M. le président. L'amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé, Mayet, Doublet, Laurent, Bailly, Pillet et Pinton, est ainsi libellé :
Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'application de cette loi et ses effets escomptés sont subordonnés à la poursuite par le gouvernement français des négociations avec ses partenaires européens et sa volonté politique de faire respecter partout sur le territoire de l'Union européenne les objectifs suivants :
- mise en place de crédits à l'exportation à taux zéro ;
- déblocage des restitutions à l'exportation ;
- remise de l'intervention, en augmentant les volumes concernés, en élargissant les productions soutenues, en garantissant un prix minimum et en anticipant les mises à l'intervention ;
- augmentation du taux d'incorporation des biocarburants dans les carburants fossiles ;
- mise en place d'un programme d'aide alimentaire à destination des pays rencontrant des problèmes de malnutrition ;
- toutes mesures facilitant le stockage.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Dans les débats à venir sur la réforme de la PAC, la France doit avoir comme priorité absolue le maintien ou la mise en place d’outils permettant de gérer les marchés quand éclate une crise comme celle que connaît aujourd’hui le secteur des grandes cultures.
Il est évident que, sans une volonté et des objectifs communs aux pays membres de l’Union européenne, le texte que nous examinons depuis quelques jours ne sera pas efficace. Pis, il nuira parfois aux intérêts des agriculteurs français, car leurs concurrents étrangers n’ont pas à subir les mêmes contraintes, en particulier dans le domaine environnemental.
C’est pourquoi j’avais souhaité, à travers un amendement, que soit mieux évalué le coût global des mesures environnementales en fonction des critères suivants : leur coût pour l’agriculteur, leur valeur ajoutée pour l’environnement, le degré d’harmonisation qu’elles présentent au regard du droit européen, leurs effets avérés sur la santé.
Bien sûr, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, mais, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, on entend des scientifiques affirmer tout et son contraire ! Par exemple, je n’ai rien contre les produits bio, loin de là, car ils sont certainement de qualité, mais un article de presse publié voilà quelques jours sous le titre « Manger “bio” n’est pas meilleur pour la santé » affirmait : « Après examen d’une centaine d’articles scientifiques, deux chercheurs de l’INRA estiment que les aliments “bio” n’ont pas d’effets bénéfiques ». Mieux encore, ces deux mêmes chercheurs expliquaient que, finalement, les nitrates n’étaient pas si toxiques pour l’adulte et qu’il n’était pas dramatique de dépasser le seuil des 50 milligrammes par litre… Comme quoi les scientifiques ne sont pas d’accord sur tout !
Bien sûr, le présent amendement se présente comme une sorte de vœu, mais il faut y voir surtout un appel à la manifestation d’une volonté politique. J’ajoute que, au cours de ce débat, il a beaucoup été question du lait, des fruits et légumes, mais assez peu des grandes cultures, et que cet amendement vise aussi à combler ce manque.
Monsieur le ministre, je sais que vous souhaitez fortement développer la régulation à l'échelle européenne. Néanmoins, je préférerais que soient gravés dans ce texte un certain nombre d’objectifs indispensables, à savoir la mise en place de crédits à l’exportation à taux zéro, le déblocage des restitutions à l’exportation, la remise de l’intervention, l’augmentation du taux d’incorporation des biocarburants dans les carburants fossiles, la mise en place d’un programme d’aide alimentaire à destination des pays rencontrant des problèmes de malnutrition, enfin toute mesure facilitant le stockage.
Mercredi dernier, j’ai rappelé que la politique ultra-volontariste qui est menée aux États-Unis faisait la part belle au soutien public aux agriculteurs. Les exploitants américains bénéficient d’un filet de sécurité remarquable, qui garantit les prix tout autant que les revenus. Pour eux, ainsi que je l’avais dit, c’est « ceinture et bretelles » !
Face à de tels dispositifs, il est important de préciser la volonté du Gouvernement dans le cadre européen, en faisant figurer dans ce texte les différentes mesures et actions que je viens de citer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Monsieur Pointereau, nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, même si les problèmes que vous évoquez sont réels.
À travers le présent projet de loi, nous avons renforcé l’Observatoire des distorsions de concurrence, qui étudiera les mesures prises dans tous les pays européens, mais aussi dans les pays tiers.
Mon cher collègue, les dispositions que vous proposez relèvent plutôt d’une résolution européenne. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. Si tel n’est pas le cas, vous savez quelle sanction l’attend ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Pointereau, vous connaissez la détermination du Gouvernement à soutenir les idées de régulation, notamment le maintien de capacités d’intervention sur les marchés. Nous défendrons cette position demain comme nous l’avons fait hier.
Votre appel a été entendu ! Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 213 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, vous n’êtes donc pas hostile aux objectifs énoncés à travers cet amendement ? Vous acceptez de les défendre à l'échelle européenne ?...
M. Rémy Pointereau. Dans ce cas, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 213 rectifié est retiré.
L'amendement n° 313, présenté par Mme Hoarau, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les départements d'outre-mer et Mayotte la production et la commercialisation d'électricité d'origine photovoltaïque ne sont pas considérées comme une activité agricole. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cette fois encore, je défends un amendement au nom de notre collègue Gélita Hoarau.
À La Réunion, le protocole pour une gestion dynamique et responsable du foncier agricole, signé le 9 juillet 2008, vise à atteindre un objectif de 50 000 hectares de surface agricole utile à l’horizon 2020, et cela pour pérenniser l’ensemble des filières et assurer à La Réunion, conformément aux attentes des auteurs du projet de loi, une « production sûre, diversifiée et de quantité suffisante ».
En effet, selon les estimations fixées par le monde agricole réunionnais, pour atteindre les objectifs concernant tant la culture cannière que la diversification de la production, il faut reconquérir des terres agricoles, à savoir plus de 6 500 hectares à l’horizon 2015, comme je l’ai souligné tout à l'heure en défendant l’amendement n° 312.
Ce protocole prévoit notamment que les projets d’implantation de panneaux photovoltaïques ayant pour incidence de réduire l’espace agricole ne seront mis en œuvre qu’en appliquant le principe de compensation, c'est-à-dire que l’espace consommé sera équilibré par la remise en culture de terrains, afin d’obtenir une productivité au moins égale à celle qui aura été perdue.
Néanmoins, il faut rester vigilant lors de l’étude de chaque projet, afin que la compensation soit effective et ne se limite pas à la réalisation d’une plus-value, dans laquelle la vocation agricole des terres ne serait qu’un alibi. Pour couper court à toute dérive potentielle, il conviendrait de préciser clairement que l’extension de l’activité agricole ne peut concerner, en outre-mer, la production ou la commercialisation d’électricité d’origine photovoltaïque.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La mise en place d’un parc photovoltaïque sur un terrain agricole constitue un changement de destination des terres et nécessitera donc, grâce au présent projet de loi, l’avis de la commission de préservation des espaces agricoles.
Notre avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, contre l’amendement.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement, dont ma collègue de La Réunion a pris l’initiative et que Mme Terrade a défendu, tend à interdire l’installation de fermes photovoltaïques sur les terres agricoles.
Une telle disposition serait en totale contradiction avec le projet de développement durable inauguré par le Président de la République lors de son dernier voyage à La Réunion. Un encadrement très strict de ces installations existe déjà puisqu’un protocole a été signé entre la région, l’État et la chambre d’agriculture afin de limiter les surfaces agricoles consacrées aux fermes solaires.
Enfin, la loi pour le développement économique des outre-mer a fait du développement des énergies renouvelables l’une des priorités de l’outre-mer.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 445, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l'article L. 462-22 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« 2° Au plus tard dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° ….. du …. relative à la modernisation de l’agriculture et de la pêche, pour les baux à colonat en cours à cette date. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Le colonat partiaire est un mode de faire-valoir indirect, une survivance de l’esclavage et de l’engagisme. Le premier contrat de colonage a été établi le 2 janvier 1690 à La Réunion, qui s’appelait alors l’île Bourbon. Le partage des récoltes avait lieu par moitié.
Après l’esclavage et l’engagisme, la règle du « tiercement » a longtemps été utilisée. Aujourd'hui, les produits retirés de l’exploitation sont répartis selon la règle suivante : trois quarts pour le preneur, un quart pour le bailleur.
Ne correspondant plus aux besoins et aux évolutions de l’agriculture, le colonat partiaire a nettement régressé ces dernières années, avec une diminution de 92,2 % du nombre des hectares exploités et de 95,6 % de celui des colons.
Le bail à colonat partiaire n’est pas le métayage de métropole, même s’il a été assimilé à ce mode d’exploitation par le législateur en 1961. Il est régi par une législation différente, en ce qui concerne la direction de l’exploitation, par exemple, ou les règles du droit de préemption.
La crainte, évoquée à plusieurs reprises, de voir un métayer métropolitain profiter de l’abolition du colonat dans les DOM pour, à son tour, réclamer la qualification de son contrat en bail à ferme n’est pas fondée. En effet, cet exploitant peut déjà procéder à une telle opération par le biais de l’article L. 417-11 du code rural et de la pêche maritime.
La loi d’orientation agricole de 2006 a prévu la conversion automatique, dans les départements d’outre-mer, des baux à colonat en baux à ferme à l’expiration d’un délai de neuf ans. Toutefois, dans les faits, la procédure reste le plus souvent bloquée par l’inertie du propriétaire.
Ce qui pose problème au propriétaire, ce n’est pas la conversion en elle-même, ce sont plutôt les modalités du nouveau bail. Le colon est alors confronté à l’alternative suivante : soit assigner le propriétaire devant le tribunal des baux ruraux, soit renoncer à la conversion, ce qu’il fait le plus souvent.
Mes chers collègues, depuis 1945 de nombreux aménagements législatifs ont été mis en place pour faire disparaître progressivement le colonat partiaire. Aujourd'hui, dans une logique de modernisation et de professionnalisation de l’agriculture, et dans un souci de justice sociale, nous devons mettre fin à ce système inégalitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission avait, dans un premier temps, émis un avis défavorable sur cet amendement. Cependant, après avoir entendu les arguments tout à fait convaincants de Mme Payet, et après un examen très attentif de ses observations, je dois dire que j’y suis plutôt favorable, et même très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 24.
L'amendement n° 447, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° du relative à la modernisation de l’agriculture et de la pêche, le Gouvernement dépose un rapport visant à faciliter l’écoulement des productions agricoles locales dans les services de restauration scolaire et universitaire publics et privés des départements d’outre-mer, et ce notamment par la modification du code des marchés publics.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 477, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et Tuheiava, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin de la seconde phrase de l'article L. 5141-4 du code général de la propriété des personnes publiques, les mots : « dans un délai fixé par décret en Conseil d'État » sont remplacés par les mots : « avant le 31 décembre 2016 ».
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. La surface agricole utile en Guyane ne représente que 0,3 % de la superficie du département. Pourtant, l’occupation sans titre domine, comme en témoigne le dernier recensement agricole, qui estime à près de 75 % la part des agriculteurs de Guyane exerçant leur activité sans aucun titre foncier.
Ces occupations spontanées sont handicapantes et constituent un obstacle considérable à l’obtention des différents prêts agricoles et des aides au développement agricole du FEOGA et du FIDOM.
Devant la multiplication des implantations illégales de lotissements semi urbains-semi agricoles, la réforme de l’accès au foncier aménagé est devenue une priorité et s’est intensifiée à partir de 2003 avec la mise en place du plan de développement durable de l’agriculture guyanaise.
Afin que se poursuive la régularisation de ces occupants sans titre, nous proposons, par cet amendement, la prorogation de dix ans de la date butoir figurant dans l’ordonnance du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l’État en Guyane et modifiant le code du domaine de l’État.
Il convient de rappeler que 90 % du foncier en Guyane appartient à l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission émet un avis favorable. Nous sommes en effet partisans de la régularisation des agriculteurs sans titre et du report de dix ans de la date butoir fixée en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 24.
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par MM. Bailly, Doublet et Laurent, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi d'adaptation de l'agriculture et de la pêche
La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. J’ai bien conscience que cet amendement ne connaîtra sans doute pas le même sort que celui qui vient d’être défendu !
Je crois l’avoir déjà dit, je pense, comme d’autres collègues, qu’il aurait été plus exact et plus opportun de parler, à propos de ce texte, de l’adaptation de l’agriculture et de la pêche que de leur modernisation. Je pense que tous nos débats et toutes les dispositions que nous avons votées en témoignent.
C’est bien d’adaptation qu’il a été question quand il s’est agi de la qualité des produits agricoles et de la satisfaction des besoins des consommateurs, de la contractualisation et plus largement, des dispositions relatives à la mise en marché et aux grandes et moyennes surfaces.
De même, notre objectif a été d’adapter l’agriculture aux réglementations européennes et à la création d’un observatoire de la formation des prix et des marges.
C’est encore l’adaptation de l’agriculture française qui est en cause lorsqu’on s’efforce de clarifier les compétences des interprofessions, de mettre en place une assurance récolte ou qu’on trouve des solutions pour lui permettre de faire face aux aléas divers.
Les chambres d’agriculture, la préservation des terres agricoles, les énergies renouvelables, la conservation du patrimoine forestier : autant de sujets qui nous ont amenés à souligner la nécessité d’une adaptation de l’agriculture française.
De plus, je considère que notre agriculture s’est considérablement modernisée dans les années 1970 et 1980 et qu’elle continue à le faire. On le lui a même parfois reproché !
Ce texte, tel qu’il est intitulé, semble adresser aux agriculteurs une injonction de modernisation. Or les paysans ont déjà le sentiment d’être perçus, par un certain nombre de nos concitoyens, comme retardataires par rapport au reste de la société. Il n’est que d’évoquer les robots des salles de traite ou les tracteurs munis de GPS pour montrer que nos agriculteurs ont, au contraire, adopté des méthodes très modernes !
Autrement dit, l’intitulé actuel du projet de cette loi peut même avoir quelque chose de blessant pour les agriculteurs. Et ceux-ci pourraient en outre trouver paradoxal qu’on leur enjoigne de se moderniser tout en leur reprochant certains investissements productifs.
Telles sont les considérations qui ont motivé le dépôt de cet amendement.
Toutefois, n’ignorant pas que le Gouvernement emploie depuis longtemps, à propos de ce projet de loi, le terme « modernisation » et ne souhaitant pas placer M. le ministre dans une situation difficile, je retire mon amendement pour qu’il n’ait pas à me demander de le faire ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaite aussi, en cet instant, expliquer mon vote sur l’ensemble du projet de loi, car mon train ne va pas tarder à partir, et il ne m’attendra pas ! (Rires.)
Les paysans travaillent sur le vivant, sont soumis aux caprices de la terre, aux aléas climatiques, ne sont à l’abri ni des maladies animales ni des maladies végétales. Ils ne sont guère plus protégés contre les bouleversements économiques et les variations des prix.
Cette loi constituera, je pense, un bon remède. Peut-être n’apportera-t-elle pas à elle seule la guérison complète, mais le travail accompli ici va assurément dans le bon sens et je voterai le texte qui ressort de nos débats. Je souhaite en tout cas qu’il soit, pour notre agriculture, un facteur de réussite !
M. le président. L'amendement n° 76 est retiré.
Monsieur Bailly, on ne rate jamais un train : on prend le suivant ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard César, rapporteur, et Mme Nathalie Goulet. Quand il y en a un ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Dans un contexte général d’une gravité extrême pour le monde agricole, je rappelle que les agriculteurs normands, y compris ceux de l’Eure, ont vu leurs revenus nets diminuer de 63,5 %, alors que la moyenne nationale n’est « que » de 33,79 %.
Chacun attendait donc beaucoup de ce texte.
Malgré la qualité de nos échanges, malgré la compétence de M. le ministre, sa volonté et son ambition constantes de défendre l’agriculture et la pêche, malgré le travail remarquable de la commission et du Sénat dans son ensemble, ce débat ne tient pas ses promesses.
Cela dit, j’espère, vu le faible nombre de sénateurs présents en cet instant, que les agriculteurs n’observent pas nos débats : ils mettraient alors légitimement en doute l’intérêt que porte la Haute Assemblée à leur profession…
Nous avons bien compris que beaucoup de dispositions étaient de nature communautaire ou réglementaire. Il reste que, à titre personnel, je suis déçue devant le peu qui est fait pour la protection du foncier agricole, qui est, comme nos collègues ultramarins l’ont encore souligné tout à l’heure, un problème majeur.
À cet égard, les dispositions des articles 12 A et 12 B sont très en deçà de ce que l’on attendait.
Lorsque, à l’automne dernier, nous avons débattu des crédits de la mission dont vous êtes en charge, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à ce que la question des terres agricoles soit abordée dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture.
Nous avons l’habitude de voir des dispositions renvoyées à un futur projet de loi, à une future proposition, à une future commission ou, depuis la réforme constitutionnelle, à une future résolution européenne. Je crois cependant nécessaire d’étudier avec le plus grand sérieux les importants problèmes posés par la spéculation foncière et la gestion du foncier agricole. Or je doute que le texte que nous nous apprêtons à voter le permette.
Ce texte comporte des dispositions nombreuses et variées, instaurant une politique de l’alimentation, prévoyant des mesures sociales et fiscales. Cela peut en partie être imputé à la diversité et à l’ampleur de vos compétences ministérielles. Certaines propositions tendaient même à modifier la loi de modernisation de l’économie ! Vous vous y êtes d’ailleurs opposé, au motif que ce n’était pas là le véhicule adéquat, sauf, bien sûr, lorsqu’il s’est agi d’un de vos propres amendements.
Chaque point de ce texte a ainsi constitué un sujet de débat. Il est toutefois un thème qui devrait être traité pour lui-même : celui du lien entre alimentation et santé. Ce débat est d’autant plus nécessaire que la diminution du budget du ministère de la santé a été annoncée. Nous avons eu l’an dernier, sur l’initiative de M. Dériot, un débat sur l’obésité, mais je crois que la représentation nationale est prête à débattre globalement de ce dossier majeur.
En dépit du plaisir nous avons eu à voter l’article 1er, y compris les mesures introduites grâce à M. Fortassin en ce qui concerne la formation du goût, je crains que ces dispositions, qui créent une sorte de droit opposable à une alimentation de bonne qualité, financièrement abordable et goûteuse, ne soient difficilement applicables.
S’il est intéressant d’avoir évoqué le lien entre agriculture et alimentation, nous avons passé un temps considérable à débattre de déclarations de principe qui ne débouchent sur rien de vraiment concret. Nous avons cependant évité le pire à propos des semences fermières.
C’est avec beaucoup de satisfaction que nous avons voté l’article 1er quater et assuré la pérennisation de l’enseignement agricole, cher à notre collègue Mme Férat comme à moi-même.
Au total, ce texte semble illustrer le dicton bien connu : qui trop embrasse mal étreint.
Je le voterai néanmoins en espérant que les prochains textes que vous nous présenterez, monsieur le ministre, seront plus courts, plus précis, plus techniques aussi. Le secteur agricole mérite plus de débats techniques et moins de postulats de principe.
Je souhaiterais enfin aborder un problème dont vous n’êtes nullement responsable, monsieur le ministre, puisqu’il touche à l’organisation de nos travaux. Du fait de l’encombrement du calendrier parlementaire, l’examen de ce texte a été erratique et saucissonné : il nous a fallu, au cours de ces deux semaines, faire de la place non seulement pour des questions cribles sur le thème « pouvoir et médias » et une question orale avec débat consacré à la gendarmerie, mais aussi pour plusieurs discussions en deuxième lecture ou après réunion d’une commission mixte paritaire. Tout cela a, bien entendu, considérablement altéré le rythme de ce débat tant attendu sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Toutefois, votre réelle compétence et votre écoute attentive, monsieur le ministre, ont rendu ces travaux plus faciles, même si les heures que vous avez dû passer au banc du Gouvernement relèvent du stakhanovisme, voire du cauchemar ! (M. le ministre sourit.)
Je voterai ce texte, mais en soulignant encore une fois que certaines dispositions demeurent très insuffisantes. J’espère que nous aurons très bientôt l’occasion de les compléter.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Avant d’en arriver à des sujets susceptibles de fâcher, je me joins à ma collègue pour souligner à quel point nous avons apprécié, monsieur le ministre, votre disponibilité, mais aussi le soin que vous avez mis à répondre à tous nos amendements : vous avez ainsi largement contribué à la qualité de nos débats. Je salue également l’excellent travail de la commission. Tout cela nous aura permis de surmonter des conditions de travail loin d’être agréables !
Les débats ont été longs, mais très riches, en dépit des modifications incessantes de l’ordre du jour.
Il est difficilement compréhensible qu’un texte qui fait l’objet de la procédure accélérée puisse être ainsi tronçonné, étudiée en pointillé, et que l’on doive en débattre six à sept nuits durant quand certaines séances de jour étaient consacrées à d’autres textes ou débats !
Cela devait être dit et j’en viens à présent au fond.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré, au début de la discussion, qu’il fallait veiller à ce que cette loi ne suscite pas d’espoirs excessifs chez les agriculteurs. Force est de reconnaître que, de ce point de vue, le texte issu de nos travaux doit malheureusement vous combler !
En outre, les annonces de M. le Premier Ministre sur la rigueur budgétaire à venir risquent fort de faire échec à ce qui a été voté ici.
Je relève que seulement une vingtaine de nos amendements ont été adoptés, et encore ceux-ci ne portaient-ils pas sur des questions de fond. En revanche, monsieur le ministre, vous avez toujours souligné la légitimité de nos intentions, ajoutant que vous compreniez nos revendications. Mais vous n’êtes qu’exceptionnellement allé jusqu’à émettre un avis favorable…
En orientant l’agriculture vers l’alimentation, vous lui donnez sans doute une nouvelle légitimité. Cependant, la politique agricole ne saurait se résumer à une politique de l’alimentation. Sinon, nous risquons de perdre de vue l’importance qu’il y a, d’une part, à maintenir un maillage agricole fort dans nos territoires et, d’autre part, à assurer aux agriculteurs un revenu enfin décent.
Nous ne pouvons accepter la logique qui sous-tend l’objectif affirmé dans la loi de modernisation de l’économie, c'est-à-dire la compétitivité coûte que coûte et les prix les plus bas possibles ! Hélas, nous avons bien compris qu’il n’était pas question de remettre cette logique en cause.
Selon nous, la compétitivité agricole de la France repose essentiellement sur la qualité de ses produits, sur leur image dans le monde, sur des savoir-faire, sur des terroirs clairement identifiés et sur le respect de normes sanitaires et environnementales élevées.
C’est pourquoi nous avons plaidé, tout au long de l’examen du projet de loi, pour le maintien d’une régulation publique et d’une politique agricole volontariste concernant l’installation, la revalorisation des retraites agricoles, le contrôle des structures et de la production, la promotion des signes de qualité. Mais, sur tous ces points, nous n’avons obtenu aucun engagement clair, ni dans le texte ni de votre part, monsieur le ministre.
Comment, dans ces conditions, aider nos agriculteurs à surmonter cette crise que nous sommes ici unanimes à dénoncer ? Si les contrats proposés par le Gouvernement peuvent avoir leur utilité, la situation des agriculteurs a peu de chances de s’améliorer puisque aucune notion de prix garanti, de prix plancher ou de prix couvrant au moins les coûts de production n’a été acceptée. On peut craindre le pire dans le contexte créé par l’adoption de la LME, où les relations commerciales sont encore plus opaques et déséquilibrées.
Les interprofessions se voient confier des missions d’intérêt général, alors que leur représentativité pose problème puisque seuls les syndicats majoritaires y siègent. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a le mérite d’exister, mais il n’aura pas le statut de « donneur d’alerte » que nous souhaitions lui donner.
Nous avons dit notre volonté de préserver une agriculture forte, performante, éco-productive, rémunératrice, plus juste, plus équitable, pourvoyeuse d’emplois, qui garantisse des systèmes de production variés et qui aménage le territoire.
Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, avoir les mêmes objectifs ; nous en avons pris note, mais nous constatons malheureusement que le projet de loi ne reflète pas cette position.
Vous avez souvent déclaré vouloir orienter l’agriculture vers les attentes des consommateurs en termes de qualité et de respect de l’environnement. Or, de notre point de vue, vos propositions sont plutôt de nature à favoriser un modèle encore trop souvent uniquement tourné vers l’exportation et déconnecté des territoires.
En ce qui concerne la pêche, il est important de redire que l’avenir de la France est aussi maritime. Dans ce domaine, nous ne partageons pas non plus les choix que vous avez effectués, parmi les divers scénarios possibles, pour restructurer la filière.
Pour ce qui est de l’outre-mer, nous n’avons pas trouvé dans ce projet de loi de mesures concrètes propres à favoriser le développement endogène, et donc un renforcement de l’agriculture et des pêches. Mais les conditions dans lesquelles nous avons travaillé ne nous ont peut-être pas permis de porter toute l’attention nécessaire sur ce volet du texte.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, en regrettant que nos amendements n’aient pas davantage été pris en considération, nous voterons contre ce projet de loi.