M. Jean-Pierre Sueur. C’est ridicule !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Savez-vous combien il y a de conseillers pour la communauté urbaine de Metz ?
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas une référence !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ils sont 400, dont 45 vice-présidents !
Quatrièmement, la représentation de chaque département au sein du conseil régional s’inscrit dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l’échelon de la région.
Cinquièmement, enfin, les chiffres retenus évitent qu’une région compte un nombre de conseillers territoriaux supérieur au nombre actuel de conseillers généraux ou qu’un département connaisse une baisse ou une augmentation trop forte du nombre de ses conseillers territoriaux.
Nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de la discussion de l’amendement déposé par votre rapporteur et approuvé par votre commission des lois, qui retient des critères très voisins tout en optant pour des effectifs en nombre impair – j’insiste sur ce dernier point – à l’échelon départemental, cela afin de répondre également à une demande unanime et répétée de l’Association des départements de France.
Une fois les effectifs fixés par département, il faudra procéder à la délimitation des nouveaux « territoires », comme votre commission des lois vous propose de les appeler sur la suggestion de votre collègue Hugues Portelli, à laquelle le Gouvernement n’est pas défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà qui va très loin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cette appellation permet en effet de conserver aux cantons actuels, qui existent souvent depuis le Consulat, les attributs et les services publics qu’ils tiennent d’autres dispositions législatives ou réglementaires.
Comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, une actualisation de la carte des circonscriptions électorales cantonales était en tout état de cause indispensable du fait des très grands écarts de population existant aujourd’hui entre les cantons d’un même département : dans un rapport de 1 à 45 dans le département de l’Hérault, entre le canton le moins peuplé et le canton le plus peuplé, ces écarts dépassent un rapport de 1 à 20 dans une vingtaine de départements.
Il vous est proposé que cette délimitation, effectuée par décret en Conseil d’État, se fasse à l’intérieur des limites des nouvelles circonscriptions législatives, et cela pour les raisons que je vais énumérer brièvement.
D’abord, les nouvelles circonscriptions législatives ont été tracées, comme celles qui ont été retenues dans le découpage de 1986, en respectant les limites cantonales, et il serait paradoxal de ne pas obliger les futurs territoires à être compatibles avec ces circonscriptions.
Cette exigence est en outre conforme à la hiérarchie des normes puisque les limites des circonscriptions d’élection des députés relèvent de la loi, alors que celles des conseillers généraux relèvent d’un simple décret.
Elle est également traditionnelle dans notre vie démocratique : la circonscription d’élection des élus départementaux a toujours regroupé, depuis le Consulat, plusieurs communes, et la circonscription législative a toujours regroupé plusieurs cantons.
Il ne sera, en revanche, pas possible d’imposer de manière générale le respect des limites des intercommunalités. L’idée est évidemment très séduisante, et nous nous efforcerons, le moment venu, d’en tenir compte, mais il est impossible d’adopter une règle stricte, car il n’y a pas forcément de rapport direct entre la population des intercommunalités, par nature variable, et celle de ces futurs territoires.
Cela reviendrait, de plus, à la limite, à donner aux préfets le pouvoir, par un simple arrêté modifiant les limites des intercommunalités, de changer les limites des territoires et, donc, des circonscriptions.
Il sera, en revanche, proposé de ne pas couper les communes de moins de 3 500 habitants, ce qui n’est pas toujours le cas à l’heure actuelle.
Enfin, la première délimitation sera soumise au contrôle d’une commission calquée sur celle mise en place pour délimitation des circonscriptions des députés : la solennité d’une telle procédure nationale est particulièrement adaptée à la double appartenance des conseillers territoriaux, à l’importance de leur mandat, à la réduction du nombre et à l’extension géographique et démographique de leurs futurs cantons. L’avis de cette commission indépendante, composée de très hauts magistrats, sera rendu public.
La délimitation des nouveaux territoires se fera à partir de plusieurs critères : la population, l’étendue géographique, le nombre actuel de cantons et le nombre de communes de chaque département, ainsi que des différentes parties qui le composent. La représentativité de chaque futur élu sera bien plus équilibrée puisque les écarts que je viens de citer, sans disparaître naturellement, seront considérablement réduits.
Mme Catherine Tasca. C’est un vrai conte de fées !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le conseiller territorial, mesdames, messieurs les sénateurs, existera, si vous adoptez le présent projet de loi, dans tous les départements de métropole, sauf à Paris et en Corse, compte tenu de l’appartenance au conseil municipal des conseillers du département de Paris dans le premier cas, à cause du statut particulier de l’Assemblée de Corse dans le second cas.
Le conseiller territorial existera également dans les départements d’outre-mer qui n’ont pas déjà opté, comme l’ont fait la Guyane et la Martinique, pour le statut de collectivité unique prévu par l’article 73 de la Constitution.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions électorales essentielles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Bien entendu, avec mes collègues Brice Hortefeux et Michel Mercier, nous resterons, tout au long des débats – qui ont déjà dépassé les 200 heures entre les deux assemblées – à votre disposition pour répondre à vos questions ou apporter des compléments sur telle ou telle disposition de ce texte qui vous est soumis par le Gouvernement.(Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat est appelé, en ce début d’été, à réexaminer le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, après son adoption par l’Assemblée nationale en première lecture, le 8 juin. Celle-ci a apporté des modifications nombreuses et parfois substantielles au texte issu des délibérations du Sénat.
Sur le seul plan de la statistique, j’observe que le texte transmis à la Haute Assemblée en deuxième lecture compte 97 articles, contre 40 dans le projet de loi initial, et 67 dans le texte soumis à l’Assemblée nationale en première lecture ; les députés ont adopté 30 articles additionnels, supprimé 6 articles et adopté conforme 15 articles. Ce faisant, même si elle a tenu compte des travaux du Sénat, dont elle a conservé l’esprit dans de nombreux domaines, l’Assemblée nationale a opéré plusieurs innovations d’importance.
En première lecture, le Sénat a globalement respecté la logique du texte qui lui était proposé, tout en introduisant de nombreuses modifications afin de préserver davantage les libertés locales et d’accroître la capacité des collectivités à exercer leurs compétences pour renforcer la qualité du service public.
La Haute Assemblée a, tout à la fois, approuvé sans ambiguïté la création des conseillers territoriaux et encadré le mode de scrutin applicable à leur élection.
Soutenant sans réserve l’objectif affiché d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité, notre assemblée a voulu en conforter le succès par une plus grande prise en compte de la cellule de base de notre démocratie locale. À cette fin, elle a dégagé des solutions pragmatiques et consensuelles en vue d’adapter la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre à la mise en place, à partir de mars 2014, d’une élection des délégués des communes membres au suffrage universel direct.
Elle a encadré les pouvoirs conférés au préfet pour modifier la carte intercommunale, tout d’abord dans les procédures d’achèvement et de rationalisation de la carte. Puis, pour simplifier la procédure de fusion des EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre, elle a exigé le respect, par le préfet, du schéma départemental pour rattacher une commune à un établissement.
Le Sénat a encadré le dispositif de suppression des communes isolées, des enclaves et des discontinuités territoriales, qui entrera en vigueur au terme du processus d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité.
Il a facilité la recomposition des structures syndicales.
Il a adapté la recomposition de la commission départementale de la coopération intercommunale au paysage local.
Il a rétabli la majorité qualifiée et les conditions démographiques en vigueur pour les transferts de compétences après la création d’un EPCI, ainsi que pour la détermination de l’intérêt communautaire.
Il a validé, dans le respect de l’autonomie communale, le principe d’un EPCI plus intégré pour favoriser sa capacité à rayonner au niveau européen : la métropole.
Il a approuvé le dispositif proposé des pôles métropolitains, tout en précisant leur régime juridique.
Il a consenti, par réalisme plus que par optimisme raisonné, à l’introduction d’un nouveau dispositif de fusion des communes.
Il a apporté de nouvelles garanties aux procédures de regroupement des départements et des régions.
Enfin, il a modifié les principes devant encadrer la répartition des compétences entre les collectivités territoriales.
Lors de l’examen du projet de réforme des collectivités territoriales, l’Assemblée nationale a respecté l’économie générale du texte adopté par le Sénat, qu’elle a cependant assoupli sur plusieurs points et complété de façon substantielle dans ses volets « conseillers territoriaux » et « compétences ».
Elle a fixé, en détail, le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux.
Tout d’abord, par analogie avec le mode de scrutin applicable à l’élection des actuels conseillers généraux, l’Assemblée nationale a prévu la mise en place d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux, avec un seuil de passage au second tour fixé à 12,5 % des inscrits.
Ensuite, les députés ont fixé la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.
Conscients que le mode de scrutin retenu pourrait avoir des effets pervers sur la présence des femmes dans les conseils généraux et régionaux, les députés ont adopté deux dispositifs visant à favoriser la parité : d’une part, le remplacement par une personne de sexe opposé des conseillers territoriaux dont le siège serait vacant « pour quelque cause que ce soit » ; d’autre part, la mise en place de pénalités financières à l’encontre des partis politiques présentant un nombre insuffisant de femmes à l’élection des conseillers territoriaux.
L’Assemblée nationale a, par ailleurs, approfondi les orientations données par le Sénat en matière d’intercommunalité. Les principes dégagés par la Haute Assemblée à cet égard ont été, dans l’ensemble, conservés par l’Assemblée nationale.
Celle-ci a adopté le système sénatorial pour la composition des conseils communautaires. Il conviendra toutefois de définir, dans le projet de loi n° 61, une méthode adaptée de désignation des conseillers communautaires, en s’inspirant tout à la fois de la loi électorale municipale et de la composition des groupes d’élus municipaux pour assurer la représentation des oppositions municipales.
Elle a amélioré les outils d’élaboration de la carte intercommunale.
Elle a adopté le dispositif retenu par le Sénat pour fixer le processus temporaire d’achèvement et de rationalisation des intercommunalités, en l’amendant toutefois sur plusieurs points.
Les députés ont successivement limité le droit de veto accordé en 2012 à la commune la plus peuplée, à la condition que sa population représente au moins un tiers de la population totale concernée, supprimé la faculté accordée à la commune la plus peuplée de s’opposer aux fusions en 2013 et anticipé de six mois la date d’achèvement du processus, la ramenant du 31 décembre au 30 juin 2013.
Les députés ont attribué un rôle actif, lors de fusion d’intercommunalités, à la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, pour modifier le projet de périmètre à la majorité des deux tiers de ses membres. Ils ont aussi abaissé la condition de majorité « hyperqualifiée » requise pour décider de la fusion, à la majorité du tiers, des conseils municipaux regroupés dans chacun des établissements à fusionner.
L’Assemblée nationale a dispensé la communauté urbaine résultant d’une fusion de plusieurs EPCI parmi lesquels figure déjà une communauté urbaine du respect du seuil démographique en vigueur au moment de la fusion.
Elle a complété le dispositif des pôles métropolitains, en prévoyant une dérogation démographique pour les pôles frontaliers, et adopté une série de modifications ponctuelles.
L’Assemblée nationale a voté des modifications plus consistantes aux régimes des métropoles et des communes nouvelles.
D’une part, le volet des compétences métropolitaines a été essentiellement renforcé dans ses composantes départementale et régionale. D’autre part, l’Assemblée nationale a prévu un régime financier plus intégré par le transfert automatique à la métropole de la taxe sur les propriétés foncières bâties des communes membres. Par ailleurs, elle a facilité le transfert de la dotation générale de fonctionnement, la DGF, en ne requérant que la majorité qualifiée des communes membres pour l’approuver.
Elle a également apporté quelques modifications au régime financier des communes nouvelles et allégé la procédure de leur création par la condition d’un accord unanime des communes. Par coordination, elle a supprimé la consultation de la population.
Les députés ont marqué leur accord avec les modifications apportées par le Sénat sur les procédures de regroupement des départements et des régions en harmonisant ces procédures.
La perspective d’un nouveau projet de loi de clarification des compétences apparaissant de plus en plus incertaine, l’Assemblée nationale a complètement réécrit l’article 35, qui fixe les principes de répartition des compétences entre les trois niveaux de collectivités. Ce faisant, elle a conservé la possibilité de compétences partagées et de délégations de compétences. En outre, la rédaction de l’Assemblée nationale préserve la capacité d’initiative des collectivités territoriales lorsque la loi est muette. Enfin, elle valide l’intervention des trois niveaux de collectivités en matière de culture, de tourisme et de sport.
Par ailleurs, en matière de financements croisés, l’Assemblée nationale a soumis la part de financement apportée par la collectivité maître d’ouvrage à un « plancher », fixé à un niveau variable en fonction de l’importance de la population. De plus, elle a prévu des règles de limitation des cumuls de financements, qui ne s’appliqueront plus, toutefois, au-delà de 2015 si la région et ses départements adoptent ensemble un schéma d’organisation de leurs compétences.
Sur ma proposition, notre commission des lois a tenu compte des convergences recherchées par l’Assemblée nationale. Aussi, elle en a retenu les dispositions inscrites dans l’esprit qui l’a guidée lors de la première lecture. En revanche, elle a modifié celles qui s’en écartaient, ainsi que certains des compléments apportés au projet de réforme par les députés.
Notre commission a, dans un premier temps, supprimé les articles 1er A, 1er bis, 1er ter, 1er quater et 1er quinquies et, par coordination, les articles 36 B et 36 C.
Toutefois, lors de l’examen des amendements extérieurs, notre commission est revenue sur cette position : elle a donné un avis favorable sur trois amendements du Gouvernement visant à rétablir un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux. Elle a également donné un avis favorable, puis adopté comme l’un de ses amendements, un amendement que j’ai déposé afin de fixer la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.
La commission des lois a noté avec satisfaction l’économie générale des dispositions prévues pour parachever le paysage intercommunal, qu’il s’agisse de mettre en place de nouvelles règles pour adapter la composition des conseils communautaires à la démocratisation des EPCI à fiscalité propre, de proposer de nouvelles formes de coopération – métropoles, pôles métropolitains –, d’en développer et d’en simplifier les processus ou d’achever et de rationaliser la carte.
Sur de nombreux points, je le rappelle, l’Assemblée nationale a adopté le dispositif voté par le Sénat.
C’est pourquoi, sous réserve de certaines modifications, coordinations et rectifications techniques, la commission des lois a retenu le texte de l’Assemblée nationale.
Elle a réintroduit, dans le régime de droit commun de création ou de transformation d’un EPCI, l’attribution d’un droit de veto aux communes les plus peuplées, mais en fixant, cette fois, le seuil de population au quart de la population concernée.
S’agissant de la création des métropoles, la commission, a étendu aux discontinuités territoriales la dérogation temporaire au principe de continuité territoriale instituée au profit des enclaves. Elle a repris la condition de majorité des deux tiers pour la définition de l’intérêt métropolitain, comme le Sénat l’avait décidé en première lecture.
Par ailleurs, notre commission, fidèle aux principes qui avaient guidé ses travaux en première lecture, a supprimé le transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes à ce nouvel EPCI. Elle a prévu que toute décision d’unification des taxes ou de transfert de la DGF devrait être adoptée à l’unanimité des conseils municipaux.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. J’en viens aux modifications ponctuelles.
La commission des lois a élargi la liste des bénéficiaires de délégation de signature par le président de l’EPCI pour les attributions qui lui sont confiées par l’organe délibérant au directeur général des services techniques, au directeur des services techniques et aux responsables de services.
Elle a supprimé, en raison des difficultés techniques de sa mise en œuvre, l’ajout, au rapport annuel sur l’activité de l’EPCI, de l’utilisation des crédits engagés par l’établissement dans chaque commune.
Elle a allongé de deux à quatre mois le délai fixé au comité de massif pour se prononcer sur l’arrêté préfectoral pris pour supprimer une commune isolée, une enclave ou une discontinuité territoriale, afin de tenir compte de la périodicité des réunions de ces instances.
Notre commission a adopté, sans le modifier, l’article 35 qui fixe les grands principes de la répartition des compétences entre les collectivités : exclusivité des compétences conférées par la loi ; capacité d’initiative ; existence de compétences partagées ; possibilité pour une collectivité territoriale de déléguer ses compétences.
En revanche, notre commission a modifié la limitation des cofinancements en assouplissant les conditions relatives à l’apport minimal du maître d’ouvrage en matière de renouvellement urbain et de patrimoine protégé, afin d’éviter de mettre en péril les interventions nécessaires des collectivités territoriales en la matière.
Elle a, par ailleurs, supprimé l’article 35 quater, qui encadrait trop strictement les cumuls de financement entre la région et le département.
Toutes ces modifications sont de nature à conforter la démocratie locale et à renforcer l’efficience de l’action publique, en associant mieux les usagers à la gestion de proximité, en valorisant les atouts, les richesses et la diversité de nos territoires et de ceux qui les font vivre.
C’est pourquoi, sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu’elle a établi en vue de la deuxième lecture du projet de réforme des collectivités territoriales. Je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances s’était saisie, en première lecture, des articles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui avaient une incidence financière ou fiscale. À ce titre, elle avait pris position, en particulier, sur la création des métropoles et la réforme de la procédure de fusion de communes par l’institution des communes nouvelles.
Hormis les indispensables mesures de coordination rendues nécessaires par l’adoption, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010, de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme de la fiscalité locale qui en a découlé, la commission des finances n’a pu faire prévaloir, en première lecture, et en dépit de mes efforts, sa conviction de la nécessité d’une réforme novatrice dans un contexte de grandes difficultés financières pour l’État et les collectivités territoriales.
La prise en considération de l’urgence d’une modification profonde des modes de gouvernance actuels aurait dû conduire, selon notre commission, d’une part, à accepter de doter les métropoles d’un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différenciât nettement des communautés urbaines, d’autre part, à favoriser une dynamique de rationalisation du découpage territorial par la voie des communes nouvelles.
La commission des finances avait également examiné l’article 35 du projet de loi, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales, tout en considérant que ses dispositions restaient d’ordre général et peu opérationnelles. Elle n’avait pas estimé utile, à ce stade, d’en proposer la modification, compte tenu de leur absence d’impact sur les besoins de financement des différents niveaux de collectivités.
La suite de l’examen du projet de loi, à l’Assemblée nationale comme en commission des lois du Sénat, a apporté deux principaux éléments nouveaux, sur lesquels la commission des finances est fondée à porter une appréciation particulière.
Premièrement, une position intermédiaire a été retenue par l’Assemblée nationale, mais repoussée par la commission des lois du Sénat, sur le régime financier et fiscal des métropoles.
Deuxièmement, des développements de nature normative sur la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités territoriales et les règles applicables aux financements croisés ont été introduits dans le projet de loi.
La commission des finances s’est donc saisie, en deuxième lecture, des seules dispositions financières et fiscales du texte. Toutefois, de manière générale, elle souhaite, dans son ensemble, faire part de sa réserve à l’égard du présent projet de loi et s’interroge sur l’utilité réelle de certaines de ses dispositions.
Tout d’abord, sur la question des métropoles, la commission des finances observe que le texte qui nous est soumis confirme une ligne de conduite qui limite les transferts de compétences ou de ressources financières entre les métropoles et les échelons « d’en dessous », c’est-à-dire les communes.
Ainsi, d’une part, le transfert de la DGF des communes à la métropole ne sera possible que sur décision prise à l’unanimité des communes membres, et non à la majorité qualifiée, et, dans cette hypothèse, sera conservé le principe d’une dotation de reversement qui pourra avoir une vocation péréquatrice.
D’autre part, le transfert à la métropole de la taxe foncière sur les propriétés bâties sera supprimé. Ce transfert, introduit à l’Assemblée nationale, constitue une position de compromis entre le texte initial du projet de loi et le vote du Sénat en première lecture.
En effet, entre la version originelle du projet de loi, qui accordait aux métropoles une double spécificité financière par le transfert de plein droit, au niveau métropolitain, de l’intégralité du produit de la fiscalité directe communale et le versement à la métropole sous forme d’une « dotation communale » de la DGF des communes membres, et la version retenue en première lecture par le Sénat, le texte adopté par l’Assemblée nationale pouvait constituer une solution intermédiaire, qui préservait l’autonomie communale tout en proposant un cadre novateur et ambitieux pour le régime financier de la métropole.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit finalement la création de métropoles qui se distinguent très peu des actuelles communautés urbaines. Il traduit un certain manque d’ambition, ce que nous regrettons.
Pour autant, la commission des finances n’a pas jugé utile de déposer des amendements identiques à ceux qu’elle avait présentés en première lecture et qui n’avaient pas été retenus par le Sénat, sachant par avance le sort qui leur serait réservé.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est sûr !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Toutefois, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter des amendements répondant à trois objectifs différents.
Tout d’abord, un premier amendement tend à lever certains obstacles financiers à la création des métropoles, notamment en matière de régime des attributions du FCTVA.
Ensuite, un autre amendement vise à inciter davantage les communes à la territorialisation de la DGF, faute de quoi cette possibilité ne sera jamais exploitée, ce qui serait regrettable.
Enfin, des amendements ont pour objet de limiter certains avantages dont pourraient bénéficier les métropoles au détriment des autres communes et intercommunalités, alors qu’elles ne subissent aucune contrainte supplémentaire par rapport aux communautés urbaines.
Pour ce qui concerne le lien entre le présent texte et la réforme de la taxe professionnelle, le Sénat avait adopté, en première lecture, des amendements tendant à insérer des articles additionnels et proposés par la commission des finances pour effectuer des coordinations de forme avec la loi de finances pour 2010. Ces articles additionnels ont été enrichis par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa commission des finances, toujours afin d’apporter des modifications de pure coordination. Mes chers collègues, la commission des finances du Sénat vous propose d’adopter ces articles sans modification.
Venons-en à la création des communes nouvelles.
Les modifications que la commission des finances a proposées lors de la première lecture au Sénat mises à part, peu de changements de fond ont depuis été apportés aux dispositions fiscales et financières du présent texte.
L’Assemblée nationale est toutefois revenue sur un élément qui avait été ajouté par le Sénat, sur l’initiative de sa commission des finances, relatif à l’indexation des montants de la part garantie de la DGF perçus par les anciennes communes l’année de création de la commune nouvelle. Sur ce point, je vous proposerai un amendement de compromis.
De manière générale, comme pour les métropoles, je ne peux que regretter que le projet de loi que nous examinons soit peu ambitieux. Le dispositif proposé pour les fusions de communes est souvent plus contraignant que celui de la loi Marcellin, qui date de 1971, ce qui est tout de même paradoxal dans la mesure où l’intention était d’adopter un mécanisme plus opérationnel.
S’agissant des dispositions visant à développer et à simplifier l’intercommunalité, l’Assemblée nationale a modifié le texte adopté par le Sénat en première lecture sur quatre points de nature financière.
Deux de ces modifications nous semblent satisfaisantes.
D’une part, l’article 34 ter, qui visait à réviser le montant de certaines attributions de compensation versées par un EPCI à une commune membre en fonction du coût de certains équipements transférés à l’EPCI, en l’occurrence des piscines, a été supprimé. Le dispositif adopté par le Sénat ne me paraissait pas juste puisqu’il conduisait à faire supporter financièrement et à deux reprises par l’EPCI le coût des déficits de fonctionnement de certains équipements publics dont la réalisation avait été décidée par l’une des communes membres.
D’autre part, l’Assemblée nationale a adopté, sur avis favorables de sa commission des lois et du Gouvernement, un amendement tendant à remédier aux incertitudes juridiques relatives aux règles de constitution de la commission locale chargée d’évaluer les transferts de charges entre un EPCI et ses communes membres. La loi précisera désormais : « Cette commission est créée par le conseil communautaire qui en détermine la composition à la majorité simple. »
Sur ces deux points, la commission des finances souhaite l’adoption sans modification du texte voté par l’Assemblée nationale.
Elle vous soumettra, en revanche, des amendements sur deux autres dispositions.
En premier lieu, l’Assemblée nationale a prévu d’étendre le dispositif de territorialisation de la DGF proposé pour les métropoles à l’ensemble des EPCI. Ainsi, les communes membres d’un EPCI pourront, à l’unanimité, décider de transférer leur DGF à leur EPCI, en échange d’un reversement dont le montant global sera égal à la DGF transférée, mais qui pourra se faire selon des règles plus péréquatrices entre collectivités territoriales. Pour que cette possibilité soit utilisée, il faut prévoir, comme pour les métropoles, un dispositif incitatif, via le FCTVA, ce que tend à instaurer l’un des amendements que je vous présenterai.
En second lieu, l’Assemblée nationale a adopté, sur l’initiative de sa commission des lois, un article additionnel visant à ouvrir la faculté d’harmoniser les taux des différentes impositions directes locales – taxe d’habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe foncière sur les propriétés non bâties – au sein d’une intercommunalité à fiscalité propre. Une telle décision devrait recueillir l’unanimité de l’EPCI et de chacune des communes membres. Ce dispositif nous paraît intéressant, et je vous proposerai, mes chers collègues, un amendement pour le rendre plus opérationnel.
J’en arrive aux dispositions relatives aux compétences.
Celles que nous avions examinées en première lecture étaient purement déclaratoires, convenons-en. Mais l’Assemblée nationale les a intégralement transformées ; elle a prévu un dispositif désormais normatif, dont les principaux éléments sont les suivants : les départements et les régions ne seront plus compétents que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue ; est créée la possibilité, pour une région et les départements qui la composent, d’adopter des « schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services », afin de clarifier la répartition de leurs compétences ; les régions ne pourront participer qu’aux « opérations d’envergure régionale » menées par les départements, les communes ou les intercommunalités ; enfin, les collectivités maîtres d’ouvrage d’une opération d’investissement devront assurer une participation financière minimale à cette opération, à hauteur de 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 50 000 habitants et de 30 % pour les autres collectivités et EPCI.
Pour ce qui concerne la répartition des compétences, nous avons pris acte de la position de la commission des lois du Sénat, qui a largement validé les dispositions insérées par l’Assemblée nationale.
La commission des finances s’est saisie de la question de la limitation des cofinancements, et plusieurs ajustements lui semblent devoir être adoptés.
Aucune raison ne justifie d’attendre l’élection des conseillers territoriaux pour permettre aux régions et aux départements de s’entendre sur la répartition de leurs compétences.
La notion, assez floue, de projets « d’envergure régionale » comme les modalités d’application de la règle de participation financière minimale du maître d’ouvrage au projet financé doivent être clarifiées.
Quant à l’article 35 quater, introduit par l’Assemblée nationale, puis supprimé par la commission des lois du Sénat, il visait à empêcher le cumul des subventions départementales et régionales, sauf pour les projets décidés par les communes de moins de 3 500 habitants ou les EPCI de moins de 50 000 habitants, et prévoyait deux phases.
Entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2015, l’interdiction du cumul des subventions aurait été totale, sauf pour quelques secteurs.