M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Nous en sommes donc parvenus à l’article 1er bis.
Article 1er bis
(Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Je souscris aux propos de M. le président de la commission des finances, car les aspects financiers sont en effet importants dans une réforme telle que celle-ci.
L’article 1er bis, inséré dans ce projet de loi à la suite de l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale, marquait bien les limites des affirmations du Gouvernement quant à sa volonté de sauver le système de répartition à la française.
En effet, comme le rappelle M. Leclerc dans son rapport écrit, le Gouvernement indiquait à l’Assemblée nationale qu’« il est légitime, lorsque cette situation apparaîtra, de s’interroger sur un éventuel transfert de recettes ou de charges entre régimes », au sein tant des régimes de retraite que, plus généralement, des régimes de protection sociale. Ce n’est pas acceptable.
Vous auriez pu envisager, plutôt qu’un siphonage de l’Association générale des institutions de retraites des cadres, l’AGIRC, et de l’Association des régimes de retraites complémentaires, l’ARRCO, dénoncé à juste titre par M. Leclerc, de prendre l’argent là où il est et de favoriser une politique de l’emploi fondée sur l’investissement des bénéfices dans l’outil de production et non pas sur les marchés financiers.
Prendre l’argent là où il est, c’est taxer les revenus financiers des entreprises de manière efficace et substantielle, c’est supprimer les exonérations de cotisations sociales qui sont aujourd’hui accordées aux entreprises alors que ces dernières jouent contre l’emploi, donc contre le renflouement de la protection sociale.
Prendre l’argent là où il est, c’est aussi mettre un terme au bouclier fiscal, aux parachutes dorés et aux stock-options, à ce triptyque de la honte qui symbolise le choix de la finance contre celui de l’emploi.
Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, comme vous l’avez d’ailleurs déjà fait, que l’on ne peut pas fiscaliser les régimes de retraites au nom de la répartition. Certes, mais au nom de la défense du régime de retraite par répartition, on peut décider une politique publique volontariste qui taxe l’investissement financier et favorise l’investissement productif.
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir qu’un million d’emplois, même s’ils sont rémunérés au SMIC, rapportent près de deux milliards et demi d’euros de cotisations pour les retraites ?
Pour engager la rupture que nous proposons, c’est-à-dire une vraie rupture, il faut prendre les mesures fortes que j’évoquais voilà un instant. Une taxation des revenus financiers, une politique énergique de l’emploi, une relance pour un nouvel investissement productif sont les fondements d’une politique alternative en matière de retraite.
L’article 1er bis, qui a été supprimé par la commission, avait un champ bien limité, volontairement limité selon nous. Nous entendions, lors de la discussion de cet article, vous faire part de propositions de financements nouveaux. C’est un débat central que vous vous refusez pourtant à engager. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Cette intervention sur l’article 1er bis me permet de reprendre la discussion sur le financement de la réforme qui s’est engagée tout à l’heure à propos des rappels au règlement.
Sans doute M. Woerth me trouvera-t-il entêté, mais lorsque, dans une discussion exempte de toute hypocrisie, un parlementaire pose la même question à plusieurs reprises, il convient à tout le moins de lui répondre.
Monsieur le ministre, vous soutenez que votre réforme est financée et vous vantez la crédibilité du financement retenu. C’est la grande entourloupe de ce projet de loi. Elle a des conséquences sur tous articles, et je ne parle même pas de la nature injuste du financement, qui a été condamné sans appel.
Dans le tableau que vous avez remis à la presse lors de la présentation de votre réforme, figurait une contribution de l’État de 15 milliards d’euros. Cette contribution sera-t-elle, dans un premier temps, prélevé sur le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, qui fut abondé sous la gauche, mais jamais sous la droite ? Dans l’affirmative, le fonds sera vite tari. Doit-on en déduire que, pour les années suivantes, c’est-à-dire jusqu’en 2018, puisque vous vous êtes arrêté là, vous ferez appel au déficit ? Il faut que les Français le sachent, afin qu’ils soient assurés de la vérité, de la pérennité de votre réforme.
En matière de financement, il y a une forme d’hypocrisie. On oppose l’article 40 à des amendements d’origine parlementaire, émanant en général des rangs de l’opposition, et on les retoque sans qu’ils aient même pu être présentés en séance publique. Mais le niveau d’exigence n’est pas toujours aussi élevé. Le Gouvernement, qui devrait pourtant donner l’exemple, se permet bien souvent de faire des annonces et de présenter des projets de loi non financés, à commencer par celui dont nous discutons en cet instant.
Je tiens également à évoquer un élément révélateur du climat politique actuel. La discussion se poursuit dans cette enceinte, bien qu’il se passe des choses à l’extérieur. Depuis quarante-huit heures, et non pas seulement à la suite des déclarations qui auraient été faites hier soir, vous vous acharnez à stigmatiser les jeunes de ce pays. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Je tenais à vous dire en toute tranquillité, en dehors de toute appréciation sur ce projet de loi, que les jeunes ont un comportement responsable lorsqu’ils s’intéressent aux affaires de la cité, à des questions qui les concernent, lorsqu’ils participent à des manifestations collectives avec des adultes et des personnes âgées, exprimant ainsi leur solidarité intergénérationnelle. Aujourd’hui, des jeunes, des personnes âgées, parfois même très âgées, agissent ensemble et dans la bonne humeur. Ce sont des moments rares dans une société.
Vous, vous préférez les jeunes qui sont dociles et infantilisés. Vous considérez que ces jeunes-là sont les vrais jeunes. Mais dès qu’ils s’impliquent dans une action positive, vous les stigmatisez ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Vous prenez une certaine responsabilité lorsque vous attaquez des responsables politiques qui participent à la vie démocratique en qualité de parlementaires ou de responsables de parti, qui ont choisi le Parlement et la voie démocratique pour exprimer leur opposition. Vous attaquez des dirigeants syndicaux, notamment de jeunes lycéens et étudiants, alors que leur action s’inscrit dans un cadre démocratique prévu par nos institutions.
En stigmatisant les jeunes, en les attaquant, en cherchant à les décrédibiliser, au lieu de respecter le caractère pacifique et démocratique des manifestations, vous mettez de l’huile sur le feu. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Paul Emorine. Manipulateur !
M. David Assouline. Nous avons l’impression que vous espérez que des incidents se produisent. Ne comptez pas sur nous ! La démocratie, c’est le droit de manifester, le droit de grève et le droit d’amendement. Nous sommes des démocrates et nous exerçons ces droits dans le respect de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le parti socialiste joue au pompier pyromane : il allume l’incendie avant d’essayer de l’éteindre. (Tout à fait ! sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Le vrai lieu de la démocratie, c’est ici, au Parlement. C’est là que s’expriment les représentants élus par le peuple. Ensuite, il y a des associations au sein desquelles on peut parler, s’exprimer. Et, Dieu merci, cela fonctionne bien ainsi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et dans les assemblées locales, il n’y a pas de démocratie ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Assouline, nous ne stigmatisons personne, nous ne méprisons ni n’insultons personne, nous ne sommes arrogants avec personne.
Vous nous attaquez à longueur de journée, et c’est normal ; mais dès que nous répondons, que nous exprimons une opinion, …
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’en avez pas !
M. Éric Woerth, ministre. … que nous manifestons notre désaccord, alors là, c’est épouvantable. La démocratie serait mise à mal et vous nous accusez de vous mépriser : un peu de sérieux, je vous en prie !
Monsieur le sénateur, je vais apporter une réponse sérieuse à votre question relative à la contribution de l’État de 15 milliards d’euros, que vous me posez depuis quelques jours.
M. Jean-Jacques Mirassou. Enfin !
M. Éric Woerth, ministre. Je n’en avais pas encore trouvé l’occasion, mais, compte tenu de la durée de nos débats, j’étais persuadé qu’elle se présenterait.
La réforme que nous vous présentons est bien évidemment financée. L’objectif premier de cette réforme est de combler les déficits des régimes de retraites. Nous n’avons eu de cesse de répéter que la première des injustices, c’est le déficit. On ne peut pas financer les retraites en empruntant de l’argent sur les marchés financiers dès le mois de novembre. Cela reviendrait à construire les retraites des Français sur des fondements peu solides.
À l’horizon 2018, le solde négatif des régimes de retraites devrait être de 43,8 milliards d’euros, avant réforme.
Pour parvenir à l’équilibre, nous devons jouer sur les grandes masses financières. Les mesures d’âge, c’est-à-dire le relèvement des bornes d’âge à 62 ans et 67 ans, représentent 18,6 milliards d’euros pour 2018 et 20 milliards d’euros pour 2020, soit un peu moins de la moitié du déficit prévisionnel.
Par ailleurs, 7,2 milliards d’euros de recettes proviennent des recettes supplémentaires et de la convergence entre les taux de cotisation du secteur public et du secteur privé.
Nous mobiliserons également le Swap UNEDIC, c’est-à-dire le transfert vers l’assurance vieillesse de cotisations destinées au régime de l’assurance chômage. Ce transfert avait été d’ailleurs prévu dans la loi Fillon de 2003, mais nous n’avons pu le mettre en œuvre du fait de la crise. Cette mesure se justifie, car, dans l’hypothèse d’une amélioration, que nous espérons tous, du marché de l’emploi, l’UNEDIC reviendra vite à l’équilibre. Il est donc légitime, à taux de prélèvements constants, de transférer des cotisations de l’assurance chômage vers l’assurance vieillesse. Nous retenons les taux d’emploi avancés dans les prévisions du Conseil d’orientation des retraites.
L’effort de l’État passera progressivement de 13,6 milliards d’euros à 15,9 milliards d’euros. C’est la contribution de l’État, donc des contribuables, au financement des retraites. Cet effort tient compte du déficit du compte d’affectation spéciale, le CAS. Aux termes d’une convention de calcul assez simple qui a été élaborée par le Conseil d’orientation des retraites, sur laquelle nous ne revenons pas, la contribution de l’État représente l’argent qui a été dépensé en plus par rapport à l’année 2000, c’est-à-dire depuis dix ans, pour la fonction publique.
Ces 15 milliards d’euros seront financés par l’État,…
M. Jean-Louis Carrère. Par la fiscalité !
M. Éric Woerth, ministre. … et figureront dans le budget de l’État.
Si nous devions financer cette contribution autrement, la seule manière juste de le faire serait de solliciter les fonctionnaires puisqu’il s’agit des régimes de la fonction publique. Si vous contestez mon raisonnement, allez jusqu’au bout du vôtre. Il faut soit demander aux fonctionnaires de financer 15 milliards d’euros supplémentaires de cotisations, soit demander aux retraités d’accepter une diminution de leurs pensions. Nous avons bien entendu considéré qu’une telle alternative n’était pas envisageable.
M. Jean-Louis Carrère. Il y a d’autres méthodes !
M. Éric Woerth, ministre. Non, monsieur Carrère. Si nous ne stabilisions pas cet abondement à long terme, notamment grâce aux mesures de convergence, la contribution de l’État passerait de 13 milliards d’euros à 15, 17, puis 22 milliards d’euros dans les dix ans qui viennent.
M. Jean-Louis Carrère. C’est une caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Nous freinons donc l’évolution de ces dépenses en stabilisant ces dernières à leur niveau de l’année 2000.
Si vous voulez faire autrement, affichez nettement la couleur et dites aux fonctionnaires que c’est à eux de payer !
Mme Annie David. Ils paient déjà assez comme cela !
M. Guy Fischer. Ils paient même déjà trop !
M. Éric Woerth, ministre. Pour notre part, nous avons considéré que ce n’était pas une bonne solution.
Mme Gisèle Gautier. Je demande la parole.
M. le président. Est-ce pour vous exprimer sur l’article 1er bis, ma chère collègue ?
Mme Gisèle Gautier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Dans ces conditions, je vous donne la parole.
Mme Gisèle Gautier. Permettez-moi de réagir à l’intervention de M. Assouline, que sous-tend une audace dont il est d’ailleurs coutumier. À l’entendre, nous serions responsables de certains dérapages.
Des jeunes participent à une manifestation, après tout, on peut, comme vous le faites, considérer que c’est normal, que cela traduit leur sens des responsabilités, leur inquiétude de l’avenir. Mais permettez-moi de vous faire part d’une observation. Hier, comme tout un chacun, j’ai regardé des reportages sur les manifestations. Dans une interview diffusée sur une chaîne qui n’a pas la réputation d’être proche de la majorité gouvernementale (Laquelle ? sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), un journaliste interrogeait deux lycéennes de quinze ou seize ans, leur demandant ce que signifiait le badge qu’elles portaient : « On ne sait pas, on nous l’a donné ! », ont-elles répondu.
M. Jean-Louis Carrère. L’UMP en a vendu beaucoup plus pour la campagne d’Édouard Balladur ! Des millions !
Mme Gisèle Gautier. Le journaliste leur demanda ensuite ce que signifiaient les trois lettres écrites sur leur badge. Je respecte la CGT comme l’ensemble des syndicats, car nous avons besoin des partenaires sociaux. Mais quelle ne fut pas ma surprise d’entendre ces deux jeunes filles répondre à nouveau : « on ne sait pas ! ».
Et c’est ainsi que l’on remplit les rues de jeunes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
Mme Gisèle Gautier. … qui, sans être irresponsables, ne sont pas tout à fait au courant de la réforme. C’est ainsi que l’on gonfle les chiffres !
Je ne pense pas que ces méthodes soient raisonnables. Je pense qu’il faut agir différemment : ces jeunes sont responsables mais il convient de ne pas les instrumentaliser…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que voulez-vous prouver ?
Mme Gisèle Gautier. … Ce sont vos mots que j’emploie. Je disais donc qu’il convient de ne pas les instrumentaliser, de ne pas les formater…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les jeunes de l’UMP, ne sont-ils pas formatés ?
Mme Gisèle Gautier … mais de les rendre responsables et faire en sorte qu’ils soient au courant de ce qui se passe dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’aimez pas la jeunesse !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Je vais parler sur l’article 1er bis, comme ma collègue Mme Gautier vient de le faire. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Ainsi donc, il suffit que nous ne soyons pas dans l’hémicycle pour que nos amendements sautent ! Après avoir sereinement pris place ici et m’être préparé à défendre l’amendement n° 253, j’apprends que le Sénat m’a fait l’honneur d’avoir retiré, en mon absence, l’amendement n° 253 ! (Rires.)
Je voudrais donc proposer à M. Arthuis, président de la commission des finances, qui a félicité ses services d’être très fatigués, de laisser ces derniers prendre un peu de repos : qu’ils cessent d’exercer leur pouvoir de censure sur nos amendements ! Cela sera beaucoup plus simple !
L’amendement n° 253, que je n’aurai pas le plaisir de défendre, ne vise qu’à conforter les droits des salariés. Il est inacceptable qu’il soit retiré au nom de l’article 40. C’est incompréhensible !
M. Gérard Longuet. Cela s’appelle appliquer la Constitution !
M. Jean Desessard. M. Arthuis remercie le groupe socialiste de lui avoir permis de déceler l’irrecevabilité dans l’amendement des Verts. Je lui proposerais plutôt de remercier le groupe socialiste de lui avoir signalé l’erreur de ses propres services ! Je préférerais que cela soit formulé ainsi, car cela éviterait des malentendus. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 826, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, un rapport qui évalue les coûts pour les comptes sociaux et les avantages pour les assurés de la suppression des I, II, IV, VII et VIII l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 aout 2003 portant réforme des retraites.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Après toutes ces interventions sur l’article supprimé par la commission, je voudrais présenter l’amendement n° 826, qui est le premier d’une série de quatre amendements visant à proposer des recettes nouvelles pour notre système de retraites.
Cependant, du fait de l’article 40, nous avons été obligés de formuler notre proposition sous le couvert d’un rapport. En l’occurrence, il s’agit d’un rapport visant à mettre en évidence les conséquences néfastes pour les salariés de l'indexation de la durée de cotisation – pour bénéficier d'une retraite à taux plein – sur l'évolution du rapport constaté entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite.
Vous l’aurez compris, nous sommes là au cœur des effets de la loi Balladur de 1993, combinés à ceux de la loi Fillon de 2003. Nous le savons tous : la durée moyenne de retraite cache des réalités très disparates qui font de cette indexation automatique une profonde injustice.
La durée moyenne de retraite est très variable d'un régime à l'autre comme au sein d'un même régime. Elle l'est plus encore si l'on examine la situation des femmes et des salariés précaires, puisque le critère de la durée d'assurance pénalise ceux et celles qui ont mené des carrières professionnelles plus courtes ou discontinues.
C'est le cas des nombreuses femmes qui ont interrompu pour une durée plus ou moins longue leur carrière professionnelle à l'issue de leur maternité. C'est aussi le cas des travailleurs, de plus en plus nombreux, qui enchaînent contrats à durée déterminée, missions d'intérim et périodes de chômage.
Si le COR a montré dans ses rapports successifs que les écarts entre les durées de cotisation validées par les hommes et les femmes connaissent se réduisent lentement, on est encore bien loin de constater des durées équivalentes : les femmes ayant fait valoir leur droit à la retraite en 2004 avaient cotisé, en moyenne, vingt trimestres de moins que les hommes. Ces cinq annuités de moins correspondent à une décote de 25 % !
Selon nous, l'autre point qui doit faire débat concerne la durée d'assurance. Celle-ci s'ajuste de manière à maintenir constant le rapport entre la durée d'assurance et l'espérance de vie en retraite. Or, la notion d’« espérance de vie à la retraite » cache elle aussi des disparités qui nous conduisent à lui préférer celle d'« espérance de vie en bonne santé », c'est-à-dire sans limitation d'activité ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d'affections aiguës ou de traumatismes. Cette dernière statistique évolue moins vite.
Ainsi, en 2007, selon l’INSEE, l'espérance de vie à la naissance des femmes était de 84,4 ans et celle des hommes de 77,4 ans. Pour la même année, l'espérance de vie en bonne santé n’était, selon Eurostat, que de 64,2 ans pour les femmes et 63,1 ans pour les hommes.
Cet écart exige de s'interroger avec sérieux sur les conséquences néfastes pour les futures retraitées des nouvelles mesures que le Gouvernement veut faire adopter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 827, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui mesure l'efficacité en matière de création et de pérennité des emplois créés, grâce aux dispositions de l'article L. 5141-1 du code du travail.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Selon l’ACOSS, le montant cumulé des exonérations de cotisations s’élève à 260,6 milliards d’euros entre 1991 et 2008 inclus. Sur ce total, 221 milliards d’euros ont été compensés par nos impôts via le budget de l’État, pour un taux de chômage en constante augmentation. Il n’est nul besoin d'une évaluation pour constater l'inanité de votre politique économique face à la montée du chômage.
Et voilà qu’en 2008, après la loi de modernisation de l'économie instituant le statut soi-disant révolutionnaire de l’auto-entrepreneur – en réalité, le régime de la microsociété simplifiée garantissait déjà les mêmes avantages –, la loi généralisant le RSA a prévu une exonération de cotisations sociales pour les salariés privés d'emploi qui décident de créer une entreprise.
À la bonne heure ! Dans la droite ligne du « tous propriétaires » et du « tous patrons », le Gouvernement a cru trouver la solution miracle qui permettrait à la fois de relancer la croissance et de faire baisser le chômage par la création d'entreprises.
En réalité, le statut d’auto-entrepreneur conduit malheureusement à « désalarier » une partie de la population active. Un certain nombre de travailleurs se trouvent ainsi privés des relatives protections sociales que les luttes du mouvement ouvrier avaient réussi à attacher au statut de salarié.
Se mettre à son compte se traduit par une absence de couverture maladie et d’assurance chômage, de congés payés et de congés maternité. Si le statut de l’auto-entrepreneur s’apparente à celui des professions libérales, sa paye est celle d’un smicard, soumise à la pression des grands groupes capables de faire baisser les prix.
Précisons que, sur les 430 000 auto-entrepreneurs, seulement 59 000 ont déclaré avoir encaissé un chiffre d'affaires et 54 % d'entre eux ont cessé leur activité. Or, la circulaire du régime social des indépendants, datée du 9 avril 2009, stipule bien qu'en cas d'année civile incomplète – début ou cessation d'activité en cours d'année –, l'auto-entrepreneur ne validera un trimestre que si son chiffre d'affaires est au moins égal à des montants définis selon le type d'activité, compris dans une fourchette allant de 2 640 à 6 007 euros.
Autrement dit, la plupart d'entre eux, qui ont arrêté leur activité en cours d’années sans chiffre d’affaires, ne toucheront pas de retraite à taux plein. Rappelons-le : seuls 59 000 auto-entrepreneurs déclarent avoir enregistré un chiffre d'affaires !
En clair, ce dispositif s'apparente à un subtil maquillage d'une politique de déréglementation ultralibérale ayant vocation à pressurer un peu plus la protection sociale et à rendre encore plus précaires les conditions de vie des travailleurs.
Hervé Novelli a lui-même reconnu les dérives et les cas abusifs où des salariés ont été remplacés par des auto-entrepreneurs. Nous souhaitons donc qu'une évaluation réelle et objective du dispositif soit réalisée, afin de faire la lumière sur ces abus généralisés.
M. le président. L'amendement n° 828, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2010, un rapport évaluant le coût pour les comptes publics et les conséquences pour les assurés concernés d'une mesure permettant l'ouverture de droit à la retraite pour les bénéficiaires de l'allocation visée à l'article L. 5131-6 du code du travail.
La parole est à Mme Evelyne Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le contrat d'insertion dans la vie sociale, dont il est ici question, est un contrat conclu entre le service public de l'emploi et des jeunes de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle. Il vise à accompagner ces derniers vers un emploi stable et leur donne droit à la perception d'une allocation de l'État durant les périodes où aucune rémunération ou autre allocation n'est perçue.
Il s'inscrit donc dans la volonté de favoriser l'emploi des jeunes peu diplômés et de les sortir de la précarité à laquelle ils semblent inévitablement condamnés. Si ce n’est pas la panacée, ce contrat a pourtant le mérite d’exister.
Paradoxalement, les bénéficiaires de ce contrat d'insertion sociale ne sont pas autorisés à cotiser pour leur retraite. Dès lors, ils sont destinés soit à percevoir, plus tard, une pension d'un montant ridicule, soit à travailler encore et toujours plus, restant toujours cantonnés à des emplois précaires.
Les années d'études, les périodes de formation et les stages n'étant pas non plus pris en compte dans le calcul des cotisations du droit à la retraite, ils ne peuvent pas prendre le temps de se former pour accéder à des postes supérieurs et stables. La précarité ne peut ainsi qu'engendrer la précarité, dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
C'est pourquoi nous souhaitons, par cet amendement, demander que le Gouvernement remette au Parlement, avant la fin de l'année, un rapport évaluant le coût financier d'une mesure qui permettrait l'ouverture du droit à la retraite pour les bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale.
Les périodes d'inactivité et de précarité doivent être intégrées dans le calcul des droits à la retraite car elles sont le plus souvent subies. Le Gouvernement en est conscient, puisqu’il multiplie les mesures prétendant réduire le chômage des populations les plus fragiles.
Mais, passant fréquemment par un allègement des charges patronales, ces mesures ont prouvé qu'elles n'avaient pour effet, in fine, que de tirer les salaires vers le bas et de favoriser les emplois temporaires ou à temps partiel.
Quelle alternative va-t-on alors laisser aux jeunes ? Quoi qu’ils fassent, ils sont pénalisés. Comme à leurs aînés, il faut pourtant leur préserver le droit à une retraite décente. Ils ne doivent pas payer les conséquences de la gestion désastreuse des comptes sociaux, doublée d’une crise mondiale dont seul le grand capital est responsable. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ils manifestent aujourd’hui.
Combien coûterait à la collectivité le fait de permettre aux bénéficiaires de contrats d’insertion sociale de cotiser à la retraite ? C’est une question qui mérite d’être examinée. En tout cas, nous supposons que cela lui coûterait moins que le gigantesque manque à gagner qui résulte, chaque année, de la non-taxation à un niveau suffisant des revenus financiers et des niches fiscales.
Tel est le sens de l'amendement que nous vous proposons d'adopter.