Article 3 bis
L’article 373-2-11 du code civil est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre. » – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 378 du code civil est ainsi rédigé :
« Peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal les père et mère qui sont condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis par leur enfant, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime sur la personne de l’autre parent. » – (Adopté.)
Article 4 bis
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article 377 du code civil, après les mots : « qui a recueilli l’enfant », sont insérés les mots : « ou un membre de la famille ». – (Adopté.)
Article 5
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 313-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, l’autorité administrative accorde, dans les plus brefs délais, la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. » ;
2° L’article L. 431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, l’autorité administrative accorde, dans les plus brefs délais, la délivrance ou le renouvellement de la carte de séjour temporaire de l’étranger qui bénéfice d’une ordonnance de protection en vertu de l’application de l’article 515-9 du code civil en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. »
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Rédiger comme suit ces alinéas :
La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :
Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et en accorde le renouvellement.
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. L’article L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que le renouvellement de la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé. Toutefois, lorsque cette dernière a été rompue en raison de violences conjugales que l’étranger a subies de la part de son conjoint, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait de son titre de séjour et peut en accorder le renouvellement.
La proposition de loi, telle que modifiée par la commission des lois, dispose que l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et accorde le renouvellement, et non plus « peut en accorder le renouvellement », mais seulement dans le cadre de l’ordonnance de protection.
Nous vous proposons d’aller un peu plus loin et de prévoir que l’autorité administrative doit accorder d’office le renouvellement de la carte de séjour portant mention « vie privée et familiale » à l’étranger dont la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint, sauf si la présence de cet étranger constitue une menace pour l’ordre public.
J’insiste en particulier sur le fait que laisser à l’autorité administrative le soin de décider de ce renouvellement est susceptible de créer des différences selon le département où est déposée la demande.
L’actualité donne en effet plusieurs exemples – ils pourront se reproduire demain – qui démontrent que le renouvellement, non pas sous la pression de l’opinion publique, mais parce qu’il paraît relever de la bonne justice et du bon sens, doit être accordé d’office. Or on constate, hélas, que, d’une administration à une autre, la réponse n’est pas toujours la même.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yannick Bodin. Réglons donc une bonne fois pour toutes la question, car la situation des femmes concernées le justifie : n’ajoutons pas à leur détresse l’angoisse supplémentaire d’ignorer ce qu’elles vont devenir et décidons de leur accorder d’office un titre de séjour compte tenu de la gravité de la situation dans laquelle elle se trouve.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. J’estime que l’équilibre défini, de façon très pragmatique, à l’Assemblée nationale et qui consiste à lier le renouvellement automatique de la carte de séjour temporaire au fait de bénéficier d’une ordonnance de protection est satisfaisant et devrait tout de même donner grandement satisfaction aux auteurs de l’amendement n° 17.
La commission des lois, qui a repoussé divers amendements sur ce point, souhaite en tout état de cause en rester à cet équilibre, afin que la loi puisse être mise en œuvre dans les meilleurs délais.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Pour les conjoints de Français, la proposition de loi prévoit déjà la délivrance et le renouvellement automatique du titre de séjour dès lors que la victime bénéficie d’une ordonnance de protection. Ce faisant, elle complète le dispositif actuel du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile selon lequel il est possible d’obtenir du préfet le renouvellement du titre de séjour en raison des violences conjugales alléguées qui ont conduit à la rupture de la vie conjugale.
Ce système est cohérent : l’ordonnance de protection concerne des violences aggravées avérées, graves et reconnues par le juge qui donnent lieu à la protection immédiate de la victime en termes de droit au séjour.
Si aucune ordonnance de protection n’a été délivrée par le juge, les violences peuvent être prises en compte lors du renouvellement du titre de séjour, mais le préfet conserve un pouvoir d’appréciation indispensable à une évaluation globale de la situation de l’intéressée. Souvent, les situations sont complexes et doivent faire l’objet d’un examen minutieux au cas par cas, que seul le préfet est en mesure de réaliser.
Le texte actuel conserve donc une logique qui ne doit pas être remise en cause par un regroupement de l’ensemble des dispositifs de protection sur le même plan, emportant les mêmes conséquences au regard du séjour.
M. le président. Monsieur Bodin, l’amendement n° 17 est-il maintenu ?
M. Yannick Bodin. Notre proposition tendait à aider le Gouvernement à résoudre la présente question. Il est souhaitable, en effet, que ce dernier n’ait pas à intervenir après la décision d’une autorité préfectorale adoptée en fonction d’une interprétation non conforme au texte.
L’adoption de l’amendement n° 17 reviendrait donc à conférer au Gouvernement une certaine « tranquillité ». En effet, s’il se met en situation de devoir intervenir, il prend un risque,...
M. Roland Courteau. Certainement !
M. Yannick Bodin. ... et les Français pourraient ne pas comprendre de telles décisions prises à l’encontre de personnes en détresse.
Puisque vous choisissez de courir ce risque, nous maintenons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 431-2, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde ».
Cet amendement n’a plus d’objet, monsieur Courteau.
M. Roland Courteau. Effectivement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Le chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions applicables aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions, témoigné dans une procédure pénale ou bénéficiant de mesures de protection » ;
2° Sont ajoutés deux articles L. 316-3 et L. 316-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 316-3. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” est délivrée à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil. La condition prévue à l’article L. 311-7 du présent code n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
« Art. L. 316-4. – En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte pour une infraction mentionnée au premier alinéa de l’article 132-80 du code pénal. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5 :
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 316-4. - Après la décision judicaire définitive concernant la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte pour une infraction mentionnée au premier alinéa de l'article 132-80 du code pénal, sauf si la décision déclare que le fait n'a pas été commis. »
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Quelque chose m’échappe dans l’article 6.
La loi doit aussi bien condamner les criminels que protéger les victimes. Cependant, dans le monde réel, comme nous le savons, cela ne se passe pas toujours ainsi, et le méchant reste parfois impuni, faute de preuves suffisantes. Insuffisance de preuve ne signifie pas automatiquement inexistence des actes, mais révèle parfois, bien au contraire, habileté de l’agresseur.
Comme cela a déjà été indiqué, la preuve des violences conjugales est difficile à établir, même quand celles-ci sont physiques, et d’autant plus lorsqu’elles sont psychologiques. Une victime sous emprise porte plainte tardivement, alors que les marques de violence ne sont plus visibles. S’agissant des séquelles des violences psychologiques, il n’est pas facile de prouver la relation de cause à effet entre le comportement de l’agresseur et l’état de détresse psychique de la victime. Tout cela est bien complexe !
Faudrait-il, alors, ajouter au désastre de n’avoir pu condamner le criminel le drame de ne pouvoir protéger la victime, déjà vulnérable par ailleurs ? Peut-on vraiment, sans risquer le déni de justice, lier nécessairement l’obtention d’une carte de résident à la condamnation de la personne mise en cause ?
Les violences au sein d’un couple sont d’une nature particulière. Dans le cas présent, l’absence de condamnation peut avoir des conséquences désastreuses pour la victime, d’autant plus si l’auteur des violences est relaxé : la victime peut nourrir des craintes quant à son séjour, son droit au travail, et demeurer dans la précarité avec ses enfants.
Pourquoi donc une personne de nationalité étrangère en situation de danger avéré, ayant bénéficié – et pour cause ! – d’une ordonnance de protection et qui s’est engagée dans un parcours d’insertion et de stabilisation, devrait-elle nécessairement compter sur la condamnation de son bourreau, au terme d’un délai parfois bien long, pour avoir droit à la régularisation de sa situation administrative sur le territoire français ?
Sécurisons ce dispositif : ne lions pas l’accueil d’une victime sur notre terre des droits de l’homme au sort que la justice réservera à l’auteur des violences qu’elle a subies. Au lieu de créer une nouvelle double peine dans notre droit, donnons un signe fort aux victimes !
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mmes Payet et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Merceron, Soulage et Deneux, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
peut être délivrée
par les mots :
doit être délivrée
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Il ne me semble pas souhaitable d’aller au-delà de ce que prévoit, d’ores et déjà, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à l’égard des personnes victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme, qui peuvent se voir délivrer une carte de résident en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
Je demande donc aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’émettrai, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Antoinette, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Jean-Etienne Antoinette. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Payet, l’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 38.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis
Un rapport remis par le Gouvernement sur l’application des dispositions prévues à l’article 515-9 du code civil aux ressortissants algériens soumis à l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, signé à Alger le 27 décembre 1968, est présenté au Parlement avant le 31 décembre 2010.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon l’article 6 bis de la proposition de loi, un rapport relatif à la situation des femmes algériennes qui bénéficient d’une ordonnance de protection doit être présenté au Parlement avant le 31 décembre 2010.
Les ressortissantes algériennes ne se voient pas appliquer le droit commun pour ce qui concerne le séjour sur le territoire français. Il existe un vide juridique dans les accords franco-algériens à propos de la rupture de la vie commune. Les femmes algériennes qui quittent le domicile conjugal, à la suite de violences, ne peuvent renouveler leur titre de séjour. Nous demandons donc que les conditions plus favorables du droit commun s’appliquent à elles.
L’accord franco-algérien ne comporte aucune disposition spécifique dans un tel cas de figure. Néanmoins, il peut être demandé une application par analogie du dispositif prévu par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à ces situations. Cette analyse est confortée par la circulaire du 31 octobre 2005 dans laquelle le ministère de l’intérieur recommande aux préfets d’apprécier la situation des Algériennes conjointes de Français qui sont séparées de leur époux en raison des violences subies selon les mêmes modalités que celles que prévoit le code précité.
La CIMADE relève toutefois que les préfectures, malgré la circulaire susvisée, ne renouvellent plus les premiers certificats de résidence des femmes algériennes qui ont rompu la communauté de vie à la suite de violences conjugales.
De plus, dans une décision du 3 avril 2008, la cour administrative d’appel de Paris, corroborant la majorité des décisions des tribunaux administratifs, a estimé que le préfet ne commettait pas d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de renouveler le titre de séjour d’une ressortissante algérienne victime de violences conjugales, dans la mesure où l’accord franco-algérien ne prévoit pas de protection spécifique. Cette décision a été confirmée, notamment par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 9 décembre 2008.
Cette situation n’est pas admissible et ne semble pas correspondre à la volonté du Gouvernement. C’est sans doute la raison pour laquelle il a précisé, lors du débat en séance publique à l’Assemblée nationale, que « l’ensemble des dispositions de la loi qui ne contreviennent pas à cet accord seront pleinement applicables aux ressortissantes algériennes, qu’il s’agisse de l’aide juridictionnelle, de l’ordonnance de protection ou de la délivrance de la plupart des autorisations de séjour. »
En l’absence d’application de la circulaire qui a été prise, il convient de préciser le droit existant.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis.
(L’article 6 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 6 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 211-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2-2. - Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2, dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. »
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement, que j’ai déposé devant la commission des lois et que mes collègues socialistes ont eu l’élégance de reprendre quasiment in extenso, vise à compléter les dispositions de la proposition de loi en matière de délivrance et de renouvellement d’un titre de séjour aux femmes étrangères confrontées à la violence conjugale. Inspiré par des faits qui m’ont été rapportés par plusieurs consulats français d’Afrique du Nord, il a pour objet d’aider les femmes étrangères confrontées au vol de leurs documents d’identité et titre de séjour par leur conjoint.
Le scénario est simple : à l’occasion d’un retour dans le pays d’origine de l’épouse, le conjoint, le plus souvent français ou binational, dérobe ses pièces d’identité et son titre de séjour. Placée dans l’impossibilité, au moins temporaire, de rentrer en France, l’épouse doit, la plupart du temps, faire face à une procédure de répudiation ou de divorce devant une juridiction locale, moins protectrice des droits des femmes que les tribunaux français. Dans certains cas, ce fait s’accompagne d’une séquestration de la femme, et éventuellement des enfants du couple, par la belle-famille. Dans d’autres cas, la victime, complètement isolée et désemparée, se retrouve sans ressources, incapable de faire face aux dépenses de la vie courante familiale.
Il importe donc de permettre à ces femmes de rentrer en France, tout au moins le temps de stabiliser leur statut juridique, pour éviter une répudiation unilatérale par leur époux, de les aider à reprendre la vie commune ou, le cas échéant, à régler les modalités du divorce.
Bien que contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, la répudiation est pourtant parfois transcrite par le tribunal de Nantes, faute d’une saisine suffisamment rapide.
À la suite du vol de leurs papiers d’identité et du retour de leur mari en France, l’obtention du visa de retour est bien souvent impossible pour ces femmes. Elles sont donc pieds et poings liés face à leur époux indélicat.
En cas de vol de documents – fait qui constitue une violence à lui seul –, l’interruption de la vie commune ne devrait en aucun cas constituer un obstacle au renouvellement ou au remplacement du titre de séjour volé.
Si les violences physiques, depuis la loi du 20 novembre 2007, sont prises en compte par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour l’obtention et le renouvellement du titre de séjour, la violence morale dont fait preuve le conjoint qui vole les documents d’identité de son épouse, entrave sa liberté de circulation et l’abandonne sur le plan moral et matériel n’est pas encore réellement reconnue par les pouvoirs publics français.
La délivrance d’un visa de retour devrait pourtant être de règle et de droit, sauf en cas de restriction liée à l’ordre public, et se répercuter ainsi sur l’instruction générale relative aux visas et sur le code susvisé.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Yung, Mme Lepage, M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère, bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le conjoint français a, lors d'un séjour à l'étranger et dans le cadre d'une tentative d'abandon, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le présent amendement est très proche de celui de Mme Garriaud-Maylam : je constate avec plaisir que nous sommes pleinement en accord.
Cet amendement a pour source notre expérience commune de sénateurs des Français de l’étranger et notre connaissance de la situation de femmes étrangères résidant en France qui se trouvent en situation de détresse. Il vise à les aider à rentrer en France après un séjour dans leur pays d’origine, même lorsque leur époux leur a volé leur titre de séjour.
En 2007, j’ai été contacté par une ressortissante algérienne bénéficiant d’un titre de séjour français qui avait été trompée et abusée par son mari.
Après une visite en Algérie, le mari de cette femme est rentré en France, sans elle, mais en prenant ses papiers – son passeport algérien et sa carte de séjour française. Elle ne pouvait donc pas revenir dans notre pays. Elle s’est fait refaire un passeport algérien mais, lorsqu’elle s’est présentée au consulat général de France pour demander une nouvelle carte de séjour, elle a été confrontée à une situation de blocage, le consulat ne sachant pas comment traiter son dossier. Plusieurs jours de négociations ont été nécessaires. Disant cela, je n’émets aucune critique envers le consulat ; ce cas précis n’est pas prévu par la loi.
Il est primordial de mettre un terme à ce type de situation afin que les femmes confrontées à de telles difficultés puissent rentrer en France, pays dans lequel elles vivent.
Le présent amendement a donc pour objet de permettre aux autorités consulaires françaises de délivrer un visa de retour à ces femmes.
Cet amendement, qui est presque identique au précédent, introduit une notion supplémentaire, la « tentative d’abandon » de la part du mari, autrement dit une volonté de répudier ou de divorcer et d’utiliser des moyens de fait contre l’épouse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement de notre collègue Mme Garriaud-Maylam a l’avantage d’être codifié. Je vous propose de l’adopter, monsieur Yung, et de retirer le vôtre, qui serait ainsi satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. De nombreuses femmes étrangères bénéficiant d’un titre de séjour, du fait de leur mariage avec un conjoint français, binational ou étranger disposant d’un titre de séjour en France, se voient dérober leurs pièces d’identité et leur titre de séjour à l’occasion de vacances dans leur pays d’origine.
De ce fait, l’épouse ne peut pas rentrer en France et le mari peut engager une procédure de divorce dans le pays d’origine, tout en sachant que les dispositions alors applicables seront moins favorables à la femme que celles qui sont en vigueur en France.
Au regard des préoccupations exprimées, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Je suggère à M. Yung de rectifier son amendement afin de le rendre identique à celui de Mme Garriaud-Maylam ?
M. le président. Monsieur Yung, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Richard Yung. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Yung, Mme Lepage, M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ainsi libellé :
Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 211-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2-2. - Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2, dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. »
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 19 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)