Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.
2. Candidature à un organisme extraparlementaire
3. Dépôt d’un rapport du Gouvernement
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Guy Fischer, Jean-Pierre Bel, le président, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Gérard Le Cam, Claude Domeizel.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le président de la commission des finances.
5. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Article additionnel après l’article 1er bis A (réservé)
Mme Annie David, MM. David Assouline, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; le président, Mme Gisèle Gautier, M. Jean Desessard.
Amendement n° 826 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.
Amendement n° 827 de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 828 de M. Guy Fischer. – Mme Évelyne Didier.
Amendement n° 925 de M. Guy Fischer. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 926 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; le ministre, Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet de l’amendement no 826.
Mme Marie-Agnès Labarre. – Rejet de l’amendement no 827.
M. François Autain. – Rejet de l’amendement no 828.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Raymonde Le Texier, Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; MM. Claude Domeizel, le ministre, Paul Blanc. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 925.
Mme Odette Terrade. – Rejet de l’amendement no 926.
L’article demeure supprimé.
M. Guy Fischer, Mme Isabelle Pasquet, M. Claude Domeizel.
Amendement n° 77 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, M. le rapporteur, Mme la présidente de la commission, MM. le président, le ministre.
Mme Raymonde Le Texier.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 1223 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Claude Domeizel, Guy Fischer. – Rectification de l’amendement no 77 ; adoption des amendements nos 1223 et 77 rectifié.
Amendement n° 768 de M. Guy Fischer. – MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Christiane Demontès, M. Guy Fischer. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Mme Isabelle Pasquet, MM. Ronan Kerdraon, le ministre, Bernard Cazeau.
Amendements identiques nos 2 de M. Guy Fischer, 78 de Mme Christiane Demontès et 328 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Annie David, MM. Jean-Luc Fichet, Robert Tropeano, le rapporteur, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. – Rejet des trois amendements.
M. Guy Fischer.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 2 (réservé)
MM. Guy Fischer, Claude Domeizel, Mmes Claire-Lise Campion, Annie David, Odette Terrade, Évelyne Didier, M. Jean Desessard.
Amendement n° 973 de Mme Annie David. – M. François Autain
Amendement n° 972 de Mme Annie David. – M. Gérard Le Cam.
Amendement no 1193 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 305 de Mme Claudine Lepage. – M. Yannick Bodin.
Amendements identiques nos 242 rectifié bis de Mme Jacqueline Panis, 310 de M. Michèle André et 550 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mmes Jacqueline Panis, Michèle André, Catherine Morin-Desailly.
Amendement n° 84 de Mme Christiane Demontès. – Mme Claire-Lise Campion.
Amendement n° 389 rectifié de Mme Françoise Laborde. – M. Jean Milhau.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 973 et 305 ; adoption des amendements nos 972 et 1193.
Mmes Maryvonne Blondin, Michèle André, M. le secrétaire d'État, Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Morin-Desailly, MM. le rapporteur, Christian Cointat, Alain Gournac, Mme Marie-France Beaufils. – Adoption des amendements identiques nos 242 rectifié bis, 310 et 550 rectifié bis, l’amendement no 389 rectifié devenant sans objet ; rejet de l’amendement no 84.
Amendement no 1174 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Daniel Raoul. – Rejet.
Amendement n° 304 de Mme Claudine Lepage. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Christian Cointat. – Adoption.
Amendement n° 86 de Mme Christiane Demontès. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 87 de Mme Christiane Demontès. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Évelyne Didier. – Adoption.
Amendement n° 88 de Mme Christiane Demontès. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements identiques nos 89 de Mme Christiane Demontès et 974 de Mme Annie David. – Mmes Patricia Schillinger, Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État.
6. Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
8. Communication du Conseil constitutionnel
9. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendements identiques nos 89 de Mme Christiane Demontès et 974 de Mme Annie David (suite). – Mmes Marie-France Beaufils, Annie David, Raymonde Le Texier. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements identiques.
Amendement n° 1161 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. – Adoption.
Amendement n° 975 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 545 rectifié bis de Mme Isabelle Debré. – M. Jacques Gautier.
Amendement no 762 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 975 et 762 ; adoption de l’amendement n° 545 rectifié bis.
Amendement no 1192 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement no 1191 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 978 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
M. Guy Fischer, Mmes Raymonde Le Texier, Christiane Demontès, MM. Yves Daudigny, Alain Anziani.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3 (réservé)
MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer.
Adoption de l’article.
M. Guy Fischer.
Adoption de l’article.
Mme Annie David.
Amendement n° 94 de Mme Christiane Demontès. – Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 3 quinquies (réservés)
Amendement no 1222 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 854 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
Amendement n° 858 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.
Amendement n° 885 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre.
MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l’amendement n° 1222 rédigeant l’article ; les amendements nos 854, 858 et 885 devenant sans objet.
Article 3 septies. – Adoption.
Articles additionnels après l'article 3 septies (réservés)
M. Jean Desessard.
Amendement n° 879 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, M. Jean Desessard. – Rejet par scrutin public.
MM. Jean Desessard, Daniel Raoul, le ministre,
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Articles additionnels après l'article 3 octies (réservés)
M. Guy Fischer, Mmes Annie David, Évelyne Didier, Marie-Agnès Labarre, Josiane Mathon-Poinat.
Amendement n° 5 de M. Guy Fischer. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre, Thierry Foucaud.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Plancade pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
3
Dépôt d’un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles, le rapport relatif aux agréments des conventions et accords applicables aux salariés des établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif pour 2009 et aux orientations en matière d’agrément des accords et d’évolution de la masse salariale pour 2010.
Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour un rappel au règlement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, mes chers collègues, je vais m’efforcer de dissiper le malentendu qu’a pu susciter l’intervention de notre collègue Christiane Demontès lors d’un rappel au règlement relatif à l’application de l’article 40 de notre Constitution.
Si vous le permettez, mes chers collègues, je reprendrai les termes de son intervention : « L’article 45-1 [de notre règlement] est clair : la commission des finances contrôle la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution. Les amendements déclarés irrecevables ne sont même pas examinés en commission. Or, l’amendement n° 864 du groupe CRC-SPG, sur lequel nous venons de voter, est identique à notre amendement n° 58, qui, lui, a été déclaré irrecevable !
« Deuxième incident – il y en a peut-être d’autres : sur l’article 3, notre amendement n° 85 a été retoqué, accompagné d’une lettre aimable » – j’ai apprécié cette qualification (Sourires.) – « du président Arthuis ; mais l’amendement n° 253 identique, des Verts » – je pense qu’il s’agit des membres rattachés au groupe socialiste – « sera examiné. L’article 40 est fréquemment employé, sans autre forme de procès, dans des conditions qui s’apparentent à une censure, pour écarter nos propositions. Je demande que le président de la commission des finances rencontre la présidente de la commission des affaires sociales » – j’y suis naturellement tout à fait disposé ; nous avons d’ailleurs réuni ce matin les deux commissions pour traiter de l’allocation aux adultes handicapés –, « en présence de représentants des groupes. Il faut absolument clarifier les choses. Ces procédés sont inacceptables ! » Ces propos ont bien entendu été suivis d’applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste. (Sourires.)
M. Roland du Luart, qui présidait la séance, a répondu à notre collègue : « Le sujet mériterait d’être abordé demain en conférence des présidents. Il n’y a pas lieu, en effet » – il a raison – « de faire deux poids, deux mesures ».
À la suite de cet incident, j’ai pensé qu’il fallait non pas réserver mes observations à la conférence des présidents, mais les soumettre à notre assemblée, ce que je m’emploie maintenant à faire.
Sur le fond, je ferai remarquer que les amendements nos 864 du groupe CRC-SPG et 58 du groupe socialiste ne sont pas identiques.
L’amendement du groupe CRC-SPG dispose en effet que le Comité de pilotage des organismes de retraite « veille à » ce que soit garanti à tous les retraités un revenu de remplacement égal à 85 % du SMIC. Il vise donc à confier au comité une mission de veille, ce qui ne préjuge en rien du niveau réel des retraites. En conséquence, il a été déclaré recevable.
En revanche, l’amendement n° 58 du groupe socialiste non seulement ne se réfère pas au même article, mais aussi prévoit que les pensions « ne doivent pas » être inférieures à un revenu de remplacement au moins égal à 85 % du SMIC. Il s’agit donc d’une obligation de portée générale visant directement le niveau minimal des retraites. Cet amendement a donc été déclaré irrecevable.
M. Paul Raoult. C’est de la sémantique !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quant aux amendements nos 85 du groupe socialiste et 253 des Verts, ils ont bien fait l’objet d’un traitement différent, alors qu’ils étaient identiques et tous deux irrecevables. Cette situation est largement imputable – je vous y rends attentif, mes chers collègues, en sollicitant toute votre compréhension – aux conditions dans lesquelles la commission a dû statuer, c’est-à-dire expertiser au fond près de 1 200 amendements, souvent techniques, dans le cadre d’un délai limite fixé à la veille de l’examen des amendements par la commission.
M. Jean-Louis Carrère. C’est donc vous qui aviez tort !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette divergence a toutefois été corrigée, et l’amendement n° 253 a été déclaré irrecevable ce matin même. Par conséquent, il n’y aura pas de différence de traitement entre les amendements nos 85 et 253. Je remercie Mme Christiane Demontès de m’avoir permis de procéder, dans un souci d’équité, à cette rectification, afin qu’il n’y ait pas « deux poids, deux mesures ». (Sourires.)
M. Alain Milon. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enfin, selon Mme Demontès, « l’article 40 est fréquemment employé, sans autre forme de procès, dans des conditions qui s’apparentent à une censure, pour écarter nos propositions. »
Les statistiques du service de la séance, que je tiens à votre disposition, mes chers collègues, démentent l’existence d’un traitement défavorable des amendements émanant du groupe socialiste ou, plus largement, de l’opposition sénatoriale.
Sur le projet de loi portant réforme des retraites, 11 % des amendements socialistes ont été déclarés irrecevables, soit guère plus que pour les groupes CRC-SPG et RDSE, dont, respectivement, 9 % et 8 % des amendements ont été retoqués, et beaucoup moins que pour les groupes Union centriste et UMP, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) dont, respectivement, 22 % et 14 % des amendements sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Comme vous pouvez le constater, il n’existe pas de traitement discriminatoire.
M. Jean-Louis Carrère. Il commence à y en avoir un ! Vous parlez depuis maintenant 6 minutes !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Depuis le 1er juillet 2007, c'est-à-dire l’entrée en vigueur de l’examen a priori de la recevabilité, le taux d’irrecevabilité des amendements socialistes et du groupe CRC-SPG a été de 4 %, contre 3 % pour les amendements du groupe RDSE, 5 % pour les amendements du groupe UMP et 6 % pour les amendements du groupe Union centriste. (Protestations sur les mêmes travées.)
Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaite enfin rappeler que, en tant que président de la commission des finances, j’ai proposé à l’ensemble des groupes politiques, dès l’instauration de la procédure d’examen a priori de la recevabilité des amendements, de leur expliquer la portée de l’article 40 de la Constitution et les principes de sa mise en œuvre. En effet, je constate par moments une certaine incompréhension à cet égard. Cet engagement m’a encore conduit à intervenir récemment devant la commission de la culture du Sénat, à la demande de son président. Je suis, je le répète, à la disposition des présidents de chacun de nos groupes.
Enfin, la commission des finances est à la disposition des sénateurs, qui, avant le dépôt de leurs amendements, souhaiteraient soumettre à examen leur recevabilité financière. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Je souhaite, par ce rappel au règlement, interpeller une nouvelle fois Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Hier se sont déroulées des manifestations très importantes, puisque la presse les a qualifiées de « mobilisation monstre » et « mobilisation record ».
M. Paul Raoult. Y compris Le Figaro !
M. Guy Fischer. Cela témoigne de l’inquiétude de nos concitoyens concernant leur avenir et, plus particulièrement, ce projet de réforme des retraites.
Or, comme l’a confirmé M. le Premier ministre, le Gouvernement reste droit dans ses bottes. Pour votre part, monsieur le ministre, vous n’avez pas manqué de rappeler les trois principes intangibles, en particulier le relèvement des bornes d’âge, sur lesquels repose votre projet.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, nous souhaiterions vivement – cela s’est fait par le passé, notamment lors de la crise du CPE – que vous preniez une initiative en direction des organisations syndicales, pour sortir de l’impasse. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Je vous ai déjà interrogée hier à ce propos, mais vous ne m’avez pas répondu. Vous le savez, nous cultivons à loisir au sein de notre groupe une sorte de pédagogie, destinée à faire partager au plus grand nombre de Françaises et de Français nos préoccupations.
M. Jean-Paul Emorine. Ce n’est pas réussi !
M. Guy Fischer. En l’absence de concertation, cette initiative sénatoriale montrerait que le Sénat n’entend pas rester dans une situation figée et ne refuse pas d’entamer le dialogue avec les organisations syndicales, qui, vous le savez, sont fortement mobilisées et appellent les Françaises et les Français à manifester de nouveau leur vive opposition à ce projet dès samedi prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur Arthuis, nous admirons votre subtilité sémantique, qui vous permet de trouver des explications à des situations qui suscitaient de notre part de fortes interrogations. Je vous accorde, au nom de mon groupe, sans aucune difficulté, le bénéfice des circonstances atténuantes que vous avez demandées concernant l’erreur commise sur l’un des amendements que nous avons déposés.
Néanmoins, l’application de l’article 40 peut se révéler problématique, et nous découvrons à cette occasion que la commission des finances n’est pas infaillible et qu’elle peut se tromper.
M. Joël Bourdin. Seul le Pape est infaillible ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh non !
M. Jean-Pierre Bel. Elle vient de nous en faire la démonstration en déclarant irrecevable un amendement, cependant qu’elle en a accepté un second, identique au premier. Dès lors, on peut fort bien imaginer que la commission se soit trompée en d’autres occasions sans que nous ayons pu démontrer notre bonne foi ni faire valoir nos arguments. En effet, il nous est arrivé plus d’une fois de contester que certains de nos amendements soient déclarés irrecevables au titre de l’article 40.
Nous sommes d’autant plus vigilants que, depuis près d’un demi-siècle, la majorité n’a pas changé au sein de cette assemblée, exerçant ce que je n’irai pas jusqu’à qualifier d’hégémonie mais qui n’en est pas loin. Il est de la responsabilité de l’opposition de veiller à ce que certaines pratiques ne s’installent pas, car nous ne voudrions pas avoir le sentiment, comme c’est parfois le cas, que ses droits ne sont pas aussi bien respectés que certains se plaisent à le dire.
Monsieur le président de la commission des finances, notre intention n’est pas de monter en épingle cet incident, mais le porter à votre connaissance était bien le moins. Cela dit, nous vous saurions gré, tant en conférence des présidents, qu’en commission ou en séance, de veiller à ce que l’article 40 ne soit pas invoqué à mauvais escient afin que son application ne s’apparente pas à une forme d’abus d’autorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, plusieurs orateurs ont demandé à prendre la parole pour un rappel au règlement. J’invite chacun d’entre eux à énoncer clairement sur quel article du règlement est fondé ce rappel.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’associe bien évidemment aux protestations de nos collègues du groupe socialiste auprès de M. le président de la commission des finances. Pour autant, je ne crois pas que le groupe CRC-SPG ait bénéficié d’un traitement privilégié.
M. Jean-Louis Carrère. Nous ne le croyons pas non plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne peut le croire ! La rédaction de notre amendement était différente de celle de l’amendement de nos collègues socialistes précisément pour tenir compte de l’article 40.
Cet épisode nous confirme en tout cas qu’il est parfaitement anormal que ces questions d’irrecevabilité ne soient pas tranchées en séance publique, contrairement à la pratique antérieure. Simplement, la majorité s’est empressée de répondre aux sollicitations du Conseil constitutionnel, qui, en l’occurrence, a outrepassé, à mon avis, ses prérogatives à l’égard du Parlement. Vous êtes même allés plus loin en décidant que les amendements tombant sous le coup de l’article 40 ne seraient pas examinés en commission ! Dès lors, il ne faut pas s’étonner de ces erreurs ou de ces confusions.
Pour ma part, je suis opposée à l’article 40. À tout le moins, je souhaite que l’on s’en tienne à l’esprit de la Constitution et que l’irrecevabilité financière d’un amendement soit décidée en séance plénière et non en dehors de l’hémicycle, avant même son examen par la commission, interdisant par conséquent à l’opposition – mais pas seulement à elle – de s’exprimer publiquement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, depuis le début de nos débats et, plus globalement, depuis la présentation de votre projet de réforme des retraites, vous éludez la question du financement, dont chacun aura compris qu’elle était majeure.
Aujourd’hui, avec les millions de manifestants qui sont chaque jour un peu plus nombreux à dénoncer votre projet de loi injuste et inefficace, nous exigeons que ce débat ait enfin lieu.
M. Nicolas About. Sur quel article se fonde votre rappel au règlement ?
M. Gérard Le Cam. Nos concitoyens, qui sont opposés à ce projet de loi et qui veulent une réforme leur permettant de gagner de nouveaux droits, exigent du Gouvernement qu’il trouve les moyens de financer une réforme qui soit juste, qui permette le maintien de la retraite sans décote à 60 ans, qui ne rallonge pas la durée de cotisation, qui permette aux jeunes sans emplois et aux stagiaires de valider des périodes de cotisation.
Tout cela, monsieur le ministre, implique une refonte globale du financement de notre protection sociale et de la fiscalité.
D’ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux, y compris dans votre camp, à vous demander de mettre fin à une politique comptable qui favorise les puissants et dégrade les conditions de vie des plus modestes. Plus de cent députés de l’UMP ont d’ailleurs proposé la suppression du bouclier fiscal. Le ministre du budget lui-même, François Baroin, déclarait ce matin même : « Le bouclier fiscal est devenu un symbole d’injustice. » On ne saurait mieux dire !
Nous regrettons cependant la demande de suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune parallèlement à celle du bouclier fiscal.
Avec les sous-amendements que nous avons déposés, et que vous avez tout fait pour éluder, comme avec les amendements dont vous avez obtenu, monsieur le ministre, qu’ils soient examinés après que nous aurons débattu de l’ensemble du texte, nous vous demanderons de vous positionner. N’en doutez pas, nous commencerons par la question de la suppression du bouclier fiscal, dont vous êtes, avec Nicolas Sarkozy, les derniers défenseurs.
Cette décision de supprimer le bouclier fiscal sans suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune serait déjà un premier geste de justice fortement apprécié par les Français, car il s’agit d’une erreur historique. (MM. Guy Fischer, David Assouline et Jean-Louis Carrère applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 45 de notre règlement.
Le premier alinéa de cet article dispose ceci : « La commission des finances contrôle la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution. Les amendements déclarés irrecevables ne sont pas mis en distribution. »
Monsieur le président de la commission des finances, j’ai appelé votre attention sur les règles applicables à la publicité des amendements, et vous avez accordé une grande attention à mes propos. Sur le site internet du Sénat, il est possible d’accéder à la liasse des « amendements déposés sur le texte de la commission », ce qui est fort pratique. En revanche, ce qui est ennuyeux, et même handicapant, c’est que les amendements ayant été déclarés irrecevables au regard de l’article 40 sont automatiquement supprimés. Je le regrette pour deux raisons : d’une part, il est alors impossible à son auteur, par la suite, de le retrouver si, d’aventure, il en a l’intention ; d’autre part, il est quelque peu désobligeant d’avoir à expliquer à ceux qui nous ont quelquefois sollicités de déposer un amendement pourquoi celui-ci a été retiré de la liasse.
Monsieur le président de la commission des finances, je ne conteste pas le règlement, mais, pour m’en tenir à ses aspects pratiques, je pense qu’il serait tout à fait possible, grâce à l’informatique, de créer sur internet une sous-liasse regroupant les amendements déclarés irrecevables par la commission des finances au regard de l’article 40. Nous y trouverions tous avantage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Fischer, comme vous le savez, la commission des affaires sociales reçoit toujours l’ensemble des partenaires sociaux concernés par chaque texte qui lui est soumis.
Nous sommes maintenant dans le débat parlementaire et je souhaite que nous allions à son terme, sans subir d’interférences extérieures. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous vous employez à être d’excellents porte-parole des syndicats, et je suis certaine qu’ils vous font confiance pour transmettre leurs messages.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous ne sommes les porte-parole de personne !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous écoute toujours avec beaucoup d’attention. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais dire à Jean-Pierre Bel que la commission des finances est faillible. Elle travaille dans des conditions difficiles et c’est pourquoi je veux rendre hommage à l’ensemble de mes collaborateurs. Je revendique le droit à l’erreur, en vertu duquel j’ai pu déclarer par inadvertance irrecevable un amendement déposé par nos collègues Verts. Mes chers collègues, j’appelle chacun d’entre vous à la vigilance, car c’est ainsi que nous pourrons veiller à une bonne application de l’article 40 de la Constitution et éviter qu’une telle erreur ne se reproduise.
Je comprends que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat regrette que certains débats ne puissent avoir lieu dans l’hémicycle. Néanmoins, il me paraît difficile d’envisager que la recevabilité d’un amendement au regard de l’article 40 puisse être examinée en séance publique. Celle-ci doit être consacrée, pour l’essentiel, au débat politique.
M. Le Cam a raison de dire que le financement des retraites est un vrai sujet. À cet égard, il a parlé de « politique comptable » et j’avoue avoir toujours quelques soupçons quant à cette volonté de se mettre à distance de ce qui serait « comptable ». Je me permettrai de lui répondre que ce ne sont pas les comptables qui font la politique, mais il est plutôt rassurant, pour une communauté qui veut maintenir la solidarité entre ses membres, de connaître exactement la situation dans laquelle elle évolue. C’est dans ces conditions que peut s’exercer ce que l’on appelle le « pilotage » de la politique.
Il est urgent d’abandonner toute forme d’illusionnisme, faute de quoi nous risquons de perdre notre indépendance. Vient un moment où la soumission aux créanciers devient insupportable.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d’accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enfin, monsieur Domeizel, je vous confirme que je ne vois aucun inconvénient à ce que le règlement soit modifié de manière qu’il soit possible, à l’avenir, de mettre en ligne les amendements déclarés irrecevables. J’appuierai toute initiative en ce sens. Il me paraît en effet important de dissiper tout mystère sur l’application de l’article 40 et d’être en la matière totalement transparent.
Je me tiens à la disposition de l’ensemble des présidents de groupe et de commission pour débattre avec eux des modalités d’application de l’article 40. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, acte vous est donné de ces rappels au règlement. Je vous propose de reporter la suite de cette discussion au prochain débat, qui ne manquera pas de survenir, sur l’article 40 de la Constitution. (Sourires.)
5
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accelérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Nous poursuivons la discussion des articles.
Article additionnel après l'article 1er bis A (réservé)
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Nous en sommes donc parvenus à l’article 1er bis.
Article 1er bis
(Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Je souscris aux propos de M. le président de la commission des finances, car les aspects financiers sont en effet importants dans une réforme telle que celle-ci.
L’article 1er bis, inséré dans ce projet de loi à la suite de l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale, marquait bien les limites des affirmations du Gouvernement quant à sa volonté de sauver le système de répartition à la française.
En effet, comme le rappelle M. Leclerc dans son rapport écrit, le Gouvernement indiquait à l’Assemblée nationale qu’« il est légitime, lorsque cette situation apparaîtra, de s’interroger sur un éventuel transfert de recettes ou de charges entre régimes », au sein tant des régimes de retraite que, plus généralement, des régimes de protection sociale. Ce n’est pas acceptable.
Vous auriez pu envisager, plutôt qu’un siphonage de l’Association générale des institutions de retraites des cadres, l’AGIRC, et de l’Association des régimes de retraites complémentaires, l’ARRCO, dénoncé à juste titre par M. Leclerc, de prendre l’argent là où il est et de favoriser une politique de l’emploi fondée sur l’investissement des bénéfices dans l’outil de production et non pas sur les marchés financiers.
Prendre l’argent là où il est, c’est taxer les revenus financiers des entreprises de manière efficace et substantielle, c’est supprimer les exonérations de cotisations sociales qui sont aujourd’hui accordées aux entreprises alors que ces dernières jouent contre l’emploi, donc contre le renflouement de la protection sociale.
Prendre l’argent là où il est, c’est aussi mettre un terme au bouclier fiscal, aux parachutes dorés et aux stock-options, à ce triptyque de la honte qui symbolise le choix de la finance contre celui de l’emploi.
Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, comme vous l’avez d’ailleurs déjà fait, que l’on ne peut pas fiscaliser les régimes de retraites au nom de la répartition. Certes, mais au nom de la défense du régime de retraite par répartition, on peut décider une politique publique volontariste qui taxe l’investissement financier et favorise l’investissement productif.
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir qu’un million d’emplois, même s’ils sont rémunérés au SMIC, rapportent près de deux milliards et demi d’euros de cotisations pour les retraites ?
Pour engager la rupture que nous proposons, c’est-à-dire une vraie rupture, il faut prendre les mesures fortes que j’évoquais voilà un instant. Une taxation des revenus financiers, une politique énergique de l’emploi, une relance pour un nouvel investissement productif sont les fondements d’une politique alternative en matière de retraite.
L’article 1er bis, qui a été supprimé par la commission, avait un champ bien limité, volontairement limité selon nous. Nous entendions, lors de la discussion de cet article, vous faire part de propositions de financements nouveaux. C’est un débat central que vous vous refusez pourtant à engager. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Cette intervention sur l’article 1er bis me permet de reprendre la discussion sur le financement de la réforme qui s’est engagée tout à l’heure à propos des rappels au règlement.
Sans doute M. Woerth me trouvera-t-il entêté, mais lorsque, dans une discussion exempte de toute hypocrisie, un parlementaire pose la même question à plusieurs reprises, il convient à tout le moins de lui répondre.
Monsieur le ministre, vous soutenez que votre réforme est financée et vous vantez la crédibilité du financement retenu. C’est la grande entourloupe de ce projet de loi. Elle a des conséquences sur tous articles, et je ne parle même pas de la nature injuste du financement, qui a été condamné sans appel.
Dans le tableau que vous avez remis à la presse lors de la présentation de votre réforme, figurait une contribution de l’État de 15 milliards d’euros. Cette contribution sera-t-elle, dans un premier temps, prélevé sur le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, qui fut abondé sous la gauche, mais jamais sous la droite ? Dans l’affirmative, le fonds sera vite tari. Doit-on en déduire que, pour les années suivantes, c’est-à-dire jusqu’en 2018, puisque vous vous êtes arrêté là, vous ferez appel au déficit ? Il faut que les Français le sachent, afin qu’ils soient assurés de la vérité, de la pérennité de votre réforme.
En matière de financement, il y a une forme d’hypocrisie. On oppose l’article 40 à des amendements d’origine parlementaire, émanant en général des rangs de l’opposition, et on les retoque sans qu’ils aient même pu être présentés en séance publique. Mais le niveau d’exigence n’est pas toujours aussi élevé. Le Gouvernement, qui devrait pourtant donner l’exemple, se permet bien souvent de faire des annonces et de présenter des projets de loi non financés, à commencer par celui dont nous discutons en cet instant.
Je tiens également à évoquer un élément révélateur du climat politique actuel. La discussion se poursuit dans cette enceinte, bien qu’il se passe des choses à l’extérieur. Depuis quarante-huit heures, et non pas seulement à la suite des déclarations qui auraient été faites hier soir, vous vous acharnez à stigmatiser les jeunes de ce pays. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Je tenais à vous dire en toute tranquillité, en dehors de toute appréciation sur ce projet de loi, que les jeunes ont un comportement responsable lorsqu’ils s’intéressent aux affaires de la cité, à des questions qui les concernent, lorsqu’ils participent à des manifestations collectives avec des adultes et des personnes âgées, exprimant ainsi leur solidarité intergénérationnelle. Aujourd’hui, des jeunes, des personnes âgées, parfois même très âgées, agissent ensemble et dans la bonne humeur. Ce sont des moments rares dans une société.
Vous, vous préférez les jeunes qui sont dociles et infantilisés. Vous considérez que ces jeunes-là sont les vrais jeunes. Mais dès qu’ils s’impliquent dans une action positive, vous les stigmatisez ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Vous prenez une certaine responsabilité lorsque vous attaquez des responsables politiques qui participent à la vie démocratique en qualité de parlementaires ou de responsables de parti, qui ont choisi le Parlement et la voie démocratique pour exprimer leur opposition. Vous attaquez des dirigeants syndicaux, notamment de jeunes lycéens et étudiants, alors que leur action s’inscrit dans un cadre démocratique prévu par nos institutions.
En stigmatisant les jeunes, en les attaquant, en cherchant à les décrédibiliser, au lieu de respecter le caractère pacifique et démocratique des manifestations, vous mettez de l’huile sur le feu. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Paul Emorine. Manipulateur !
M. David Assouline. Nous avons l’impression que vous espérez que des incidents se produisent. Ne comptez pas sur nous ! La démocratie, c’est le droit de manifester, le droit de grève et le droit d’amendement. Nous sommes des démocrates et nous exerçons ces droits dans le respect de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le parti socialiste joue au pompier pyromane : il allume l’incendie avant d’essayer de l’éteindre. (Tout à fait ! sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Le vrai lieu de la démocratie, c’est ici, au Parlement. C’est là que s’expriment les représentants élus par le peuple. Ensuite, il y a des associations au sein desquelles on peut parler, s’exprimer. Et, Dieu merci, cela fonctionne bien ainsi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et dans les assemblées locales, il n’y a pas de démocratie ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Assouline, nous ne stigmatisons personne, nous ne méprisons ni n’insultons personne, nous ne sommes arrogants avec personne.
Vous nous attaquez à longueur de journée, et c’est normal ; mais dès que nous répondons, que nous exprimons une opinion, …
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’en avez pas !
M. Éric Woerth, ministre. … que nous manifestons notre désaccord, alors là, c’est épouvantable. La démocratie serait mise à mal et vous nous accusez de vous mépriser : un peu de sérieux, je vous en prie !
Monsieur le sénateur, je vais apporter une réponse sérieuse à votre question relative à la contribution de l’État de 15 milliards d’euros, que vous me posez depuis quelques jours.
M. Jean-Jacques Mirassou. Enfin !
M. Éric Woerth, ministre. Je n’en avais pas encore trouvé l’occasion, mais, compte tenu de la durée de nos débats, j’étais persuadé qu’elle se présenterait.
La réforme que nous vous présentons est bien évidemment financée. L’objectif premier de cette réforme est de combler les déficits des régimes de retraites. Nous n’avons eu de cesse de répéter que la première des injustices, c’est le déficit. On ne peut pas financer les retraites en empruntant de l’argent sur les marchés financiers dès le mois de novembre. Cela reviendrait à construire les retraites des Français sur des fondements peu solides.
À l’horizon 2018, le solde négatif des régimes de retraites devrait être de 43,8 milliards d’euros, avant réforme.
Pour parvenir à l’équilibre, nous devons jouer sur les grandes masses financières. Les mesures d’âge, c’est-à-dire le relèvement des bornes d’âge à 62 ans et 67 ans, représentent 18,6 milliards d’euros pour 2018 et 20 milliards d’euros pour 2020, soit un peu moins de la moitié du déficit prévisionnel.
Par ailleurs, 7,2 milliards d’euros de recettes proviennent des recettes supplémentaires et de la convergence entre les taux de cotisation du secteur public et du secteur privé.
Nous mobiliserons également le Swap UNEDIC, c’est-à-dire le transfert vers l’assurance vieillesse de cotisations destinées au régime de l’assurance chômage. Ce transfert avait été d’ailleurs prévu dans la loi Fillon de 2003, mais nous n’avons pu le mettre en œuvre du fait de la crise. Cette mesure se justifie, car, dans l’hypothèse d’une amélioration, que nous espérons tous, du marché de l’emploi, l’UNEDIC reviendra vite à l’équilibre. Il est donc légitime, à taux de prélèvements constants, de transférer des cotisations de l’assurance chômage vers l’assurance vieillesse. Nous retenons les taux d’emploi avancés dans les prévisions du Conseil d’orientation des retraites.
L’effort de l’État passera progressivement de 13,6 milliards d’euros à 15,9 milliards d’euros. C’est la contribution de l’État, donc des contribuables, au financement des retraites. Cet effort tient compte du déficit du compte d’affectation spéciale, le CAS. Aux termes d’une convention de calcul assez simple qui a été élaborée par le Conseil d’orientation des retraites, sur laquelle nous ne revenons pas, la contribution de l’État représente l’argent qui a été dépensé en plus par rapport à l’année 2000, c’est-à-dire depuis dix ans, pour la fonction publique.
Ces 15 milliards d’euros seront financés par l’État,…
M. Jean-Louis Carrère. Par la fiscalité !
M. Éric Woerth, ministre. … et figureront dans le budget de l’État.
Si nous devions financer cette contribution autrement, la seule manière juste de le faire serait de solliciter les fonctionnaires puisqu’il s’agit des régimes de la fonction publique. Si vous contestez mon raisonnement, allez jusqu’au bout du vôtre. Il faut soit demander aux fonctionnaires de financer 15 milliards d’euros supplémentaires de cotisations, soit demander aux retraités d’accepter une diminution de leurs pensions. Nous avons bien entendu considéré qu’une telle alternative n’était pas envisageable.
M. Jean-Louis Carrère. Il y a d’autres méthodes !
M. Éric Woerth, ministre. Non, monsieur Carrère. Si nous ne stabilisions pas cet abondement à long terme, notamment grâce aux mesures de convergence, la contribution de l’État passerait de 13 milliards d’euros à 15, 17, puis 22 milliards d’euros dans les dix ans qui viennent.
M. Jean-Louis Carrère. C’est une caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Nous freinons donc l’évolution de ces dépenses en stabilisant ces dernières à leur niveau de l’année 2000.
Si vous voulez faire autrement, affichez nettement la couleur et dites aux fonctionnaires que c’est à eux de payer !
Mme Annie David. Ils paient déjà assez comme cela !
M. Guy Fischer. Ils paient même déjà trop !
M. Éric Woerth, ministre. Pour notre part, nous avons considéré que ce n’était pas une bonne solution.
Mme Gisèle Gautier. Je demande la parole.
M. le président. Est-ce pour vous exprimer sur l’article 1er bis, ma chère collègue ?
Mme Gisèle Gautier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Dans ces conditions, je vous donne la parole.
Mme Gisèle Gautier. Permettez-moi de réagir à l’intervention de M. Assouline, que sous-tend une audace dont il est d’ailleurs coutumier. À l’entendre, nous serions responsables de certains dérapages.
Des jeunes participent à une manifestation, après tout, on peut, comme vous le faites, considérer que c’est normal, que cela traduit leur sens des responsabilités, leur inquiétude de l’avenir. Mais permettez-moi de vous faire part d’une observation. Hier, comme tout un chacun, j’ai regardé des reportages sur les manifestations. Dans une interview diffusée sur une chaîne qui n’a pas la réputation d’être proche de la majorité gouvernementale (Laquelle ? sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), un journaliste interrogeait deux lycéennes de quinze ou seize ans, leur demandant ce que signifiait le badge qu’elles portaient : « On ne sait pas, on nous l’a donné ! », ont-elles répondu.
M. Jean-Louis Carrère. L’UMP en a vendu beaucoup plus pour la campagne d’Édouard Balladur ! Des millions !
Mme Gisèle Gautier. Le journaliste leur demanda ensuite ce que signifiaient les trois lettres écrites sur leur badge. Je respecte la CGT comme l’ensemble des syndicats, car nous avons besoin des partenaires sociaux. Mais quelle ne fut pas ma surprise d’entendre ces deux jeunes filles répondre à nouveau : « on ne sait pas ! ».
Et c’est ainsi que l’on remplit les rues de jeunes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
Mme Gisèle Gautier. … qui, sans être irresponsables, ne sont pas tout à fait au courant de la réforme. C’est ainsi que l’on gonfle les chiffres !
Je ne pense pas que ces méthodes soient raisonnables. Je pense qu’il faut agir différemment : ces jeunes sont responsables mais il convient de ne pas les instrumentaliser…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que voulez-vous prouver ?
Mme Gisèle Gautier. … Ce sont vos mots que j’emploie. Je disais donc qu’il convient de ne pas les instrumentaliser, de ne pas les formater…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les jeunes de l’UMP, ne sont-ils pas formatés ?
Mme Gisèle Gautier … mais de les rendre responsables et faire en sorte qu’ils soient au courant de ce qui se passe dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’aimez pas la jeunesse !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Je vais parler sur l’article 1er bis, comme ma collègue Mme Gautier vient de le faire. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Ainsi donc, il suffit que nous ne soyons pas dans l’hémicycle pour que nos amendements sautent ! Après avoir sereinement pris place ici et m’être préparé à défendre l’amendement n° 253, j’apprends que le Sénat m’a fait l’honneur d’avoir retiré, en mon absence, l’amendement n° 253 ! (Rires.)
Je voudrais donc proposer à M. Arthuis, président de la commission des finances, qui a félicité ses services d’être très fatigués, de laisser ces derniers prendre un peu de repos : qu’ils cessent d’exercer leur pouvoir de censure sur nos amendements ! Cela sera beaucoup plus simple !
L’amendement n° 253, que je n’aurai pas le plaisir de défendre, ne vise qu’à conforter les droits des salariés. Il est inacceptable qu’il soit retiré au nom de l’article 40. C’est incompréhensible !
M. Gérard Longuet. Cela s’appelle appliquer la Constitution !
M. Jean Desessard. M. Arthuis remercie le groupe socialiste de lui avoir permis de déceler l’irrecevabilité dans l’amendement des Verts. Je lui proposerais plutôt de remercier le groupe socialiste de lui avoir signalé l’erreur de ses propres services ! Je préférerais que cela soit formulé ainsi, car cela éviterait des malentendus. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 826, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, un rapport qui évalue les coûts pour les comptes sociaux et les avantages pour les assurés de la suppression des I, II, IV, VII et VIII l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 aout 2003 portant réforme des retraites.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Après toutes ces interventions sur l’article supprimé par la commission, je voudrais présenter l’amendement n° 826, qui est le premier d’une série de quatre amendements visant à proposer des recettes nouvelles pour notre système de retraites.
Cependant, du fait de l’article 40, nous avons été obligés de formuler notre proposition sous le couvert d’un rapport. En l’occurrence, il s’agit d’un rapport visant à mettre en évidence les conséquences néfastes pour les salariés de l'indexation de la durée de cotisation – pour bénéficier d'une retraite à taux plein – sur l'évolution du rapport constaté entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite.
Vous l’aurez compris, nous sommes là au cœur des effets de la loi Balladur de 1993, combinés à ceux de la loi Fillon de 2003. Nous le savons tous : la durée moyenne de retraite cache des réalités très disparates qui font de cette indexation automatique une profonde injustice.
La durée moyenne de retraite est très variable d'un régime à l'autre comme au sein d'un même régime. Elle l'est plus encore si l'on examine la situation des femmes et des salariés précaires, puisque le critère de la durée d'assurance pénalise ceux et celles qui ont mené des carrières professionnelles plus courtes ou discontinues.
C'est le cas des nombreuses femmes qui ont interrompu pour une durée plus ou moins longue leur carrière professionnelle à l'issue de leur maternité. C'est aussi le cas des travailleurs, de plus en plus nombreux, qui enchaînent contrats à durée déterminée, missions d'intérim et périodes de chômage.
Si le COR a montré dans ses rapports successifs que les écarts entre les durées de cotisation validées par les hommes et les femmes connaissent se réduisent lentement, on est encore bien loin de constater des durées équivalentes : les femmes ayant fait valoir leur droit à la retraite en 2004 avaient cotisé, en moyenne, vingt trimestres de moins que les hommes. Ces cinq annuités de moins correspondent à une décote de 25 % !
Selon nous, l'autre point qui doit faire débat concerne la durée d'assurance. Celle-ci s'ajuste de manière à maintenir constant le rapport entre la durée d'assurance et l'espérance de vie en retraite. Or, la notion d’« espérance de vie à la retraite » cache elle aussi des disparités qui nous conduisent à lui préférer celle d'« espérance de vie en bonne santé », c'est-à-dire sans limitation d'activité ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d'affections aiguës ou de traumatismes. Cette dernière statistique évolue moins vite.
Ainsi, en 2007, selon l’INSEE, l'espérance de vie à la naissance des femmes était de 84,4 ans et celle des hommes de 77,4 ans. Pour la même année, l'espérance de vie en bonne santé n’était, selon Eurostat, que de 64,2 ans pour les femmes et 63,1 ans pour les hommes.
Cet écart exige de s'interroger avec sérieux sur les conséquences néfastes pour les futures retraitées des nouvelles mesures que le Gouvernement veut faire adopter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 827, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui mesure l'efficacité en matière de création et de pérennité des emplois créés, grâce aux dispositions de l'article L. 5141-1 du code du travail.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Selon l’ACOSS, le montant cumulé des exonérations de cotisations s’élève à 260,6 milliards d’euros entre 1991 et 2008 inclus. Sur ce total, 221 milliards d’euros ont été compensés par nos impôts via le budget de l’État, pour un taux de chômage en constante augmentation. Il n’est nul besoin d'une évaluation pour constater l'inanité de votre politique économique face à la montée du chômage.
Et voilà qu’en 2008, après la loi de modernisation de l'économie instituant le statut soi-disant révolutionnaire de l’auto-entrepreneur – en réalité, le régime de la microsociété simplifiée garantissait déjà les mêmes avantages –, la loi généralisant le RSA a prévu une exonération de cotisations sociales pour les salariés privés d'emploi qui décident de créer une entreprise.
À la bonne heure ! Dans la droite ligne du « tous propriétaires » et du « tous patrons », le Gouvernement a cru trouver la solution miracle qui permettrait à la fois de relancer la croissance et de faire baisser le chômage par la création d'entreprises.
En réalité, le statut d’auto-entrepreneur conduit malheureusement à « désalarier » une partie de la population active. Un certain nombre de travailleurs se trouvent ainsi privés des relatives protections sociales que les luttes du mouvement ouvrier avaient réussi à attacher au statut de salarié.
Se mettre à son compte se traduit par une absence de couverture maladie et d’assurance chômage, de congés payés et de congés maternité. Si le statut de l’auto-entrepreneur s’apparente à celui des professions libérales, sa paye est celle d’un smicard, soumise à la pression des grands groupes capables de faire baisser les prix.
Précisons que, sur les 430 000 auto-entrepreneurs, seulement 59 000 ont déclaré avoir encaissé un chiffre d'affaires et 54 % d'entre eux ont cessé leur activité. Or, la circulaire du régime social des indépendants, datée du 9 avril 2009, stipule bien qu'en cas d'année civile incomplète – début ou cessation d'activité en cours d'année –, l'auto-entrepreneur ne validera un trimestre que si son chiffre d'affaires est au moins égal à des montants définis selon le type d'activité, compris dans une fourchette allant de 2 640 à 6 007 euros.
Autrement dit, la plupart d'entre eux, qui ont arrêté leur activité en cours d’années sans chiffre d’affaires, ne toucheront pas de retraite à taux plein. Rappelons-le : seuls 59 000 auto-entrepreneurs déclarent avoir enregistré un chiffre d'affaires !
En clair, ce dispositif s'apparente à un subtil maquillage d'une politique de déréglementation ultralibérale ayant vocation à pressurer un peu plus la protection sociale et à rendre encore plus précaires les conditions de vie des travailleurs.
Hervé Novelli a lui-même reconnu les dérives et les cas abusifs où des salariés ont été remplacés par des auto-entrepreneurs. Nous souhaitons donc qu'une évaluation réelle et objective du dispositif soit réalisée, afin de faire la lumière sur ces abus généralisés.
M. le président. L'amendement n° 828, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2010, un rapport évaluant le coût pour les comptes publics et les conséquences pour les assurés concernés d'une mesure permettant l'ouverture de droit à la retraite pour les bénéficiaires de l'allocation visée à l'article L. 5131-6 du code du travail.
La parole est à Mme Evelyne Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le contrat d'insertion dans la vie sociale, dont il est ici question, est un contrat conclu entre le service public de l'emploi et des jeunes de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle. Il vise à accompagner ces derniers vers un emploi stable et leur donne droit à la perception d'une allocation de l'État durant les périodes où aucune rémunération ou autre allocation n'est perçue.
Il s'inscrit donc dans la volonté de favoriser l'emploi des jeunes peu diplômés et de les sortir de la précarité à laquelle ils semblent inévitablement condamnés. Si ce n’est pas la panacée, ce contrat a pourtant le mérite d’exister.
Paradoxalement, les bénéficiaires de ce contrat d'insertion sociale ne sont pas autorisés à cotiser pour leur retraite. Dès lors, ils sont destinés soit à percevoir, plus tard, une pension d'un montant ridicule, soit à travailler encore et toujours plus, restant toujours cantonnés à des emplois précaires.
Les années d'études, les périodes de formation et les stages n'étant pas non plus pris en compte dans le calcul des cotisations du droit à la retraite, ils ne peuvent pas prendre le temps de se former pour accéder à des postes supérieurs et stables. La précarité ne peut ainsi qu'engendrer la précarité, dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
C'est pourquoi nous souhaitons, par cet amendement, demander que le Gouvernement remette au Parlement, avant la fin de l'année, un rapport évaluant le coût financier d'une mesure qui permettrait l'ouverture du droit à la retraite pour les bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale.
Les périodes d'inactivité et de précarité doivent être intégrées dans le calcul des droits à la retraite car elles sont le plus souvent subies. Le Gouvernement en est conscient, puisqu’il multiplie les mesures prétendant réduire le chômage des populations les plus fragiles.
Mais, passant fréquemment par un allègement des charges patronales, ces mesures ont prouvé qu'elles n'avaient pour effet, in fine, que de tirer les salaires vers le bas et de favoriser les emplois temporaires ou à temps partiel.
Quelle alternative va-t-on alors laisser aux jeunes ? Quoi qu’ils fassent, ils sont pénalisés. Comme à leurs aînés, il faut pourtant leur préserver le droit à une retraite décente. Ils ne doivent pas payer les conséquences de la gestion désastreuse des comptes sociaux, doublée d’une crise mondiale dont seul le grand capital est responsable. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ils manifestent aujourd’hui.
Combien coûterait à la collectivité le fait de permettre aux bénéficiaires de contrats d’insertion sociale de cotiser à la retraite ? C’est une question qui mérite d’être examinée. En tout cas, nous supposons que cela lui coûterait moins que le gigantesque manque à gagner qui résulte, chaque année, de la non-taxation à un niveau suffisant des revenus financiers et des niches fiscales.
Tel est le sens de l'amendement que nous vous proposons d'adopter.
M. le président. L'amendement n° 925, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 décembre 2010 un rapport étudiant les modalités d'extension du bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par le pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans et les possibilités d'une réforme des conditions d'attribution et de partage de ces pensions.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement a trait au PACS et à la pension de réversion.
En effet, notre société change et le mariage n'est plus l'unique mode de vie en couple. Chaque année, le nombre de PACS augmente. En 2009, pour 256 000 mariages, 175 000 PACS ont été signés.
Nous estimons qu'il est temps pour le Gouvernement de prendre acte de ce changement. On ne peut plus s'en tenir à une vision passéiste du couple. Il faut que notre législation évolue pour tenir compte du mode de vie de nos concitoyens. Il convient maintenant d’envisager d'ouvrir le droit à la réversion aux couples pacsés.
Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à réclamer l’ouverture du droit à la réversion pour les couples liés par un PACS. Dans son rapport du 22 mai 2007, la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a elle-même préconisé l'ouverture du droit à réversion aux personnes ayant conclu un PACS depuis au moins cinq années. En février 2009, le Médiateur de la République a également rendu un avis public favorable à l'ouverture de ce droit.
En outre, le sixième rapport du COR de décembre 2008 allait dans le même sens, en préconisant l'extension du droit à réversion dans le cadre du PACS, sous condition de durée minimum de celui-ci. Ce rapport soulignait aussi qu'en raison de l'exclusivité du mariage pour le droit à la réversion, un tiers des membres des jeunes générations pourraient en être exclus. Une telle conséquence serait intolérable dans la mesure où elle contribuerait encore à pénaliser les jeunes générations, qui sont déjà les grandes perdantes de la réforme qu'on nous soumet.
Nous devons faire cesser cela. C'est la raison pour laquelle nous jugeons nécessaire que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport étudiant les modalités d'extension du bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par un PACS.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous invitons à voter avec nous. Nous nous réjouissons d’avance d’avoir le soutien de la droite, puisque ce dispositif reprend, une fois n’est pas coutume, une promesse de campagne électorale présidentielle de Nicolas Sarkozy en mars 2007. Espérons que la majorité ne soit pas frappée d’amnésie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 926, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les conséquences pour les assurés sociaux des réformes entreprises depuis 1993 jusqu'à la loi n° ... du .... portant réforme des retraites.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. L’ensemble de ces amendements ont pour objet la remise d’un rapport sur des dispositions qui, selon nous, ne relèvent pas obligatoirement d’un texte sur les retraites.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 826, 827, 828, 925 et 926.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est prêt à émettre un avis positif sur l’amendement n° 827, contrairement à la commission, parce qu’il s’agit des mesures d’exonération de cotisations sociales.
Il est possible qu’une personne veuille racheter une ou plusieurs années de cotisations sociales, alors qu’elle n’entre pas dans le dispositif Fillon. En effet, pour être pris en compte par ce dispositif, il faut avoir cotisé, même peu, à un moment donné, ou avoir été étudiant.
La remise de ce rapport pourrait être opportune pour examiner le bien-fondé de l’extension du mécanisme de rachat à ces personnes. C’est un débat que l’on peut avoir.
En revanche, le pacte civil de solidarité, ou PACS, qui est signé par un certain nombre de couples chaque année, est différent du mariage et ne permet donc pas l’ouverture des mêmes droits. La solidarité financière résultant du mariage s’exprime par exemple au moment du divorce avec la prestation compensatoire.
Il faut prendre en compte l’ensemble du problème, au lieu de s’attacher uniquement au droit à la réversion de la retraite.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement n° 925, ainsi d’ailleurs qu’aux amendements nos 826, 828 et 926.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote sur l’amendement n° 826.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous l’avons dit, l’indexation de la durée de cotisation, pour une retraite à taux plein, sur l’évolution du rapport constaté entre la durée d’assurance et la durée moyenne de retraite est néfaste aux salariés. Cette durée moyenne de retraite renferme des réalités extrêmement disparates.
C’est pourquoi nous croyons que le bon curseur doit être la prise en compte de « l’espérance de vie en bonne santé », ce qui change profondément la donne. L’espérance de vie en bonne santé n’est que de 63 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes.
Monsieur le ministre, je me permettrai une petite digression sur l’espérance de vie, à laquelle vous vous référez souvent. C’est sa définition même qu’il faut préciser, puisqu’elle n’est qu’un calcul statistique déterminant la durée de vie moyenne d’une génération d’âge.
Pour une génération encore en vie, l’espérance de vie détermine la durée moyenne de vie d’une population fictive de mille personnes à une date donnée, et dans les conditions de mortalité existantes à cette date. Donc, si une condition change, l’espérance de vie en est d’autant modifiée.
Ainsi, l’espérance de vie entre 2002 et 2003, lors de la canicule, a stagné. Aux États-Unis, l’espérance de vie stagne depuis trente ans, et une étude a démontré que ce phénomène est directement lié au système de santé et à la protection sociale.
Donc, vous le voyez, nous avons ici de grandes discussions sur un concept excessivement mouvant.
J’en reviens à mon propos précédent.
Nous pourrions faire un petit retour en arrière sur le passé proche, en prenant l’exemple de la question du départ anticipé à la retraite des fonctionnaires, le plus souvent des femmes ayant élevé trois enfants.
En 2003, lors de la réforme Fillon, ce droit au départ avait été conservé au nom, aviez-vous dit à l’époque, d’une « réforme juste et équilibrée ».
Aujourd’hui, en 2010, dans l’exposé des motifs du présent projet de loi, vous expliquez vouloir supprimer ce droit afin « de renforcer l’équité du système de retraites. » Ce qui était conservé autrefois au nom « de la justice » passe aujourd’hui à la trappe « au nom de l’équité » !
La vérité, c’est que vous liquidez ce droit, car il vous faut trouver les moyens de financer votre réforme, et ce toujours sur le dos des mêmes, les salariés.
Il existe des solutions, que nous défendons depuis le début et que nous allons continuer de défendre : le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour tout le monde. Il faut donc, pour cela, aboutir à un nouveau partage des richesses.
Trois chiffres montrent combien la coexistence du capitalisme financier avec notre système de protection sociale par répartition est impossible : entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 % tandis que le PIB, en raison notamment des gains de productivité, augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %...
M. Jean Desessard. Oh là là, 143 % !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Eh oui, les chiffres parlent d’eux-mêmes !
Un autre financement véritablement solidaire en faveur de la retraite par répartition est donc possible, mais il faut sans doute changer la donne. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote sur l’amendement n° 827.
Mme Marie-Agnès Labarre. Vous avez brossé un tableau idyllique du statut d’auto-entrepreneur, vous félicitant de 320 000 créations d’auto-entreprises en 2009, même si, depuis juin dernier, ce chiffre est en chute libre, et ce pour plusieurs raisons.
Six mois après la création du statut, 60 % des auto-entreprises déclaraient peu ou pas de chiffre d’affaires. Selon une étude menée par OpinionWay, le revenu des auto-entrepreneurs en 2009 était en moyenne de 775 euros par mois. L’auto-entreprise est en réalité un statut qui semble adapté, avec son chiffre d’affaires limité, au complément de revenu.
La véritable innovation du dispositif est d’ordre moins technique, comme vous tentez de le faire croire à nos concitoyens, qu’idéologique.
Selon l’étude menée par OpinionWay en novembre 2009, 10 % des auto-entrepreneurs sont des chômeurs, 13 % bénéficient des minima sociaux et 26 % n’avaient aucune autre activité. L’âge moyen des auto-entrepreneurs, selon cette étude, est de 44 ans, et les femmes en représentent seulement 40 %.
C’est principalement dans le secteur des services aux particuliers et aux entreprises que se créent les auto-entreprises.
On voit donc que l’auto-entreprise n’est pas prévue principalement pour permettre à des travailleurs de vivre de leur activité entrepreneuriale, et que, dans les faits, bien peu arrivent à dégager un revenu suffisant.
Ainsi, il faut rappeler que, en moyenne, au bout de cinq ans, 54 % des jeunes entreprises ont cessé leur activité.
Une de vos politiques visant à résorber le chômage consiste donc à inciter les chômeurs à créer leur entreprise. Dans ce cas, le chômeur a deux choix possibles.
S’il passe du statut de chômeur à celui de créateur d’entreprise, ce qui est sur le papier plus valorisant, il perd les droits attachés à son précédent statut, tout en pouvant rester pendant trois ans sans la moindre rémunération. De plus, s’il cesse son activité d’auto-entrepreneur, par exemple à la suite d’un dépôt de bilan, et se réinscrit à Pôle emploi en tant qu’entrepreneur, il n’a pas droit à des indemnités chômages.
Si, seconde possibilité, il choisit d’être en recherche d’emploi à titre principal et auto-entrepreneur à titre accessoire, ses indemnités sont diminuées à hauteur de son chiffre d’affaires.
Le statut d’auto-entrepreneur prévoit que celui-ci ne peut pas se substituer à une activité qui devrait être normalement une activité salariée. Cependant, il est avantageux pour un employeur de ne plus voir peser sur lui, le paiement des cotisations sociales patronales et les garanties liées au salariat. Ainsi, les premiers mois de bilan de ce nouveau statut montrent que des dérives ont déjà eu lieu : ainsi, des travailleurs dans la restauration, des plongeurs, ont pu se trouver embauchés sous le statut d’auto-entrepreneur.
Pour pallier le risque de requalification judiciaire, la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle avait en effet introduit une présomption de non-salariat à l’égard de celui qui s’est immatriculé à la sécurité sociale en tant que travailleur indépendant. Il pourra bien se voir reconnaître le statut de sous-traitant, mais, en raison de la faiblesse des moyens dont il dispose, ce « sous-traitant » indépendant risque de se retrouver dans la position d’un simple exécutant au sein d’une activité organisée, et pourra être tenté de demander la requalification de son contrat.
La vérité est que les entreprises employeuses font en sorte que leur collaborateur soit sous statut d’auto-entrepreneur pour ne pas avoir à payer les charges. Encore du manque à gagner pour les caisses de retraite !
Le statut d’auto-entrepreneur marque une étape de plus dans cette déréglementation du marché du travail, après l’augmentation des contrats précaires et à temps partiel censés s’adapter à la flexibilité d’un marché régi par la loi de l’offre et de la demande. Le statut d’auto-entrepreneur permet non seulement d’augmenter la flexibilité par le recours à la sous-traitance, mais aussi d’externaliser les coûts sociaux liés à la main-d’œuvre.
Si les entreprises employeuses ne supportent plus ces coûts sociaux, les travailleurs seront-ils en mesure de les financer ? Nous ne nous laisserons pas prendre à l’illusion selon laquelle le statut d’auto-entrepreneur mettrait fin à la lutte des classes en permettant à l’ensemble du salariat de devenir entrepreneur !
J’ajoute que ces activités n’ont généré que 200 millions d’euros de recettes fiscales, contre un milliard d’euros prévus initialement, soit une participation nette au creusement des déficits publics. Le bilan est, au regard des chiffres, vous en conviendrez, fort mitigé.
C’est la raison pour laquelle nous demandons que les effets de ces mesures soient clairement et honnêtement évalués. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 827.
(L'amendement n'est pas adopté. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Un vote idéologique !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l’amendement n° 828.
M. François Autain. En 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la Présidence de la République, avait déclaré : « Si je suis élu, je mettrai en œuvre un grand plan Marshall de la formation pour tous les jeunes de nos quartiers, pour qu’aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse tenter sa chance, pour que chacun ait un emploi ».
Des mesures ont effectivement été prises en ce sens, mais à quel prix ? Un emploi, oui, mais par à n’importe quelles conditions ! Il s’agit non pas de contrats de travail, mais de mesures d’insertion, pas de patrons mais de tuteurs, pas de salariés mais de bénéficiaires qui devraient être reconnaissants. Le vocabulaire est soigneusement choisi à dessein pour mieux masquer la réalité d’une exploitation institutionnalisée. Qui accepterait de faire des efforts aujourd’hui pour s’enfermer dans l’incertitude et la précarité demain ?
Déjà 74 % des 18-24 ans se déclarent opposés au projet actuel de réforme des retraites, refusant d’être « étudiant à 20 ans, chômeurs à 25 ans et toujours précaires à 67 ans ». Prouvant que, pour les jeunes, la retraite n’est pas quelque chose de lointain dont ils se désintéressent, ce chiffre ne tardera pas à se retrouver dans les cortèges. Faut-il rappeler au Gouvernement que l’histoire très récente – contrat nouvelle embauche, réforme des universités – a démontré l’efficacité de la grande capacité de mobilisation des étudiants, qui représentent tout de même plusieurs centaines de milliers de personnes ? Le mouvement étudiant et lycéen est en marche, et vous ne pourrez plus vous contenter d’opposer un « non ferme et tranquille » à la rue.
Voter notre amendement, c’est aussi aller dans le sens de la solidarité, de la sauvegarde de notre système de retraite par répartition. Telle est, à l’entendre, la volonté du Gouvernement. Qu’il le prouve et arrête d’utiliser la jeune génération pour tirer l’ensemble des droits, en particulier ceux des salariés, vers le bas ! En réalité, le Gouvernement a fait le choix de sacrifier la jeunesse. Preuve en est le siphonage intolérable du Fonds de réserve des retraites.
C’est sur la jeunesse que repose le financement de nos retraites dans les années à venir. Par conséquent, nous ne devons plus fermer les yeux sur les évolutions qui caractérisent désormais la jeune génération, à savoir l’allongement de la durée d’étude et d’insertion professionnelle et un taux de chômage élevé.
Notre société a changé et notre système de retraite doit en tenir compte.
En aucun cas, l’allongement de la durée de la vie ne doit être synonyme de régression sociale.
Votre réforme ne prend aucunement en compte les nouvelles spécificités de notre société. Vous repoussez l’âge ouvrant droit à la retraite de 60 à 62 ans. Vous repoussez de 65 à 67 ans l’âge à partir duquel l’assuré peut liquider sa retraite à taux plein sans décote. Et tout cela sans prendre en compte les changements de la société ! Nombreux sont en effet les jeunes qui connaissent de longues périodes d’études, de stages et de contrats précaires. Ces années durement subies doivent être comptabilisées dans le calcul de la retraite, sans quoi vous renonceriez tout simplement au droit à la retraite pour notre jeunesse.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 925.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En dépit de ma brève absence, j’ai cru comprendre que vous aviez émis un avis défavorable sur l’amendement n° 925, monsieur le ministre.
Nous avons pris l’habitude de nous voir opposer l’article 40 par la commission des finances.
M. Jean Desessard. Censure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette irrecevabilité nous empêchant de débattre de certains sujets en séance publique, nous nous sommes modestement repliés sur la publication d’un rapport qui étudierait les modalités d’extension du bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par le pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans et les possibilités d’une réforme des conditions d’attribution et de partage de ces pensions.
Vous nous répondez que le PACS n’est pas le mariage, monsieur le ministre. Certes, mais vous oubliez que, depuis la création du PACS, vous avez grandement aligné son régime sur celui du mariage, notamment en matière patrimoniale. Il faut bien répondre à la réalité de l’évolution sociale : aujourd’hui, les gens se pacsent autant qu’ils se marient, certains parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, d’autres par choix.
La question du bénéfice de la pension de réversion s’est posée dès la création du PACS. Mais il se trouve que, dans deux rapports récents, le Médiateur de la République comme la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, ont émis un avis favorable sur cette extension, et que la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée dans le même sens à propos du partenariat de vie commune allemand. En effet, bien que le PACS soit variable d’un pays à l’autre, la question se pose également au niveau européen.
Quand j’ai défendu une proposition de loi visant à étendre le bénéfice de la pension de réversion aux couples pacsés, il m’a été répondu par vos services que la question serait examinée lors de la réforme des retraites !
Et aujourd’hui, vous nous répondez que le PACS n’est pas le mariage !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. En effet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous demandons juste au Gouvernement et aux services de l’État de faire preuve d’un minimum de sérieux : étudier les modalités d’extension de la pension de réversion aux couples pacsés dix ans après la création du PACS, ce serait quand même la moindre des choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Je fais miens les propos de Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne vous demandons pas de décider dès à présent que les pensions de réversion profiteront également aux personnes pacsées, monsieur le ministre. Nous sollicitons seulement la publication d’un rapport, ce qui n’a rien de révolutionnaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pourrez y inclure le coût d’une telle mesure, si vous le souhaitez, monsieur le ministre !
Mme Raymonde Le Texier. Nous prendrions acte de votre fin de non recevoir si elle faisait suite aux conclusions de ce fameux rapport que nous réclamons.
En 2009, 256 000 mariages et 175 000 PACS ont été conclus en France. Le rapport du COR, auquel vous vous êtes référé plusieurs fois au cours de ce débat, monsieur le ministre, préconise l’extension des pensions de réversion aux personnes pacsées, sans préciser la durée minimum de PACS nécessaire pour pouvoir en bénéficier. Quant à la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, elle préconise d’étendre le bénéfice de la pension de réversion aux personnes pacsées depuis au moins cinq ans.
Je ne voudrais pas être plus royaliste que le roi, mais il faudrait, me semble-t-il, tenir compte de ces deux avis.
Imaginons un couple pacsé qui a eu deux ou trois enfants. Ce couple se sépare et l’un des deux partenaires – au hasard, le partenaire masculin… (Sourires.) – refait sa vie et se marie. S’il vient par malheur à décéder, l’épouse, c’est-à-dire la seconde femme dans la vie de ce monsieur, pourra bénéficier de la pension de réversion, alors que la première, celle qui n’était que pacsée, mais avec qui il a eu plusieurs enfants, n’aura droit à rien.
Cette injustice, qui pourrait être très préjudiciable à certains, mériterait bien un rapport. C’est vraiment dommage de persister dans votre refus, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, cinq rapports sont demandés par des amendements à cet article 1er bis, que la commission a supprimé.
Ces rapports ne sont sans doute pas dépourvus d’intérêt, mais, au total, sur le projet de loi, ce ne sont pas moins de 250 amendements qui prévoient la publication d’un rapport. Si la commission a, le plus souvent, émis un avis défavorable sur ces derniers, c’est qu’il était irréaliste de solliciter la rédaction de 250 rapports. Nous savons pertinemment que la plupart d’entre eux n’auraient jamais été publiés. Nous devrions peut-être apprendre à être un peu plus économes de ces demandes…
Nous en avons quand même retenu quelques-uns, qui nous semblaient particulièrement importants, que l’initiative en émane de l’opposition ou de la majorité.
Je vois toutefois dans ces demandes une sorte de détournement. En effet, lorsqu’on se doute que les mesures que l’on propose vont tomber sous le coup de l’article 40, faute de mieux, on demande un rapport.
Mme Annie David. Qui sera dans tous les cas refusé !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. La commission des finances du Sénat peut d’ors et déjà demander un rapport spécifique à la Cour des comptes ou au COR. Nous devons, me semble-t-il, nous en tenir à ces dispositions, qui, de surcroît, nous donnent l’assurance que le rapport sera publié. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Cet article 1er bis risquant de disparaître, et comme j’avais présenté, après cet article, un amendement ayant trait au Fonds de réserve pour les retraites qui a lui-même disparu, je profite de cette explication de vote pour aborder la question.
Je voudrais vous démontrer que vous avez menti en déclarant que Mme Aubry avait puisé dans le FRR pour financer les trente-cinq heures, monsieur le ministre ! (Marques d’indignation sur les travées de l’UMP.)
Durant la période où Mme Aubry aurait éventuellement pu dépouiller le FRR, ce dernier était hébergé par le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
J’ai consulté le rapport du Fonds de solidarité vieillesse, qui relate l’historique de cette période, du 1er octobre 1999 au 30 juin 2002.
Le FRR a été abondé de 305 millions d’euros au titre de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, ou C3S, de 287 millions d’euros au titre des excédents du FSV, de 767 millions d’euros au titre du résultat excédentaire de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS, de 890 millions d’euros en 2000 et de 936 millions d’euros en 2001 au titre de la fraction du produit des prélèvements sociaux de 2 % sur les revenus du patrimoine et des placements, de plusieurs centaines de millions d’euros au titre du produit des licences d’exploitation des réseaux de troisième génération de téléphonie mobile… Je pourrais poursuivre cet inventaire !
M. Jean-Paul Emorine. Ce n’est vraiment pas la peine !
M. Claude Domeizel. Ce rapport précise que les dépenses du FRR dans le cadre de sa gestion par le FSV n’ont concerné que les frais de services extérieurs nécessaires à la gestion du fonds, les charges fiscales sur les produits financiers des placements, les charges nettes sur cessions de titres et le provisionnement correspondant à la dépréciation de titres de placement détenus par le fonds.
Vous voyez bien qu’aucun franc ni aucun euro n’est sorti du fonds, sauf pour les besoins de sa gestion.
Et pour cause : la loi du 17 juillet 2001 a expressément confirmé le principe d’une mise en réserve du FRR jusqu’en 2020. Personne n’avait pas le droit de toucher au fonds jusqu’en 2020, ni vous, ni Mme Aubry !
Vous avez donc menti, monsieur le ministre : Mme Aubry n’a pas pris un seul franc dans le FRR pour alimenter les trente-cinq heures. Je viens d’en faire la démonstration !
En revanche, vous avez fait pire : en refusant d’abonder ce fonds, c’est comme si vous l’avez ponctionné. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. C’est vrai, monsieur Domeizel, Mme Aubry n’a pas pris un euro… (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.)
Elle en a pris 4 milliards ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Comment ? En transférant sur le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, des droits sur l’alcool qui venaient auparavant abonder le FSV. Ce faisant, elle a diminué l’excédent de ce fonds, qui était lui-même un abondement du FRR.
En modifiant ainsi le branchement d’un seul tuyau, elle a amenuisé les ressources du FRR.
M. Claude Domeizel. C’est faux !
M. Nicolas About. M. Vasselle nous l’a expliqué des centaines de fois !
M. Christian Cambon. Bravo !
M. Éric Woerth, ministre. Vous ne referez pas l’histoire ! C’est inscrit dans le PLFSS de l’époque.
Mme Aubry a été la première à utiliser le Fonds de réserve des retraites en dehors de son statut et de son objectif.
Vous parlez de hold-up quand on utilise le Fonds de réserve des retraites pour financer les retraites. Je suis désolé : la première à avoir cassé la banque, c’est Mme Aubry ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Cet amendement préconise un rapport, il s’agirait d’un rapport de plus….
Je ferai observer à nos collègues que, depuis la réforme de la Constitution, la possibilité a été offerte aux parlementaires de se saisir de n’importe quel dossier pour contrôler l’application de la loi et, s’ils le veulent, rien ne les empêche de prendre le sujet à bras-le-corps et d’établir eux-mêmes un rapport. Avec les administrateurs qui sont à leur disposition, ils peuvent le faire, me semble-t-il, ce n’est pas la peine de l’inscrire dans la loi.
C’est la raison pour laquelle je voterai contre l’amendement n° 925.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous dit que cela coûte cher, mais on ne sait pas combien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 925.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 926.
Mme Odette Terrade. La réforme Balladur de 1993 a donné le coup d’envoi de la dégradation du niveau des pensions.
Ainsi, pour la première fois depuis l’instauration de la sécurité sociale, le droit à la retraite auquel peuvent prétendre les actifs sera moins accessible et moins favorable que celui de leurs aînés.
Les réformes de 2003 et de 2008 ont aggravé la situation en faisant entrer dans la loi le principe de l’augmentation de la durée de cotisation, fondé sur l’augmentation de l’espérance de vie. Mais elles ont également mis en concurrence le système de répartition en favorisant de nouvelles formes de capitalisation, ménageant ainsi une place de choix aux acteurs financiers.
Alors qu’historiquement notre système de retraites avait pour vocation de résorber la pauvreté des travailleurs âgés, les gouvernements de droite organisent depuis deux décennies la paupérisation des futurs retraités en durcissant les conditions d’accès à ce droit social.
Dans son huitième rapport, le COR indique que la pension moyenne rapportée au revenu d’activité moyen baisserait ainsi de plus de 20 % à l’horizon 2050.
Et malgré ce bilan calamiteux, vous proposez aujourd’hui le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et celui de l’âge pour bénéficier d’une retraite à taux plein à 67 ans.
Ce cumul privera de fait une part grandissante de la population française d’une retraite à taux plein, en priorité – on l’a dit et répété – les femmes, mais aussi tous les salariés touchés par des périodes de chômage ou de précarité dans leur emploi.
Aujourd’hui, vous repoussez l’âge de départ à la retraite, alors même que le taux d’emploi des seniors reste un des plus bas d’Europe, alors que les entreprises continuent de licencier les salariés âgés avant qu’ils n’aient acquis la totalité de leurs droits et alors que l’âge moyen de cessation d’activité continue de tourner autour de 59 ans.
Pour ces futurs retraités, la réponse sera la même : un abaissement du niveau des pensions et une chute de leur pouvoir d’achat.
Ce n’est pas acceptable.
Aussi, pour enrayer la baisse du niveau des pensions, il faudra bien engager la discussion d’un autre partage des richesses et de la détérioration considérable de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Voilà le débat que nous voulons mener quand votre majorité, elle, ne pense qu’à faire davantage de place à la capitalisation – en proposant par ses amendements un véritable plan de relance de l’épargne-retraite – source d’accroissement des inégalités entre les retraités.
C’est pourquoi le groupe CRC-SPG a déposé cet amendement n° 926, que je vais voter. Mes chers collègues, je vous invite à en faire autant.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 926.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er ter (nouveau)
Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi n° … du … portant réforme des retraites, la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale définie à l’article L. 114-3 du code de la sécurité sociale remet au Gouvernement et au Parlement un rapport sur la rénovation des mécanismes de transfert de compensation démographique entre régimes d’assurance vieillesse afin d’assurer la stricte solidarité démographique entre ces régimes.
Sur la base de ce rapport, le Gouvernement consulte le Comité de pilotage des régimes de retraite sur un projet de réforme de ces mécanismes.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Cet article 1er ter suit évidemment la même logique que celle qui prévalait à l’article 1er bis, que la majorité sénatoriale a souhaité supprimer.
Odette Terrade, qui vient de s’exprimer, a bien montré comment le Gouvernement entendait ponctionner l’emploi public par l’intermédiaire de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, pour assurer, très partiellement d’ailleurs, le financement de cette réforme. Là on voit bien que le problème de la compensation est au cœur de cette préoccupation.
On peut noter d’ailleurs que ce choix est vraiment conjoncturel et s’apparente à une véritable rustine puisque, par ailleurs, vous attaquez frontalement les fonctions publiques, au nom de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, en réduisant massivement le nombre de fonctionnaires.
Une impression domine dans la logique de cet article 1er ter et dans l’attitude de la majorité UMP-centristes, c’est la volonté indéfectible de limiter à la ponction du monde salarié toute solution à un déficit du régime de retraite. Pour la majorité, il s’agit de prendre toujours sur les mêmes…
Quel que soit le choix que vous effectuez, quelle que soit la compensation que vous organisez, vous retombez toujours sur vos jambes : pas touche au capital, pas touche au patrimoine !
Nous voterons contre cet article 1er ter, car il symbolise l’absence d’imagination au pouvoir, une absence d’imagination au service des inégalités et de l’injustice sociale.
Nous l’avons dit et répété : pour rétablir de manière pérenne notre régime de retraite, l’asseoir sur de véritables fondements, s’agissant notamment de son financement, il faut aller chercher l’argent où il est et le mettre au service de l’emploi.
Un sénateur du groupe UMP. Il est où ?
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous restez sourd à cette exigence. Sachez que nous continuerons à vous faire entendre que d’autres choix existent.
Je répondrai maintenant aux propos que vous avez tenus tout à l’heure.
Vous avez dit, concernant les hausses de cotisations des fonctionnaires, qu’il n’y avait pas d’autre solution que la vôtre ou bien celle de procéder à une baisse des pensions des fonctionnaires.
Or, il y avait une autre solution, une solution que vous n’avez pas exploitée et qui était pourtant défendue par les organisations syndicales, à commencer par la principale d’entre elles : la CGT.
Nous avons eu un précédent lors de l’examen des régimes spéciaux. La solution aurait pu consister en un transfert de cotisations de l’État vers les salariés, compensé toutefois par une hausse du salaire indiciaire. Une telle mesure, me semble-t-il, avait été mise en œuvre lors de la réforme du régime de retraite des électriciens et gaziers.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article, qui fait suite à l’adoption d’un amendement déposé par M. le rapporteur, prévoit que, dans les douze mois suivant la promulgation de cette loi, la commission de compensation remet un rapport portant sur la « rénovation des mécanismes de transfert de compensation démographique entre régimes d’assurance vieillesse afin d’assurer la stricte solidarité démographique entre ces régimes. »
Cet article appelle deux observations.
Tout d’abord si, comme le souligne le rapport, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est le premier contributeur aux mécanismes de compensation, c’est qu’elle n’est pas déficitaire. En 2008, les cotisations excédaient les prestations de 2,7 milliards d’euros, dont 2,5 milliards ont été prélevés par l’État au titre de la « compensation » entre régimes de retraites.
Cette bonne situation économique résulte de la politique d’emploi des collectivités locales et territoriales, une politique que vous jugez très coûteuse. Or, c’est bien le nombre de cotisants qui permet cette situation.
À l’inverse, s’il y a compensation, c’est que partout ailleurs les cotisations sont en baisse. Il y a naturellement les cas particuliers des régimes en extinction, comme les mines, mais il y a surtout les régimes auxquels vous accordez d’importants cadeaux. Un rapport de la Cour des comptes sur ce sujet a d’ailleurs clairement mis en évidence le fait que les professions indépendantes, agricoles ou libérales bénéficient de cette politique de réduction de la solidarité nationale.
Pour notre part, nous ne sommes pas opposés aux mécanismes de compensation si ceux-ci visent réellement à compenser les éléments démographiques au profit des régimes en situation défavorable, qu’ils soient salariés ou non-salariés, et si cela permet, au travers d’une solidarité, de sécuriser encore plus la retraite par répartition.
Nous ne sommes donc pas hostiles par principe à cet article à la condition qu’il s’accompagne d’une politique destinée à supprimer les niches sociales et les exonérations de cotisations dont disposent certaines professions. Or, en la matière, nous ne voyons rien venir.
Nous souhaitons donc que le rapport mentionné à l’article 1er ter inclue également une réflexion d’ampleur sur les causes qui rendent nécessaires les mécanismes de compensation.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Je m’adresserai tout particulièrement à M. le rapporteur, avec qui j’ai cosigné un rapport d’information sur la compensation vieillesse. Nous avons donc tous les deux une certaine connaissance de ce sujet et moi, à double titre, puisque je préside la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, laquelle finance largement la compensation spécifique vieillesse.
L’article 1er ter prévoit de demander à la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale d’établir un rapport sur la rénovation des mécanismes de solidarité entre les régimes, et ce dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi portant réforme des retraites, c'est-à-dire de revoir totalement les méthodes de calcul pour assurer la solidarité entre les régimes.
Cher Dominique Leclerc, la première question qui se pose est la suivante : faut-il revoir les règles de la compensation ? Ma réponse – notre réponse, oserai-je dire – est : oui. (M. le rapporteur acquiesce.)
Permettez-moi de faire un bref rappel historique.
Le mécanisme de compensation généralisée a été créé en 1974. L’article 1er de cette loi avait prévu l’instauration d’un régime unique dans un délai de quatre ans, soit avant 1978. En attendant la mise en place d’un régime unique a été conçu un système de compensation généralisée entre tous les régimes.
Il est vrai qu’il y avait, à l’époque, de vrais régimes déficitaires, donc bénéficiaires de cette compensation, et de vrais régimes contributeurs. Ainsi, des régimes qui avaient des réserves pouvaient se permettre de transférer des fonds aux régimes en difficulté. Mais, aujourd'hui, les événements ont pris une telle tournure que la compensation est là non pas pour transférer des fonds d’un régime excédentaire contributeur vers un régime déficitaire, mais pour répartir la pénurie. Voilà le problème actuel ! Il y a donc lieu de réviser les modes de calcul.
Cela étant, la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale est-elle la plus habilitée à établir ce projet de réforme ? Cher rapporteur, je ne le pense pas.
Je suis membre de cette commission ; j’y ai même siégé ce matin. Comment voulez-vous que l’ensemble des régimes composant cette commission, qui ont des intérêts divergents, puissent parvenir à un accord ? Dominique Leclerc le sait bien, il est également membre de cette instance. J’ai participé à une réunion sur le FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, au cours de laquelle nous avons essayé, avec les responsables de chaque régime, de trouver une solution pour prévoir une contribution spécifique pour ce fonds, en vain.
L’article 1er ter risque d’être inopérant eu égard à la composition de cette commission et aux moyens humains qui lui sont consacrés.
Certes, on peut prévoir que cette commission soit consultée sur un projet établi par le Parlement ou le Gouvernement, mais, très sincèrement, monsieur le rapporteur, elle ne peut être le maître d’ouvrage du projet de réforme des mécanismes de compensation.
C’est pourquoi nous ne voterons pas l’article 1er ter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Comité de pilotage des régimes de retraite
par les mots :
Comité d'orientation des retraites
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Nous poursuivons notre logique.
Nous ne souhaitons pas que le comité de pilotage des régimes de retraite s’interpose entre la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale et le Gouvernement. À notre sens, il est inutile de créer un comité bis, le Conseil d’orientation des retraites étant tout à fait habilité à donner un avis sur le rapport relatif au projet de réforme des mécanismes de compensation démographique entre régimes de retraite, qui sera remis au Gouvernement et au Parlement par la commission de compensation.
Le Conseil d’orientation des retraites, créé en 2000, a, je le rappelle, pour missions essentielles d’assurer le suivi et l’expertise concertée permanente de notre système d’assurance vieillesse et de formuler des propositions.
Il a vu son rôle élargi par l’article 6 de la loi de 2003 portant réforme des retraites, que nous connaissons tous. Je rappelle ses missions : décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et élaborer régulièrement des projections de leur situation financière ; apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ; mener une réflexion sur le financement des régimes de retraite et suivre l’évolution de ce financement ; ou encore formuler des avis préalables aux décisions à prendre tous les quatre ans sur la durée d’assurance.
Il suffirait donc d’élargir les missions du COR. Je le répète, le comité de pilotage des régimes de retraite est loin de s’imposer ; il est même superfétatoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez, je reviendrai sur les propos qui ont été tenus sur l’article 1er ter.
Ainsi que notre collègue Claude Domeizel l’a souligné, j’ai participé à un grand nombre de réunions de la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale, composée des régimes contributeurs et des régimes bénéficiaires. À quelle conclusion les participants sont-ils parvenus ? Surtout, ne changeons rien à l’équilibre d’aujourd’hui, contentons-nous de déplacer le curseur ! Je crois avoir beaucoup contribué à ce que la commission ne puisse pas conclure.
Dans le cadre de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, nous avons conduit une réflexion sur la compensation et exposé, dans un rapport d’information, les raisons pour lesquelles les mécanismes de compensation, créés en 1974, ne répondent plus à la réalité. Mais notre collègue Guy Fischer, pourtant membre de la MECSS, l’a-t-il sans doute oublié ?...
À l’origine, la compensation a été prévue pour compenser les déficits démographiques. Mais les choses ont beaucoup changé depuis 1974.
Je n’admets pas l’interprétation de M. Fischer. C’est une grossière désinformation que d’affirmer que seuls les salariés sont, une fois encore, mis à contribution ! Les salariés du public, a-t-il insisté !
Tous les ans, ce sont 10 milliards d’euros qui sont en jeu au titre des compensations. La CNAV contribue à hauteur de 50 %, soit 5 milliards d’euros. Or la CNAV, ce sont les salariés du privé !
Et quid du deuxième contributeur ? L’État, qui participe à hauteur de 1,9 milliard d’euros. Quant à la CNRACL, qui se place en troisième position, elle y consacre un peu plus d’un milliard d’euros. S’agissant des professions libérales, le quatrième contributeur, elles affectent 50 % de leurs cotisations à la compensation, ce qui représente plus de 60 % des prestations. Chaque fois, je me laisse à penser qu’il s’agit non plus de solidarité, mais de spoliation !
Il y a aujourd’hui un réel problème avec la compensation, qui ne répond plus du tout à son objet initial, d’autant que la CNAV est, entre-temps, devenue déficitaire. Il convient donc de réfléchir sur cette question.
Puisque tous les acteurs concernés font partie de la commission de compensation, il nous faut sortir de ce tour de table – quel intérêt de se réunir x fois pour ne rien changer ? – pour nous tourner vers le COR ou le comité de pilotage.
Le COR, on l’a dit, est un comité technique qui procède notamment à des évaluations. Quant au comité de pilotage, il est créé dans la perspective de formuler des propositions pour sortir de cette situation.
Après réflexion, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 77. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, pour répondre aux observations de M. Domeizel, M. le rapporteur souhaite déposer un amendement visant à confier au Conseil d’orientation des retraites la rédaction du rapport sur la rénovation des mécanismes de transfert de compensation démographique entre régimes d’assurance vieillesse ; il vient d’ailleurs de s’en expliquer.
En principe, je devrais réunir la commission pour qu’elle statue sur cet amendement. Toutefois, si les membres de la commission des affaires sociales en sont d’accord, nous pourrions dès à présent déposer cet amendement.
M. le président. Sachant que le projet d’amendement du rapporteur porte sur l’alinéa 1, il va de soi que, si ce texte est effectivement déposé, j’inviterai le Sénat à statuer à son sujet avant qu’il n’ait à se prononcer sur l’amendement n° 77, qui porte, lui, sur l’alinéa 2.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à la proposition qui vient d’être faite par M. le rapporteur, et j’indique en outre qu’il a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 77.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, nous souhaiterions une courte suspension de séance, afin que la commission puisse malgré tout se réunir pour examiner ce nouvel amendement proposé par M. le rapporteur.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Soit !
M. le président. En conséquence, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un amendement n° 1223, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale définie à l'article L. 114-3 du code de la sécurité sociale
par les mots :
le Conseil d'orientation des retraites
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par cet amendement, qui est le fruit des échanges que nous avons eus il y a quelques instants au sein de la commission, nous souhaitons donc faire en sorte que ce soit au Conseil d’orientation des retraites » qu’il revienne d’établir le rapport visé à l’article 1er ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. L’amendement que vient de présenter le rapporteur rejoint totalement la démonstration que j’ai faite précédemment : chacun se trouve maintenant remis à sa juste place puisque c’est bien au Conseil d’orientation des retraites qu’il revient de faire des propositions.
Nous voterons donc cet amendement, étant entendu – et je pense que la commission en sera d’accord – que, à l’alinéa 2, il devra être prévu que c’est la commission de compensation qui est consultée par le Gouvernement, et non pas le Comité de pilotage.
Chacun sera alors dans son rôle.
M. le président. Je suis effectivement saisi d’un amendement n° 77 rectifié, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
le Comité de pilotage des régimes de retraite
par les mots :
la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale définie à l'article L. 114-3 du code de la sécurité sociale
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 77 rectifié. (Marques de surprise teintée d’impatience sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Nous avions soulevé ce problème et je crois que l’enjeu est effectivement important : que l’on puisse inscrire dans cet article l’idée que la commission de compensation sera consultée nous apparaît comme une garantie renforçant les objectifs que nous nous étions fixés.
La majorité semble considérer que, par cette explication de vote, j’allonge les débats,…
M. Charles Revet. Tant que vous votez les dispositions proposées, il n’y a pas de problème !
M. Guy Fischer. … mais je jugeais utile de pouvoir dire que, sur un dossier aussi important, il s’agit d’être précis et que nous nous réjouissons de la modification qui est ainsi proposée.
Mme Annie David. Maintenant, nous pourrons la voter !
M. Adrien Gouteyron. Quand vous êtes raisonnables, nous sommes prêts à vous entendre !
M. le président. L'amendement n° 768, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport fait, dans le mois qui suit sa publication, l'objet d'un débat public à l'Assemblée nationale et au Sénat.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Nous souhaitons que le rapport dont il est ici question fasse l’objet, dans le mois qui suit sa publication, d’un débat public à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Ce rapport, supposé faire le point sur le transfert de cotisations entre régimes, intéresse en effet les parlementaires, plus particulièrement les représentants des collectivités locales et territoriales que nous sommes, car nous avons un intérêt particulier pour le devenir de la CNRACL.
Sur la base d’un tel rapport, nous pourrions, par exemple, travailler à dresser ensemble un bilan des lois de décentralisation que nous avions dénoncées, notamment au regard des transferts massifs de dépenses publiques de l’État en direction des collectivités locales et territoriales, dépenses dont nous craignions, à raison, qu’elles ne soient pas compensées.
Aujourd’hui, si le transfert des personnels de l’État en direction des collectivités locales est bien financé, force est de constater que tel n’est pas le cas pour ce qui relève des cotisations dues au titre des pensions civiles pour les fonctionnaires en détachement qui n’ont pas, comme la loi le leur permet, opté pour l’intégration. Dans ce cas, le taux de contribution dû par l’employeur, c'est-à-dire les collectivités, lesquelles n’étaient pas nécessairement demandeuses de transfert, est de 60,14 %, alors qu’il n’est que de 27,3 % pour les fonctionnaires détachés qui, eux, ont opté pour l’intégration.
Autrement dit, on fait payer à des collectivités locales qui se sont vu en quelque sorte imposer le transfert de certains personnels le même taux de cotisation que celui qu’on applique aux collectivités qui ont entamé des démarches volontaires pour accueillir des fonctionnaires en détachement.
De la même manière, cela pourrait nous permettre de poursuivre la réflexion entamée au Sénat avec la proposition de loi de notre collègue Claude Domeizel et de suivre réellement l’application de l’article 9 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, lequel avait prévu une baisse progressive du taux de surcompensation qui pèse sur les régimes spéciaux jusqu’à l’extinction prévue théoriquement en 2012.
Cette question de la surcompensation est centrale, car la situation actuelle impose d’importantes dépenses à la CNRACL. Ces dépenses, si elles ne mettent pas en cause à court terme l’équilibre de la caisse, pourraient toutefois la fragiliser dans l’avenir, particulièrement si l’on s’en tient aux estimations formulées par le COR, des estimations assises sur un principe simple : la diminution du nombre de cotisants.
C’est une diminution que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre. En effet, vous espérez que les collectivités appliqueront la même politique que vous, à savoir le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Bref, vous l’aurez compris, nous pouvons avoir sur le sujet d’importants débats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
En effet, après les débats d’hier, le fait de laisser le Parlement se saisir du sujet au travers du rapport qui lui est présenté me semble aller de soi.
Vous me permettrez d’ajouter une remarque, monsieur Le Cam : heureusement qu’il était prévu, dans la réforme des retraites votée en 2003, de mettre progressivement fin, sur neuf ans, au mécanisme de la surcompensation !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai recherché dans le Journal officiel ce qui avait été dit ici lors de l’examen de notre proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité et je vais vous lire quelques extraits du débat.
Mme Jacqueline Panis, ici présente, expliquait : « Eu égard au coût financier et à la complexité que le dispositif de réversion peut représenter, nous sommes particulièrement attachés à ce que cette possibilité soit envisagée dans le cadre plus large du débat sur la réforme des retraites de 2010… ».
Quant à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice, qui représentait le Gouvernement, il indiquait : « La question de la pension de réversion pour le pacsé survivant, évoquée par Mme le rapporteur et par plusieurs orateurs, fera sûrement l’objet d’un traitement particulier lors du grand débat national sur les retraites qui intéressera tous nos concitoyens. À cette occasion, nous pourrons mesurer les implications concrètes des mesures proposées, la diversité des situations et envisager les évolutions que plusieurs d’entre vous, Mme Muguette Dini notamment, appellent de leurs vœux. »
Enfin, M. Gélard, orateur de la majorité, déclarait : « Pour conclure, je le répète, nous devons disposer d’une étude comparative faisant le point sur la situation à l’étranger, et nous attendons avec impatience le débat qui aura lieu en 2010 sur les pensions de retraite en général, car ce problème ne peut être traité à part. ».
C’était le 9 décembre 2009, il y a moins d’un an !
On peut féliciter les sénateurs de la majorité et le Gouvernement pour la manière dont ils respectent leurs engagements ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. –Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous allons voter l’amendement présenté par M. Le Cam, car il vise à ce que le Parlement ne soit pas déresponsabilisé sur ces questions.
Il est extrêmement important que les rapports, celui dont nous parlons en particulier, puissent faire l’objet d’un débat, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, pour alimenter la réflexion du législateur.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. S’agissant du problème de la compensation, une certaine réalité s’impose à nous. Ainsi, il est précisé dans le rapport : « En 2007, la compensation généralisée vieillesse a été financée à plus de 92 % par trois régimes : la CNAV, pour les trois cinquièmes, la CNRACL, à hauteur de 18 %, et le régime des fonctionnaires de l’État, pour 15 %. »
Il apporte également un complément d’information intéressant : « Les régimes agricoles – salariés et exploitants –ont reçu près de 80 % des transferts versés au titre de la compensation généralisée en 2007. »
M. Claude Domeizel nous rappelle toujours la réalité des chiffres qui dessinent le paysage de la compensation ! Il ne faut pas les oublier, afin de ne pas s’égarer en se contentant d’anathèmes ou de on-dit !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Au dernier alinéa de l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « d’une conférence présidée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget et réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives au plan national, dont les modalités d’organisation sont fixées par décret, » sont remplacés par les mots : « du Comité de pilotage des régimes de retraite, ».
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article 2 nous semble totalement incohérent par rapport à l’article 1er, qui porte création du Comité de pilotage des régimes de retraites.
Du reste, nous continuons de nous interroger sur cette nouvelle instance. Par exemple, quelle place entendez-vous donner aux organisations syndicales ? À l’inverse, quelle place réservez-vous aux personnalités qualifiées ? Seront-elles plus nombreuses que les représentants des organisations syndicales ? Auront-elles le droit de vote ?
En effet, il est prévu que le comité de pilotage se réunira une fois par an et pourra proposer au Parlement une correction du taux de revalorisation des pensions pour l’année qui suit. Or, monsieur le ministre, vous avez affirmé à l’Assemblée nationale : « Les pensions seront revalorisées à partir du 1er avril, de façon automatique, sur la base de l’inflation de l’année précédente, telle que calculée par l’INSEE. » Pourquoi, alors, remplacer la conférence tripartite chargée d’apporter un éventuel correctif au taux de revalorisation des pensions par le Comité de pilotage ?
On trouve, au moins partiellement, la réponse à cette question dans le rapport de notre collègue Dominique Leclerc : « Dorénavant, la revalorisation pour l’année sera égale à la prévision d’inflation établie par la Commission économique de la Nation. » Comment le Comité de pilotage pourrait-il alors se prononcer sur une revalorisation éventuelle du montant des pensions ?
Tout cela donne l’impression que la revalorisation des pensions ou plutôt leurs éventuelles revalorisations seront systématiquement confrontées aux analyses comptables, des analyses limitées puisque le Comité de pilotage s’interdit de proposer la création de ressources nouvelles, comme la taxation des revenus financiers ou la mise à profit, pour les comptes sociaux, des millions de dividendes que se partagent les actionnaires.
En fait, le passage devant le Comité de pilotage n’est qu’une mesure « esthétique », qui sera sans effet sur le montant des pensions. Autrement dit, qu’il s’agisse d’une réunion de la conférence tripartite ou du nouveau Comité de pilotage, tout est inscrit dans le marbre : les retraités n’auront plus droit, à l’avenir, à un petit coup de pouce financier. La rigueur est installée et frappera durement, sans doute même durablement, les retraités de notre pays.
Enfin, je voudrais souligner la pratique curieuse qui consiste à annoncer la suppression d’une conférence qui réunit les représentants de l’État et des organisations syndicales et patronales au motif qu’elle ne se serait jamais réunie, alors même que c’est au Gouvernement qu’incombe la responsabilité de la réunir !
Cette méthode nous inquiète et nous souhaiterions connaître le sort que vous allez réserver à la Conférence nationale des finances publiques, qui ne s’est plus réunie depuis que vous avez créé la Conférence sur le déficit. Cette substitution n’est pas anodine ! En effet, si la Conférence nationale des finances publiques a pour mission d’étudier toutes les propositions des organisations syndicales en matière de financement et d’utilisation des ressources qui en découlent, notamment en matière sociale, la composition et les missions de la Conférence sur le déficit sont limitées : non seulement elle n’intègre pas les organisations syndicales, mais son rôle se borne à gérer la crise économique que nous traversons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Nous abordons l’article 2, qui a toute l’apparence d’une simple disposition de coordination.
Il vient conforter les arguments que nous avons déjà présentés et qui nous conduisaient à demander la suppression de l’article 1er. Nous avons souligné, en particulier, la nature ambiguë de ce Comité de pilotage des régimes de retraite et de la confusion des pouvoirs qu’il risque d’instaurer.
En effet, le fait de substituer ce Comité de pilotage des régimes de retraite à la conférence tripartite actuellement compétente pour proposer au Parlement une éventuelle « correction » du taux de revalorisation des retraites de l’année suivante révèle deux contradictions majeures.
Au moment où l’on prétend simplifier à tout-va, on charge d’un organisme supplémentaire un paysage déjà occupé par le Conseil d’orientation des retraites, la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Cour des comptes, la Commission des comptes de la sécurité sociale, la Commission de garantie des retraites, le Conseil économique, social et environnemental, entre autres !
À cet égard, il est savoureux de lire le jugement de la commission des affaires sociales sur cette mesure de substitution : « Il s’agit d’une mesure de bon sens qui permet d’éviter la multiplication des organismes ad hoc. » On ne peut que saluer ce sens de l’humour !
Au-delà, c’est le rôle même de ce Comité de pilotage qui enlève à cette substitution le caractère anodin que l’on voudrait lui donner, et cela plus encore après les modifications qui ont été adoptées par la commission des affaires sociales et qui confèrent expressément à ce comité une mission d’alerte, dès lors qu’il considérera qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière de notre système de retraite ne soit plus assurée.
Compte tenu de cette mission, de l’état de déséquilibre chronique du régime et du fait que le financement que vous prévoyez – et dont vous n’avez pas voulu débattre dans le cadre de l’examen de ce projet – ne permettra pas d’assurer cet équilibre, imagine-t-on un instant que le Comité de pilotage proposera de rehausser le taux de revalorisation des pensions s’il constatait une sous-évaluation des prévisions ? Notre commission ne dit pas autre chose lorsqu’elle souligne que la conférence ne s’est jamais réunie en raison « de la situation financière des régimes de retraite et du taux de croissance de l’économie nationale ».
Certes, il est vrai que la « correction » prévue par l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale peut être à la hausse, mais également à la baisse ! Il y a là, nous semble-t-il, des rôles difficilement compatibles et il est à craindre que ce comité ne se réunisse finalement pas plus que la conférence à laquelle il est amené à se substituer.
De plus, monsieur le ministre, je m’interroge sur la réelle possibilité de mettre en œuvre une telle disposition au regard des contraintes de calendrier.
Je souhaite formuler une dernière remarque sur la « rengaine » que vous nous servez en boucle, la seule que vous ayez pour justifier une telle réforme : assurer le paiement des futures retraites.
D’une part, les financements que vous prévoyez sont impropres à assurer l’équilibre du régime à moyen terme ; je ne mentionnerai que vos hypothèses de croissance, à mon sens irréalistes – d’ailleurs, elles ont été unanimement démenties –, et l’apport de 15 milliards d’euros, qui sont en réalité seulement du déficit nouveau ! D’autre part, vous ajoutez une baisse prévisible des niveaux de retraite à la baisse déjà réalisée par le changement de leur mode d’indexation.
Selon les chiffres de la CNAV, le basculement de l’indexation sur les salaires à une indexation sur les prix a déjà représenté, pour les pensions, une perte de 8 % sur la période 1994-2003. Et cela se poursuit avec une moindre évolution, certes en cumulant les effets « paramètre » et « revalorisation », puisque l’inflation reste inférieure sur le moyen et le long terme à l’augmentation des salaires. Les projections du COR laissent également présager une dégradation du taux de remplacement du salaire par la retraite de 18 à 20 points d’ici à 2030.
Voilà les certitudes que promet cette réforme : un déficit maintenu pour la CNAV, faute d’un projet de financement pérenne, et une nouvelle baisse des pensions de retraite, faute de perspectives d’emplois sérieuses. Telle est notamment l’expertise avertie de la présidente de la CNAV elle-même.
Derrière les discours, ce que l’on voit, c’est votre recours à des stratégies de procédure pour faire passer à toute force cette réforme ; c’est votre mépris pour les Françaises et les Français ; c’est la situation dans laquelle vos choix dogmatiques ont conduit les finances de ce pays ; c’est l’augmentation de la précarité et de la pauvreté ; et c’est enfin votre incapacité à assumer la responsabilité d’une telle situation !
À cet égard, le fait que vous proposiez de confier le pilotage de l’équilibre financier des retraites à un comité irresponsable est exemplaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, vu la conviction que vous mettez dans vos propos, nous avons vraiment le sentiment que vous-même n’y croyez pas ! Et, finalement, c’est plutôt une bonne nouvelle ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous affirmez que nos hypothèses de croissance ne sont pas réalistes.
Mme Raymonde Le Texier. Nous ne sommes pas les seuls à le dire !
M. Jean-Louis Carrère. Nous avons toujours fait plus de croissance que vous !
M. Éric Woerth, ministre. Vous êtes fiers de nous dire que vous avez un projet. J’ai déjà indiqué qu’il ne reposait pas sur grand-chose !
Mme Annie David. Nous ne sommes pas là pour polémiquer ! Assez avec vos petites phrases, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. Mais vous vous fondez tout de même sur des hypothèses économiques. Or vos hypothèses de croissance et de productivité sont plus hautes que celles du Gouvernement ! Par conséquent, si les nôtres sont irréalistes, les vôtres le sont encore plus ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Nous ne sommes pas au théâtre, ici !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’article 2 prévoit de transférer la correction du taux de revalorisation des retraites, qui relevait de la conférence nationale, au Comité de pilotage des organismes de retraite. Je ne m’étendrai pas sur ce nouvel organe : mes collègues du groupe socialiste ont bien dit ce que nous en pensions.
Pour ma part, je m’interroge sur la portée exacte des termes « sur proposition » tels qu’ils figurent au dernier alinéa de l’article L. 161–23–1.
J’illustrerai mon propos d’un seul exemple. En raison d’une disposition législative qui figurait dans la réforme des retraites adoptée en 2003, les commissions des affaires sociales des deux assemblées avaient l’obligation, en 2008, de présenter au Gouvernement des recommandations permettant d’apprécier les montants de revalorisation des pensions. Plusieurs de ces recommandations ont fait état de la nécessité d’améliorer considérablement les allocations en faveur des plus modestes.
Les ministres du travail successifs s’étaient engagés à le faire. Depuis, plus rien ! La hausse de 0,9 % des pensions du régime général qui est intervenue au mois d’avril 2010, en décalage complet avec l’évolution du coût de la vie, témoigne de votre dogmatisme.
Avec l’article 2, vous parachevez la primauté des logiques comptables sur le pouvoir d’achat des personnes âgées.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Bernard Cazeau. Évidemment, on sait d’avance sur quoi se fonderont les conclusions de ce nouveau Comité de pilotage des retraites pour déterminer à l’avenir le calcul de la revalorisation des pensions : l’inflation. Celle-ci, qui constitue l’alpha et l’oméga du Gouvernement, ne reflète pourtant pas le coût de la vie réel pour les faibles revenus.
L’effet de ce décalage est, bien sûr, particulièrement rude pour les petites pensions, notamment dans les territoires ruraux.
Je rappelle que les mutuelles de santé ont augmenté leurs tarifs d’environ 5 % cette année et GDF-Suez, les prix du gaz de 9,7 % au mois d’avril dernier. Santé, énergie : deux postes de dépenses contraintes, incompressibles, qui pèsent proportionnellement plus lourd dans le budget des retraités modestes.
Aujourd’hui, 4 millions de retraités perçoivent le minimum contributif, c'est-à-dire 590,33 euros, et plus de 5 millions d’autres ne touchent que de 800 euros à 1 100 euros. Il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que la pauvreté refasse surface chez les aînés. Et le phénomène risque d’empirer. Les prochaines vagues de retraités subiront sur leurs allocations les effets de carrières davantage touchées par le chômage et la précarité.
La facture risque ainsi d’être particulièrement salée si, comme le prévoit le Gouvernement, les montants des pensions sont calculés en fonction d’un indice des prix artificiel.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 78 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 328 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Annie David. L’article 2 modifie une disposition du code de la sécurité sociale qui fixe les conditions de revalorisation des pensions de vieillesse.
Celles-ci sont précisées dans le troisième alinéa de l’article L. 161-23-1 dudit code, qui permet au Gouvernement de proposer au Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une correction des taux de revalorisation présentés par une conférence nationale tripartite.
En cohérence avec l’article 1er, que nous n’avons pas voté, l’article 2 tend à substituer à cette conférence le Comité de pilotage des retraites, ou COPILOR, organe chargé, je le rappelle, de veiller « au respect des objectifs du système de retraite par répartition » en vue du maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, ce qui le rend légitime à vos yeux pour jouer à présent un tel rôle de proposition.
L’article 2 transfère ainsi au Comité de pilotage la mission de la conférence tripartite puisque la correction du taux de revalorisation s’effectuerait désormais sur sa proposition.
Toutefois, il faut savoir que cette conférence n’a jusqu’à présent jamais été réunie, faute sans doute – nous ne pouvons que le regretter – de volonté politique du Gouvernement.
Je ne vois donc aucunement l’intérêt d’ajouter une mission au Comité de pilotage, sauf à vouloir dessaisir une instance de démocratie sociale de ses prérogatives. En effet, alors que le système actuel est tripartite, la présence de personnalités qualifiées au sein du Comité de pilotage met en cause l’équilibre de la démocratie sociale, qui repose essentiellement sur la présence des partenaires sociaux.
C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Jean-Luc Fichet. Nous proposons également de supprimer l’article 2 parce que celui-ci vise à remplacer la conférence nationale chargée de proposer un éventuel correctif au taux de revalorisation des pensions par le Comité de pilotage des retraites.
Cet amendement pourrait être un simple amendement de cohérence, s’appuyant sur l’argumentation que nous avons développée à propos du Comité de pilotage.
En fait, il a surtout pour objectif de faire préciser par le Gouvernement le processus de décision concernant notamment la correction du taux de revalorisation.
Jusqu’à présent, et par dérogation à la loi existante, une conférence réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives et présidée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget pouvait proposer au Parlement une correction au taux de revalorisation de l’année suivante.
Or, dans la rédaction actuelle de l’article, il n’est plus fait mention d’une telle possibilité. Une fois de plus, on observe un glissement vers une déconsidération du Parlement. Et que deviennent les partenaires sociaux ?
Le rapporteur nous dit que cette conférence ne s’est jamais réunie ; demandons-nous pourquoi !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, pour présenter l'amendement n° 328 rectifié.
M. Robert Tropeano. À l’instar de l’article 1er, l’article 2 transfère au Comité de pilotage des organismes de retraites des compétences devant normalement incomber au Gouvernement. En effet, ce comité aurait la possibilité de proposer la correction du taux de revalorisation de l’année suivante.
Le présent amendement tend à supprimer l’article 2 en cohérence avec notre amendement visant la suppression de l’article 1er, qui crée le Comité de pilotage des retraites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission ayant approuvé, s’agissant de la proposition au Parlement d’une correction au taux de revalorisation de l’année suivante, la substitution du Comité de pilotage à la conférence préexistante, elle est évidemment défavorable à la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements identiques.
En réalité, nous aurons à présent un mode de calcul différent, fondé non plus sur des prévisions, mais sur des chiffres avérés.
Nous voulons donc laisser au Comité de pilotage la possibilité d’ajuster, si nécessaire, le montant de la pension en fonction de l’inflation, mais sur la base de chiffres effectivement constatés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 78 et 328 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 2 apparaît strictement formel. Il ouvre au Comité de pilotage la possibilité de décider d’une revalorisation des pensions, alors qu’on nous annonce dans le même temps que celle-ci demeura indexée sur l’inflation. En d’autres termes, cet article n’est que théorique.
Pourtant, les retraités continuent à percevoir des pensions largement insuffisantes. Et cela va s’aggraver avec le report de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite sans décote. En effet, les salariés les plus usés, ceux pour qui l’âge de la retraite apparaît comme une délivrance, n’attendront pas d’avoir 67 ans pour partir à la retraite. Pour preuve, actuellement, plus de 60 % des salariés partent à la retraite à 60 ans, quitte à subir des décotes. Ceux-là perdaient déjà beaucoup ; ils perdront encore plus demain !
C’est à croire, mes chers collègues, que vous ignorez les difficultés rencontrées par les retraités pour boucler leurs fins de mois ! Pourtant, dans vos permanences ou dans vos mairies, dans vos conseils généraux,…
M. Jean-Louis Carrère. Ils ont perdu beaucoup de conseils généraux, et ce n’est pas fini !
M. Guy Fischer. … vous devez voir par centaines ces anciens salariés et ces chômeurs qui, après avoir vécu toute une vie de précarité, vivent une vie de misère. Que leur dites-vous ? « Désolé, le contexte économique, la bulle spéculative qui se recrée et explose en permanence nous conduisent à baisser vos retraites ! » Est-ce cela que vous leur expliquez ? Je n’ose le croire ! Vous ne pouvez continuer indéfiniment à pressurer celles et ceux qui ont déjà tout donné.
Comment voulez-vous que nos concitoyens ne soient pas scandalisés quand, entendant vos discours, ils s’aperçoivent que les hyper-riches continuent, eux, d’être épargnés par votre politique ?
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. On découvre, par exemple, qu’en mai de cette année la nomination de Lars Olofsson à la tête de la direction de Carrefour s’est accompagnée d’un joli cadeau : un régime de retraite ultra-privilégié. Alors que l’ensemble des salariés sont mis au pain sec, que les employés de la grande distribution, souvent des femmes, sont soumis à des contrats précaires, travaillent dans des conditions difficiles et pour des salaires de misère, Lars Olofsson a, lui, obtenu du groupe Carrefour qu’il lui concède, dès la conclusion de son contrat, une retraite à vie de 500 000 euros par an, à la condition qu’il garde son poste durant trois années.
Mme Annie David. Honteux !
M. Guy Fischer. Pour ce faire, l’enseigne lui a reconnu d’emblée, de manière totalement fictive, treize ans d’ancienneté.
Mme Annie David. Quel scandale !
M. Guy Fischer. Eh bien, le scandale ne s’arrête pas là : à cette retraite dorée s’ajouteront de nombreux autres avantages. Ainsi, Lars Olofsson bénéficiera, par exemple, de 130 000 unités d’actions accordées au titre des stock-options, pour un montant unitaire de 33,70 euros ; le groupe évalue cette attribution à 1,7 million d’euros !
Mme Annie David. Et allez donc !
M. Guy Fischer. Et Carrefour se montre encore plus magnanime dans l’attribution d’actions gratuites : 165 000 !
Je dois encore mentionner une allocation de logement égale à 100 000 euros ainsi que, c’est la coutume, une prime d’assurance.
Tous avantages cumulés, hors les 500 000 euros annuels de retraite conférés à vie, cette nomination va rapporter au nouveau directeur général de Carrefour la modique somme de… 9,25 millions d’euros !
M. Jean-Louis Carrère. Avec ça, il pourrait même s’acheter le Fouquet’s !
M. Guy Fischer. Pendant ce temps-là, l’outil que vous mettez en place permettra d’exercer une pression terrible sur les salaires et les retraites en prenant le prétexte de l’évolution de l’inflation.
C'est la raison pour laquelle vous avez décidé, pour les trois prochaines années, de ne pas augmenter les traitements des fonctionnaires, tandis que les pensions des fonctionnaires retraités, ainsi que celles versées par la CNAV, n’augmenteront que de 0,9 %.
Voilà comment le Gouvernement fait pression sur les salaires et les retraites. Au demeurant, il n’est pas le seul dans l’Union européenne : c’est une même politique qui, dans les différents États, frappe le plus grand nombre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article.)
Article additionnel après l’article 2 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 3
I. – L’article L. 161-17 du même code est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans un délai de deux ans suivant la première année au cours de laquelle il a validé une durée d’assurance d’au moins deux trimestres consécutifs dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des modalités d’exercice de son activité et des événements susceptibles d’affecter sa carrière. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.
« Les assurés bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les perspectives d’évolution de ces droits, compte tenu des choix et des aléas de carrière éventuels, ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.
« Lors de cet entretien, l’assuré se voit communiquer des simulations du montant potentiel de sa future pension, selon qu’il décide de partir en retraite à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ou à l’âge du taux plein mentionné au 1° de l’article L. 351-8 du même code. Ces simulations sont réalisées à législation constante et sur la base d’hypothèses économiques et d’évolution salariale fixées chaque année par le groupement d’intérêt public mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 161-17 du même code. » ;
2° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« À la demande de l’assuré, ils communiquent ce relevé par voie électronique. » ;
2° bis (nouveau) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette estimation indicative globale est accompagnée d’une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale. » ;
3° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « trois premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « alinéas précédents » ;
4° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
II. – Au huitième alinéa de l’article L. 114-2 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 3 de ce projet de loi a pour objet de renforcer l’information dispensée aux assurés mise en place par la loi du 21 août 2003. Il vise à leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite, en créant un entretien personnalisé pour tout assuré à partir de l’âge de 45 ans.
Comme vous le savez, la loi du 21 août 2003 a instauré le droit à l’information individuelle des assurés sur leur future retraite. Comme vous le savez également, la mise en place de ce système a pris un certain temps et son application est encore inégale selon les régimes et les régions.
C’est l’actuel article L. 161-17 du code de la sécurité sociale qui codifie les modalités de ce droit à information et c’est lui que vous entendez modifier.
Concernant le fond de cet article, notre position se résume de la manière suivante : oui à l’information des assurés, mais non à la propagande en faveur de la retraite par capitalisation, non au rôle de conseil en placements et au mélange des genres !
Nous disons oui à l’information, car nous sommes favorables au fait que les assurés soient informés plus tôt et mieux sur les droits qu’ils acquièrent en matière de retraite. Nous ne pouvons être contre ce qui améliore un droit pour tous nos concitoyens.
Une fois cette position de principe énoncée, il convient d’examiner de plus près ce que l’article 3 prévoit et aussi ce qu’il ne prévoit pas, laissant ainsi les coudées franches au Gouvernement pour préciser le dispositif par voie de décret. Or, comme vous allez le constater, l’article 3 laisse ouvertes beaucoup de possibilités... C’est là que le dispositif dérape. Et le rapport de la commission ne nous rassure pas dans la mesure où il soulève autant de questions qu’il apporte de réponses.
Le « renforcement » du droit à l’information proposé par l’article 3 revêt plusieurs aspects.
Le premier nous semble acceptable : l’assuré va bénéficier d’une information générale sur le système de retraite par répartition et sera informé des règles d’acquisition des droits à pension. Le contenu exact de cette mesure sera fixé par décret, mais nous pouvons espérer, monsieur le secrétaire d'État, qu’il s’agira d’une information neutre et non orientée.
Le second aspect constitue une nouveauté : le texte prévoit que les assurés bénéficieront d’un « point d’étape retraite » à leur demande et à un âge fixé par décret. C’est à partir de là que l’article 3 autorise des dérives qui nous inquiètent.
En premier lieu, la lecture du rapport ne nous apprend pas si ce « point d’étape retraite » se fera de visu ou par téléphone. On nous dit qu’un entretien en face-à-face coûterait plus cher qu’un simple entretien téléphonique. Certes, mais il faut savoir ce que l’on veut : si l’on veut vraiment mettre en place ce point d’étape retraite, il faut en assumer le coût, c'est-à-dire celui que représentent 130 équivalents temps plein.
Au vu des limites de toutes les démarches réalisées par téléphone, nous pouvons craindre qu’un simple entretien téléphonique ne permette pas d’informer véritablement les assurés. Pour le délivrer une véritable information, il faudra les recevoir.
Comme on ne veut pas se donner les moyens d’organiser un authentique entretien, une des solutions de remplacement consisterait à s’appuyer sur les employeurs. Là, on franchit une étape très dangereuse. Cette solution serait, selon nous, très mauvaise, car elle opérerait un grave mélange des genres : ce n’est pas le rôle de l’employeur d’évoquer de telles questions avec son employé entretiens. L’employeur n’a d’ailleurs pas forcément les compétences requises pour délivrer une information complète et exacte sur ce sujet. Ainsi, il est évident qu’une PME ne dispose pas de la même expertise que le service des ressources humaines d’une grande entreprise. Cette solution nous semble donc à proscrire.
L’article 3 contient en outre, dans sa rédaction même, les conditions d’un détournement de l’objet de cet entretien. D’une simple information sur leurs droits, le point d’étape retraite pourrait devenir l’occasion d’encourager fortement et systématiquement les assurés à souscrire des produits financiers pour se constituer une retraite par capitalisation.
Nous reviendrons sur ce point dans un instant.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. L’article 10 de la loi d’août 2003 a instauré le droit à l’information, ce qui a donné lieu à la création d’un groupement d’intérêt public connu sous le nom de GIP Info Retraite.
Celui-ci a réalisé un travail titanesque dès son installation puisqu’il a dû créer un annuaire regroupant tous les assurés sociaux et un collecteur permettant de recueillir toutes les informations dans tous les régimes de base et complémentaires, soit dans trente-cinq régimes. Dès 2011, toutes les cohortes seront couvertes, mais l’information est d’ores et déjà très large.
Entre 35 ans et 45 ans, tous les assurés sociaux reçoivent un relevé individuel de situation, imprimé, qui leur fait connaître leur situation au regard de la retraite.
À partir de 50 ans, le GIP Info Retraite fournit une estimation individuelle globale qui permet à chacun d’avoir une information sur le niveau de sa retraite selon l’âge de départ : 60 ans, 61 ans, 62 ans, etc.
Autrement dit, un très important effort d’information est déjà réalisé. Ce n’est pas parfait, mais 98 % des assurés sociaux reçoivent actuellement ce document tous les cinq ans à partir de 35 ans. Le taux de satisfaction est très élevé et le taux d’erreur, très faible puisqu’il se situe entre 2 % et 3 %. Le fait que les erreurs puissent être relevées permet d’ailleurs de procéder aux rectifications nécessaires, ce qui évite certaines difficultés au moment de la liquidation de la retraite.
Je crains que le dispositif proposé à l’article 3 ne fasse doublon avec ce que propose déjà aujourd’hui le GIP Info Retraite. En ce qui concerne l’information des nouveaux assurés, je vous signale que le GIP envoie un document fournissant toutes les indications sur la retraite et expliquant par un schéma les divers régimes de base et complémentaires.
L’article 3 tend à instaurer un relevé électronique de situation pouvant être communiqué à l’assuré. Pour tout dire, il vole ainsi, en quelque sorte, au secours de la victoire puisque ce relevé individuel électronique existe déjà à titre expérimental et qu’il sera généralisé à tous les assurés dès le mois de juin prochain.
Quant à l’entretien individuel prévu par l’article 3, il fait vraiment doublon avec ce que propose le GIP et soulève des interrogations dont j’avais d’ailleurs fait part : s’agira-t-il d’un entretien en face-à-face ? Si c’est le cas, ce sera très coûteux. Par ailleurs, cet entretien pourra-t-il aller jusqu’au conseil ? Cela supposerait que le contenu de l’entretien fasse l’objet d’un compte rendu écrit.
J’avais suggéré, en tant que responsable du GIP Info Retraite, que cet entretien d’information à 45 ans, en particulier, fasse l’objet d’une expérimentation, sur une base géographique ou autre, pour en évaluer les résultats à partir d’une mise en œuvre en grandeur nature.
En résumé, l’article 3, même s’il est généreux puisqu’il renforce de manière sensible le droit à l’information – celui-ci avait, au demeurant, déjà fait l’objet d’une réforme –, soit prévoit des dispositifs qui existent déjà, soit laisse planer de nombreuses incertitudes quant au coût de sa mise en œuvre et à la nature des renseignements qui seront délivrés.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, qui a déposé plusieurs amendements, est très réticent face à cet article.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l’article.
Mme Claire-Lise Campion. L’article 3 vise à renforcer l’information dispensée aux assurés en matière de retraite et complète le droit de chaque assuré d’obtenir un relevé de situation individuelle.
La recherche d’une amélioration de l’information fait évidemment consensus. Elle répond à une demande forte des assurés eux-mêmes, perplexes et souvent démunis face à la complexité de l’organisation générale de notre système de retraite.
La délivrance d’une information générale, dans un délai de deux ans suivant l’année au cours de laquelle la validation du premier trimestre d’assurance est effectuée, représente donc une innovation plutôt positive. En effet, en raison d’une flexibilité du travail toujours accrue, nombre de salariés sont et seront amenés à connaître au cours de leur carrière différents secteurs professionnels et différents emplois. Il est donc nécessaire de les sensibiliser à leurs droits et aux conséquences de certains choix qu’ils pourraient être amenés à faire.
Je pense notamment au temps partiel, qui n’affecte pas la durée d’assurance dans le régime général lorsque l’activité est exercée au moins à mi-temps, mais qui a des conséquences sensibles sur le salaire de référence sur la base duquel sera calculée la future pension. Notre législation prévoit la possibilité de surcotiser. Je ne me livrerai pas ici à une critique de ce système, car nous y reviendrons plus tard, mais il me paraît tout de même regrettable que les salariés ne soient pas informés d’un minimum de règles qui s’y attachent.
Par ailleurs, l’article 3 prévoit la possibilité d’organiser, à 45 ans et à la demande de l’assuré, un entretien au cours duquel des simulations du montant potentiel de sa future pension lui seront communiquées. Nous comprenons le souci du rapporteur de la commission des affaires sociales de mieux informer les assurés, mais peut-on réellement se fier aux simulations du montant potentiel de la future pension, réalisée à législation constante et sur la base d’hypothèses économiques ? Peut-on réellement évaluer le niveau de la pension vingt ans à l’avance? Je m’interroge sur la crédibilité d’une telle simulation compte tenu des nombreux aléas qui peuvent survenir au cours des vingt années suivantes.
Pouvoir anticiper le montant de sa future pension est un élément déterminant de la confiance dans le système de retraite, c’est sûr ! Mais permettez-nous de douter de la fiabilité de telles évaluations.
La possibilité d’un entretien à chaque tournant de la carrière professionnelle me semble beaucoup plus profitable au salarié, qui pourra ainsi effectuer un choix véritablement éclairé. Cette proposition fera d’ailleurs l’objet d’un de nos amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Comme nos collègues viennent de le rappeler, cet article 3 complète le dispositif de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, qui prévoit, pour chaque assuré, le droit de connaître le relevé de sa situation individuelle au regard de la retraite.
Le présent article ajoute ainsi une information générale sur le système de retraite français après deux semestres de validation et mentionne la possibilité ouverte à chaque assuré âgé de 45 ans ou plus de bénéficier d’un entretien individuel sur les droits constitués et de recevoir une simulation du montant de sa future pension.
Ces dispositions visent donc à améliorer l’information des assurés sur les dispositifs de retraites et sur leur situation personnelle, ce qui, convenons-en, est plutôt positif ! Cet article ne serait donc pas si problématique s’il était présenté seul. Malheureusement, il ne peut être détaché de l’arsenal de mesures destructrices des droits sociaux des salariés que comporte ce projet de loi. En effet, cet article s’inscrit dans une logique globale néfaste pour chaque assuré : informer et communiquer ne pourrait avoir d’effets bénéfiques que si ces deux missions constituaient le pendant d’une réforme juste et équitable.
Les entretiens individuels et l’information générale que prévoit l’article 3 ne sont utiles que dans la mesure où ils sont effectués pour les salariés, et j’entends par là : en leur faveur ! Car le seul fait d’informer ne suffit pas, encore faudrait-il que l’on se penche sur le contenu de cette information !
En effet, l’information est malheureusement rarement neutre et peut trop souvent se transformer en outil de communication et de propagande gouvernementale. Ainsi, l’information sera logiquement effectuée dans le sens de la réforme du Gouvernement qui, sous ses airs de réaffirmer l’attachement au régime de retraite par répartition, fait la part belle aux retraites par capitalisation.
Dès lors, quelle garantie pouvons-nous avoir que chaque assuré ne recevra pas une information l’incitant à souscrire un tel contrat d’assurance retraite par capitalisation ? Rien ! Bien au contraire, nous avons toutes les raisons de craindre que ce schéma ne se réalise, car l’objectif que se fixe cette réforme est ni plus ni moins la liquidation de notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle.
Ce projet de loi est en effet la véritable concrétisation des désirs de domination capitaliste. Je voudrais évoquer ici le récent ouvrage de l’économiste Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. L’auteur présente un modèle théorique qui s’applique parfaitement aux retraites. Dans les sociétés capitalistes s’affrontent deux désirs contradictoires : ceux de l’entreprise et ceux des salariés. Chacun nourrit des aspirations qui lui sont propres et qui restent inconciliables : l’employeur tend à considérer l’individu comme une source de production et à le rendre corvéable à merci pour un coût minimal, favorisant les gains de l’entreprise ; à l’inverse, le travailleur, lui, tend à protéger sa sphère d’existence en dehors du travail et à augmenter son niveau de vie.
L’individu aspire donc à une situation qui est la plus éloignée possible des désirs du patronat, tandis que l’employeur souhaite, au contraire, faire en sorte que les désirs de l’employé rejoignent parfaitement ceux de l’entreprise. Inutile de vous préciser que je partage complètement l’analyse développée dans cet ouvrage et j’estime que c’est dans ce rapport de forces que la loi prend tout son sens.
Pourtant, dans cette réforme des retraites, le Gouvernement agit uniquement au nom des entreprises. Le projet de loi contribue ainsi à réduire les écarts entre les volontés des deux parties, au seul avantage des entreprises, en imputant à 85 % le poids du financement des retraites aux salariés, tandis que seuls de maigres et symboliques prélèvements sur les revenus du capital et les hauts revenus sont prévus.
N’ayant pas réussi à annihiler les aspirations à l’épanouissement en dehors du travail de nos concitoyens, le Gouvernement entreprend, dès lors, de faire passer cette réforme en force, méprisant les grondements populaires qui se font entendre chaque jour davantage.
Cette réforme épouse purement et simplement les intérêts du capital, répond aux exigences du MEDEF et tend à satisfaire les agences de notation, au mépris de ceux des travailleurs.
Je le réaffirme : je suis plus que sceptique quant à la prise en compte des intérêts des assurés dans l’information générale et personnelle que prévoit cet article 3. En effet, puisque la réforme ne s’intéresse guère aux assurés, on ne voit guère pourquoi l’information le ferait !
Pour nous, la seule réforme des retraites valable et la seule information adaptée sont celles qui bénéficient aux assurés et accordent toute sa place au régime de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. L’article 3 améliore le droit à l’information des assurés sociaux sur les différents régimes de retraite : c’est une bonne chose, nous en convenons tous.
Ce droit a été institué par la loi de 2003 qui prévoit la fourniture automatique, tous les cinq ans à partir de 35 ans, d’un relevé de situation individuelle et, à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant de la pension. Cette mission est jusqu’à présent assurée par le GIP Info Retraite.
Toutefois, il n’y a aucune raison de se réjouir, car cette disposition révèle malgré tout en filigrane, les grands manques de votre projet de loi.
En effet, de plus en plus contraints à une grande mobilité géographique et professionnelle, les retraités dépendent souvent de plusieurs régimes : 42 % d’entre eux dépendent de deux régimes, 31 % de trois, 15 % de quatre, ce qui démontre la nécessité de régler le problème du calcul de la pension des polypensionnés.
À ce problème s’ajoute la question des carrières des femmes, soumises, comme le soulignent pudiquement les termes de l’alinéa 4, « aux choix et aux aléas de carrières éventuels ». Je préfère parler de carrières morcelées, avec peu de perspectives d’évolution, d’horaires décalés, de temps partiel imposé et de salaires sous-évalués, car telle est la réalité professionnelle de très nombreuses femmes !
Quels éléments de réponse le préposé à l’information pourra-t-il apporter à tous ces salariés qui ont cumulé, tout au long de leur carrière professionnelle, des petits contrats, sans arriver à décrocher un contrat durable ?
Que dire aussi à ces femmes qui travaillent depuis des années moins d’un mi-temps ou à temps partiel, avec les conséquences qui en découlent sur leurs fiches, et placées, de fait, dans l’impossibilité de faire valider leurs trimestres ? J’imagine aussi le désarroi de toutes celles et de tous ceux qui, au-delà de 45 ans ou 50 ans, ne trouvent plus d’emploi stable.
Bref, quelles réponses pourra apporter concrètement le préposé à l’information à nos concitoyens soumis aux aléas de la vie économique et sociale et rejetés aux marges du système de l’emploi durable et de la protection sociale ?
La réponse qu’apporte votre projet de loi à toutes ces questions figure à l’alinéa 5, qui prévoit la communication d’une simulation du niveau de la pension, et, à l’alinéa 4, qui instaure une information sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.
Ce dernier point, je le crains, ouvre la porte à la mise en place de la capitalisation des points de retraite, et j’imagine déjà la scène où le vaillant préposé rétorquera à l’assuré : « Désolé, je ne peux rien faire d’autre pour vous, mais si vous souhaitez augmenter votre future pension, mettez de l’argent de côté, c’est tout ce que je peux vous suggérer. »
Autrement dit, après leur avoir fait subir la domination écrasante des puissances économiques et la précarité salariale, votre réforme ne fera qu’accroître la pauvreté et l’incertitude de toutes ces personnes qui n’ont pas eu la chance d’accéder à l’emploi.
Une réelle information des assurés aurait été judicieuse si votre réforme avait eu l’ambition de lutter contre la précarité salariale. Mais, pour cela, il faudrait une politique de l’emploi à contre-courant de celle que vous menez, au service de l’accroissement des profits des entreprises. Or vous ne cessez de protéger les revenus du capital, malgré les récentes déclarations du ministre du budget sur le bouclier fiscal, poudre jetée aux yeux de l’opinion au lendemain d’une forte mobilisation, alors que vous ignorez le bouclier social dont notre société a tant besoin.
Car la seule information dont disposeront les salariés de notre pays concerne le nivellement par le bas de leurs pensions, le toboggan vers toujours plus de précarité pour des millions de chômeurs et de salariés à temps partiel, dont le nombre ne cesse d’augmenter.
Autant dire qu’il nous semble indispensable d’aller bien plus loin que l’amélioration de l’information prévue par cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. Je veux insister sur une crainte que nous inspire l’article 3 : que le « point d’étape retraite » ne soit utilisé non seulement pour informer les assurés, mais aussi pour promouvoir la souscription de produits financiers et, donc, la retraite par capitalisation.
En effet, selon l’étude d’impact accompagnant ce projet de loi, il est prévu que cet entretien portera notamment « sur les avantages respectifs des différents dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant de leur future retraite ».
Nous y voilà !
Le « point étape retraite » à 45 ans risque de se transformer en une information orientée et une incitation systématique à recourir aux plans d’épargne retraite. Cet entretien pourrait devenir l’occasion d’une « réclame » pour les retraites par capitalisation. Le glissement est si facile et si tentant...
Nous sommes catégoriquement opposés à cette instrumentalisation du droit à l’information. Cet entretien ne doit pas servir à orienter la population vers la retraite par capitalisation sous couvert de l’informer, comme le font ces publicités déguisées en faux spots informationnels. Ce serait là un véritable mélange des genres !
Comme le souligne le rapport, de nombreux problèmes se posent quant à la nature même de l’entretien. Information ou conseil ? Information ou « vente » de produits financiers ?
Si l’entretien donnait lieu à des conseils en matière de choix de carrière, de possibilité de surcotisation, de souscription de produits d’épargne retraite, etc., les services informant changeraient de mission en faisant du conseil financier, ce qui pourrait engager leur responsabilité, et non plus de la simple information. Encore un mélange des genres entre le public et le privé… Mais cela semble devenir une habitude !
Et pourquoi ne pas confier ensuite cette mission d’information à de grandes entreprises d’assurance ou à des banques ? Évidemment, je ne fais qu’émettre une hypothèse… Toutefois, vos intentions sont connues de tous : livrer l’ensemble du système de retraite au privé, à de grandes sociétés qui n’attendent que cela et qui savent qu’elles peuvent compter sur vous.
Nous avons donc de grandes réserves sur cet article 3, qui peut constituer un véritable cheval de Troie de la retraite par capitalisation contre la retraite par répartition.
Les risques sont réels car, une fois encore, le contenu de cette étape sera déterminé par décret et donc laissé à la libre appréciation du Gouvernement.
Je conclurai par une remarque connexe. Le conseil d’administration du GIP Info Retraite a pris la décision de ne pas envoyer, cette année, d’estimation individuelle globale aux assurés de la génération de 1955, au motif que le présent projet de loi conduirait à modifier un certain nombre de paramètres de calcul des pensions de retraite.
Soulignons, mes chers collègues, ce que l’on peut qualifier d’étrange anticipation… La manière d’agir du Gouvernement et, dans ce cas précis, du conseil d’administration du GIP Info Retraite nous choque. Elle revient à considérer comme acquise l’adoption de ce projet de loi, alors même qu’il n’a pas encore été voté.
C’est une nouvelle manière de démontrer que le travail parlementaire n’a que très peu d’effet sur les textes, lesquels sortent tout droit du sommet de l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. J’avais prévu de défendre mon amendement n° 253, et non d’intervenir sur l’article 3. Il se trouve en effet que j’ai été empêché de présenter cet amendement parce qu’il s’est vu appliquer, de manière aussi incompréhensible que brutale, l’article 40 de la Constitution.
Je me permets de souligner que l’article 3 sera beaucoup moins intéressant dès lors que ne pourront lui être apportées les améliorations que j’entendais proposer avec cet amendement.
Pourquoi cet amendement me paraissait-il utile ?
L’article 3, dans sa rédaction actuelle, tend à prévoir que « les assurés bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien » sur leurs droits. L’amendement n° 253 visait à supprimer les termes « à leur demande », afin de garantir ce droit à un entretien à l’ensemble des assurés et donc de les faire bénéficier, à coup sûr, d’une meilleure information sur leurs droits à la retraite.
Nous avons déjà évoqué l’opacité de notre système de retraite, avec sa trentaine de régimes différents, les complications pour les polypensionnés, etc. Et je ne parle même pas de la législation qui évolue constamment, de sorte que la règle du jeu change régulièrement et que les assurés se retrouvent, au final, dans le flou le plus complet concernant leur situation.
C’est pourquoi il est essentiel de mieux informer chacune et chacun sur ses droits à la retraite. Il importe de bien préparer sa retraite et de connaître les conséquences de tel ou tel choix professionnel sur sa future pension.
Afin que l’information circule réellement, nous pensons que les entretiens prévus par l’article 3 doivent être rendus obligatoires. En effet, si l’entretien se fait uniquement à la demande de l’assuré, il n’est pas certain que tous les assurés sociaux auront connaissance de la possibilité même de bénéficier de cet entretien. On en reviendra donc au problème de départ : une information trop sommaire sur les droits à la retraite.
Je voulais donc vous inviter, mes chers collègues, à voter cet amendement qui nous permettait de nous assurer que tous les citoyens bénéficieraient du même niveau d’information concernant leurs droits à la retraite.
Je suis profondément étonné de l’invocation de l’article 40 de la Constitution à l’encontre de cet amendement.
Franchement, on ne peut plus rien demander, même pas un simple droit à l’information ! D’ailleurs, il n’a jamais été précisé que c’est l’État en tant que tel qui aurait à supporter les éventuelles dépenses supplémentaires que pouvait entraîner cet amendement.
Je pose donc la question : jusqu’où va l’article 40 ?
J’aimerais d’ailleurs que nous puissions, nous, opposer un article 40 bis à tout amendement qui irait contre les intérêts des citoyens et, dès lors, empêcher qu’il soit soumis à la discussion. Ainsi, dans le cas où nous constaterions qu’un amendement tend à faire payer une nouvelle fois les pauvres, nous disposerions d’un droit de veto. Nous pourrions aussi refuser que le Gouvernement demande aux citoyens de payer davantage.
M. François Trucy. Là, on est dans le rêve !
M. Jean Desessard. On devrait tout de même avoir le droit de protéger les humains ! On devrait tout de même avoir le droit de protéger les enfants qui travaillent dans certains pays, et aussi de garantir les droits sociaux des hommes et des femmes dans notre pays ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
En l’occurrence, si l’entretien a lieu à la demande des assurés, ceux-ci seront obligés d’engager la démarche.
M. Gérard Bailly. Ça, c’est sûr !
M. Jean Desessard. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, l’administration française fonctionne parfaitement… Dès qu’on téléphone, on obtient immédiatement une réponse… En fait, le temps d’attente avant d’accéder aux opérateurs des plateformes téléphoniques est… plus ou moins long ! (Sourires.)
En définitive, si l’entretien n’est pas systématique, c’est pour celui qui en fait la demande qu’il engendrera des coûts supplémentaires. Dès lors que l’entretien n’est pas obligatoire, l’administration dira : « Ah ! Encore un mauvais coucheur, quelqu’un qui va nous poser des tas de questions ! ». Et, comme on n’a pas pris l’habitude d’établir un véritable dialogue, on laissera la personne poser toute une série de questions avant de lui expliquer finalement qu’on ne peut pas répondre à toutes ses demandes !
Dans la mesure où l’on n’a pas su se préparer aux questions les plus diverses pour y apporter des réponses pertinentes, il faudra mettre en place un nouveau traitement informatique qui nécessitera beaucoup de travail à la fois pour celui qui fera la demande et pour celui qui devra répondre.
Il est tout de même plus simple de prévoir une réponse systématique !
C’est pourquoi, mes chers collègues, j’avais déposé cet amendement, que je trouvais intéressant et de bon sens. Dès lors, je ne comprends absolument pas la censure des administrateurs de la commission des finances du Sénat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Eh oui ! Au service de qui sont-ils effectivement ? C’est une question que je pose ! Puisqu’on me dit qu’ils travaillent beaucoup, je leur demande de se reposer et de moins censurer ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 973, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Au terme de la première année au cours de laquelle il a validé au moins une durée d'assurance dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l'assuré bénéficie d'une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d'acquisition de droits à pension et l'incidence sur ces derniers des modalités d'exercice de son activité et des événements susceptibles d'affecter sa carrière. Les conditions d'application du présent alinéa sont définies par décret.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. L’article 3 de ce projet de loi vise à renforcer l’information dispensée aux assurés en matière de retraite, en prévoyant de leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite.
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG ne peuvent naturellement pas être opposés à une disposition qui tend à informer les assurés sociaux de leurs droits en matière de retraite, si tant est que cette information soit complète, exacte et ne concerne que les régimes obligatoires de base.
Si je dis cela, c’est que nous avons suivi de près les tentatives de certains sénateurs, tous membres de la majorité sénatoriale, qui entendaient profiter de ce support pour promouvoir le cumul emploi-retraite ou, tout bonnement, les mécanismes de retraite par capitalisation. Il faut dire que les enjeux financiers sont colossaux, et que les banques et les entreprises voudraient s’approprier ce mode de financement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre amendement n° 973 s’inscrit donc dans une perspective d’information aussi exhaustive et précoce que possible de nos concitoyens sur le système de retraite par répartition et les droits afférents.
Si nos concitoyens sont demandeurs des dispositifs mis en place depuis 2003, c’est que, tout d’abord, ils recherchent tôt dans leur carrière professionnelle tous les éléments leur permettant de justifier d’une retraite à taux plein le plus vite possible. Nul doute que le passage de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans réduira considérablement les ardeurs de celles et ceux qui tentent de reconstituer l’intégralité de leur parcours professionnel.
S’ils sont autant demandeurs, c’est aussi que, d’une certaine manière, ils ont peur. La politique du Gouvernement de réduction systématique des droits, la généralisation des périodes de précarité, la suppression des majorations de durée d’assurance ou des bonifications sont anxiogènes.
C’est pourquoi nous proposons que cette information soit adressée dès la première année de cotisation des salariés, sans attendre que soit atteinte une durée minimale d’assurance.
Une information, la plus rapide possible, sur les droits actuels, sur la législation en vigueur ou encore sur les incidences éventuelles de ce qu’il est convenu d’appeler les « accidents de la vie professionnelle » contribuera à redonner de la confiance envers notre régime de retraite et la répartition.
M. le président. L'amendement n° 972, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
Dans un délai de deux ans suivant
par les mots :
Dans l'année qui suit
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Il s’agit là, pour nous, d’un amendement de repli. En effet, chers collègues de la majorité, nous avons présumé que vous rejetteriez sans doute notre amendement n° 973, qui tend notamment à prévoir l’information des assurés sociaux dès la première année de cotisation, sans qu’il y ait lieu d’attendre une durée minimale d’assurance : il s’agit pour nous de permettre aux salariés de recevoir au plus vite un document relatif à leur situation en termes de droits à la retraite, de façon qu’ils aient l’assurance que, bien que jeunes et primocotisants, ils bénéficieront d’une prise en charge par les régimes obligatoires de base.
L’amendement n° 972 s’inscrit dans cette logique, mais ne vise plus à modifier les dispositions relatives à la durée de cotisation. Il s’agit simplement de proposer, à l’instar du texte issu de l’Assemblée nationale, que l’assuré bénéficie d’une information dans l’année qui suit sa première cotisation.
M. le président. L'amendement n° 1193, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
deux trimestres
supprimer le mot :
consécutifs
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a jugé préférable que la première information sur le système de retraite puisse être donnée dès la validation de deux trimestres, sans que ceux-ci soient forcément consécutifs.
M. le président. L'amendement n° 305, présenté par Mmes Lepage et Cerisier-ben Guiga, M. Yung, Mmes M. André, Bricq et Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mme Khiari, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
assuré
insérer les mots :
, qu'il réside en France ou à l'étranger,
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Le présent amendement concerne nos compatriotes établis à l’étranger. Il tend à inclure expressément les assurés sociaux établis hors de France dans le dispositif d’information sur la retraite.
Les assurés résidant à l’étranger doivent effectivement pouvoir solliciter, auprès de leur caisse de retraite, un entretien sur les droits qu’ils ont acquis dans les régimes de retraite légalement obligatoires et sur les perspectives d’évolution de ces droits. Cet entretien, qui aurait lieu à partir de 45 ans, puis tous les cinq ans, pourrait être téléphonique, par exemple, compte tenu de certaines difficultés d’acheminement du courrier à travers le monde.
Il est essentiel que les Français de l’étranger puissent connaître leurs droits et mesurer l’incidence sur leur future pension de certains choix de carrière, car la plupart d’entre eux ont un parcours professionnel assez complexe et sont souvent affiliés à plusieurs régimes de retraite.
M. le président. Les amendements nos 242 rectifié bis, 310 et 550 rectifié bis sont identiques.
L'amendement n° 242 rectifié bis est présenté par Mme Panis, M. Cornu, Mmes Hummel et Keller, MM. Gournac et Pointereau, Mmes B. Dupont, Desmarescaux, Bruguière et Dumas et M. Pillet.
L'amendement n° 310 est présenté par Mmes M. André, Bricq et Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 550 rectifié bis est présenté par Mmes Morin-Desailly, Payet et Férat et MM. Dubois, Maurey, Détraigne, Deneux, Zocchetto, Amoudry et A. Giraud.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette information rappelle la possibilité, prévue par l'article L. 241-3-1, en cas d'emploi à temps partiel ou en cas d'emploi dont la rémunération ne peut être déterminée selon un nombre d'heures travaillées, de maintenir à la hauteur du salaire correspondant au même emploi exercé à temps plein l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse.
II. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cet entretien s'appuie sur les éléments d'information permettant d'éclairer les conséquences, en matière de retraite, des choix professionnels, en particulier en cas d'expatriation.
III. - Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette estimation est effectuée quel que soit l'âge de l'assuré si celui-ci est engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps. » ;
La parole est à Mme Jacqueline Panis, pour présenter l’amendement n° 242 rectifié bis.
Mme Jacqueline Panis. Cet amendement a pour objet de donner une traduction législative aux recommandations 7 et 8, adoptées par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans son rapport sur le projet de loi portant réforme des retraites.
La délégation souhaite tout d'abord que soient renforcés les outils d'information permettant d'éclairer les conséquences, en matière de retraite, des choix professionnels, notamment en cas d'expatriation.
Elle a ensuite insisté sur la nécessité d'inciter les personnes travaillant à temps partiel et leurs employeurs à recourir aux possibilités offertes par le droit en vigueur en matière de surcotisation.
Elle préconise enfin de rendre obligatoire, en cas de divorce, l'élaboration d'un relevé comparatif précis des droits à la retraite acquis par les deux conjoints pendant leur vie commune.
En effet, l'article 270 du code civil indique que le divorce met fin au devoir de secours entre époux et prévoit, en contrepartie, que l'un d'entre eux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire. L'article 271 du même code fait figurer, parmi les critères permettant au juge de fixer le montant de cette prestation compensatoire, la situation respective des époux en matière de pensions de retraite.
L'amendement vise à faire en sorte que soient apportés au juge du divorce les éléments précis lui permettant de prendre une décision objective et équitable.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 310.
Mme Michèle André. Cet amendement est effectivement issu des recommandations 7 et 8 du rapport établi par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur ce projet de loi.
Il s’agit tout d’abord, pour nous, de souligner la nécessité de renforcer la délivrance d’informations permettant d’éclairer les conséquences des choix professionnels en matière de retraite, en particulier en cas d’expatriation.
Nous nous préoccupons également de l’information des couples en instance de divorce, dès lors que l’un des deux conjoints n’a pas eu de revenus, et donc n’a pas directement cotisé, pendant la vie commune.
Enfin, nous insistons sur la nécessité d’inciter les personnes travaillant à temps partiel et leurs employeurs à recourir aux possibilités offertes par le droit en vigueur de surcotiser.
Je pense que ces recommandations ont toute leur place ici et que leur mise en œuvre permettrait certainement, dans un contexte bien sombre pour le niveau des pensions des femmes, de prendre les devants et d’aller dans le bon sens.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 550 rectifié bis.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je ne vais pas répéter ce qui vient d’être fort bien dit. Je voudrais juste insister sur le fait qu’il est nécessaire de prendre toute mesure qui permettra d’aller vers plus d’équité en faveur des femmes s’agissant de leurs droits à la retraite.
C’est notamment le sens de la troisième recommandation, qui vise à rendre obligatoire, en cas de divorce, l’élaboration d’un relevé comparatif précis des droits à la retraite acquis par les deux conjoints pendant leur vie commune. On constate que le nombre de divorces est en très forte augmentation ces dernières années ; aussi une mesure de cette sorte est-elle indispensable aujourd’hui pour conforter l’avenir des femmes, en particulier leur niveau de retraite.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À chaque modification des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles concernant les régimes de retraite, l'assuré bénéficie d'une information sur le contenu et les conséquences de ces modifications, notamment sur les conditions dans lesquelles les droits à la retraite sont constitués.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement prévoit qu’à chaque modification des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles concernant les régimes de retraite, l’assuré bénéficie d’une information sur le contenu et les conséquences de ces modifications, notamment sur les conditions dans lesquelles les droits à la retraite sont constitués.
L’objectif de cet amendement est de garantir une information régulière et complète des assurés afin d’éclairer au mieux leurs décisions et leurs possibilités de choix individuels.
Développer l’information des salariés sur leurs droits à la retraite est certes une bonne chose, mais nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin.
Comme nous le constatons en matière de parcours professionnel, les salariés de notre pays ignorent la plupart du temps quels sont leurs droits. La complexité du système est telle qu’il est souvent très difficile de s’y retrouver.
Par ailleurs, la nature même du marché du travail rend désormais les trajectoires professionnelles aléatoires et mouvementées. Carrières en pointillé, temps partiel, périodes plus ou moins longues de chômage : tout cela modifie la constitution des droits à la retraite des salariés.
Il est donc indispensable qu’ils puissent obtenir, et cela vaut en particulier pour les polypensionnés, une information détaillée et régulière sur leur situation et, naturellement, sur la législation en vigueur et les éventuelles modifications en cours.
Nous savons tous qu’une retraite se prépare et s’anticipe. Pour ce faire, il faut avoir une idée précise du montant de sa future pension ; d’où l’importance cruciale de l’information.
Il nous semble essentiel d’informer les salariés chaque fois qu’une modification d’ordre législatif, réglementaire ou conventionnel intervient, car chaque réforme apporte son lot de changements, dont les conséquences modifient la donne sur le montant des pensions et sur les conditions d’ouverture des droits à la retraite.
Comme pour la formation professionnelle, les bénéficiaires du droit à l’information sur la retraite ne seront pas ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les salariés les plus précaires et les plus fragilisés.
Si nous insistons sur cet aspect, c’est que nous considérons que le droit à l’information des salariés est un élément central du dispositif de retraite choisie que nous proposons dans notre projet.
Bien informé, le salarié est maître de sa carrière professionnelle et donc de sa retraite, et c’est en toute connaissance de cause qu’il peut décider de prolonger sa carrière ou de partir à la retraite.
M. le président. L'amendement n° 389 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette estimation est effectuée, quel que soit l'âge de l'assuré, dès lors qu'il est engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps ; »
La parole est à M. Jean Milhau.
M. Jean Milhau. En cas de séparation de corps ou de divorce, le juge aux affaires familiales doit, afin de fixer la prestation compensatoire, tenir compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu’en revenus ainsi que de leur situation respective en matière de pensions de retraite.
Or, actuellement, seuls les époux de 58 ans et plus peuvent obtenir une estimation de leurs droits.
Cet amendement permettrait donc aux époux de moins de 58 ans de calculer le montant de leur retraite probable en cas de divorce ou de séparation de corps. Il s’adresse principalement aux femmes qui auraient, pendant la vie commune, sacrifié leur vie professionnelle à l’éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de leur époux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’ensemble de ces amendements sont relatifs à l’information des assurés et ils vont dans le sens du développement de cette information. Elle a été mise en place avec le GIP Info Retraite dans le cadre de la loi de 2003 et il est bien évident qu’aujourd’hui nous franchissons une étape supplémentaire.
Je crois très sincèrement que cette information, sous la pression des assurés, va beaucoup évoluer et que les demandes des uns et des autres iront bien au-delà de ce que nous prévoyons aujourd’hui, qu’il s’agisse des reconstitutions de carrière ou des estimations demandées à quelques années de la retraite. Les caisses devront alors s’adapter aux exigences des assurés et leur métier lui-même évoluera beaucoup.
J’en viens aux deux premiers amendements, nos 973 et 972.
Dans le texte de la commission, il est prévu que l’information est délivrée au primocotisant « dans un délai de deux ans ». Nos collègues du groupe CRC-SPG proposent, dans l'amendement n° 973, qu’elle le soit « au terme de la première année » et, dans l'amendement n° 972, « dans l’année qui suit ». La formulation du second amendement me paraît beaucoup plus réaliste. C’est pourquoi, au nom de la commission, je donne un avis défavorable sur l'amendement n° 973 et un avis favorable sur l’amendement n° 972.
La précision introduite par l’amendement n° 305 apparaît inutile dans la mesure où, les Français établis hors de France étant affiliés au régime général, ils sont destinataires de toutes les informations et bénéficieront de l’ensemble du dispositif que nous évoquons aujourd’hui. L’avis est donc défavorable.
Les amendements identiques nos 242 rectifié bis, 310 et 550 rectifié bis prévoient tout d’abord d’informer les assurés sur les dispositifs de surcotisation, et ce dans le cadre d’une activité exercée à temps partiel. Or cette mesure est déjà prévue à l’alinéa 9 de l’article 3.
Ils prévoient ensuite que l’assuré est informé, au cours de l’entretien individuel, des conséquences éventuelles de l’expatriation sur ses droits à la retraite. Là encore, il nous semble que c’est une précision inutile dans la mesure où les personnes concernées ont toute liberté d’interroger leur caisse sur leur situation et les conséquences de cette expatriation.
Enfin, ces trois amendements prévoient que l’estimation globale indicative, envoyée actuellement à 55 ans, est adressée à l’assuré quel que soit son âge si celui-ci est engagé dans une procédure de divorce. Si l’on ne peut qu’adhérer, sur le principe, à cette proposition, on est obligé de s’interroger sur la faisabilité d’une telle mesure. L’estimation globale ne peut être élaborée qu’à un stade suffisamment avancé de la carrière afin d’être représentative d’une future pension et donc être le plus fiable possible.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces trois amendements identiques.
L’amendement n 84 procède également d’une intention intéressante. Mais envoyer à tous les assurés une information à chaque modification des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles des régimes de retraite est irréaliste ; ce serait en effet beaucoup trop lourd. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 389 rectifié prévoit que l’estimation globale indicative, envoyée actuellement à 55 ans, est adressée à l’assuré quel que soit son âge dans le cas d’une procédure de divorce. J’ai déjà répondu sur ce sujet à propos des trois amendements identiques. Je répète qu’une estimation indicative globale, pour être fiable, ne peut être réalisée qu’à un stade de carrière avancé. Donc, envoyer très en amont à chaque assuré une information sur des droits futurs me semble assez lourd et difficile à mettre en place. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le président, je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour évoquer brièvement l’article 3 du projet de loi.
Nous pouvons tous être d’accord pour considérer que l’information qui sera dispensée aux assurés va dans le bon sens, même si, comme l’a rappelé très justement M. Claude Domeizel, le dispositif issu de la loi de 2003 est déjà complet et fonctionne bien. Je tiens d’ailleurs, monsieur le sénateur, à vous remercier de la part éminente que vous avez prise à la mise en place de ce dispositif.
J’ai entendu les craintes qui ont été exprimées par le groupe communiste, et qui sont de même nature, si ma mémoire ne me trompe pas, que celles que vous aviez déjà exprimées, madame David, en 2003. Schématiquement, ces craintes consistent à penser que, au-delà de la délivrance à l’assuré de renseignements sur l’état exact de ses droits, il peut y avoir, non pas « désinformation– le mot serait vraiment trop fort –, mais une incitation à envisager d’autres solutions.
En réalité, comme cela est expressément indiqué dans le texte, le dispositif vise à mettre en exergue les rouages de la retraite par répartition dans la diversité des organismes gestionnaires. Il n’est en aucun cas question d’aller au-delà. Pas plus qu’en 2003 – où les craintes que vous aviez émises se sont révélées infondées –, on ne peut avoir une quelconque appréhension en ce sens.
M. Desessard, de son côté – au-delà des questions qu’il a soulevées à propos de l’article 40 et dans lesquelles je ne me permettrai pas de m’immiscer – avait envisagé une formulation un peu différente. Il va plutôt dans l’autre direction en souhaitant que l’entretien individuel, qui est facultatif, ait un caractère obligatoire.
Le texte du Gouvernement est assez équilibré puisqu’il permet de renforcer l’information des assurés tout en garantissant qu’il n’y aura pas de glissement vers autre chose qu’une information sur le système de retraite par répartition. Il faut laisser une marge de manœuvre aux assurés, qui doivent pouvoir bénéficier de l’entretien individuel s’ils le souhaitent mais qui ne doivent pas être tenus de s’y soumettre en vertu d’une obligation légale. C’est la raison pour laquelle, si vous aviez déposé votre amendement, monsieur Desessard, le Gouvernement y aurait été défavorable.
J’en viens maintenant aux différents amendements en discussion.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 973, pour des raisons qui sont essentiellement d’ordre technique. Il faut en effet, compte tenu du fait que les trimestres sont validés par année civile, disposer du temps nécessaire, d’un minimum de recul, pour pouvoir calculer les droits.
En revanche, le Gouvernement, comme la commission, est favorable à l'amendement n° 972.
Il est également favorable à l'amendement n° 1193.
Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 305, considérant qu’il est satisfait par l’affiliation au régime général de la caisse des Français de l’étranger.
Les amendements nos 242 rectifié bis, 310, 550 rectifié bis, 84 et 389 rectifié recueillent également de notre part un avis défavorable. En effet, les degrés de précision qu’ils impliquent entraîneraient une grande complexité d’écriture et, par là même, limiteraient notre capacité à embrasser toutes les situations concernées. Cela irait à l’encontre du texte d’intérêt général que nous souhaitons écrire.
Nous n’ignorons pas, bien entendu, les différentes situations que vous avez évoquées, qu’il s’agisse de la surcotisation par rapport au temps partiel ou des conséquences d’une expatriation sur les régimes de retraite : ce sont des questions importantes. Nous ne sous-estimons pas non plus les différents problèmes concernant les femmes, mais le texte de l’article 3 nous paraît avoir une portée suffisamment générale pour répondre à toutes ces questions.
Sur l’amendement n° 84, je reprends l’argumentation du rapporteur : on ne peut évidemment pas, pour des raisons matérielles, à chaque fois qu’intervient un changement, qu’il soit d’ordre législatif ou réglementaire – et c’est dire la complexité du sujet – en informer tous les assurés. Le nouveau dispositif ne peut pas remplir une telle mission.
En ce qui concerne l'amendement n° 389 rectifié, je voudrais rappeler qu’il est possible d’obtenir à tout moment un relevé de situation individuelle auprès du GIP Info Retraite. Il ne me semble donc pas nécessaire d’ajouter cette précision à l’article 3, même si les conséquences d’un divorce ou d’une séparation sur les droits à la retraite sont bien évidemment importantes.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 242 rectifié bis, 310 et 550 rectifié bis.
Mme Maryvonne Blondin. Mes chers collègues, ces trois amendements identiques émanent de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et ont été déposés par des sénateurs de différents groupes.
Si je vous ai bien compris, monsieur le secrétaire d'État, ces amendements soulèvent de bonnes questions. Permettez-moi de vous dire que nous n’avons pas trouvé, pour notre part, que vos réponses étaient satisfaisantes !
Mes collègues ont souligné avec beaucoup de justesse le manque de considération portée aux femmes dans ce projet de loi. Une réforme aussi brutale des retraites fait endurer à ces dernières une véritable régression sociale.
Aujourd’hui, des millions d’entre elles subissent toujours les conséquences des inégalités salariales, notamment en matière de droits à la retraite. Quel que soit leur travail, les femmes touchent un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Et ces chiffres ne concernent pas seulement les femmes nées entre 1951 et 1955 ! Grâce à la HALDE et à ses enquêtes de genre, nous savons que leurs pensions sont d’environ 35 % inférieures à celles des hommes. Et elles devront désormais travailler jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Je voudrais évoquer le classement sur l’égalité entre les hommes et les femmes du Forum économique mondial, qui est paru aujourd'hui dans la presse : il rétrograde la France de 28 places et la positionne au 46e rang. Avouez que l’objectif d’égalité est loin d’être atteint !
Les observations exprimées par la délégation aux droits des femmes méritent davantage d’égards. En adoptant ces amendements, vous souligneriez l’intérêt qui doit s’attacher à ses recommandations.
Les femmes travaillent souvent à temps partiel et connaissent fréquemment des interruptions de carrière. Certes, les moyens de s’informer existent, mais quand et comment pourraient-elles le faire, alors que leur travail est si précaire ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué le GIP Info Retraite : on n’y a recours que lorsqu’on commence à se rendre compte que la retraite est proche. Selon moi, le système d’information est insuffisant. Il serait donc utile de le renforcer afin de contrecarrer les effets négatifs des constats que nous avons dressés sur les droits à la retraite des femmes. Il faudrait également inciter non seulement ces dernières à surcotiser, mais également convaincre les employeurs de s’y intéresser.
L’option d’ouverture de droits communs entre époux ou personnes pacsées n’ayant pas été retenue par le Gouvernement, ces amendements prévoient également l’élaboration d’un relevé comparatif précis des droits de chaque époux qui permettrait au juge, en cas de divorce ou de séparation, de fixer objectivement le montant de la pension.
Monsieur le secrétaire d'État, à défaut d’une réelle équité, vous pourriez au moins concéder aux femmes un droit à l’information sur leur précarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Monsieur le secrétaire d'État, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a longuement évoqué la question des droits à la retraite. Au risque de répéter certains arguments, je voudrais rappeler quelle est la situation actuelle.
Dans un couple, c’est le plus souvent la femme qui choisit, librement certes – elle n’est plus l’incapable majeure du code Napoléon ! –, d’arrêter de travailler pendant une période de sa vie pour s’occuper de ses enfants.
Tant que tout va bien dans le couple, il n’y a pas de problème : celui qui a touché un salaire et cotisé pour sa retraite partage ses revenus avec le conjoint qui vit au quotidien avec lui, ainsi que le recommande le code civil pour les couples passés devant le maire.
En revanche, en cas de divorce ou de veuvage, le problème est grave : le conjoint isolé connaît de réelles difficultés à disposer non seulement d’un revenu immédiat, mais également d’une pension de retraite.
Nous voulons que les femmes puissent avoir à leur disposition, au niveau national ou régional, un guide de leurs droits afin qu’elles soient bien informées de la situation qui les attend en cas de divorce. Il n’est pas logique que celui qui, dans le couple, a vécu une vie plus harmonieuse et plus sereine, celui qui a le moins participé aux tâches quotidiennes, parte avec la totalité de ce qui constituait le socle de leur vie commune.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
Mme Michèle André. Monsieur le secrétaire d'État, la délégation estime qu’il faut trouver une solution pour que la pension ne soit pas versée au seul bénéfice de l’homme et que la femme n’ait rien.
Au moment du divorce, la question du partage des biens ou de la garde des enfants mineurs est abordée. Il serait envisageable de prévoir également une information précise sur les droits à la retraite. Aujourd'hui, il faut attendre que l’homme décède pour que la femme divorcée bénéficie de sa pension de réversion au prorata des années passées avec cet homme. Ce n’est tout de même pas tout à fait normal ! Même si le divorce s’est passé dans de mauvaises conditions, personne ne souhaite a priori le décès de son conjoint pour bénéficier de la pension de réversion !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande d’entendre notre demande, sur laquelle nous reviendrons de toute façon.
En ce qui concerne l’information sur la surcotisation, M. le rapporteur nous a répondu qu’elle existait déjà. Certes, mais nous souhaitons que le dispositif soit confirmé. Nous voyons aujourd'hui arriver des générations de jeunes femmes, souvent fort diplômées, qui ne trouvent à s’employer que 30 heures par semaine dans les supermarchés et qui finissent au mieux responsables des caisses. Cette question est, me semble-t-il, moderne, nouvelle. Ne laissons pas se creuser les inégalités avec les nouvelles générations de femmes qui espèrent bénéficier d’une retraite par répartition !
Monsieur le secrétaire d'État, il y va d’une vraie justice pour les femmes. Moi qui ai eu la chance d’avoir été secrétaire d’État chargée des droits des femmes, je sais que l’information est capitale. Par exemple, en cas d’expatriation, il est utile de dire au conjoint qui s’arrêtera de travailler qu’il n’aura aucun droit. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame André, je fais totalement mienne votre approche : je n’ai pas un mot à ajouter ou à retirer à ce que vous avez dit. Cela étant, je crois que la réponse que j’ai apportée, sur laquelle je ne reviendrai pas, n’est en aucun cas contradictoire avec ce que vous avez indiqué.
C’est évidemment dans les périodes douloureuses que sont les séparations que les problèmes se posent de la façon la plus aiguë. Je n’ai aucun complexe à le dire ici devant la Haute Assemblée : nos permanences d’élus locaux se remplissent régulièrement de femmes qui sont dans des situations très difficiles, de loin beaucoup plus nombreuses que les hommes.
Je formulerai toutefois deux observations.
Il est différent d’exposer précisément une situation, comme vous l’avez fait, et de préciser dans le cadre du droit à l’information prévu à l’article 3 des dispositifs que nous avons expérimentés et qu’il paraît difficile de codifier.
Vous le savez, le juge prend d’ores et déjà en compte non seulement les revenus actuels, mais également les revenus futurs pour établir la prestation compensatoire.
Madame la sénatrice, sachez qu’un amendement qui revient très précisément sur ce type de situation a été déposé sur l’article 31 du projet de loi. Il tend à permettre, au-delà du travail effectué par le juge pour déterminer la prestation compensatoire, que la situation de ces femmes puisse être « explicitée » – c’est le mot qui, me semble-t-il, est employé dans le texte de l’amendement.
Je vous prie de bien vouloir considérer que c’est simplement pour des raisons d’ordre pratique et juridique qu’il nous paraît préférable de discuter de la question soulevée par ces trois amendements identiques à l’article 31 plutôt qu’à l’article 3.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Je vais être très brève, car je n’ai rien à ajouter aux propos forts tenus par mes collègues, en particulier par la présidente de la délégation aux droits des femmes. J’appelle tous mes collègues à voter ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Notre délégation a beaucoup travaillé sur ce sujet au cours des semaines qui viennent de s’écouler et a formulé des recommandations « transpartisanes » qui me paraissent raisonnables. Ces trois amendements identiques en sont la traduction législative : vous noterez, monsieur le secrétaire d'État, qu’ils n’ont pas de conséquences financières.
Je ne vois vraiment pas pourquoi ils ne pourraient pas être adoptés : ils visent tout simplement à mieux protéger les femmes qui ont besoin d’éléments d’information clairs et précis au moment où elles effectuent des choix de vie. Je connais nombre de femmes qui ont eu les plus grandes difficultés, au moment de leur divorce, à savoir avec précision quels seraient leurs droits à la retraite.
J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur, qui estime que ces éléments seront difficiles à établir, car ils dépendront de la durée du mariage et de celle de la carrière. Mais un décret peut, me semble-t-il, régler ces problèmes.
De toute façon, il est utile de lancer des signaux positifs à toutes les femmes qui nous regardent et qui nous écoutent en ce moment : je vous invite donc vivement, mes chers collègues, à voter ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Après avoir écouté les différentes oratrices, il me semble que je ne trahirai pas la pensée des membres de la commission en m’en remettant à la sagesse du Sénat sur ces trois amendements identiques. (Très bien ! et applaudissements sur de très nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Si certains sujets constituent de véritables lignes de partage entre nous, ce n’est manifestement pas le cas ici. Les craintes que j’ai exprimées étaient d’ordre pratique et juridique et ne portaient en aucun cas sur le fond. Je m’en remets donc, moi aussi, à la sagesse de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Dans la mesure où la commission et le Gouvernement viennent de s’en remettre à la sagesse du Sénat, je ne m’étendrai pas davantage sur les raisons pour lesquelles je soutiens ces amendements.
J’ajouterai simplement que nous avons une délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Faisons-lui confiance ! Puisqu’elle a adopté ces amendements à l’unanimité, nous devons faire de même dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Tout le monde l’aura compris, je soutiens totalement ces amendements.
Il est bien beau de dire que l’on traitera de cette question à je ne sais quel article. Moi, ce qui m’intéresse, c’est qu’on le fasse tout de suite. Donnons dès maintenant un signal aux femmes qui se trouvent démunies en cas de divorce : votons ces amendements ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je n’avais pas l’intention d’intervenir dans cette discussion, car les membres de mon groupe se sont exprimés à de nombreuses reprises sur la situation faite aux femmes, en particulier dans le cadre de ce projet de loi portant réforme des retraites.
Cependant, je tenais à vous faire remarquer, chers collègues de la majorité, que les avis de sagesse émis par la commission et le Gouvernement et vos exhortations à faire adopter ces amendements à l’unanimité ne vous coûtent pas grand-chose. Quand il s’agit d’information, vous l’acceptez. Mais dès lors qu’il s’agit de voter des mesures qui accordent de véritables droits aux femmes, vous le refusez ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 242 rectifié bis, 310 et 550 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés. – Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mme Jacqueline Panis. Adoptés à l’unanimité !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 389 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 84.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1174, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux agents ayant débuté antérieurement au 31 décembre 2010 une cessation progressive d'activité en application des dispositions de l'ordonnance 82-297 du 31 mars 1982 portant modification de certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraité et relative à la cessation d'activité des fonctionnaires et agents de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Notre amendement porte sur le dispositif de cessation progressive d’activité, ou CPA.
Votre projet de loi est totalement muet sur cette question, alors même que le report des deux bornes d’âge aura des incidences sur les agents qui ont fait ce choix – je le rappelle – irréversible.
Ce silence n’est finalement pas très étonnant. La réforme Fillon de 2003, non contente d’avoir supprimé le congé de fin d’activité, avait aussi considérablement restreint les conditions d’éligibilité à la cessation progressive d’activité pour les agents de la fonction publique.
Je le répète, le projet de loi ne traite pas de la situation des agents de la fonction publique actuellement en cessation progressive d’activité, qui ont fait ce choix irréversible, pensant possible un départ à la retraite à 60 ans.
Certains de ces agents se trouvent actuellement en situation de se voir radiés des cadres avant l’âge de 60 ans et 4 mois ou 60 ans et 8 mois et pourraient se voir ainsi privés de la possibilité de liquider leur pension lorsqu’ils cesseront leur activité. D’autres risquent de percevoir un traitement inférieur à ce qu’ils auraient droit sans possibilité de prolonger leur durée d’activité.
La rédaction proposée par notre amendement permettrait d’éviter de telles situations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le problème de la cessation progressive d’activité dans la fonction publique a été porté notre connaissance.
Cela étant, je ne vois pas ce que vient faire une telle disposition à l’article 3, qui traite de l’amélioration du droit à l’information des assurés. Celle-ci aurait mieux sa place dans une autre partie du texte.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. La question de la cessation progressive d’activité sera examinée dans le cadre des articles 8 et suivants, qui visent la fonction publique.
À l’instar de M. le rapporteur, je pense qu’une telle mesure n’a pas sa place à l’article 3.
Mme Odette Terrade. C’est de l’information !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Contrairement à ce que vous indiquez, madame Terrade, ce sujet sera bel et bien abordé, mais plus tard.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Le problème soulevé par cet amendement est réel. On nous dit qu’il sera traité plus tard. Soit !
En attendant, je veux évoquer le problème des salariés bénéficiant d’un plan de sauvegarde de l’emploi et qui devaient prendre leur retraite à 60 ans.
Dans le cadre d’un contrat passé entre l’entreprise qui les employait et un fonds externalisé, ils perçoivent une indemnité. Les sommes de ce fonds correspondent à ce que l’entreprise a versé. Je connais bien la situation dans ma région avec Thomson et Bull.
En faisant passer l’âge légal de la retraite de 60 ans à 62 ans, ces hommes et ces femmes n’auront donc pas d’autres possibilités que devenir chômeurs en atteignant l’âge de 60 ans.
Mme Christiane Demontès. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. C’est horrible !
M. Daniel Raoul. Je vous demande de réfléchir à cet effet collatéral de votre réforme.
J’ai déjà abordé cette question avec M. le rapporteur en aparté.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est vrai !
M. Daniel Raoul. Mais je souhaiterais obtenir une réponse dans le cadre de cette discussion.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. J’ai bien noté votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Comptez sur nous pour poser de nouveau la question dans le cadre de la discussion. C’est indispensable !
M. Jean-Louis Carrère. Il le faut !
Mme Odette Terrade. Je rappelle que, avant 2003, le dispositif de CPA était ouvert aux agents dès 55 ans, après vingt-cinq années d’activité. Il leur permettait d’effectuer un mi-temps rémunéré à 80 % du traitement. Les agents concernés prenaient alors obligatoirement leur retraite à 60 ans, avec un report possible jusqu’à la fin de l’année scolaire pour les enseignants. Je cite le cas des enseignants, car, parmi les nombreux fonctionnaires qui optaient pour ce mode de fin de carrière, les enseignants étaient surreprésentés.
Avec la réforme de 2003, les conditions d’accès ont été durcies et les conditions d’exercice et de rémunération rendues bien moins favorables : l’âge d’ouverture de la CPA a été repoussé à 57 ans, sous réserve d’une durée d’activité de trente-trois ans, assorti d’une rémunération dégressive, soit 60 % pour un mi-temps.
Résultat : entre 2003 et 2008, le nombre d’agents en CPA a chuté de 81 %. Ajouté à cela qu’aucune discussion réelle n’a été menée sur la pénibilité des métiers de la fonction publique et sur la question des fins de carrière.
Aujourd’hui encore, vous faites l’impasse sur ces deux questions essentielles et vous choisissez même de supprimer de fait la CPA, alors que les problèmes de santé, de fatigue et de stress au travail se posent aussi chez les agents de la fonction publique, lesquels demandent à ce que les aménagements de fin de carrière soient au contraire développés.
Avec ce projet de loi, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, pour avoir été interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet par les organisations syndicales, dont la FSU, la question des conditions de rémunération des agents actuellement en CPA est posée. En effet, lorsqu’un agent s’engage dans un tel dispositif, il peut opter entre deux quotités de temps travaillé, l’une dégressive, l’autre fixe. Mais ce choix entre l’une ou l’autre formule, comme je l’ai dit, est irrévocable. S’ils ont fait ce choix irréversible, c’est parce qu’ils pensaient possible un départ à la retraite à 60 ans, à savoir l’âge légal au moment où ils ont pris leur décision.
Or certains agents, ayant opté pour la forme modulable, ont projeté une dernière période sans obligation de service. C’est le cas notamment des enseignants, cette période correspondant à la durée d’une année scolaire. Je le répète, ils se trouvent actuellement en situation de se voir radiés des cadres avant l’âge de 60 ans et 4 mois ou 60 ans et 8 mois et pourraient se voir ainsi privés de la possibilité de liquider leur pension lorsqu’ils cesseront leur activité.
Parmi les agents qui n’ont pas opté pour la modulation, beaucoup perçoivent un traitement inférieur à la pension à laquelle ils auront droit. Ils se trouvent donc en situation de voir se prolonger une période de faibles revenus du fait de l’allongement des deux bornes d’âge légal de retraite.
Le choix de partir en CPA et le choix de l’option de CPA étant totalement irrévocables, le fait de changer ainsi en cours de route la règle du jeu nous semble tout à fait injuste pour ces agents. Voilà pourquoi nous avons déposé un tel amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez proposé de reparler plus tard de cette question. Sachez que nous avons besoin d’un engagement ferme de votre part, car ces agents attendent une réponse. Nous ne saurions discuter de cette réforme des retraites sans régler cette situation qui concerne de nombreuses personnes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer et éviter toute ambiguïté sur le sujet.
Vous avez eu raison de soulever le problème, mais, comme vous pouvez l’imaginer compte tenu des fonctions qui sont les miennes, je l’avais déjà identifié.
Sachez que ma réponse n’est en aucun cas dilatoire. La situation des agents en CPA sera prise en compte, car il n’est pas question qu’ils connaissent une rupture entre la fin de leur activité et la liquidation de leur pension. Le dispositif sera donc prolongé. Reste que nous en reparlerons lors de l’examen des prochains articles du texte.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Madame Terrade, l’amendement n° 1174 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 304, présenté par Mmes Lepage et Cerisier-ben Guiga, M. Yung, Mmes M. André, Bricq et Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mme Khiari, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
assurés
insérer les mots :
, qu'ils résident en France ou à l'étranger,
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement, porté, comme vous vous en doutez, par les sénateurs de notre groupe représentant les Français établis hors de France – à qui bien évidemment nous nous associons –, vise à inclure expressément les assurés sociaux établis hors de France dans le dispositif consistant à dispenser une information concernant la retraite.
À l’instar de nos concitoyens résidant en France, les Français établis à l’étranger doivent pouvoir recevoir une information générale sur le système de retraite. Compte tenu des difficultés d’acheminement du courrier dans certains pays, cette information pourrait, par exemple, être transmise par voie électronique.
Cette exigence se justifie par le fait que le nombre de Français résidant à l’étranger ne cesse de croître. Au cours des dix dernières années, le nombre de Français inscrits au registre des Français établis hors de France a en effet augmenté de 45 %, soit un taux d’accroissement annuel proche de 4 %. Parmi ces Français, on trouve de nombreuses personnes affiliées à un régime de retraite français.
Tous les Français justifiant d’une durée d’assurance d’au moins deux trimestres consécutifs doivent pouvoir bénéficier d’une information claire et lisible sur le système de retraite, y compris lorsqu’ils résident à l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement procède du même esprit que l’amendement n° 305, sur lequel la commission avait émis un avis défavorable dans la mesure où les Français établis hors de France sont assurés au régime général, donc nécessairement destinataires de cette information.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Le texte ne fait pas de distinguo entre assurés : il n’y a aucune forme de discrimination selon la nationalité ou le lieu de résidence. Il est donc inutile de nourrir une inquiétude particulière à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je voterai cet amendement, car il ne faut pas croire que les choses se passent aussi facilement à l’étranger qu’en France.
Mme Christiane Demontès. Bien sûr !
M. Christian Cointat. Beaucoup de nos compatriotes expatriés ont cessé de cotiser en France. S’ils auront le droit de percevoir une retraite pour les activités exercées en France, ils sont devenus des assurés sociaux « dormants », si je puis m’exprimer ainsi. Ils ne reçoivent donc pas les informations régulièrement envoyées par les caisses de retraite.
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. Christian Cointat. Cette mesure n’est pas aussi anodine qu’il y paraît. Il est en effet essentiel de prévoir explicitement l’information de tous les assurés, sinon la plupart des Français établis hors de France risquent d’être oubliés et ne pourront pas préparer leur retraite. (M. Jean-Louis Carrère opine.)
Ne nous limitons pas aux apparences : non, tous les assurés ne sont pas égaux dans ce domaine ; ceux qui résident sur le territoire national et ceux qui vivent à l’extérieur n’ont pas les mêmes facilités de communication.
Adopter cet amendement enverra un signal fort sur la nécessité de traiter tous les Français de façon égale, quel que soit leur lieu de résidence. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 304.
(L'amendement est adopté. – Mme Christiane Demontès applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
entretien
insérer les mots :
portant notamment
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le ministre, nonobstant ce qui a déjà été dit, je souhaite revenir sur cette question de l’information des salariés.
Le droit à l’information est un élément central du dispositif de retraite choisie, proposé depuis longtemps non seulement par notre famille politique, mais aussi – j’en suis persuadé – par bien d’autres.
Bien souvent, ce n’est qu’au moment de la liquidation de leurs droits ou seulement quelques années avant que les assurés prennent conscience des conséquences du déroulement de leur carrière sur le montant de leurs pensions.
Ce constat, que nous pouvons tous partager, est, vous en conviendrez, d’une importance majeure. Nous regrettons par conséquent qu’un grand nombre de nos amendements portant sur cette question aient été déclarés irrecevables en vertu de l’application de l’article 40 de la Constitution.
En cet instant, permettez-moi, mes chers collègues, de relever une contradiction. Il nous est reproché de vouloir aggraver les charges publiques lorsque nous préconisons d’apporter à chaque salarié une information individuelle personnalisée. Il s’ensuit une déclaration d’irrecevabilité, symptomatique du sort trop souvent réservé au travail parlementaire.
N’assiste-t-on pas, par le biais de l’irrecevabilité financière, à une remise en cause du droit d’initiative législative affirmé par l’article 39 de la Constitution ?
En revanche, lorsque le Gouvernement propose de créer un Comité de pilotage des régimes de retraite, qui vient s’ajouter au Comité d’orientation des retraites déjà existant, cela n’entraînerait pas une charge financière supplémentaire ! Comprenne qui pourra…
Il est pourtant évident que le coût de fonctionnement dudit comité entraînera une aggravation des charges publiques, pour un résultat dont nous ne saisissons pas, pour notre part, tout l’intérêt.
Je referme cette parenthèse, pour en venir à l’amendement n° 86, qui vise à faire en sorte que l’information des salariés soit la moins restrictive possible. Dans le cadre de l’entretien opportun prévu à l’article 3, l’assuré devra recevoir une information complète, afin d’éclairer au mieux sa décision et ses possibilités de choix individuels. Pour ce faire, nous souhaitons introduire, après le mot « entretien », les termes « portant notamment ».
On vient de le voir à l’instant, les carrières sont multiples et diverses, ce qui pose d’ailleurs d’importants problèmes. Au moment de l’entretien, il est donc nécessaire de ne pas se cantonner d’une manière étroite à un récapitulatif des droits acquis, mais d’expliciter sa situation. Chacun peut en convenir, un salarié, avant de prendre une décision concernant sa carrière, doit connaître les conséquences de ses choix en matière de droits à la retraite.
J’ajoute que l’insertion de ces deux mots au sein de l’alinéa 4 de l’article 3 ne devrait pas entraîner une charge financière supplémentaire.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement pour inscrire une telle précision dans la loi, ce qui ne coûte rien, mais peut apporter beaucoup à nos futurs concitoyens retraités. (Mme Gisèle Printz et M. Ronan Kerdraon applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 86 ayant pour objet de prévoir un champ moins restrictif dans le domaine de l’information, la commission ne peut qu’y être favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
carrière éventuels
insérer les mots :
sur les possibilités de cumuler un emploi et une retraite
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. À partir de 45 ans, puis tous les ans, les assurés reçoivent une estimation indicative, d’une part, du montant des pensions de retraite auxquelles ils pourront prétendre et, d’autre part, de la date à laquelle la liquidation est susceptible d’intervenir, eu égard aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur.
Par le biais de cet amendement, nous souhaitons que ce relevé soit l’occasion d’informer les assurés sur la possibilité et les modalités de cumul d’un emploi et d’une pension de retraite.
Cette proposition s’inscrit dans le projet que nous portons. Nous sommes en effet attachés à la possibilité, pour celles et ceux qui le souhaitent, de partir à la retraite à 60 ans.
La remise en cause de l’âge de départ constitue la plus grande des injustices pour les salariés ayant commencé à cotiser tôt ou qui, à 60 ans, sont usés par le travail. Elle aboutit à supprimer, pour tous les Français, une liberté de choix.
Au contraire, notre projet pose le principe d’une retraite choisie, incitant à travailler plus longtemps celles et ceux qui le peuvent et le souhaitent.
Nous proposons, pour les nouvelles générations, de créer un « compte temps », qui permettrait de décloisonner les trois temps de la vie : la formation, le travail et la retraite. Il autoriserait chacun à faire de vrais choix pour ce qui concerne l’organisation de ces trois temps. Au lieu de subir le couperet de la retraite, chacun pourrait décider de prendre une année sabbatique pour s’engager dans une association, s’occuper d’un parent, reprendre des études ou réduire progressivement son temps de travail.
Ce « compte temps » ne remettrait pas en cause les mécanismes de financement des retraites par répartition et ne s’appuierait en rien sur des mécanismes de capitalisation, individuelle ou collective.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sur le fond, la commission ne peut qu’être favorable à cet amendement, qui, apparemment, est satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je dirai la même chose, mais en sens inverse : cet amendement étant satisfait, le Gouvernement y est favorable. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous ne nous opposerons pas à cet amendement. Toutefois, je voudrais faire remarquer que, au moment de la retraite, la plupart des personnes n’aspirent qu’à une chose : s’occuper d’elles-mêmes, de leur famille et de leurs amis. Elles ont envie de ce temps de liberté après le travail.
Si les salaires et les pensions étaient suffisants, personne n’envisagerait de reprendre un travail. Ceux qui le souhaiteraient pourraient s’occuper et se rendre utiles, dans le milieu associatif ou au sein d’une ONG, sans avoir pour principal souci de trouver un revenu complémentaire.
Bien sûr, l’amendement n° 87 vise simplement à ouvrir une possibilité à ceux qui le souhaitent. Quoi qu’il en soit, je le répète, quand on prend sa retraite, on aspire à un repos bien mérité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
carrière éventuels
insérer les mots :
tels que des périodes d'étude ou de formation, de chômage, de travail pénible, d'emploi à temps partiel, de maladie, d'accident du travail ou de maladie professionnelle ou de congé maternité
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement porte sur la façon dont s’opèrent les transitions professionnelles au cours de l’existence.
À l’évidence, si rien ne change, le salarié actuel verra se succéder des périodes d’emploi à plein-temps et à temps partiel. Il passera d’une activité rémunérée à des activités familiales ou sociales, et sa vie professionnelle sera entrecoupée d’épisodes de formation et de chômage.
Pour construire la ligne de vie et d’espoir chère à notre collègue Pierre Mauroy, il importe que ces transitions, qui ne devront pas être vécues comme des parenthèses dévalorisantes, servent à dessiner une trajectoire continue de vie. Il convient donc d’aider les individus à piloter leur mobilité, afin que ces transitions soient non pas seulement supportables, mais utiles.
Par conséquent, il est nécessaire que l’information aux salariés soit la plus complète possible, notamment en ce qui concerne l’incidence des choix ou aléas de carrière.
Les salariés doivent connaître les incidences potentielles sur leur carrière des périodes d’étude ou de formation, de chômage, de travail pénible, d’emploi à temps partiel, de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ou encore de congé maternité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les auteurs de cet amendement énumèrent un certain nombre d’aléas de carrière. Faisant abstraction de cette rédaction un peu lourde, la commission, qui ne peut que partager leurs préoccupations, a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 89 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 974 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Après les mots :
carrière éventuels
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 89.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, la situation des salariés ayant connu des périodes de précarité au cours de leur carrière nous préoccupe particulièrement.
Or votre réforme fragilise encore un peu plus la situation de celles et ceux qui ont été exposés à des parcours morcelés. En effet, après une vie active compliquée par la précarité, ces salariés ne pourront bénéficier d’une retraite à taux plein qu’à 67 ans.
Un tel allongement de la durée de travail se traduira, bien souvent, par une seconde injustice, celle de la diminution des pensions. Lorsqu’une année incomplète en raison d’un travail à temps partiel ou du chômage se trouve tout de même comptabilisée dans les vingt-cinq « meilleures années », le salaire annuel moyen de référence chute.
Les salariés, dans leur majorité, méconnaissent l’impact du temps partiel sur le niveau futur de leur pension. Une meilleure information est donc indispensable, afin qu’ils puissent adapter le plus tôt possible le déroulement de leur carrière à ces contraintes financières.
C’est pourquoi nous proposons que les salariés embauchés à temps partiel soient obligatoirement informés des conséquences de ce type d’emploi en matière de retraite, ainsi que de la possibilité de cotiser sur la base d’un temps plein.
À cet égard, la rédaction de la fin de l’alinéa 4 de l’article 3 porte à confusion. Quels sont en effet les dispositifs permettant aux assurés d’améliorer le montant de leur future pension de retraite ?
Sur ce texte, notre confiance est limitée : quelles sont vos intentions ? Que visez-vous ? Nous ne voudrions pas que, au détour de cette petite phrase, vous évoquiez les dispositifs de retraite par capitalisation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 974.
Mme Marie-Agnès Labarre. Même si le Gouvernement se refuse, officiellement, à toucher aux pensions des retraités, les réformes déjà votées au cours des dernières années et celle-ci aboutiront, dans les faits, à réduire grandement le taux de remplacement des retraites.
Selon une étude rendue publique en juillet dernier par la Commission européenne, laquelle vous sert souvent de bouclier pour mener vos réformes les plus dures, la France, du fait des réformes actées précédemment, est déjà l’un des pays d’Europe qui a prévu de réduire le plus le taux de remplacement des retraites.
En effet, en fonction des réformes actées en 2006, la Commission a estimé ce taux en 2006 et en 2046 dans les vingt-sept pays de l’Union européenne pour un homme ayant travaillé à temps plein et cotisé quarante ans au moment de son départ à la retraite.
En France, ce taux devrait ainsi passer de 79 % en 2006 à 63 % en 2046, soit une chute de 16 points, la quatrième baisse la plus importante parmi les Vingt-Sept et la seconde au sein de l’ex-Europe des Quinze. Du coup, en 2046, le taux de remplacement français se situerait parmi les plus bas d’Europe.
Vous évoquez sans cesse, de façon on ne peut plus démagogique, le besoin de garder un régime fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Mais, depuis la réforme de 1993, les pensions des anciens salariés du privé ont déjà chuté de façon importante, de 13 % en moyenne. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter puisque vous persistez dans votre refus de taxer le capital et de remettre en cause le bouclier fiscal, et que vous continuez d’augmenter les profits des grandes entreprises en les exonérant sans cesse de cotisations. De fait, l’ajustement ne pourra se faire que par une nouvelle baisse des pensions. C’est inévitable et inadmissible !
Bien sûr, cela pénalise plus les personnes aux carrières heurtées ou interrompues, notamment les femmes, dont seulement 39 % ont pu valider une carrière complète, mais aussi les chômeurs, les précaires, les temps partiels, les jeunes qui débutent tard dans la vie active, les personnes exerçant des petits boulots ou des métiers pénibles, à l’espérance de vie faible.
En France, du début du xixe siècle à la fin du xxe siècle, la productivité horaire a été multipliée par trente, la production par seize. Les revenus financiers, quant à eux, ont été multipliés par plus de sept depuis 1980, ce qui permettra aux entreprises du CAC 40 de verser cette année 36 milliards d’euros à leurs actionnaires, malgré la crise.
De l’argent, il y en a : assez pour ne pas avoir à prolonger l’activité de nos concitoyens après 60 ans.
C’est la raison pour laquelle, au-delà du retrait de ce projet de loi, nous demandons la suppression de la fin de l’alinéa 4 de l'article 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les auteurs de ces deux amendements identiques font une interprétation de la fin de l’alinéa 4 qui n’est pas celle de la commission. On pourrait en effet imaginer que, lors de l’entretien individuel, soit évoquée la question des surcotisations.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. L’entretien individuel peut aussi être l’occasion d’informer l’assuré des possibilités qui s’offrent à lui pour augmenter le montant de sa retraite, que ce soit par le rachat de trimestres grâce au dispositif Fillon ou, comme l’a dit M. le rapporteur, au moyen de surcotisations.
Tout à l’heure, M. Fischer et Mme David ont exprimé la crainte qu’un tel entretien-conseil ne serve en réalité qu’à orienter les futurs retraités vers les systèmes par capitalisation. Je le répète, ce n’est aucunement ce à quoi il est destiné. Cela étant, cette appréhension ne doit pas être un obstacle l’évocation des dispositifs issus de la loi de 2003 et de celle que nous allons adopter.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, dans la mesure où plusieurs d’entre vous ont demandé la parole pour expliquer leur vote sur les amendements identiques nos 89 et 974, je me vois contraint, compte tenu de l’horaire, de différer leurs interventions à la reprise de la séance.
6
Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Plancade membre du conseil d’administration de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Jeudi 14 octobre 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (texte de la commission n° 734, 2009-2010).
Vendredi 15 octobre 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Samedi 16 octobre 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
À 15 heures 15, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Lundi 18 octobre 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
À 10 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Mardi 19 octobre 2010
Le matin :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 788 de M. Gérard Bailly à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Application des règles sur le bien-être animal) ;
- n° 901 de Mme Anne-Marie Payet transmise à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Encadrement juridique des compléments alimentaires) ;
- n° 920 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Fiscalité du Floc de Gascogne) ;
- n° 964 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Respect de la volonté du législateur visant à lutter contre les déserts médicaux) ;
- n° 975 de Mme Marie-France Beaufils à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Problèmes posés aux artisans du fait du régime des auto-entrepreneurs) ;
- n° 979 de Mme Catherine Procaccia à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Remboursement des frais d’expédition et de réexpédition de biens achetés par correspondance) ;
- n° 988 de Mme Virginie Klès à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Mise en œuvre du contrat d’autonomie) ;
- n° 990 de M. Ronan Kerdraon à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Avenir des missions locales) ;
- n° 992 de M. Bernard Fournier à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Secours et assistance médicale lors des manifestations sportives) ;
- n° 998 de Mme Maryvonne Blondin à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;
(Allocation des excédents du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) ;
- n° 1010 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Services d’aide à domicile) ;
- n° 1012 de M. Roger Madec à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Violences urbaines dans le 19e arrondissement de Paris) ;
- n° 1013 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Crédit d’impôt et financement des congés des agriculteurs) ;
- n° 1014 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Traitement des déchets d’activités de soins à risques infectieux) ;
- n° 1019 de Mme Catherine Tasca à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Fermeture de l’unité de cardiologie interventionnelle de l’hôpital de Mantes-la-Jolie) ;
- n° 1022 de M. Gilbert Barbier à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(État d’avancement du projet de branche Sud du TGV Rhin-Rhône) ;
- n° 1024 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Procédure de déclaration d’utilité publique d’une zone d’aménagement concertée à Orléans) ;
- n° 1026 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Suppression d’un poste de CPE et mouvements dans le personnel de l’éducation nationale).
À 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
2°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (texte de la commission n° 734, 2009-2010).
Mercredi 20 octobre 2010
À 15 heures et le soir :
1°) Désignation des quinze sénateurs membres de la mission commune d’information sur les toxicomanies ;
(Les candidatures à cette mission parlementaire devront être déposées au secrétariat central du service des commissions avant le mardi 19 octobre 2010, à dix-sept heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
2°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (texte de la commission n° 734, 2009-2010) ;
Avant le vote sur l’ensemble, chaque groupe politique aura droit à deux explications de vote de cinq minutes (une explication de vote de cinq minutes pour les sénateurs non inscrits).
En application de l’article 60 bis du règlement du Sénat la conférence des présidents a décidé que le Sénat se prononcerait sur l’ensemble du projet de loi par un scrutin public à la tribune.
3°) Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire (texte de la commission n° 729, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 19 octobre 2010).
Le délai limite pour le dépôt des amendements en séance est expiré) ;
4°) Projet de loi organique relatif au département de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission n° 18, 2010-2011) et projet de loi relatif au département de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission n° 19, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 19 octobre 2010) ;
- au jeudi 14 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance à ces deux textes.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 20 octobre 2010, le matin) ;
5°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (texte de la commission n° 21, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 19 octobre 2010) ;
- au jeudi 14 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 19 octobre 2010, à neuf heures trente).
Jeudi 21 octobre 2010
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
1°) Suite de l’ordre du jour de la veille ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
La prochaine réunion de la conférence des présidents se tiendra à l’issue du scrutin public à la tribune sur l’ensemble du projet de loi portant réforme des retraites.
8
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 13 octobre, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-83 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
9
Réforme des retraites
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Article 3 (suite)
M. le président. Dans la discussion de l’article 3, nous en sommes parvenus aux explications de vote sur les amendements identiques nos 89 et 974.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la fin de l’alinéa 4 de l’article 3 que ces amendements visent à supprimer est en fait assez vague, ce qui a permis au Gouvernement d’affirmer tout à l’heure qu’elle n’avait pas le sens que nous lui donnons.
Derrière la formule « dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite » se cachent des mécanismes de retraite par capitalisation, qui permettent aux plus fortunés d’épargner pour leurs retraites à venir quand les plus modestes en sont à renouveler leurs prêts à la consommation pour régler leurs factures ou faire leurs achats. C’est dire la conception que vous avez de l’équité.
En commission des affaires sociales, certains membres de la majorité sénatoriale, sans doute très attentifs aux demandes de la Fédération française des sociétés d’assurance, laquelle, vous le savez, aimerait bien pouvoir mettre la main sur les 230 milliards d’euros qui lui échappent, ont déposé des amendements tendant à réécrire cet article pour prévoir explicitement que les assurés sont informés de leur situation de retraite et des mécanismes de retraite par capitalisation. Ces amendements avaient le mérite de la transparence, mais ils ont été rejetés par la commission qui préférait la rédaction actuelle de l’article.
Cela ne change rien sur le fond : au final, l’information visée à l’article 3 contiendra bien des informations tendant à inciter nos concitoyens à opter pour la capitalisation.
Monsieur le ministre, appliquez-vous les beaux principes que vous avez énoncés à l’article 1er A ? Telle est la question que soulève l’alinéa 4 de l’article 3.
Vous avez une conception particulière de la mise en œuvre de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Les quelques mots que les amendements nos 89 et 974 tendent à supprimer sont lourds de conséquences. L’information prévue par cet article se transformerait, si elle était mise en œuvre, en un support publicitaire à destination des banques et des assurances, ce qui est à nos yeux inacceptable.
Vous rejetez pour le moment toute idée de mettre à contribution les dividendes que les établissements bancaires et d’assurance partagent entre leurs actionnaires. Ces établissements sont doublement gagnants avec le projet de loi : d’une part, ils évitent une taxation légitime, alors que les mutuelles, elles, subiront un nouveau prélèvement ; d’autre part, ils bénéficient à moindre frais, et même gratuitement, d’une publicité envoyée à tous les travailleurs de notre pays.
Nous considérons qu’il s’agit d’un dévoiement, d’un détournement de l’information de l’ensemble de nos mécanismes de protection sociale. C’est un pas de plus vers sa privatisation accrue.
La mention aux dispositifs permettant d’améliorer le montant futur des pensions de retraite des assurés est le cheval de Troie de la capitalisation dans notre système de répartition.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l’on a imaginé la sécurité sociale, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce n’était pas pour qu’elle serve de support aux entreprises commerciales, c’était pour assurer le droit de tous les salariés à une retraite leur permettant de vivre dans la dignité.
Ces quelques mots à la fin de l’alinéa 4, s’ils étaient maintenus, avec la lecture que l’on peut en faire compte tenu des amendements déposés, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, seraient contraires aux valeurs portées par notre Constitution et par son préambule.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le membre de phrase que nous souhaitons supprimer est pour le moins malvenu. En effet, il laisse croire qu’en dépit de ce projet de loi, qui, en reculant l’âge légal de départ à la retraite, est le reflet de votre conception rétrograde et capitaliste du temps de vie, nos concitoyens catégorisés comme « seniors » disposeront du choix d’allonger leur carrière pour obtenir une meilleure pension.
Je vous invite pour ma part, monsieur le ministre, à vous orienter vers une politique permettant une meilleure rémunération de l’emploi afin de ne pas contraindre les futurs retraités à rechercher des dispositifs pour améliorer le montant de leur pension.
Quant à l’entretien prévu à l’article 3, que pouvons-nous en espérer ? Qu’il soit l’occasion d’évaluer le nombre potentiel de « CDD seniors » dont un salarié pourra bénéficier pour arriver jusqu’à 67 ans? Il est vrai que l’accord du 13 octobre 2005, qui inventé un nouveau contrat précaire ciblé, a prévu le recours à un contrat à durée déterminée d’une durée maximum de dix-huit mois, renouvelable une fois, spécialement pour les seniors. Et pour continuer à creuser le déficit, c’est encore un contrat qui bénéficie d’une exonération de charges patronales de sécurité sociale.
Les seniors sont en réalité pris en otage par le double discours du patronat : d’un côté, le MEDEF, qui vous a dicté les idées directrices du présent projet de loi, réclame le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite ; de l’autre, les entreprises font tout pour se débarrasser de leurs seniors.
Mais le plus difficile pour les seniors est le retour à l’emploi, car la discrimination liée à l’âge à l’embauche est avérée. Aujourd’hui, 57 % des chômeurs de 50 ans et plus sont des chômeurs de longue durée.
Le problème tient au fait que ces données évoluent peu. La réforme Fillon de 2003 a eu un effet pervers – un de plus ! Avec les retraites anticipées pour « carrière longue », le taux d’emploi des seniors n’a quasiment pas progressé ces dernières années : 1,4 % selon les chiffres du chômage de juin dernier.
La possibilité de sanctions financières mise en place au mois de janvier concernant l’emploi des seniors constitue encore « un coup d’épée dans l’eau » puisque les accords ne sont pas contraignants et que les entreprises continuent impunément d’exclure les seniors.
Alors qu’il aurait été plus judicieux de pénaliser fortement les entreprises qui licencient les seniors et d’obtenir un dispositif de reconnaissance de la pénibilité pour les salariés usés prématurément et dont l’espérance de vie est de ce fait réduite, vous nous présentez l’allongement de la durée de cotisation comme une solution miracle.
Encore une fois, ce sont les seniors qui souffrent le plus de la dégradation de l’emploi, laquelle pourrait durer jusqu’en 2011, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques. Le projet de reculer l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans est d’autant plus ahurissant qu’il ne peut qu’amplifier le phénomène ! Ces seniors pourraient, en effet, être au chômage deux ans de plus.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer la fin de l’alinéa 4 de l’article 3, qui ne correspond pas à la volonté que vous exprimez de voir les futurs retraités accéder à une pension digne. Je vous le répète, monsieur le ministre, pour avoir une pension digne, encore faut-il avoir eu un salaire digne tout au long de sa carrière professionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Aux termes de l’alinéa 4 de l’article 3, les « assurés bénéficient à leur demande, à partir de 45 ans […], d’un entretien sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les perspectives d’évolution de ces droits, compte tenu des choix et des aléas de carrière éventuels, ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite ».
Les amendements identiques nos 89 et 974 visent à supprimer la fin de cet alinéa, c’est-à-dire la référence aux « dispositifs permettant d’améliorer le montant futur des pensions de retraite des assurés », car un intrus, bien sûr, se cache derrière cette formulation d’apparence bien anodine : comment ne pas y voir en effet un appel pudique, voire grossier, à la retraite par capitalisation ?
Monsieur le ministre, au détour de cet alinéa, de manière insidieuse, vous introduisez les régimes par capitalisation au cœur des dispositifs d’information que vous mettez en place.
Cette démarche est en contradiction flagrante avec les propos que vous tenez, aussi bien ici, au Sénat, que dans les médias. Vous n’avez de cesse de dire et de répéter que, grâce à vous, la retraite par répartition sera sauvée et durablement réformée ! Or nous voyons bien ici qu’il n’en est rien. Vous êtes pris en flagrant délit de contrevérité, car, au fond, vous savez bien que le niveau des pensions va baisser du fait de votre réforme. Et vous savez aussi que les assurés devront compenser les dégâts collatéraux de votre loi en souscrivant à des compléments par capitalisation : c’est un aveu, certes, mais aussi une erreur de diagnostic !
Les régimes par capitalisation font peser sur les retraites un risque considérable. Les fonds de pension se sont effondrés pendant la crise financière. Et je ne suis pas la seule à le dire. Le président du Conseil d’orientation des retraites, dont le colloque annuel, organisé en décembre dernier, avait pour thème la crise, a en effet déclaré que les effets de celle-ci ont été terribles pour les régimes par capitalisation. Il s’agit donc d’une solution à contretemps, à contre-courant.
En outre, comment ne pas voir que c’est la porte ouverte à un système de retraite à deux vitesses, en fonction des revenus de chacun, selon que l’on pourra, ou non, « mettre de côté » et s’offrir, en plus du régime obligatoire, le luxe d’une assurance retraite complémentaire ?
C’est pourquoi nous demandons la suppression de la fin de l’alinéa 4 de l’article 3, qui comprend une allusion, révélatrice et lourde de sens, aux systèmes de retraite par capitalisation.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 89 et 974.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1161, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En amont de tout projet d’expatriation, l’assuré bénéficie à sa demande d’une information, par le biais d’un entretien, sur les règles d’acquisition de droits à pension, l’incidence sur ces derniers de l’exercice de son activité à l’étranger et sur les dispositifs lui permettant d’améliorer le montant futur de sa pension de retraite. Une information est également apportée au conjoint du futur expatrié. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de me féliciter, de vous féliciter, de ce que les trois amendements identiques nos 242 rectifié bis, 310 et 550 rectifié bis, portés par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, aient été adoptés. Ils avaient pour objet d’inclure tous les trois une référence à l’expatriation, que j’avais demandée à l’occasion des travaux de notre délégation.
Je me réjouis également que, grâce à l’adoption de l’amendement n° 304 de nos collègues socialistes, nous ayons obtenu qu’il soit fait mention des Français établis hors de France dans ce même alinéa 4 de l’article 3.
L’amendement que je vous propose est différent même s’il concerne aussi les Français de l’étranger. Il vise en effet à informer ces derniers, non pas par un entretien à partir de 45 ans, ce qui est souvent trop tard, mais en amont de tout projet d’expatriation.
En effet, le processus de mondialisation ou une pénurie d’offres d’emploi dans leur domaine de compétence obligent un nombre croissant de nos ressortissants à s’expatrier dans le cadre d’un projet professionnel. Peu d’entre eux sont vraiment informés des conséquences de l’expatriation sur leurs droits à pension et sur ceux de leurs conjoints. En outre, certains se trouvent, dans de nombreux pays, confrontés à l’interdiction d’exercer une activité professionnelle.
Il est donc nécessaire de procéder à une information aussi complète que possible sur les conséquences de l’expatriation sur les droits à pension et les moyens de remédier à des situations éventuellement préjudiciables à leurs intérêts.
Il est important que cette obligation d’information des futurs expatriés et de leurs conjoints soit inscrite dans la loi, un décret d’application venant bien sûr déterminer plus précisément les modes d’information de ces futurs expatriés.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous serais reconnaissante de bien vouloir adopter l’amendement n° 1161, qui me semble parfaitement complémentaire des amendements adoptés plus tôt tout en permettant d’aller plus loin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comme sur tous les amendements portés par les Français de l’étranger, la commission des affaires sociales avait initialement émis un avis défavorable sur celui-ci.
Il semble cependant que notre assemblée choisisse d’adopter une approche différente pour appréhender la situation spécifique des Français établis hors de France.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le Gouvernement ne voit pas d’inconvénient à ce que les Français de l’étranger puissent accéder à une information spécifique au moment de leur expatriation.
En effet, les modalités de leur retraite peuvent s’en trouver affectées, et ce d’une manière difficile à prévoir. Il n’est pas rare de constater l’étonnement à ce sujet de nos concitoyens à leur retour en France.
Dans la mesure où nous ne voyons donc pas de raison de nous opposer à cet amendement, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 975, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec l’alinéa 5, précisé par la commission, des simulations seront transmises au salarié sur la réalité de sa pension à venir et sur les incidences de ses différents choix de carrière.
Ce qui peut apparaître comme une amélioration de l’information des salariés masque mal la logique de fond de ce texte : la précarisation de la retraite, l’obligation de travailler toujours plus pour ne pas gagner moins ; enfin, pour percevoir un revenu digne à la fin de sa vie, la nécessité de capitaliser par le biais de l’épargne retraite, c’est-à-dire un moyen tout autre, un placement financier, qui, à l’instar d’un investissement immobilier, sera inaccessible pour l’immense majorité des salariés.
L’alinéa 5 entérine donc l’idée que nous ne sommes non plus réellement dans un système de retraite par répartition, mais bien dans un régime par fractionnement, par éclatement de la vie professionnelle.
Quel crédit accorder à une telle simulation, lorsque la vie est parsemée de périodes de chômage et de temps partiel ? Quelle validité lui reconnaître quand le pouvoir d’achat est de ce fait à la baisse depuis de nombreuses années ?
Je considère même l’alinéa 5 comme provocateur. Comment oser en effet affirmer que différents choix de carrière s’offrent aux salariés, alors que près de 4 millions de nos concitoyens sont au chômage et que la majorité d’entre eux acceptent évidemment la première offre d’emploi qui leur est faite ? À l’évidence, la rédaction de cet alinéa trahit une méconnaissance profonde de la réalité sociale de notre pays.
Comment accepter, monsieur le rapporteur, que vous puissiez écrire, à la page 75 de votre rapport, qu’« il importe que les assurés soient sensibilisés relativement tôt sur le montant futur de leur retraite, afin qu’ils puissent mesurer l’incidence de certains choix de carrière sur leur pension » ?
Avez-vous oublié le fond du projet que vous soutenez bec et ongles ? Vous repoussez l’âge légal de la retraite, et il n’est nul besoin de simulation pour constater que vous retirez deux belles années d’épanouissement à des millions de salariés.
M. le président. L’amendement n° 545 rectifié bis, présenté par Mme Debré, MM. Laménie, J. Gautier, Lardeux, Vasselle, Milon, Pinton et Vestri, Mme Rozier, M. Dériot, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. P. Blanc et Gournac, Mme Goy-Chavent et M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les informations et données transmises aux assurés en application du présent alinéa n’engagent pas la responsabilité des organismes et services en charge de les délivrer.
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. La commission des affaires sociales a adopté un amendement prévoyant que l’assuré reçoit, lors de l’entretien individuel prévu à partir de 45 ans, la simulation du montant potentiel de sa future pension lorsqu’il décide de partir à la retraite à l’âge légal, ou à l’âge d’obtention du taux plein. Avec une échéance aussi lointaine, la simulation restera évidemment approximative.
Le présent amendement vise donc à préciser explicitement que la responsabilité des organismes de retraite ne peut être engagée pour cette simulation. Cette disposition s’applique à l’ensemble des prestations délivrées dans le cadre du droit à l’information sur la retraite, le principe de non-responsabilité étant d’ores et déjà prévu, mais au niveau réglementaire seulement.
M. le président. L’amendement n° 762, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les informations données aux assurés deviennent à leur demande, opposables lors de l’ouverture des droits à la retraite.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour but d’apporter une garantie aux salariés et de donner une valeur réelle aux informations qui leur seront données sur leur droit à la retraite.
Nous vous avons exposé notre désaccord sur la mesure proposée par l’alinéa 5 de l’article 3, qui, à la lumière de l’ensemble du projet de loi, peut même s’apparenter à une pure provocation. À notre sens, le système de simulation proposée démontre, dès le plus jeune âge, la précarité des situations individuelles au regard de la retraite.
Nous proposons par cet amendement que les informations données aux assurés deviennent, à leur demande, opposables lors de l’ouverture des droits à la retraite.
Il serait en effet insupportable qu’un salarié ne puisse, au moment de son départ à la retraite, toucher le revenu prévu « sur le papier », quand bien même il aurait poursuivi la trajectoire professionnelle envisagée au départ.
La simulation doit comporter un engagement de la part de ceux qui l’ont élaborée. Sinon, quelle valeur le salarié pourrait-il lui donner ?
Refuser cet amendement confirmerait que le nouveau droit à l’information que vous préconisez constitue un leurre ou, pour le moins, une adaptation à un système détestable, qui mine les droits des salariés. Votre réforme, monsieur le ministre, est une attaque frontale contre ces derniers, et vous ne parviendrez sans doute plus à la faire passer pour une loi bienfaitrice.
Nos amendements visent à démontrer, point par point, la tricherie en cours : vous affirmez sauver le droit à la retraite alors que vous le déstructurez à l’évident profit des assurances privées, lesquelles sont toujours très voraces et piétinent déjà d’impatience.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 975, je suis surpris, après avoir relu la page 75 de mon rapport, qu’on puisse interpréter mes écrits comme Mme David l’a fait. Je ne me pensais pas si pervers ! Du reste, ce n’est pas la première fois depuis le début du débat que certains se permettent de me prêter de fausses intentions.
Mme Annie David. Ce n’est pas vrai, monsieur le rapporteur !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Et je ne saurais l’admettre !
Bien évidemment, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 545 rectifié bis vise à poser le principe de la non-responsabilité des caisses eu égard aux simulations qu’elles délivrent aux assurés lors des entretiens individuels. Considérant que ce point mérite d’être clairement souligné, j’émets un avis favorable.
Enfin, notre avis sur l’amendement n° 762 est défavorable, puisque son adoption pourrait être source de nombreux contentieux, qu’il vaudrait mieux éviter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 975 et 762.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 545 rectifié bis, car comme nous l’avons dit en commission, les caisses ne sauraient être engagées par les simulations qu’elles réalisent. Celles-ci ne constituent qu’une simple information.
M. le président. L’amendement n° 1192, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Un relevé à jour est communiqué à tout moment à l’assuré par voie électronique, lorsque celui-ci en fait la demande. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement tend à ce que l’assuré puisse, à tout moment, demander à sa caisse de recevoir son relevé de situation individuelle à jour par voie électronique. Évidemment, cette procédure ne se substitue pas à l’envoi postal, prévu, comme vous le savez, à l’âge de 35 ans, puis tous les cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1191, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
deuxième
par le mot :
troisième
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 978, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement qui déterminera si les services administratifs concernés ont eu les moyens financiers et humains pour mettre en place et assurer ce système d’information rénové. Ce rapport fera des propositions pour améliorer et corriger si besoin l’organisation de cette information.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 3 de ce projet de loi prévoit d’améliorer l’information des salariés quant à leurs droits en matière de retraite.
Cet objectif, louable en apparence, risque très vite de devenir théorique si les services qui se voient confier cette mission ne disposent pas des moyens financiers, matériels et humains leur permettant de l’accomplir pleinement.
En effet, nous avons déjà eu, par le passé, des exemples de bonnes idées qui, par manque de moyens – traduisant sans doute un manque de volonté politique –, se sont heurtées à d’importantes difficultés techniques.
Il y a peu, le Gouvernement promettait, avec la création de Pôle emploi résultant de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, que les salariés privés d’emplois – ils seront d’ailleurs à la peine avec ce projet de loi – pourraient bénéficier d’une meilleure qualité d’accueil.
Souvenez-vous, en septembre 2008, la ministre de l’économie, Mme Christine Lagarde, déclarait : « L’objectif est de 70 à 80 demandeurs d’emploi suivis par agent. »
En réalité, on sait qu’aujourd’hui les conseillers gèrent un portefeuille – c’est l’expression consacrée à la direction de Pôle emploi – de 200 à 300 demandeurs d’emploi !
En conséquence, le suivi personnalisé n’est plus que théorique, et les agents, qui sont en permanence sous pression, voient leurs missions changer et s’orienter principalement vers la lutte contre la fraude.
Un véritable mécontentement secoue l’ensemble des personnels de Pôle emploi.
Autre exemple, les maisons départementales des personnes handicapées : l’absence de compensation des postes – ceux qui étaient autrefois dévolus à la COTOREP – non mis à disposition par l’État entraîne un allongement de la durée de traitement des dossiers, qui est incompatible à la fois avec les objectifs législatifs et les besoins concrets des personnes en situation de handicap, particulièrement pour ce qui est du bénéfice de la prestation de compensation du handicap ou des aides humaines, notamment à la scolarisation.
Je ne m’étendrai pas, convaincu que vous comprendrez la démarche que nous entendons porter avec cet amendement, qui revient, au final, à poser la question de l’efficacité réelle de l’article 3 et des conditions de travail de celles et ceux qui auront pour mission d’informer nos concitoyens sur le montant de leurs retraites à venir. Tout cela sur fond de révision générale des politiques publiques !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement dont l’objet est de demander un rapport de plus.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas pour habitude de travestir les propos de qui que ce soit ! Je respecte les travaux réalisés par les uns et par les autres. Il est vrai que j’ai fait une erreur, et je vous prie de m’en excuser : en citant la page 75 de votre rapport, je voulais en réalité mentionner la page 79, plus précisément son sixième paragraphe. Il n’empêche, je n’ai aucunement déformé vos écrits, et je me permets de vous citer de nouveau : « Or il importe que les assurés soient sensibilisés relativement tôt sur le montant futur de leur retraite, afin qu’ils puissent mesurer l’incidence de certains choix de carrière sur leur pension. »
Vous et moi, nous n’avons absolument pas les mêmes idées politiques. Sinon, cela se saurait ! D’ailleurs, si nous étions d’accord, je ne serais pas assise à cette place et vous ne seriez pas au banc des commissions. Cela dit, je respecte votre travail en tant que rapporteur.
Je m’emporte parfois, même si je ne le devrais pas…
M. Jean Desessard. Mais si ! Emportez-vous !
Mme Annie David. Je trouve très désobligeants les propos que vous avez eus à mon égard, parce que, je le répète, il n’est pas du tout dans mes habitudes de caricaturer les propos de qui que ce soit. Je respecte trop le travail de mes collègues pour déformer ce qu’ils disent ou écrivent lorsqu’ils font part des travaux qu’ils ont pu engager !
En l’occurrence, je ne partage absolument pas votre vision politique et celle de la société que vous êtes en train de construire et que vous allez imposer à des millions de gens avec cette réforme des retraites.
Sur le fond, je continuerai évidemment à combattre vos propositions et l’ensemble des amendements ou des articles que vous pourrez suggérer ; mais, s’il vous plaît, ne dites pas que je caricature vos propos ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’article 3.
M. Guy Fischer. Étant, comme Annie David, très attentif et pugnace, je suis extrêmement étonné du rejet de notre amendement n° 978.
Quelles que soient les visions de chacun en matière de retraite, je pensais que nous partagions au moins le même objectif d’information et d’accompagnement de nos concitoyens dans des mécanismes de cotisations pour le moins mouvants, et qui plus est complexes. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé la remise d’un tel rapport.
La théorie du droit selon laquelle la loi est censée être intelligible et connue de tous se heurte au principe de réalité. Nous devons a minima nous assurer que celle-ci soit accompagnée de dispositifs permettant une « traduction » concrète de ses effets, et ce pour chacun des citoyens.
C’est, pour nous, un gage de sécurité juridique, définie par le Conseil d’État dans son rapport public de 2006 intitulé Sécurité juridique et complexité du droit : « Le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles. »
Et le Conseil d’État de préciser que la norme doit être intelligible, et de la caractériser en ces termes : « L’intelligibilité implique la lisibilité autant que la clarté et la précision des énoncés ainsi que leur cohérence. »
Ces principes ont été consacrés en France par le Conseil constitutionnel, qui reconnaît, dans une décision du 16 décembre 1999, une valeur constitutionnelle à l’objectif « d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ».
Ce souci d’information prolonge et sous-tend concrètement ce qui avait été édicté dans notre Constitution. Sans cela, en dehors des grandes lignes qui sont relayées par l’opinion publique et ainsi vulgarisées, les dispositions de ce projet de loi sont – reconnaissons-le –, compte tenu de leur complexité et de leur technicité, bien souvent incompréhensibles pour le plus grand nombre de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Messieurs les ministres, mes chers collègues, autant vous le dire sans détour, nous craignons que cet article, sous couvert d’information, n’ouvre la porte à une campagne de prosélytisme sur la capitalisation.
Écrire, à la fin de l’alinéa 4 de l’article 3, qu’il faudra informer les futurs retraités sur les « dispositifs leur permettant d’améliorer le montant de leur pension de retraite », c’est tout simplement lancer les grandes manœuvres de sensibilisation aux « merveilles » de la capitalisation.
Là encore, nous ne sommes pas dupes. Nous savons pertinemment que votre projet de loi entend préparer le terrain à l’arrivée de la capitalisation. Quand on présente une réforme des retraites avec des carences de financement aussi énormes que celles qui sont prévues par ce texte, c’est bien que l’on programme le déficit de notre assurance vieillesse. Et nous le savons d’autant mieux que vous usez exactement de la même stratégie, année après année, PLFSS après PLFSS, avec le déficit organisé de l’assurance maladie.
À force d’accumuler les déficits, il devient plus aisé de faire passer des mesures de régression sociale : aujourd’hui, vous faites ainsi reculer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans ; dans quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, vous tenterez de justifier de nouveaux déremboursements. Même logique, même objectif de sape.
Avec cette « information » très orientée, il s’agit de faire insidieusement bouger les lignes, de préparer le terrain à l’idée que le passage à la retraite par capitalisation n’est pas une aberration ; mieux, qu’elle sera un jour inéluctable. Nous savons que c’est votre méthode, car c’est exactement ce que vous venez de faire avec les mesures d’âge, en arrivant à faire croire que le report cumulé de l’âge de la retraite et de l’âge du taux plein était inévitable pour des raisons démographiques.
Autre exemple dont nous avons su tirer les leçons pour mieux reconnaître votre tactique : votre politique en matière de droit du travail. Tout y est fait, tout, pour marginaliser le salaire, pour n’en faire plus qu’un revenu parmi d’autres, voire un revenu secondaire dont la part reculerait devant les primes diverses et variées. Eh bien, vous entendez faire précisément la même chose avec les pensions de retraite. En prétendant informer les futurs retraités sur les autres « dispositifs leur permettant d’améliorer le montant de leur pension de retraite », vous entendez faire des pensions un revenu de la retraite parmi d’autres, donc un revenu à compléter.
Vous faites d’une pierre deux coups. Non seulement vous préparez ainsi à la baisse des pensions que votre réforme ne saura empêcher, mais vous pointez déjà du doigt la solution : la capitalisation, c’est-à-dire le « chacun pour soi », la fin de la solidarité entre les générations, et le début des retraites soumises aux aléas des fonds de pensions.
Nous refusons d’entrer dans cette logique dont l’article 3 nous apparaît comme le préalable.
Nous vous avons proposé un amendement tendant à corriger cet état, vous l’avez rejeté. Nous voterons donc contre cet article.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Si cet article 3 comporte des améliorations en matière d’information des assurés sur les divers régimes de retraite, il révèle aussi, en creux, les faiblesses de votre texte.
En effet, que pourra dire celui qui sera chargé de fournir de telles informations aux personnes qui auront cumulé, des années durant, de petits contrats sans arriver à décrocher un emploi durable, à celles qui travaillent moins d’un mi-temps depuis des années sans pouvoir valider leurs trimestres, à tous ceux et à toutes celles qui subissent le temps partiel, souvent séquencé en plusieurs missions étalées dans la journée, sans possibilité réelle de compléter leur fiche de paie, à tous ceux et à toutes celles qui, au-delà de 45 ou 50 ans, ne retrouvent plus d’emploi stable, et à bien d’autres encore que les aléas de la vie économique et sociale ont rejetés aux marges du système de l’emploi durable et de la protection sociale ?
Votre texte prévoit qu’ils devront être informés « sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite ». Mais de quels dispositifs s’agit-il ? L’entretien individuel ainsi prévu risque de se résumer à de minuscules mesures et, surtout, de plates excuses : « Je suis désolé, madame, monsieur, mais, pour vous, je n’ai rien de mieux… »
En effet, vous savez bien que, faute d’une véritable politique de l’emploi, qui irait à contre-courant de la précarisation que veulent imposer aujourd’hui les puissances économiques et financières, votre réforme ne fera qu’accroître la pauvreté de toutes ces catégories de personnes.
Votre réforme de 2003 a échoué, faute d’une politique forte en matière d’emplois. Celle d’aujourd’hui, parce qu’elle n’est pas adossée à un plan de lutte contre la précarité, crée un toboggan vers la pauvreté pour des millions de chômeurs et de salariés précaires ou à temps partiel, dont le nombre ne cesse de grossir. Vous le savez parfaitement !
Vous renforcez sciemment la pauvreté, alors que vous ne cessez de protéger les grandes fortunes. Ne faites pas mine dans quelques années de découvrir les problèmes, quand le nombre de retraités bénéficiant seulement du minimum vieillesse aura littéralement explosé !
Parce que nos améliorations n’ont pas été retenues et que vous n’allez pas assez loin sur le droit à l’information, nous ne voterons pas cet article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je ferai deux remarques.
La première est technique, mais conditionne l’effectivité du dispositif proposé d’entretien individuel.
La seconde est plus grave, car je crains qu’elle ne dévoile, s’il en était encore besoin, l’insincérité de ce projet à l’égard de notre système de retraite par répartition, pour le sauvetage duquel vous usez d’étranges moyens, que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de « mort sur ordonnance »…
Se pose en effet une question essentielle de faisabilité, que je ne suis pas le seul à soulever. Les commissions, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, se sont interrogées, en l’absence de précisions sur les moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation des entretiens prévus. La CNAV elle-même a fait part de son inquiétude. Comment les nouveaux frais de gestion seront-ils couverts ? Où trouvera-t-on les locaux nécessaires ? Quels personnels affectera-t-on à cette tâche ?
Ce point d’étape retraite concernerait environ 900 000 personnes par an. Toutefois, dans la mesure où les entretiens auront lieu sur l’initiative des assurés, leur nombre dépendra bien sûr du nombre de demandes. Est-il possible de l’évaluer ?
Lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez fait la réponse suivante, monsieur le ministre : « Nous avons [vérifié], avec les services de la CNAV, que ce qui leur est demandé sera possible. [Tout] le monde ne viendra pas. » Évidemment, dans ce cas… Malheureusement, il est fort à parier que le gros des troupes de ceux « qui ne viendront pas », comme vous dites, sera justement formé de ceux qui ont le plus besoin de cette information, ceux qui ont des carrières morcelées, dispersées entre intérim et CDD, ceux qui sont socialement précarisés et qui ne se connaissent pas de droits.
Même si l’on ne table, comme vous le faites, que sur 30 % de demandes d’assurés d’une même classe d’âge, celles-ci représentent tout de même 270 000 entretiens d’une heure et supposent de mobiliser 170 équivalents temps plein. Vous envisagez, si j’ai bien compris, le redéploiement de tout ou partie des moyens prévus pour les entretiens-conseil personnalisés, d’ores et déjà programmés par la convention d’objectifs et de gestion conclue entre la CNAV et l’État pour la période 2009-2013. Or les entretiens de ce type s’adressent aux assurés de plus de 55 ans et sont censés durer une heure trente.
Enlever ici pour mettre là, de surcroît au détriment d’un dispositif prévu dans l’intérêt des seniors, dont on sait la situation au regard de l’emploi, n’est pas de bonne politique, c’est le moins que l’on puisse dire.
Faute de réels moyens, vous risquez surtout de mettre un peu plus les caisses en difficulté.
Ma seconde question conduit à la même conclusion que la première : êtes-vous vraiment sincère lorsque vous affirmez vouloir « sauver » le système de retraite par répartition ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Yves Daudigny. Pourquoi charger des fonctionnaires d’informer également les assurés « sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite » ? Quels sont ces « dispositifs » ? On l’imagine aisément et on bondit ! Des fonctionnaires pourraient ainsi se charger de recommander aux assurés d’abonder un régime supplémentaire privé… La confusion des genres, vous connaissez, monsieur le ministre. Mais de là à faire du prosélytisme dans les services publics !
Et quelle serait la responsabilité de la caisse qui aurait divulgué de tels conseils en cas de crise boursière comme l’on vient d’en connaître ? L’assuré ne sera-t-il pas en droit de lui demander des comptes après que sa retraite aura disparu en même temps que les fonds de pension qu’il aura abondés pour améliorer prétendument sa situation ?
Ces fonds de pension ont perdu 23 % de leur valeur en 2008 et ont ruiné des milliers de personnes à la veille de leur retraite.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Yves Daudigny. En 1945, la répartition a été inventée et instaurée parce que les systèmes par capitalisation avaient fait la preuve de leur nocivité.
Ou vous avez la mémoire courte, monsieur le ministre, ou vous jouez dans l’intérêt d’autres que les retraités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Cet article 3, au fond, constitue un double aveu.
C’est d’abord l’aveu que votre réforme n’assurera pas le financement d’une retraite convenable, et donc que l’article 1er A du projet de loi est insincère lorsqu’il dispose que « le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités ».
L’article 3 contredit cette pétition de principe et démontre qu’il faudra recourir à d’autres systèmes pour assurer un niveau suffisant de pensions. Vous êtes donc en train de basculer d’un système de retraite par répartition à un système par capitalisation.
C’est ensuite l’aveu que votre réforme a été faite pour les privilégiés. (Murmures sur plusieurs travées de l’UMP.)
Comment la personne qui connaît les pires difficultés, dont les revenus sont faibles ou qui gagne le SMIC pourra-t-elle être convaincue par l’information de grande qualité qui lui sera délivrée si elle s’entend dire : « Vous allez vraiment gagner très peu à la retraite, mais qu’à cela ne tienne vous pouvez contracter avec une caisse d’assurance privée » ?
Oui, une telle disposition prouve que votre réforme a été conçue pour un petit nombre de personnes, mais certainement pas pour la grande majorité de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 3 bis
(Non modifié)
L’article L. 114-12-1 du même code est ainsi modifié :
1° Après le mot : « payés », sont insérés les mots : «, aux organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite complémentaire ou additionnel obligatoire » ;
2° Au 1°, après le mot : « général », sont insérés les mots : « et le Centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale ».
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. L’article 3 bis prévoit d’améliorer le droit à l’information des assurés. Il vise à inclure dans l’extension du répertoire national commun de la protection sociale les régimes de retraite complémentaires AGIRC, ARCCO et IRCANTEC. Environ 900 000 personnes devraient être concernées chaque année.
Cette mesure, qui découle d’une demande formulée par les organismes en question, va dans le bon sens. L’élargissement des renseignements aux cadres et aux agents territoriaux est indiscutablement une nécessité. Au-delà de cette prise de conscience, il faut bien voir que le problème de ces derniers est non pas l’emploi, mais l’évolution des projets de vie professionnelle.
Toutefois, le fait de communiquer des informations à des catégories socioprofessionnelles différentes sur les systèmes de retraite, de créer un point d’étape retraite à 45 ans et de permettre l’accès en ligne des relevés de carrière aura une incidence importante sur la charge de travail des salariés des caisses.
Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, au total, public et privé confondus, dans l’hypothèse où 30 % des assurés d’une même classe d’âge demanderaient à bénéficier du point d’étape retraite à 45 ans, environ 170 équivalents temps plein supplémentaires devraient être recrutés par les organismes gestionnaires.
Or, lors d’une récente audition le 18 mai dernier à l’Assemblée nationale, le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy, a reconnu que le climat était tendu dans les caisses en raison du manque d’effectif. En juin dernier, près de 25 % des agents de Pôle emploi se sont mis en grève une journée pour protester contre leurs conditions de travail, ce qui a entraîné, selon la direction, la fermeture de quatre-vingts agences.
Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous nous assurer que les services des différents régimes de retraite seront en mesure de répondre aux sollicitations des assurés ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG s’abstiendront sur cet article 3 bis, qui vise à étendre le périmètre du répertoire national commun de la protection sociale.
En effet, nous ne saurions nous opposer à ce que les acteurs des régimes de retraite bénéficient enfin d’un outil leur permettant de rechercher et de sanctionner la fraude des employeurs qui contreviennent à la législation du travail et de la sécurité sociale, notamment pour ce qui relève de l’infraction de travail dissimulé. Cette pratique, qui coûte cher à la sécurité sociale, constitue une remise en cause importante de notre pacte social dans la mesure où le financement de notre système repose en partie sur les cotisations sociales.
Je note au passage que, à l’heure actuelle, la lutte contre la fraude s’oriente principalement vers les salariés et les assurés.
Toutefois, si nous nous abstenons sur cet article, c’est que nous sommes sceptiques sur sa portée réelle.
En effet, vous n’avez de cesse de multiplier vous-mêmes les mesures permettant au patronat de contourner la législation et d’échapper à la solidarité, tant nationale qu’entre générations. C’est bien vous qui avez instauré les ruptures conventionnelles qui servent à déguiser des licenciements, qui avez autorisé le recours massif aux contrats à durée déterminée pour faire face à de prétendues périodes de hausse d’activité ou qui, récemment encore, avez créé le statut de l’auto-entrepreneur dont raffolent les employeurs.
Nous connaissons d’ailleurs tous au moins un exemple de salarié qui, après avoir été licencié par l’entreprise dans laquelle il a travaillé des années durant, a créé son activité et a contracté, quelques mois à peine après son licenciement, avec son ancien employeur. Bel exemple de détournement de procédure ! Dans un tel cas de figure, les pertes sont lourdes pour la sécurité sociale, puisque les auto-entrepreneurs peuvent être exonérés de cotisations sociales durant trois ans, cotisations qui, par définition, sont inférieures à celles qu’aurait rapportées un emploi salarié.
Quant à votre proposition d’échange de fichier avec le Centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, dire qu’elle nous laisse sur notre faim est un bien faible mot. Car la meilleure solution de lutter contre la fraude au niveau européen, c’est encore de favoriser une harmonisation par le haut des politiques fiscales, sociales et d’emploi. Mais il est vrai que cette proposition se heurte frontalement à la sacro-sainte loi du marché, contre laquelle vous ne voulez pas, avec vos alliés européens, vous mobiliser.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter
La première phrase de l’article L. 161-1-6 du même code est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « prestations de retraite », sont insérés les mots : «, au maintien des droits » ;
2° Après la référence : « L. 173-2 », sont insérées les références : «, L. 353-1, L. 815-1 et L. 815-24 » ;
3° (nouveau) Après les mots : « mise en œuvre », sont insérés les mots : « de l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, ». – (Adopté.)
Article 3 quater
(Non modifié)
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du même code est complétée par un article L. 161-1-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-1-7. – Il est créé un répertoire de gestion des carrières unique pour lequel les régimes de retraite de base légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions adressent de manière régulière à la caisse nationale mentionnée à l’article L. 222-1 l’ensemble des informations concernant la carrière de leurs assurés. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Après nous avoir fait part de votre volonté de créer une caisse de retraite pour les fonctionnaires, ce à quoi nous demeurons fermement opposés, vous souhaitez, afin de vous assurer finalement peut-être de la remise en cause des régimes spéciaux, créer un répertoire de gestion de carrière commun aux salariés du privé et aux agents de la fonction publique.
À force de vouloir tout « rationaliser », au sens libéral du mot, c’est-à-dire en raisonnant en termes de « fusions acquisitions » et autres verbiages issus des méthodes de management des entreprises privées, nous sommes très interrogatifs.
Sous couvert d’arguments comptables tous très discutables sur le fond, vous proposez en réalité de pousser encore l’alignement du public sur le privé en faisant fi des différences fondamentales et historiques existant entre ces deux régimes et qui se justifient encore aujourd’hui.
D’ailleurs, cela nous ramène à notre propre histoire, la loi du 19 octobre 1946, élaborée par Maurice Thorez, alors vice-président du conseil chargé de la fonction publique,… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Michelle Demessine. Et alors ?
M. Guy Fischer. On peut tout de même faire un peu d’Histoire !
Mme Annie David. Étant donné la manière dont vous l’écrivez, mesdames, messieurs de la majorité, c’est sûr, elle ne sera pas belle !
M. Guy Fischer. Certains vont me dire que je sers de nouveau la soupe (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), mais croyez bien que je ne l’ai pas digérée : je l’ai sur l’estomac ! (Sourires.)
Un certain nombre de règles qui entouraient les principes alors affirmés allaient toutes dans le sens du droit du travail. Il en allait ainsi de la protection dont les fonctionnaires doivent bénéficier dans l’exercice et à l’occasion de leur fonction, ainsi que des principes généraux de leur carrière.
Toutes les garanties accordées aux fonctionnaires avaient pour but de les protéger des aléas des changements de politiques et des réformes administratives et d’assurer leur indépendance après un recrutement fondé sur le principe d’égal accès aux emplois publics.
Alors qu’en ces temps de crise la population a plus que jamais besoin de services publics, la RGPP continue de faire des ravages et touche aussi les personnels des services de retraite des fonctionnaires d’État.
En effet, 1 200 suppressions d’emplois sont prévues sur 2 200 agents en poste dans les services de retraite ; 300 postes seraient supprimés au sein du service des retraites de l’État, issu de la fusion du service des pensions et des centres régionaux de paiement des pensions.
Ce sont autant d’éléments qui montrent bien la dégradation de la situation. Des restructurations sont en cours dans l’ensemble des services de l’État : 100 000 suppressions d’emplois de 2007 à 2009…
Mme Annie David. C’est cela, la politique actuelle !
M. Guy Fischer. … et, vous vous êtes permis de l’annoncer, – c’est cela, la réalité – il y aura encore plus de 100 000 suppressions d’emplois de 2010 à 2012. C’est dire la dégradation du service public, notamment des services de l’État. D’ailleurs, elle éclate déjà au visage de tout le monde puisque l’accès au service public est bien plus difficile.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 quater.
(L'article 3 quater est adopté.)
Article 3 quinquies
(Non modifié)
À compter du 1er janvier 2013, tout assuré pensionné d’un régime de retraite de base ou complémentaire versant des prestations par trimestre à échoir peut demander à percevoir sa pension selon une périodicité mensuelle. Cette option ne peut lui être refusée. Une fois exercée, l’option est irrévocable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article a pour objet de donner la faculté à celles et ceux qui le souhaitent de mensualiser les pensions qui leur sont aujourd’hui versées tous les trois mois par certains régimes.
L’intention est tout à fait louable et, mes chers collègues de la majorité, en ajoutant cette possibilité au texte du Gouvernement, vous tentez de prendre ici la mesure des situations de détresse dans lesquelles se trouvent souvent une multitude de personnes défavorisées du fait de la faiblesse de leurs pensions. Vous le constatez, nous savons le reconnaître lorsque vous tentez d’améliorer les choses.
L’intention affichée est, en effet, de prévenir le surendettement.
Cette disposition se rapprocherait ainsi du paiement des pensions de retraite du régime général, qui est quant à lui mensualisé depuis 1986. Toutefois, elle ne serait applicable qu’à compter du 1er janvier 2013, ce que l’on peut regretter, d’autant que, nous le savons parfaitement, la mensualisation est loin d’être une mesure permettant à elle seule de prévenir totalement le surendettement.
Il ne faudrait donc pas, par exemple, comme c’est pourtant actuellement le cas pour les pensions de retraite du régime général, que le paiement soit trop tardif, sinon tous les effets positifs de cette disposition seront rapidement effacés.
Ainsi, vous le savez, les pensions de retraite du régime général sont mises en paiement le huitième jour du mois suivant celui au titre duquel elles sont dues.
Ce versement qui intervient plusieurs jours après le début du mois provoque, j’y insiste, de grandes difficultés pour les titulaires de petites pensions, car les banques, qui n’ont pas vocation à faire de la philanthropie – sinon, cela se saurait – n’hésitent pas à leur faire payer le moindre découvert.
La dure réalité de la vie quotidienne, – nous le voyons tous dans nos permanences – c’est que les loyers ou les échéances d’emprunts sont exigibles en tout début de mois, alors que les assurés ne voient ces sommes arriver sur leur compte que le 10 ou le 11.
Ce décalage n’est pas acceptable et, sans vouloir faire de misérabilisme, je peux témoigner qu’il ne fait que précipiter dans la spirale infernale du surendettement un nombre croissant de retraités modestes.
Passer d’un versement trimestriel des pensions à un versement mensuel…
M. Gérard Longuet. C’est un immense progrès !
Mme Annie David. … constitue incontestablement une simplification.
Laissez-moi aller jusqu’au bout, monsieur Longuet, et vous me direz ce que vous souhaitez ensuite ! Vous pourrez prendre la parole.
Mais au-delà de cette simplification, le versement mensuel représente surtout une mesure de justice sociale.
Toutefois, il ne faut pas en surestimer la portée et se satisfaire du principe si les modalités de versement ne sont pas modifiées. C’est ce que j’essaie de vous faire entendre.
Nous pouvons tous être d’accord sur l’importance pour les pensionnés de leur verser leurs pensions plus tôt dans le mois.
Mais nous sommes également conscients des difficultés à mettre en œuvre un tel dispositif, connaissant les fortes contraintes de trésorerie liées à l’encaissement des cotisations.
C’est pourquoi il est nécessaire et urgent de prévoir qu’un rapport étudie les conditions de mise en œuvre d’un versement des pensions dès le 1er de chaque mois.
Nous souhaitons donc que la mensualisation de ce type de pensions n’attende pas 2013 pour être applicable et surtout, puisque tel sera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement, que le versement des pensions puisse être rapidement effectué dès le 1er de chaque mois.
C’est le sens des amendements que nous avons déposés sur les articles traitant de cette question. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
L'assuré est informé de cette possibilité dans des conditions définies par décret.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la disposition introduite par l’article 3 quinquies permet aux assurés, qui en feront la demande, de percevoir leur pension chaque mois et non plus chaque trimestre.
La rédaction de l’article prévoit une possibilité. L’assuré devra expressément faire connaître à sa caisse de retraite sa volonté d’opter pour le versement mensuel.
Cette disposition, nous devons l’admettre, va dans le bon sens. Mais pour choisir entre un versement mensuel et un versement trimestriel, encore faut-il être informé de l’existence d’une telle possibilité !
C’est pourquoi nous proposons d’insérer dans cet article un alinéa supplémentaire prévoyant l’information obligatoire des assurés au sujet de cette nouvelle disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission considère qu’il s’agit d’une précision utile et elle émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 3 quinquies, modifié.
(L'article 3 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 quinquies (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 3 sexies
(Non modifié)
L’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un redressement de cotisations ou de contributions sociales dues par un employeur est opéré par une union de recouvrement, ledit organisme, après paiement du redressement, prévient sans délai les caisses mentionnées à l’article L. 215-1 afin que les droits des salariés concernés soient rectifiés. Double de cette information est envoyé à l’employeur. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1222, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 242-1-3. - Lorsqu'un redressement de cotisations ou de contributions sociales dues par un employeur est opéré par une union de recouvrement ou une caisse générale de sécurité sociale, ledit organisme, après paiement du redressement et transmission par l'employeur des déclarations de rémunérations individuelles auxquelles il est tenu, informe sans délai les caisses mentionnées à l'article L. 215-1 de ce paiement afin que les droits des salariés concernés soient rectifiés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le présent amendement vise à rectifier l'emplacement de la disposition pour l'insérer dans le chapitre relatif à l'assiette des cotisations du régime général.
Par ailleurs, il tend à préciser que la transmission des redressements et des paiements effectués à ce titre par les URSSAF et les caisses générales de sécurité sociale, les CGSS, aux Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, doit être complétée par l'accomplissement d'une déclaration rectificative, indispensable pour individualiser les sommes à reporter au compte des salariés concernés.
M. le président. L'amendement n° 854, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le second alinéa (1°) de l'article L. 5134-31 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La question des exonérations de cotisations sociales, qui nous préoccupe avec cet amendement, est un sujet que nous devons aborder tant s’accélère le transfert de financement des comptes sociaux des entreprises vers les foyers.
Je rappelle que ce transfert à un coût : le montant des exonérations de cotisations sociales s’élève désormais à plus 32 milliards d’euros…
M. Gérard Longuet. C’est exact !
M. Guy Fischer. … – il n’a jamais été aussi élevé – (M. Gérard Longuet opine.) –, et même 42 milliards d’euros en 2009 si l’on prend en compte les exemptions d’assiette. Depuis 1991, ce sont près de 40 milliards d’euros qui n’auraient pas été compensés par l’État, soit une perte sèche pour la sécurité sociale équivalant à un an de déficit.
Ce sont autant de points qui ont montré qu’en termes d’exonérations fiscales, notamment avec un rapport de la Cour des comptes, qu’une marge existe sur la réalité même du montant des exonérations fiscales. La commission des affaires sociales, qui recevait des représentants de la Cour des comptes ce matin, a pu poser cette question.
À titre d’exemple, si on examine les données publiées chaque année dans l’annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que remarque-t-on ?
Le total des mesures non compensées était en très forte hausse en 2006, près de 30 %, et en progression de 4 % en 2007 du fait de la montée en charge des contrats d’avenir et des contrats d’accompagnement dans l’emploi, visés dans notre amendement.
En 2008, on note un recul de 7 % pour redescendre sous la barre des 3 milliards d’euros, mais le phénomène s’est nettement ralenti en 2009 pour repartir à la hausse en 2010.
Au titre du seul contrat d’accompagnement dans l’emploi, inclus depuis 2010 dans le contrat unique d’insertion, le montant des exonérations non compensées s’élève à 498 millions d’euros, soit une progression de 30 %.
Ces mécanismes, nous le savons bien, ont des conséquences néfastes pour les comptes sociaux, qu’elles appauvrissent, et pour les salariés, en incitant les employeurs à substituer aux augmentations de salaires – mécanisme collectif – l’intéressement, l’épargne salariale ou l’épargne retraite, des mécanismes individualisés et non soumis à cotisations sociales. C’est en fait la mise en place insidieuse de la capitalisation.
À tel point que selon les estimations de la Commission des comptes de la sécurité sociale, les 17,4 milliards d’euros versés au titre de l’intéressement auraient pu rapporter à la protection sociale, s’ils avaient été acquittés sous forme de salaires, 7 milliards d’euros.
M. le président. L'amendement n° 858, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises qui ne respectent pas la prescription visée à l'article L. 3132-3 du code du travail voient la part patronale de leurs cotisations sociales majorée de 10 %. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous souhaitons compléter l’article 3 de ce projet de loi par un alinéa qui introduirait une majoration de la part patronale des cotisations de 10 % dès lors qu’un manquement à la prescription visée à l’article L. 3132-3 du code du travail est constaté, à savoir lorsque des repos hebdomadaires dominicaux ne sont pas attribués aux salariés.
Cet ajout présente deux avantages : premièrement, il crée une recette supplémentaire et offre ainsi la possibilité d’équilibrer les comptes de la branche vieillesse de la sécurité sociale en permettant un accroissement des cotisations ; deuxièmement, il incite les entreprises à respecter le jour de repos hebdomadaire le dimanche par des « sanctions » financières, ce qui aura pour effet d’améliorer les conditions de travail des salariés.
Ainsi, l’objectif d’équilibre comptable si cher au Gouvernement est respecté, tout en garantissant une amélioration des conditions de travail pour les salariés.
De plus, cette proposition est juste, car, pour une fois, elle ne pèse pas sur les salariés ; au contraire, elle les favorise et fait porter une partie du financement des retraites sur les entreprises, qui plus est uniquement sur celles qui, délibérément, ne respectent pas la règle du repos hebdomadaire.
Au cœur de la problématique des retraites, figure celle du travail, notamment celle de la pénibilité.
La question de la pénibilité est particulièrement importante. En plus d’avoir des conséquences sur la vie professionnelle, voire personnelle, un travail pénible présente l’inconvénient supplémentaire de poursuivre le salarié même après la fin de son activité professionnelle. En effet, une maladie liée à la pénibilité du travail peut se déclarer des années après la fin de la vie professionnelle durant la vie de retraité.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, afin que les salariés puissent bénéficier d’un repos hebdomadaire bien mérité, aient de meilleures conditions de travail et, par là même, de meilleures conditions de vie au moment de leur retraite. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 885, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de condamnation pour une des infractions à l'interdiction du travail dissimulé ou pour travail illégal prévues à l'article L. 8221-3 du code du travail, les cotisations patronales prévues par le code de la sécurité sociale sont majorées de 10 % pour une durée de trois ans. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le présent amendement prévoit de prendre des mesures dissuasives pour lutter contre le travail dissimulé et illégal, qui est, lui aussi, source d’appauvrissement de nos organismes de protection sociale.
Je rappelle que le coût total du travail illégal a été évalué par le Gouvernement en 2009 à 4 % du PIB, soit 60 milliards d’euros, l’équivalent du budget de l’éducation nationale.
Le montant des pertes liées au travail illégal est, chaque année, estimé à 8 milliards d’euros pour la sécurité sociale et à 12 milliards d’euros pour l’État et les organismes sociaux.
C’est pourquoi nous proposons de reprendre, en les adaptant, des dispositions qui avaient été adoptées dans le cadre de la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer ; je fais ici référence à l’article 2 de cette loi.
Pour éradiquer le fléau social dont sont victimes tant les salariés, qui voient leurs conditions de travail dégradées, que les organismes sociaux au travers d’une perte de recettes et les entreprises qui jouent le jeu, au risque parfois de compromettre leur activité, nous prévoyons, en cas de condamnation pour l’une des infractions visées à l’article L. 8221-3 du code du travail, de majorer de 10 % pour une durée de trois ans les cotisations patronales prévues par le code de la sécurité sociale.
Il s’agit d’une mesure simple, dissuasive et rapide à mettre en œuvre. Elle présente l’avantage de renforcer les dispositifs existants, qui semblent encore insuffisants. En la matière, les mesures incitatives d’exonérations de charges sociales n’ont pas fait leur preuve. À titre d’exemple, nous pouvons évoquer le secteur agricole où le travail clandestin continue d’être l’infraction la plus répandue : en 2008, il y représentait 88 % des infractions constatées, contre 75 % en 2007.
Pourtant, depuis 1985, il existe, dans ce secteur, des mesures d’exonérations de cotisations sociales, qui ont même été récemment modifiées dans la loi de finances rectificative pour 2009, laquelle a défini un nouveau régime d’exonérations pour les charges sociales dues au titre de l’emploi des travailleurs occasionnels ou des demandeurs d’emploi dans le secteur agricole, afin notamment de lutter contre le recours au travail clandestin.
Au même mal toujours le même remède ! Nous pensons, pour notre part, qu’il faut passer à une étape dissuasive si nous voulons lutter efficacement et rapidement contre le travail illégal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 854, 858 et 885 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements, car ils ne relèvent pas du texte que nous examinons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Par ailleurs, il est favorable à l’amendement n° 1222.
M. le président. En conséquence, l'article 3 sexies est ainsi rédigé et les amendements nos 854, 858 et 885 n'ont plus d'objet.
Article 3 septies
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er janvier 2011, un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’un versement des pensions dès le premier de chaque mois. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 3 septies (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 3 octies (nouveau)
Avant le 1er octobre 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport faisant le point sur la situation des assurés ayant relevé de plusieurs régimes d’assurance vieillesse, en indiquant les différences de situation entre les femmes et les hommes.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article. (Enfin ! et sourires sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Vous me faites trop d’honneur, mes chers collègues ! (Sourires.)
Cet article concerne les polypensionnés, et je profite de cette occasion pour rappeler que, vu la complexité du système actuel, qui comprend plus de trente-cinq régimes, les écologistes se sont prononcés en faveur d’une unification des régimes de retraite.
Si nous voulons engager une véritable réforme des retraites, il nous faut tendre vers un régime unique, plus lisible pour tous, et qui correspondrait davantage aux attentes des travailleuses et des travailleurs polypensionnés ou ayant connu des carrières en dents de scie.
En ce qui concerne les polypensionnés, je vais vous livrer plusieurs chiffres.
C’est ainsi que 86 % des retraités hommes ont validé une carrière complète, alors que seulement 52 % des polypensionnés y parviennent.
Comme toujours, la situation des femmes est pire : 41 % d’entre elles avaient validé une carrière complète en 2004, et cette proportion tombait à 27 % pour les polypensionnées.
Bien sûr, qui dit carrière incomplète dit pension amputée. Alors oui, il y a urgence !
Face à ces chiffres et à la volonté d’aller vers une unification des systèmes, nous pouvions nous attendre à des propositions audacieuses de la part du Gouvernement…
M. Jean Desessard. … ou, le cas échéant, à une prise en main de la commission et de notre rapporteur.
Or l’article 3 octies dispose : « Avant le 1er octobre 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport […] ».
C’est la seule réponse qui est aujourd'hui apportée, dans ce projet de loi, aux polypensionnés, alors que se pose pourtant un grave problème. Voilà comment vous pensez résoudre les problèmes d’injustice ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 879, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
À l'occasion de ce rapport, le Gouvernement étudie notamment les conséquences d'une mesure tendant à supprimer pour les fonctionnaires la limite des quinze ans de service et la proratisation de la règle des vingt-cinq meilleures années aux périodes d'activités réellement exercées en dehors du secteur public.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La coexistence de plusieurs régimes de retraite et l’instabilité croissante des parcours professionnels, en particulier avec des changements de statut plus fréquents entre celui de salarié du secteur privé, de fonctionnaire ou d’indépendant, conduit à ce que de plus en plus de personnes perçoivent à la retraite plusieurs pensions de base.
La proportion de ces polypensionnés parmi les retraités tend, chaque année, à augmenter, au point que ceux-ci représentent 40 % des retraités en 2010, soit 6 millions de personnes.
L’article 3 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites pose le principe de l’égalité de traitement selon lequel « Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent ».
Or force est de constater que les polypensionnés sont fortement défavorisés par les règles actuelles de calcul de leur retraite, alors que l’égalité de traitement est commandée par la nécessité de ne pas créer un frein à la mobilité professionnelle et de ne pas pénaliser les périodes d’inactivité, qui sont les caractéristiques premières des parcours professionnels actuels.
Le bât blesse en ce que le montant de la pension de retraite des polypensionnés est déterminé en fonction des 25 meilleures années dans chaque caisse de retraite plutôt que des 25 meilleures années de salaire de toute leur carrière. Par exemple, les 10 meilleures années du régime agricole plus les 15 meilleures années du régime général peuvent être très inférieures aux 25 meilleures années de toute une carrière. C’est notamment le cas lorsque la vie active des intéressés a été parsemée de périodes de chômage. À cela s’ajoute, pour les polypensionnés qui ont passé des années dans le secteur public et d’autres dans le secteur privé, le fait que le « salaire annuel moyen » de la CNAV, calculé sur les 25 meilleures années, peut être réduit de beaucoup par l’exclusion des salaires perçus en tant que fonctionnaire.
Nous devons construire de nouvelles solidarités face à des parcours professionnels de plus en plus hachés, et il conviendrait, pour ce faire, que ce rapport étudie notamment la possibilité de ne calculer les 25 meilleures années qu’au prorata des périodes réellement effectuées en dehors de la fonction publique. Cela permettrait, par exemple, pour un salarié qui n’a travaillé que 8 années sur ces 25 meilleures années, que ne soient prises en compte pour le calcul de sa retraite que ses 8 années effectives de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sans vouloir relancer le débat sur les polypensionnés, cet article prévoit que le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport sur la question. Étendre le champ de ce rapport ne me semble pas nécessaire.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Desessard, vous avez eu raison de lire le début de l’article 3 octies, car il s’agit d’un excellent article, qui laisse la porte ouverte à une réflexion sur les polypensionnés.
La question des polypensionnés est complexe et exige que l’on y consacre du temps.
D’ailleurs, lorsque nous avons examiné cette question avec les caisses de retraite – il faut associer les acteurs qui gèrent chacune des caisses de retraite –, nous nous sommes aperçus que si nous options pour les vingt-cinq meilleures années et harmonisions les autres règles entre les caisses dites alignées – le régime général, la MSA et le RSI, le régime social des indépendants –, nous ferions plus de perdants que de gagnants, notamment chez ceux qui touchent de petites pensions.
À la vérité, nombreux sont ceux qui ont intérêt à être polypensionnés lorsqu’ils cumulent deux emplois, l’un en tant que salarié et l’autre, par exemple, en tant que commerçant. Ainsi, dans le calcul de ses pensions, ce salarié peut avoir plus de quatre trimestres par an et bénéficier d’un coefficient de proratisation allant au-delà de 1. En restant au régime général ou s’il est uniquement au RSI, ce coefficient sera plafonné à 1 au maximum, alors qu’il pourra être de 1,1 ou 1,2 avec le cumul des droits dans les différents régimes. Tous ces calculs demandent une analyse extrêmement fine. C’est pourquoi nous n’avons pas voulu trancher dès maintenant.
Nous sommes évidemment d’accord pour simplifier le système pour les bénéficiaires. Mais si c’est pour diminuer le montant de la pension des retraités, nous aurons quelque peine à l’assumer ! Et j’imagine que ce n’est pas non plus ce que vous souhaitez ! C’est pour cette raison que nous proposons de faire un rapport faisant le point sur la situation de ces salariés, qui sera rendu public et sera transmis au Parlement. Nous aurons bien l’occasion d’aborder cette question dans des conditions satisfaisantes lors de l’examen d’un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Reste que la seule façon de traiter définitivement la question des polypensionnés serait une réforme systémique, afin qu’il n’y ait plus de polypensionnés. Mais j’imagine que nous en reparlerons ultérieurement.
Avec ce texte, nous avons d’ores et déjà apporté une réponse aux TSD, les titulaires sans droit à pension dans les régimes de retraite de la fonction publique. (Brouhaha sur les travées de l’UMP.)
Avant cette réforme, si vous passiez moins de quinze ans dans la fonction publique, vos droits étaient transférés au régime de retraite relevant du secteur du privé, et vous deviez même payer des cotisations supplémentaires, puisque, comme vous le savez, celles-ci sont plus importantes dans le public que dans le privé. Certes, nous essayons de corriger cet écart, mais cela prendra du temps.
Or, maintenant, dès lors que vous aurez passé deux ans dans la fonction publique, ce qui correspond grosso modo à un an en tant que stagiaire et un an en tant que titulaire, vous pourrez bénéficier du régime public. Certes, cela augmentera le nombre de polypensionnés, mais j’estime que c’est une bonne chose, car un fonctionnaire ayant passé quasiment quinze ans dans la fonction publique trouve bizarre d’être rebasculé vers le régime de la CNAV.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous élaborerons ce rapport, monsieur Desessard.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, j’ai essayé de vous écouter attentivement, mais c’est difficile du fait du brouhaha. Je pense que je n’ai pas correctement entendu vos propos puisque je vous ai entendu dire que les cotisations étaient plus importantes dans le secteur public que dans le secteur privé.
M. Gérard Dériot. C’est l’inverse !
Mme Annie David. Je pense qu’il y a ici une erreur, puisque vous allez justement augmenter les cotisations du secteur public, qui seraient inférieures.
S’agissant de l’amendement n° 879, je regrette que vous ne nous suiviez pas. En effet, pour les polypensionnés, l’exclusion d’un calcul global du salaire moyen pour choisir un calcul au prorata en fonction du temps passé par l’assuré dans chacun des régimes est souvent justifiée par la conservation d’un lien étroit entre la pension versée à un assuré par un régime de retraite et les cotisations dont il s’est acquitté sous ce régime. Mais s’arrêter à cet argument revient souvent à rester « au milieu du gué ». (Brouhaha sur les travées de l’UMP.) Monsieur le président, il est très difficile de suivre sereinement ce débat, qui est pourtant particulièrement important. Il s’agit en effet de la question des polypensionnés, mes chers collègues. (Le brouhaha persiste sur les travées de l’UMP où plusieurs sénateurs se lèvent et quittent l’hémicycle.)
M. le président. Ce n’est pas possible !
Un sénateur du groupe socialiste. Ils font leur manifestation ! (Sourires.)
M. le président. Mon cher collègue Trillard, si vous pouviez soit vous asseoir, soit sortir…
Mme Annie David. Soit écouter le débat, car il s’agit de la question des polypensionnés !
M. le président. … de façon que nous puissions continuer, car nous atteignons un niveau phonique qui finira par fatiguer tout le monde.
Mme David a, seule, la parole.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Annie David. Il faut reconnaître, comme l’a souligné le cinquième rapport du COR, le Conseil d’orientation des retraites, publié en novembre 2007, que « la législation dans le domaine des retraites soulève encore plusieurs questions relatives à l’égalité de traitement en fonction des parcours professionnels qui concernent notamment les polypensionnés et ceux qui ont une carrière accidentée. »
Le recours au prorata est, pour ce même Conseil d’orientation des retraites, une correction partielle à la « pénalisation » des polypensionnés car « le mécanisme […] conduit à ne retenir au total que vingt-cinq salaires annuels […] mais très rarement les vingt-cinq meilleurs salaires de toute la carrière. »
Par cet amendement, nous proposons de ne calculer la retraite de ceux qui ont vu leur vie active partagée entre le secteur public et le secteur privé qu’au prorata des périodes réellement passées en dehors de la fonction publique. Une telle mesure permettrait de corriger totalement la pénalisation dont les anciens agents publics devenus salariés du secteur privé font l’objet.
Je demande un scrutin public, cet amendement étant des plus importants pour les polypensionnés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Tout à l’heure, dans le feu de l’action, j’ai peut-être inversé les termes « privé » et « public ». Aussi, je souhaite préciser que les cotisations sont aujourd’hui plus importantes dans le secteur privé que dans le secteur public. Il y a donc un rattrapage de dix ans à faire.
Une personne qui est aujourd’hui titulaire sans droit dans le secteur public et qui passe quatorze ans dans ce secteur avant de changer de métier pour repartir dans le secteur privé va se voir redemander des cotisations. Cette personne sera effectivement basculée dans le régime général, et sera surprise qu’on lui demande des cotisations pour la simple raison que dans le public, elle a moins cotisé.
S’agissant de l’amendement n° 879, il est satisfait en ce concerne les quinze ans. Il est toutefois très compliqué d’effectuer un calcul au prorata entre des régimes qui ont des règles très différentes. Entre les « six mois » et les « vingt-cinq ans », c’est en effet très compliqué.
Mme Annie David. C’est vrai.
M. Éric Woerth, ministre. Il est possible, aujourd’hui, d’établir un prorata sur des régimes qui sont alignés.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. S’agissant de cet amendement, M. le ministre nous a dit qu’il avait voulu ouvrir des portes. Il a affirmé qu’il s’agissait d’un problème très grave, et a dit en substance : Monsieur Desessard, nous pensons, nous aussi, que c’est un problème très grave, mais nous avons un petit problème d’ajustement.
Lorsque l’on a un petit problème d’ajustement et que l’on veut en informer les parlementaires, il faut préciser en premier lieu quels sont les problèmes qui se posent. Je sais qu’il n’est plus dans les habitudes de la maison d’informer les parlementaires. Il se trouve que vous préférez l’opposition frontale – que nous soyons là à parler et à parler encore – (Exclamations sur les travées de l’UMP.), plutôt que de nous donner des documents qui nous permettraient d’avoir le même niveau d’information que vous ! (Même mouvement.)
Oui ! nous aurions souhaité avoir connaissance des problèmes de calcul qu’a évoqués M. le ministre. Nous aurions aimé recevoir de votre ministère, de vous, monsieur le ministre, trois ou quatre pages posant la problématique. Cela nous aurait « mis à niveau ». Nous n’avons pas les éléments de comparaison. Voilà quel était le premier point que je voulais évoquer.
M. Alain Gournac. Vous parlez, vous parlez !
M. Jean Desessard. C’est vous qui parlez : vous demandez un rapport !
Par ailleurs, il n’y a pas de proposition. Vous faites confiance au ministre (Oui ! sur plusieurs travées de l’UMP.) parce que, sur de nombreux points, il vous dit : on ne peut pas faire autrement. Là encore, il affirme qu’il n’est pas possible de faire autrement que de laisser les portes ouvertes. Je le répète : il n’y a aucune proposition. Le ministre nous dit qu’il faut s’occuper de cette question. Bien, merci, nous le savions !
La seule chose qui se trouve dans le projet de loi, c’est que les portes sont laissées ouvertes et que nous pourrons rediscuter de la question plus tard.
En tant que commissaires de la commission des affaires sociales, nous n’avons pas reçu de document soulevant cette problématique : c’est dommage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 879.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'article 3 octies.
M. Jean Desessard. Je serai bref.
Je regrette que, malgré toutes les explications que le ministre a bien voulu fournir, et je l’en remercie, il n’y ait pas eu plus d’avancées dans cet article sur les polypensionnés.
Comme le texte laisse des portes ouvertes, nous ne pouvons pas nous y opposer. Toutefois, le Gouvernement a la possibilité d’avancer très rapidement, avant même 2011. Octobre 2011, c’est dans un an. Par conséquent, nous pourrions imaginer que cette question des « réglages » nécessaires à tous pourrait être résolue dans les trois mois qui viennent.
Je ne peux que m’abstenir sur cet article, considérant, d’une part, qu’il est nécessaire que quelque chose soit fait et, d’autre part, que le Gouvernement pourrait agir beaucoup plus rapidement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Mon propos ne sera pas forcément une explication de vote. J’attends toujours une réponse à la question que j’ai posée à M. le rapporteur et à M. le ministre. En effet, plutôt que des polypensionnés, nous risquons d’avoir des « hémipensionnés ». (M. Jean Desessard s’esclaffe.)
Pour les personnes qui ont fait l’objet d’un PSE, un plan de sauvegarde de l’emploi, et qui ont été prises en charge par un organisme extérieur à l’entreprise, et ce dans le contexte juridique que nous connaissions à l’époque – si l’on considère notamment l’engagement du Président de la République de ne pas changer l’âge de départ à la retraite, réforme pour laquelle il n’avait « pas de mandat » –, les choses étaient claires : elles prenaient leur retraite à 60 ans. Les fonds ont par conséquent été versés aux organismes pour assurer le départ à la retraite à 60 ans des personnes licenciées pour des raisons économiques et n’ayant pas le droit de travailler.
Après quarante ans de cotisation, ou de travail dans leur entreprise, ces personnes vont être contraintes d’aller à Pôle emploi et se retrouveront dans une situation de chômeurs.
Comment ce problème de transition sera-t-il réglé ? Des mesures transitoires sont nécessaires pour ces personnes qui ont fait l’objet d’un PSE. Et il ne s’agit pas de quelques exceptions.
Mme Christiane Demontès. C’est une vraie question !
M. Daniel Raoul. Ainsi, dans ma ville, où nous avons rencontré des problèmes dans les domaines de l’informatique et de l’électronique, une telle situation correspond à celle d’un certain nombre de personnes. Je souhaite par conséquent une réponse !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Cette question est tout à fait légitime.
Dans la grande majorité des cas – nous avons prêté une grande attention à ces accords –, c’est l’âge légal de départ à la retraite qui est indiqué. Ce n’est pas « à 60 ans », mais « à l’âge légal » ou « à l’âge d’obtention des droits à pension à taux plein ». Ces conventions peuvent prévoir 60 ans, mais parfois un âge plus avancé.
Effectivement, quelques conventions ciblent 60 ans exactement ; là, c’est à l’entreprise de répondre et d’augmenter l’âge. Mais, en général, l’écrasante majorité des conventions fait référence à l’âge légal du taux plein. En décalant celui-ci, vous décalez aussi le droit.
M. Daniel Raoul. Et quand l’entreprise n’existe plus ?...
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 octies.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 147 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 3 octies (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Chapitre II
Durée d’assurance ou de services et bonifications
Article 4
(Non modifié)
L’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi modifié :
1° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par décret, pris après avis technique du Conseil d’orientation des retraites portant sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, et publié avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle ces assurés atteignent l’âge mentionné au dernier alinéa du même I, minoré de quatre années.
« Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. » ;
2° À la fin du premier alinéa du V, les mots : « prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code » sont remplacés par les mots : « mentionné au troisième alinéa du I du présent article » ;
3° Le VI est ainsi modifié :
a) Après le mot : « âge », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « mentionné au troisième alinéa du I » et la seconde phrase est supprimée ;
b) Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge mentionné au troisième alinéa du I est celle exigée des fonctionnaires atteignant l’âge mentionné au même troisième alinéa l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir.
« Le présent VI s’applique également aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État. » ;
4° Le IX est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Le présent article porte une attaque sans précédent au droit à la retraite.
M. Robert del Picchia. Allons bon !
M. Guy Fischer. Il fait en effet partie des deux ou trois articles emblématiques dont les dispositions conjuguées auront des conséquences très préjudiciables pour les futurs retraités.
Alors que les résultats de la réforme de 2003 ne sont pas particulièrement performants, cet article vise à confirmer le principe d’allongement de la durée de cotisation à proportion de l’allongement de l’espérance de vie.
Un raisonnement aussi binaire est forcément contestable, notamment parce que, au-delà de l’espérance de vie, se pose la question de la qualité de vie. Vivre plus longtemps est une chose ; une autre est de vivre en bonne santé !
Dans ce cadre, toutes vos statistiques ne sont pas forcément pertinentes. Pourtant, cet élément de « qualité de vie » est déterminant et doit être pris en compte. À ce titre, la politique menée en termes de déremboursements des médicaments et de franchises médicales, ainsi que la casse de l’hôpital public risquent de priver d’accès à la santé nombre de salariés qui n’auront pas les moyens de se payer non seulement les consultations, mais également les médicaments. Nous pouvons donc légitimement craindre que la santé des seniors, notamment les plus démunis, ne se dégrade par manque de soins.
Nicolas Sarkozy, Président de la République, s’est fait élire avec le slogan : « Travailler plus, pour gagner plus ! ». Par cette réforme, c’est bien l’inverse qui va se passer. Les salariés travailleront plus longtemps et gagneront moins. Beau progrès de civilisation, alors que notre pays compte parmi les plus riches, puisqu’il est la cinquième puissance mondiale !
De plus, allonger le temps de cotisation constitue un recul particulièrement important pour les femmes, qui ont d’ores et déjà des difficultés à obtenir des carrières complètes du fait de leur engagement familial et de la précarité salariale qui les touchent plus que les hommes.
À ce titre, nous trouvons particulièrement scandaleux que les périodes de congé maternité, si elles sont prises en compte dans les annuités, ne le soient pas au titre des cotisations, ce qui affaiblit irrémédiablement le niveau du revenu de référence. C’est donc la triple peine pour les femmes !
Pour les personnes nées en 1953 et en 1954, c’est également un traitement injuste qui les attend, puisque leur régime sera dérogatoire, fixé par un décret devant intervenir avant le 31 décembre de cette année et permettant de définir la durée d’assurance et de services nécessaire à l’obtention du taux plein.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que votre réforme est injuste et constitue une contre-performance.
À l’inverse, au lieu de pénaliser les salariés, nous considérons que les financements doivent être pris ailleurs que dans la poche des salariés. Nous souhaitons notamment, pour financer les retraites, que les capitaux financiers contribuent à l’effort financier.
Certes, la crise a affaibli l’économie du pays, mais, au lieu d’en tirer les conséquences, vous accentuez le décalage entre revenus salariaux et revenus du capital, quitte à reproduire sans cesse les mêmes erreurs. Nous étions opposés à la réforme de 2003 ; nous restons opposés à celle-ci.
Denis Kessler, ancien numéro deux du MEDEF, avait, voilà quelques années, donné le sens profond de cette politique gouvernementale.
« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. [...] Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la sécurité sociale, paritarisme... ». J’ajouterai la privatisation des entreprises publiques fondées en 1946.
« À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. »
Non, messieurs, les acquis du Conseil national de la Résistance ne sont pas à liquider, ni même à vendre ! Les valeurs qui ont guidé les résistants, à qui nous restons attachés et dont nous portons le message, à savoir cet espoir d’un monde juste, d’un monde de paix et d’un progrès social partagé, ne sont pas d’un autre temps, ne sont pas une figure de l’histoire à ranger dans les armoires.
Parce qu’ils voulaient défendre la vie, certains sont morts. Soixante ans plus tard, vous organisez la mort sociale de la France. Nous ne pouvons l’admettre. Voilà pourquoi nous sommes résolument contre l’article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz et M. Rachel Mazuir applaudissent également.)
M. Alain Gournac. Qui a écrit ça ? Ce n’est pas possible !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’allongement de la durée de cotisation comporte de graves conséquences sur la situation de l’ensemble des travailleurs. Couplé avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite, avec la montée du chômage et la baisse importante des revenus et des salaires dans certaines branches d’activité, la prolongation de la durée d’assurance va peser plus lourdement sur certains salariés et travailleurs indépendants.
Mes chers collègues, je voudrais aborder la question des activités agricoles. L’agriculture connaît sa plus grave crise depuis trente ans ; toutes ses filières sont touchées par une baisse de revenus.
Lors de son discours au sommet de l’élevage, voilà un an, le ministre de l’agriculture déclarait avec enjouement : « Je suis très sensible à la dette que la nation a envers les générations d’agriculteurs. Ce sont eux qui ont façonné le paysage. Ce sont eux qui ont construit une agriculture française forte. Ce sont eux qui ont permis de préserver le modèle agricole pour lequel je me bats aujourd’hui. Le Premier ministre a accepté deux mesures que nombre d’entre vous m’avaient réclamées : le relèvement du plafond de ressources de 750 euros à 800 euros, soit un gain de 17 millions d’euros pour 60 000 retraités ; l’amélioration de la revalorisation pour les conjoints participants qui ont racheté des périodes de conjoints collaborateurs, soit un gain de 1 million d’euros pour les conjoints. »
De notre point de vue, ces annonces faites par le ministre de l’agriculture aux retraités agricoles sont une provocation.
Tout d’abord, les agriculteurs ne sont pas responsables du manque à gagner de la Mutualité sociale agricole, ou MSA. La politique agricole commune, sous l’égide de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce, a réduit dramatiquement le nombre d’agriculteurs, le ramenant de plus de 2 millions à moins de 500 000 aujourd’hui, et à 200 000 d’ici à dix ans.
De plus, la libéralisation des prix imposée par l’Union européenne a abouti au résultat que les agriculteurs n’ont plus de revenu, le négoce, la transformation et la grande distribution imposant des prix toujours à la baisse. Comment leur demander de payer leurs cotisations sociales sans revenu ?
Les exonérations proposées dans le plan d’urgence de Nicolas Sarkozy ne sont pas une solution viable sur le long terme. La question centrale, qui n’est absolument pas réglée par la loi de modernisation de l’agriculture, est celle du revenu agricole.
Tant que le Gouvernement refusera de prendre des mesures fortes pour assurer un revenu décent aux agriculteurs et des prix rémunérateurs, il n’y aura pas d’issue pour les travailleurs du secteur.
Aujourd’hui, un grand nombre de retraités paysans doivent survivre avec 400 euros par mois ; vous le savez bien, mes chers collègues !
La droite de Nicolas Sarkozy condamne toute cette catégorie socioprofessionnelle à s’accommoder de vivre sous le seuil de pauvreté, qui est fixé en France à 817 euros par mois. Scandaleux paradoxe pour celles et ceux dont la mission était de nourrir leurs semblables que d’aller, à l’heure de la retraite, chercher un repas, parfois un toit, des vêtements auprès d’associations !
Depuis plusieurs années, les agriculteurs retraités revendiquent sans concession l’amélioration de leur situation. Le diagnostic, partagé, est on ne peut plus clair. Un exploitant agricole ayant eu une carrière complète touche en moyenne une retraite de base de 633 euros, son conjoint percevant 506 euros, contre 980 euros pour un nouveau retraité du régime général en 2009.
À cela s’ajoute depuis 2003, pour 1,8 million d’agriculteurs retraités, une retraite complémentaire obligatoire d’une moyenne mensuelle de 90 euros, dont sont toujours privés les conjoints et aides familiaux.
Ensuite, on ne peut pas aborder la question des retraites sans aborder celle du travail. Monsieur Woerth, lors des questions au Gouvernement de la séance du jeudi 30 septembre dernier, vous déclariez que la retraite était une question d’âge. De notre point de vue, c’est une vision très réductrice !
Défendre un niveau acceptable de retraite ne relève pas de la gestion comptable. Il est nécessaire de s’attacher au niveau de revenu, au temps journalier que les travailleurs consacrent à leur activité et à la pénibilité qu’ils endurent.
Sur cette question, et nous y reviendrons tout au long des débats, les métiers agricoles sont difficiles physiquement et, au regard du contexte économique délétère, les tensions psychologiques deviennent de plus en plus lourdes.
Je tenais à préciser tous ces éléments sur le monde agricole à l’occasion de l’examen de l’article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit, avec cet article 4, de procéder à l’allongement de la durée de cotisation donnant droit à une pension versée à taux plein.
On commence donc par augmenter d’un an et demi la durée de cotisation, avec tout ce que cela implique.
Mes chers collègues, demandez-vous quelles sont les conséquences financières d’une telle mesure, qui se traduira tout de même pour un smicard par 750 euros à 800 euros de plus par an de cotisations versées pour la seule part ouvrière !
En effet, faute de mesures de recettes, le projet de loi commence par agir sur l’alimentation des régimes de retraite, en prolongeant la durée de cotisation.
Les salariés doivent donc cotiser plus longtemps, mais également se serrer la ceinture, puisque, faute de mesures efficaces sur les recettes, on n’a pas trouvé mieux que de restreindre les dépenses et de limiter leur évolution.
On nous a évidemment servi l’argument de la démographie pour justifier un tel allongement de la durée de cotisation. Les Français vivront en meilleure santé plus longtemps, ce qui justifie, selon vous, d’exiger d’eux plus d’efforts.
Aussi, j’invite tous ceux qui pensent ainsi à venir à trois heures du matin à la Marée au marché international de Rungis, à prendre le métro parisien sur la ligne 13 vers six heures du matin avec les femmes de ménage qui vont nettoyer les bureaux de la Défense ou encore à passer une journée sur les chaînes de fabrication de quelque entreprise du textile, avec les métiers en pleine action, pour voir ce que signifie l’exigence d’une retraite à taux plein à soixante ans !
Afficher comme des vérités tous les arguments que vous utilisez est une chose, regarder la réalité des conditions de travail et, partant, des inégalités sociales telles qu’elles sont en est une autre !
En fait, la démographie a bon dos lorsqu’elle sert juste d’écran pour justifier le fait de réserver une part sans cesse croissante de la richesse créée à la rémunération du capital.
En outre, comme les salariés d’aujourd'hui commencent à cotiser de plus en plus tard, bien souvent au-delà de l’âge de vingt-deux ans révolus, on peut s’attendre à ce que les 41,5 annuités soient difficiles à réunir et que la retraite à 65 ans à taux plein ne soit même pas envisageable pour nombre d’entre eux.
À ce stade, on se souviendra du fameux mot de Bismarck. Ayant posé la question de savoir à quel âge mouraient les ouvriers des grandes usines allemandes, le chancelier allemand obtint comme réponse : « À 65 ans ». Il conclut alors : « Nous fixerons donc l’âge de la retraite à 65 ans ! ».
Nous ne voulons pas d’un tel cynisme d’État, revenant à raboter le niveau des pensions au nom d’un équilibre financier qui pourrait être obtenu par une autre répartition des richesses ! (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l'article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le nombre de retraités est passé de 7 millions à 15 millions en trois décennies, et ce quasiment sans hausse de cotisation. C’est la création d’emplois, environ 2 millions en dix ans, qui a permis de financer cette augmentation.
Nous le voyons donc bien, c’est la baisse massive du chômage qui est le véritable levier du financement de notre système de retraite, et non l’augmentation de l’âge légal et de la durée des cotisations.
Aucune de vos propositions, rien dans la politique que vous conduisez ne va dans ce sens. Notre opposition est donc résolue.
Quand bien même un effort significatif en matière d’emploi serait accompli sans produire la totalité du financement attendu pour préserver et améliorer notre système de retraite par répartition, d’autres sources de financement pourraient être mobilisées. Il suffit pour cela de vouloir ramener dans la sphère publique les milliards d’euros que vous avez siphonnés au profit de la rémunération du capital et de la rente.
Vous ne le voulez pas. Dont acte. Nous le ferons, parce que nous, nous le voulons. Et le peuple, qui n’a pas fini de vous le rappeler dans la rue, le veut également.
Vous avez pris aux pauvres pour donner aux rentiers et – quelle surprise ! – les caisses de solidarité se tarissent. Nous les remplirons par l’emploi, par la justice fiscale. Nous administrerons ainsi la preuve que des retraites convenables peuvent être versées sans toucher à l’âge légal de 60 ans, sans baisser le montant des pensions, en reconnaissant à la fois les particularités de certains métiers, la situation spécifique des femmes, la durée des études, et ce sans allongement de la durée des cotisations, qui reviendrait à remettre en cause le départ à 60 ans.
Compte tenu de l’entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail, compte tenu aussi du développement du travail précaire et du statut de « travailleur jetable », vous savez pertinemment que l’augmentation de la durée des cotisations aura pour effet d’obliger les salariés à travailler sans limite d’âge afin de pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Mes chers collègues, vouloir maintenir l’âge du départ à la retraite à 60 ans et accepter d’augmenter la durée des cotisations est donc à la fois stupide et cynique.
Vos mesures, qui sont pénalisantes pour tous, toucheraient particulièrement deux groupes de personnes : d’une part, les salariés aux carrières courtes ou discontinues, qui sont essentiellement des femmes ; d’autre part, les jeunes, puisqu’on constate au fil des générations la montée de leurs difficultés d’insertion dans l’emploi, qui diminue d’autant leur capacité à valider un nombre suffisant d’annuités pour leur retraite.
Selon le COR, les femmes qui sont parties à la retraite en 2004 ont validé en moyenne vingt trimestres de moins que les hommes. Leurs pensions sont en moyenne de 40 % inférieures à celles des hommes. Parmi les retraités, seulement 44 % des femmes ont validé une carrière complète, contre 86 % des hommes. Si cet écart se réduit, il est loin d’avoir disparu.
Un quart des femmes nées en 1950 n’avaient validé aucun trimestre entre 51 ans et 55 ans, contre 15 % des hommes, et ce en raison des difficultés d’emploi à de tels âges.
Par conséquent, toute augmentation de la durée de cotisation signifie que beaucoup plus de femmes que d’hommes devront soit prendre leur retraite à un âge plus tardif, soit subir une décote plus forte, puisqu’elles seront en moyenne encore plus loin de la durée exigée que les hommes. Votre réforme constitue donc une forme de discrimination à leur égard. Vous le savez, mais vous persistez !
Vous ignorez également, semble-t-il, que les femmes cumulent tout au long de leur vie de fortes inégalités par rapport aux hommes. Elles ont un temps de travail total, rémunéré ou non, souvent domestique, toujours supérieur, un salaire moyen qui reste très inférieur et un accès limité aux fonctions dirigeantes, alors même qu’elles sont plus diplômées que les hommes depuis une trentaine d’années. Elles travaillent donc déjà plus, et plus longtemps, que les hommes pour beaucoup moins de rémunération. Vous le savez, mais vous persistez à vouloir dégrader encore plus leur retraite !
Et pour les jeunes, le nombre d’annuités validées à l’âge de 30 ans ne cesse de diminuer au fil des générations.
Cette baisse traduit, outre une augmentation de la durée des études, la plus grande difficulté d’insertion sur le marché du travail, liée à votre politique du chômage. Elle signifie que, pour atteindre quarante-deux annuités, la génération née en 1974 devra travailler au moins jusqu’à 64,3 ans, et ce dans le cas très favorable, mais improbable, où elle réussirait à valider trente annuités entre 30 ans et 60 ans.
Votre réforme constitue donc à l’égard des jeunes une forme de double peine. Là encore, vous le savez, mais vous persistez !
Votre réforme est marquée de bout en bout du sceau de l’injustice sociale. Vous franchissez là une étape supplémentaire dans la régression sociale et dans l’iniquité.
La réforme juste sera celle qui, d’une part, corrigera les inégalités existantes entre les sexes ou au détriment des jeunes et des personnes exerçant un métier pénible et, d’autre part, garantira à tous une retraite de haut niveau.
La solution existe ; elle passe par une meilleure répartition des richesses et du travail. Cette réforme, vous n’en voulez pas. Eh bien, c’est nous qui la ferons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’accroissement du nombre d’annuités nécessaires pour faire valoir son droit à la retraite présente évidemment un certain nombre d’aspects et offre de nombreuses pistes de réflexion.
Mais ce qui est en jeu avec cet article, de manière bien plus générale, c’est le rapport que les Françaises et les Français entretiennent avec le travail. C’est une question pivot, la clé de voûte de notre modèle social.
Car, à l’évidence, le travail a profondément évolué depuis plusieurs décennies et le processus de production a connu des changements assez sensibles, fondés notamment sur les modes d’organisation, la variation des formations, l’usage des technologies nouvelles, la répartition des tâches et des fonctions.
De telles évolutions se sont d’ailleurs accompagnées d’une modification assez sensible du lexique du travail, comme s’il s’était agi de masquer l’enjeu de société, le rapport de force et la contradiction que constitue le salariat.
On parle non plus d’« ouvriers », mais d’« opérateurs » ; on parle non plus d’« employés », mais de « collaborateurs ». On nie la réalité des qualifications non reconnues, et on parle de « bas salaires ». Au demeurant, quand il le faut, on parle non pas de masse salariale ou de paie, mais de « coût du travail ». D’ailleurs, dans ce cas-là, c’est à se demander à qui cela coûte de travailler !
Ces formules lexicales, dont j’ai rappelé quelques aspects notables, ne masquent qu’avec la plus grande difficulté l’essentiel. L’essentiel, c’est que le rapport de classes n’a pas disparu ! C’est que l’exploitation du travail humain n’a fait que changer de forme sans changer de fond ! C’est que la conception que les salariés en ont n’est guère différente de celle qu’ils en avaient par le passé !
Je le souligne avec d’autant plus d’intérêt, si je puis dire, que sera menée demain une assez intéressante opération intitulée « J’aime ma boîte » ! Les salariés seront invités à expliquer à quel point ils sont heureux de travailler dans telle ou telle entreprise...
Mme Josiane Mathon-Poinat. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous invite à vous y rendre. En effet, ce sera demain, le 14 octobre, et vous pourrez peut-être vous y associer si vous êtes tout à fait convaincus des bonnes conditions de gestion de nos entreprises.
Quels sont les partenaires d’une telle manifestation ? Je citerai notamment le groupe Primagaz, Pôle emploi, l’institut de sondage Opinion Way, Dromadaire – qui est un spécialiste de la carte postale virtuelle –, le Figaro Magazine, TF1, BFM Radio et BFM TV, RMC, ainsi que l’association Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance, ou ETHIC.
Cependant, j’élève tout de même une protestation contre la participation de la région d’Île-de-France et de Pôle emploi, qui sont des entités publiques, financées par les impôts et les cotisations de nos compatriotes, à cette opération publicitaire destinée à présenter la vie professionnelle et le travail salarié sous un jour faussement positif !
En revanche, qu’une société comme TF1, c'est-à-dire une chaîne de télévision autrefois payée par notre redevance, puis revendue à vil prix…
M. Guy Fischer. Bradée !
Mme Josiane Mathon-Poinat. … au groupe Bouygues, participe à cette opération d’intoxication, je n’en suis guère étonnée ! C’est dans leur logique.
Pour autant, on peut douter des bonnes intentions de la démarche, même si les dehors en sont fort séduisants. Ainsi, le site dédié à la manifestation propose l’organisation de petits déjeuners conviviaux, de concours de bureaux décorés, de journées ou d’instants de détente, avec massage, relaxation… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Vous le voyez, c’est le bonheur absolu ! Travailler dans un tel esprit, c’est vraiment fabuleux ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Prenons l’exemple du mouvement ETHIC – lorsqu’on entend ce nom, on se dit qu’il y a là quelque chose d’intéressant –, créé en son temps par le fort célèbre Yvon Gattaz,…
Mme Béatrice Descamps. Vous n’avez pas parlé du MEDEF !
Mme Josiane Mathon-Poinat. … ancien président du Conseil national du patronat français, le CNPF, feu MEDEF en quelque sorte,…
M. Pierre Hérisson. C’est un gros mot, le MEDEF ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. … et aujourd'hui piloté par un comité directeur où siège Antoine d’Espous, P-DG du groupe CA Communication.
Pour des raisons qui échappent surtout aux élus de gauche que nous sommes, les deux principaux dirigeants d’ETHIC sont des professionnels de la communication.
Vous le constatez, quelque chose ne va pas dans ce bas monde. (Marques d’impatience sur plusieurs travées de l’UMP.)
Si on peut prendre cela sur le ton de la plaisanterie, il n’en demeure pas moins que l’on banalise la souffrance au travail, que l’on modifie le code du travail et que l’on en profite pour accroître le nombre des annuités, comme le prévoit cet article. Ainsi, la vie des uns pèse beaucoup moins que les intérêts et les profits des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – MM. Claude Domeizel et Jean-Pierre Bel applaudissent également.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à supprimer l’article 4.
Nous considérons qu’il constitue une étape importante dans le projet de loi, qui a pour effet de simplifier et de rendre automatique l’augmentation des durées d’assurance, abordant la question sous le seul aspect comptable.
Concrètement, chaque année, un décret fixera pour l’année n+4 la durée d’assurance nécessaire pour l’obtention du taux plein, durée toujours plus longue. Le projet de loi prévoit que le décret sera pris après avis du Comité d’orientation des retraites, mais il n’est plus fait référence à la Commission de garantie des retraites, ce que nous déplorons.
Cette réforme comptable a le défaut majeur de ne pas tenir compte de la réalité. Il est bien gentil de vouloir allonger la durée de cotisation sous le prétexte que la durée de vie augmente, cependant ce n’est pas faire preuve de réalisme. Vous allez obliger les salariés à travailler plus longtemps alors même que le patronat n’a qu’une idée : licencier ces derniers lorsqu’il estime qu’ils sont trop vieux et qu’ils ne sont plus assez compétitifs.
Ainsi, le taux de chômage de longue durée chez les plus de 50 ans est alarmant. Pour autant, vous souhaitez les faire travailler plus, c’est-à-dire leur faire passer plus de temps au chômage ! Je vous donne quelques chiffres à méditer : en 2008, le chômage de longue durée touchait 37,9 % des chômeurs, concernant davantage ceux qui ont plus de 50 ans, soit 55,5 % des chômeurs de cette tranche, c’est-à-dire plus de la moitié d’entre eux !
Par ailleurs, à l’autre bout de l’échelle, chez les 15-24 ans, le taux de chômage atteint près de 25 % en raison de l’inexpérience de ces derniers, mais aussi de leur arrivée sur le marché du travail à une période difficile. Même avec des salaires inférieurs, l’entrée dans le monde du travail reste un parcours d’obstacles, souvent fait de nombreux stages et de périodes de précarité : intérim, CDD, etc.
Les jeunes femmes, quant à elles, sont encore plus touchées, notamment en raison des périodes de maternité qui les amènent souvent à alterner au cours de leur carrière des phases d’activité et d’inactivité.
Votre réforme confine donc à l’absurde, car la réalité, c’est que l’augmentation de la durée d’assurance pour obtenir une retraite à taux plein privera, de fait, nombre de femmes et d’hommes de notre pays d’une retraite à taux plein et par là même réduira leurs pensions.
Nous n’avons de cesse de vous le dire : votre réforme est injuste puisqu’elle repose, pour sa plus grande part, sur l’effort des salariés et non sur la participation des capitaux financiers. Votre politique est antisociale.
Pour cette raison, nous demandons la suppression de l’article 4. (Mme Josiane Mathon-Poinat applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La réforme de 2003 a introduit une méthode de pilotage par rendez-vous quadriennaux destinée à adapter la durée d’assurance en fonction de la durée moyenne de retraite.
Cette méthode, bien que relevant de bonnes pratiques, s’est révélée anxiogène pour tous ceux qui approchaient de l’âge du départ à la retraite. Ainsi, un rendez-vous ayant été annoncé en 2008, de nombreux assurés ont préféré liquider leur retraite par peur d’une remise en cause de la durée d’assurance exigée.
L’article 4 tire les leçons de cette situation en mettant en place un dispositif glissant dans lequel la durée d’assurance est fixée pour chaque génération, après avis du COR, quatre ans avant qu’elle atteigne l’âge de 60 ans.
Cette simplification de la procédure de fixation de la durée d’assurance requise pour une pension à taux plein devrait permettre aux assurés de mieux anticiper le déroulement de la fin de leur carrière puisqu’ils connaîtront suffisamment à l’avance les paramètres de durée d’assurance qui leur seront applicables lors de la liquidation de leur pension.
Cette disposition participe ainsi à l’objectif d’une plus grande lisibilité du système de retraite.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je voudrais d’abord souligner l’incohérence totale de la discussion de ce texte puisque les articles 5 et 6 ont été appelés en priorité et ainsi désolidarisés de l’examen de l’article 4.
Pourtant ces articles se complètent et la cohérence du funeste projet gouvernemental ne s’exprime qu’à l’articulation des trois mesures honteuses qu’ils visent à introduire : le relèvement de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite, le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge permettant de bénéficier du taux plein et, enfin, le passage à 41,5 annuités de cotisation, mesure contenue dans l’article 4 et dont nous discutons, contre toute logique, en dernier.
Ces tentatives de manipulation quant à l’ordre de discussion des articles, destinées à démobiliser et à décourager les grévistes et les manifestants opposés au projet de loi portant réforme des retraites, sont inacceptables.
Je veux l’affirmer : le vote des articles 5 et 6 ne signifie pas l’adoption de la réforme et ne rend pas inutile le combat contre le dernier volet du triptyque de démantèlement des acquis sociaux en matière de retraite, à savoir l’article 4.
La mobilisation ne cessera pas aussi facilement. Sachez que nous nous ferons jusqu’à la fin du texte les porte-parole et les relais au Sénat de la révolte populaire !
Mme Annie David. Exactement !
M. Thierry Foucaud. Nous réaffirmons la nécessité de supprimer l’article 4, qui contient une des dispositions les plus graves du projet de loi.
Comme l’ont rappelé mes collègues qui se sont exprimés sur l’article, il n’est pas juste d’exiger que les salariés soient sacrifiés sur l’autel des intérêts des marchés financiers et de l’équilibre comptable.
Il ne s’agit pas, ici, uniquement d’argent et de comptes. Il y va aussi de la vie de millions de personnes qui seront forcées de travailler, pour certaines d’entre elles, jusqu’à l’épuisement en raison du cumul de ces dispositions scandaleuses allant toutes dans le même sens : l’allongement de la durée de travail des salariés et la réduction du montant des pensions en cas de non-respect des trois conditions d’âge et d’annuités.
En réalité, ce projet de loi est principalement guidé par la volonté de faire des économies sur le dos des retraités. Il s’agit moins ici de parler de retraites que d’assainir les comptes de l’État. Cette réforme n’est rien de moins qu’un nouveau volet social de la RGPP dont on connaît l’ampleur des dégâts sur les emplois publics.
Cette fois, le Gouvernement avance masqué en invoquant le prétexte de l’évolution démographique et se cache derrière le grand principe du sauvetage de la retraite par répartition pour articuler des mesures dont l’objet non avoué est simplement de diminuer le montant des pensions.
Le subterfuge est un peu gros, monsieur le ministre. Même si vous ne l’énoncez pas, les citoyens voient clair dans votre jeu : ce dispositif de réforme des retraites aura pour conséquence de rendre impossible, dans beaucoup de cas, le départ à la retraite à taux plein. Vous vous obstinez à renforcer les difficultés des assurés à toucher leur pension, quitte à paupériser les retraités en occultant le coût social de la misère que vous allez alimenter.
Les âges que vous prévoyez et le nombre d’années de cotisation sont tellement élevés et déconnectés de la réalité du travail que certains se verront dans l’impossibilité de remplir ces conditions. Il n’est en effet pas possible de lutter indéfiniment contre la fatigue physique et psychologique. Il est un temps où les salariés éreintés seront contraints de liquider leur retraite avec des décotes importantes, quelle que soit l’ampleur de la pauvreté qui les attend.
Voilà donc comment le Gouvernement prévoit d’économiser sur les hommes et les travailleurs et se garde bien de renflouer les caisses de la sécurité sociale en touchant au capital !
Tant d’indécence n’est plus tenable. On ne peut pas, d’une part, expliquer que l’État n’a plus d’argent et qu’il faut que le peuple travaille plus longtemps pour percevoir moins et, d’autre part, évoquer la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF. On ne peut multiplier les niches fiscales et favoriser le bouclier fiscal tout en expliquant aux travailleurs qu’ils financeront à 85 % la réforme des retraites. (Plusieurs sénateurs de l’UMP martèlent leurs pupitres.) Vous pouvez marteler vos pupitres ! Quand on vous parle d’injustice, cela vous fait bondir, je le sais.
L’injustice est trop flagrante et ne saurait durer. C’est pourquoi, encore une fois, je réaffirme la nécessité de supprimer l’article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 14 octobre 2010, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-huit.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART