M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mon intervention vaudra également défense de notre amendement n° 18.
L’application de ce texte à la fonction publique offre une illustration cruelle de l’absurdité de cette réforme, Bariza Khiari vient de le rappeler.
Selon le Gouvernement, le système français de retraite est confronté à des déficits qui résulteraient du vieillissement démographique des salariés. Cette explication est bien pratique, car elle permet de passer sous silence l’échec de la droite en matière de création d’emplois et de comblement des déficits publics.
En effet, le chômage de masse ou encore les exonérations de charges sociales sont autant de sources de pertes pour le budget des retraites.
Face à toutes ces non-recettes qui grèvent le budget des retraites, que fait ce gouvernement ? À l’instar de ceux qui l’ont précédé à partir de 2002, il se lance à corps perdu dans une politique forcenée de suppression massive de postes de fonctionnaires. Le Gouvernement a annoncé fièrement que près de 100 000 postes de la fonction publique avaient déjà été supprimés en quelques années et qu’il se fixait pour objectif d’en supprimer encore 100 000 d’ici à 2013-2014. L’idée qui sous-tend ces suppressions d’emplois est bien celle d’un démantèlement. Chaque année, ce sont plus de 30 000 postes de fonctionnaire – 34 000 postes l’année prochaine – qui sont supprimés, ce qui a des effets dévastateurs sur les services publics. Il n’est que de mentionner le gouffre dans lequel se trouve l’éducation nationale, qui a vu ses postes diminuer de façon exponentielle !
Conséquence de tous ces postes détruits : ce sont des centaines de milliers de personnes qui se trouvent de fait renvoyées sur un marché de l’emploi complètement saturé et étouffé et qui, au final, viennent rejoindre les rangs des chômeurs, des intérimaires, des CDD, des temps partiels et autres emplois précaires sous-payés, c'est-à-dire toute la cohorte des emplois atypiques. Ce sont aussi autant de cotisations en moins, autant de dépenses en assurance chômage et autres prestations sociales en plus.
Or, souffrant d’une surdité qui frise l’autisme, le Gouvernement poursuit sa politique antisociale et contre-productive. C’est vraiment du Thatcher à la puissance 10 ! (M. Gérard Cornu s’exclame.)
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. En voulant rehausser l’âge légal de la retraite pour les fonctionnaires, il va embouteiller encore plus l’accès à la fonction publique.
Outre ses effets dévastateurs sur l’emploi, cette politique aura des conséquences désastreuses sur les conditions de travail des fonctionnaires en poste. Les témoignages affluent qui décrivent l’asphyxie des services publics : maintenant les fonctionnaires, pour pouvoir travailler, sont obligés d’interdire ou de fermer l’accès des services au public pendant un certain nombre de demi-journées.
Alors que l’éducation nationale souffre d’un déficit chronique de postes de professeur et qu’elle doit faire face aux répercussions des politiques antisociales sur la jeunesse, pouvez-vous imaginer que l’on demande à un professeur de 62 ans de continuer à enseigner dans de telles conditions ?
Dans l’armée, on rappelle les retraités quand il y a des « coups de bourre ». Aura-t-on recours à cette pratique dans l’éducation nationale ? Sollicitera-t-on de plus en plus les retraités,…
M. Nicolas About. Pourquoi pas ?
M. Guy Fischer. … ce qui contribuera à restreindre encore la création de postes ?
Cette réforme ne résout aucun problème ; elle ne fait que les déplacer. En appliquant à la fonction publique le rehaussement de l’âge de la retraite, le Gouvernement troque des retraités contre des chômeurs et détériore encore plus les conditions de travail des fonctionnaires.
M. Nicolas About. Vous préférez les petites pensions ?...
M. Guy Fischer. Par le biais de la contractualisation, nous assistons à l’explosion de la précarité dans les fonctions publiques, d’où l’incertitude sur l’avenir et le mécontentement qui se manifeste dans les rues ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Nous abordons ici le débat sur la fonction publique et sur les conséquences de la réforme des retraites pour les fonctionnaires. Je souhaiterais que l’on ouvre les yeux sur les retombées de ce projet de loi.
Cette réforme a été présentée comme incontournable. Très souvent, de façon extrêmement pertinente, nos débats ont éclairé, métier par métier, les effets concrets que celle-ci aurait sur la situation des assurés.
Le Gouvernement semble ne pas l’avoir compris, la retraite est un sujet qui concerne tout le monde. Il n’a pas compris que, à un moment ou à un autre, chaque Français allait, sans s’occuper du matraquage et de la propagande auxquels il pouvait être soumis, essayer de saisir ce qu’une telle réforme signifierait concrètement pour lui, demain, personnellement. Or tous nos concitoyens se rendent compte, quelle que soit leur situation, que ce texte va dans le sens d’une aggravation.
M. Nicolas About. Ce n’est pas une aggravation, c’est un changement des règles : elles seront les mêmes pour tous !
M. David Assouline. Quant aux jeunes – M. Bodin l’a souligné hier –, s’il est vrai qu’ils ne font guère de projections concernant leur future retraite, ils regardent simplement la situation de leurs parents.
M. Nicolas About. Qu’ils regardent aussi celle de leurs grands-parents et de leurs arrière-grands-parents !
M. David Assouline. Ils ne veulent pas que leur père et leur mère, souvent usés par le travail, travaillent jusqu’à 67 ans.
En ce qui concerne les fonctionnaires, leur situation est paradoxale. Ils doivent faire face, cela a été souligné, à la fois à une réduction des moyens et à une pression sur le rendement, qui est constatée un peu partout : police, enseignement, etc. Cet état de fait crée une situation spécifique de stress et de fatigue au travail, et rend plus difficile, malgré toute la bonne volonté dont les fonctionnaires font preuve, le bon accomplissement de la mission de service public dont ils sont chargés, ce qui entraîne le mécontentement des usagers.
Pour ce qui est du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, j’aurais aimé que des projections soient réalisées. Car l’application de ce principe signifie, de fait, que la fonction publique offrira moins de postes aux jeunes. Ajouter à cette mesure l’allongement de l’âge de départ à la retraite fera mécaniquement, et de façon assez rapide, vieillir l’ensemble de la fonction publique, quels que soient les métiers. Ce vieillissement sera plus accentué que le vieillissement de la population dans son ensemble.
Comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que les profs enseignent avec enthousiasme jusqu’à 67 ans dans des quartiers difficiles, où l’éducation nationale a déjà des difficultés à les convaincre d’aller travailler, surtout s’ils sont privés de moyens ? Quand je parle des profs, je souligne qu’il s’agit bien souvent de femmes, car elles sont majoritaires dans l’enseignement. Ce sont donc elles qui trinqueront le plus,…
M. Nicolas About. Les enseignants ont néanmoins la meilleure espérance de vie, Dieu merci !
M. David Assouline. … car elles sont également concernées au premier chef par les interruptions de carrière que mes collègues ont évoquées.
Je souhaite, par ailleurs, dire un mot des policiers.
M. Nicolas About. Les policiers ne sont pas concernés par cet article !
M. David Assouline. Si, ils sont concernés : j’ai examiné le texte de façon précise !
Globalement, à terme, on va considérer que les policiers pourront travailler jusqu’à 64 ans. Vous imaginez ça ? Comment assurer le maintien de l’ordre à 64 ans ? Ça paraît tout de même difficile ! Le métier de policier exige que l’on soit dynamique, en bonne forme physique, d’autant que les policiers sont confrontés à des situations de plus en plus difficiles parce que la société est de plus en plus dure et qu’il est de plus en plus compliqué d’assurer ce service public de façon égale sur tout le territoire.
Faire vieillir le corps des fonctionnaires de police en obligeant chacun à travailler plus longtemps et en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et cela alors que leurs moyens sont réduits, c’est rassembler les ingrédients d’un cocktail explosif !
Les fonctionnaires ont raison, quelle que soit leur situation, de rejeter cette réforme. S’ils étaient aussi avantagés et nantis qu’on veut le laisser croire, ils n’auraient pas été aussi massivement présents et déterminés dans toutes les manifestations. Ils ont raison d’exprimer leur mécontentement et ils continueront de le faire !
M. Nicolas About. Ça, eux, ils peuvent manifester !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, je voudrais vous faire part d’un cas révélateur des difficultés que ce texte posera dans l’éducation nationale : ce n’est pas un cas unique et c’est pourquoi je crois légitime de l’évoquer, car nous faisons la loi pour tous et nous défendons l’intérêt général.
Une enseignante de mon département, la Seine-et-Marne, m’a dit son inquiétude et a attiré mon attention sur le fait que de nombreuses enseignantes ayant élevé trois enfants et ayant la possibilité de partir à la retraite souhaiteront faire valoir leurs droits rapidement avant le vote et la promulgation de cette loi. Or il se trouve que, si un enseignant fait valoir ses droits en cours d’année scolaire, il perd de l’argent. Après calcul, cette enseignante perdrait, pour sa part, si elle faisait valoir ses droits dès le mois d’avril, 200 euros par mois.
M. Guy Fischer. C’est très important !
Mme Nicole Bricq. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce qu’est une moins-value de 200 euros par mois pour un pensionné modeste…
Vous ne pouvez ignorer, monsieur le secrétaire d'État, que, s’agissant des obligations de service, les directeurs d’école ou les professeurs doivent achever l’année qui a été commencée.
M. Nicolas About. Les instituteurs, oui !
Mme Nicole Bricq. La coutume, qui ne repose peut-être sur aucune assise législative, veut que l’enseignant aille jusqu’à la rentrée suivante et soit présent le jour de la prérentrée, qui s’effectue au début du mois de septembre.
Cela pose le problème fondamental des remplacements. Si un enseignant fait valoir ses droits à la retraite et quitte ses fonctions au mois de mai, nommera-t-on un remplaçant jusqu’à la fin de l’année scolaire ?
M. Nicolas About. Oui, cela se passe ainsi dans les collèges... Je le sais, j’ai enseigné en collège !
Mme Nicole Bricq. Je pourrais vous parler longuement de la question des remplacements... Ainsi, dans mon département, le seul d’Île-de-France qui connaisse une expansion démographique, il arrive souvent qu’ils ne soient pas assurés. Et l’on sait ce que cela signifie pour les élèves et leurs parents !
Vous allez donc créer un problème, certes spécifique, mais qui traduit bien la politique aveugle que vous menez dans l’éducation nationale.
Mes collègues ont parlé de la RGPP ; je tenais, pour ma part, à évoquer ce problème récurrent des remplacements au sein de l’éducation nationale, car votre réforme des retraites va encore l’aggraver.
Sans faire de jeu de mots, le cas que j’ai mentionné n’est pas un cas d’école : il se rencontre déjà, concrètement. Et cela a une incidence sur les rémunérations des enseignants ainsi que sur leurs pensions de retraite.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En fait, monsieur le président, il s’agit plutôt d’une sorte de rappel au règlement, et celui-ci devrait vous réjouir, mes chers collègues : le préfet de police a suspendu l’usage des flash-balls après l’incident de Montreuil. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Christian Cointat. Eh bien oui, c’est très bien !
M. Nicolas About. Je souhaite, moi, que l’on suspende aussi les jets de pierres !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à remercier tous ceux, et notamment les sénateurs, qui ont pris la parole sur ce sujet, car ils ont sans doute contribué à la décision du préfet de police. Je m’en félicite, car tout le monde sait que le flash-ball est une arme dangereuse et que, face à une manifestation, elle est vraiment…
Mme Nicole Bricq. Inadaptée !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … inadaptée, en effet, quelle que soit la situation.
M. Nicolas About. Nous sommes d’accord !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est grâce à la mobilisation, déjà ancienne, en faveur de l’interdiction des flash-balls, que le Gouvernement, par l’intermédiaire du préfet, a pris cette décision !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, sur l’article.
M. Nicolas About. Je crois que Mme Bricq a mélangé, dans son intervention, les situations des instituteurs, des directeurs d’école, des professeurs de collège, etc. Or ils ne sont pas visés par les mêmes articles !
Les instituteurs sont, en effet, les seuls que l’on peut contraindre à terminer l’année, car leur statut est tout à fait particulier. Les professeurs de collège et de lycée, en revanche, prennent leur retraite au moment précis de leur date d’anniversaire correspondant à l’âge légal de départ à la retraite, même si celui-ci intervient en cours d’année.
Mme Nicole Bricq. Oui, mais le problème du remplacement va se poser !
M. Nicolas About. Je souhaitais simplement relever cette inexactitude, car ces situations sont loin d’être identiques.
Par ailleurs, quelle que soit la pénibilité du métier d’instituteur, je remarque que les instituteurs ont l’espérance de vie la plus longue du pays !
Mme Nicole Bricq. C’est aussi le métier où il y a le plus de dépressions !
M. Nicolas About. Ils vivent, en moyenne, jusqu’à 88 ans. Comme ils prennent leur retraite à 55 ans, ils bénéficient d’une retraite aussi longue que leur période d’activité, soit trente-trois ans ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. René-Pierre Signé. Ça ne veut rien dire !
M. Nicolas About. Mme Borvo Cohen-Seat peut glousser, comme à son habitude, mais cela ne change rien à la réalité ! (MM. Adrien Gouteyron et Jacques Gautier approuvent. –Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Leur espérance de vie est très variable !
M. Nicolas About. Vous êtes agressifs dès que nous ne sommes pas d’accord avec vous ! Vous êtes terriblement intolérants !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous apporter quelques éléments de réponse, avant de vous laisser reprendre votre dialogue si constructif, si riche, si intéressant...
J’essaierai de ne pas entrer à mon tour dans ce jeu de caricature qui caractérise, malheureusement, certaines de vos interventions.
Vous n’étiez pas visé par cette remarque, monsieur le président Domeizel. Vous avez cependant dit quelque chose d’inexact : la progressivité se faisant à raison de quatre mois par an, le passage de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans se fera non en cinq ans, comme vous l’avez dit, mais en six ans, de 2017 à 2023. La montée en puissance se fera jusqu’en 2023. Nous sommes donc dans une logique à la fois de progressivité et de long terme. J’espère que cela pourra tempérer quelque peu vos inquiétudes, monsieur le sénateur !
S’agissant de la cessation progressive d’activité, la CPA, comme je l’ai dit hier, il n’y aura évidemment pas d’interruption ; l’activité sera prolongée de façon à éviter à toute rupture par rapport au versement de la pension.
Pour votre part, monsieur Muller, vous avez tenu des propos franchement caricaturaux. Vous seriez un élu de terrain, tandis que nous serions coupés du peuple... Cela n’a pas de sens !
Je suis élu comme vous, monsieur le sénateur – peut-être même depuis plus longtemps ! –, et ma circonscription n’est nullement à l’abri des difficultés du temps. Je ne revendique rien de plus que vous, et vous n’avez rien à revendiquer de plus que moi ! Quand je suis dans ma circonscription et dans ma commune, je travaille, tout comme vous, au contact de la population ! Je vous prie donc de bien vouloir éviter ce genre de mise en cause personnelle, même exprimée avec courtoisie. Cela élèverait le débat démocratique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous avez évoqué la baisse de la masse salariale, qui entraînerait une baisse des cotisations et aurait pour conséquence une aggravation du déficit. Votre conception de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est, elle aussi, quelque peu caricaturale ! Vous faites, en effet, un calcul à court terme, alors que cette règle s’inscrit, par définition, dans une perspective à long terme.
La politique du « un sur deux » ne produit pas les économies que vous avez décrites – certainement en toute bonne foi. En réalité, cette mesure dégage approximativement 1 milliard d’euros d’économies par an, dont 700 millions d’euros ont été reversés aux fonctionnaires sous forme de mesures catégorielles.
Je tiens à préciser à celles et ceux d’entre vous que cela intéresserait qu’une grande partie de ces 700 millions d’euros a été reversée à l’éducation nationale. Les 200 millions d’euros dédiés à notre politique de mastérisation proviennent ainsi directement de l’application de cette règle du « un sur deux ». Sur le court terme, nous suivons donc plutôt une logique de retour catégoriel que d’économies, même si 350 millions d’euros ont été, d’ores et déjà, dégagés.
Vous avez affirmé, ensuite, que la RGPP se traduisait par un gel des salaires.
M. Jacques Muller. Non, par une réduction de la masse salariale !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Relisez donc le rapport de la Cour des comptes ! Je rappelle que celle-ci est présidée par M. Didier Migaud, auprès duquel j’ai travaillé pendant de nombreuses années au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Le rapport de M. Migaud dit que nous devrions procéder à un gel des salaires ; or nous ne le faisons pas !
Je vous invite à examiner l’évolution du pouvoir d’achat dans la fonction publique, c’est-à-dire celle des revenus réels des fonctionnaires d’une année sur l’autre, notamment en tenant compte du GVT, le glissement vieillesse technicité. Je suis prêt à en débattre avec vous ! Vous constaterez que, depuis 2000, l’augmentation du pouvoir d’achat n’a jamais été inférieure à 0,5 %,...
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que dit la Direction générale de l’administration !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. ... et ce même en 2003, qui était une année « blanche », c’est-à-dire sans augmentation du point d’indice ! Toutes les statistiques, tous les documents de l’INSEE et de la Cour des comptes l’attestent. Il faut savoir de quels chiffres nous parlons !
Vous confondez, sans doute volontairement – car je ne peux pas croire que vous l’ignoriez ! –, le point d’indice, d’une part, et l’augmentation du pouvoir d’achat, d’autre part.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. L’augmentation du point d’indice, qui fait l’objet de discussions avec les représentants syndicaux, est effectivement de l’ordre de 0,3 %, 0,4 %, 0,5 %, parfois 0,8 %. En 2010, elle s’élève à 0,5 %.
L’augmentation globale de la rémunération, ou du pouvoir d’achat, est quant à elle abondée par le GVT, d’une part, et par les mesures catégorielles que nous prenons, d’autre part.
Tous les documents, quels qu’ils soient, indiquent que les rémunérations sont en augmentation dans la fonction publique. Je le dis d’autant plus volontiers que le rapport de la Cour des comptes, remis voilà quelques jours, prend acte du fait que nous avons augmenté ces rémunérations de 0,5 % pour 2010 et annoncé le gel de celles-ci seulement pour 2011.
La Cour des comptes a donc calculé que nous faisions plus que tous les autres gouvernements, qui ont commencé par baisser les rémunérations, avant de les geler pendant plusieurs années. Pour notre part, nous avons préféré les augmenter en 2010, avant de les geler en 2011. La Cour nous recommande de prolonger ce gel.
Voilà un grand mystère : les responsables socialistes qui prennent la tête d’institutions comme la Cour des comptes ou le Fonds monétaire international préconisent, dans leurs rapports, l’inverse de ce que réclament les ténors socialistes à l’Assemblée nationale ou au Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. M. Muller est un Vert !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je vous renvoie à la lecture du rapport de la Cour des comptes, comme M. Woerth vous a renvoyé à celle du rapport du FMI !
Votre intervention, madame Khiari, était également assez virulente ! (Mme Nicole Bricq le conteste.)
Je vous répondrai sur deux points.
Tout d’abord, je ne crois pas que le parti socialiste ait fait la moindre proposition concernant les nécessaires mesures de convergence.
Par ailleurs, vous avez employé une expression assez extraordinaire : nous voudrions « mettre au pas les fonctionnaires » ! Comment pouvez-vous parler ainsi de la politique que nous mettons en œuvre ?
S’agissant de la seule réforme des retraites, je me permets de vous rappeler, madame la sénatrice, que nous n’avons pas aligné, pour des raisons que j’ai exposées plusieurs fois, le régime du public, c'est-à-dire le calcul effectué à partir des six derniers mois de carrière, sur celui du privé, à savoir la prise en compte des vingt-cinq meilleures années. Nous avons en effet considéré que cette mesure était inutile, car les pensions versées sont sensiblement identiques. Nous sommes donc bien loin du dogmatisme ou de la mise au pas !
En ce qui concerne les régimes spéciaux, nous aurions pu légitimement nous interroger sur l’opportunité d’accentuer la montée en puissance de la réforme de 2007-2008. Or nous ne le faisons pas, car nous préférons que les agents qui relèvent de ces régimes spéciaux aient le temps de s’adapter à cette montée en progression, sans être brusqués. C’est l’inverse d’une mise au pas !
Pour la politique des revenus, c’est la même chose, comme je l’ai déjà dit à M. Muller. Nous faisons l’inverse de ce qui se pratique partout ailleurs et de ce que préconisent certains grands organismes.
Dans le cadre de la réforme des retraites, nous nous refusons à prendre bien d’autres mesures, qui ne seraient pourtant pas illégitimes. Ainsi, nous aurions pu aller plus loin en matière de pensions de réversion ou de minimum garanti, que nous ne réformons qu’en partie.
Si nous ne le faisons pas, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que nous avons, contrairement à ce que vous dites, un profond respect pour la fonction publique et les fonctionnaires ! Et je sais de quoi je parle, car je travaille depuis des années sur ces questions.
Madame Khiari, ce n’est pas en caricaturant les mesures que nous prenons...
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas son style !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. ... que vous parviendrez à justifier vos prises de position.
Les mesures que nous prenons ne sont en aucun cas excessives, comme nous le montrerons à l’occasion de l’examen des prochains articles.
Vous avez décrit la RGPP comme s’appliquant de manière homogène, indifférenciée. Or elle prévoit, malgré tout, l’augmentation de certains effectifs. C’est le cas de la justice.
M. Guy Fischer. C’est bien le seul ministère !
Mme Nicole Bricq. Il y a un tel rattrapage à faire !
M. René-Pierre Signé. Et les enseignants ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Dans d’autres ministères, les effectifs sont stables.
La France compte 5,2 millions de fonctionnaires, soit le taux rapporté à la population active le plus élevé des pays dont l’économie est comparable.
Au cours des deux ou trois dernières années, les effectifs centraux de la fonction publique de l’État ont diminué et ceux des organismes rattachés, c’est-à-dire les opérateurs, ont légèrement augmenté, ce qui stabilise à peu près la situation.
Si vous vous gardez des caricatures, vous voyez que je suis à votre entière disposition pour débattre de façon approfondie sur les chiffres !
M. Fischer a évoqué la précarité dans la fonction publique. Il est vrai que des situations précaires existent. Le Gouvernement a donc décidé d’ouvrir un chantier, en concertation avec les organisations syndicales, sur la question des contractuels.
Certains contractuels de la fonction publique ne se voient pas proposer de CDI à l’issue de trois contrats à durée déterminée de deux ans ou de deux contrats de trois ans. Sur la base des discussions que nous avons entamées avec les syndicats, nous aurons l’occasion de présenter un projet de loi destiné à résoudre ce problème. Nous sommes tout à fait prêts à travailler sur des dossiers bien identifiés !
Vous m’avez interpellé, madame Bricq, sur la question des enseignantes mères de trois enfants, qui pourraient subir une diminution substantielle de rémunération de l’ordre de 200 euros.
Sur les quinze ans et les trois enfants, le dispositif a été substantiellement modifié. La dernière modification conduit à exonérer de l’application de la nouvelle règle les personnes qui se trouvent à cinq ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Cela signifie que, en ce cas, l’augmentation de la rémunération, telle qu’elle sera versée dans les cinq prochaines années, permettra de compenser le manque à gagner.
Là encore, cela montre que, quand un problème est clairement identifié – et c’était bien le cas du problème que vous avez évoqué –, nous sommes en mesure de le régler. C’est ce qui a été fait avec le vote d’un amendement à l’Assemblée nationale. Je peux donc vous rassurer sur ce sujet.
Je résumerai mon propos en trois points.
Premièrement, cet article 11 va-t-il aboutir à une application brutale de la règle ? La réponse est non. On commence en 2017 et l’on va jusqu’en 2023. C’est donc une application progressive de la mesure.
Deuxièmement, est-il lié à une RGPP qui serait dommageable pour la fonction publique ? La réponse est non. La RGPP aboutit aujourd’hui à un retour vers les agents publics qui est tout à fait important en matière de rémunération. Elle permet aussi, je tiens à le souligner, de financer bien des réformes.
Troisièmement, serait-il justifié que l’on exonère une certaine partie de la population d’une mesure qui s’applique à tout le reste de la population ? La réponse est non.
Voilà pourquoi je suis profondément convaincu du bien-fondé de cet article 11. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Merci de m’avoir répondu !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Une nouvelle fois, M. le secrétaire d'État vient de citer le FMI. Il est vrai que, de raccourcis en amalgames, toujours avec une certaine dose de mauvaise foi, le Gouvernement tente depuis quelques jours de faire croire que le FMI et son président ont érigé une statue à la gloire de votre réforme. Quelques précisions s’imposent donc.
Reconnaissons-le, le FMI trouve des qualités à votre réforme. Mais, tout n’est pas rose pour autant, et le rapport est loin d’être tendre avec votre approche. Par exemple, dans ce fameux rapport du 6 octobre dernier, le FMI estime que les efforts que vous demandez aux Français sont « parmi les plus élevés des pays membres ». Rappelons qu’il y a 187 États membres.
En outre, ce que vous omettez de dire quand vous nous interpellez, c’est que ce rapport du FMI juge également nécessaire une hausse des impôts en France, et plus particulièrement des impôts sur le patrimoine, c'est-à-dire précisément ceux que vous vous refusez à augmenter.
Même le très libéral FMI admet que la part du capital dans la production de richesses est devenue telle qu’on ne peut plus se contenter de pressurer les classes moyennes et le fruit du travail. Mais vous persistez à défendre le « sanctuaire » du capital.
Enfin, puisque vous nous rebattez les oreilles avec ce rapport du FMI, permettez-moi de vous rappeler que, en juin dernier, ce même FMI estimait qu’il était important « qu’une consultation publique ait lieu sur une telle réforme décisive ». Dans une démocratie, une « consultation publique », cela peut aller d’une véritable négociation avec les partenaires sociaux à un référendum. Vous n’avez fait ni l’une ni l’autre.
Alors, de grâce, arrêtez d’en appeler au FMI uniquement quand cela vous arrange, et surtout pas lorsque le FMI vous dit que les taux de prévision de croissance sont surestimés de votre part.