M. Nicolas About. Cela me paraît utile !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je sais combien ce sujet préoccupe légitimement votre délégation aux droits des femmes, ainsi que toutes celles et tous ceux qui, sur toutes les travées, sont attachés au respect de l’objectif de parité.
L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur de sa commission des lois, a approuvé un mécanisme de sanctions financières…
M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne marche pas ! Ce n’est pas dissuasif !
M. Brice Hortefeux, ministre. … qui, pour la première fois, prend en compte les élections locales et non plus simplement les élections législatives. J’imagine que M. Sueur bat sa coulpe de ne pas y avoir pensé plus tôt ! C’est une première proposition,…
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas pour !
M. Brice Hortefeux, ministre. … mais je reste persuadé que nous devons aller plus loin. J’ai relevé que MM. About et Jean-Léonce Dupont, au nom du groupe de l’Union centriste, ont proposé un système à la fois plus incitatif et plus lisible. J’ai examiné avec attention l’amendement qui a été présenté et j’y suis pleinement favorable.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la pêche aux voix !
M. Brice Hortefeux, ministre. La deuxième mesure, complémentaire, porte sur le suppléant : il me paraît tout à fait nécessaire de prévoir que le remplaçant d’un conseiller territorial, de sexe opposé à celui-ci, soit appelé à le remplacer si son siège devient vacant pour quelque cause que ce soit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On l’a voté !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je suis tout à fait favorable à l’amendement déposé à cette fin par le groupe centriste.
La troisième mesure porte sur la composition des commissions permanentes au sein des conseils régionaux et des conseils généraux.
Pour tenir compte de la charge de travail des conseillers territoriaux, dont se préoccupe Mme Escoffier, et assurer une bonne répartition de l’exercice des responsabilités, il me semble opportun de réfléchir à un mécanisme d’interdiction du cumul de l’appartenance à la commission permanente de la région et à celle du département. C’est le sens de l’amendement n°554, présenté par le président About, au nom du groupe de l’Union centriste, qui me paraît aller dans la bonne direction. Et j’imagine que cela réjouit aussi Mme Gourault. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Elle n’avait pas encore été citée.
M. Brice Hortefeux, ministre. Les conseillers territoriaux ne pourraient être membres que d’une seule commission permanente, à l’exception des présidents de conseil général, qui siégeraient à la commission permanente de la région, sans fonction exécutive, pour assurer une bonne coordination. Le Gouvernement est très ouvert à cet amendement.
La quatrième mesure porte sur la question du cumul. Le principe est simple, posé par le code électoral : on ne peut pas cumuler plus de deux mandats locaux. II est normal que, demain, le mandat de conseiller territorial soit considéré pour ce qu’il sera, c’est-à-dire pour un mandat.
Parallèlement, il me semble tout à fait légitime de nous interroger sur la nécessité de prendre en compte, dans la liste des mandats, les fonctions exécutives au sein des établissements publics de coopération intercommunale. C’est une réflexion que le sénateur Maurey a engagée, à juste titre, en présentant l’amendement n°540.
M. Jean-Pierre Sueur. Il en sera récompensé…
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement y est très ouvert.
J’en viens à présent au tableau des effectifs.
L’Assemblée nationale a souhaité introduire ce tableau dans la loi, en refusant l’idée que le tableau des effectifs puisse être défini par une ordonnance dont le Parlement aurait précisé les critères dans son habilitation et qui aurait été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel, ce qui était la proposition initiale du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous étions d’accord !
M. Brice Hortefeux, ministre. Ce tableau, à la production duquel le président et le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale ont participé de manière décisive, présente, bien sûr, des défauts, mais c’est aussi une base de travail qui a plusieurs avantages majeurs.
J’en citerai au moins deux : d’abord, il ne sacrifie pas le monde rural, car les départements les moins peuplés ne perdent pas plus du quart de leurs conseillers généraux et disposent toujours d’au moins quinze conseillers territoriaux.
M. Jean-Pierre Bel. Six !
M. Brice Hortefeux, ministre. C’était encore une demande forte qu’avait entendue Alain Marleix lors des débats en première lecture.
Ensuite, le tableau aboutit à environ 3 500 conseillers territoriaux au total, chiffre qui me semble raisonnable.
Je le dis devant la Haute Assemblée, ce tableau peut être et doit être amélioré.
Je sais que votre rapporteur, Jean-Patrick Courtois, a réalisé un travail très important en ce sens et vous proposera, avec l’avis favorable de la commission des lois, un nouveau tableau dont nous débattrons ensemble.
Mais je souhaiterais rappeler une réalité que nous devons tous conserver à l’esprit : indépendamment de la création du conseiller territorial, une actualisation de la carte cantonale était indispensable. Chacun connaît la très grande disparité qui existe dans certains départements : les écarts peuvent aller jusqu’à un rapport de 1 à 45. Alain Marleix vous en reparlera dans son intervention.
Le tableau qui vous est proposé constitue une amélioration très nette, car ces écarts, sans disparaître naturellement, seront considérablement réduits. La création du conseiller territorial permet, au demeurant, d’introduire une certaine souplesse pour mieux respecter, voire protéger, les logiques territoriales tout en restant dans le cadre institutionnel qui définit les critères démographiques.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques observations que je souhaitais partager avec vous, alors que la Haute Assemblée s’apprête à entamer ses travaux en deuxième lecture.
Certains commentateurs s’étonnent parfois qu’il y ait des débats autour de cette réforme territoriale. Jean-Michel Baylet, qui n’est pas tout à fait d’accord avec ce que j’ai dit, m’a indiqué qu’il partageait au moins une conviction : sur un débat de cette importance, nous aurions pu commencer plus tôt le matin. (Sourires.) C’est vrai que cette réforme suscite débat, que des points de vue différents s’expriment et que des sensibilités différentes se font entendre. Je pense qu’il est utile que nous ayons un débat démocratique, et le Parlement est le lieu par excellence de ce débat. N’est-il pas normal que, dans un système bicaméral, se noue un dialogue entre les deux chambres du Parlement ? J’y vois le signe de la richesse des débats parlementaires et du rôle incontournable du Parlement, renforcé par la révision constitutionnelle de 2008, que vous n’avez pas votée, madame Borvo Cohen-Seat.
Le Sénat, qui « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », selon les termes même de notre Constitution, aura à cœur, une fois de plus, j’en suis certain, de faire œuvre utile et d’enrichir cette réforme, avec comme seule préoccupation l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant en décembre dernier le texte organisant en 2014 la concomitance des élections cantonales et régionales, le Parlement a permis la création en 2014 du conseiller territorial, sans pour autant préjuger des modalités de l’élection de ce nouvel élu, membre à la fois du conseil général et du conseil régional.
Celles-ci étaient initialement renvoyées au projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, ainsi qu’à un très court projet de loi organique.
Ces deux textes ont été déposés sur le bureau de votre assemblée en octobre dernier.
Ils comportent, je le rappelle, d’autres dispositions électorales significatives, comme l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes dans les intercommunalités, l’abaissement du seuil de population pour le scrutin proportionnel de liste ou encore le statut de l’élu.
Je me souviens encore des débats que nous avons eus à propos de la concomitance, lors de la première lecture du présent projet de loi en janvier dernier : nombre d’orateurs, en particulier de l’opposition, n’avaient pas cessé alors de demander que l’on complète le projet de loi par des dispositions électorales, en estimant que l’on ne pouvait pas créer le conseiller territorial sans savoir combien il y en aurait dans chaque département et comment ils seraient élus.
Je m’étais alors engagé à présenter à la commission des lois de votre assemblée, dès que celle-ci le souhaiterait, le tableau fixant, au sein de chaque région, département par département, le nombre des futurs conseillers territoriaux, tableau sur lequel je reviendrai dans un instant.
Vous avez vous-mêmes, le 26 janvier dernier, inséré dans ce même projet de loi un article 1er A énonçant les grands principes de l’élection du conseiller territorial.
Saisie du projet de loi dans la rédaction que vous lui aviez donnée, l’Assemblée nationale a, à son tour, souhaité que celui-ci soit complété par des dispositions électorales, ce qu’elle a fait par voie d’amendement, comme l’article 44 de la Constitution le permet.
Je rappelle en effet, car ce point est important, que la priorité d’examen par le Sénat des projets de loi « ayant pour objet principal l’organisation des collectivités territoriales » s’entend sans préjudice de cet article 44, ce qui implique qu’elle n’exclut pas le droit d’amendement des députés et du Gouvernement au cours de la discussion d’un texte déjà examiné par votre assemblée.
Vous êtes donc saisis aujourd’hui, sans qu’il y ait de ce fait la moindre irrégularité de procédure, à la fois de la question du mode de scrutin et de celle du nombre de conseillers qui sera attribué à chaque département et à chaque région.
Le conseiller territorial est, quant à lui, créé, l’article 1er du projet de loi ayant été voté en termes identiques par les deux assemblées.
Je commencerai, si vous le permettez, par la question du mode de scrutin, dont vous avez déjà beaucoup débattu ici.
La proposition du Gouvernement d’instaurer un scrutin mixte a alors été très critiquée.
Mme Jacqueline Gourault. Elle n’a pas été critiquée : elle n’a pas été débattue !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce choix, comme Brice Hortefeux le rappelait à l’instant, résultait de notre volonté de trouver un mode de scrutin qui puisse être substitué, d’un côté, au scrutin majoritaire à deux tours des conseillers généraux et, de l’autre côté, au scrutin proportionnel des conseillers régionaux. C’est pourquoi le Gouvernement avait mis au point un système électoral mixte qui réalisait, à nos yeux, un bon compromis.
Il aurait en effet assuré plus facilement des sièges aux petites formations, en raison de la répartition au plus fort reste, et un minimum de parité entre les élus, du fait de l’alternance des candidats de chaque sexe sur les listes destinées à pourvoir les sièges à la proportionnelle.
Les sénateurs du groupe de l’Union centriste avaient probablement en tête ces différentes conséquences quand ils vous ont proposé en janvier dernier l’adoption d’un amendement prévoyant le recours aux deux modes de scrutin.
M. Nicolas About. Absolument !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour autant, le système que nous avions proposé a suscité plusieurs critiques.
Il se heurtait en outre à un reproche bien réel, celui de créer deux catégories d’élus, les uns rattachés à un territoire, les autres non.
Cette critique est cependant évidemment valable pour tous les scrutins mixtes combinant une part de scrutin uninominal majoritaire et une part de scrutin proportionnel, qui n’aboutirait d’ailleurs pas à des conséquences plus favorables, ni s’agissant du pluralisme, dès lors qu’une part de proportionnelle portant sur de petits effectifs ne garantit aucunement des sièges aux petites formations, ni s’agissant de la parité, le pourcentage de femmes atteint aujourd’hui dans les conseils régionaux ne pouvant être obtenu qu’avec une proportionnelle intégrale. Encore faut-il remarquer que cette dernière n’assure pas automatiquement une parité intégrale, comme le montrent vos propres élections dans les départements régis par la proportionnelle : ces départements représentent la moitié de vos sièges, mais seules une cinquantaine de femmes y sont élues.
J’ai eu la curiosité de rechercher les chiffres correspondant aux trois dernières élections sénatoriales : pour le renouvellement de 2001, donc après la mise en œuvre des textes sur la parité, pour soixante-quatorze sièges, vingt femmes ont été élues, soit 27,02 % ; pour le renouvellement de 2004, pour quatre-vingt-trois sièges, vingt-neuf femmes ont été élues, soit 34,9 % des élus – c’est un peu mieux, mais il s’agissait d’une petite série… – ; pour le renouvellement de 2008, pour quarante sièges, onze femmes ont été élues, soit 27,5 % des élus. En moyenne, sur les trois dernières élections sénatoriales, il y a donc eu, malgré les textes sur la parité, moins de 30 % de femmes élues. Avec cinquante-neuf femmes pour 197 sièges renouvelés, je pense que la démonstration est faite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très mauvaise démonstration : comparez avec les élections régionales où le taux est de 46 % !
M. Jean-Pierre Bel. Vous avez relevé le seuil de la proportionnelle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ne vous sentez pas mal à l’aise, monsieur Bel, car vous n’êtes pas seuls concernés : les torts sont partagés par tout le monde, j’en conviens, mais pour la parité, les élections à la proportionnelle ne sont pas la panacée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aux régionales, il y a la parité ! Pourquoi prenez-vous l’exemple des sénatoriales ?
M. Jean-Pierre Sueur. Dans les conseils régionaux, il y a 50 % de femmes !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je sais que ces chiffres vous gênent, et nous aurons l’occasion d’y revenir : malgré la volonté de parité, vous êtes à moins de 30 % de femmes parce que les textes sont détournés ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je le redis donc, la proportionnelle n’est pas la panacée en matière de parité électorale.
Le Président de la République et le Gouvernement, sensibles à ces critiques, se sont alors déclarés ouverts à la discussion, et le Premier ministre a consulté officiellement les dirigeants des partis politiques.
Quelques formations ont fait connaître leur préférence pour une solution alternative. Je pense en particulier au parti communiste, aux Verts et au MODEM. L’UMP et le Mouvement pour la France se sont déclarés favorables au scrutin majoritaire. En revanche, la formation dominante de l’opposition, le parti socialiste, a refusé de s’exprimer sur le sujet, en prétextant qu’il était contre la réforme et que les jeux étaient déjà faits.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. De nombreux élus, locaux et nationaux, comme en témoigne la position exprimée ici même par les sénateurs membres du groupe RDSE, ont manifesté leur souhait de maintenir, pour le conseiller territorial, le mode d’élection actuel des conseillers généraux.
Le Gouvernement a, en conséquence, proposé le scrutin majoritaire à deux tours, qui répond à la critique sur les inconvénients de la majorité relative.
C’est le mode de scrutin utilisé en France pour l’élection des députés depuis 1958, avec une seule interruption de deux ans.
C’est également le mode de scrutin utilisé pour l’élection d’environ 4 000 conseillers généraux, quasiment depuis le Consulat et sans que jamais personne ait proposé un autre mode de scrutin.
C’est enfin le mode de scrutin utilisé pour l’élection d’environ la moitié des membres de votre assemblée, sans que leur légitimité ait jamais été mise en cause !
Vous avez cependant comme moi entendu ceux qui estiment que le choix du scrutin majoritaire allait « cantonaliser » la région, mais ce mode de scrutin a-t-il empêché nos élus de s’intéresser à des questions essentielles pour l’avenir de leur département ? Je ne le pense pas.
Je suis moi-même aussi conseiller général et j’aimerais bien savoir ce que pensent les cinquante-huit présidents de conseils généraux appartenant à l’opposition, notamment ceux qui siègent dans cet hémicycle…
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut revenir sur la réforme du conseiller territorial !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je serais également très désireux de connaître quelle solution alternative préconisent ceux qui critiquent le scrutin majoritaire.
Veulent-ils revenir sur le scrutin majoritaire à deux tours pour l’élection des députés, ce qu’ils n’ont pas fait pendant les dix années où ils ont détenu la majorité à l’Assemblée nationale ?
Souhaitent-ils modifier le mode d’élection des conseillers généraux, qu’ils n’ont pas davantage modifié et pour lequel ils n’ont jamais proposé la moindre mesure destinée à encourager la parité ?
Si je pose ces questions, c’est pour vous dire ma conviction que les critiques émises à l’encontre du mode de scrutin ne sont en réalité que des prétextes pour rejeter une réforme.
Le scrutin majoritaire à deux tours, personne ne peut sérieusement le contester, est connu et apprécié des Français. Il donne aux élus une autorité liée à leur assise territoriale, comme le rappelait Brice Hortefeux, tout en permettant de dégager une majorité stable.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Collombat, vous aviez dit le contraire !
Ce sont d’ailleurs ces mêmes raisons qui ont conduit les auteurs du rapport sur les modes de scrutin envisageables pour l’élection des conseillers territoriaux – M. Maurey et, vous-même, monsieur Collombat – à estimer que le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours était « au final […] préférable au système mixte proposé dans le projet de loi électoral » ;…
M. Pierre-Yves Collombat. Il est moins mauvais !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … qu’il était « le plus satisfaisant » pour élire le conseiller territorial, dès lors qu’il permet « de dégager des majorités stables et de représenter le territoire dans sa diversité »,…
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut lire la conclusion de la conclusion ! (Rires.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … qu’il permet aussi « une expression de la diversité des sensibilités politiques » et que « son caractère familier constitue un atout supplémentaire ». Comme c’était bien dit, monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. Lisez la suite !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ne revenez donc pas sur des déclarations aussi sensées !
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale d’adopter le principe du scrutin majoritaire à deux tours ; les députés l’ont retenu, et c’est donc ce mode de scrutin qui vous est à nouveau proposé aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’avis favorable de votre commission des lois.
Si vous l’adoptez à votre tour, les conseillers territoriaux seront élus dans le cadre de circonscriptions cantonales correspondant à un territoire déterminé de leur département.
Moins nombreux que les élus actuels, ils siégeront au sein de l’organe délibérant du département et de la région : ils auront ainsi une vision complémentaire, à l’échelon de chaque collectivité, du développement des territoires, ainsi qu’une légitimité et une visibilité renforcées.
Ils se renouvelleront intégralement, comme l’a souhaité à plusieurs reprises l’Association des départements de France.
Naturellement, des dispositions doivent être prises en faveur de la parité, à partir des deux mesures introduites par l’Assemblée nationale
La première est relative à la mise en place d’un financement public des partis politiques qui présenteront des candidats aux élections des conseillers territoriaux, accompagnée d’une pénalisation des partis présentant un nombre insuffisant de femmes.
Le système, nouveau pour des élections locales, est calqué sur celui en vigueur pour les élections législatives. Le Gouvernement est prêt à discuter de ses modalités.
La seconde disposition concerne l’extension des cas où le remplaçant de sexe opposé d’un conseiller territorial sera conduit à se substituer à celui-ci.
Afin de répondre aux critiques émises par certains sur le risque d’insuffisante légitimité démocratique des conseillers territoriaux élus à une majorité relative, le Gouvernement a également soutenu un amendement du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale portant le seuil de présence au second tour de 10 % des voix des électeurs inscrits à 12,5 %. J’observe avec satisfaction que votre commission des lois a conservé cette disposition.
J’en viens maintenant à la seconde question fréquemment évoquée, à l’Assemblée nationale comme ici : celle du nombre des futurs conseillers territoriaux.
C’est à la loi de fixer ce nombre, parce qu’il s’agit d’un élément du régime électoral des assemblées locales, dont l’article 34 de la Constitution vous réserve la compétence ; si, actuellement, vous ne vous prononcez pas sur le nombre de conseillers généraux de chaque département, c’est parce que celui-ci résulte de découpages successifs effectués par décret.
En effet, l’article L. 191 du code électoral implique qu’à chaque canton créé corresponde un élu départemental supplémentaire. C’est ainsi que 510 cantons ont pu être créés sous les gouvernements dirigés par l’actuelle opposition sans que vous en ayez été le moins du monde saisis ni même informés.
À l’inverse, le nombre des conseillers régionaux est fixé dans un tableau, prévu à l’article L. 337 du code électoral. C’est donc à vous qu’il appartient de le modifier.
Toutefois, dans le système actuel des élections régionales, la représentation de chaque département au sein d’un conseil régional ne dépend pas de la loi, mais varie en fonction des résultats obtenus par chaque liste.
C’est ainsi que, depuis les dernières élections régionales, un seul et unique conseiller régional représente le département de la Lozère – près de 77 000 habitants, alors qu’un conseiller territorial, en Languedoc-Roussillon, représente en moyenne 25 000 habitants –, tandis que, au conseil régional d’Île-de-France, dix sièges séparent la représentation de la Seine-Saint-Denis et celle des Hauts-de-Seine, pourtant de population voisine, et cela sans que, là encore, vous ayez été saisis de cet écart. De même, dans mon propre département, la liste arrivée en tête n’a pas eu la majorité des sièges…
Je pourrais citer encore plusieurs exemples concrets qui illustrent la disparité et l’ampleur des injustices électorales auxquels nous avons affaire, mais ceux que j’ai mentionnés suffisent à les montrer !
Avec la création des conseillers territoriaux, non seulement le nombre de membres des conseils généraux relèvera désormais de votre intervention directe, mais celui des membres siégeant au conseil régional ne variera pas d’une élection à l’autre. Ce sera, convenez-en, un double progrès.
Les départements comptent aujourd’hui 4 019 conseillers généraux, les régions, 1 880 élus : le nombre d’élus actuellement en fonction s’élève donc, au total, à 5 899. Nous ne pouvons évidemment pas conserver ce nombre, ni même nous en tenir au nombre de conseillers généraux, sauf à assister à une véritable explosion des effectifs des conseils régionaux.
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est déjà le cas !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle nous sommes conduits à réduire le nombre total d’élus : ce n’est pas un objectif en soi, comme le Président de la République l’avait précisé, c’est une contrainte inévitable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est quand même un objectif !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est une contrainte, car il est toujours plus facile d’augmenter le nombre de circonscriptions électorales que de le diminuer : le Gouvernement, comme pour le redécoupage des circonscriptions des députés, effectué à effectifs constants – en réalité avec une perte nette de 14 circonscriptions en métropole –, n’a pas choisi la facilité en procédant pour la première fois, non pas à une augmentation du nombre de cantons, mais à sa réduction.
C’est une contrainte inévitable si l’on veut conserver à nos assemblées régionales une taille comparable à celle des conseils des grandes communautés urbaines ou d’agglomération, ou du conseil régional d’Île-de-France, qui compte aujourd’hui 209 membres.
Dans cette optique, le chiffre global de 3 000 conseillers territoriaux constituait un objectif optimal, qui conduisait à une diminution moyenne du nombre d’élus siégeant dans les conseils généraux, égale au quart de leurs effectifs actuels ; j’y reviendrai dans un instant.
Nous avions initialement proposé, dans le projet de loi électoral, de renvoyer à une ordonnance le soin de mettre au point le tableau de ces effectifs, sur la base de critères très précis que vous auriez vous-mêmes votés, comme pour la délimitation des circonscriptions législatives.
Qu’y a-t-il de choquant à une telle délégation, alors que, je le rappelle, le nombre de conseillers généraux de vos départements respectifs relève à l’heure actuelle d’un simple décret, qui arrête la délimitation de leurs cantons sans autre critère que ceux qui sont définis par le Conseil d’État dans sa jurisprudence ?
En outre, il est important de rappeler que la durée d’un an prévue pour l’habilitation permettait de réduire le délai entre le dernier recensement connu à la date d’établissement du tableau – il y en a un chaque année depuis le vote de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité – et l’élection à laquelle se rapportent les éléments démographiques qui ont été utilisés pour l’établir. Autrement dit, le recensement au 1er janvier 2008 va s’appliquer pour des élections qui auront lieu en 2014.
Pour donner suite au souhait exprimé par les membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale, un tableau des effectifs a été inclus dans la loi. Permettez-moi de rappeler les principes qui ont conduit à son élaboration.
Premièrement, il est élaboré région par région, car la disparité actuelle du nombre de conseillers généraux par département, fixé indépendamment de leur population, interdit d’adopter une règle uniforme pour toutes les régions. Il existe en effet, à l’heure actuelle, des départements qui ont une population du même ordre de grandeur mais qui ne comptent pas le même nombre de conseillers généraux. C’est ainsi, par exemple, que le Vaucluse compte 24 conseillers généraux, tandis que le Puy-de-Dôme – je le cite au hasard, bien sûr ! (Sourires.) – en compte 61.
Deuxièmement, le tableau respecte un minimum de 15 élus par département, correspondant à l’effectif actuel le plus faible, celui du Territoire de Belfort : ce chiffre, sur lequel nous nous étions personnellement engagés, permet de représenter le plus possible tous les territoires, au conseil général comme au conseil régional, tout en garantissant une bonne administration du département.
Sur ce point, nous nous sommes inspirés de ce qui s’est passé dans le Territoire de Belfort, plus petit département de France, qui compte à l’heure actuelle 15 conseillers généraux. C’est un hommage que je rends à Michel Dreyfus-Schmidt, qui fut sénateur de ce département, et à vous-même, monsieur Chevènement : vous aviez ensemble considéré qu’il fallait élever le nombre de conseils et de conseillers généraux à 15 – le nombre précédent était sensiblement inférieur –, considérant ce nombre comme le seuil de bonne gouvernance d’un département. Nous nous sommes donc inspirés d’un très bon exemple !
Troisièmement, afin d’éviter des effectifs régionaux pléthoriques, aucune région ne compte plus de 310 conseillers territoriaux… (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)