M. le président. En conséquence, l’intitulé du titre IV est ainsi rédigé.
Article 13
L’État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer.
Les conditions d’application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Les articles 13 et 14 visent à faire prendre en charge, par les voyagistes ou les intéressés eux-mêmes, les dépenses occasionnées par des secours à l’étranger.
Que ceux qui font profession de commerce de voyages organisés assurent leurs clients que tout est prévu en cas de problème, y compris les frais de rapatriement, n’est pas une mauvaise chose si l’on considère certaines propositions qui ne manquent pas d’étonner le lecteur de certains catalogues : « dix-huit jours de randonnée en 4x4 au Yémen ou traversée pédestre de l’Érythrée et du Soudan », au printemps prochain...
Que des milliardaires s’engageant en croisière privée de luxe au large des côtes somaliennes, dont les pêcheurs n’ont connu de la mondialisation que les énormes chalutiers européens et japonais écumant leurs ressources au point que certains se sont reconvertis en pirates, ne fassent pas payer la rançon de leur imprudence et de leur impudence par les contribuables est juste.
Mais ces deux articles, tout particulièrement l’article 13 du fait de son imprécision, portent en eux des messages de fermeture, d’invitation au repli sur soi et sur son chez-soi, de frilosité à l’égard du monde et des autres.
En effet, quelle sera l’interprétation juridique de la notion d’ « exposition délibérée à des risques que l’on ne peut ignorer » quand il s’agit de simples voyageurs sans motifs professionnels ou humanitaires ? Faudra-t-il se tenir à l’écart de tous les pays où ont eu lieu dans les dix dernières années des enlèvements ou des actes terroristes ? Le site du ministère des affaires étrangères sera-t-il la référence absolue ? Aujourd’hui y sont fléchés le Pérou, la Thaïlande, la Bolivie, la République dominicaine, l’Inde, le Honduras, Madagascar ; et, bien sûr, le Niger, Haïti, l’Iran, la Libye… Mais sur le même site, pour la Belgique, on peut lire : « On constate un développement de la criminalité de droit commun »… Et plus sérieusement, pour le Canada, aujourd’hui, il est écrit : « Le risque de tremblement de terre dans la région de Vancouver est sérieux. » Voilà un risque sismique que désormais nous ne pourrons ignorer, si l’on suit le texte du projet de loi, et pour l’éventualité duquel le Gouvernement pourra se désengager, à l’égard de ses ressortissants, de tout devoir impliquant des frais.
Il nous faudra donc des éléments plus précis : ce ne sera pas « au cas par cas ». Les randonneurs et trekkeurs sont nos fenêtres sur le monde, ils reviennent porteurs de modestie, témoins de diversité, chargés de richesses à partager. Ils ne sont pas partis, eux, pour exploiter des travailleurs mal protégés, ils ne laissent pas derrière eux des fonds marins ravagés ou des terrils contaminés sur des terrains uranifères. Paradoxalement, ce sont ces derniers « voyageurs » que votre rédaction de l’article 13 protège, ceux dont les grands groupes dont ils sont les employés ont bien les moyens d’assurer le secours – tout comme elle protège les « conseillers de la DGSE » français enregistrés comme journalistes à l’hôtel Sahafi et capturés en Somalie cet été…
N’envoyons pas des messages de peur, n’entretenons pas l’idée que, les autres, c’est le danger. « Nourrissons-nous de l’échange », nous exhortiez-vous il y a quelques heures ; et M. Gouteyron : « Ne restons pas enfermés dans nos murs ».
Tout ce que je veux dire, c’est que des précisions s’imposent pour que ces deux articles permettent de prévenir les excès sans devenir une invitation à rester enfermés dans l’espace étriqué de nos frontières. Votre réponse « au cas par cas » s’accommode mal de l’égalité des citoyens devant la loi et de la précision nécessaire du décret.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’État informe le public des risques encourus lors de déplacements à l’étranger.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s’agit d’un amendement en quelque sorte de coordination.
En effet, il est prévu dans le projet de loi que l’État peut demander le remboursement des frais de secours si les personnes se sont délibérément exposées aux risques encourus. Je trouve cela normal, et j’approuve cette disposition. Cependant, si l’on veut éviter des contentieux, il faut préciser dans la loi que l’État informe des risques encourus. Ainsi, il pourra, le cas échéant, demander le remboursement des frais.
Cet amendement tend donc à établir un parallélisme des formes, à instaurer un équilibre dans la rédaction : si les voyageurs sont informés, ils doivent faire attention ; s’ils ne le sont pas, il peut y avoir contentieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Cet amendement vise à reconnaître aux citoyens une sorte de « droit à l’information » sur les risques qu’ils encourent lors de déplacements à l’étranger. Or, inscrire un tel droit dans la loi revient à lui conférer une valeur juridique et conduira à une relative « juridicisation » des fiches de conseil aux voyageurs : les ressortissants français pourront se retourner contre l’État s’ils estiment ne pas avoir été suffisamment avertis des risques encourus dans telle ou telle région du monde.
L’article 13 fonde juridiquement l’État à exiger, s’il le juge nécessaire, le remboursement des frais qu’il aura engagés. Il n’est donc pas excessif. Nous devons soigneusement veiller à conserver à cette disposition un caractère relativement général, sauf à ouvrir un contentieux qui pourrait placer l’État dans des situations très difficiles entraînant éventuellement des coûts budgétaires importants.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 3 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je partage entièrement le sentiment exprimé par M. le rapporteur, d’autant que les exemples qui nous ont été fournis, qu’ils concernent la Belgique ou d’autres pays, sont suffisamment « tendus », si je puis dire, pour que l’on n’« en ajoute » pas. Sans cela, seul le site du Quai d’Orsay permettra de savoir où l’on peut voyager ou non, et comment. Les conséquences seraient tout à fait désastreuses pour ceux-là mêmes que vous avez voulu défendre, madame la sénatrice, c’est-à-dire ceux qui ne partent pas en voyage avec une grande agence mais ont simplement l’intention de visiter un pays et qui, d’ores et déjà, peuvent être informés.
Pour ma part, je trouve que le site du Quai d’Orsay est plutôt plus alarmiste qu’il ne le faudrait. Cependant, il faut aussi se rendre compte que les pays que vous avez énumérés, madame, sont des pays à risque et que le monde n’est plus exactement le même. Aller, pour les corps blancs, sur les plages des autres n’est pas exactement indifférent.
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Ma position est très simple : ce que nous faisons pour les marins – je pourrais aussi évoquer le cas des skieurs –, nous devons le faire pour tous. Quand un marin appelle les secours parce que son bateau est en panne, la Société nationale de sauvetage en mer ne porte pas de jugement de valeur : elle intervient, puis décide ou non de demander le remboursement des frais engagés, selon qu’il y a eu danger ou non.
Si cet amendement était adopté, on ne pourrait plus parler de secours ! Je ne le voterai donc pas.
Exiger le remboursement des frais, ce n’est pas demander à la personne secourue de reconnaître qu’elle a eu tort : c’est lui demander de reconnaître que des dépenses ont été engagées pour la secourir, ce qui n’est pas un jugement moral.
Il faut laisser à l’État le droit d’agir en fonction des situations. (MM. Jacques Gautier, Roger Romani et André Ferrand applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur un point.
L’article 13 dispose que l’État pourra demander le remboursement des frais de secours, ce qui n’est pas le cas actuellement : c’est donc une nouveauté. Or, si cette nouveauté s’accompagne d’une exigence, celle-ci doit être partagée. Sans cela, et je le montrerai en défendant l’amendement suivant, les demandes de remboursement relèveront d’une décision discrétionnaire.
M. André Trillard. Pas du tout !
M. Christian Cointat. Si, absolument ! Sans aller aussi loin que Mme Blandin, qui a choisi des exemples extrêmes, je pense comme elle que cela pourrait être le cas. Un contrôle est donc nécessaire. Et croyez-moi, mes chers collègues, quand nos concitoyens apprendront que des demandes de remboursement seront possibles, ils vont pousser les hauts cris !
J’approuve la position du Gouvernement, et mon amendement avait pour seul objet de parvenir à un texte juridiquement mieux équilibré : en échange d’une information sur les dangers, les voyageurs assument les conséquences financières de leurs éventuelles bêtises. Au demeurant, l’État fournit déjà des informations grâce au site du Quai d’Orsay, qui est fort bien fait et en général beaucoup plus alarmiste que nécessaire – au moins, ceux qui voyagent savent parfaitement les risques qu’ils encourent !
Cela étant, monsieur le ministre, je ne suis pas plus royaliste que le roi. J’avais proposé mon amendement pour améliorer l’équilibre du texte. Visiblement, vous n’en voulez pas ; aussi, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
L’amendement n° 27, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires sont exclus du champ d’application de la disposition prévue au premier alinéa.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis tout à fait consciente que nous n’avons aucun intérêt, le rapporteur l’a rappelé ce matin, à compliquer excessivement le texte de cet article. Une fois mise en évidence la philosophie négative implicite que l’on pourrait y trouver et qu’a très bien explicitée Marie-Christine Blandin, l’essentiel demeure dans la volonté de responsabiliser les voyageurs qui n’ont pas de raison absolue de se rendre dans des pays vraiment très dangereux. Sur ce point, l’attitude du Gouvernement me paraît tout à fait justifiée.
Si je présente cet amendement, c’est parce que je souhaite que le ministre dise clairement que les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et les universitaires – lorsqu’ils sont en mission, évidemment – sont exclus du champ d’application de la disposition. Cela va un peu mieux en le disant !
Ensuite, je pourrai retirer l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Madame, je crois l’avoir suffisamment précisé en présentant le projet de loi : il n’est pas question de poursuivre dans le cas de risques professionnels informés, et j’ai cité deux exemples parmi tous les cas possibles, celui des journalistes et celui des humanitaires.
Nous avons voulu ne pas stigmatiser certaines professions, surtout lorsqu’il est difficile de savoir qui prend la décision et si la personne est suffisamment informée. Qui décide d’envoyer un journaliste ? Le rédacteur en chef ? le directeur de la rédaction ? le chef de service ?…
Il ne s’agit pas d’un droit discrétionnaire, il ne s’agit pas d’une conduite obligatoire ! Les juges interviendront, et il y aura un décret en Conseil d’État.
Je vous rassure, madame, et je vous remercie d’avoir annoncé que vous retireriez votre amendement après cela : comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises en réponse à des questions qui m’ont été posées tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, il ne s’agit pas du tout de viser ni les journalistes ni les humanitaires, pas plus que les ethnologues ou d’autres. Je crois qu’il ne faut pas dresser de liste.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
L’État peut exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des voyagistes ou de leurs représentants qui n’ont pas fourni la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus à l’égard de leurs contractants, à moins que ceux-ci n’excipent d’un cas de force majeure ayant empêché la réalisation de cette prestation, et auxquels il a dû se substituer.
Les conditions d’application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 14
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Assemblée des Français de l’étranger est chargée de donner des avis au Gouvernement sur les dispositions et projets relatifs à la sécurité des Français à l’étranger et les aides et secours qui leur sont accordés par l’État en vue de la sauvegarde de leurs personnes et de leurs biens, notamment en matière de remboursement des frais exposés par l’État mentionnés aux articles 13 et 14 de la présente loi. Ces avis sont émis dans les conditions prévues par l’article 1er A de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger modifiée.
Dans les conditions arrêtées par le ministre des affaires étrangères et européennes, les membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger sont associés aux actions de l’État en vue de la sécurité des personnes et des biens des ressortissants français dans les pays de la circonscription où ils ont été élus.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement s’inscrit dans le droit-fil de mes propos précédents, mais revêt une dimension un peu différente.
À l’heure actuelle, on le sait, la sécurité des biens et des personnes, qu’il s’agisse de nos compatriotes qui résident dans certains pays étrangers dangereux ou de ceux qui n’y sont que de passage, est l’une des préoccupations majeures de l’Assemblée des Français de l’étranger. Au demeurant, celle-ci, dans le cadre des dispositions de la loi de 1982, ne se prive pas de donner au Gouvernement des avis qui sont en général entendus puisqu’ils émanent de compatriotes vivant sur place, avec les populations locales : plus que des avis autorisés, ce sont des avis indispensables.
Aussi, il me paraît nécessaire, ou à tout le moins utile, de consacrer dans la loi ce rôle de l’Assemblée des Français de l’étranger en y inscrivant que le Gouvernement peut prendre l’initiative de lui demander son avis – ce qu’en général il fait déjà. Ainsi, le Gouvernement pourra consulter l’assemblée, en cas de difficulté ou de contentieux, pour savoir si le risque était réellement exagéré ou non. Il s’agit donc d’assurer une plus grande sécurité et d’apporter au Gouvernement un concours pratique, utile, pragmatique, venant du terrain.
Par ailleurs, j’ai cru comprendre que le deuxième alinéa de cet amendement pouvait gêner. Si tel est le cas, je le retirerai. Il n’en va pas de même du premier alinéa, qui est très important puisqu’il consacre la situation de fait et permettra simplement de renforcer la sécurité de nos compatriotes, qu’ils soient résidents ou de passage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Tout en comprenant les motivations des auteurs de cet amendement, je m’interroge sur sa portée pratique.
La loi du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger, telle qu’elle a été modifiée par la loi d’août 2004, prévoit déjà que cette assemblée est « chargée de donner au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l’étranger » et de « donner son avis sur tout autre projet que lui soumet le Gouvernement ». Il est enfin précisé qu’« elle peut également, de sa propre initiative, adopter des avis, des vœux et des motions sur tout sujet concernant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l’étranger ».
On voit donc mal ce que cet amendement apporte de nouveau en la matière.
Dans le second alinéa, il est prévu que les membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger peuvent être associés aux actions de l’État en vue de la sécurité des personnes et des biens des ressortissants français dans les pays de la circonscription où ils ont été élus. Mais, là encore, c’est déjà le cas lorsque surviennent des catastrophes ou de graves accidents à l’étranger. Il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je suis entièrement d’accord avec M. le rapporteur. De plus, il existe un centre de crise au Quai d’Orsay. S’il devait demander son avis à l’Assemblée des Français de l’étranger avant d’agir, il vous verrait bien en peine de le lui fournir. Cette assemblée, que je préside, me prodigue régulièrement des conseils judicieux, que j’écoute. Mais dans les situations de crise, il faut agir. Il n’est donc pas question d’inscrire dans la loi que le Gouvernement doit demander un avis.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Je vais bien sûr retirer mon amendement, monsieur le président, mais j’aurais aimé harmoniser notre législation avec la réalité, car l’Assemblée des Français de l’étranger est actuellement déjà consultée. Je ne faisais donc là que proposer de consacrer dans la loi la pratique existante.
En effet, la loi suit la réalité ou la précède. En l’occurrence, elle ne fera ni l’un ni l’autre, ce qui est, à mon sens, fort dommage eu égard à la solidité juridique de notre organisation.
Cela étant dit, il est clair qu’il n’était pas question pour nous de demander l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger en cas de crise. Nous voulions simplement, d’une manière plus générale, donner la possibilité au Gouvernement de s’appuyer sur cette instance pour se couvrir en cas de difficultés rencontrées pour se faire rembourser les frais engagés. Mais puisque vous préférez continuer à fonctionner de cette façon, monsieur le ministre, restons-en là !
En votre qualité de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, vous m’avez assuré que vous n’hésiterez pas à demander l’avis de cette assemblée chaque fois que ce sera nécessaire (M. le ministre opine.), ce que vous confirmez à l’instant et je vous en remercie. Dans ces conditions, je retire allégrement et sereinement cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un code de l'action extérieure de l'État regroupant les dispositions législatives en vigueur relatifs aux autorités et personnes morales, aux personnels et d'une manière générale aux moyens concourant à cette action est élaboré par décret en Conseil d'État après avis de la commission de la codification.
Ce décret apporte, le cas échéant, aux textes en vigueur les modifications de forme nécessitées par le travail de codification à l'exclusion de toute modification de fond.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s’agit d’un simple amendement de cohérence.
Nous avons des textes épars sur l’action extérieure de l’État. Conformément à l’objectif de transparence réclamé par le Président de la République, il me semble utile, par souci de clarté et de lisibilité, de créer un code de l’action extérieure de l’État rassemblant toutes ces données. Nous pourrons ainsi tous mieux agir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent au Gouvernement d’élaborer un code spécifique dédié à l’action extérieure de l’État après avis du Conseil d’État et de la commission de codification. Mais n’est-ce pas là donner directement des injonctions au Gouvernement ?
J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur ce point, un avis que je suis prêt à suivre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur le sénateur, un important travail de préparation à la codification mené par le Gouvernement doit précéder une loi d’habilitation, qui fixe les délais d’habilitation et de ratification.
Ce travail préparatoire n’ayant pas eu lieu, le volume de travail et le temps nécessaire pour mener à bien cette mission ne sont pas connus. De plus, une codification suppose également la constitution d’une mission de codification au sein du ministère chargé de sa réalisation, ce qui créerait une nouvelle charge.
En outre, la codification se fait à droit constant. Or de nombreux textes relatifs à l’action extérieure, notamment ceux qui ont trait aux personnels, sont actuellement en chantier.
Si l’idée est intéressante, il me paraît urgent d’attendre et de le faire en temps utile. Certains textes concourant à l’action extérieure ayant déjà été codifiés, l’existence d’un tel code peut être discutable.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Je m’attendais à votre réponse, monsieur le ministre. Cependant, qu’entendez-vous par « discutable » : on peut en discuter ou est-ce, au contraire, improbable ?
M. Christian Cointat. Vous pensez donc que cette idée est intéressante, mais prématurée…
M. Christian Cointat. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, les membres du groupe socialiste ne voteront pas ce texte.
Tout d’abord, nous avons dénoncé, dans un diagnostic quasi unanime, les manques de l’action culturelle extérieure et nous avons également décelé, dans une analyse très largement partagée, les lacunes de ce projet de loi.
Monsieur le ministre, votre engagement et votre conviction ne suffisent pas à nous rassurer sur trois points essentiels : le rattachement du réseau à la future agence, les moyens financiers et la gestion des personnels. Sur tous ces points, personne ne doute de votre volontarisme, mais ce texte n’en porte pas la marque et ne nous garantit pas le passage à l’acte !
Au-delà du texte même, il y a aussi ce que j’appellerai « le sous-texte ».
J’ai bien écouté tous les propos sur la nécessaire ouverture au marché, aux entreprises et sur la nécessité de faire agir le secteur privé. Notre collègue Pozzo di Borgo est même allé jusqu’à préconiser que les marchands d’art puissent choisir eux-mêmes les artistes dont notre diplomatie devrait faire la promotion.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je n’ai pas dit cela !
Mme Catherine Tasca. Nous pensons qu’il y a là une confusion des rôles.
Certes, j’ai eu moi-même une formule trop rapide en qualifiant la culture de « mission régalienne », mais cela voulait dire que, à nos yeux, l’État et notre diplomatie ont la responsabilité première de mener une politique culturelle extérieure ambitieuse, sans pour autant prétendre embrasser tout le champ de la culture et sans exclure les partenariats.
Entre l’omission initiale des crédits d’État, le refus du statut d’établissement public administratif et l’appel répété au rôle du secteur privé, cette réforme a, selon nous, un parfum qui ne sied pas à l’idée que nous nous faisons du rôle de l’État, de la responsabilité publique dans ce domaine.
Enfin, j’en viens au financement, qui est la troisième raison de notre vote négatif.
Même si nous souhaitons vraiment la réussite de cette agence, nous n’arrivons pas à croire, monsieur le ministre, que vous pourrez faire fonctionner ce nouveau système sans qu’elle soit rattachée au réseau et – là est l’écueil majeur de ce texte ! – sans les moyens budgétaires nécessaires. À notre sens, vous ne parviendrez pas à mettre véritablement en œuvre cette réforme.
Nous souhaitons que notre vote négatif alerte le Gouvernement sur la question absolument cruciale des moyens financiers, afin qu’il cesse de dépouiller votre ministère ; au contraire, celui-ci doit avoir les moyens de remplir sa mission à la hauteur que nous souhaitons tous.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.