M. Jean-Pierre Fourcade. Ce sont des jeunes qui ont écrit cela ! Ils ne peuvent pas tout savoir…
M. Jacques Mézard. Mon cher collègue, je me doutais qu’une telle affirmation ne vous ferait pas plaisir. Et vous exprimez votre désaccord à juste titre, car tout n’était pas catastrophique dans la taxe professionnelle. Certains éléments appelaient certes une réforme, mais pas une suppression.
Bref, ce qui nous manque tout simplement c’est de savoir quel est le véritable impact de la suppression de la taxe professionnelle. L’allègement de charges pour les entreprises est évalué à 5,3 milliards d’euros. Cette somme a-t-elle contribué à l’investissement ? Ces 5,3 milliards d’euros ont-ils permis de favoriser l’emploi ? Cette question mériterait une réponse, réponse que nous attendons toujours aujourd’hui.
M. Yvon Collin. Excellente question !
M. Jacques Mézard. Pour nous, la présente proposition de résolution est un artifice mis en place pour faciliter la dérobade du Gouvernement quant à l’application de l’article 76 de la loi de finances pour 2010. C’est pourquoi, tout naturellement, le groupe RDSE ne la votera pas. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Baylet. Très bonne explication !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, l’un de ceux qui connaît le mieux l’histoire de la taxe professionnelle. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame le ministre, quand on fait une réforme fiscale de grande ampleur, il est clair que l’on ne peut pas disposer de tous les renseignements dans le quart d’heure qui suit.
Par conséquent, au cours des travaux que nous avons réalisés en commun l’année dernière pour supprimer la taxe professionnelle tout en allouant aux collectivités territoriales les ressources qui leur permettent de faire face à leurs dépenses d’investissements et de fonctionnement, il était nécessaire de mettre en place un système de garantie pendant un an. Nous nous posons d’ailleurs aujourd’hui la question de la reconduite d’un tel système pour une seconde année, car cela permettrait d’éviter bien des problèmes.
Par ailleurs, nous avions fixé plusieurs clauses de revoyure qui devaient jouer au fur et à mesure que les renseignements devenaient de plus en plus fiables.
En laissant aux entreprises la possibilité de faire leur déclaration par rapport aux nouveaux impôts jusqu’au 30 juin, le Gouvernement a rendu évidemment impossible l’application de la clause de revoyure avant le 1er juin. En effet une grande inconnue demeure : comment les entreprises vont-elles se comporter face à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et, plus important encore, comment cette cotisation sera-t-elle répartie entre la région, le département et le bloc communal ?
Nous comprenons donc parfaitement, madame la ministre, que vous n’ayez pu honorer votre engagement dans les délais qui vous étaient impartis, et nous n’en faisons pas un élément de bataille entre le Gouvernement et le Parlement. Il vous était impossible d’agir.
Mme Nicole Bricq. On le savait depuis l’année dernière !
M. Jean-Pierre Fourcade. Notre proposition de résolution permet de clarifier la situation.
Madame le ministre, vous nous devez des explications et des propositions nouvelles sur l’IFER et sur l’intégration de l’imposition des bénéfices non commerciaux. Nous souhaitons également que vous nous transmettiez des éléments précis sur le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dès que vous disposerez de plus amples renseignements, car, pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux évaluations, avec un inconnu de l’ordre d’un milliard d’euros, ce qui suscite nécessairement des interrogations.
Par ailleurs, monsieur Mézard, je suis d’accord avec vous, et il est sûr que ce n’est pas Philippe Marini qui a écrit les lignes de l’exposé des motifs de la résolution que vous avez citées. Il est bien évident que la mort de la taxe professionnelle ne date pas d’aujourd'hui mais de la suppression de la part « salaire ».
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, dès lors que nous avions, ou plutôt que j’avais basé l’assiette de la taxe professionnelle moitié sur la part salariale et moitié sur l’investissement, les entreprises pouvaient y faire face. À partir du moment où la part salariale a été supprimée et remplacée par une compensation de l’État, le système ne pouvait plus fonctionner.
M. Philippe Marini. Vous l’avez dit !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’ai même écrit, il y a quelques années, un article dans lequel j’affirmais que supprimer la moitié des bases correspondait à la fin de la taxe professionnelle, c’était en effet partir à l’aventure : on en venait à taxer lourdement ce qui ne devait pas être taxé, c'est-à-dire les petites entreprises et les entreprises industrielles.
À cet égard, madame le ministre, nous nous réjouissons que le rapport Durieux démontre clairement, ainsi que vous l’avez rappelé il y a quelques instants, que les bénéficiaires de l’allègement sont les petites entreprises et les entreprises industrielles. C’était l’objectif que nous visions. Par conséquent, de ce point de vue, la clause de revoyure a fonctionné.
Comme l’ont rappelé nos collègues, un certain nombre de membres du groupe UMP ne voteront pas cette résolution. Ils estiment en effet, madame le ministre, que vous auriez dû nous communiquer des chiffres plus précis, quitte à faire comme l’INSEE : fournir tout d’abord une évaluation, suivie quelque temps après d’une présentation révisée, puis bien plus tard du chiffre définitif. Ce n’est pas ce que nous souhaitons, car ce que nous voulons c’est donner à l’ensemble des collectivités territoriales des bases sérieuses pour établir leur budget de 2011 et de 2012.
Dans ces conditions, la très grande majorité des membres des groupes UMP et Union centriste voteront la proposition de résolution que nous avons rédigée en commun.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes conscients des efforts que vous avez consentis pour être fidèles à ce rendez-vous. Vous n’y êtes pas parvenu, mais nous vous accordons le bénéfice du sursis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la proposition de résolution relative à la mise en œuvre de la contribution économique territoriale.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe RDSE et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 239 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Par ce vote, la proposition de résolution est devenue résolution du Sénat. Elle sera communiquée au Gouvernement et publiée, imprimée et distribuée, et sera mise en ligne sur le site du Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Réforme des collectivités territoriales
Discussion d’un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 527, texte de la commission n° 560, rapports nos 559, 573, 574 et 552).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après un premier examen dans chacune des deux assemblées, au Sénat puis à l’Assemblée nationale, nous débutons donc ce soir, à cette heure quelque peu tardive pour un débat aussi important, la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Cette réforme, vous en connaissez l’ambition et les principes. Je n’y reviendrai donc pas en détail.
Après nombre d’études, de rapports et de débats consacrés ces dernières années à la nécessité de réformer notre organisation administrative territoriale, devenue à l’évidence trop complexe, le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité soumettre au Parlement une réforme ambitieuse des collectivités.
Comme vous le savez, nous proposons que, demain, notre organisation territoriale s’articule autour de deux pôles complémentaires : un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité. Plutôt que de me lancer ce soir dans une analyse détaillée de chacun des dispositifs prévus par le texte, je m’attacherai à mentionner les nombreux points de convergence qui se dessinent entre le Sénat et l’Assemblée nationale au terme des deux premières lectures.
Je crois utile de distinguer les dispositions institutionnelles du projet de loi et les dispositions électorales.
Sur le volet institutionnel, tout d’abord, j’observe que le texte voté à l’Assemblée nationale et qui a été amendé par votre commission des lois est, pour l’essentiel, conforme à ce que vous avez voté en première lecture.
Les communes sont donc confortées dans leur rôle de cellule de base de la démocratie locale et de notre organisation territoriale. Il s’agissait, je le sais, de l’une des préoccupations majeures de la Haute Assemblée dans son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales. Cet objectif est à mon sens pleinement atteint dans le texte soumis à votre examen.
C’est vrai en ce qui concerne le dispositif des communes nouvelles.
Force est de constater que le point de vue du Sénat exprimé en première lecture a prévalu. L’Assemblée est même allée plus loin en prévoyant systématiquement l’unanimité des conseils municipaux, tant au stade de l’initiative qu’à celui de la décision de créer une commune nouvelle, et ce sans recours à des consultations populaires. L’incitation financière, qui était mal comprise, a également été supprimée.
Autrement dit, les communes n’ont absolument rien à craindre d’un dispositif reposant sur l’unanimité des conseils municipaux. Il n’y a – et il n’y a jamais eu – aucune volonté de fusion autoritaire de communes.
M. Jean-Pierre Sueur. C’était donc de la provocation !
M. Brice Hortefeux, ministre. Cela n’a jamais été proposé ni même envisagé. Ce dispositif a été conçu comme un outil au service des communes qui souhaiteront s’en saisir.
C’est vrai également en ce qui concerne les métropoles.
Là aussi, je constate que le texte actuel est extrêmement proche de celui qui a été voté en première lecture par le Sénat.
Le seuil de création est fixé à 450 000 habitants. Conséquence importante, le statut européen de Strasbourg s’en trouve conforté.
Sur le volet budgétaire et financier, votre commission des lois a souhaité revenir à l’exigence d’unanimité pour l’instauration d’une « DGF territoriale » ou l’unification fiscale, alors que l’Assemblée avait prévu cette DGF territoriale à la majorité qualifiée et le transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes à la métropole. Le texte de la commission des lois est donc, me semble-t-il, de nature à rassurer tout le monde sur le respect des ressources des communes au sein de la métropole.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. Au total, il permet de respecter les compétences et les ressources des communes au sein de la métropole, tout en instaurant un mécanisme institutionnel obligeant cette dernière, ainsi que le département et la région à déterminer, ensemble, les compétences qu’il convient de transférer à la métropole en plus du socle minimal prévu.
Sur l’intercommunalité, l'économie du texte telle qu’elle a été votée par les deux assemblées est extrêmement proche.
Le fait que la commission des lois n’ait quasiment pas retouché le texte voté par l’Assemblée nationale témoigne du fait que nous avons atteint un bon point d’équilibre.
L’Assemblée nationale, comme le Sénat en première lecture, a voté à une très forte majorité le principe de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires siégeant au sein des intercommunalités. C’est une avancée très importante pour la démocratie locale.
De même, elle n’est pas revenue sur les modalités de répartition des sièges au sein des conseils communautaires arrêtées par le Sénat en première lecture. Par ailleurs, elle n’a touché qu’à la marge l’économie du texte qui instaure un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs entre le préfet et la CDCI, la commission départementale de coopération intercommunale, en liaison, naturellement, avec les conseils municipaux pour mener à bien, dois-je le souligner encore une fois, dans la concertation et au plus près de la réalité des territoires, le chantier d’achèvement et de simplification de la carte intercommunale. Je sais que Mme Escoffier, notamment, y était très attentive.
Le calendrier, qui s’achève le 1er juillet 2013 selon le texte issu de votre commission des lois, n’est donc ni trop rapide, pour permettre la concertation locale indispensable sur le terrain, ni trop lent, pour être bien distinct des campagnes municipales de mars 2014.
Sur ce volet de l’intercommunalité, j’y insiste, les positions du Sénat et de l’Assemblée nationale, très proches, ont permis d’atteindre un bon point d’équilibre.
J’observe également que, sur le fond, les dispositions ayant trait au regroupement et à la modification des limites territoriales de départements et de régions n’ont pas été modifiées par l’Assemblée nationale.
Celle-ci s’est contentée d’apporter quelques corrections de forme, mais n’est pas revenue sur l’équilibre qu’avait dégagé le Sénat en première lecture, à savoir que ces regroupements nécessitent une initiative commune des collectivités intéressées et une consultation populaire dont le résultat doit être positif et apprécié dans chacune de ces collectivités.
Je constate aussi que le Sénat et l’Assemblée nationale ont convergé en ce qui concerne les dispositions du texte qui visent à favoriser la mutualisation des moyens au sein des intercommunalités comme entre collectivités territoriales.
Je me réjouis d’ailleurs que la Haute Assemblée soit particulièrement attentive à cette question, au point que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a consacré tout récemment, le jeudi 17 juin dernier, son premier débat en séance publique à ce sujet, en présence d’Alain Marleix, sur la base du rapport d’information présenté par le président Lambert et MM. Détraigne, Mézard et Sido.
Le texte qui vous est soumis comporte une « boîte à outils » afin d’encourager et de lever les freins à la mutualisation des moyens, au sein des intercommunalités comme entre les départements et les régions, leurs établissements publics et les syndicats mixtes auxquels ils appartiennent. Comme nous y invitait le président Lambert, le Gouvernement a voulu, à juste tire, être audacieux sur ce volet de la réforme, tout en respectant, bien évidemment, le droit européen.
Je formulerai maintenant un certain nombre d’observations sur les compétences et les cofinancements.
L’Assemblée nationale a souhaité transformer les principes contenus à l’article 35 en plusieurs articles juridiques directement opérationnels. Si le Gouvernement a accepté de la suivre dans cette voie, c’est pour donner au texte le maximum d’effet utile.
Il en résulte trois séries de dispositions, qui concilient, j’en suis convaincu, pragmatisme, volonté de simplification et objectif de clarification.
La première série de dispositions se caractérise par l’affirmation par le législateur de quelques principes généraux de bon sens, peu nombreux mais qui fixent un cadre pour notre législation, législation existante et à venir, tout en permettant de faire évoluer la jurisprudence administrative. C’est l’objet de l’article 35 du projet de loi.
Seules les communes conservent la clause de compétence générale. Les départements et les régions n’exercent, quant à eux, que les compétences que leur a conférées le législateur, mais disposent, comme le rapport de la mission présidée par votre collègue Belot l’avait préconisé, d’une capacité d’initiative qui leur permet « par délibération spécialement motivée [de] se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». Tout part d’un constat simple : si le législateur ne peut prévoir à l’avance toutes les situations, il faut pourtant qu’une réponse publique puisse être apportée à ces collectivités. Celles-ci pourront, comme elles le souhaitaient, apporter à ces situations des réponses nouvelles et engager des projets.
Par ailleurs, une distinction est opérée entre les compétences que le législateur doit s’efforcer d’attribuer à titre exclusif et celles qui demeurent partagées entre plusieurs catégories de collectivités territoriales. Il s’agit donc d’une grille de lecture de notre législation actuelle pour le juge administratif et d’une invitation pour le législateur à préciser systématiquement son intention pour l’avenir. Cette distinction est assortie d’un corollaire de bon sens : lorsqu’une compétence est dévolue par la loi à une catégorie de collectivités territoriales, les autres ne pourront plus intervenir en la matière.
Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, il est bien précisé que les compétences en matière de sport, de culture et de tourisme demeurent partagées entre les communes, les départements et les régions. Tout est ainsi parfaitement clair.
La deuxième série de dispositions prend appui sur la création du conseiller territorial pour faire jouer à ce nouvel élu un rôle de clarification et de meilleure articulation des interventions des régions et des départements. C’est l’article 35 bis du projet de loi.
Nous sommes là au cœur de l’ambition de la réforme territoriale. Il s’agit de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, porteur d’une double vision, à la fois territoriale et régionale. À cet égard, je sais que des membres éminents du Sénat, notamment l’ancien ministre d’État, Jean-Pierre Chevènement, ont rappelé leur attachement à un principe auquel je souscris et sur lequel j’aurai l’occasion de revenir : à un élu territorial doit correspondre un territoire.
Il s’agit, disais-je, de faire confiance au conseiller territorial, pour engager, avec bon sens, au plus près de la réalité des territoires, le chantier de clarification, de simplification et de mutualisation des moyens entre les deux collectivités territoriales que sont le département et la région, avec, chacune, leur spécificité et leurs atouts : la proximité pour le département, la vision stratégique d’avenir pour la région.
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est la situation actuelle !
M. Brice Hortefeux, ministre. L’objectif est clair : favoriser les complémentarités, supprimer les doublons, simplifier les démarches pour nos entreprises, nos élus locaux et nos concitoyens. Demain, le conseiller territorial sera donc – enfin ! – l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, à commencer par les maires. Voilà inéluctablement une avancée positive, de nature à garantir une meilleure réactivité, davantage de cohérence dans les choix des financements alloués et plus de rapidité dans le montage des projets.
Concrètement, nous proposons que les conseillers territoriaux, dès 2014, dans les six mois de leur élection, puissent adopter un « schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services » par délibérations concordantes des régions et des départements. Il s’agira d’un élément d’adaptation aux réalités locales.
Faut-il aller plus loin, en précisant dès maintenant les orientations que ce schéma devra prendre en compte ? Le président About a présenté un amendement en ce sens, visant à se rapprocher d’une logique de « blocs de compétences » : à la région ce qui relève de la formation professionnelle, des transports, du développement économique et des infrastructures et réseaux de télécommunication ; au département ce qui relève de l’action sociale et médico-sociale, de la protection de l’enfance, de l’insertion des publics en difficulté et de l’aménagement rural et foncier.
Avec mes collègues du Gouvernent, je suis ouvert à ce que soient ainsi précisées les orientations des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services.
J’en viens à la troisième et dernière série de dispositions : l’édiction de quelques règles permettant d’encadrer de manière raisonnable la pratique des cofinancements. C’est l’objet des articles 35 ter et 35 quinquies du texte adopté par votre commission des lois.
L’article 35 ter réaffirme, en premier lieu, la capacité des régions et des départements à contribuer au financement des opérations d’investissement conduites par les autres collectivités territoriales et leurs groupements. Cette capacité, il faut le souligner, est d’ordre général, et s’exerce donc indépendamment des compétences qui sont, par ailleurs, attribuées à la région et au département.
Ce même article prévoit, ensuite, une règle de bon sens avec l’exigence d’une participation minimale de la collectivité assurant la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’investissement. Cette participation minimale est de 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 50 000 habitants. Elle est de 30 % pour les autres collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales.
Cela signifie tout simplement que les petites communes pourront ainsi toujours obtenir 80 % de subventions sur leurs projets. C’est une préoccupation qui était largement exprimée par la majorité. Il faut rappeler que cette règle de cofinancement s’inspire d’une règle déjà bien connue des collectivités locales : c’est en effet un décret du 16 décembre 1999 qui en a établi une première application aux projets d’investissements subventionnés par l’État.
Dans le dispositif, dont la rédaction a été incontestablement améliorée par votre commission des lois, des dérogations sont cependant prévues dans certains secteurs, comme les monuments protégés, la rénovation urbaine ou pour les opérations figurant dans les contrats de projet État-région.
Au total, et sans anticiper sur nos débats, je pense que, sur les compétences et les cofinancements, le texte issu de votre commission des lois est un texte pragmatique et réaliste, sans doute encore perfectible, mais sur lequel une large majorité pourra, j’en suis convaincu, se retrouver.
J’en viens au volet électoral de la réforme.
Avant de céder la parole à Alain Marleix, spécialiste incontestable et incontesté de ce sujet (Sourires.), je rappellerai l’essentiel : l’article 1er` créant juridiquement les conseillers territoriaux a été voté conforme par le Sénat et l’Assemblée nationale. Ce point est donc désormais acquis. Ces nouveaux élus siégeront, par conséquent, à la fois au sein du conseil général de leur département d’élection et au sein du conseil régional.
M. Jean-Pierre Sueur. Les cumulards !
M. Brice Hortefeux, ministre. C’est une innovation majeure, et le Gouvernement se félicite de ce vote conforme.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale, qui souhaitait aller plus loin, a introduit dans le texte deux éléments qui n’y figuraient pas : le mode de scrutin et le tableau des effectifs.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas l’Assemblée nationale ! C’est le Gouvernement !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je commencerai par dire quelques mots sur le mode de scrutin.
C’est un sujet,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tabou !
M. Brice Hortefeux, ministre. … par définition, complexe, comme le savent tous ceux qui se sont penchés de près sur la question. Puisqu’il n’existe pas de mode de scrutin parfait, il faut donc se résoudre à faire des choix.
De nombreux travaux ont été réalisés pour identifier quel pouvait être le choix d’un mode de scrutin optimal pour l’élection des conseillers territoriaux. La commission des lois y a beaucoup travaillé. Et votre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a également apporté une contribution.
Les rapporteurs de la délégation, MM. Maurey et Collombat, posent parfaitement le débat lorsqu’ils indiquent dans leur introduction qu’ils « ont émis un constat commun sur le fait qu’aucun des modes de scrutin examinés ne permettait de respecter [tous] les objectifs […] : représentation des territoires, expression des sensibilités politiques, poursuite de l’objectif de parité et formation de majorité de gestion au sein des assemblées délibérantes ». II s’agit, en réalité, d’effectuer une tâche titanesque, de résoudre une sorte de « quadrature du cercle ».
Après une longue réflexion et de nombreuses consultations, le Gouvernement s’est rallié, monsieur Sueur, au choix du mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
M. Jean-Pierre Sueur. Moi, je n’y suis pour rien !
M. Brice Hortefeux, ministre. Eh bien, je le regrette ! (Sourires.)
Tel est le sens de l’amendement que le Gouvernement a déposé à cette fin et auquel la commission des lois, cet après-midi, a donné un avis favorable. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Pourquoi ce choix ? Aux yeux du Gouvernement, c’est celui de la simplicité et de la lisibilité pour l’électeur, qui comprend facilement ce mode de scrutin auquel il est habitué et qui fait partie de notre héritage républicain.
Mme Jacqueline Gourault. C’est sûr !
M. Brice Hortefeux, ministre. Mais surtout, son immense avantage est de maintenir un lien indéfectible entre un élu et le territoire qu’il représente au sein des collectivités qu’il a la charge d’administrer.
Demain, les conseillers territoriaux seront véritablement les conseillers et les porte-parole des territoires, les interlocuteurs uniques de l’ensemble des acteurs de leurs territoires. C’est là que résident l’innovation et la simplification. Il y aurait comme une contradiction à envisager des conseillers territoriaux « hors-sol », déconnectés d’un territoire précis. Et j’imagine que plusieurs d’entre vous, sur de nombreuses travées de cette assemblée, s’exprimeront dans ce sens sur ce point.
Ce choix permet de donner aux élus une autorité liée à leur assise territoriale et à l’obtention, en général, d’une majorité absolue de suffrages, tout en permettant de dégager des majorités stables dans les assemblées qu’il s’agit d’élire. Il n’empêche pas non plus, pour rependre les termes du sénateur Collombat dans la conclusion de son rapport, l’« expression limitée certes, mais non négligeable, de la diversité des sensibilités politiques ».
Alors, bien sûr, le Gouvernement est conscient du fait que ce choix doit s’accompagner d’un certain nombre de mesures complémentaires.
J’en vois quatre.
La première mesure, c’est un mécanisme incitant vigoureusement les partis politiques à agir en faveur de la parité.