M. Alain Houpert. Madame la secrétaire d’État, la pratique de l’archivage en imagerie médicale est aujourd'hui remise en cause.
En effet, une décision du 21 juillet 2009 rendue par le Conseil d’État annulant « l’arrêté du 10 septembre 2007 pour autant qu’il approuve les stipulations qui, à l’article 4 de l’avenant 24 à la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes, créent une option conventionnelle dite d’archivage » a pour conséquence la suppression de l’option d’archivage des images médicales numériques au motif que, dans le cas où elle introduit des réserves de facturation, « l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, ne peut ainsi, sans méconnaître sa compétence, renvoyer aux partenaires conventionnels le soin d’en définir les conditions ».
De plus, l’UNCAM demande aux médecins qui avaient adhéré à cette option de rembourser les suppléments versés postérieurement à cette décision. Cette demande de remboursement des suppléments d’archivage déjà versés, décidée par l’UNCAM, pénalise les patients et les médecins, qui ont pourtant respecté les contraintes de qualité du cahier des charges de l’option d’archivage en investissant lourdement dans des systèmes coûteux, avec des financements sur quatre à cinq ans.
D’un point de vue médical, l’archivage est indispensable à l’amélioration de la qualité des examens en ce qu’il permet de conserver les documents radiologiques dans une base numérique sécurisée. Il offre ainsi un suivi efficace des examens radiologiques en rendant possible tant leur reproduction que leur comparaison. L’archivage est la clé d’un certain nombre d’avancées médicales majeures. Il est indispensable pour la mise en place du dossier médical personnel, de la télé-imagerie ou de la télé-expertise. Il permet encore d’améliorer considérablement l’organisation et l’efficacité du dépistage du cancer du sein, entre autres.
Dans une telle situation, il appartient à la Caisse nationale de l’assurance maladie de prendre les dispositions nécessaires pour qu’un nouvel accord sur l’archivage, tenant compte de la décision du Conseil d’État, assure le maintien des objectifs de la mise en place de l’archivage. Or la CNAM s’y refuse, alors qu’un protocole d’accord avait été rédigé dès le début du mois de décembre 2010.
Mme la ministre de la santé et des sports entend-elle donner les instructions nécessaires afin qu’il soit remédié au plus vite aux lacunes nées de l’annulation de l’article 4 de l’avenant 24 à la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, vous interrogez la ministre de la santé et des sports sur les dispositions à prendre concernant l’archivage en matière d’imagerie médicale.
L’Union nationale des caisses d’assurance maladie a créé le 23 août 2007 une cotation spécifique pour financer l’archivage numérique des actes de radiologie. Sa facturation était toutefois réservée aux seuls médecins ayant adhéré à une option conventionnelle créée par l’avenant 24 à la convention médicale et exerçant majoritairement en secteur libéral.
Le Conseil d’État, dans son arrêté du 21 juillet 2009, a annulé cette cotation spécifique au motif que la création d’une telle option relevait de la compétence de l’UNCAM et non des partenaires conventionnels.
Cet arrêt aurait dû entraîner de la part de l’UNCAM une récupération de tous les versements qui avaient été faits au titre de cet avenant et qui étaient donc indus. Roselyne Bachelot-Narquin a toutefois demandé à l’UNCAM qu’elle renonce à cette récupération, ce qui a été annoncé lors de la réunion de la commission de hiérarchisation des actes et prestations du 11 février 2010.
En outre, cette suppression ne remet pas en cause le développement de la radiologie ni la qualité des soins dispensés à nos concitoyens. En effet, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés a souligné, dans un rapport remis en juillet 2008, que les actes de radiologie bénéficient de marges nettes élevées, du fait d’importants gains de productivité, qui ont permis de réduire fortement les charges réelles supportées par les radiologues, et d’une croissance très rapide en volume.
La prise en charge des actes de radiologie, qui s’est concrétisée notamment par le supplément de numérisation des images radiologiques, représente un effort important pour l’assurance maladie. Le coût cumulé de ce supplément, créé en 1991, dépasse, en 2009, un milliard d’euros. Ces dépenses sont en progression constante, même après les baisses de tarif intervenues en 2007 et la modification, en 2009, des règles d’association d’actes de radiologie.
Depuis 2003, le nombre de scanners et d’IRM a respectivement augmenté de 35 % et de 86 % et, sur les onze premiers mois de l’année 2009, la valeur des actes de scanners et d’IRM a progressé respectivement de 9 % et de 13 %.
S’agissant du supplément pour archivage numérique, précisons qu’un certain nombre d’établissements de santé et de cabinets de radiologues libéraux se sont équipés d’un système d’archivage, en l’occurrence le système de communication et d’archivage des images – qu’on désigne aussi par l’acronyme anglais PACS –, avant même l’introduction de ce supplément dans la nomenclature.
Un tel investissement a été largement autofinancé, grâce à la réduction, qui peut atteindre 50 %, du budget accordé aux films et aux produits chimiques.
Pour toutes ces raisons, la suppression du forfait d’archivage numérique ne remet nullement en cause le développement de la radiologie. En outre, elle amène les radiologues à faire bénéficier la collectivité des gains de productivité enregistrés dans leur secteur, ce qui concourt à préserver notre système solidaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de cette réponse.
Je sais gré à Mme Bachelot-Narquin d’avoir demandé à l’UNCAM de renoncer à la récupération des versements indus.
Pour autant, je ne suis pas totalement d’accord avec sa position. Je suis moi-même radiologue et je ne voudrais pas être suspecté de corporatisme, mais je me dois d’insister sur le recul de la radiologie de proximité, dont témoigne la fermeture de nombreux cabinets de province, en raison de la baisse de cotation des examens et de la suppression de la cotation de l’option archivage.
Une telle situation ne permet pas de mener une véritable politique d’aménagement du territoire dans son volet relatif à la démographie médicale, car, je le rappelle, la médecine ne peut aujourd'hui se pratiquer sans imagerie médicale.
construction d'un nouvel hôpital à melun
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 809, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Yannick Bodin. Ma question concerne la construction du nouvel hôpital de Melun, dans le sud de la Seine-et-Marne.
Le 13 janvier 2009, voilà donc maintenant plus d’un an, j’avais interrogé Mme la ministre de la santé et des sports sur la plateforme hospitalière de 650 lits qui devait être réalisée sur le territoire de la ville de Melun à l’horizon 2012, dans le cadre d’un projet médical, validé par l’Agence régionale de l’hospitalisation, commun à l’hôpital Marc Jacquet et à la clinique privée Les Fontaines. Le projet avait déjà accumulé un certain retard, les discussions étant engagées depuis 2004 avec les services du ministère. La ministre, par la voix de M. Bernard Laporte, alors secrétaire d'État, m’avait alors affirmé qu’il serait validé au second semestre 2009. Il n’en a rien été !
Alors que les élus locaux étaient toujours en attente d’un geste du ministère, Mme Bachelot-Narquin, dans un courrier du début de cette année, demandait que soit mis à profit le délai précédant le dépôt formel des dossiers à l’Agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France, afin de finaliser la réflexion. Il était également précisé que le projet ferait « l’objet d’une instruction très constructive de la part des services du ministère ». J’en conclus donc que cela n’avait pas été fait au moment des engagements pris en 2009…
Aujourd’hui, on nous annonce que la décision sera prise au cours du premier semestre 2010 – il va falloir se dépêcher ! –, l’ouverture du site étant prévue pour la fin 2013 ou le début 2014.
De plus, malgré la demande des partenaires locaux, le projet n’est toujours pas inscrit dans le plan Hôpital 2012.
Au moment de la première réponse de Mme la ministre, d’immenses panneaux avaient déjà été dressés sur le terrain du futur hôpital, les terrains ayant été acquis par la ville de Melun et la communauté d’agglomération de Melun-Val-de-Seine et les crédits pour les études étant engagés. À en croire ces panneaux, l’hôpital devait ouvrir ses portes en 2012. Qu’en est-il aujourd’hui ? Devons-nous les faire disparaître ou modifier simplement le message qu’ils portent ?
Madame la secrétaire d’État, sachez-le, l’inquiétude grandit chez les élus locaux, lesquels recueillent, depuis le début du mois de février, des signatures pour une pétition – c’est le début d’une phase nouvelle –, afin que le ministère s’engage par écrit en faveur de cette plateforme hospitalière, qui concernera tout de même 250 000 à 300 000 habitants.
Quand cet engagement écrit, ferme et définitif sera-t-il pris par le ministère ? Quand le futur hôpital du sud de la Seine-et-Marne sera-t-il enfin réalisé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger la ministre de la santé et des sports sur le devenir du projet de plateforme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne, localisée à Melun.
Roselyne Bachelot-Narquin souhaite aujourd’hui dissiper les inquiétudes dont vous venez de vous faire l’écho et que le Gouvernement estime infondées.
Le report de l’examen du projet de construction de la plateforme hospitalière de Melun, dans le cadre de la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, a été annoncé depuis longtemps. La première version du projet ne pouvait pas être instruite dans le cadre de la première tranche du plan, car elle nécessitait d’être approfondie. Ce projet est, en effet, à la fois complexe et ambitieux puisqu’il vise à la reconstruction complète du centre hospitalier de Melun et de la clinique Les Fontaines.
En raison des sommes en jeu – près de 230 millions d’euros selon les dernières évaluations –, il nous paraît légitime d’attendre des porteurs de projet un dossier irréprochable. Vous le comprendrez, le Gouvernement ne peut pas engager les ressources de l’assurance maladie sans avoir toutes les garanties nécessaires.
Mme la ministre de la santé et des sports sera particulièrement attentive à ce que cette plateforme permette une véritable mutualisation des activités, afin de garantir l’optimisation de la qualité de la prise en charge des patients et la réalisation des gains d’efficience indispensables pour équilibrer l’opération sur le long terme. La recherche d’un juste dimensionnement doit par ailleurs être au cœur de la réflexion.
Depuis le dépôt de la deuxième version du préprogramme, les deux établissements partenaires, en liaison avec l’agence régionale de l’hospitalisation, ont beaucoup travaillé en vue d’approfondir et de préciser l’ensemble des points qui le nécessitaient. Nous ne doutons pas qu’ils seront prochainement en mesure de présenter un dossier solide.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle soit profondément décevante. En effet, vous m’avez répété très exactement les propos tenus par M. Bernard Laporte voilà un an ! Autrement dit, personne ne sait quand seront rendues les conclusions relatives à la réalisation de cet hôpital.
Nous voyons, dans le nord du département, le nouvel hôpital de Lagny-sur-Marne se construire à Jossigny. Celui de Fontainebleau fait également l’objet d’une reconstruction. Croyez bien que la population de Melun sera vraiment très déçue de relire quasiment mot pour mot ce qui a été dit par le ministère voilà un an.
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Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Alain Chatillon membre du Conseil supérieur de l’aviation civile, créé en application de l’article D. 370-4 du code de l’aviation civile.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Grand Paris
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (projet de loi n° 123, texte de la commission n° 367, rapport n° 366).
Rappel au règlement
M. David Assouline. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Au nom de mon groupe, je demande solennellement le retrait de l’ordre du jour de ce projet de loi illégitime, élaboré au mépris de la démocratie locale et de l’article 1er de la Constitution aux termes duquel notre République est décentralisée, au mépris de la place et du rôle que la Haute Assemblée, chambre représentative des collectivités locales, occupe dans l’élaboration de la loi quand il s’agit de l’organisation territoriale, au mépris enfin de la volonté exprimée lors des dernières élections régionales par le peuple souverain lequel, rejetant la liste qui portait ce texte, a confirmé l’équipe de M. Huchon, qui s’y opposait avec la plus grande fermeté.
En effet, la création du secrétariat d’État chargé du développement de la région-capitale et la mise en chantier par celui-ci, sans aucune concertation, du projet de loi relatif au Grand Paris, viennent remettre en cause le principe posé à l’article 1er de la Constitution et les instruments d’action qui permettent de le faire vivre.
Le schéma directeur de la région d’Île-de-France, ou SDRIF, issu d’une très large concertation menée avec l’ensemble des collectivités et définitivement adopté par l’assemblée régionale le 25 septembre 2008, n’a toujours pas été transmis au Conseil d’État. Malgré des assurances publiques, le projet de métro automatique, dit « Grand huit », apparaît comme concurrent, ne serait-ce qu’au titre des financements de l’État, du plan de mobilisation régional, qui a été élaboré par la région avec Paris et les conseils généraux.
Approuvé par le conseil régional le 18 juin 2009, le protocole d’intention passé avec la Ville de Paris, l’ensemble des conseils généraux d’Île-de-France et le STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France, représente un investissement de 18 milliards d’euros destiné à répondre aux principales urgences.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous êtes tous attachés à la place spécifique de la Haute Assemblée. Or, comme vous le savez, M. Jean-Pierre Bel, au nom des membres de mon groupe, vous a adressé une lettre pour vous alerter et pour souligner qu’il n’était pas admissible, en vertu de l’article 39 de la Constitution – « Les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat » –, que le présent texte soit examiné d’abord par l’Assemblée nationale.
En outre, le Gouvernement a décidé l’urgence, nous privant ainsi d’un débat parlementaire digne de ce nom.
M. Nicolas About. On parle de procédure accélérée depuis la dernière révision constitutionnelle !
M. David Assouline. Le recours à la procédure d’urgence pour délibérer d’un projet devant se concrétiser « dans vingt ans » prêterait à rire si ce n’était de l’avenir des Franciliens qu’il s’agissait ! Est-ce là votre conception de la revalorisation – je sais que vous y êtes attachés – du Parlement en général et du Sénat en particulier ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous n’ignorez pas le vote exprimé par les Franciliens voilà deux semaines à peine. Certains dans notre pays se sont interrogés sur la part prise respectivement dans ce scrutin par la volonté nationale et les intentions locales. S’il y a un endroit où tout fut entremêlé, fusionné même, c’est bien l’Île-de-France ! Mme Pécresse a tout de suite placé sa campagne sous le signe de votre projet de loi. Ministre elle-même, d’autres membres du Gouvernement figuraient également sur sa liste. C’est elle qui a demandé aux Franciliens de soutenir le projet du Président de la République.
M. Nicolas About. M. Huchon, lui, réclamait un vote anti-Sarkozy !
M. David Assouline. Le chef de l’État qui, rappelons-le, n’avait pas défendu ce projet devant les électeurs lors des élections présidentielles en 2007, a reçu Mme Pécresse à l’Élysée, en pleine campagne pour les élections régionales, afin de l’assurer de son soutien !
Le résultat est sans appel : 43 % pour le Grand Paris, qui d'ailleurs n’a de grand que le nom, 57 % pour M. Huchon, dont le projet régional, ainsi validé par les électeurs, s’oppose à celui du Gouvernement !
M. Nicolas About. M. Huchon n’a jamais évoqué ce sujet !
M. David Assouline. Le vote d’une nette majorité de Franciliens, vous ne l’écoutez pas non plus !
Voilà pourquoi, au nom de mon groupe, je me permets de vous redire, en pesant mes mots, que votre projet de loi est illégitime, et je vous demande de le retirer. Si vous ne le faites pas, au moins levez l’urgence et donnez le temps au débat, surtout avec les collectivités locales.
En effet, ce « Grand huit » ressemble plutôt à un manège infernal ou à un train fantôme, avec en prime un saut à l’élastique dans le vide. Et encore, permettez-nous de douter qu’il y a bien un élastique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Monsieur le sénateur, je répondrai d’un mot à la partie de votre questionnement qui m’était adressée.
Tout d’abord, après avoir été saisi, notamment par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, j’ai interrogé le Premier ministre sur l’objet visé par ce texte. Cette question a été examinée en conférence des présidents. Aujourd'hui, ce point est clair.
Ensuite, on laisserait croire que nous n’avons pas travaillé. La commission spéciale, qui a été créée pour l’occasion – je le dis devant son président et son rapporteur –, a procédé à plus de cinquante auditions, consacré sept heures à l’examen des amendements, réalisé des déplacements sur le terrain, notamment en se rendant sur le plateau de Saclay puisque celui-ci suscitait un certain nombre d’interrogations. Elle a également tenu plusieurs tables rondes. Quant à la conférence des présidents, dans le cadre de la prévisibilité qu’elle s’efforce d’apporter à nos débats, elle a réservé près de vingt-huit heures de séance publique à ce texte. Vous voyez combien nous attachons d’importance aux travaux du Parlement !
Je crois savoir que deux motions et deux cent quatre-vingt-neuf amendements ont été déposés sur ce texte, dont le Sénat pourra donc débattre largement.
Enfin, il ne m’a pas échappé que les dispositions d’une quinzaine d’amendements qui avaient été déposés à l’Assemblée nationale par des groupes d’opposition ont été reprises telles quelles par la commission spéciale et figurent donc dans ce texte, dans son état actuel.
Telle est la réponse que je pouvais vous apporter en ce qui concerne la valorisation du Parlement et de son travail.
Discussion générale
M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord remercier tous les membres de votre commission spéciale, qui, tout au long de nos discussions et des nombreuses auditions, ont contribué de manière très constructive à l’amélioration de ce projet de loi.
Mes remerciements s’adressent tout particulièrement au président de la commission spéciale, M. Jean-Paul Emorine, et au rapporteur de cette dernière, M. Jean-Pierre Fourcade, pour leur exigence et leur engagement au service de ce texte relatif au Grand Paris.
Notre débat intervient deux semaines après les élections régionales.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Vous me permettrez de rappeler brièvement ce que j’ai déclaré devant la commission spéciale, à savoir que le projet de loi qui vous est présenté était en tous points respectueux des compétences de la région et ne contestait en rien la légitimité de l’exécutif régional.
Mme Nicole Bricq. Qu’est-ce que cela aurait été sinon !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Permettez-moi également de rappeler que l’État, sur la totalité du territoire, peut et doit exercer ses compétences relatives à l’intérêt national chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Je constate d’ailleurs que, dans la région d’Île-de-France comme partout ailleurs, nul ne conteste cette légitimité à agir. C’est dans le cadre de cette compétence d’intérêt national que le Gouvernement a saisi le Parlement de ce projet de loi sur le Grand Paris.
Ce sera donc en visant à rendre complémentaires leurs efforts dans le cadre de leurs compétences respectives et avec leurs moyens propres que, sans confondre leurs missions, l’État et la région, ensemble, pourront réaliser le plus rapidement possible le projet du Grand Paris, au service d’une ambition nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde dans lequel nous vivons change très vite. Ces transformations suscitent des inquiétudes chez nos concitoyens, qui en mesurent précisément les risques, sans en saisir les éventuelles promesses. Ils ont l’impression que la France n’a plus de prise sur les évolutions du monde. Comme si nous étions collectivement incapables de répondre aux grandes questions qui se posent à nous : comment être compétitifs sans abdiquer notre modèle social ? Comment développer notre industrie sans sacrifier notre environnement ? Comment placer la culture et la qualité de vie qui caractérisent l’identité française au cœur de notre société ? Avons-nous les potentiels et les modes d’organisation qui nous permettent, collectivement, d’entrer dans le nouveau monde du XXIe siècle ?
Hier, le monde, tel que l’a décrit Fernand Braudel, s’appelait la mer Méditerranée. Ensuite, il fut européen, s’étirant de Venise à Bruges, et c’est dans cet espace, au contact des foires de Champagne, que Paris se mit à rayonner. Puis, ce furent les deux rivages de l’Atlantique, entre l’ancien et le nouveau monde, entre Londres, Paris et Amsterdam, d'une part, et New York, d'autre part.
Notre peuple a rayonné dans chacune de ces histoires du monde. Aujourd’hui, ce dernier se déplace entre les deux rives du Pacifique, entre les États-Unis et la Chine, entre San Francisco-Los Angeles et Shanghai-Tokyo. Et dans ce monde-là, nous nous interrogeons sur le rôle et la place de la France et de l’Europe.
Notre chance – nous ne l’avons pas encore suffisamment compris –, c’est que nous disposons des potentiels du XXIe siècle dominé par l’économie de la connaissance et de l’innovation. Les villes-monde sont les plates-formes où s’opèrent les échanges de cette économie.
Les villes-monde sont les lieux de convergence du savoir, de l’innovation et de la création. Elles sont les centres névralgiques des activités économiques, financières, mais aussi scientifiques, technologiques et culturelles. Paris se trouve encore dans le peloton des quatre premières villes-monde, avec New York, Londres et Tokyo, mais dans la ligne de mire de Shanghai et de Bombay.
Aujourd’hui, les flux d’échanges sont multipliés. Ils s’étirent aux dimensions de la planète. Les villes-monde autour desquelles ces échanges s’organisent ont atteint une intensité inédite. Parmi elles, Paris figure encore au premier rang. Mais pour combien de temps ?
Deux mille ans d’histoire nous ont légué une ville superbe, mais une métropole mal adaptée aux défis du XXIe siècle. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions ou si nous ne nous donnons pas les moyens d’agir, Paris sera rapidement distancée dans la compétition.
Si le Grand Paris est une ville-monde rayonnante et dynamique, il attirera sur le pays les échanges de biens, d’investissements et d’intelligence. Fonctionnant en réseau avec toutes les villes de France, c’est un système d’enrichissement mutuel permanent. Toutes les villes de France seront renforcées par la puissance du Grand Paris.
À l’inverse, si nous laissons la métropole parisienne perdre doucement des points chaque année, si nous nous résignons à ce que, à travers sa capitale, la France ne soit plus présente parmi les lieux qui déterminent l’avenir, alors c’est tout le pays qui en paiera le prix. La croissance que nous n’impulserons pas ici ne se reportera pas ailleurs ; elle sera perdue avant même d’exister.
La matière grise et les investissements que nous n’aurons pas su attirer se porteront sur Shanghai, Sidney ou San Francisco. Plus grave, les circuits des échanges, matériels et immatériels, traceront leurs sillons en dehors de notre pays.
C’est donc un enjeu stratégique majeur. Paris est un grand potentiel pour notre pays dans l’économie-monde d’aujourd’hui. L’enjeu est d’intérêt national.
« La sagesse suprême », écrivait Faulkner, « est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre du regard tandis qu’on les poursuit ». Cette phrase s’applique bien à l’ambition que nous voulons donner au Grand Paris. Mais celle-ci n’est pas seulement un rêve ; c’est un projet concret, réaliste, cohérent, solide. C’est un changement auquel nous pouvons croire.
Nous devons bâtir un projet global de développement, qui plonge ses racines et puise sa force dans le territoire, dans le génie des hommes et des lieux. Nous devrons bâtir en une génération une capitale internationale des échanges, une ville-monde du savoir et de la création, une métropole de l’art de vivre.
Le Grand Paris sera une capitale internationale, parce qu’elle sera ouverte sur le monde.
La dynamique des villes-monde repose sur leur capacité à concentrer et à valoriser des flux immatériels, mais aussi à générer une capacité exceptionnelle dans les flux matériels. Le Grand Paris sera une ville-monde, parce qu’il en a la taille, l’importance et la diversité, et parce qu’il sera ouvert au monde entier.
Avec Le Havre, Rouen et Caen, articulations de Paris sur l’océan, avec le projet du territoire de la Confluence, là où la Seine, l’Oise et le canal Seine-Nord se rejoignent, la région-capitale s’ouvre sur le grand large et acquiert enfin sa façade maritime.
M. Charles Revet. Très bien !