoyant la disparition de la pension à jouissance immédiate après quinze ans d’activité pour les personnes ayant élevé trois enfants a suscité un véritable affolement dans les directions des ressources humaines à l’échelon des collectivités territoriales, notamment dans les hôpitaux. Cet affolement a été particulièrement vif chez les infirmières, qui ont demandé à être renseignées sur leur situation. Alors que certaines d’entre elles sont toujours en attente de réponses, la caisse de retraite qui gère leurs droits a enregistré 60 % de demandes de pension à jouissance immédiate supplémentaires par rapport à une situation ordinaire, en « vitesse de croisière ».
Le bon sens aurait donc voulu le maintien de la revalorisation et la possibilité d’un départ anticipé pour les inciter à exercer ce métier.
Les personnels infirmiers – ce sont souvent des femmes – sont sacrifiés par ce projet de loi. La reconnaissance de la pénibilité de cette profession doit être beaucoup mieux prise en compte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. À mon tour je rappellerai que l’article 13 est, en quelque sorte, le corollaire de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Nous nous étions opposés à l’adoption d’une telle mesure, censée transcrire un accord qui n’a été signé que par une seule organisation syndicale, très minoritaire et qui n’est d’ailleurs pas parvenue, lors des dernières élections professionnelles, à dépasser 1 % des suffrages. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
C’est dire que cette organisation était illégitime à négocier et à imposer un accord qui, lorsque l’on s’y penche de près, ressemble plus à un chantage qu’à une réelle reconnaissance ! Car il ne s’agissait ni plus ni moins que de demander aux infirmières et aux personnels paramédicaux de choisir entre le maintien à la retraite à 55 ans, justifié par des conditions de travail de plus en plus pénibles, et une augmentation de salaire, elle aussi justifiée en raison du niveau de diplôme exigé et de la plus grande technicité des actes que ces professionnels ont aujourd’hui à accomplir.
Contrairement à ce que voudraient nous faire croire la majorité sénatoriale et M. le rapporteur, l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 n’est pas la concrétisation des promesses faites par le candidat Nicolas Sarkozy en direction des professionnels.
J’en veux pour preuve la lettre qu’il a adressée à la secrétaire générale du Syndicat national des infirmier-e-s conseiller-e-s de santé, le SNICS. Il y affirmait : « [Les] infirmières et les infirmiers restent les “oubliés” de nos politiques de santé : leurs qualifications ne bénéficient pas d’une reconnaissance à la hauteur de la durée des études et du niveau d’exigence de leurs responsabilités professionnelles ; la revalorisation de leurs perspectives en termes de rémunération et de carrière a pris un retard incontestable. » Il précisait même : « Le temps est aujourd’hui venu d’aller au-delà des mots et des déclarations de bonnes intentions dont longtemps votre profession a dû se satisfaire. Nous devons enfin traduire tout cela dans les actes. »
S’il s’était effectivement engagé à mieux revaloriser les salaires des personnels infirmiers, Nicolas Sarkozy n’avait en revanche rien dit concernant une quelconque contrepartie. Avec la présente mesure et le renoncement aux 60 ans, il est bien loin le temps où il déclarait : « Je fais ce que j’ai dit, et j’ai dit ce que je ferai ». (M. René-Pierre Signé s’exclame.)
Pour notre part, nous continuons à réaffirmer avec les organisations syndicales que, au regard de l’évolution des tâches qu’ils accomplissent aujourd’hui – je pense notamment à la technicité des blocs opératoires – et de la dégradation de leurs conditions de travail, les personnels infirmiers et paramédicaux auraient dû se voir reconnaître leurs compétences en catégorie A tout en conservant le bénéfice de la catégorie active ; cela eût été la seule mesure juste socialement.
En lieu et place d’une telle mesure, vous avez fait le choix de sanctionner financièrement celles et ceux qui, usés par l’intensification du travail, par la diminution constante du nombre de personnels auprès des malades et par des rythmes de travail qui pèsent sur l’organisme, ont préféré faire le choix d’un départ à la retraite à 55 ans ; on comprend d’ailleurs leurs craintes et les départs massifs que celles-ci entraînent. Est-ce à dire que ces personnels méritent moins que les autres une revalorisation salariale ? Nous ne le croyons pas.
C’est pourquoi, soucieux de garantir les mêmes droits à l’ensemble des personnels, nous avons déposé un amendement de réécriture de l’article 13 pour qu’il prévoie désormais la suppression de l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010.
Cet amendement, qui a été retoqué par la commission des finances au motif de l’irrecevabilité financière, demeure – vous le savez – très attendu par les organisations syndicales. Aussi, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG s’abstiendront sur l’article 13. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, sur l’article.
M. René-Pierre Signé. Messieurs les ministres, mes chers collègues, on dit que la mémoire des hommes est infidèle ; il me semble que celle des malades est ingrate et injuste. De même que celle-là ne retient que le nom des rois, à l’hôpital on ne retient que le nom du chirurgien, l’homme de l’art.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Non ! Pas du tout !
M. René-Pierre Signé. L’anesthésiste, qui a pourtant joué un rôle aussi difficile et exercé autant de responsabilités, est ignoré.
Ensuite, c’est l’oubli total. Pourtant, viennent alors les soins de suite, les souffrances, le mal-être, le souci, l’angoisse, le désespoir même, l’avenir incertain qui terrorise le malade malgré toute l’affection que peut lui apporter son entourage. Tout cela est oublié ; on efface de sa mémoire tous ceux qui, par un geste, par un mot, par une caresse, par une présence, viennent vous consoler.
Mme Marie-Thérèse Hermange. On ne les oublie pas ! C’est très masculin, comme réaction ! C’est une réaction de chef !
M. René-Pierre Signé. Les infirmières et le personnel soignant sont les grands oubliés des hôpitaux. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, demandez donc aux personnes qui ont été opérées, elles vous le diront ! Elles pourront vous dire qui les a soignées, mais le nom de celui ou de celle qui les a consolées aura été oublié.
Pourtant, les infirmières, les aides-soignantes interviennent à des moments cruciaux. Par un geste, je l’ai dit, elles se montrent présentes, et leur présence rassure, encourage.
Je ne reviendrai pas sur l’ambiance et l’atmosphère des services d’EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, surtout la nuit. Il faut avoir vécu dans un tel environnement, l’avoir connu pour mesurer à quel point il est difficile à supporter.
Ce climat, les infirmières l’intériorisent et le portent en elles. Puisqu’il est subi chaque jour et toutes les nuits, il est susceptible d’entraîner de graves troubles psychologiques ou psychosociaux qui attentent à la santé des personnels soignants. On est alors au-delà de la pénibilité ; à ce stade, on entre dans le chapitre de l’invalidant.
J’ai parlé hier du travail physique, je ne me répéterai donc pas. Je pense aux malades invalides, impotents et lourds, à ceux qu’il faut changer, habiller, déshabiller, à ceux qu’il faut tourner parce qu’ils ont des escarres, coucher d’un côté et de l’autre, à ceux qu’il faut relever parce qu’ils sont tombés ; bref, à tous ceux qui méritent que l’on soit mobilisé une journée entière par des coups de sonnettes impératifs et dont les soins engagent la responsabilité de l’infirmière et de l’aide-soignante, car on ne leur pardonne rien !
Peut-on envisager que la fin de la journée soit attendue avec quelque impatience ? Dans ces conditions, l’âge de la retraite représente le moment où l’on se consacrera, enfin, à soi et à sa famille, où l’on espère trouver l’apaisement ou l’oubli malgré tant de détresse vécue, tant de malheur et tant de souffrance.
Insister sur la pénibilité est élémentaire : c’est une notion sur laquelle on doit revenir en ce qui concerne le métier d’infirmier.
L’âge de la retraite doit être précoce quand on a connu les difficultés, le harcèlement de la part de familles exigeantes – d’autant plus exigeantes, d’ailleurs, qu’elles ne viennent pas voir le malade… –, les malades souffrants qui n’acceptent pas et ne pardonnent pas d’être délaissés ; on sait ce que les infirmières et aides-soignantes doivent supporter !
Mme Bachelot-Narquin a profité du statut mal affirmé des infirmières et des aides-soignantes. Celles-ci étaient en effet formées hors université, au sein même des hôpitaux, qui ne formaient – et à quel prix ! – que le personnel dont ils avaient besoin. Elles ne bénéficiaient donc d’aucun statut universitaire. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Le temps de parole est dépassé, monsieur le président !
M. René-Pierre Signé. Les hôpitaux de proximité, qui n’avaient pas l’autorisation de former le personnel soignant, avaient quelquefois la chance de trouver, de-ci de-là, un professionnel formé.
On a accordé aux infirmières un diplôme universitaire après un concours extrêmement difficile ; vous savez que, désormais, pour être infirmier, il faut passer le même concours que pour être médecin, sage-femme, ou kinésithérapeute, un concours du niveau de celui qui ouvre l’entrée aux grandes écoles. Cependant, dans le même temps, on leur a supprimé le droit de faire valoir la pénibilité de leur travail. C’est une arnaque !
Mme Marie-Thérèse Hermange. De toute façon vous n’allez pas voter !
M. René-Pierre Signé. On leur a donné en échange un titre universitaire « anobli » de master 1, master 2 pour les infirmières anesthésistes, et on leur a ôté le bénéfice de la notion de pénibilité. Mais un diplôme permet-il d’enlever la pénibilité ? Le travail des infirmières, des aides-soignantes, du personnel soignant doit être reconnu pénible ; c’est une exigence élémentaire !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé. Ne pas le reconnaître, c’est être bien loin des réalités ; c’est n’avoir jamais mis les pieds dans un hôpital ! C’est être bien loin du réseau sanitaire de la France ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous n’avez pas le monopole des hôpitaux et des infirmières !
Mme Raymonde Le Texier. Calmez-vous !
M. René-Pierre Signé. C’est la vérité ! Vous n’allez pas m’apprendre ce qu’est la médecine !
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Signé.
M. René-Pierre Signé. J’ajouterai simplement que, compte tenu du niveau technique actuel exigé des infirmières, celles-ci doivent au moins pouvoir bénéficier, après des études difficiles, de la respectabilité et de la reconnaissance de la pénibilité comme une notion élémentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Autain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l’article.
Mme Maryvonne Blondin. Messieurs les ministres, on ne comprend pas très bien l’empressement dont a fait preuve le Gouvernement pour proposer, en juillet dernier, un tel choix aux personnels hospitaliers.
Ne croyez-vous pas qu’il eût été plus judicieux que ce choix intervînt à l’issue du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites ? Les personnes intéressées auraient ainsi pu se décider en toute connaissance de cause.
Pour quelles raisons était-il si important d’aborder la question de la retraite de ces personnels avant même que le présent projet de loi soit connu ?
Quelle raison a motivé le Gouvernement, si ce n’est l’espoir d’obtenir de quelques infirmiers, abusés par la promesse d’une meilleure rémunération, l’abandon, à la hâte, de leur droit à une retraite à 55 ans ? Car c’est de cela qu’il s’agit : inciter les infirmiers au passage en catégorie A afin qu’ils perdent le bénéfice du classement en catégorie active.
Dès lors, on comprend très bien la stratégie du Gouvernement : celui-ci tente de maintenir le caractère attractif de l’intégration en catégorie A afin que les personnels orientent leur choix vers cette solution et consentent dans le même temps à la perte de tous les droits inhérents à la reconnaissance de la pénibilité de leur travail.
Cependant, en l’état actuel, le choix proposé aux infirmiers et personnels hospitaliers va entraîner, outre une complexification de leur système de retraite, une inégalité de traitement entre les agents.
En effet, c’est à non plus un mais trois régimes que sera désormais soumis le corps des personnels hospitaliers et paramédicaux : le régime des infirmiers qui auront choisi le classement en catégorie A, et qui partiront à 60 ans ; le régime de ceux qui auront fait le choix de rester en catégorie B, et qui partiront à 57 ans ; enfin, le régime des futurs infirmiers issus des promotions 2009 et suivantes.
Ces derniers seront en effet classés d’office en catégorie A et partiront à la retraite non pas à 60 ans, mais à 62 ans, sachant que, avec l’allongement de la durée de cotisation, ils prendront leur retraite à 67 ans s’ils veulent bénéficier du taux plein. Être Infirmier ou aide-soignant à 67 ans, c’est tout simplement inconcevable !
L’article 13 détricote ainsi la reconnaissance de la pénibilité du travail des professions.
On pourrait considérer cela comme une tromperie pour ceux qui ont opté en faveur du maintien en catégorie active. En effet, on leur avait annoncé qu’ils pouvaient prendre leur retraite à 55 ans. Or le présent texte prévoit qu’ils doivent travailler jusqu’à 57 ans. Ces deux années supplémentaires n’étaient pas prévues dans le protocole d’accord établi au départ. Il y a donc bien eu tromperie !
Aujourd’hui, ces professions doivent de plus en plus s’adapter à l’augmentation de leur charge de travail, au manque d’effectifs, aux heures supplémentaires non récupérées. La non-reconnaissance de la pénibilité ne répondra pas au besoin de fidélisation et d’attractivité.
Bien souvent, les infirmières et aides-soignantes sont confrontées à la détresse de nos concitoyens. Soigner, c’est avant tout prendre soin, prendre le temps d’écouter, de réconforter. C’est aussi expliquer un traitement, accompagner une personne en fin de vie, éduquer un malade. Elles accomplissent bien plus que des actes techniques, messieurs les ministres, et cela doit également être intégré dans la notion de pénibilité.
Avec cet article, on voit combien le Gouvernement a la volonté de ne pas traiter la question de la pénibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)