Sommaire
Secrétaires :
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Michelle Demessine.
2. Saisine du Conseil constitutionnel
3. Décision du Conseil constitutionnel
4. Candidatures à un organisme extraparlementaire
5. Aménagement horaire d'une séance
7. Accord international de 2006 sur les bois tropicaux. – Adoption d'un projet de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie ; René Beaumont, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jean-Etienne Antoinette.
Clôture de la discussion générale.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8. Conventions internationales. – Adoption de dix projets de loi selon la procédure d’examen simplifié (Textes de la commission)
Convention fiscale avec la Géorgie. – Adoption définitive de l'article unique du projet de loi.
Convention fiscale avec le Kenya. – Adoption de l'article unique du projet de loi.
Convention fiscale avec Malte. – Adoption définitive de l'article unique du projet de loi.
9. Action extérieure de l'État. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes ; Joseph Kergueris, rapporteur de la commission des affaires étrangères, Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.
M. Robert Hue, Mme Catherine Tasca, MM. Jean-Pierre Chevènement, André Trillard, Yves Pozzo di Borgo, Adrien Gouteyron, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Yves Dauge.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
10. Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
11. Retrait d’une question orale
12. Action extérieure de l'État. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Amendement n° 31 du Gouvernement. – MM. le ministre, Joseph Kergueris, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Adrien Gouteyron, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Richard Yung. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Maryvonne Blondin, MM. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; Richard Yung.
Amendement n° 12 de M. Robert Hue. – MM. Robert Hue, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié de M. Christian Cointat. – M. Christian Cointat.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Amendement n° 19 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Mme Claudine Lepage.
MM. le rapporteur, le président de la commission des affaires étrangères, le ministre, Christian Cointat, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Ferrand, Robert del Picchia, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Claudine Lepage. – Retrait des amendements nos 1 rectifié, 11 rectifié et 19.
M. le ministre.
13. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
14. Action extérieure de l’État. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendement n° 13 de M. Robert Hue. – MM. Robert Hue, Joseph Kergueris, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. – Rejet.
Amendements identiques nos 20 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et 28 de M. Ivan Renar. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; Christian Cointat. – Adoption des deux amendements.
Amendements identiques nos 14 de M. Robert Hue et 21 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – M. Robert Hue, Mme Catherine Tasca, MM. le rapporteur, le ministre, Richard Yung, Ivan Renar. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 2 rectifié de M. Christian Cointat. – M. Christian Cointat
Amendement n° 22 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
MM. le rapporteur, le ministre, Christian Cointat. – Adoption de l’amendement no 2 rectifié insérant un article additionnel, l’amendement no 22 devenant sans objet.
Mme Marie-Christine Blandin, MM. Richard Yung, le ministre.
Adoption de l'article.
Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 16 de M. Robert Hue. – MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 23 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 8 rectifié de Mme Colette Mélot. – Mme Lucienne Malovry, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission de la culture, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Yves Pozzo di Borgo. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 6 rectifié de Mme Colette Mélot. – Mme Lucienne Malovry, MM. le rapporteur, le ministre, Louis Duvernois, rapporteur de la commission de la culture ; Ivan Renar, Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; le président de la commission de la culture, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Christian Cointat, André Ferrand, Jacques Gautier, Yves Pozzo di Borgo, Robert del Picchia, Jean-Pierre Chevènement. – Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.
Mme Marie-Christine Blandin, Mme Claudine Lepage, MM. Richard Yung, Ivan Renar.
Amendements identiques nos 17 de M. Robert Hue et 24 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – M. Michel Billout, Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
MM. le président de la commission des affaires étrangères ; le président.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 17 et 24.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Colette Mélot. – Mme Lucienne Malovry, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 29 de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Claudine Lepage, M. Richard Yung.
Amendement n° 26 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Amendement n° 10 de M. Adrien Gouteyron. – M. Adrien Gouteyron. – Retrait.
MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l’amendement no 26.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 6 ter
Amendement n° 7 rectifié de Mme Colette Mélot. – Mme Lucienne Malovry, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission de la culture, le président de la commission de la défense. – Retrait.
Articles 7 à 9 bis et 10 à 12. – Adoption
Amendement n° 30 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Adoption de l'amendement rédigeant l’intitulé.
Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 3 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, le ministre, André Trillard. – Retrait.
Amendement n° 27 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. le ministre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l’article 14
Amendement n° 4 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 5 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Mme Catherine Tasca, MM. le président de la commission de la culture, Robert Hue, Mme Marie-Christine Blandin, MM. le président de la commission des affaires étrangères, le ministre.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 février 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
3
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 18 février 2010, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Acte est donné de cette communication.
4
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de l’Agence nationale de l’habitat.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Dominique Braye, en qualité de titulaire, et de M. Thierry Repentin, en qualité de suppléant, pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Aménagement horaire d'une séance
M. le président. Mes chers collègues, par lettre du 18 février, M. le président du Sénat vous a informés de la possibilité de poursuivre dans la nuit de demain, mardi 23 février, sans toutefois dépasser deux heures du matin, l’examen du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne qui a fait l’objet de 162 amendements.
Cet aménagement horaire nous permettrait de terminer ce débat le mercredi 24 février à une heure raisonnable.
M. Robert del Picchia. C’est un pari !
6
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, nous allons examiner onze projets de loi relatifs à des conventions internationales qui devaient faire l’objet de la procédure simplifiée, c’est-à-dire d’un vote sans débat.
Le groupe socialiste ayant demandé le retour à la procédure normale sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord international de 2006 sur les bois tropicaux, nous entendrons, sur ce projet de loi, le secrétaire d'État, le rapporteur et un orateur qui s’est inscrit dans la discussion générale.
7
Accord international de 2006 sur les bois tropicaux
Adoption d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord international de 2006 sur les bois tropicaux (projet n° 112, texte de la commission n° 255, rapport n° 254)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord international de 2006 sur les bois tropicaux, aujourd’hui soumis à votre approbation, pose des principes et des règles déterminants pour l’avenir de notre planète et pour une grande partie de l’humanité.
En effet, les forêts, notamment tropicales, abritent plus de la moitié des espèces animales et végétales. Elles jouent donc un rôle essentiel dans la protection de la biodiversité. Par ailleurs, l’Organisation des Nations unies évalue le nombre de personnes qui dépendent de la forêt pour leur survie à 1,5 milliard. Or 13 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année dans le monde, soit presque la surface totale des forêts situées en France métropolitaine.
Les deux causes principales de cette déforestation sont connues : la conversion des forêts en terres agricoles et la surexploitation des forêts pour le bois de chauffe. Or l’exploitation des forêts n’est pas toujours encadrée par des règles précises, ce qui constitue souvent un facteur aggravant de l’exploitation illégale.
Au-delà de l’incidence financière – elle est estimée à 10 milliards de dollars par an –, ces pratiques entraînent la dégradation, voire la destruction des forêts. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’accord international sur les bois tropicaux qui vous est aujourd’hui soumis.
Cet accord, adopté le 27 janvier 2006 dans le cadre de la conférence des Nations unies, a vocation à remplacer l’accord international sur les bois tropicaux signé à Genève le 26 juin 1994, lui-même en vigueur à la suite de l’accord de 1983. Il a pour objet d’actualiser les mécanismes internationaux en place depuis plus de vingt-cinq ans.
Les objectifs et le mode de fonctionnement de l’Organisation internationale des bois tropicaux, l’OIBT, et du Conseil international des bois tropicaux, le CIBT, sont clarifiés, ainsi que leurs procédures de vote et le mode d’élection de leurs dirigeants. L’accord prévoit le maintien de l’Organisation internationale des bois tropicaux, dont le siège se trouve à Yokohama, au Japon. L’OIBT compte actuellement 59 membres qui représentent, à eux seuls, 95 % du commerce mondial des bois tropicaux et 80 % des forêts tropicales de la planète.
Sur le plan financier, les contributions obligatoires restent calculées en fonction du nombre de votes détenus par chaque membre. Au sein de l’Union européenne, le Royaume-Uni et la France, pays qui disposent de trente-trois votes chacun, détiennent le plus grand nombre de votes.
Les contributions volontaires permettent d’alimenter le Compte spécial et le Fonds pour le partenariat de Bali, pour aider les membres producteurs à atteindre une gestion durable des forêts productrices de bois tropicaux.
Le texte encourage également le reboisement en bois tropicaux et la restauration des terres forestières dégradées, en lien avec les communautés locales qui en dépendent.
La certification est défendue pour une gestion plus durable des forêts tropicales, par le biais de la labellisation de produits forestiers.
Enfin, cet accord vise à promouvoir la diversification du commerce international des bois tropicaux. Il encadre cette démarche par deux exigences fortes et complémentaires l’une de l’autre : une exploitation légale et une gestion durable de la forêt.
Avec l’instrument juridiquement non contraignant relatif à tous les types de forêts adopté lors du Forum des Nations unies sur les forêts, au mois d’avril 2007, l’accord international sur les bois tropicaux de 2006 est le seul texte de portée universelle spécifiquement consacré aux forêts et aux bois. Il est donc l’un des rares instruments internationaux qui pourront être utilisés pour accompagner et améliorer la gouvernance mondiale des forêts.
La participation de la France au nouvel accord international se justifie par trois raisons principales.
La première est la lutte contre le déboisement illégal, sujet qui a fait l’objet de discussions approfondies lors du Grenelle de l’environnement.
La deuxième raison tient au fait que les bois tropicaux constituent une ressource essentielle pour de nombreux pays d’Afrique francophone, comme le Cameroun, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Congo, la République centrafricaine, la Guinée, avec lesquels la France entretient des relations étroites et anciennes. À cet égard, la France a développé, de longue date, une action de lutte contre la dégradation forestière, notamment au Congo.
La troisième raison de cette participation est l’existence d’environ 8 millions d’hectares de forêts tropicales dans nos départements d’outre-mer. Cela représente près du tiers des forêts françaises.
À compter de la date de son entrée en vigueur, l’accord de 2006 aura une validité de dix ans, cette durée pouvant être étendue à dix-huit ans si les possibilités de prolongement, prévues par l’accord lui-même, sont utilisées.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales remarques qu’appelle l’accord international de 2006 relatif aux bois tropicaux, dont l’approbation fait l’objet du projet de loi qui vous est aujourd’hui soumis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Beaumont, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le couvert forestier contribue à la préservation du sol, au maintien des nappes phréatiques, à la régulation du climat, comme à la protection de la biodiversité.
Paradoxalement, ce rôle essentiel est mis en valeur au moment où, en raison de son ampleur, le déboisement devient une menace pour la population mondiale et pour le climat.
La protection des espaces forestiers constitue, en effet, un enjeu conflictuel entre pays en développement et pays développés. On estime par exemple que, entre 1980 et 1990, la surface des forêts tropicales a régressé de 3,6 %, alors que celle des forêts tempérées progressait de 0,1 %. Mais nos forêts sont elles-mêmes menacées par l’extension de l’urbanisation. À cet égard, un récent rapport de l’Office national des forêts, l’ONF, a souligné que la superficie de la forêt française avait diminué en 2008, pour la première fois depuis un siècle, alors qu’elle avait progressé de 17 % pendant le siècle précédent.
Les forêts de bois tropicaux, quant à elles, sont soumises de façon croissante à la forte pression des cultures d’exportation, que ces dernières soient consacrées aux agrocarburants, comme le palmier à huile ou la canne à sucre, ou à l’alimentation humaine et animale, comme les céréales ou le soja.
À cette réduction des surfaces forestières s’ajoutent les destructions inhérentes à l’exploitation anarchique dont elles font souvent l’objet, afin d’en diminuer le coût ou par méconnaissance totale des méthodes de gestion forestière.
Dès 1983, la communauté internationale a adopté un accord international sur les bois tropicaux, visant à établir une gestion durable des forêts humides. Ce premier texte a été actualisé en 1994 ; la validité du nouvel accord conclu courait jusqu’en 2006.
Le présent texte, conclu pour une durée de dix ans à compter de sa future entrée en vigueur, a été adopté le 27 janvier 2006 dans le cadre de la conférence des Nations unies réunie spécifiquement sur ce point à Genève par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, la CNUCED, et prolonge donc, en le précisant, l’accord de 2006.
Ce texte prévoit des dispositions en matière de gestion durable des forêts tropicales, sujet primordial puisque ces forêts continuent de disparaître au rythme de 15 millions d’hectares par an, selon la CNUCED, alors que la végétation tropicale contribue à limiter le réchauffement planétaire.
Le texte encourage les États parties à l’accord à développer des activités de reboisement en bois tropicaux, de remise en état et de restauration des terres forestières dégradées, en tenant compte des intérêts des communautés locales qui dépendent des ressources forestières, et à promouvoir la certification, afin d’améliorer la gestion durable des forêts tropicales.
Cette certification consiste dans la labellisation des produits forestiers garantissant aux consommateurs que ces produits proviennent de forêts gérées de façon durable.
La conclusion de l’accord de 2006 a permis également de préciser la répartition des droits de vote au sein de l’OIBT, dont le siège est à Yokohama et qui administre l’accord. L’OIBT accueille 33 pays producteurs et 26 pays consommateurs, qui représentent globalement 90 % du commerce mondial de bois tropicaux.
Le présent accord clarifie les objectifs, le mode de fonctionnement de l’OIBT et du CIBT, leurs procédures de vote et le mode d’élection de leurs dirigeants. Il précise le contenu du rapport annuel établi par l’OIBT, ainsi que les obligations de ses membres.
Cet accord positif se heurte à deux limites principales : l’OIBT ne dispose pas, hélas ! d’instruments contraignants pour faire respecter ses recommandations et, surtout, les surfaces forestières tropicales sont souvent menacées par la pression qu’exerce l’extension des cultures, beaucoup plus que par l’abattage illégal.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande l’adoption de cet accord. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons qu’approuver une convention visant à concilier le commerce des bois tropicaux avec la préservation des forêts, qui jouent un rôle majeur dans l’équilibre écologique de la planète.
Pour cela même, nous ne pouvons nous contenter d’un geste de bonne conscience, sans prendre la mesure de notre responsabilité quant aux conditions de réussite des objectifs visés dans cette convention.
J’ai donc souhaité intervenir ici pour souligner quelques réalités qui doivent nous engager à une certaine humilité et à plus de volontarisme dans l’action.
Par ailleurs, en tant que sénateur de la Guyane, vous me permettrez, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, d’apporter une rectification essentielle sur ce qui a été dit durant l’examen du texte en commission, concernant la gestion de la forêt guyanaise.
Je voudrais, par la même occasion, éclairer mes collègues sur la position particulière de la France en tant que pays à la fois consommateur et producteur de bois tropicaux – le seul de toute l’Union européenne, grâce à la Guyane.
Nous évoluons aujourd’hui dans un contexte où les contradictions entre les intérêts économiques des pays du Nord et les enjeux écologiques de toute la planète se heurtent, comme nous l’avons vu pour le paquet « énergie-climat », et, encore récemment, à Copenhague.
Dans ce contexte, force est de le constater, pour sauver la planète et, partant, pour préserver les intérêts des pays industrialisés qui peinent à transformer leurs pratiques, les pays du Sud reçoivent l’injonction d’épargner leurs ressources.
Ce faisant, ils limitent leur croissance économique et endossent la fonction de variable d’ajustement des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
Ces contraintes semblent inévitables. Mais nous ne pouvons ignorer l’insupportable servitude par laquelle un continent comme l’Afrique, par exemple, tout en étant le moins pollueur de la planète, est aussi le plus affecté par les changements climatiques et le plus contraint dans ses stratégies de développement économique. Au départ, il était contraint à la déforestation au profit de cultures à grande échelle répondant aux besoins des pays industriels. Désormais, il doit reboiser pour limiter les dégâts perçus toujours trop tard.
Chaque fois, on agite le spectre d’un retrait des aides au développement, des sanctions financières du FMI, ou des embargos sur les produits. Cela n’est pas très satisfaisant.
Aujourd’hui, un dispositif alléchant se met en place avec les marchés internationaux de CO2, mais ce dispositif est utilisé par certaines compagnies comme un droit de polluer, perpétuant ainsi la perversion des rapports entre le Nord et le Sud.
Nous devons donc véritablement agir sur deux plans : légiférer avec rigueur et aider avec justesse les pays concernés.
Ce n’est pas tout de le dire. Certes, l’accord de 2006 instaure un fonds pour financer des projets forestiers durables. Le Parlement européen, à l’occasion de sa propre signature de l’accord, a demandé aux États membres de l’Union d’accroître les ressources financières consacrées à l’exploitation écologiquement responsable des forêts tropicales. Toutefois, l’alimentation de ce fonds, de même que l’aide au développement restent aléatoires en temps de crise.
Par ailleurs, sur le terrain, les situations à gérer sont complexes.
Par exemple, il y a quelque chose d’anachronique dans le parcours des grumes du Brésil, exportées en Chine afin d’être transformées, puis en Europe sous forme de produits finis.
Certains pays ont des difficultés réelles à répondre à toutes les exigences d’une gestion durable des forêts ou d’une chaîne de production complète du bois.
Ainsi, des États qui s’y sont efforcés, comme le Ghana, passent par des périodes de surcapacité, de mise à mal des petits exploitants et de surendettement. Tout récemment, le Congo a décidé d’interdire l’exportation de bois illégal, créant ainsi une grande panique chez tous les professionnels du secteur.
Il ne suffit donc pas d’imposer des labels et des certifications, de contraindre les marchés publics, ou d’inciter à la transformation sur place des grumes pour obtenir des résultats satisfaisants.
Je conclus sur ce premier point, en espérant avoir été compris : j’approuve pleinement cet accord international dans la mesure où il est assorti d’une action concrète des États consommateurs, dans l’accompagnement du développement des pays producteurs aux économies les plus fragiles. C’est ainsi qu’il faut faire disparaître cette part de production illégale, avec, en perspective, la seconde étape du protocole de Kyoto, après 2012.
J’en viens tout naturellement au second point, la gestion de la forêt guyanaise.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur, permettez-moi de rectifier ce qui est écrit en toutes lettres dans le compte rendu de la commission des affaires étrangères du 3 février dernier. Je ne peux pas laisser dire et encore moins écrire une telle phrase : « La forêt guyanaise est de faible qualité, difficile à exploiter, ce qui n’empêche pas sa dévastation par les clandestins brésiliens. »
Ces propos sont d’un autre temps, monsieur Beaumont, et témoignent, sinon d’une ignorance incompréhensible, du moins d’un préjugé hautement nuisible pour la Guyane, s’agissant de déclarations mises à la disposition du public.
N’étant pas expert en bois tropicaux, je me suis adressé au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD. Je tiens de M. Jacques Beauchêne, chercheur et responsable du laboratoire de sciences du bois au CIRAD de Guyane, les précisions suivantes : « Pour la plupart des gens qui connaissent le sujet, la forêt guyanaise est bien supérieure à n’importe laquelle des forêts tempérées. Il est aussi maintenant admis que la diversité interspécifique – en Guyane, elle est de 200 à 300 espèces à l’hectare – est de loin le potentiel le plus important de la mise en valeur des forêts tropicales. L’exploitation de la forêt guyanaise n’est ni plus ni moins difficile que celle des autres forêts tropicales. »
Les forêts du Brésil, du Surinam, du Guyana ou du Venezuela ne sont pas affublées de ce qualificatif de « faible qualité » ; celui-ci n’échoit qu’à la forêt de la Guyane française, située pourtant sur le même plateau morpho-géologique que les autres, avec la même géographie, le même relief et le même climat. Ne trouvez-vous pas cela étrange, chers collègues ?
Toujours d’après le CIRAD, la forêt guyanaise relève d’une gestion exemplaire et unique en zone tropicale. C’est un organisme de renom, l’Office national des forêts, qui a en charge 5,5 millions d’hectares sur les 8 millions d’hectares de forêt du département, et qui, d’ailleurs, travaille actuellement sur les deux grandes certifications forestières existantes, le PEFC, ou programme de reconnaissance des certifications forestières, et le FSC, le conseil de bonne gestion des forêts.
S’agissant de l’exploitation, en Guyane, le prélèvement par hectare est faible – de deux à trois arbres par hectare – et se situe en deçà des limites admises pour un renouvellement naturel de la forêt – de quatre à cinq arbres par hectare. Les rotations sont longues, la pause dure au minimum soixante-cinq ans. Les zones d’exploitation sont sélectionnées avec soin et il existe désormais d’importantes zones protégées.
En revanche, si la destruction de la forêt est bien réelle et grave, cela est dû non pas à une exploitation illégale du bois mais à l’orpaillage clandestin, comme vous devez le savoir.
Ces rectifications étant faites – il était essentiel qu’elles le soient de façon officielle –, je souhaiterais maintenant m’adresser à vous, monsieur le secrétaire d’État.
La Guyane représente 8 millions d’hectares de forêt primaire, certifiée d’un seul tenant, 1 200 espèces d’arbustes recensées – pour 130 en métropole – et un potentiel de prélèvement allant jusqu’à 5 tonnes de bois par hectare, sans impact négatif sur l’environnement.
La gestion forestière en Guyane est irréprochable sur le plan écologique. Vous en comprenez tout l’intérêt face aux enjeux de ce projet de loi.
Sur le plan économique et humain, en revanche, son exploitation ne suffit même pas à couvrir les besoins locaux. Or ce n’est pas à cause d’une faible qualité ni de difficultés insurmontables d’exploitation, que la filière forêt-bois en Guyane est à peine développée, c’est en raison de freins technologiques, c’est-à-dire financiers, d’obstacles réglementaires et d’un manque de formations adaptées de la ressource humaine aux particularités de cette forêt.
La filière – le bout de la filière – mobilise aujourd’hui de 700 à 800 emplois et produit 65 000 mètres cubes de bois par an.
Or des études scientifiques ont établi, sur la base de scénarios réalistes, que la Guyane pourrait porter l’ambition, d’ici à 2030, de créer 10 000 emplois supportés par une filière forêt-bois performante.
À titre d’exemple, Bernard Thibaut, directeur de recherche au CNRS, a montré, en 2009, que, sur la base d’une exploitation écologiquement responsable d’un million d’hectares étalée sur soixante-cinq ans, en zone Nord de la Guyane, proche des concentrations d’habitat, soit 15 000 hectares parcourus par an pendant soixante-cinq ans, on pourrait produire 700 000 tonnes par an de bois, lui-même fournissant 200 000 mètres cubes de matériaux – poteaux, sciages et placages –, 400 000 tonnes de combustible et 1 000 tonnes de molécules.
Sur le plan réglementaire, le bois commercialisé de Guyane répond à l’exigence du marquage « Communauté européenne » ou marquage « CE », comme des autres certifications.
Il est cependant handicapé par le non-référencement de certaines essences et la non-adaptation des normes de construction aux conditions climatiques locales.
Cependant, ces contraintes ouvrent des perspectives à terme pour les bois de Guyane, qui ont toutes les chances, face aux bois tropicaux étrangers, de mieux répondre aux garanties exigées par la Communauté européenne.
Dans le cadre des négociations internationales concernant l’accord sur le climat pour l’après-2012, la Commission européenne ambitionne de stopper la diminution de la couverture forestière de la planète en 2030, au plus tard, et de réduire la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % d’ici à 2020.
Il est important que ces démarches prennent en compte la situation de la forêt guyanaise. Il est vital que les bois guyanais parviennent non seulement à couvrir les besoins internes mais aussi à trouver des débouchés naturels dans les départements d’outre-mer, l’Hexagone, l’Europe, ou ailleurs.
Monsieur le secrétaire d’État, la France ne peut pas faire moins pour sa propre forêt tropicale que ce qu’elle s’engage à faire pour les bois tropicaux étrangers.
Quel avenir espérer pour la filière forêt-bois en Guyane ? Quelles mesures concrètes seront prises pour favoriser ce modèle de développement responsable, qui peut faire de la France, grâce à sa forêt guyanaise, un exemple pour la planète ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Beaumont, rapporteur. Monsieur Antoinette, lors de la discussion en commission, on m’a interrogé sur la situation de la forêt guyanaise. Certes, les qualificatifs que j’ai utilisés étaient peut-être un peu outranciers. Je n’ai pas la prétention de connaître la forêt guyanaise mieux que vous, même si je m’y suis rendu à de nombreuses reprises – au moins une huitaine de fois – et parfois durant plusieurs jours.
Par ailleurs, en tant que représentant de l’un des premiers départements forestiers français, j’ai également quelques contacts avec des importateurs français de bois tropicaux, qui se servent très peu en Guyane.
J’ai donc pu me rendre compte que les forêts amazoniennes dans leur ensemble – celle de la Guyane n’est pas différente des autres à cet égard – étaient plus souvent exploitées de façon illégale que mises en valeur économiquement.
Ainsi, au Brésil – ce n’est pas le cas en Guyane –, les habitants ou les personnes intéressées par la forêt préféreront faire pousser de la canne à sucre pour la transformer ensuite en carburant plutôt que replanter des arbres, dont l’exploitation illégale est courante mais la mise en valeur économique quasi absente.
Comme vous l’avez souligné vous-même, mon cher collègue, le bois guyanais ne suffit même pas aux besoins de la population de la région. C’est bien la preuve que se pose un problème d’exploitation !
Je me félicite donc de la réflexion que nous avons menée. Les propos que j’ai tenus étaient peut-être quelque peu outranciers – puissiez-vous m’en excuser ! –, mais ils ont suscité un débat et vous ont permis de vous exprimer devant M. le secrétaire d'État. Ainsi trouverons-nous, peut-être, des solutions permettant d’améliorer l’exploitation du bois guyanais, qui, aujourd'hui, débute à peine, cette production ne parvenant pratiquement pas jusqu’en métropole du fait de son absorption par les populations locales.
Il s'agit là d’un problème réel, qui est tout à fait particulier car la forêt guyanaise est domaniale, c'est-à-dire qu’elle appartient à l’État, auquel il revient donc de prendre des décisions en la matière. Je suis mal placé, hélas ! pour me prononcer à cet égard, mais peut-être M. le secrétaire d'État vous en dira-t-il davantage.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, l’État attache évidemment une grande importance à la forêt de la Guyane, comme à celles des autres régions françaises d'ailleurs.
Je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur du travail qu’il a accompli. Pour avoir eu l’occasion de m’entretenir souvent des forêts avec lui, je puis confirmer qu’il connaît bien cette question, même s’il est naturellement moins au fait de la situation guyanaise que vous !
Monsieur Antoinette, la question que vous posez s’adresse peut-être plus directement à mon collègue le ministre de l’agriculture, mais je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.
Tout d’abord, l’attention que portent les pouvoirs publics à la gestion forestière est entière. Comme vous l’avez d’ailleurs rappelé tout à l’heure, monsieur le sénateur, dans le cas de la Guyane, cette action est menée par l’ONF, qui s’est engagé depuis plusieurs années dans un processus de certification des forêts dont il assure la gestion.
Il existe à ce jour deux principaux labels d’éco-certification : le PEFC, qui est principalement utilisé en France et en Europe, et le FSC, qui est surtout mis en œuvre dans les forêts tropicales.
Le PEFC labellise à la fois un mode de gestion et l’ensemble des acteurs de la filière ; il permet de garantir la qualité d’une forêt. L’ONF prévoit que la certification PEFC pourra être accordée à la Guyane en avril ou en mai 2010, c’est-à-dire d’ici à quelques semaines.
Les démarches sont plus longues pour la labellisation FSC, puisque celle-ci concerne les forêts les unes après les autres. Les travaux sont bien engagés pour la forêt du massif de Régina-Saint-Georges, qui compte environ 500 000 hectares.
La totalité du domaine national forestier de la Guyane sera donc bientôt labellisée, et cela dès 2010 en ce qui concerne la certification PEFC. Ces efforts contribuent au développement actif de la filière du bois. Celle-ci, aujourd'hui, représente environ un millier d’emplois ; elle a connu une forte croissance ces dernières années, en lien avec la demande de constructions en bois.
Comme vous le souligniez tout à l'heure, monsieur le sénateur, il existe de nombreuses essences dans la forêt guyanaise, mais quatre d’entre elles représentent à elles seules 80 % du volume du bois exploité, ce qui constitue d’ailleurs un certain handicap économique et environnemental ; c’est à ce problème que M. le rapporteur faisait allusion tout à l'heure, me semble-t-il.
Afin de surmonter ce handicap, un important travail de classification est actuellement réalisé, notamment par la chambre de commerce, qui devrait permettre d’introduire plus de variété dans les commandes qui sont passées.
En tout cas, il convient que les donneurs d’ordre publics commandent des essences davantage diversifiées. À ce stade, les produits dits « non ligneux », qui correspondent aux produits forestiers autres que le bois, n’ont pas encore donné lieu à un développement industriel.
Il est nécessaire enfin que nous restions vigilants et surveillions les autorisations relatives aux recherches d’origine étrangère. Dans ce domaine, je signalerai des projets de développement harmonieux pour l’utilisation d’essences de bois, par l’université de Cayenne et certaines entreprises locales.
Je souhaite rappeler le rôle important que joue la forêt guyanaise dans la lutte contre le changement climatique. La Guyane peut avoir un rôle moteur régional, mais aussi international, en ce qui concerne la prise en compte du climat dans la gestion forestière, y compris en matière de technologie.
Monsieur le sénateur, sous réserve des compléments que le ministre de l’agriculture pourra vous apporter, je constate donc que la gestion du domaine forestier en Guyane est rigoureuse et répond à la fois à un souci environnemental et à une logique de développement économique responsable.
Voilà, monsieur le sénateur, les quelques éléments de réponse que je peux vous apporter et qui vous rassureront, je l’espère, quant à l’attention portée par le Gouvernement à la forêt guyanaise.
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord international de 2006 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes), adopté à Genève le 27 janvier 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l'unanimité des présents.
8
Conventions internationales
Adoption de dix projets de loi selon la procédure d’examen simplifié
(Textes de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de dix projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.
Pour ces dix projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord avec la république hellénique relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Paris le 19 mai 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (projet n° 313 (2008-2009), texte de la commission n° 247, rapport n° 246).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec les seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements, signé à Victoria le 29 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements (projet n° 406 (2008-2009), texte de la commission n° 251, rapport n° 200).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec l’angola sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Angola sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 24 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (projet n° 404 (2008-2009), texte de la commission n° 249, rapport n° 248).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec le sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements, signé à Dakar le 26 juillet 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements (projet n° 568 (2008-2009), texte de la commission n° 253, rapport n° 252).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec la république bolivarienne du venezuela sur l’emploi des personnes à charge des membres des missions officielles
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles, signé à Paris le 2 octobre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l’emploi des personnes à charge des membres des missions officielles (projet n° 429 (2008-2009), texte de la commission n° 296, rapport n° 295).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec l’arabie saoudite relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile, signé à Riyad le 24 février 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile (projet n° 311 (2008-2009), texte de la commission n° 294, rapport n° 293).
(Le projet de loi est adopté.)
convention avec la république dominicaine sur le transfèrement des personnes condamnées
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine, signée à Saint-Domingue le 13 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine (projet n° 271 (2009-2010), texte de la commission n° 298, rapport n° 297).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
convention fiscale avec la géorgie
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Géorgie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 7 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Géorgie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 357 (2008-2009), texte de la commission n° 212, rapport n° 211).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
convention fiscale avec le kenya
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole), signée à Nairobi le 4 décembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (projet n° 248 (2008-2009), texte de la commission n° 214, rapport n° 213).
(Le projet de loi est adopté.)
convention fiscale avec malte
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'avenant à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à La Valette le 25 juillet 1977 et modifié par l'avenant signé à La Valette le 8 juillet 1994 et l'échange de lettres du 8 juillet 1994, signé à La Valette le 29 août 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 570 (2008-2009), texte de la commission n° 216, rapport n° 215).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
9
Action extérieure de l'État
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (procédure accélérée) (projet n° 582 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 263, rapport no 262 et avis n° 237).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes passionnément attachés au rayonnement de la France !
M. Robert del Picchia. Oui !
M. Bernard Kouchner, ministre. J’ai pu le mesurer au cours des discussions et des rencontres que nous avons menées pour préparer ce projet de loi, en particulier avec les commissions des affaires étrangères et de la culture ; je tiens d'ailleurs à remercier leurs présidents, ainsi que leurs rapporteurs, MM. Kergueris et Duvernois.
Je remercie également tous ceux qui ont participé à ces longs travaux.
Nous partageons, je crois, la même conviction, qui est celle de tous les militants de la France : notre place dans le monde, ce n’est pas seulement un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, ou dans le club des pays les plus riches. C’est aussi Yann Arthus-Bertrand, qui discute de la fragilité de la planète au centre culturel français de Dakar avec les femmes sénégalaises ; ce sont les édifices de Jean Nouvel, qui tournent vers les étoiles les yeux de Barcelone et de Tokyo ; ce sont les experts de l’Institut Pasteur, qui participent à l’élaboration des normes de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS ; ce sont les œuvres de Camus, qui redonnent confiance à ceux qui souffrent de l’oppression.
Les grandes nations sont les nations qui éclairent. Vous le ressentez comme moi : cette vérité n’a jamais eu autant de force.
Un espace immense s’est ouvert. C’est un espace à conquérir. Les savoirs, les symboles et les hommes circulent plus vite qu’ils ne l’ont jamais fait. La révolution numérique ne remplace pas la culture ! Ne croyons pas que, dans le « cybermonde », on n’a pas besoin de culture ! C’est même tout le contraire !
Où est la France dans cette course planétaire ? Est-elle fidèle à elle-même, c’est-à-dire tournée vers l’avenir, toujours prête à se réinventer ? Est-elle fidèle à un souvenir, c’est-à-dire tournée vers un passé qui fait semblant de se survivre ?
Ne cédons pas au dénigrement de nous-mêmes par nous-mêmes ! En même temps, soyons lucides : il y a une immense demande de France à travers le monde : une demande d’expertise, de formation, d’échange, de création. Notre offre n’est pas toujours à la hauteur de cette demande !
Notre pays regorge de talents mais l’État ne dispose pas des moyens adaptés pour fédérer, orienter, inspirer ce foisonnement d’initiatives qui font l’influence et la puissance des grandes nations.
Il faut rénover les moyens de l’action extérieure de l’État, pour que notre pays se porte au-devant des autres, de lui-même, de la diversité et de l’avenir !
Combien ont fait le diagnostic ? On ne les compte plus ! Cela fait près de vingt ans qu’on en parle, qu’on analyse, et qu’on dissèque.
Qui a fait quelque chose ? Pas grand monde. De ministre en ministre, de confort en conformisme, tout le monde se dérobe.
Pourquoi ? Parce que cette réforme est très difficile ! Sinon, d’ailleurs, ce ne serait pas une réforme. Une réforme qui a l’assentiment de tous, ce n’est pas une réforme ; c’est la routine !
Cette réforme est difficile parce qu’elle concerne des structures qui se sont mises en place au long de tout un siècle, au moins. Le temps a empilé les habitudes et creusé les clivages.
Cette réforme est difficile parce qu’elle soulève des protestations inévitables, à la hauteur des certitudes tranchées, très souvent corporatistes, parfois sectaires, qui les portent.
Est-ce une raison pour ne rien faire ? Non, bien au contraire ! Ces certitudes figées, ces haines recuites – et je pèse mes mots – ces incompréhensions crispées endommagent notre politique d’influence. Nul ne peut l’ignorer.
Nous devons trouver un chemin pour avancer avec les uns et les autres. C’est ce chemin que je propose. Essayons d’affirmer un peu moins haut et d’avancer un peu plus loin !
Soyons fidèles enfin à la leçon de l’humanisme, qui est la vraie culture et le contraire des idéologies. Ne pas affirmer par avance, toujours agir, toujours remettre en cause, chercher la voie étroite entre l’action sans idéal et l’idéal sans action : c’est cela selon moi l’humanisme !
La réforme dont nous avons besoin se fera dans la durée. Raison de plus pour enclencher maintenant le processus, pour créer les institutions qui créeront à leur tour des habitudes nouvelles, une énergie nouvelle, un attachement nouveau !
Ayons l’audace de commencer. Ayons l’audace de commencer par le commencement, non par la fin. Ayons l’audace de commencer résolument. C’est cela l’ambition véritable de cette réforme !
Ce n’est pas seulement une question d’intérêt. C’est aussi une question de valeurs ! Notre diplomatie d’influence, c’est vrai, traverse une crise de sens. Parfois, elle ne connaît plus très bien sa raison d’être, ses moyens et ses buts. Ouvrons donc les yeux ensemble !
La culture, ce n’est pas l’amusement d’une élite. C’est la nécessité de tout un peuple. C’est une nécessité pour qui veut empêcher le monde de se défaire. À force de l’oublier, on s’égare en bien petites querelles.
Quel monde voulons-nous ? Voulons-nous l’uniformisation des esprits, qui est le despotisme de la pensée ? Ou bien voulons-nous la diversité, qui est la condition d’une pensée libre ? La culture se nourrit de l’échange. Elle meurt de solitude.
Voulons-nous risquer l’incompréhension et la fracture entre les peuples, qui est la porte ouverte à l’extrémisme ? Ou bien voulons-nous lutter pour l’idée obstinée qu’il existe une humanité commune, faite d’œuvres à admirer, de savoirs à partager, de principes à respecter, et que chaque homme, chaque nation, se définit par ce qu’il donne aux autres ?
Certains utilisent la culture comme une arme de guerre. La force de notre diplomatie, c’est de leur répondre par la culture comme espace de dialogue et d’échange !
Non, la culture n’est pas un ornement ! Oui, la culture est politique. Elle est une politique. On n’aurait pas l’idée de la justice, si l’on n’avait la poésie ! Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique extérieure de la France trouve dans la culture beaucoup plus qu’un moyen d’influence : elle y trouve un écho et une inspiration !
Ne perdons pas de vue cette réalité, et rassemblons les énergies pour trouver un chemin, au lieu de fuir dans l’horizon du mieux inaccessible, qui est souvent l’ennemi du bien !
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis dix ans, on fait de grands et beaux discours sur l’influence française. Aujourd’hui, nous avons l’occasion, ensemble, de faire plus qu’un beau discours ; nous avons l’occasion d’avancer, de faire un pas en avant – ce n’est pas beaucoup, mais c’est essentiel.
C’est le sens du projet de loi que vous allez examiner. Ce projet engage la réforme de notre diplomatie d’influence.
Il propose la création de deux opérateurs, l’un pour l’action culturelle extérieure, l’autre pour la mobilité et l’expertise internationale.
Il donne à ces opérateurs des règles constitutives communes, en les regroupant sous une même catégorie. Il rénove les textes qui, depuis bientôt quarante ans, régissent notre assistance technique.
Il contient par ailleurs deux dispositions, sur lesquelles je reviendrai pour finir : la création d’une allocation pour les conjoints d’agents expatriés, et la possibilité pour l’État d’exiger le remboursement de certains frais engagés à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger.
Comme je l’ai dit devant la commission des affaires étrangères, un certain nombre des amendements qui ont été adoptés relèvent en fait du domaine réglementaire ; il aurait mieux valu, selon moi, qu’ils figurent plutôt dans les décrets d’application de ce projet de loi. Je pense en particulier aux dispositions sur la gouvernance des opérateurs. Je tiens à rappeler cette position, qui est celle du Gouvernement.
Il fallait donner aux deux nouveaux opérateurs des règles constitutives communes, qui garantissent leur efficacité et l’unité de l’action de l’État à l’étranger. C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit de les rassembler sous une catégorie nouvelle, celle d’établissement public contribuant à l’action extérieure de la France.
Cette catégorie pourra s’étendre éventuellement à d’autres opérateurs, comme l’Agence de l’enseignement français à l’étranger. En revanche, je tiens à préciser que les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas à l’Agence française de développement. N’oublions pas que cette agence est également une banque !
Le point central de la nouvelle catégorie d’opérateurs est en effet celui-ci : leurs relais à l’étranger seront placés sous l’autorité de l’ambassadeur, et ils feront partie intégrante des missions diplomatiques.
Cette disposition est primordiale, pour conserver l’unité et la lisibilité dont l’action de la France a besoin vis-à-vis de ses partenaires. Elle est primordiale également pour donner aux opérateurs, avec le statut diplomatique, la protection dont ils ont besoin dans tous les domaines. Je vous proposerai d’ailleurs un amendement visant à préciser cette disposition.
Permettez-moi de commencer par l’agence culturelle. D’abord, je veux vous dire que tout se fait en parfaite amitié, en parfait accord et en commun avec le ministère de la culture, qui a tout son rôle à jouer et qui le jouera.
De quoi avons-nous besoin ?
Nous avons besoin d’un dispositif rassemblé, plus cohérent et plus lisible. Avec ce projet de loi, notre dispositif sera enfin fédéré sous un label unique !
Nous avons besoin d’un pilotage stratégique, efficace, souple et légitime. Avec ce projet de loi, notre réseau sera doté d’une tête !
Nous avons besoin d’une meilleure politique des ressources humaines. Malgré la très grande qualité de nos agents, nous n’offrons pas des formations suffisantes, ni des parcours de carrière valorisants. Avec ce projet de loi, vous allez redonner à nos agents la fierté de travailler pour le rayonnement culturel de la France !
Nous avons besoin de financements pérennes. Avec ce projet de loi, nous allons pouvoir utiliser les crédits au mieux, justifier la possibilité d’en obtenir de nouveaux, et diversifier les moyens de financement !
En un mot comme en cent, nous avons besoin de nous doter d’une agence culturelle, comme l’ont fait avec succès de grands pays voisins. L’article 6 du projet de loi vise à créer cette agence.
Je voudrais aborder cinq points : le nom, les missions, le réseau, la gouvernance, et les statuts.
L’agence donnera son nom aux 143 centres culturels français à travers le monde. C’est plus qu’un symbole ! Mais c’est aussi un symbole. Vous avez voulu que ce nom soit inscrit dans la loi. Vous avez voulu que ce nom soit celui de Victor Hugo. Ce choix n’est pas pour me déplaire. Je crois qu’il ne déplaît pas non plus aux agents et aux usagers de notre réseau culturel. Nous les avons interrogés – 1 000 agents et 5 000 usagers – sur la personnalité le mieux à même d’incarner notre diplomatie culturelle. Devant Albert Camus, Jules Verne, Marie Curie, Victor Hugo est arrivé très largement en tête.
Hugo, c’est l’écrivain français le plus connu hors de nos frontières. C’est un point de ralliement entre la France et le reste du monde, et l’expression vivante de ce désir de France dont je parlais tout à l’heure.
C’est la confiance dans l’homme et la croyance dans le progrès. (M. Robert del Picchia applaudit.) C’est la lutte contre l’esclavage et pour l’abolition de la peine de mort sur tous les continents. C’est le poète de la République et de la liberté, dont la statue a été abattue en 1942 par la collaboration.
C’est l’intuition du devoir d’ingérence et l’intuition de l’Europe. C’est, comme il l’énonce dans un texte sur la Serbie, « la conscience humaine [qui] prend la parole et donne aux gouvernements l’ordre de l’écouter. »
C’est celui qui se dresse contre tous les conformismes et tous les conforts de la pensée : partisan d’une Europe fédérale et fervent patriote ; anticlérical et mystique ; pacifiste et défenseur des luttes armées pour de justes causes ; vicomte et pair de France, s’élevant contre le travail des enfants.
Hugo, c’est un porte-drapeau et un porte-lumière ! Et puis je n’oublie pas, bien sûr, qu’il fut sénateur !
M. Yves Pozzo di Borgo. De gauche !
M. Bernard Kouchner, ministre. Je réservais cela pour la fin !
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nom n’est pas seulement un symbole. C’est un programme et un devoir, une tâche que notre agence et le réseau auront à cœur d’accomplir.
Quelles seront les missions de cette nouvelle agence ? Elle ne reprendra pas seulement celles de l’association CulturesFrance, à laquelle elle se substitue, c’est-à-dire accompagner et promouvoir à l’étranger la création artistique et les industries culturelles françaises. Cela, Olivier Poivre d’Arvor a très bien su le faire. Je le remercie chaleureusement pour son action et pour son soutien au cours de la transition difficile vers un nouvel opérateur. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
L’agence prendra en charge plusieurs missions nouvelles, parce que la culture, ce n’est pas seulement les beaux-arts. La culture, c’est aussi la langue et tout ce qu’elle véhicule avec elle d’humanisme. La culture, ce sont aussi les idées, y compris les idées scientifiques.
Je crois que la première mission de la France, c’est de défendre cette idée large et englobante de la culture.
Ainsi, l’agence développera des programmes de soutien à la langue française, qu’il s’agisse d’encadrer l’activité d’enseignement du réseau culturel ou d’œuvrer au renforcement de la place de notre langue dans les systèmes éducatifs étrangers.
Elle engagera des programmes destinés à renforcer la place de la France dans le débat d’idées à l’étranger, à promouvoir les savoirs français et la culture scientifique, qui est aussi notre héritage – celui des Lumières – et notre avenir.
Enfin, elle sera investie d’une mission de conseil et de formation professionnelle très solide et obligatoire des personnels français et étrangers de notre diplomatie culturelle.
Ce point est essentiel : l’agence aura pour mission de coiffer les 143 établissements de notre réseau, qui seront ses relais à travers le monde.
L’agence et le réseau ne partageront pas seulement le même nom. Ils seront, dès le début, unis par des liens fonctionnels très forts, grâce à un dialogue et à des échanges constants. Non seulement je m’y engage, mais c’est inscrit dans le projet de loi !
Les personnels de l’agence et du réseau se mélangeront dès le début, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Dans l’agence, les personnels issus du réseau rencontreront déjà le personnel en poste à Paris et en France. Ces liens se traduiront notamment dans deux domaines, la formation et la programmation de l’activité.
Pour l’instant, le réseau des centres et instituts français à l’étranger reste rattaché administrativement au ministère des affaires étrangères et européennes. Toutefois, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai souhaité sur ce sujet une clause de rendez-vous. Ainsi examinerons-nous dans un délai de trois ans l’opportunité de rattacher organiquement le réseau à l’agence.
Telle est d’ailleurs la recommandation unanime de la commission des affaires étrangères et de la commission de la culture et tel est le cap que je souhaite fixer. Mais une réforme ne s’impose pas d’en haut : elle se gagne quand elle est acceptée par ceux qui sont ensuite chargés de la faire vivre.
Vous proposez de commencer par des expérimentations locales. Si ce principe est retenu, nous lancerons ces dernières dès que possible, c'est-à-dire immédiatement. Je pense que c’est une très bonne idée. Dans tous les cas, c’est un préalable indispensable pour une bonne décision, consensuelle et informée.
Faisons confiance aux hommes, à leur intelligence, à leur volonté. Laissons à la politique la part d’invention et procédons par ordre, en commençant par nous doter d’une agence à la fois légitime et efficace.
Une agence légitime, c’est une agence qui associe tous ceux qui ont leur mot à dire sur la définition et sur la mise en œuvre de notre diplomatie culturelle, au premier rang desquels, je ne le répéterai jamais assez, le ministère de la culture, les parlementaires, les collectivités locales, les milieux culturels.
Une agence efficace, cela signifie une tutelle unique, un contrat d’objectifs et de performance, une unité de commandement. En cas de conflit – c’est arrivé bien souvent dans d’autres réseaux voisins du nôtre – entre le représentant de l’agence et un ambassadeur, il reviendra au ministre de trancher ; cela sera inscrit dans le décret. Cette efficacité de commandement doit également se décliner dans la composition du conseil d’administration, qui, tout en étant représentatif, ne doit pas être pléthorique. Il doit rester une instance resserrée de pilotage décisionnel.
Légitimité et efficacité : cette double logique a aussi présidé au choix du statut juridique. D’aucuns prétendent que nous privatisons notre action culturelle. Mais ce n’est pas une privatisation ! Olivier Poivre d’Arvor le sait. Alors qu’aujourd’hui CulturesFrance est une simple association, nous voulons faire de la nouvelle agence un établissement public.
Un établissement public est plus légitime qu’une association pour mettre en œuvre une politique publique. Et un établissement public industriel et commercial, un EPIC, est plus efficace qu’un établissement public administratif, parce qu’il offre une souplesse de gestion que n’a pas l’administration.
Le statut d’établissement public industriel et commercial a fait ses preuves : l’Agence française de développement, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger sont des EPIC.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L’AEFE est un établissement public administratif !
M. Bernard Kouchner, ministre. Grâce au statut d’EPIC, l’agence pourra faire appel à des financements privés, gérés selon une comptabilité privée, laquelle est, vous en conviendrez, plus facile à consulter et à bâtir qu’une comptabilité publique. Elle pourra lever des cofinancements, lever des fonds de l’Union européenne et des organisations internationales, comme la Banque mondiale. C’est essentiel dans la perspective d’un rattachement du réseau à l’agence.
Le statut d’EPIC a aussi une incidence en termes de politique des ressources humaines. Vous le savez, le droit contractuel de la fonction publique limite dans le temps la durée des contrats. Parfois, il nous interdit de garder des personnels de qualité au-delà d’une certaine durée. Grâce au statut d’EPIC, ces personnels pourront notamment rester en contrat à durée indéterminée, ce qui participera à la professionnalisation souhaitée.
Vous me parlez de justice sociale. Eh bien, un établissement public administratif est paradoxalement moins protecteur. Il ne nous autoriserait pas à garder les personnels pour une durée indéterminée ! Le plus souvent, nous serions obligés de nous en défaire au bout de cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous examinez est une partie d’un effort plus vaste, qui ne néglige pas la question des ressources financières et des ressources humaines. N’oublions pas que notre réseau produit déjà des ressources propres et que la part de son autofinancement ne cesse de croître.
Pour ce qui est des crédits publics, j’ai interrompu en 2009 une baisse historique et continue, engagée en 2000 par un gouvernement auquel nous avons participé ensemble, chère Catherine Tasca ; vous voyez, cela arrive aux meilleurs gouvernements ! (M. Robert del Picchia s’exclame.) À partir de 2000, ce fut le grand plongeon !
J’ai obtenu 40 millions d’euros pour moderniser en profondeur le réseau. Jamais cela n’avait été fait !
Mme Catherine Tasca. On en perd 120 millions !
M. Bernard Kouchner, ministre. Mais non !
Comment sont utilisés ces 40 millions d'euros ? Ils servent d’abord à la numérisation des supports. Ils servent à ouvrir, en Chine, un portail dédié à l’offre culturelle française. Ils servent à mettre en réseau, en Afrique australe, les acteurs de l’offre et de la demande linguistique et culturelle. Ils servent aussi à renforcer notre politique de formation, à soutenir nos industries culturelles du livre et du cinéma. C’est un investissement dans le long terme.
La réforme que je propose nous permettra de mieux utiliser ces moyens préservés et justifiera la possibilité d’en obtenir de nouveaux, précisément parce que nous serons plus efficaces et performants ! Songez que, pris dans sa globalité, le réseau représente plus de 350 millions d'euros qui pourraient être regroupés entre les mains d’un seul opérateur !
Je sais que la taxation au titre du grand emprunt vous inquiète. C’est légitime. Permettez-moi d’apporter quelques précisions à ce sujet.
Il est vrai que mon ministère a été mis à contribution, à l’instar de tous les autres. Toutefois, j’ai obtenu que les annulations soient ramenées de 19,5 millions d'euros à 13,5 millions d'euros.
Sur l’ensemble des annulations et plus spécifiquement à propos de la taxation de 5 millions d’euros qui menaçait nos crédits culturels, j’ai écrit au Premier ministre et je pense que nous y échapperons.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Comme vous le savez, notre action culturelle est répartie entre le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », et le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique ».
J’ai obtenu que le programme 209 soit totalement exonéré d’annulation. Ainsi les crédits culturels à destination des pays en développement et des pays émergents seront-ils intégralement préservés.
Pour ce qui est du programme 185, il est touché par une taxation de 5 millions d’euros. Je le regrette.
Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung. Nous aussi !
M. Bernard Kouchner, ministre. Toutefois, j’ai demandé à la direction financière du ministère de sanctuariser les crédits budgétaires et de répartir la taxation sur le reste des crédits.
Voilà notre feuille de route pour l’année 2010.
Pour l’avenir, gageons que nous n’aurons pas de grand emprunt à financer tous les ans et que les crédits culturels pourront être pérennisés et surtout augmentés. Je m’engage à tenter d’y parvenir avec acharnement. Je veux que cette réforme soit soutenue financièrement. C’est le souhait du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la question des ressources humaines est tout aussi importante. L’agence que nous créons contribuera à professionnaliser notre réseau. Cette professionnalisation, je l’ai déjà engagée dans deux domaines, la formation et le recrutement.
J’évoquerai d’abord la formation. J’ai mis en place un plan massif à destination de nos personnels, expatriés et recrutés locaux. Comment gérer un établissement culturel ? Comment exporter les produits de notre industrie culturelle ? Comment monter un projet, obtenir des cofinancements, trouver des mécènes ? Cela s’apprend !
L’un des volets de la réforme consiste bien sûr à développer un dialogue rénové avec nos partenaires, notamment avec les Alliances françaises. Ne confondons pas ces deux réseaux. Ils ont tous deux leur utilité et ne sont pas concurrents. D’ailleurs, le label unique dont nous parlons aujourd’hui s’applique seulement au réseau public, celui qui est formé par l’agence et les centres culturels. Les Alliances Françaises sont des associations privées de droit local et elles conservent leur dénomination. Elles constituent un atout formidable et sont l’expression éclatante de l’intérêt que les sociétés civiles étrangères portent spontanément à la culture française. C’est une chance et une richesse, mais nous n’avons pas vocation à tout régenter ! Avec Jean-Pierre Delaunoy, les projets seront complémentaires et productifs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre rayonnement et notre influence ne nous imposent pas seulement de renforcer notre présence dans l’espace culturel mondial. Si nous voulons continuer à peser dans le monde, il nous faut aussi améliorer l’action de nos centres de formation supérieure, de recherche, d’expertise. C’est le second objectif de ce projet de loi.
Nous savons que la formation supérieure est désormais devenue concurrentielle. Des millions d’étudiants franchissent chaque année les frontières de leur pays pour se former à l’étranger. Dans cette saine compétition, la France n’est pas mal placée. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s’exclame.) Elle occupe le quatrième rang pour l’accueil des étudiants étrangers. Je préférerais que ce soit mieux, mais ce classement n’est déjà pas si mal !
M. Yves Pozzo di Borgo. On perd des places en qualité !
M. Bernard Kouchner, ministre. Toutefois, cette position doit être consolidée. Nous pouvons accueillir plus d’étudiants. Nous devons pouvoir mieux les accueillir, les orienter non seulement dans les disciplines dans lesquelles ils ont plus de chances de réussir, mais aussi dans celles qui sont intéressantes pour la France. Bien sûr, nous devons être en mesure d’attirer davantage les étudiants issus des pays émergents.
À côté de ce défi, il en est un autre dont nous n’avons pas encore mesuré toute l’importance stratégique. C’est le marché, immense, de l’expertise.
Les besoins des sociétés en développement et en transition ainsi que la multiplication des institutions internationales ont en effet créé une immense demande d’expertise. Disons-le : sur ce marché mondial, l’offre de la France est insuffisante.
C’est un enjeu économique. Le marché de l’expertise représente plusieurs milliards d’euros et des milliers d’emplois.
C’est un enjeu politique. Un pays qui a l’ambition de compter doit participer à l’élaboration des normes techniques et juridiques et des bonnes pratiques qui se diffusent dans le monde. Il doit pouvoir influencer les débats sur les questions globales et les règles de la gouvernance mondiale.
Ne laissons pas ce marché nous échapper ! Il est encore temps de serrer notre chance !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous allez voter aujourd’hui nous aidera à relever ce défi. D’abord, il crée, à côté d’une agence culturelle, une agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. Ensuite, il modernise le statut des experts que la France souhaite envoyer à l’étranger.
Un consensus se dégage sur la nécessité de créer une agence pour la mobilité des étudiants, des chercheurs, des experts. Notre dispositif en la matière était éclaté.
Une association, Égide, était chargée de gérer les bourses, invitations et missions du gouvernement français. Un groupement d’intérêt public, France Coopération Internationale, avait pour mission de gérer la mobilité de nos experts. Un autre groupement d’intérêt public, CampusFrance, avait été créé pour s’occuper de la promotion à l’étranger des études supérieures françaises, de l’accueil et de l’orientation des étudiants étrangers désireux de poursuivre des études dans notre pays.
Nous allons fusionner ces organismes, regrouper leurs moyens, au sein d’un établissement public industriel et commercial. Celui-ci permettra de mieux asseoir l’autorité de l’État sur cette fonction stratégique qu’est le renforcement de l’attractivité de notre territoire, tout en mettant en place, pour l’exercice de cette fonction, des modalités de gestion rénovées, modernes et, je l’espère, rationnelles.
Je veux dire un mot sur la question des bourses destinées aux étudiants étrangers. Aujourd’hui, ces bourses sont aussi gérées par le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS. Si nous voulons disposer d’un guichet unique, plus lisible et plus attractif, il est souhaitable que le CNOUS international soit rattaché à terme à l’Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales, l’AFEMI, lorsque cette dernière aura fait ses preuves.
J’en reviens au sujet de l’expertise : le projet de loi ne se limite pas à créer un opérateur ; il rénove aussi le statut de nos experts. Il fallait actualiser notre offre en fonction de la demande actuelle.
Ainsi, la loi nous permettra de disposer d’une expertise plus large couvrant les domaines du secteur public et du secteur privé.
Le projet de loi nous permettra de placer nos experts non seulement auprès d’États étrangers et d’institutions internationales, mais aussi auprès de think tanks – c’est une expression qui, comme le terme de leadership, n’a pas d’équivalent en français, à mon grand regret ! (Sourires.)
Il permettra également de moduler la durée de séjour de nos experts, la demande se portant de plus en plus aujourd’hui sur des missions courtes ou moyennes. Enfin, il permettra de mobiliser cette expertise plus rapidement.
S’agissant de l’allocation au conjoint, je ne reviens pas en détail sur le titre III du projet de loi, qui crée une allocation pour les conjoints d’agents expatriés, dans la mesure où elle recueille un large consensus. C’est néanmoins une disposition à laquelle je tiens beaucoup.
Là encore, depuis quarante ans, la mesure aurait pu être prise ! Grâce à ce texte, l’allocation sera désormais versée directement au conjoint. Cela paraît évident, et pourtant ce n’était pas le cas. Aujourd'hui encore, l’allocation est versée au responsable de la famille, qui est souvent l’époux, quoique aussi, parfois, et c’est heureux, l’épouse.
C’est donc là une première étape vers la création d’un véritable « statut du conjoint », que le Président de la République a appelé de ses vœux.
Enfin, j’aborderai brièvement le titre IV, qui concerne le remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger.
Ce n’est pas la moindre mesure de ce texte ! Nous en avons longuement débattu avec MM. les présidents et les rapporteurs des deux commissions. Je crois que nous sommes tombés d’accord sur sa nécessité, sans aucune visée polémique, surtout à l’heure actuelle.
Nous l’observons tous les jours, l’État est de plus en plus souvent amené à engager des opérations de secours au profit de ressortissants français qui s’exposent à un danger immédiat, dans des zones notoirement dangereuses, où ils séjournent pour leurs loisirs ou dans le cadre de leur activité professionnelle.
Ces personnes ne peuvent pas se voir réclamer le montant des frais qui sont engagés pour préserver leur intégrité, assurer le soutien à leur famille et mettre en place la logistique nécessaire à la gestion de la crise. Il s’agit parfois de sommes exorbitantes ! Pourquoi ? À cause d’une conception traditionnelle de la gratuité des secours, qui n’a pas d’équivalent juridique à l’étranger.
Les professionnels du tourisme, des transports et de l’assurance sont tentés, eux aussi, de s’en remettre à l’État pour le rapatriement de leurs clients.
Ce fut le cas lors du blocage de l’aéroport de Bangkok en novembre 2008. Il a fallu affréter des avions pour rapatrier les cinq cents touristes français. Je ne vous parle pas de la somme dépensée… Je suis informé, car c’était le Centre de crise du ministère qui gérait la situation.
Pour mieux sensibiliser nos concitoyens aux conséquences des risques inutiles qu’ils prennent et font prendre aux équipes de secours, le projet de loi donne à l’État une faculté qu’il n’avait pas jusqu’alors : exiger des personnes s’étant délibérément mises en danger, sauf motif légitime, le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours. C’est une faculté, pas une obligation. Les décisions seront toujours prises au cas par cas.
Le projet de loi donne aussi à l’État la faculté d’exercer une action récursoire à l’égard des opérateurs défaillants, c'est-à-dire les transporteurs, voyagistes ou compagnies d’assurance, qui n’ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, hors cas de force majeure.
Entendons-nous bien, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas de limiter la liberté de voyager ou bien d’exercer une profession, que ce soit celle des personnels humanitaires ou celle des journalistes.
Cette disposition s’applique, comme le prévoit l’article 13, aux « personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer ».
Messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas tous les jours qu’un ministre des affaires étrangères vient devant vous présenter un projet de loi. Ce texte répond à une seule conviction : ce qui fait la grandeur de la France, c’est ce qu’elle donne aux autres. Offrons-lui les moyens de donner le meilleur ! Et donnons-nous les moyens de faire maintenant un premier pas nécessaire.
« Les éléments du pouvoir d’une grande nation ne se composent pas seulement de ses flottes, de ses armées, de la sagesse de ses lois, de l’étendue de son territoire. » Cette phrase de Victor Hugo nous inspire encore. Je suis heureux de constater que vous en êtes comme moi convaincus. Et je suis heureux, plus encore, que nous puissions mener ensemble ce combat, qui n’est pas terminé et ne cessera pas dans les trois ans à venir, ni peut-être au-delà.
C’est la raison pour laquelle je serai heureux de travailler avec vous pour que ce projet de loi soit voté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Yves Dauge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Kergueris, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, mes chers collègues, ainsi que vient de le rappeler M. le ministre des affaires étrangères et européennes, le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État s’inscrit dans le cadre de la réforme du ministère des affaires étrangères.
L’objectif de cette réforme est de passer d’une logique de rayonnement à une diplomatie d’influence, afin de renforcer la place et l’influence de la France hors de nos frontières dans le contexte de mondialisation que nous connaissons.
Après la réorganisation de l’administration centrale du Quai d’Orsay, l’objet du projet de loi est de doter le ministère des affaires étrangères d’opérateurs modernes et efficaces.
Le texte prévoit ainsi la création de deux nouvelles agences : une agence chargée de la coopération culturelle et une agence chargée de l’expertise et de la mobilité internationales.
Je n’évoquerai pas ici les autres dispositions du projet de loi, comme la création d’une allocation pour les conjoints d’agents expatriés ou le remboursement des dépenses engagées par l’État à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger ; je me permets de vous renvoyer à mon rapport sur ces différents points.
Pour l’examen de ce texte, je me suis fondé sur les recommandations du rapport d’information sur la diplomatie culturelle présenté conjointement par les présidents Jacques Legendre et Josselin de Rohan, recommandations adoptées à l’unanimité par les commissions des affaires étrangères et de la culture du Sénat en juin 2009. J’ai coutume de dire que c’est là mon bon de commande.
Je voudrais aussi mentionner la très bonne entente qui a présidé aux relations que nous avons établies avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture, notre collègue Louis Duvernois, et qui nous a permis de présenter des amendements identiques ou très proches sur les principales dispositions du projet de loi.
Sur les soixante-dix amendements déposés, la commission des affaires étrangères et de la défense en a adopté trente-trois, qu’elle a intégrés au texte qu’elle vous soumet aujourd’hui.
Le projet de loi prévoit d’abord la création d’une agence chargée de la coopération culturelle.
Il ne s’agit pas là d’un sujet nouveau pour notre assemblée. Ces cinq dernières années, pas moins de six rapports d’information et plusieurs propositions de loi ont été consacrés au sujet.
Dès 2004, la Cour des comptes avait critiqué le statut d’association de la loi de 1901 de CulturesFrance, en raison de déficiences dans sa gestion et du manque de contrôle de l’État.
Sur l’initiative de notre collègue Louis Duvernois, le Sénat avait même adopté à l’unanimité, en février 2007, une proposition de loi tendant à transformer CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC.
La création de cette agence devrait permettre de donner un second souffle à notre action culturelle à l’étranger.
L’objectif visé est de renforcer la cohérence et la visibilité de notre diplomatie culturelle face à nos partenaires et concurrents que sont dans ces domaines le Royaume-Uni, avec le British Council, l’Allemagne avec le Goethe Institut, l’Espagne avec l’institut Cervantes, mais aussi la Chine, avec les instituts Confucius.
Si nous approuvons le dispositif proposé, il nous semble toutefois qu’il reste en deçà des recommandations formulées dans le rapport des deux commissions sur la diplomatie culturelle.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. C’est vrai !
M. Joseph Kergueris, rapporteur. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, conjointement avec notre collègue Louis Duvernois, plusieurs amendements qui ont été adoptés par nos deux commissions.
Nous avons d’abord tenu à préciser dans la loi la dénomination de cette nouvelle agence, qui s’intitulerait « Institut Victor Hugo ».
Ainsi, comme vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, nos centres et instituts culturels à l’étranger seront dotés d’un label unique, sur le modèle du Goethe Institut ou de l’institut Cervantes, sans préjudice des Alliances françaises.
Il est vrai, et j’en conviens, que certains auraient préféré l’appellation « Institut français ». Il nous a toutefois semblé que cette dénomination présentait quelques inconvénients, et singulièrement celui de lui conférer un caractère un peu plus administratif.
C’est la raison pour laquelle nous avons préféré lui donner le nom de Victor Hugo, qui est l’écrivain français le plus connu à l’étranger d’après les enquêtes réalisées et que nul ici ne peut contester, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
Il nous a semblé également nécessaire de placer cette agence sous une tutelle clairement identifiée, qui serait exercée par le ministre des affaires étrangères, tout en renforçant la dimension interministérielle de notre action culturelle extérieure par la création d’un conseil d’orientation stratégique.
Par ailleurs, nous avons souhaité prévoir une coopération étroite de l’agence avec les industries culturelles, les Alliances françaises et les collectivités territoriales.
Enfin, nous avons estimé indispensable d’établir un lien étroit entre cette agence et le réseau culturel à l’étranger, notamment en associant l’agence à la politique de recrutement, de formation professionnelle et de gestion des carrières des agents et en inscrivant dans la loi une « clause de rendez-vous », que vous avez rappelée, monsieur le ministre, sur le rattachement à terme du réseau culturel à l’agence.
Si le sujet de la mobilité et de l’expertise internationales peut paraître, à première vue, plus technique, il se situe néanmoins au cœur de la diplomatie d’influence.
En effet, l’influence d’un pays ne se mesure plus uniquement aujourd’hui sur le terrain politique, mais aussi dans la bataille des idées, des savoirs, de la connaissance quelle qu’en soit sa déclinaison, générale, scientifique ou technologique.
Citons à nouveau Victor Hugo : « L’expression a des frontières, la pensée n’en a pas. »
Or notre pays n’est pas suffisamment bien armé dans ce domaine, comme en témoigne notre faible place sur le marché de l’expertise internationale ou de l’enseignement supérieur.
Ainsi, notre pays accueille deux fois moins d’étudiants européens que l’Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni. À titre de comparaison, rappelons que, si le budget de l’opérateur français pour la promotion de l’enseignement supérieur CampusFrance représente 6 millions d’euros, celui de l’opérateur allemand est dix fois plus élevé et celui du British Council, cinquante fois plus.
De même, alors que nos concurrents étrangers disposent souvent d’un opérateur unique pour l’expertise internationale, à l’image de l’Allemagne, notre pays se caractérise par sa dispersion entre une quarantaine d’opérateurs publics situés dans chaque ministère et autant d’organismes privés.
Comme l’a souligné Nicolas Tenzer dans un rapport au Gouvernement, notre pays est très mal placé en matière d’appels d’offres internationaux. Or, ce marché est évalué à 400 milliards d’euros sur les cinq prochaines années. Le projet de loi apporte un début de réponse en prévoyant la création d’une nouvelle agence chargée de l’expertise et de la mobilité internationales.
Cette agence serait issue de la fusion de CampusFrance, d’Égide et de France Coopération Internationale.
Le regroupement de ces trois organismes au sein d’une seule agence permettra de doter le ministère des affaires étrangères d’un opérateur d’une taille plus importante et de développer des synergies.
Pour autant, cette réforme, si elle paraît nécessaire, ne sera pas suffisante à elle seule pour renforcer la place de notre pays sur les marchés de la mobilité et de l’expertise internationales.
Après le regroupement des opérateurs dépendant du ministère des affaires étrangères, il conviendra d’encourager la coopération avec les opérateurs dépendant des autres ministères, puis avec les opérateurs privés afin que tous marchent de concert.
C’est la raison pour laquelle notre commission a adopté plusieurs amendements visant notamment à préciser la dénomination, les missions et la tutelle ministérielle de la nouvelle agence, qui s’intitulerait « Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales ».
Nous avons également estimé souhaitable, au moyen d’autres amendements, d’établir une coopération étroite entre cette agence et les établissements d’enseignement supérieur et les autres opérateurs, publics ou privés, notamment au moyen d’instances consultatives prévues à cet effet.
Dans ces conditions, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite donc à adopter le projet de loi ainsi rédigé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la littérature du Sénat sur le thème de l’action culturelle extérieure a été prolifique. Elle est surtout très ancienne. Voilà presque dix ans, notre collègue Yves Dauge, alors député, tirait la sonnette d’alarme sur la situation de notre réseau d’instituts et de centres culturels à l’étranger. Ses propos, parce que justes, avaient fait l’effet d’une bombe médiatique amplifiée par la célèbre émission culturelle de l’époque Apostrophes.
Depuis, plusieurs rapports d’information et avis budgétaires se sont succédé pour réclamer haut et fort un sursaut de notre diplomatie culturelle, aussi bien en termes de stratégie qu’en termes budgétaires. Je suis moi-même l’auteur d’un rapport d’information sur la diplomatie d’influence française, présenté en 2004, au nom de la commission des affaires culturelles.
Car notre politique culturelle extérieure n’a été, longtemps, portée par aucune véritable stratégie. Privée d’une cohérence d’ensemble, elle fait tout naturellement l’objet de coupes budgétaires de plus en plus systématiques. Orphelin de projet, orphelin de moyens, notre réseau culturel à l’étranger est ainsi en proie à une démobilisation préoccupante. Entretenir l’image de la France à l’étranger, une image dont l’effet de levier est, du reste, considérable, cela a un prix. En refusant de le payer, on hypothèque gravement notre capacité d’influence et d’attractivité, avec des répercussions bien plus douloureuses qu’on n’ose l’imaginer.
On en revient toujours au même paradoxe. La France a inventé le concept de diplomatie culturelle dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Et pourtant, aujourd’hui, nous apparaissons complètement dépassés par l’activisme intense déployé par nos concurrents qui multiplient à l’étranger les British Councils, les instituts Goethe, les instituts Cervantes ou encore les instituts Confucius. Nous disposons pourtant d’un potentiel énorme : un capital de sympathie à l’étranger alimenté par un très fort désir de France, le réseau culturel le plus dense au monde, des personnels culturels compétents et passionnés. Alors pourquoi sommes-nous dépassés, que nous manque-t-il ? Il nous manque, tout simplement, une stratégie claire et les moyens de la mettre en œuvre !
Vous comprendrez donc que ce projet de loi, nous l’attendions avec une très forte impatience, monsieur le ministre. En février 2007, le Sénat adoptait déjà à l’unanimité une proposition de loi, dont j’étais l’auteur, qui visait à transformer CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial, EPIC, et à mieux articuler ses liens avec le réseau culturel. Aujourd’hui se présente à nous une nouvelle chance qu’il faut saisir de toute urgence.
Faisons de ce projet de loi un texte à la hauteur de nos espérances. Je salue, à ce propos, l’esprit de concertation qui a présidé à l’élaboration du texte de la commission des affaires étrangères. Je veux remercier mon collègue rapporteur Joseph Kergueris et les présidents Legendre et de Rohan pour leurs positions courageuses et leur détermination. Nos deux commissions ont conduit ensemble une longue série d’auditions. Elles ont ainsi pu présenter des amendements identiques, inspirés de leur rapport d’information commun adopté à l’unanimité.
Ce que nous voulons, c’est une stratégie clairement identifiable dans le projet de loi. Cette stratégie est la suivante : notre diplomatie d’influence doit reposer sur des opérateurs au pilotage stratégique clairement identifié et aux périmètres d’intervention bien dessinés. Ils doivent disposer d’une gouvernance à la fois réactive et participative. Leurs liens avec le réseau culturel doivent être clairement établis. C’est avec cette stratégie à l’esprit que nous entendons compléter substantiellement le projet de loi.
Un pilotage stratégique effectif suppose de responsabiliser les opérateurs vis-à-vis de leurs tutelles respectives. Nous avons donc souhaité consacrer le principe de la conclusion systématique d’un contrat d’objectifs et de moyens entre les agences et l’État.
Le pilotage stratégique suppose également de bien identifier la tutelle, un « chef de file », une « tête de pont ». S’agissant de l’agence culturelle, il nous a semblé que le Quai d’Orsay avait tout naturellement vocation à exercer cette tutelle. Le principe d’une tutelle unique, garantie d’un pilotage effectif, n’exclut pas pour autant une concertation interministérielle préalable dans l’élaboration de leurs orientations stratégiques.
En conséquence, nous avons précisé que le Quai d’Orsay devra les définir conjointement avec le ministère de la culture dans le cas de l’agence culturelle, et avec le ministère de l’enseignement supérieur dans le cas de l’agence de la mobilité.
Une autre dimension à imprimer au pilotage de ces opérateurs est leur dimension participative et fédérative. Autant que faire se peut, tous les acteurs concernés, aussi bien publics que privés, doivent être associés au fonctionnement de ces agences. C’est pourquoi nous avons tenu à préciser que seront placés auprès de ces opérateurs des conseils d’orientation stratégique qui leur seront potentiellement ouverts.
Conformément au rapport d’information conjoint des deux commissions, nous avons également précisé les périmètres d’intervention respectifs de ces deux agences. Elles ont vocation à se concentrer sur deux cœurs de métiers spécifiques qui feront appel à des compétences spécialisées.
S’agissant de la gouvernance, la commission de la culture a fait adopter un amendement tendant à augmenter le nombre de parlementaires présents au conseil d’administration de ces agences afin de garantir la représentativité des différentes commissions concernées.
Enfin, le souci principal de nos deux commissions a été de clarifier les liens entre ces deux agences avec le réseau culturel à l’étranger, en d’autres termes, de préparer le terrain au rattachement du réseau à l’agence culturelle.
Le principe de ce rattachement a été clairement acté, à l’unanimité, par nos deux commissions. Nous militons de longue date en faveur d’un réseau culturel organiquement lié à une agence culturelle digne de ce nom.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Le Sénat n’a donc pas l’intention de revenir sur ce principe.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. En conséquence, nous avons adopté des dispositions permettant la mise en œuvre de ce rattachement, en s’inspirant du précédent d’Ubifrance.
Les trois prochaines années doivent servir au renforcement des liens entre l’agence culturelle et le réseau culturel, le cas échéant en ayant recours à des expérimentations. Cela suppose également de lui conférer une responsabilité éminente dans la formation, le recrutement, l’affectation et la gestion des carrières de nos personnels culturels à l’étranger, ce que nous avons fait, étant entendu que toute évolution structurelle ne peut être possible sans l’adhésion des personnels concernés. (M. le ministre fait un signe d’approbation.)
Tous les éléments sont donc aujourd’hui réunis pour préparer aussi bien l’agence que le réseau à ce rattachement. Nous ferons ensemble le point sur ce sujet dans trois ans avant de procéder au transfert total du réseau culturel à l’agence.
Mes chers collègues, le texte établi par la commission des affaires étrangères me laisse espérer. La commission de la culture a émis un avis favorable sur ce texte, car elle considère qu’il permet de donner un nouveau souffle à notre réseau culturel. Certes, la mise en œuvre demandera de la pédagogie et, surtout, des moyens substantiels. Mais, en adoptant dès aujourd’hui ce projet de loi, nous adresserons un signal fort au réseau culturel, comme au Gouvernement, pour leur signifier notre détermination à voir les paroles suivies d’effets concrets. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de notre action culturelle et de coopération à l’étranger ne constitue pas un sujet nouveau pour notre assemblée.
Depuis déjà de nombreuses années, le Parlement, le Sénat en particulier, appelle de ses vœux une réforme de notre diplomatie culturelle.
De nombreux rapports ont été consacrés à ce sujet par le passé, comme ceux de nos collègues Louis Duvernois, Adrien Gouteyron ou Yves Dauge.
Sur l’initiative de notre collègue Louis Duvernois, une proposition de loi avait même été adoptée à l’unanimité par le Sénat en 2007.
Le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, auquel nos collègues Jean François-Poncet et Catherine Tasca ont contribué, a également traité de ce sujet.
Enfin, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de notre assemblée ont beaucoup travaillé à la réforme de notre diplomatie culturelle.
Nous avons ainsi procédé l’année dernière à une série d’auditions conjointes portant sur l’action culturelle de la France à l’étranger.
Afin d’avoir une vue comparative, nous avons également entendu des représentants du British Council et du Goethe Institut.
À l’issue de ces auditions, nous avons publié un rapport d’information contenant dix recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par les membres de nos deux commissions.
Je tiens à cet égard à saluer, à mon tour, la très bonne entente qui existe entre nos deux commissions, en particulier avec le président Jacques Legendre et le rapporteur pour avis Louis Duvernois, entente qui nous a permis d’aboutir à des positions identiques ou très proches.
Je veux également remercier le ministre, les membres de son cabinet et ses services pour leur grande disponibilité et leur volonté constante d’associer étroitement les parlementaires à cette réforme.
Je rappelle, en effet, que des membres de nos deux commissions, tant de la majorité que de l’opposition, ont participé aux travaux du comité de préfiguration de la nouvelle agence chargée de l’action culturelle extérieure.
Il faut saluer la volonté de M. le ministre et lui donner acte de sa fermeté à engager cette réforme attendue depuis longtemps mais qui, c’est vrai, rencontre certaines résistances.
Le projet de loi, qui a été présenté en premier lieu au Sénat, répond à une forte attente.
Avec le réseau culturel le plus dense et le plus étendu au monde, la France a fait depuis longtemps de la promotion de sa culture et de sa langue hors de ses frontières un élément essentiel de sa diplomatie.
Faut-il rappeler que l’adoption d’une convention consacrée à la diversité culturelle par l’UNESCO en 2005 doit beaucoup à notre pays, avec l’appui de la francophonie ?
Toutefois, notre diplomatie culturelle traverse une crise, dans un contexte marqué par la mondialisation et par de fortes contraintes budgétaires.
Alors que les autres pays renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie d’influence, à l’image du Royaume-Uni avec le British Council, de l’Allemagne avec les instituts Goethe, de l’Espagne avec les instituts Cervantes, mais aussi de la Chine avec les instituts Confucius – autant de nom d’écrivains… –, au moment où la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a fait de la diplomatie dite de l’intelligence, ou smart power, une priorité de sa politique étrangère, la France doit rester fidèle à ce qui fait sa vocation universelle.
C’est dans cet esprit, et à l’aune des recommandations adoptées à l’unanimité par les membres des deux commissions, que la commission des affaires étrangères et la commission de la culture ont examiné ce projet de loi.
Et c’est dans le droit fil de ces recommandations que, sur l’initiative de leurs deux rapporteurs, nos collègues Joseph Kergueris et Louis Duvernois, elles ont souhaité apporter plusieurs compléments pour conforter la réforme de notre diplomatie d’influence.
Je tiens d’ailleurs à rendre hommage ici au travail effectué par nos deux rapporteurs et à l’esprit de concertation qui a présidé à nos travaux, tant avec nos collègues de la commission de la culture qu’avec les membres de l’opposition, dont plusieurs amendements ont été intégrés au texte présenté par la commission.
Quelles ont été les principales modifications apportées par nos deux commissions ?
Tout d’abord, nous avons estimé indispensable, et conforme aux recommandations issues du rapport d’information, de placer les deux nouvelles agences sous une tutelle unique clairement identifiée.
Comme on le sait, une tutelle partagée entre plusieurs ministères aboutit le plus souvent à une absence de tutelle et à un défaut de pilotage de l’État.
Et, compte tenu de l’importance de la dimension culturelle ou éducative pour notre diplomatie, il nous a semblé nécessaire que cette tutelle soit confiée au ministre des affaires étrangères et européennes.
Cela ne veut pas dire pour autant que les autres ministères, comme celui de la culture ou de l’enseignement supérieur, ne doivent pas être étroitement associés à la définition des priorités de notre action culturelle.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité instituer un conseil d’orientation stratégique de l’action culturelle extérieure, au sein duquel tous les ministères concernés pourront exprimer leur point de vue et élaborer conjointement les priorités assignées à notre action culturelle à l’étranger.
Il nous a également paru nécessaire d’associer étroitement les collectivités territoriales, les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que d’autres organismes, comme les Alliances françaises, notamment au moyen d’instances consultatives.
Enfin, il nous a semblé utile de prévoir dans la loi la dénomination de ces deux nouvelles agences afin de leur conférer une plus grande visibilité.
Nous avons donc choisi d’appeler la nouvelle agence issue de la fusion de CampusFrance, d’Égide et de France coopération internationale « Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales » et de remplacer le nom de « CulturesFrance » par celui d’« Institut Victor Hugo ».
Je sais que certains auraient préféré la dénomination d’« Institut français » – le nom « Institut de France » étant, lui, déjà pris…(Sourires) –, mais il nous a semblé que Victor Hugo était représentatif des valeurs universelles portées par la France. N’a-t-il pas dit : « En art point de frontière. » ?
La question la plus délicate a porté sur le rattachement ou non du réseau des centres et instituts culturels à l’agence chargée de la coopération culturelle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, nos deux commissions s’étaient prononcées à l’unanimité en faveur de ce rattachement.
Cependant, compte tenu des nombreuses difficultés juridiques et administratives soulevées par ce rattachement, notamment en matière de statut des personnels, de fiscalité ou de protection diplomatique, et de son coût budgétaire, évalué entre 20 millions et 50 millions d’euros, nous avons toujours estimé que ce rattachement ne pouvait se faire que de manière progressive, à l’image du précédent d’UbiFrance.
Je rappelle que ce sont près de 130 établissements culturels et plus de 6 000 agents qui seraient concernés, soit le tiers des effectifs du ministère des affaires étrangères.
C’est la raison pour laquelle nous avons pris acte de votre décision, monsieur le ministre, de reporter à trois ans votre décision sur ce rattachement.
Toutefois, sur l’initiative de nos deux rapporteurs, nos commissions ont souhaité inscrire cet engagement dans la loi, en prévoyant une « clause de rendez-vous » : au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport comprenant une évaluation des modalités et des conséquences de ce rattachement.
Dans l’intervalle, des expérimentations seront menées. Ainsi, nous serons en mesure de nous prononcer en toute connaissance de cause sur le rattachement.
Surtout, nous avons estimé indispensable d’établir dès à présent un lien renforcé entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger.
Comme nous l’avions souligné dans le rapport d’information conjoint, la gestion des ressources humaines constitue sans doute le « point noir » de notre réseau culturel à l’étranger.
Les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voient proposer qu’une formation de cinq jours. À titre d’exemple, la formation initiale est de six mois en Allemagne.
La durée d’immersion dans un pays est relativement courte, de l’ordre de trois années, alors qu’elle est de cinq ans pour le British Council et pour l’Institut Goethe.
Enfin, l’Allemagne et le Royaume-Uni offrent de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l’étranger que la France.
Afin de remédier à cette situation, nous avons souhaité associer l’agence à la politique de gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel.
Ainsi, l’agence sera associée à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels.
Elle assurera de nouvelles missions en matière de formation professionnelle des agents du réseau.
Je sais que le rattachement à l’agence du réseau culturel a pu susciter des craintes chez certains ambassadeurs. Je veux être très clair sur ce point : autant il ne saurait y avoir de diplomatie française sans une forte composante culturelle, autant une action culturelle à l’étranger coupée de notre diplomatie ne serait pas acceptable pour notre commission.
Qui peut sérieusement envisager une action culturelle autonome qui ne tiendrait pas compte de nos priorités diplomatiques ou géographiques ?
Peut-on réellement penser que l’on mène la même politique culturelle aux États-Unis, en Afrique ou au Moyen-Orient ?
De même que le ministère des affaires étrangères doit jouer un rôle de direction de notre diplomatie culturelle à Paris, nos ambassadeurs doivent jouer un rôle de « chef de file » sur le terrain.
C’est la raison pour laquelle je me félicite que notre commission ait souhaité affirmer dans le texte de loi l’autorité de l’ambassadeur sur l’ensemble des services extérieurs de l’État.
En tant que représentant de l’État et du Gouvernement, l’ambassadeur, à l’image du préfet au niveau local, doit pouvoir exercer une réelle autorité sur l’ensemble des services de l’État.
Je m’étonne d’ailleurs, monsieur le ministre, d’un amendement du gouvernement visant à soustraire l’Agence française de développement de la nouvelle catégorie d’établissements publics et donc de cette disposition.
Mme Catherine Tasca. Très juste !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pourquoi faudrait-il que l’Agence française de développement soit le seul établissement public à échapper à l’étranger à l’autorité de l’ambassadeur ?
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Exactement !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Est-ce que, oui ou non, l’aide au développement est, comme la culture, une composante essentielle de notre diplomatie ? Avant de me prononcer sur cet amendement, je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir des éclaircissements sur ce point.
Pour conclure, face à ceux qui se lamentent sur le déclin supposé de la France et sur la diminution de notre influence culturelle et linguistique dans le monde, face à ces « déclinologues » de profession, je veux dire ici qu’il existe encore une forte attente de France à l’étranger.
Oui, notre pays a encore un message à adresser au reste du monde et sa voix porte loin hors de nos frontières, comme nous l’avons vu récemment en Haïti.
Oui, la France dispose encore d’importants atouts et reste une référence à l’étranger en matière culturelle ou linguistique !
Oui, la diplomatie culturelle et notre politique de coopération éducative, linguistique et technique sont des composantes essentielles de notre diplomatie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le déclin de la culture française et de l’influence de notre pays dans le monde est, depuis quelques années, un thème récurrent, voire, pour certains, un lieu commun.
Cette idée reçue avait été lancée dans un article ironique et mal intentionné de l’édition européenne de Time Magazine, dans le contexte de la prise de position hostile de notre pays à propos de la guerre menée par les États-Unis en Irak. Il est bon de le rappeler.
Cela étant, il faut bien admettre qu’il peut y avoir un fond de vérité, qu’un problème existe et qu’il faut tenter d’y remédier.
Face aux défis que nous impose la globalisation et face aux enjeux de la place de la France dans le monde, on peut réellement se demander si le Président de la République et son gouvernement ont encore les moyens, sinon la volonté, de promouvoir l’influence, la culture, la langue et, ajouterai-je, les valeurs de notre pays.
Mais, pour l’action culturelle de la France dans le monde comme pour l’ensemble de notre politique étrangère, n’est-on pas en droit de considérer que votre action, monsieur le ministre, est étiolée du fait de la confiscation de la moindre « parcelle diplomatique » par le Président de la République, le secrétaire général et les services de l’Élysée ?
Monsieur le ministre, dans le projet de loi que vous nous présentez, vous affichez l’ambition de proposer une réforme des structures de l’action culturelle et de la coopération technique, ce qu’il est convenu d’appeler la « diplomatie d’influence ».
Je dis bien que vous « affichez » cette ambition, car je pense que votre méthode et les moyens que vous y consacrez ne sont pas à la hauteur des enjeux.
À la suite des réflexions exposées dans le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, qui date maintenant de quelques années, nous pouvions espérer que, sur ce volet de l’action culturelle et de coopération technique, vous alliez prendre appui sur une véritable refondation de l’action de l’État dans ces domaines.
Or on ne trouve pas dans votre texte la volonté de donner un nouveau souffle à notre diplomatie d’influence, alors que son adaptation à la mondialisation est plus nécessaire que jamais.
La commission des affaires étrangères et la commission de la culture ont bien tenté de préciser les missions et le périmètre de la future agence chargée de l’action culturelle à l’étranger, d’apporter des éclaircissements et des garanties sur certains de ses aspects ; le compte n’y est toujours pas et le décalage reste trop grand entre les objectifs que vous prétendez vouloir atteindre et les moyens que vous vous donnez.
Cette réforme, pourtant annoncée depuis longtemps, a été maintes fois reportée. Avant que l’on aboutisse à ce texte, elle a d’abord été esquissée de façon expérimentale et par petits bouts, au gré des restrictions budgétaires, et sans aucune vision stratégique.
Les principales mesures qui nous sont proposées aujourd’hui consistent à transférer la mise en œuvre des actions culturelles et de coopération internationale du ministère des affaires étrangères et européennes à deux nouveaux opérateurs ayant le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial.
Certes, notre action culturelle à l’étranger manque de lisibilité. Il fallait mettre un terme à cette dispersion des moyens et donner une cohérence à toutes ces entités aux acteurs et aux statuts divers que sont les services culturels des ambassades, les instituts français, les centres culturels, les alliances françaises.
La transformation de l’association CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial pourrait apparaître comme une bonne chose. Mais je crains malheureusement que votre souci de rationaliser les actions de l’État dans ces domaines ne se heurte rapidement aux dures exigences de la révision générale des politiques publiques et des restrictions budgétaires.
En effet, comme l’avait très pertinemment souligné l’excellent rapport de nos deux commissions consacré au rayonnement culturel international, les crédits consacrés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’État » ne cessent de diminuer : ils ont baissé de 10 % entre 2005 et 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010.
Cette contrainte budgétaire et cette nécessité de rationaliser vous ont déjà amenés à opérer des coupes sévères dans nos établissements à l’étranger.
La moitié des centres culturels ont été fermés en Allemagne, et il semblerait que leurs équivalents en Italie soient menacés. On observe la même tendance en Inde, en Grèce ou en Afrique francophone.
Il me semble que l’un des « non-dits » de votre réforme réside dans le fait de réaliser des économies, dans ce secteur comme dans les autres, et de permettre à l’État de se désengager financièrement d’une partie de ses activités diplomatiques.
Le choix du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial pour l’opérateur culturel me paraît ainsi propre à justifier ce désengagement.
Il serait apparemment motivé par la recherche d’une certaine souplesse de gestion pour faire fonctionner ce type d’activité. Mais un tel statut implique une logique de réduction du financement de l’État avec l’obligation pour ces établissements de retirer une part significative de leurs ressources du produit de leurs propres prestations.
De la sorte, les risques d’un désengagement de la puissance publique et de l’introduction progressive d’intérêts marchands privés, par le biais des financements recherchés, sont bien réels.
La responsabilité de l’État dans le financement de ces opérateurs qui, je le rappelle, devront toujours assumer des missions de service public, sera amoindrie avec un établissement public de ce type ; on sait en effet que, selon le vieil adage, « qui paie, commande ».
Au lieu d’augmenter l’effort de l’État dans ce secteur, vous accompagnez un mouvement qui aboutit à l’obligation pour nos établissements culturels d’avoir une part d’autofinancement de 55 %.
Plus généralement, une grande partie des personnels de votre ministère ont manifesté quelques inquiétudes sur ce volet du projet de réforme.
Les agents des opérateurs culturels, en France comme à l’étranger, redoutent en particulier que les propositions de réemploi qui leur seront faites ne correspondent ni à leur activité actuelle ni à la définition de leur poste de travail.
Ils expriment des doutes quant au délai qui leur sera proposé pour refuser ou accepter un nouveau contrat, alors que, dans le même temps, la convention nationale applicable devra faire l’objet d’un accord ou être applicable quinze mois après le transfert des agents.
Les contrats de travail étant liés à la convention nationale applicable, n’aurait-t-il pas été préférable de négocier avec les organisations syndicales une harmonisation à quinze mois des délais d’acceptation ou de refus des nouveaux contrats par les agents ?
Enfin, les salariés estiment, à juste titre, que la représentation des partenaires sociaux dans les conseils d’administration des nouveaux opérateurs sera trop réduite pour faire valoir utilement les intérêts des personnels. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement afin de rétablir un équilibre sur ce point.
Tous ces éléments me confortent dans l’idée que le statut d’établissement public à caractère administratif aurait été préférable pour garantir la prééminence de la puissance publique dans le financement et dans le pilotage de la politique culturelle extérieure de notre pays.
Un tel statut offrirait également plus de garanties pour les personnels. S’il était inscrit dans la loi que la gestion des personnels et des établissements, aux statuts divers, était assurée par un établissement public à caractère administratif, la volonté de maintenir cette activité dans le domaine régalien serait plus nettement affirmée.
En outre, ce statut juridique assurerait fermement le maintien de l’influence prépondérante de l’État lors du nécessaire rattachement du réseau culturel à l’agence. En effet, par souci de cohérence et d’efficacité, tout le monde convient qu’il faudra, à terme, transférer la gestion de notre réseau culturel à l’étranger à la future agence chargée de la coopération culturelle. Il serait en effet peu pertinent d’avoir une agence parisienne totalement coupée des réalités du terrain, c’est-à-dire d’environ 130 établissements culturels à autonomie financière et de 6 000 agents.
De ce point de vue, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a précisé le lien qui doit rattacher l’agence au réseau en prévoyant que celle-ci serait associée à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion de carrière des agents et qu’elle assurerait la formation professionnelle de ces derniers.
C’est une avancée importante que j’apprécie à sa juste valeur. Mais, pour éviter que ce rattachement ne soit renvoyé aux calendes grecques, il aurait été là aussi préférable d’inscrire clairement dans la loi une date butoir qui n’allonge pas excessivement le temps des expérimentations et des évaluations.
La précision ainsi apportée engagerait l’État plus fortement que la simple mention d’un rapport au Parlement sur la diplomatie d’influence et sur les modalités de ce rattachement.
J’ai essentiellement axé mon propos sur la création du nouvel opérateur de la diplomatie culturelle française, qui me paraît être le point le plus central de la réforme envisagée.
Concernant l’autre volet, celui qui met en place l’agence pour l’expertise et la mobilité internationales, dont l’importance est évidemment loin d’être négligeable au sein de notre diplomatie d’influence, je ne critiquerai pas le statut juridique que vous avez souhaité donner à cet opérateur.
Ce statut me semble en effet pouvoir être suffisamment souple et efficace pour que la France reprenne pied dans le domaine de l’expertise et de la coopération internationales, mais aussi pour fédérer les efforts des différents opérateurs publics ou privés de ce secteur.
Malheureusement, monsieur le ministre, ce deuxième objectif ne peut compenser les critiques que j’ai formulées précédemment sur les aspects fondamentaux du projet de loi.
Enfin, je voudrais aborder un aspect du texte qui, de prime abord, pouvait sembler de bonne logique, mais qui, à la lumière d’événements récents, me paraît devoir être éclairci.
Il s’agit du remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger.
Le texte vise à donner une base juridique à ces remboursements, mais les dispositions proposées sont trop générales pour pouvoir correspondre à toute la diversité de situations souvent délicates et dramatiques.
Concrètement, avec l’article 14 de ce projet de loi, les journalistes français actuellement retenus en otage en Afghanistan, pourraient se voir réclamer à eux-mêmes ou à France Télévisions, le remboursement d’une partie des frais engagés pour leur libération.
J’envisage ce cas de figure car, récemment, les plus hautes autorités de l’État, qu’il s’agisse du Président de la République, du secrétaire général de l’Élysée, ou encore du chef d’état-major des armées, ont vivement critiqué ce qui leur semblait être une attitude irresponsable et ont insisté sur le coût des opérations de recherche. Un tel discours a créé un climat qui, avec les dispositions que vous envisagez, risquerait d’apparaître tout simplement régressif aux yeux de la presse.
Monsieur le ministre, contrairement à ce qu’a écrit un laudateur de votre projet dans l’édition du week-end du journal Le Monde, tout émoustillé de votre engagement, cette réforme n’est malheureusement ni audacieuse ni révolutionnaire.
Nous voyons bien qu’après une longue et laborieuse mise en œuvre, le souffle lui fera totalement défaut du fait d’une insuffisance patente de moyens.
Au total, le manque d’ambition réelle de votre projet de loi pour répondre aux défis posés par la mondialisation, les risques de désengagement de l’État induits par le choix de l’EPIC pour l’opérateur culturel, les légitimes inquiétudes des personnels du ministère et, enfin, l’avenir incertain des financements alloués par l’État, justifient amplement que le groupe communiste républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche vote contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Une fois de plus, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, votre Gouvernement a choisi de soumettre ce texte à la procédure accélérée. Auriez-vous estimé que ce projet de loi ne méritait pas plus d’attention et n’exigeait pas un véritable échange entre les deux chambres ?
Nous le déplorons fortement car le débat parlementaire s’en trouve tronqué et le bicamérisme contourné. Cela n’est pas de bon augure au moment où l’on s’interroge sur la qualité du travail législatif.
J’en viens à votre projet de loi. J’interviendrai exclusivement sur l’action culturelle, qui est le cœur du projet ; mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Yves Dauge reviendront sur ce point et traiteront également d’autres sujets, notamment de l’expertise et de la mobilité internationales.
Tous ceux qui suivent les questions de politique étrangère, et en particulier celles qui touchent à l’action culturelle extérieure, s’accordent à reconnaître que celle-ci est un élément majeur de la politique d’influence de notre pays.
Le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et les travaux de nos deux commissions ont bien pointé les faiblesses de l’action culturelle extérieure et suscité l’espoir d’une véritable rénovation et relance du réseau.
Dès lors, comment nier notre déception ? Le texte du projet de loi tel qu’il nous a été transmis était très en deçà de toutes les préconisations. Il ressort du travail en commission une rédaction qui nous laisse perplexes car, malgré le travail très positif des rapporteurs, les amendements n’ont pas suffi à lui donner la cohérence et surtout l’ambition attendues.
Perplexes, nous le sommes, car nous avons souhaité cette réforme et nous voudrions croire à son efficacité.
Ce débat nous éclairera peut-être sur la volonté réelle du Gouvernement de créer une véritable cohérence et une impulsion de l’administration centrale à la nouvelle agence et de celle-ci à nos centres et instituts de par le monde.
La quasi-concomitance de ce débat avec l’adoption du projet de loi de finances rectificative est évidemment fâcheuse, puisque ont été entérinées de nouvelles amputations du budget du ministère des affaires étrangères et européennes dont nous avions déjà vu en 2008 qu’il était « à l’os ».
Ainsi disparaissent 13,6 millions d’euros pour la mission « Action extérieure de l’État » et 23,4 millions d’euros s’agissant de la mission « Aide publique au développement ». Il serait injuste d’imputer ces décisions à vous seul, monsieur le ministre, car nous savons bien le poids du budget dans la hiérarchie gouvernementale et les effets de la mécanique destructrice de la révision générale des politiques publiques. Mais vous comprendrez que nous ne puissions pas non plus les mettre à votre actif...
La principale innovation de votre réforme visait la création d’une grande agence chargée des échanges culturels à l’étranger, et regroupant pour ce faire CulturesFrance et les centres et instituts culturels à l’étranger.
Malheureusement, vous vous êtes arrêté en chemin, puisque vous avez fini par reporter à trois ans la décision de rattachement du réseau à l’agence, amputant ainsi la réforme de sa principale audace.
En définitive, le projet de loi se contente de transformer le statut de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial. On est donc loin de la réforme d’ampleur souhaitée.
Cette transformation du statut de CulturesFrance constitue-t-elle une réponse à la crise des moyens de notre diplomatie culturelle ? À la lecture du projet de loi, on peut en douter. On peut ainsi lire, dans l’exposé des motifs, que les nouveaux opérateurs retirent « une part significative de leurs ressources du produit de leurs propres prestations ». Et, à l’article 3 relatif aux ressources de ces établissements, dans sa rédaction initiale, « les recettes provenant de l’exercice de leurs activités » figuraient à la première place.
Ainsi, en transformant le statut de CulturesFrance en celui d’établissement public à caractère industriel et commercial, l’objectif initial était d’aller vers la diminution, voire la suppression de tout financement public, en incitant ces opérateurs à mener des activités lucratives...
M. Robert Hue. Très bien !
Mme Catherine Tasca. Heureusement, la commission des affaires étrangères, sur l’initiative conjointe de son rapporteur et du groupe socialiste, a réintroduit les dotations de l’État, que votre projet de loi avait écartées, et les a placées au premier rang des ressources de l’Agence. Mais, au regard de la dégradation des crédits affectés au ministère, confirmée la semaine dernière encore à l’occasion de l’adoption du collectif budgétaire, on peut douter de l’effectivité de la correction apportée.
Selon notre groupe, le statut d’établissement public administratif paraît plus adapté s’agissant d’un établissement public chargé d’une mission de nature régalienne, telle que la culture. Nos amendements tenteront d’y remédier.
À l’évidence, la création de la nouvelle Agence ne suffira pas à donner sens et visibilité à notre action culturelle à l’étranger si elle ne s’accompagne pas de mesures fortes dans trois directions : une stratégie claire, des moyens adaptés et un fort investissement dans la gestion des personnels.
Tout d’abord, la création de cette agence ne dispense évidemment pas l’État de définir les objectifs stratégiques de notre diplomatie culturelle. Or, à cet égard, on peut avoir des inquiétudes. D’ores et déjà, en matière d’audiovisuel extérieur, le ministère des affaires étrangères et européennes a renoncé à son rôle de pilotage au profit d’une société holding, malgré l’extrême importance de ce secteur pour notre influence culturelle et linguistique.
Avec la création de la nouvelle Agence, ne risque-t-on pas d’aboutir également à un organisme largement autonome, sans véritable pilotage stratégique ?
La création du Conseil d’orientation stratégique, sur l’initiative de notre commission, va dans le bon sens, à condition que le ministre des affaires étrangères et le ministre de la culture y travaillent vraiment de concert et réussissent l’harmonisation des objectifs et l’addition de leurs réseaux, ce après quoi l’on court depuis des années.
Malheureusement, vous n’avez pas retenu l’une des recommandations du rapport conjoint des présidents Josselin de Rohan et Jacques Legendre visant justement à assurer le pilotage stratégique : la création d’un secrétariat d’État chargé de l’action culturelle, de l’audiovisuel extérieur et de la francophonie.
La seconde question que pose avec acuité ce projet de réforme est celle des moyens consacrés à l’action culturelle extérieure.
L’ensemble des crédits consacrés à notre diplomatie culturelle représentent actuellement pour l’État un montant évalué à 136 millions d’euros, soit un montant inférieur à ceux de la Bibliothèque nationale de France ou de l’Opéra de Paris, dont je ne conteste bien entendu pas l’utilité.
Monsieur le ministre, vos crédits n’en finissent pas de fondre ; et ce mouvement s’est accéléré en 2009, avec une baisse des subventions de 20 % à 30 % en moyenne. Aujourd’hui, la plupart des conseillers culturels et des directeurs de centres ou d’instituts en sont réduits à faire des économies de bouts de chandelle pour financer l’acquisition de quelques livres ou DVD.
Vous nous avez annoncé, certes, avoir obtenu une enveloppe exceptionnelle de 40 millions d’euros supplémentaires. Mais cette enveloppe ne sera pas suffisante, à elle seule, pour compenser la baisse programmée des crédits consacrés à l’action culturelle extérieure, qui devraient être réduits d’un quart entre 2009 et 2011.
Disons les choses clairement : depuis des années, la cure d’amaigrissement budgétaire imposée à votre ministère se fait régulièrement aux dépens de l’action culturelle extérieure. Comment croire, dès lors, que celle-ci figure tant soit peu au rang des priorités de votre ministère ?
Dans le même temps, nos principaux partenaires en Europe – Britanniques, Allemands, Espagnols... – ont pris le chemin inverse et augmentent fortement les crédits consacrés à leur action culturelle à l’étranger. Même la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, ne manque pas de souligner l’importance de la diplomatie dite « de l’intelligence ». Notre pays sera-t-il le seul à y renoncer ?
Le troisième impératif de la réforme est l’engagement d’une nouvelle politique de gestion des ressources humaines, un sujet sur lequel votre texte initial faisait étrangement l’impasse.
À l’inverse des employés de l’Institut Goethe ou du British Council, les personnels de nos centres et instituts ne peuvent pas faire carrière dans le réseau culturel. Or on ne devient pas, du jour au lendemain, conseiller culturel ou directeur de centre ou d’institut. C’est un vrai métier, qui demande une formation adaptée et qui devrait permettre à ces agents de valoriser leurs compétences au cours d’un véritable parcours professionnel.
Arbitraire des nominations, insuffisance des formations aux tâches indispensables de gestion ainsi qu’aux langues et cultures des pays d’accueil, absence de perspective d’un déroulement de carrière après trois ans dans un poste, absence de passerelles, dans les deux sens, avec le réseau des établissements culturels en France : tels sont les handicaps majeurs pour nos agents culturels à l’étranger.
Sans la volonté de changer profondément la gestion de ces personnels, toute réforme de l’action culturelle extérieure ne pourra qu’échouer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. le président de la commission de la culture applaudit également.)
Notre commission a opportunément introduit au titre des missions de l’Agence, à l’article 6 du projet de loi, le conseil et la formation professionnels des personnels, ainsi que la participation à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels. L’effectivité de cette disposition sera l’une des clés de la réussite de la réforme.
Enfin, nous voudrions croire que le report à trois ans du rattachement des centres et instituts locaux à l’Institut Victor Hugo n’est que transitoire. Depuis des années, nous regrettons qu’entre l’administration centrale, l’agence sise à Paris et l’ensemble des centres et instituts, la réflexion, les choix stratégiques et les propositions ne circulent pas suffisamment dans les deux sens. La conséquence en est une insuffisante lisibilité, des incompréhensions et des insatisfactions à l’égard des programmations.
La capacité d’écoute et l’efficacité de ces liens doivent être un objectif majeur de la future agence. Votre texte, en l’état, ne surmonte pas ces défauts. C’est pourquoi notre commission a inscrit, dans un article 6 ter, l’amorce du rattachement des éléments du réseau à l’agence, au travers d’expérimentations à mettre en œuvre dès que possible, afin d’apprécier toutes les facettes d’une telle mutation. À vous, monsieur le ministre, de ne pas renoncer à ce rattachement, d’y préparer diplomates et professionnels du réseau, et surtout de reconquérir les budgets nécessaires.
Au total, ce projet de loi est peut-être une étape vers la réforme que nous espérions, mais il n’est qu’une toute petite étape. C’est pourquoi nous serons attentifs aux positions que vous prendrez au cours de ce débat, et notamment à l’accueil que vous ferez à nos amendements. La position de notre groupe en dépendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. « Le pape, combien de divisions ? » On se souvient de la célèbre apostrophe de Staline à Churchill, apostrophe qui minorait excessivement les moyens d’influence de l’Église. (Sourires.)
On serait tenté, monsieur le ministre, de vous poser la même question à propos des moyens consacrés à notre action culturelle et technique à l’étranger, sans vouloir diminuer, par ailleurs, votre rayonnement personnel, qui n’est tout de même pas à la hauteur de l’influence spirituelle du Pape... (Nouveaux sourires.)
Vous nous proposez de créer deux grands opérateurs : une agence chargée de l’action culturelle extérieure, et une agence pour l’expertise et la mobilité internationales, l’AFEMI, toutes deux sous forme d’EPIC, et en cohérence avec la création, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, d’une direction de la mondialisation.
Je n’ai pas d’hostilité de principe à cette réforme. On peut regrouper, rattacher, restructurer et fusionner autant qu’on voudra. En matière d’organisation, ce qui compte, ce sont la vision politique et surtout les moyens, par exemple pour offrir une carrière digne de ce nom aux personnels de l’action culturelle. Mais est-ce bien là le propos de la réforme que vous nous présentez ? Ne serait-ce pas plutôt l’inverse ?
Au moment où l’on parle de la « diplomatie d’influence », où nos partenaires et concurrents étrangers, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, mais aussi la Chine, renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie culturelle, notamment en Asie, en Afrique, et même en Europe, comment expliquer que notre pays soit le seul à réduire drastiquement les moyens consacrés à son rayonnement culturel et linguistique ? Notre collègue Duvernois parle même de « débâcle budgétaire sans précédent » pour ce qui est des services de l’État ou dépendant de lui juridiquement.
S’il n’y avait pas le réseau associatif, et en particulier le millier d’Alliances françaises qui accomplissent un travail admirable et largement autofinancé pour développer notre langue, celle-ci qui, selon Fernand Braudel, constitue près de 80 % de l’identité de la France, serait en perdition. Le nombre des Alliances françaises, de 2000 à 2009, a augmenté de 8 % ; celui des instituts et centres culturels a, quant à lui, diminué de 20 %.
Notre pays a pourtant été le premier à mettre en place une diplomatie d’influence. Faut-il rappeler qu’au lendemain de la défaite de 1870 la France a pris l’initiative, grâce à des personnalités comme Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur, Ernest Renan ou Jules Verne, de mettre en place ce magnifique réseau des Alliances françaises, qui joue un rôle majeur pour promouvoir notre culture et notre langue hors de nos frontières ?
Aujourd’hui encore, notre pays dispose du réseau culturel le plus dense et le plus étendu. Mais il suffit de se rendre dans nos ambassades, dans nos centres ou instituts culturels, ou même de voyager à l’étranger, pour constater la faiblesse croissante des moyens dont disposent nos diplomates, nos conseillers culturels, nos directeurs d’instituts et de centres culturels, ainsi que l’ensemble des personnels de notre diplomatie culturelle, à l’engagement et au dévouement desquels je veux rendre l’hommage qu’ils méritent, mais qui ne peuvent compenser, à la longue, le rétrécissement des crédits et les suppressions de postes.
Comment s’étonner, dans ce contexte, que partout l’usage de notre langue et la présence de la culture française diminuent, y compris dans des zones d’influence traditionnelle de la France, comme en Europe centrale et balkanique, au Maghreb, et même en Afrique francophone ?
Faut-il rappeler que, si le français est l’une des trois langues de travail des institutions européennes, la part des documents rédigés en français au sein de la Commission européenne a chuté, passant de 38 % en 1996 à moins de 12 % en 2008 ? Dans le même temps, la part des documents rédigés en anglais est passée de 45 % à 72 %.
Dans ce contexte, comment expliquer la nomination à la tête de la diplomatie européenne de Mme Catherine Ashton, alors que celle-ci, contrairement à une coutume bien établie, ne semble pas parler notre langue ?
Mme Catherine Tasca. Elle va faire un stage...
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. ... en immersion !
M. Jean-Pierre Chevènement. Elle ne l’a pas encore commencé...
Voilà qui peut laisser songeur quant à l’influence de notre pays au sein de la nouvelle diplomatie européenne !
Il est un domaine que je connais bien, celui de notre enseignement supérieur. J’ai constaté que, grâce à l’effort réalisé en 1997 et 1998 sous l’impulsion de M. Allègre, ministre de l’éducation, de M. Védrine, ministre des affaires étrangères, et de moi-même, alors en charge de l’immigration et, par conséquent, de l’accueil des étudiants étrangers, le nombre de ces derniers dans l’enseignement supérieur français, au sens large, est passé de 160 000 en 1999 à 266 000 en 2008. Toutefois, la France accueille un trop faible nombre d’étudiants étrangers en provenance des grands pays émergents, comme l’Inde, la Russie ou le Brésil, et la plupart des futurs cercles dirigeants de ces pays auront une culture anglo-saxonne.
Il en va de même en Europe, où nous sommes devancés par la Grande-Bretagne et l’Allemagne. II faut dire que les moyens de promotion de CampusFrance, qui a pris le relais d’EduFrance, sont dérisoires, comparés à ceux du British Council ou du Goethe Institut.
Le problème des tutelles ministérielles sur l’AFEMI n’est pas réglé, mais il me semblerait raisonnable que, s’agissant de l’accueil des étudiants et des chercheurs étrangers, la cotutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche soit préservée. Cette question, évoquée par M. Kergueris, a été renvoyée à un décret, mais elle est essentielle et me paraît mériter de figurer dans la loi.
M. le président de la commission des affaires étrangères a souhaité un conseil consultatif. Cela sera-t-il suffisant ? Je m’interroge.
Mme Catherine Tasca. Vous avez raison !
M. Jean-Pierre Chevènement. Le budget consacré par la France à son rayonnement culturel a connu une forte diminution ces dernières années, malgré les 40 millions d’euros que vous avez évoqués, dont il convient de retrancher les 13 millions d’euros qui ont été supprimés, cela ne fait déjà plus que 27 millions d’euros.
Il y a eu des baisses pouvant aller jusqu’à 20 % ou 30 % selon les pays.
Tout laisse penser que le budget et les effectifs du ministère des affaires étrangères vont encore continuer à subir des coupes claires dans les prochaines années...
En effet, monsieur le ministre, votre budget est pris en étau entre le marteau de la RGPP et l’enclume des contributions internationales, qui connaissent, quant à elles, une hausse exponentielle.
Le montant total des contributions internationales versées par la France s’élève, je le rappelle, à plus de 740 millions d’euros.
À titre de comparaison, je rappelle que l’ensemble des moyens consacrés à notre action diplomatique, au sens strict, ne représente que 90 millions d’euros. Monsieur le ministre, vous avez évoqué un agrégat très large de 350 millions d’euros pour notre action culturelle extérieure, il convient d’étudier ce chiffre, mais je rappelle que 740 millions d’euros sont consacrés aux contributions multilatérales. On peut s’interroger.
Notre contribution à l’OTAN représente à elle seule 170 millions d’euros, et pour quels services ? (M. le ministre s’exclame.)
Est-il utile – malgré toute l’admiration que je porte à Baudelaire – de contribuer financièrement à l’Association pour la conservation des albatros et des pétrels ? (Sourires.)
De même, ne serait-il pas utile de revoir notre participation à des organisations telles que l’Organisation internationale des bois tropicaux – le Sénat en a parlé tout à l’heure – le Comité consultatif international du coton, la Commission interaméricaine du thon des tropiques ou encore le groupe international d’études du caoutchouc ? (Nouveaux sourires.)
Nos participations internationales amputent d’autant les moyens dévolus aux actions bilatérales, qui contribuent pourtant de manière déterminante à notre rayonnement à l’étranger.
Le soutien au multilatéralisme que vous prônez, monsieur le ministre, n’est bien souvent qu’un des aspects de l’effacement de la France. Voilà le grand mot lâché : l’effacement de la France. On n’y remédiera pas, monsieur le ministre, en réduisant la multiplicité de nos opérateurs. Sans doute faut-il resserrer le dispositif. Plusieurs initiatives ont déjà été prises, et ce depuis longtemps. L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, l’Agence pour la diffusion de l’information technologique, sont des précédents éclairants. Il y a sûrement des leçons à tirer pour la création des deux nouveaux opérateurs.
Une chose est sûre cependant : si vos moyens ne sont pas substantiellement accrus dans le budget de 2011, mieux vaut ne pas engager des réformes précipitées qui ne feraient qu’ajouter la confusion à la disette. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
M. Jean-Pierre Chevènement. Laissez les bourses universitaires au Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, et n’engagez d’expérimentations de rattachement des instituts culturels au nouvel opérateur qu’avec des moyens substantiellement accrus. Surtout, en matière « d’expertise internationale », ne vous aventurez pas sur le terrain glissant des mises à disposition de fonctionnaires français auprès de think tanks étrangers plus ou moins bien orientés, ou encore de facturations de services d’expertises à des entreprises étrangères dans des domaines ne relevant pas nécessairement de l’intérêt public, toutes actions restant subventionnées par l’État français. Pas de mélange des genres, le cœur de cible doit rester notre coopération scientifique, culturelle et technique et il faut conjurer le risque de dérive mercantile, surtout si les moyens budgétaires ne sont pas suffisants !
Vous parlez de « modernisation » ; en vérité, vous êtes prisonnier de cette fameuse RGPP, dont le regretté Philippe Séguin avait critiqué l’application indiscriminée. Vous ne pourrez maintenir, au fil des réductions qui se succèdent année après année, la présence universelle de notre diplomatie dont vous convenez vous-même qu’elle est encore l’un de ses principaux atouts.
Je souhaite me tromper, mais je crains qu’avec la création de l’opérateur culturel le ministère des affaires étrangères n’ait trouvé une solution pour ne jamais harmoniser la situation salariale des recrutés locaux de ses divers réseaux diplomatiques. Le passage sous statut privé signifierait l’échec du projet d’harmonisation sociale, qui seul répondrait à l’ambition d’une grande politique culturelle extérieure, offrant à ceux qui s’y consacrent des perspectives normales de carrière et d’épanouissement.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne saurait tenir lieu à lui seul de réponse à la crise que traverse notre diplomatie culturelle.
Ce n’est pas en créant une nouvelle agence, même si on décide de l’appeler « Institut Victor Hugo », que l’on pourra réellement espérer un renforcement de notre action culturelle. J’aurais préféré, pour ma part, le nom plus sobre d’« Institut français », à l’image du British Council. Victor Hugo, « notre plus grand poète, hélas ! », ne résume pas toutes les faces de la culture et de la littérature françaises, et je dis cela bien qu’étant franc-comtois. Victor Hugo est né à Besançon, qu’il qualifiait d’ailleurs, de façon inexacte, de vieille ville espagnole. J’ai beaucoup de tendresse pour Victor Hugo,…
M. Jean-Pierre Chevènement. … mais la France, c’est plus vaste.
Les amendements présentés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées apportent certes des améliorations bienvenues, notamment en ce qui concerne les ressources de ces établissements.
En revanche, monsieur le ministre, je suis médiocrement convaincu, comme M. le président de la commission des affaires étrangères, me semble-t-il, par le rattachement à cette agence des services de coopération et d’action culturelle des ambassades ou des centres et instituts culturels.
Ne serait-ce pas là le signe d’un renoncement à une composante essentielle de notre diplomatie ?
Le ministère des affaires étrangères et les ambassadeurs ne risquent-ils pas d’être tenus à l’écart et privés de cet outil majeur d’influence, comme c’est déjà le cas en matière économique avec UbiFrance ou en matière d’aide au développement avec l’Agence française de développement ? La culture peut encore moins être dissociée du politique.
En définitive, l’État sera-t-il toujours en mesure de conduire une diplomatie culturelle ?
J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous rassurer sur ce point, mais nous ne le serons vraiment que lors de la présentation du prochain budget.
J’en termine. Monsieur le ministre, vous avez évoqué dans une interview au Journal du Dimanche, il y a deux jours, la création d’un État palestinien, avant même la négociation sur ses frontières. On n’en attendait pas moins du créateur de Médecins sans frontières. Mais ne craignez-vous pas, dans le rapport de forces actuel, d’entériner ainsi les avancées de la colonisation israélienne des territoires occupés ? Quel est sur ce sujet l’avis de M. Mahmoud Abbas ? Et celui des États-Unis ? Nous aimerions le savoir et, sur ce sujet aussi, nous aimerions être rassurés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est l’occasion de nous prononcer sur l’avenir de l’action extérieure de la France et sur les nouvelles impulsions qu’il convient de lui donner.
À l’heure où l’influence de la France dans le monde recule, où notre diplomatie culturelle s’essouffle, le rapporteur pour avis du budget de l’action extérieure que je suis se réjouit qu’un tel texte nous soit soumis.
Chacun connaît sur ces sujets la qualité du travail accompli au Sénat depuis plusieurs années. Aussi, je tiens tout d’abord à remercier les présidents de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour leur rapport d’information sur le rayonnement culturel international, qui pose, de façon objective, les défis et les défaillances de notre diplomatie culturelle.
Je tiens ensuite à remercier le rapporteur de la commission des affaires étrangères, M. Joseph Kergueris, et le rapporteur pour avis de la commission de la culture, M. Louis Duvernois, ainsi que notre collègue Adrien Gouteyron, pour ses rapports et analyses budgétaires des plus pertinents sur le fonctionnement du Quai d’Orsay en général.
Je ne doute pas que tout le travail réalisé en amont par les deux commissions et avec vous, monsieur le ministre, permettra à ce projet de loi d’être un texte fondateur pour notre politique de rayonnement à l’étranger, car c’est bien de politique qu’il est question, mes chers collègues.
Il s’agit de doter l’ensemble des acteurs de notre réseau culturel à l’étranger de moyens et de dispositifs efficaces, afin que notre politique en faveur de l’action extérieure de l’État soit plus moderne, plus efficace et surtout plus visible !
À ce titre, ce texte s’inscrit non seulement dans le cadre de la RGPP, mais il répond également aux objectifs fixés par le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
La France dispose du plus grand réseau culturel à l’étranger au monde. Il est l’œuvre de personnalités issues de la société civile qui, au fil des siècles et des expéditions, n’ont cessé de promouvoir les valeurs et les connaissances françaises dans le monde entier, de créer et de répondre à une immense attente.
Ce réseau est un héritage fabuleux par son histoire, son ancienneté et sa diversité. Toutefois, mes chers collègues – vous me pardonnerez mon pragmatisme – comme tous les héritages, si on ne le fait pas fructifier, il est dilapidé et peut même disparaître.
Si nous voulons que notre politique en faveur de l’action culturelle extérieure soit à la hauteur de notre ambition, elle ne doit plus reposer uniquement sur la réputation des Alliances et des Centres français, dont le travail et l’investissement des personnels sont remarquable.
C’est à nous, politiques, de leur donner des directions claires et d’optimiser leurs moyens. Il est grand temps de définir un pilotage stratégique cohérent.
En effet, si la diversité des agences et des opérateurs qui animent notre réseau culturel à l’étranger est une chance, il n’en demeure pas moins que le pluralisme, en termes de budget et de décisions, est devenu un handicap face à la concurrence née de la mondialisation.
Notre réseau a besoin d’une réforme structurelle, et ce d’autant plus qu’aux difficultés inhérentes à une gestion interministérielle s’ajoutent les baisses de crédits alloués à l’action culturelle extérieure et à la coopération éducative et scientifique. En 2009, nous avons constaté une baisse de 13 % en moyenne sur le programme 185, ce qui n’est pas négligeable.
Certes, nous ne referons pas le débat budgétaire, mais, à terme, il est impératif que nous puissions bénéficier d’un budget global pour l’action extérieure de l’État.
Cela nous permettrait d’avoir enfin une réelle visibilité financière. De même que les cotutelles, cette dispersion des financements n’est plus raisonnable.
Telle est la raison pour laquelle la réunion des opérateurs gérant la mobilité universitaire et scientifique, tels que CampusFrance, Egide et France coopération internationale, en un seul établissement public industriel et commercial, relève du bon sens.
Cette future agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, l’AFEMI, doit relever non seulement de la tutelle unique du ministère des affaires étrangères, mais demeurer la seule agence gérant la mobilité universitaire.
C’est pourquoi il est vivement souhaitable que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires y soit intégré.
Si un second opérateur gérant les bourses des étudiants étrangers relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche voyait le jour, cela reviendrait à vider le texte de son objectif premier.
Mes chers collègues, il faut savoir ce que nous voulons : soit nous mettons en place un dispositif au fonctionnement rationalisé, soit nous créons d’ores et déjà des doublons et des dérogations, et l’AFEMI et la réforme perdront de leur sens.
L’action culturelle française à l’étranger doit bénéficier d’une grande lisibilité et être facilement identifiable.
La création de l’Institut Victor Hugo va dans ce sens et nous nous en félicitons. Cet institut regroupera tous les acteurs participant à l’action culturelle extérieure sous un label unique.
Je sais que l’appellation en elle-même fait débat. La question n’est pas d’être des « hugolars » extrémistes, mais là encore il s’agit d’être pragmatique et de faire simple. Si beaucoup de gens ignorent que Victor Hugo fut l’un de nos pairs, son œuvre littéraire est porteuse de la France tout entière. En cela, il me paraît inutile d’y associer le terme « français ».
Prenons exemple sur nos voisins européens. Ils ont choisi une dénomination simple, emblématique et percutante.
Dans le panel des représentants de la culture européenne, nous avons soit le British Council, soit l’Institut Goethe, soit l’Institut Cervantes, mais en aucun cas une triple terminologie.
Ce projet de loi crée deux EPIC qui seront emblématiques de la marque « France », tâchons de ne pas l’oublier.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur l’une des autres avancées de ce texte : la modification du mode de versement de l’allocation au conjoint de l’agent expatrié. Cette allocation se substituera au supplément familial de 1967 et sera désormais versée directement au conjoint.
Cette mesure, attendue depuis longtemps, est neutre budgétairement. C’est un signe fort envoyé à nos agents expatriés et nous nous en félicitons.
Je veux également évoquer les articles 13 et 14.
Ils répondent à l’irresponsabilité croissante de certains de nos concitoyens qui s’aventurent dans des pays où, pour des raisons évidentes de sécurité, le ministère des affaires étrangères déconseille de se rendre. Outre que leur rapatriement engage la sécurité de ceux qui en ont la charge et qu’il peut avoir un effet négatif sur nos relations diplomatiques, il a un coût, trop souvent ignoré par les personnes qui en bénéficient. Cette conception extravagante de la gratuité des secours n’a pas d’équivalent juridique à l’étranger.
Ces articles ont donc avant tout vocation à responsabiliser nos concitoyens, et je souhaite rappeler qu’ils ne sont ni coercitifs ni d’application absolue : les professionnels ou les civils qui devront se rendent impérativement dans des pays « déconseillés » ne sont pas concernés.
Permettez-moi, avant de conclure mon propos, de formuler un vœu. Si, pour André Malraux, « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert », je vous propose, monsieur le ministre, d’aller au-delà de cette maxime : nous devons mettre en place à l’étranger un dispositif culturel « conquérant » ; cela passe par la nécessité de conforter les ambassadeurs et les attachés culturels dans leur rôle de coordinateurs de l’action culturelle à l’étranger.
En ce moment même, à New York, on fête les deux cent cinquante ans de Candide et un festival consacré à Marguerite Duras est organisé conjointement par l’Alliance française et une cinémathèque new-yorkaise ; quant au prochain festival Food and Wine de Miami, il accueillera des grands chefs parisiens. Ces trois événements, préparés en partenariat avec nos ambassades, démontrent la force d’impulsion des attachés culturels et des ambassadeurs : ce sont des acteurs essentiels de notre rayonnement.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. André Trillard. Pour autant, si nous souhaitons mettre en place une diplomatie culturelle ambitieuse, nous ne pouvons aujourd’hui nous cantonner dans la seule logique de rayonnement. Il est temps d’y ajouter une logique d’influence ! C’est ce que Joseph Nye a appelé le soft power.
Il nous faut non plus seulement répondre à la « demande de France », mais aussi susciter l’« envie de France ». Et pour cela, il nous faut encourager les initiatives comme les acteurs du « privé ».
Si la France est reconnue dans le monde comme un pays de culture, pourquoi ne pas faire confiance aussi aux professionnels dont la culture est le cœur de métier pour faire rayonner et « exporter » la « culture France » ?
Aujourd’hui, les « ambassadeurs » culturels traditionnels que sont le cinéma et l’Université ne suffisent plus à donner « envie de France » et n’engendrent plus assez d’attractivité. Force est de reconnaître que les dialogues d’Audiard tiennent difficilement la distance face aux superproductions de Bollywood et que, l’an dernier, l’image d’une Sorbonne en grève n’a guère été un atout pour concurrencer les campus d’Harvard. Le classement de Shanghai en témoigne ! (M. le ministre paraît ne pas accorder un crédit sans faille à la validité dudit classement.)
Notre attractivité tient donc à la combinaison de l’image et de la performance. Il s’agit d’être bon, dans tous les domaines possibles, et de faire en sorte que cela se voie. C’est ce qu’Hilary Clinton appelle le smart power, c'est-à-dire le pouvoir de l’intelligence : cette notion repose sur la faculté de combiner tous les outils, qu’ils soient sociaux, économiques, politiques ou juridiques, afin non seulement de développer une bonne « image », mais d’augmenter la « demande de France ».
Je terminerai en illustrant mon propos par un exemple qui me touche de près. Dans mon département, la Loire-Atlantique, a lieu chaque année un festival de musique classique qui s’appelle « La Folle Journée ». Il est organisé par le Centre de réalisations et d’études artistiques, le CREA, qui a des statuts équivalents à ceux d’une société et gère des centaines de concerts et d’artistes de renommée internationale. Mais le CREA a exporté le concept à l’étranger : ainsi « La Folle journée » s’est déroulée à Tokyo, à Bilbao, à Rio… À Tokyo, elle a enregistré plus de 200 000 entrées !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bravo !
M. André Trillard. Plus que du rayonnement, c’est de l’influence !
Mes chers collègues, le présent projet de loi pose les fondements d’une véritable réforme pour l’action extérieure de la France, qui a profondément besoin de ces nouveaux ajustements. Tâchons de ne pas passer à côté et de faire en sorte qu’il soit porteur d’avenir.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis marque une nouvelle étape dans la réforme d’ensemble engagée au sein du ministère des affaires étrangères et européennes. L’objectif est de passer d’une logique de rayonnement à une logique d’influence.
L’idée n’est pas nouvelle. Quand, se préparant à la première des guerres que nous appelons médiques, Darius payait des Grecs pour qu’ils soutiennent des positions favorables à la Perse, il menait une politique d’influence. Quand Alexandre, après avoir conquis un pays, se proclamait fils des dieux locaux et incitait ses généraux à prendre des épouses autochtones, il menait une politique d’influence. Quand Sun Tzu, dans L’Art de la guerre, conseillait à un souverain d’offrir du vin et des concubines au roi voisin pour amollir son caractère, il promouvait une politique d’influence.
Tout cela se passait voilà plus de deux mille ans, mais on pourrait trouver bien d’autres exemples dans l’Histoire, tant ancienne que plus récente. Toutefois, la diplomatie d’influence est vraiment née au xxe siècle. Depuis l’entre-deux-guerres, les politiques étrangères de tous les États s’accompagnent de démarches pour conforter leur influence dans le monde. Les émissions de Radio Free Europe au-delà du « rideau de fer » ou, plus récemment encore, le monopole des images de CNN en 1991, sans oublier la création de France 24, ont illustré le rôle majeur de l’influence dans les relations internationales.
Nos partenaires ont, sans doute plus vite que la France, pris conscience de l’importance stratégique des idées et de la culture dans l’action diplomatique ; mais je ne reviendrai pas sur la comparaison entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Quoi qu'il en soit, il y a urgence à doter le ministère d’opérateurs modernes et efficaces.
Le présent projet de loi crée une agence chargée de la coopération culturelle. Cette agence devra soutenir nos priorités et être une vitrine de l’offre culturelle française dans toute sa diversité. En apportant un soutien aux artistes, elle assurera la promotion de notre culture et de notre langue.
Elle devra aussi, comme l’a souligné la commission, être à l’écoute de nos partenaires étrangers par l’intermédiaire de notre réseau diplomatique.
Sur l’initiative de son rapporteur, la commission a conforté ces objectifs. Elle a précisé les missions du nouvel opérateur, ce qui me semble important.
En matière de gouvernance, elle a comblé un silence du texte en plaçant la future agence sous la tutelle du ministre des affaires étrangères : les machines à deux têtes ont trop souvent montré à quel point elles étaient difficiles à manier !
Le ministère de la culture devra néanmoins jouer un rôle important dans le pilotage de nos actions, et il faut qu’il soit associé à la prise de décision. C’est ce qu’a prévu la commission en indiquant que l’établissement exercera ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la culture. Celui-ci sera représenté au sein du conseil d’administration et sera cosignataire du contrat d’objectifs et de moyens entre l’opérateur et l’État.
Enfin, la commission a prévu la création d’un conseil d’orientation stratégique qui associera tous les ministères concernés.
C’est sur cet équilibre entre bonne gouvernance et association de l’ensemble des acteurs concernés que je m’interroge. Ce qui est surprenant, et suscite des réserves de ma part, c’est que tous ces acteurs sont issu du secteur public ou semi-public. Qu’en est-il de la sphère privée ?
La France est marquée par Malraux, par la puissance du ministère de la culture, et notre conception de la culture est aussi un héritage de la royauté. Pour autant, madame Tasca, je ne suis pas sûr que la culture soit un domaine régalien ! (Mme Catherine Tasca s’exclame.) Il ne s’agit pas pour moi, à travers cette remarque, d’écarter l’État de son rôle culturel ; néanmoins, il me paraît nécessaire d’ouvrir beaucoup plus la culture au monde du privé ! Est-ce à un fonctionnaire, comme on l’a trop vu, de décider quels artistes contemporains – ce sont pratiquement les mêmes depuis de nombreuses années ! – nous représenteront à l’étranger ? Ne reviendrait-il pas plutôt au monde de l’art contemporain lui-même de choisir les artistes qui seront représentés ou, à tout le moins, d’intervenir dans leur choix ?
Le deuxième opérateur créé par le projet de loi est l’établissement public pour l’expertise et la mobilité internationales. Il sera chargé de l’appui à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers.
L’objectif est d’améliorer l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, mais aussi, et c’est très important, le placement des experts français hors de nos frontières. Nous pensons que la gouvernance proposée le permettra. Là encore, nous soutenons les améliorations apportées au texte par la commission.
Je formulerai toutefois une remarque complémentaire. Mes fonctions passées d’inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche m’ont permis de constater qu’il existe un « relationnel » très important entre les différentes universités françaises et les différents réseaux de chercheurs français, d’une part, et les instances européennes et étrangères, d’autre part. L’autonomie des universités va conforter ce « relationnel ».
Aux termes de l’alinéa 10 de l’article 5, le ministère chargé de l’enseignement supérieur participera à la définition des orientations de l’agence. Je ne conteste pas l’autorité du ministère des affaires étrangères sur cette question, mais je regrette que le ministère de l’enseignement supérieur ne soit pas un acteur plus important dans ce texte.
Ce que je souhaite, monsieur le ministre, c’est que l’autorité du ministère des affaires étrangères n’implique pas que le patron de l’agence soit obligatoirement un ambassadeur qui n’a pu obtenir de grande ambassade ou qu’on ne sait où nommer. Votre ministère doit s’ouvrir, de telle sorte que ce poste puisse être occupé par un grand président d’université, par un chercheur incontestable, ou même, pourquoi pas ? par un grand chef d’entreprise ; et j’espère que la commission des affaires étrangères et la commission de la culture seront saisie de ces nominations !
Si je fais cette remarque, c’est que toutes les réflexions qui sont actuellement menées sur la mondialisation, sur la montée en puissance de la Chine, de l’Inde et des pays d’Amérique latine, mettent en évidence l’affaiblissement potentiel de l’Europe : l’Europe ne restera une grande puissance que si elle sait contrôler ce que l’on appelle le développement de l’économie de la connaissance. C’est bien à cela que cette agence a vocation à participer.
Pour pouvoir porter tous ses fruits, la réforme devra relever de nombreux défis.
Le tout premier d’entre eux, le plus crucial sans doute, c’est la rénovation de la gestion des ressources humaines de notre réseau culturel à l’étranger. Pour la réussir, j’y ai déjà fait allusion, il nous faudra sans doute élargir notre vivier de compétences. Nous y parviendrons en développant des passerelles non seulement entre les administrations, qui en ont bien besoin, mais aussi entre les secteurs public et privé. Là encore, il y a beaucoup à faire !
Il nous faudra également donner de vrais moyens à la formation professionnelle permanente, de façon que nos agents puissent acquérir et consolider leurs compétences tout au long de leur carrière.
Cela m’amène au deuxième défi qu’il faudra relever dans les années à venir : le défi des moyens. Les moyens humains doivent être optimisés, les moyens financiers doivent être à la hauteur. Ce ne sera pas facile !
Le troisième défi sur lequel j’aimerais attirer votre attention et avoir votre sentiment, monsieur le ministre, c’est le défi technologique. Depuis plusieurs années déjà, nous vivons une révolution numérique. Internet bouleverse notre manière d’échanger, de communiquer, de diffuser notre savoir, notre culture et nos idées. Aujourd’hui, on ne peut pas prétendre exercer une influence culturelle dans le monde si l’on ne prend pas cette révolution à bras-le-corps. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels moyens seront mis en œuvre pour relever ce défi de demain, qui est d’ailleurs, en fait, un défi d’aujourd’hui ?
Internet offre à chacun la possibilité de s’exprimer à travers le monde. Évidemment, la France doit prendre toute sa place sur la Toile.
Un autre défi me semble au moins aussi important : la valorisation de la société civile. Je sais que vous y être très sensible, monsieur le ministre.
Les ONG, les entreprises, les associations, les individus occupent de nos jours une place bien plus importante qu’hier sur la scène internationale. Il faut prendre cette réalité en compte. Pour être efficace, la diplomatie d’influence doit s’inscrire au-delà de la simple action gouvernementale.
Aujourd’hui, l’influence dépend de la capacité à tisser des réseaux d’idée, d’opportunité, de médiation. Dans cette optique, l’État doit s’entourer d’acteurs de la société civile. Les pays anglo-saxons l’ont très bien compris : leurs think tanks et leurs médias projettent leur vision du monde sur tous les continents. Peut-être pouvez-vous nous faire connaître, monsieur le ministre, quelle place la société civile occupera dans la diplomatie d’influence que ce projet de loi vise à promouvoir ?
J’ajouterai que les nouvelles agences doivent être les supports de cette société civile bien plus que des opérateurs hiérarchiquement décisionnaires.
Par ailleurs, je regrette – mais peut-être est-il encore un peu tôt pour cela ! – que le projet de loi s’inscrive dans un cadre strictement national, alors que l’adoption du traité de Lisbonne a permis à l’Union européenne de se doter d’une Haute Représentante pour les affaires étrangères et d’un service étranger d’action extérieure.
Je sais que, dans les domaines de l’éducation et de la culture, l’action extérieure relève avant tout des diplomaties nationales. Mais ne serait-il pas judicieux de commencer à réfléchir à l’inscription de notre propre action extérieure en ces matières dans un cadre européen ? Vous le savez, le groupe Union centriste considère que c’est là le cadre naturel dans lequel elle doit s’insérer. Monsieur le ministre, la prochaine étape de la réforme de votre ministère permettra peut-être de mieux articuler nos actions avec les initiatives européennes !
En dépit de ces réserves, le projet de loi constitue une première étape nécessaire, même si, nous le savons, elle est loin d’être suffisante. Sur l’initiative de son rapporteur, la commission des affaires étrangères a accompli un travail que je tiens à saluer, tout comme je salue celui de la commission de la culture.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union centriste soutiendra le texte tel qu’il nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Sans vouloir le moins du monde vous être désagréable, monsieur le ministre, je vous avouerai d’emblée que j’aurais aimé voir siéger à vos côtés M. le ministre de la culture et de la communication. Certes, je n’ignore pas que le ministère des affaires étrangères et européennes doit être le pilote de cette action, mais je tiens à dire dès le début de mon propos que l’implication du ministère de la culture est nécessaire et doit même être constante.
À cet égard, il ne saurait être question de concertation épisodique.
M. Adrien Gouteyron. J’ajoute le qualificatif « épisodique », M. le rapporteur pour avis a bien parlé de « concertation » et même ce seul terme ne me convient pas.
En revanche, j’ai noté avec satisfaction que les deux commissions proposaient d’instituer un conseil d’orientation stratégique pour l’action culturelle extérieure. Je souhaite que celui-ci soit un instrument efficace, car je ne conçois pas que l’on établisse, en matière de rayonnement de notre culture, une distinction entre l’Hexagone et l’étranger. Si nos artistes sont confiants et soutenus, ils auront, nous le savons, la capacité de se faire entendre, d’être lus, vus et écoutés à l’étranger.
J’en viens maintenant à des propos sans doute plus agréables à votre égard, monsieur le ministre !
M. Adrien Gouteyron. J’ai beaucoup apprécié votre discours, que j’ai trouvé à la fois bienvenu et enthousiaste. Certes, vous êtes dans votre rôle, mais il m’a paru propre à susciter un engouement que l’on ne ressent pas spontanément à la seule lecture de ce projet de loi.
Quoi qu'il en soit, ce texte constitue une première étape, qu’il nous faut franchir. Il est avant tout une armature ; on pourrait même parler de « squelette ». Usant de cette métaphore, je dirai qu’il restera à lui donner de la chair, à le muscler, à l’animer, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire lui donner une âme !
L’essentiel, ce sera la capacité d’action du nouvel institut créé, ce sera la coopération effective de l’ensemble du réseau au service d’une politique culturelle, ce sera de sortir d’une vision de pré-carré administratif, de façon que chacun se mette au service d’une politique unique de rayonnement culturel de la France.
Monsieur le ministre, vous le savez, nous avons, je le dis très sincèrement, beaucoup de considération pour nos ambassadeurs. Je le confesse, je les connaissais peu, mais, depuis que je suis chargé du budget de l’action extérieure de l’État, je les fréquente beaucoup. Tous sont distingués, pleins de bonne volonté et capables de conduire leur action. Mais ont-ils toujours le temps de consacrer autant d’énergie qu’il le faudrait à l’action culturelle de notre pays ? J’en suis un peu moins sûr ! Même si certains d’entre eux sont particulièrement brillants et diligents – mais je ne veux pas faire de personnalités ici ! –, on ne peut exiger de tous qu’ils déploient leurs talents dans toutes les directions à la fois.
Ce problème me conduit à vous poser une question, monsieur le ministre, et j’espère ne pas être indiscret. (Sourires.)
Vous avez dit tout à l'heure avoir lancé une enquête sur ce texte par voie de questionnaire auprès de nos postes diplomatiques. Je n’en connais pas le résultat,…
M. Adrien Gouteyron. … mais j’aimerais savoir si nos ambassadeurs ont manifesté un enthousiasme suffisant et à la mesure de vos ambitions pour le développement culturel de notre pays. (M. le ministre fait une moue dubitative.) Je n’insisterai pas…
Vous avez accordé hier à un journal, monsieur le ministre, un entretien tout à fait intéressant, dans lequel vous avez abordé divers sujets – certains tout à fait essentiels ! –, dont le présent projet de loi. Vous avez cité l’institut Goethe, l’institut Cervantes et le British Council. En cela vous avez fort bien fait, mais, vous le savez, la comparaison…
M. Ivan Renar. Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron. … mérite d’être précisée, voire singulièrement affinée.
Chaque fois que je vais à l’étranger, je rends toujours visite aux responsables de ces instituts et j’essaie de faire des comparaisons. Je ne souhaite pas que le nouvel institut ait le même degré d’autonomie que ces établissements, car ce n’est pas conforme à notre tradition. Il me semble que notre raison en souffrirait et que notre rayonnement culturel en pâtirait.
Toutefois, il est nécessaire d’aller plus loin que ce texte ne le fait. En effet, il va falloir trouver le moyen d’intégrer le réseau. Je me réjouis de ce qu’une clause de « revoyure » – un terme que je n’aime pas beaucoup, car il ne me paraît pas relever du très bon français, mais que j’emploie parce qu’il est commode ! – soit prévue par les commissions. J’aurais préféré que l’on dise que l’on procède par étapes. Mais, même si l’objectif est le même, telle n’est pas, me semble-t-il, l’intention de MM. les rapporteurs.
Monsieur le ministre, personne ici n’ignore les pesanteurs internes, que vous avez d’ailleurs évoquées très franchement, pas plus que les influences externes qui ont pu, sinon freiner votre enthousiasme, du moins brider votre volonté… Mais il va falloir avancer, et vous allez devoir faire preuve de détermination. Les commissions compétentes, j’en suis sûr, seront vigilantes et, moi-même, à ma mesure et à ma place, je m’efforcerai de l’être aussi.
Je me réjouis des expérimentations locales prévues par les deux rapporteurs, car c’est une très bonne chose.
Mme Catherine Tasca. Oui !
M. Adrien Gouteyron. D’une manière générale, dans une administration aussi monolithique que la nôtre, dans de nombreux ministères, on aurait intérêt à procéder par voie expérimentale. Alors, pourquoi pas dans ce domaine, puisqu’on a tant de mal à avancer globalement ?
Permettez-moi maintenant d’aborder brièvement le rôle des conseillers culturels. J’apporterai une petite touche d’immodestie, en évoquant quelques propos que j’ai tenus, alors que je publiais l’un des nombreux rapports qui ont été cités.
Dans un journal du soir, j’avais expliqué en substance qu’il fallait cesser de confondre la présence culturelle, c'est-à-dire la promotion de la culture française dans un pays ou une ville donné, et le centre culturel, un lieu dont le rayonnement est forcément limité.
À cet égard, je reprendrai volontiers les propos de notre collègue et ami André Trillard : le conseiller culturel doit maintenant être un passeur, qui doit chercher des relais avec les établissements culturels du pays dans lequel il exerce sa mission. C’est même son travail essentiel ! En effet, il ne suffit pas de prévoir la diffusion d’un film dans une salle de trois cents places pour considérer qu’on a servi le rayonnement de la France ! Le rayonnement culturel, aujourd’hui, c’est tout autre chose ! Et tel doit être l’objectif de nos conseillers culturels, monsieur le ministre !
M. Adrien Gouteyron. C’est d’ailleurs un très beau rôle qui leur est confié, quoique très difficile ! Dans votre discours liminaire, vous avez prononcé une phrase qui m’a beaucoup plu : la culture se nourrit de l’échange, elle meurt de la solitude. Eh bien, ne restons pas enfermés dans nos murs, nourrissons-nous de l’échange ! Le rôle des conseillers culturels se situe d’abord et avant tout aujourd'hui à ce niveau.
Cela m’amène à évoquer leur sort, comme d’autres collègues l’ont fait avant moi. Pour ma part, je voudrais insister sur l’importance du choix des femmes et des hommes qui composent le réseau diplomatique.
Certes, c’est d’abord votre affaire, monsieur le ministre, mais il ne faut pas que ce choix relève de la seule compétence de votre administration. Il faudra évidemment y associer le nouvel institut – par là, je vise les deux agences, même si je n’ai traité jusqu’à présent que des questions culturelles ! –, tout comme les autres ministères concernés, surtout si l’on veut favoriser les passerelles, dont a excellemment parlé tout à l'heure notre collègue Pozzo di Borgo, aussi bien avec les autres administrations qu’avec le secteur privé. C’est absolument crucial.
Cela suppose de bien choisir ces conseillers et de leur proposer une carrière intéressante, en leur laissant le temps sur place de développer leur action…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. … et d’établir les relations nécessaires pour que celle-ci soit efficace. Car, on le sait bien, ce n’est pas ainsi que cela se passe aujourd'hui ; un long chemin reste donc à parcourir.
Enfin, en tant que rapporteur spécial des crédits de l’action extérieure de l’État, il m’est arrivé, au cours des années passées, de défendre le budget du ministère des affaires étrangères en rapportant les crédits tels qu’ils nous avaient été présentés. Il est vrai que ce ministère a connu des diminutions de crédits et des réductions d’effectifs absolument considérables et continues. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, mais je tiens à le répéter encore, on a maintenant atteint la limite au-delà de laquelle l’essentiel serait touché ! (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.) Mais je sais, monsieur le ministre, que vous me rejoignez sur ce point.
Quoi qu’il en soit, bon vent à ce nouvel institut ! Il dépendra de vous et de vos collaborateurs les plus proches qu’il vive, qu’il vive réellement et ne soit pas une coquille vide ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que reste-t-il aujourd'hui de ces réformes annoncées au cours des années passées, suivies, en écho, de coupes budgétaires, et de ces discours tonitruants sur le rayonnement culturel de la France, qui couvraient mal le grincement des portes des centres culturels qu’on fermait ?
Après ces quarante ans d’évolution continue, quel message d’espoir adressez-vous aux agents de la diplomatie culturelle à l’étranger, aux francophiles du monde ? Quels moyens mettrez-vous en œuvre pour relever la place de la France dans l’expertise internationale et dans la formation supérieure des futures élites du monde ?
La réponse, c’est, d’une part, votre discours enflammé, et, d’autre part, ce projet de loi, dont le souffle et l’ambition évoquent celui de la notice technique du dernier smartphone.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais non, monsieur le ministre ! Simplement, rejoignant le point de vue de mon collègue Adrien Gouteyron, je constate qu’il existe un écart effroyable entre ce que vous avez dit et les dispositions contenues dans ce texte.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si nous avions trouvé dans ce texte ce que vous avez annoncé, nous l’aurions voté les yeux fermés !
Certes, j’exagère un peu, monsieur le ministre, mais je sais que notre déception est aussi un peu la vôtre : ce n’est pas de ce meccano juridico-institutionnel que vous rêviez quand vous avez annoncé, il y a un an, vos projets de relance de l’action culturelle extérieure de la France !
Le premier différend entre nous porte sur l’importance accordée aux opérateurs extérieurs. Pour notre part, nous n’approuvons pas que le Gouvernement auquel vous appartenez veuille déléguer la plus grande part possible de son action à des opérateurs extérieurs, tout en s’apercevant simultanément qu’ils échappent par trop à la toise de la RGPP et tout simplement au contrôle de l’État, lequel n’a jamais été efficace dans le pilotage stratégique.
Or, pour l’action culturelle extérieure, c’est vraiment le pilotage qui manque le plus cruellement, que le travail soit fait directement par l’administration ou via des opérateurs.
Ce qui manque depuis que notre diplomatie culturelle périclite, monsieur le ministre, c’est un général qui, comme sur le champ de bataille, indique le sens de la marche aux fantassins, désigne la position à prendre et s’assure que ses soldats ont à la fois des vivres et des munitions.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. C’est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais, dans le réseau culturel, tout comme pour la mobilité internationale ou l’attraction des étudiants étrangers, c’est août 14 tous les jours : ordres, contrordres, pas d’ordre du tout et, de toute façon, l’intendance ne suit pas !
Ce qu’attendent tous les personnels du réseau, des institutions parisiennes et du ministère, c’est une orientation réaliste, des objectifs qu’il soit possible d’atteindre avec des moyens dont on est sûr de disposer dans la durée. À cette condition, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, les agents pourront se projeter dans l’avenir. Ils mobiliseront à nouveau leur inventivité, leur passion au service d’une diplomatie culturelle qui noue des liens pérennes entre les peuples, liens qui résistent aux tempêtes des relations politiques internationales, et même aux guerres.
Le moment est venu de rétablir la confiance des agents en eux-mêmes et envers l’institution qu’ils servent par la participation à une action efficace, afin qu’ils cessent de vivre dans la menace de la fermeture, du licenciement, d’un retour en France, où ils n’auront plus qu’à s’inscrire à Pôle emploi. Quand un agent compétent ne fait que passer dans le réseau culturel français, alors qu’il ferait carrière chez nos homologues, quand les moyens financiers diminuent et, pis, fluctuent en cours d’année, le découragement et la démobilisation se répandent.
L’association CulturesFrance transformée en EPIC remédiera-t-elle à cette situation ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous le voudrions bien, mais l’abîme entre votre discours, que j’ai beaucoup apprécié, et le texte lui-même, fût-il copieusement amendé, donne le sentiment que les objectifs poursuivis par le Gouvernement se limitent au désengagement financier et politique de l’État et aux économies d’échelle, nécessaires mais non suffisantes !
J’ai bien entendu vos arguments en faveur de l’EPIC ; cela se discute. Mais, tout de même, « industriel et commercial », pour les fonctionnaires, surtout les hauts fonctionnaires, c’est le fantasme du moindre coût et de la souplesse de gestion des personnels. Ils n’en voudraient pas pour eux, mais l’appliqueraient volontiers à leurs troupes. C’est le fantasme du profit au détriment de l’ambition culturelle !
Je rappelle que tous nos grands musées et les théâtres nationaux ont un statut d’établissement public administratif, comme l’AEFE, je viens de vérifier, parce que, fondamentalement, la culture et l’éducation ne sont pas des biens commerciaux. C’est cela le principe de l’exception culturelle !
Le grand argument en faveur de l’EPIC serait sa souplesse de gestion. Mais de quelle gestion parle-t-on ? De la gestion financière ? L’EPA n’est pas, en soi, moins efficace que l’EPIC ; on le voit avec l’AEFE. Il dispose des ressources provenant de son activité, investit, peut bénéficier du mécénat et même de dons défiscalisés provenant d’un pays de l’Union européenne, ainsi que de ceux des fonds de dotation. Sur ces points, son caractère non lucratif place même probablement l’EPA en meilleure position que l’EPIC.
La véritable raison du choix de l’EPIC, c’est la souplesse de gestion des salariés, sous contrat de droit privé,...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... plus grande que celle des agents de l’État, mais seulement du point de vue de l’employeur.
Si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que ce statut d’EPIC est probablement un obstacle à la mise en synergie du réseau culturel et de la nouvelle agence. Cela empêchera les fonctionnaires d’y travailler et rendra aussi difficile que coûteux le basculement des agents du réseau diplomatique.
De plus, cela pose le problème du statut de nos centres culturels à l’étranger. S’ils deviennent les émanations d’un établissement industriel et commercial, ils risquent de perdre leur statut diplomatique, juridique et fiscal d’exception. Basculer le réseau dans un statut d’EPA en quelques années est probablement réalisable ; l’exemple de l’AEFE en témoigne. Il peut employer aussi bien des fonctionnaires que des contractuels. Le choix entre EPA et EPIC aurait mérité une réflexion plus approfondie.
M. Richard Yung. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les chapitres I et II du projet de loi sont éclipsés par la création de l’agence culturelle ; c’est tout à fait normal. Je n’aurai pas la cruauté de revenir sur l’omission des dotations de l’État dans le texte d’origine. Mme Catherine Tasca l’a fait : une fois suffit !
Que dire sur l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales? J’ai cherché quel était l’objectif décelable du regroupement de France Coopération Internationale, CampusFrance et Egide. Vraiment, je n’ai trouvé que les économies d’échelle ! En effet, ces trois organismes ont des métiers différents et la fusion des deux derniers ne serait porteuse de progrès que si le CNOUS y participait.
Voilà quelques années, j’ai fait un rapport au Sénat sur l’accueil des étudiants étrangers en France. Quel est l’objectif central ? Faire de la France un pays plus attractif pour les étudiants et les chercheurs étrangers, et mieux positionner nos experts à l’international. Mais, faute d’accord entre votre ministère et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous gardons un système dual de gestion des bourses et de l’accueil des étudiants étrangers. Nous ne prenons donc pas les moyens de mieux accueillir les étudiants étrangers et nous maintenons le gaspillage des crédits publics du fait du doublon entre les CROUS et les délégations régionales d’Egide. Les deux effectuent le même travail et agissent sur le même terrain.
Autrement dit, les pièces du puzzle de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales ne s’emboîtent pas et il lui manque le gros morceau que constitue le CNOUS. J’espère qu’on y remédiera, mais cela suppose que votre ministère réussisse à trouver un terrain d’entente convenable avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Enfin, monsieur le ministre, le progrès des mobilités suppose que le ministère de l’immigration – je devrais citer les trois « i », mais, en l’occurrence, c’est surtout l’immigration – cesse de refuser des visas à trop d’étudiants et même aux chercheurs de haut niveau recrutés par nos universités. En témoigne le cas récent de Farzaneh Sheidaei, astrophysicienne iranienne. Elle n’a pas pu rester à Jussieu qui avait décelé son talent et qui l’avait recrutée. Elle est repartie en Afrique du Sud. Franchement, cela fait froid dans le dos !
Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung. Merci, monsieur Besson !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je terminerai en rappelant la conclusion qui était la mienne à la fin de l’examen du budget de 2003 sur l’action culturelle extérieure : « L’écart entre les intentions proclamées en matière d’action culturelle extérieure et la baisse absolue comme relative de la part qui lui revient dans le budget de l’État continue de s’élargir. Il faudra un jour mettre fin à ces déclarations incantatoires qui ont perdu tout pouvoir d’entraînement sur les acteurs de terrain et contribuerait plutôt à les décourager. »
Monsieur le ministre, le mal est donc ancien et personne ne le nie. La mise en œuvre du projet de loi que nous examinons le guérira-t-il ? Je crains que non ! Pourtant, notre volonté de réformer la diplomatie culturelle est grande. Pas moins de six rapports parlementaires et combien de groupes de travail ministériels !
Pour ce texte encore, nous avons travaillé dans un esprit constructif avec nos collègues de la majorité. Mais, dans ce projet de loi, nous ne trouvons pas la teneur de votre discours ni les réponses aux défis à relever, comme nombre de collègues l’ont dit, sur le financement, la stratégie et la mobilisation dans un parcours de carrière des agents de la diplomatie culturelle. Autant dire que notre scepticisme reste grand ! Aussi écouterons-nous très attentivement toutes les réponses qui nous seront données. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici presque arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.
Je voudrais tout d’abord vous remercier, monsieur le ministre, de votre magnifique discours et de l’initiative que vous avez prise pour moderniser et rationaliser notre dispositif culturel à l’étranger, en lui donnant le cadre juridique approprié, mais aussi en créant ce si nécessaire statut du conjoint, et pour responsabiliser nos compatriotes devant les risques encourus dans certains pays.
Ce week-end, j’ai lu dans un grand quotidien national un certain nombre de critiques, dont certaines me paraissent inacceptables. Oui, la baisse des crédits dévolus à notre action culturelle extérieure est considérable. Mais, que je sache, et vous l’avez d’ailleurs rappelé, c’est vous qui avez stoppé cette hémorragie dans le projet de loi de finances pour 2009 en inscrivant 40 millions d’euros supplémentaires ! Vous avez également fait en sorte que le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », échappe aux ponctions faites aux différents ministères pour le grand emprunt.
Certes, il faut faire beaucoup mieux, nous le savons et nous le disons tous. Mais, monsieur le ministre, cela ne doit pas se faire au détriment de notre enseignement français à l’étranger, ni de notre indispensable action sociale envers les plus démunis de nos compatriotes.
J’ai lu aussi, à propos de CulturesFrance, des attaques qui me semblent plutôt indignes. Aussi, je tiens à saluer le travail accompli par CulturesFrance depuis sa création, ses efforts de rationalisation et de rigueur budgétaire, en réponse d’ailleurs à une demande de notre excellent collègue M. Adrien Gouteyron, et le succès rencontré par ses initiatives ; je pense, par exemple, à l’année de la France au Brésil ou de la Turquie en France.
Monsieur le ministre, on vous accuse de tergiverser parce que vous avez procédé à des consultations. Eh bien, moi, je voudrais au contraire vous remercier d’avoir écouté. Je vous suis tout particulièrement reconnaissante d’avoir accepté, lors de votre dernière audition par la commission des affaires étrangères, que l’Assemblée des Français de l’étranger, organe représentatif de nos compatriotes expatriés, soit représentée au titre des personnalités qualifiées dans les deux établissements créés par la loi.
Certes, j’aurais préféré que cette assemblée, qui représente 2,5 millions de Français expatriés et a pour mission de conseiller le Gouvernement, fût plus étroitement associée à l’élaboration même de ce texte et qu’il y fût fait expressément référence. Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour qu’elle soit dorénavant davantage consultée et informée. Nous ne pouvons, en effet, nous passer de l’expertise et de l’expérience de ces élus, eux-mêmes acteurs et vecteurs de notre rayonnement !
Le temps qui m’est imparti étant très court, je me concentrerai sur des points qui me paraissent essentiels au succès de votre démarche : la part que doit y prendre le ministère de la culture et l’appellation même des centres culturels.
Aujourd’hui, la culture, même si elle est extérieure, ne peut plus être le domaine réservé du seul ministère des affaires étrangères. Nous ne pouvons dissocier la culture sur le territoire français et la culture hors du territoire, car la mondialisation a cassé l’étanchéité des frontières. De plus, une culture riche et vivante en France contribuera au succès de notre diplomatie. La vocation de notre action culturelle est justement de rayonner hors de nos frontières.
Nos créateurs ne réussiront que si ces deux dimensions sont étroitement imbriquées.
Certes, les attentes ne sont pas les mêmes à Brive-la-Gaillarde, à Alger ou à Santiago, mais partout nous devons avoir une ambition d’excellence. Nous ne nous en approcherons que si nous parvenons à faire de notre action culturelle un creuset où s’enrichiront mutuellement cultures française, francophones et étrangères, sensibilités et attentes de nos partenaires étrangers. L’international ne peut plus être un domaine à part ; il doit au contraire imprégner toutes nos politiques, être le fil transversal et conducteur à l’aune duquel, si j’ose dire, devraient être jaugées toutes nos initiatives.
Les ambassadeurs doivent bien évidemment garder leur rôle prééminent. Mais il leur faut aussi être appuyés par une administration culturelle forte, par souci de continuité et de cohérence, afin d’éviter les morcellements et les discontinuités de notre stratégie culturelle. Il s’agit non pas de fragiliser leur rôle, mais de les aider à mieux l’assumer.
Dans cet esprit, il importe, en prolongement de l’avancée remarquable de l’Association française d’action artistique, l’AFAA, et de CulturesFrance, qui avait obtenu la cotutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture, d’impliquer fortement la Rue de Valois dans ce conseil d’orientation stratégique, comme l’a souhaité notre commission des affaires étrangères.
Supprimer la cotutelle de la Rue de Valois pourrait en effet, à terme, faire courir le risque de la voir développer elle-même son propre outil de rayonnement international. Nous avons trop souvent, en France, l’habitude de dupliquer nos institutions, ce qui entraîne un appauvrissement potentiellement dommageable. Il nous faut, au contraire, plus de cohérence et d’esprit d’équipe pour mieux appréhender l’avenir.
Dans ce cadre, je soutiens la proposition de certains de nos collègues, en particulier de Mme Catherine Tasca, visant à créer un poste de secrétaire d’État à l’action culturelle extérieure, lequel pourrait, sous l’autorité du ministre des affaires étrangères, assurer la coordination avec le ministère de la culture.
J’en viens maintenant à l’appellation choisie pour l’agence, qui s’intitulerait « Institut Victor Hugo ». Certes, la commission des affaires étrangères est favorable à une telle dénomination, mais puisqu’un amendement déposé par certains de nos collègues vise à revenir sur ce choix, je veux vous dire de nouveau, mes chers collègues, combien il me semble important de prévoir un nom générique tel que « Institut français » plutôt que celui de Victor Hugo.
Comme nous tous, j’ai évidemment une immense admiration pour ce magnifique écrivain, que j’ai d’ailleurs eu l’occasion de citer à plusieurs reprises du haut de cette tribune. Il a en outre, à mes yeux, le double avantage d’avoir été sénateur et… Français de l’étranger !
Toutefois, au xxie siècle, nous ne pouvons plus nous permettre une telle référence, réductrice par nature, à un écrivain du xixe siècle. Après tout, pourquoi choisir Hugo, alors que lui-même rêvait d’être « Chateaubriand ou rien » ? Nous avons un patrimoine culturel, artistique et littéraire tellement riche !
Dans de nombreux pays, les centres culturels ou les instituts portent également le nom d’une personnalité liée au lieu dans lequel ils sont implantés : Henry de Monfreid à Sanaa, Charles Baudelaire à Maurice, Arthur Rimbaud à Djibouti ou encore Léopold Sédar Senghor à Dakar. Leur imposer le nom d’un écrivain me semble une grave erreur. Nous risquerions d’être accusés de « jacobinisme », on nous prêterait une volonté d’uniformisation et d’étouffement, ou encore on nous reprocherait de faire preuve de ce despotisme de la pensée que vous dénonciez vous-même tout à l’heure, monsieur le ministre.
Certes, l’Allemagne, l’Espagne ou la Chine ont fait ce choix. Mais notre problématique est différente ! Et avons-nous vraiment besoin de les imiter ? Tout le monde, à l’étranger, sait que nous sommes un peuple de culture et d’histoire. Savez-vous quel est le premier adjectif qui vient à l’esprit des Chinois ou des Américains pour qualifier la France et les Français ? Ce n’est pas « innovant », « moderne », « créateur » ou même « universaliste » : c’est « romantique » !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est vrai, mais il nous faut faire oublier ces stéréotypes.
M. Christian Cointat. Pourquoi ? Moi, j’aime le romantisme !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le défi, c’est de prouver que notre culture est non pas passéiste ou déclinante, symbole du vieux monde, mais au contraire rayonnante ! Il nous faut nous tourner résolument vers l’avenir pour rajeunir et renouveler notre image. Notre stratégie ne doit pas être polluée par des relents de naphtaline. J’aimerais savoir combien de visiteurs étrangers choisissent chaque année de visiter les maisons de Victor Hugo ! Pensez-vous que beaucoup de jeunes artistes ou créateurs se sentiront motivés par ce choix ?
Certes, je crois à la nécessité de connaître notre passé, nos racines culturelles. J’ai même créé un site internet, racinesfrance.com, dans ce but. Mais je crois surtout à l’impérieuse nécessité de nous ouvrir à la modernité, de respirer l’air du grand large et de la diversité, de savoir prendre des risques et innover.
Beaucoup d’entre nous ont vécu comme humiliante et destructrice, voilà deux ans, la couverture du Time suggérant que la culture française n’était plus ce qu’elle était. Nous avons besoin d’une nouvelle ambition, mais celle-ci doit s’incarner dans la modernité, l’initiative, le mouvement. Les plus beaux bijoux ont besoin d’un écrin simple et élégant, tel que l’appellation « Institut français », qui est d’ailleurs déjà utilisée dans de très nombreux pays. Deux tiers des personnes interrogées, nous dit-on, la préfèrent à toute autre. Voilà à peine deux jours, mes propres sondages, certes non scientifiques, auprès non seulement des personnels d’ambassade, mais aussi des responsables et des élus des Français de l’étranger, m’ont permis de conclure que 100 % des personnes interrogées préfèrent l’appellation « Institut français ».
Je ne voudrais pas que l’on puisse de nouveau citer l’expression d’André Gide, lequel, quand on lui avait demandé quel était son poète préféré, avait répondu « Victor Hugo, hélas ! ». J’espère, de la même manière, que l’expression « hugoliade » ne sera pas empruntée à Ionesco pour qualifier ce projet.
Je soutiendrai donc l’amendement qui sera présenté par notre collègue Colette Mélot à ce sujet. Je vous exhorte, monsieur le ministre, mes chers collègues, à surseoir, si vous le pouvez, à une telle décision. L’architecture institutionnelle ne sera véritablement prête que dans trois ans. En conséquence, est-il si urgent d’adopter aujourd’hui cette dénomination ? Nous pourrions encore nous laisser le temps de la réflexion pour un choix aussi symbolique et important. Cette question pourrait également, comme je l’ai déjà suggéré en commission, faire l’objet d’un grand sondage internet sur le site du ministère, ce qui contribuerait à créer un mouvement d’adhésion des citoyens français ou francophones à notre politique culturelle.
En outre, dans un temps de crise où chaque économie compte, repousser cette décision permettrait d’éviter de gros frais de conception – je pense au logo et à la modification des sites internet – et de publication. J’imagine que la suggestion de Mme Mélot ne sera pas retenue, mais je le regrette dès à présent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, en cette fin de discussion générale, je suppose que vous n’êtes pas mécontent des interventions que vous venez d’entendre. En effet, malgré quelques réserves, un fort consensus s’est dégagé sur la nécessité d’avancer, et chacun ici vous a reconnu le mérite de proposer un projet, ce que n’ont pas fait vos prédécesseurs.
Même si j’ai apprécié l’ensemble des interventions, je retiens particulièrement celle de notre collègue Adrien Gouteyron, qui, en tant que membre de la commission des finances, apporte un éclairage tout à fait intéressant.
Pour reprendre une expression qu’il a eue un jour – je pense qu’il ne me démentira pas –, je dirai que nous sommes aujourd’hui « à l’os ». Cela signifie qu’il n’y a plus de crédits d’intervention, qu’il n’y a plus rien !
Mme Catherine Tasca. C’est vrai !
M. Yves Dauge. Le personnel s’efforce de faire face, malgré l’absence de crédits. Mais le seul mot d’ordre, c’est : « Débrouillez-vous ! »
Avec certains collègues ici présents, nous avons eu l’occasion de visiter les Alliances françaises implantées en Inde, où l’on ne trouve pas de centres culturels français. Pourtant, on pourrait imaginer que la France « met le paquet » dans un tel pays. Or ce n’est pas le cas : on n’y recense que quinze alliances françaises, et elles aussi sont « à l’os ». Bien sûr, cette réalité est relativement masquée parce que les gens qui les gèrent sont extrêmement dynamiques. Ils se débrouillent comme ils peuvent pour survivre, et ils ont bien du mérite – il ne s’agit pas certainement pas ici de les critiquer –, mais je me demande parfois combien de temps ils pourront tenir. Rendons donc hommage aux acteurs du terrain, qu’ils appartiennent à CulturesFrance, aux centres culturels ou aux alliances !
Mais peut-on parler d’une grande ambition culturelle de la France ? Sûrement pas !
Monsieur le ministre, vous n’avez pas cherché à esquiver la question budgétaire. Vous avez d’ailleurs mené, avec le ministère du budget, une négociation qui vous a permis de récolter deux fois 20 millions d’euros, ce qui est appréciable.
Mes collègues et moi-même avons établi une simulation, dont les résultats devront être vérifiés. Pour mettre le réseau au niveau – nous devrons cependant nous mettre d’accord sur les chiffres de départ –, il faut une centaine de millions d’euros.
M. Yves Dauge. Oui, 20 millions d’euros par an sur cinq ans. Vous avez commencé, il faut continuer ! Du reste, ce n’est pas énorme ! (M. le ministre acquiesce.)
Sans être méchant, je ne peux cependant passer sous silence les 3 milliards d’euros par an que l’on vient d’offrir à une certaine profession. Il y a tout de même là de quoi susciter une certaine colère ! Dans ce pays, on est incapable de hiérarchiser les enjeux ! Je m’arrêterai là, car je ne veux pas choquer ceux qui se sont réjouis d’un tel cadeau. Mais quel en est le résultat ? Il est nul !
M. Richard Yung. Nul !
M. Yves Dauge. L’expertise est en cours, mais nous savons d’ores et déjà qu’aucun emploi n’a été créé. Certains ont même disparu. Et tout cela pour une facture de 3 milliards d’euros renouvelée d’année en année, quand nous nous contenterions de 20 millions d’euros supplémentaires pendant cinq ans.
Monsieur Gouteyron, les commissions de la culture et des finances, et notamment leurs présidents, pourront-elles travailler en lien étroit avec le ministre pour tenter de décoincer la situation ? Car nous arrivons toujours trop tard ! Lorsque nos rapports, unanimes pour dénoncer une situation inadmissible, paraissent, le budget est bouclé ! On nous répond alors : nous en reparlerons l’année prochaine.
Je vous propose donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’anticiper. Pouvons-nous nous concerter avec nos amis des finances ? Il n’est pas question de les braquer, ce serait très maladroit ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. C’est vrai !
M. Yves Dauge. Il nous faut également trouver des alliés au ministère des finances. Il y en a, j’en suis sûr !
Nous pouvons également agir, en suggérant des réformes. Il s’agit, mes chers collègues, d’une proposition concrète.
Monsieur le ministre, vous vous êtes trouvé confronté à des attitudes plus que réservées, émanant, au sein de votre ministère, d’une corporation qui – ce n’est un secret pour personne – n’a pas tellement envie de bouger. Vous êtes cependant allé de l’avant, même si vous avez décidé de lâcher un peu de lest en prévoyant trois années pour mener la réforme à bien.
Ce que j’aimerais qu’on fasse avec vous, et le Sénat peut jouer un rôle, c’est discuter avec des ambassadeurs, les convaincre. Ils ne sont pas convaincus. Ils ont peur ! En fait, ce sont des gens qui ont peur, parce qu’il y a l’affaire de l’Agence française, vous comprenez, qui les a un peu traumatisés. Mais l’Alliance française, c’est une autre histoire : il y a le Trésor dans l’Alliance française ; ça n’a rien à voir avec la tutelle que vous allez exercer. C’est vous, les patrons ! Comme l’AEFE, d’ailleurs, qui est parfaitement menée par votre ministère, sans que ça ait posé des problèmes graves. Et moi, je dis qu’il y a une fausse querelle avec les ambassadeurs, qu’il faut arrêter. Les ambassadeurs n’ont pas lieu d’avoir peur d’une agence et d’un réseau culturel qui dépendra de l’Agence. Il y a des règles à observer. Vous savez, le British Council a développé un système qui n’est pas idiot, c'est-à-dire que, dans beaucoup de cas, le directeur du British sur le terrain est en même temps le conseiller culturel de l’ambassadeur. Quand ce n’est pas le cas, de toute façon, il est membre de l’équipe……..
En la matière, le Sénat peut vous aider en discutant avec les ambassadeurs, qui ne sont pas convaincus par votre réforme parce qu’ils ont peur. En effet, ils ont été traumatisés par l’affaire de l’Agence française de développement. Mais il s’agit ici de tout autre chose ! Pour ce qui est de l’AFD, l’implication du Trésor est évidente ! Cela n’a rien à voir avec la tutelle que vous allez seul exercer : c’est bien le ministère des affaires étrangères qui sera le patron. D’ailleurs, c’est bien ce qui se passe pour l’AEFE, sans que cela ait soulevé le moindre problème.
Il faut que cesse cette fausse querelle avec les ambassadeurs ! Ces derniers n’ont rien à redouter d’une agence chargée de l’action culturelle dont dépendra un réseau d’instituts.
La Grande-Bretagne a, quant à elle, développé un système assez judicieux. Très souvent, le directeur du British Council est en même temps le conseiller culturel de l’ambassadeur. Et lorsque ce n’est pas le cas, il est, de toute façon, membre de l’équipe de l’ambassade.
Établissons donc des règles de fonctionnement claires pour mettre fin à ce procès interminable qui n’a pas lieu d’être. Pour de fausses raisons, on bloque une évolution !
Je peux vous suivre, monsieur le ministre, lorsque vous évoquez des problèmes de statuts, de financement ou de fiscalité. Mais on ne peut accepter que des obstacles d’ordre politique viennent, de manière sourde, entraver l’avancement de ce projet ! Ne l’oublions pas, il faudra tenir trois ans !
M. Yves Dauge. Eh oui ! Nous-mêmes, nous ne serons peut-être plus là, mais le Sénat continuera d’exister !
Vous avez bénéficié dans cette assemblée d’un soutien formidable, même si quelques critiques ou réserves ont pu être émises ici ou là. Les commissions, qui ont travaillé en toute amitié, se sont engagées.
Je n’insiste pas sur la question essentielle de la gestion du personnel. Si ceux qui font obstacle, sans trop le dire, à cette évolution avaient, depuis un certain nombre d’années, géré la ressource humaine de manière dynamique et efficace, nous n’en serions pas là ! Les personnels ont été mal formés et mal gérés, les carrières étant inexistantes.
Le ministère pourrait examiner les raisons pour lesquelles il a échoué dans ce domaine. J’espère qu’il ne va pas attendre trois ans pour mener à bien cette mission ! Il doit dépasser les querelles et se mettre en mouvement.
C’est ce que vous essayez de faire, monsieur le ministre. Personnellement, je trouve que vous avez un certain mérite. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, et en accord avec MM. les présidents des commissions, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
M. le président La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Dominique Braye, membre titulaire, et M. Thierry Repentin, membre suppléant, de l’Agence nationale de l’habitat.
11
Retrait d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 818 de M. Robert Navarro est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
12
Action extérieure de l'État
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, ne souhaitant pas prolonger déraisonnablement ce débat très intéressant, quoique l’envie ne m’en manque pas (Sourires.), je m’exprimerai brièvement.
M. le président de la commission des affaires étrangères, M. le président de la commission de la culture et MM. les rapporteurs ne me démentiront pas : les débats, tant en commission qu’en séance publique, ont été constructifs et enrichissants, même si les différents intervenants n’ont pas tu leurs critiques, ce qui est bien normal.
Je remercie les uns et les autres d’avoir cru à une certaine sincérité de ma part ; c’est vrai, comme vous, je souhaite que ce projet de loi, qui sera celui du Sénat, réussisse.
J’ai bien entendu les recommandations formulées par les différents orateurs, en particulier Yves Dauge. Je le répète : nous examinerons dans un délai de trois ans l’opportunité de rattacher organiquement le réseau des centres et instituts français à l’étranger à l’agence culturelle. Entre-temps, il nous appartient de changer les habitudes.
À en croire de nombreux articles de presse, j’aurais trop traîné ; en revanche, d’autres pensent que j’agis trop vite et qu’il vaudrait mieux attendre. En somme, personne n’est content ! Mais j’ai l’habitude !
En vérité, dans cette affaire, j’ai choisi d’écouter, et, après avoir quelque peu hésité, je ne le nie pas, j’en suis venu à conclure qu’il était difficile de basculer d’un coup près de 6 800 agents du ministère vers le réseau de l’agence culturelle. Cette opération aurait nécessité 50 millions d’euros, somme dont je ne dispose pas.
Précisément, certains m’ont reproché de ne pas avoir de budget. Or, je le rappelle, j’ai obtenu 40 millions d’euros pour moderniser en profondeur le réseau.
À cet égard, je voudrais faire pièce à certaines affirmations. Ainsi, les crédits de l’action culturelle extérieure connaîtront une baisse, entre 2006 et 2010, non pas de 20 %, comme certains l’ont prétendu, mais de moins de 1 %.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C’est faux !
M. Richard Yung. Ce n’est pas possible !
M. Bernard Kouchner, ministre. Certes, les crédits de la coopération culturelle et du français ont baissé de 14 %, mais, grâce aux 40 millions d’euros que j’ai obtenus de haute lutte, ceux de CulturesFrance ont crû de 17 %. C’est de cette méprise que provient l’erreur de chiffrage. Au final, les crédits de l’action culturelle extérieure ont donc connu une baisse de seulement 1 %. S’il avait été réellement envisagé de les réduire de 20 %, croyez-le bien, j’aurais été le premier à le déplorer et je me serais battu pour qu’il n’en aille pas ainsi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous réclamez 20 millions supplémentaires par année. Eh bien, cette exigence me paraît somme toute assez raisonnable et je vais m’efforcer de vous donner satisfaction, car j’ai à cœur que ce projet réussisse pleinement. Si je ne mésestime pas l’opposition traditionnelle, qu’ont rappelée certains d’entre vous, entre les ambassadeurs et les « cultureux », je ne pourrais que me féliciter d’un « éclaircissement » entre ces deux « grands corps ». Nous disposons de trois ans pour ce faire.
Plusieurs d’entre vous préféreraient que la future agence culturelle soit non pas un EPIC, mais un établissement public administratif, à leurs yeux plus « progressiste ». Mais qu’en est-il au juste dans le domaine culturel ? Le Grand Palais, l’Opéra de Paris, la Cité de la musique, le Théâtre de l’Odéon, le Théâtre national de Chaillot sont des EPIC. Pensez-vous pour autant que c’est la recherche du profit qui a déterminé le statut de ces établissements culturels ? Simplement, il est bien plus aisé de contrôler la comptabilité de ces établissements publics, qui reçoivent des subventions.
L’EPIC est un établissement public comme les autres, et je ne vois pas en quoi cela pourrait être dépréciatif. Ce qui vous choque, parce qu’il s’agit de culture, c’est l’adjonction des adjectifs « industriel » et « commercial ». Mais ne nous en tenons pas aux apparences : le Palais de Chaillot n’est pas réputé pour être une machine à faire de l’argent !
J’en viens maintenant aux instituts « concurrents » des nôtres, et, là encore, je souhaiterais corriger quelques erreurs.
L’Institut Goethe reçoit de l’État allemand une dotation d’environ 250 millions d’euros. Le British Council, quant à lui, dispose d’un budget de 627 millions d’euros, auquel l’État britannique contribue à hauteur d’environ 223 millions d’euros. La future agence culturelle française, si vous votez ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, disposera de 350 millions d’euros, dont 250 millions apportés par l’État. Ainsi, même si je suis le premier à dire que ce n’est pas suffisant, force est de constater que nous faisons plus que les autres puisque, je le rappelle, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger dispose d’un budget de 500 millions d’euros.
Voilà la réalité. Nous disposons de 850 millions d’euros : 500 millions d’euros pour l’AEFE, 250 millions d’euros pour l’action culturelle, dont 100 millions d’euros de recettes privées.
D’ores et déjà, 55 % des ressources des instituts culturels proviennent d’une source extérieure. On peut toujours souhaiter aller plus loin, mais ce sera difficile. Plus de la moitié des ressources des instituts culturels vient des leçons de français ou d’autres subventions.
Madame Cerisier-ben Guiga, nous avons fermé douze ouvert une quinzaine d’instituts et nous en avons ouvert une quinzaine.
M. Richard Yung. Quand ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Il est vrai que nous en avons fermé davantage en Europe, à Gênes et à Gand par exemple. Les créations ont eu lieu à Kaboul, à Achkhabad, à Sarajevo, à Bakou, à Abuja, à Saragosse, à Fez, à Podgorica. Au total, nous avons ouvert plus d’instituts que nous n’en avons fermés. Les fermetures ont été les plus nombreuses en Europe, c’est-à-dire là où les contacts culturels sont plus aisés. Nous avons privilégié les ouvertures dans les pays où nous voulions établir un centre de rayonnement de la France.
Vous ne pouvez donc pas nous faire tous les reproches. Il subsiste des manques, et nous en avons conscience, mais ils sont répartis.
Monsieur Hue, je puis vous affirmer ne pas avoir été émoustillé, pas même par M. Olivier Poivre d’Arvor. (Sourires.) J’ignore d’où vous vient cette idée !
M. Michel Billout. C’est le journaliste !
M. Bernard Kouchner, ministre. Il arrive que les journalistes me mettent en colère, mais ils ne m’émoustillent jamais ! (Nouveaux sourires.)
M. Robert Hue. C’est l’écrivain que je n’ai pas nommé qui était émoustillé !
M. Bernard Kouchner, ministre. Ah !
Vous avez par ailleurs dénoncé le coût des opérations de secours à l’étranger. Sachez, monsieur le sénateur, qu’il n’est pas question d’arrêter ces interventions.
M. Nicolas About. Cela ne nous empêche pas d’en connaître le coût !
M. Bernard Kouchner, ministre. La tradition de notre pays est très différente de celle de nos voisins. Je ne citerai personne, mais vous me comprenez…
Nous, nous allons chercher nos ressortissants partout, et cela coûte cher. Bien sûr, nous préférerions ne pas avoir à le faire et il conviendrait que nos concitoyens prennent certaines précautions. Le monde a changé et il existe aujourd'hui des zones vraiment dangereuses, où il est tout à fait déconseillé de se rendre, mais certains ne font pas toujours preuve d’une prudence suffisante.
La mise en place d’un secrétariat d’État à la francophonie et aux relations culturelles extérieures présenterait des avantages. C’est une idée intéressante, mais il ne m’appartient pas de former le Gouvernement…
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Cela viendra peut-être ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre. … ni de le déformer, sauf par mon influence personnelle ! (Sourires.) J’ajoute que le nombre des membres du Gouvernement est relativement stable.
En ce qui concerne le rattachement du réseau culturel à l’agence chargée de l’action culturelle à l’étranger, nous n’attendrons pas trois ans pour lancer les expérimentations. Si le présent projet de loi est adopté, quatre membres du Parlement siégeront au conseil d’administration de l’agence. Nous procéderons à des expérimentations dès que possible.
Monsieur Chevènement, je retiendrai, en défaveur de l’appellation « Victor Hugo », vos évocations à la fois précises, poétiques et fort érudites. Bravo !
Croyez bien que ne cherche pas l’effacement culturel de la France, tout au contraire. Si tel était le cas, je ne m’acharnerais pas à convaincre, comme je le fais depuis deux ans et demi, bientôt trois ans. Comment voulez-vous que l’on ne redoute pas l’idée que je puisse imposer un changement brutal de statut ? Si aucun ministre ne s’est engagé sur cette voie, ce n’est pas un hasard ! Il s’agit en effet d’une entreprise risquée. Si l’on ne veut pas courir de risques, mieux vaut s’abstenir, comme l’ont fait mes prédécesseurs.
Pour ma part, je crois avoir contribué, à ma mesure, à l’influence culturelle de la France, et en prenant des risques personnels.
S’engager dans une réforme de statut, c’est s’exposer à un risque politique. Rien ne m’y obligeait ! Je le dis pour toute mon équipe, et aussi pour Olivier Poivre d’Arvor. Si nous étions restés bien tranquilles, on ne nous aurait rien reproché. Nous aurions continué notre petit jeu : deux corps de l’État, deux cultures, deux traditions qui ont en effet bien des difficultés à cohabiter. Mais comme le souligne à juste titre M. Yves Dauge, il faut les faire cohabiter !
Nous avons tenu à ce que les ambassadeurs demeurent responsables de la politique extérieure de la France, y compris dans sa dimension culturelle. Il leur appartiendra, avec nous – je dis nous parce que ce débat nous intéresse tous – de faire des efforts, de comprendre que nous n’avions rien, aucune hostilité contre ce grand corps de l’État.
Monsieur Trillard, je vous remercie d’avoir évoqué « La Folle Journée ». Une édition de ce festival se déroulera à Tokyo. Non seulement nous y participerons, mais nous en serons les parrains. C’est un très bel exemple de ce qu’il est possible de faire.
Vous avez également cité les ambassadeurs culturels traditionnels que sont l’Université et le cinéma. Vous avez raison, mais encore faut-il être plusieurs ! Le ministère des affaires étrangères, dont ce n’est pas vraiment la vocation, fait ce qu’il peut dans ce domaine pour moderniser sa sensibilité.
Monsieur Pozzo di Borgo, je vous trouve bien exigeant. Nous avons déjà de grandes difficultés à mettre sur pied un institut culturel français et vous voudriez que l’on crée un institut européen ! Il s’agit certes d’une idée intéressante, mais quel travail ! N’oublions pas que nous avons des concurrents : les Italiens – qui ne sont pas mauvais –, les Espagnols, les Anglais, les Allemands. Cette compétition est profitable à la culture, mais elle est extrêmement rude en termes d’engagements.
En ce qui concerne l’implication du secteur privé, nous souhaitons que des représentants de l’industrie culturelle soient sollicités lorsqu’il s’agira de désigner les six personnalités qualifiées.
Vous avez également évoqué le défi technologique, mais je ne suis pas sûr qu’il appartienne au ministère des affaires étrangères et européennes de le relever, même si celui-ci doit bien entendu s’efforcer de ne pas rester à la traîne dans ce domaine.
Monsieur Gouteyron, soyez rassuré : Frédéric Mitterrand et moi-même présenterons le futur institut culturel ensemble, le 9 mars. Le ministère de la culture et de la communication est associé à ce projet depuis le début et il le restera. Désormais, nous choisirons les attachés culturels ensemble, du moins pour les postes importants.
Comme je le disais voilà un instant à M. de Rohan, j’ignore s’il faut garder un comité pour procéder à ce choix. En revanche, il est légitime que les deux ministères agissent de concert.
La société civile aura sa place dans les conseils d’orientation stratégiques et dans les conseils d’administration des agences.
Je vous remercie, madame Cerisier-ben Guiga, de penser que mon discours est très loin de la réalité ! J’espère que la réalité, grâce à vous, sera animée de la même flamme que le discours. Je vous promets qu’il en sera ainsi. Si tel n’était pas le cas, cette réforme n’aurait aucun intérêt. Notre objectif n’est ni de créer un appareil bureaucratique supplémentaire ni de compliquer la situation.
En tout état de cause, soyez tous persuadés que cette réforme est le seul moyen de proposer une carrière continue aux personnels et aux agents locaux. En effet, au sein de l’agence, ils se verront proposer des CDI alors que dans les réseaux, ils sont en CDD. Tous les trois ans, ils doivent charger d’affectation. Cela brise leur vie familiale, mais aussi leur carrière. Comment, dans ces conditions, développer dans la durée des activités culturelles performantes et attractives.
Madame Garriaud-Maylam, je ne peux souscrire à vos propos sur Victor Hugo. Les noms proposés pour le futur institut étaient d’inspiration fort différente. Si vous trouvez un nom moderne, je ne puis que vous inviter à nous le proposer. En tout cas, je ne peux pas considérer Victor Hugo comme un passéiste ou un ringard !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je n’ai pas dit cela !
M. Bernard Kouchner, ministre. Je considère qu’il est infiniment moderne ! Pour m’être replongé dans la lecture de son œuvre, politique en particulier, je puis vous assurer que la modernité de Victor Hugo ne peut être mise en question.
Je vous prie de vouloir excuser le caractère général de mon intervention, qui laisse peut-être certains arguments sans réponse. On accuse souvent les ministres de se précipiter pour faire une petite réforme. Lorsqu’un ministre réfléchit, ne le lui reprochez pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CONTRIBUANT À L’ACTION EXTÉRIEURE DE LA FRANCE
Chapitre Ier
Dispositions générales
Article 1er
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France ont pour mission de promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger et de participer à l’action extérieure de l’État, notamment par la mise en œuvre à l’étranger d’actions culturelles, de coopération et de partenariat et par la gestion de moyens nécessaires à cette action.
Ces établissements publics sont placés sous la tutelle de l’État. Ils sont créés par un décret en Conseil d’État qui précise leurs missions et leurs modalités d’organisation et de fonctionnement.
Une convention pluriannuelle conclue entre l’État, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à l’action extérieure de la France, représenté par le président de son conseil d’administration, définit les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions. Cette convention est transmise par le Gouvernement aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions peuvent formuler un avis sur cette convention dans un délai de six semaines.
Au titre de leur mission, ces établissements publics peuvent contribuer aux travaux d’instituts indépendants de recherche, en leur assurant le concours d’agents publics placés auprès de ces établissements par l’État.
Pour l’accomplissement de leurs missions, ces établissements peuvent disposer de bureaux à l’étranger qui font partie des missions diplomatiques. Là où ils ne disposent pas de bureaux, ils font appel aux missions diplomatiques. Leur action à l’étranger s’exerce sous l’autorité des chefs de mission diplomatique.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les présentes dispositions ne s'appliquent pas aux établissements publics régis par le code monétaire et financier.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Cet amendement tend à exclure les établissements publics ayant une activité de crédit du champ de la nouvelle catégorie d’établissements publics. Il vise en fait l’Agence française de développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Sous une apparence technique, cet amendement du Gouvernement pose une vraie question de principe : l’AFD a-t-elle ou non vocation à faire partie de la nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France ?
Si l’on considère les missions de l’AFD, la réponse est bien évidemment affirmative. L’aide au développement constitue, en effet, un volet essentiel de notre politique étrangère.
Si l’on retient le statut, force est de constater que l’AFD est un établissement public industriel et commercial à caractère bancaire et qu’elle relève à ce titre du code monétaire et financier.
Toutefois, le projet de loi fixe des règles générales relatives à la nouvelle catégorie d’établissements publics en renvoyant au décret les modalités de fonctionnement. Il faut donc s’interroger sur les raisons qui pourraient conduire, comme le souhaite le Gouvernement, à exclure l’AFD de cette nouvelle catégorie.
Est-ce en raison des dispositions prévoyant un contrôle renforcé du Parlement, qui pourra se prononcer par un avis sur le contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et cet établissement ? Je ne le pense pas.
Est-ce alors dû à la composition du conseil d’administration de l’AFD, qui ne comprend actuellement qu’un seul sénateur titulaire, contre deux députés, et qui devrait comprendre, si l’AFD est intégrée à la nouvelle catégorie, deux députés et deux sénateurs ? Je le pense encore moins.
Il ne s’agit pas non plus d’un problème de tutelle ministérielle, car cette question ne relève pas des règles constitutives, ni d’un souci de ressources puisque celles-ci sont définies de manière suffisamment large pour faire référence, par exemple, à l’activité de prêt de l’AFD.
En réalité, tout laisse à penser qu’il s’agit, par cet amendement, de soustraire les bureaux de l’AFD à l’étranger à l’autorité de l’ambassadeur.
Comme nous le savons tous ici, l’AFD a eu tendance ces dernières années, avec le soutien de Bercy, à affirmer son autonomie à l’égard du Quai d’Orsay, à Paris, et des ambassadeurs, sur le terrain. Or, lorsqu’un organisme commence à affirmer son autonomie, c’est bien souvent parce que l’État doit y jouer un rôle de pilotage stratégique renforcé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous avez souhaité, monsieur le ministre, mettre en place un conseil d’orientation stratégique.
De même, nous pensons que les ministères concernés doivent jouer tout leur rôle dans le pilotage stratégique de l’AFD à Paris.
La commission est convaincue que les représentations locales de l’Agence doivent être placées sous l’autorité de l’ambassadeur, qui, en tant que représentant de l’État et du Gouvernement au niveau local, doit jouer un rôle de chef de file. C’est du reste ce qui se passe aujourd’hui, comme l’a souligné le président Josselin de Rohan dans son propos liminaire, puisque les responsables des bureaux de l’AFD participent aux réunions des chefs de service présidées par l’ambassadeur.
Qui peut imaginer, en effet, une politique d’aide au développement séparée de la politique étrangère, qui ne prendrait pas en compte les priorités géographiques ou diplomatiques ?
Tous ceux qui travaillent à l’étranger font partie de l’« équipe France », quel que soit le type du maillot qu’ils portent.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. J’avoue mon embarras à propos de cet amendement.
Siégeant au conseil d’administration de l’AFD, je connais un peu mieux que d’autres le fonctionnement de cette agence, et je constate la part croissante des prêts bancaires dans son activité, dans la mesure où les subventions ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. Il faut donc que cette activité bancaire puisse se développer. Est-ce vraiment compatible avec la transformation de l’agence en établissement public contribuant à l’action extérieure de la France ? J’avoue que ma réponse à cette question rejoint plutôt la position du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Notre groupe soutient la position du rapporteur.
Je comprends certaines des hésitations d’Adrien Gouteyron, mais l’AFD doit être – et je dirai : enfin ! car elle a beaucoup de mal à sortir de la logique bancaire – un opérateur du développement plus qu’une banque
Ses activités bancaires, dont le produit permet de financer l’aide au développement, ne sont certes pas en cause. Il faut toutefois trouver un équilibre. Il n’est pas normal que, dans certains postes diplomatiques, le bureau de l’AFD ait aussi peu de relations avec l’ambassade, alors que cette agence met en œuvre la politique de développement de la France.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Je ressens la même gêne que M. Gouteyron.
Les opérations de prêts constituent en effet une part majeure des activités de l’AFD et, en la matière, il serait illogique, voire dommageable, que les ambassadeurs aient plus qu’un rôle d’influence.
Je me permets d’insister sur ce point : il ne me semble pas acceptable qu’une sorte de banque, même si elle se contente de délivrer des prêts, dépende directement d’un ambassadeur.
En revanche, ce dernier a un rôle important à jouer en matière de dons. Je déplore d’ailleurs leur raréfaction, et j’ai demandé à ce que leur nombre soit multiplié.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. En dépit de son activité de prêts, qui va croissante, l’AFD n’est pas une banque commerciale, mais une banque au service de l’action extérieure de l’État. D’ailleurs, les documents de cadrage pluriannuels et annuels sont déjà révisés par l’ambassadeur et le poste diplomatique.
J’ajoute que ces prêts, consentis à des conditions particulières, sont financés par le contribuable français. Il me paraît donc tout à fait normal que l’ambassadeur ait son mot à dire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le groupe socialiste s’abstient.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France sont administrés par un conseil d’administration.
Le conseil d’administration comprend :
1° Deux députés et deux sénateurs désignés par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
2° Des représentants de l’État ;
3° Des personnalités qualifiées désignées par l’État ;
4° Des représentants élus du personnel.
Le conseil d’administration des établissements publics qui reçoivent le concours de collectivités territoriales et d’organismes partenaires pour accomplir leurs missions peut également comprendre des représentants de ces collectivités et organismes.
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France ne sont pas soumis aux dispositions du chapitre 1er du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l'article.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui partait d’une intention louable. Prenant acte de la modification des équilibres mondiaux et de la nécessité de renforcer notre diplomatie d’influence, il visait à redonner à la France les moyens d’un rayonnement culturel international de premier ordre.
Cet investissement constitue en effet une nécessité pressante pour demeurer dans la course des grandes puissances sources d’influence, notre capacité d’attraction reposant sans nul doute sur notre modèle culturel ainsi que sur notre aptitude à le valoriser à l’étranger.
Il s’agissait donc initialement de créer une grande agence chargée de coordonner et d’unifier la politique culturelle de la France dans le monde, sur le modèle de l’Institut Goethe ou du British Council.
Mais les restrictions budgétaires qui affectent le ministère empêchent de réaliser un tel objectif.
C’est donc un projet amputé de ses ambitions initiales qui nous est présenté, et c’est à l’affaiblissement de notre diplomatie d’influence que nous risquons malheureusement d’assister.
Mes collègues ont fait état des réductions successives du budget, et le tout récent projet de loi de finances rectificative pour 2010 consacre des annulations de crédits à hauteur de 13,6 millions d’euros au titre de la mission « Action extérieure de l’État ». Nul doute que le secteur culturel pâtira très largement de ces restrictions.
Cette politique est d’autant plus dangereuse qu’elle vise à transférer progressivement les missions de l’État à une entreprise culturelle. Notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga a beaucoup parlé du statut de l’EPIC, et je la rejoins sur le fait que le bien culturel n’est pas une marchandise.
Ce désengagement de l’État pourrait également se traduire par un nouveau report sur les collectivités territoriales. Ces dernières, qui jouent déjà un rôle des plus significatifs en matière de développement des territoires et de coopération culturelle, ne pourront pourtant pas pallier les carences d’une véritable ambition culturelle à l’international. Il est essentiel que les dotations de l’État demeurent substantielles. Or, dans le nouvel appel à contrat du ministère des affaires étrangères et européennes pour la période 2010-2012, seuls 20 millions d’euros proviennent du ministère sur les 100 millions d’euros investis dans des projets de coopération, en intégrant la participation des collectivités.
Cette situation est d’autant plus dommageable que la place réservée aux collectivités territoriales dans le projet de loi initial n’était pas satisfaisante. Heureusement, le travail en commission a permis de réaliser certaines avancées : ainsi, des représentants des collectivités pourront intégrer le conseil d’administration des établissements publics, prélude à la reconnaissance de leur savoir-faire.
Pour autant, on aurait pu espérer une meilleure prise en considération de leurs investissements en matière de politique culturelle extérieure.
En effet, l’action des centres culturels se concentre ordinairement sur les capitales et les grandes villes. Dès lors, c’est grâce aux partenariats de coopération décentralisée établis avec les collectivités territoriales que le relais de l’influence culturelle française est assuré dans les provinces.
J’en veux pour preuve le volet culturel de coopération entre mon département du Finistère et la région de Diana, à Madagascar, qui vise, d’une part, à soutenir des partenariats entre structures finistériennes et malgaches et, d’autre part, à appuyer des initiatives de jeunes.
Ce programme a notamment permis de créer une école de musique dans la région de Diégo-Suarez – laquelle a accueilli 250 élèves en 2009 –, d’instaurer un échange avec un établissement finistérien, de prêter des instruments et de former des formateurs. Mais rien ne remplace les témoignages émouvants de mamans malgaches qui affirment que, pour rien au monde, leurs enfants ne manqueraient un cours de violon ou de chant, même s’ils doivent marcher trois heures dans la brousse pour y assister !
Le soutien constant au théâtre de rue et les échanges entre les troupes de théâtre ont permis l’organisation du festival Zegny Zo. L’ambassade et le centre culturel étaient très sceptiques, en 2007, lors de la première édition. Mais, devant le succès de cette manifestation, ils sont désormais partenaires et apportent leur concours financier.
L’alliance franco-malgache de Diégo-Suarez, qui rencontre, comme beaucoup d’autres, de sérieuses difficultés financières, sollicite le Conseil général, lequel participe à l’installation d’un studio d’enregistrement ou d’une salle de projection de films, ainsi qu’à l’achat de livres.
Je pourrais multiplier les exemples de ce type.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Maryvonne Blondin. Le but de ces actions n’est pas d’imposer le modèle français, mais de s’enrichir mutuellement au contact les uns des autres.
À Madagascar, très peu de collectivités françaises développent un volet culturel dans leurs partenariats, en raison notamment de la faiblesse des financements disponibles sur cette thématique.
En conclusion, ce projet de loi reste décevant au regard des espoirs qu’il suscitait. Nombreux sont ceux qui demeurent réticents au changement ; nombreux sont également ceux qui restent inquiets quant à leur avenir professionnel et à celui du réseau diplomatique de la France.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mme Blondin aura réussi à parler cinq minutes sur un sujet totalement étranger à l’article 2. Il y a là un dévoiement du règlement que je tiens à dénoncer !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. L’article 2 traite de la composition du conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.
Je me réjouis de constater que la commission des affaires étrangères a adopté notre amendement qui tendait à augmenter le nombre de parlementaires siégeant au conseil d’administration. J’espère également que le pluralisme politique y sera respecté.
M. Robert del Picchia. Évidemment !
M. Richard Yung. Eh bien, je préférerais en être assuré !
Le conseil d’administration comprendra évidemment des représentants de l’État et du ministère des affaires étrangères. Toutefois, des représentants des ministères de la culture et de l’enseignement supérieur et de la recherche y auraient également leur place.
En ce qui concerne les collectivités territoriales et les organismes partenaires, je ne saurais être plus éloquent que ma collègue Maryvonne Blondin, qui a très bien expliqué le travail qui a été fait. Selon nous, on ne peut pas se contenter de prévoir seulement la possibilité de leur représentation. Ces institutions doivent siéger au conseil d’administration, d’autant que les coopérations dites « décentralisées » sont de plus en plus importantes.
L’alinéa 8 du présent article nous pose un problème. Nous ne voyons pas ce qui pourrait justifier une exception à la loi relative à la démocratisation du secteur public.
Je rappelle que cette dernière permet une représentation des élus du personnel au moins égale à un tiers des membres du conseil d’administration à partir du moment où l’EPIC compte plus de 200 salariés.
Si, en dépit de notre magnifique plaidoyer en faveur d’un établissement public administratif, vous persistez dans le choix de l’EPIC, vous devez alors en accepter toutes les conséquences, notamment vous conformer à la loi de démocratisation du secteur public. De surcroît, en la matière, la disposition que vous proposez risque d’encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Dans les conseils d’orientation qui sont prévus – cette mesure est positive –, il manque, en particulier pour l’AFEMI, une représentation des principaux utilisateurs, c’est-à-dire des étudiants.
Enfin, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France et comme nombre d’entre nous, je regrette l’absence de représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger au sein des conseils d’administration : même si l’action culturelle extérieure ne leur est pas directement destinée puisqu’elle a vocation à concerner tout le monde, ces représentants, grâce à leur très bonne connaissance de la vie culturelle locale, pourraient se faire l’écho de l’opinion des citoyens des pays où ils sont implantés. Il s’agit donc d’un oubli malheureux.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Hue et Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Six députés et six sénateurs désignés par la commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. L’article 2 énonce les catégories de personnes qui composeront les conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France et fixe les conditions de leur désignation. Une représentation parlementaire est, bien entendu, prévue.
Dans la version initiale du projet de loi, le conseil d’administration type devait comprendre un député et un sénateur, aux côtés des représentants de l’État, des personnalités qualifiées désignées par l’État, ainsi que des représentants élus du personnel.
Avec le louable souci de respecter le pluralisme de nos assemblées, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement tendant à faire passer de deux à quatre le nombre de parlementaires appelés à siéger dans ces conseils d’administration. Si cette mesure respecte formellement le pluralisme en permettant la représentation d’un membre de la majorité et d’un membre de l’opposition pour chaque assemblée, elle ne permet pas une représentation de la diversité politique existant tant dans la majorité que dans l’opposition.
En effet, étant donné l’actuelle composition du Sénat et de l’Assemblée nationale, cette formule aboutirait, de facto, à écarter la représentation de certains groupes politiques.
Certes, la représentation de nos assemblées dans les organismes extérieurs ne doit pas systématiquement refléter la diversité des sensibilités politiques. J’ai aussi bien conscience que les conseils d’administration ne sauraient être pléthoriques pour fonctionner efficacement, comme cela a été noté lors des travaux en commission. Mais, en l’espèce, puisqu’il s’agit d’organismes ayant pour vocation de promouvoir l’influence de notre pays à l’étranger, il me semble nécessaire que la représentation parlementaire soit l’émanation de la diversité de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de porter de deux à six le nombre de parlementaires représentant chaque assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Le projet de loi a pour objet de faire en sorte que le conseil d’administration devienne le lieu de définition des priorités stratégiques de chacun des opérateurs et qu’il soit en mesure de contrôler efficacement leur fonctionnement.
Pour cela, il est indispensable d’éviter que le nombre de membres du conseil d’administration ne soit trop important, sauf à transformer cette instance en une assemblée. M. le ministre a lui-même estimé ce nombre à une vingtaine de personnes.
Afin de tenir compte du souhait du groupe socialiste d’avoir une représentation de la diversité politique, la commission des affaires étrangères a accepté de faire passer de deux à quatre le nombre de parlementaires. Les différentes sensibilités politiques pourront donc être représentées au sein du conseil d’administration.
En revanche, passer de quatre à douze parlementaires, comme nous y invitent les auteurs de cet amendement, aboutirait à faire du conseil d’administration de ces établissements une enceinte pléthorique.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
2° bis) Deux membres élus par l'Assemblée des Français de l'étranger ou par son bureau dans l'intervalle des sessions de l'Assemblée ;
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. L’Assemblée des Français de l’étranger, qui a succédé au Conseil supérieur des Français de l’étranger créé en 1948, représente l’ensemble des Français établis hors de France. Elle a pour vocation d’éclairer le Gouvernement sur la présence française et sur le rayonnement de notre pays dans le monde. L’une de ses attributions essentielles, rappelée fort justement par M. Yung, est d’aider le Gouvernement à assurer une plus grande présence de la France à l’étranger dans les meilleures conditions possible, ce qui correspond parfaitement à la mission dévolue aux deux opérateurs créés par l’article 1er.
Mes chers collègues, voilà quelques semaines, nous avons eu un long débat sur les collectivités territoriales. Or l’Assemblée des Français de l’étranger est une assemblée extraterritoriale, certes, mais c’est notre assemblée, sur le plan local, régional. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, il n’y a aucun discrédit à représenter la France ainsi « sortie » des frontières. Au contraire, c’est une position courageuse, qui doit être prise en compte, car notre objectif est de permettre à notre pays d’être davantage présent sur la scène internationale.
Alors que, tout récemment encore, il semblait incompréhensible que le conseil d’administration d’un EPIC statuant sur les attributions de la région ne comprenne aucun conseiller régional parmi ses membres, il serait contreproductif aujourd'hui d’adopter une disposition exactement inverse, sous prétexte qu’il s’agit des Français de l’étranger.
Si une assemblée est instituée, c’est pour travailler et apporter des résultats !
De surcroît, de toutes les assemblées élues au suffrage universel, l’Assemblée des Français de l’étranger est celle où le taux de participation est le plus élevé : ses membres sont présents, travaillent, s’impliquent.
Grâce aux postes diplomatiques et consulaires, le Gouvernement dispose d’un réseau d’information remarquable, que j’appelle le « réseau des gouvernements et de la diplomatie ». Il a aussi un outil fantastique, le réseau des élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, qui, eux, vivant parmi le peuple et les citoyens des pays où ils sont en poste, connaissent leurs sentiments et peuvent faire remonter l’information. C’est essentiel pour bien définir l’action qui doit être menée, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour développer la présence française à l’étranger.
Aussi, mes chers collègues, j’espère que vous comprendrez cet appel solennel et que vous voterez l’amendement n° 1 rectifié, qui vise deux membres élus par l’AFE, afin que soient représentées la majorité et l’opposition.
M. Richard Yung. Merci !
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Cointat, del Picchia, Duvernois, Ferrand, Frassa et Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
dont au moins un membre élu de l'Assemblée des Français de l'étranger
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, tant lors des réunions de la commission des affaires étrangères qu’à la tribune tout à l’heure. Je rejoins les propos qu’a tenus mon collègue et ami Christian Cointat relatifs à la nécessaire représentation de l’Assemblée des Français de l’étranger, qui exerce des fonctions de conseil auprès du Gouvernement.
Comme tous mes collègues du groupe UMP représentant les Français établis hors de France, j’ai cosigné l’amendement de Christian Cointat et tous ont cosigné le mien, qui est un texte de repli. Je souhaiterais bien évidemment que deux représentants de l’AFE siègent dans ces conseils d’administration. Mais, étant donné les difficultés auxquelles j’ai été confrontée en commission où même la présence d’un seul représentant a été refusée, j’ai déposé l’amendement n° 11 rectifié, lequel fait suite à l’engagement moral pris par M. le ministre de désigner un représentant des Français de l’étranger au titre des personnalités qualifiées. Je l’en remercie une nouvelle fois.
Si l’amendement n° 1 rectifié n’est pas adopté, j’espère que l’amendement n° 11 rectifié, lui, le sera.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
5° Un représentant de l'Assemblée des Français de l'étranger.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Au cours de ses travaux, la commission des affaires étrangères a modifié l’article 2 pour augmenter, à juste titre, le nombre de parlementaires qui siégeront dans les conseils d’administration.
Vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que, en ma qualité de sénatrice représentant les Français établis hors de France, j’insiste pour apporter une autre modification concernant, cette fois-ci, la présence au sein de chaque conseil d’administration d’un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Certes, on me rétorquera que les assemblées pourront désigner parmi leurs membres des parlementaires représentant les Français établis hors de France ou encore que des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger pourraient figurer parmi les personnes qualifiées désignées par le ministre. Il n’y a donc pas un refus de principe à la présence au conseil d’administration d’un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger. Dès lors, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?
Les Français de l’étranger sont directement concernés par les actions de ces établissements publics, comme l’a fait remarquer mon collègue Richard Yung.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. L’amendement n° 1 rectifié fait suite à un long débat au cours duquel la commission n’a pas estimé souhaitable d’augmenter le nombre de représentants appelés à siéger au sein des conseils d’administration, dans le souci de garantir leur efficacité.
Il est évidemment normal de défendre la présence dans ces instances de représentants des Français de l’étranger. Celle-ci peut être assurée de deux façons.
D'une part, le Sénat et l'Assemblée nationale désignent pour siéger en leur nom l’un de nos collègues représentant les Français établis hors de France. D’autre part, lors de l’examen du projet de loi par la commission, le ministre des affaires étrangères et européennes s’est publiquement engagé à nommer, parmi les personnalités qualifiées, un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Qu’advient-il alors de l’amendement n° 11 rectifié ? Faut-il inscrire cet engagement dans la loi ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Avant de me prononcer sur ce point, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
J’en reviens à l’amendement n° 1 rectifié. Je vous demande, monsieur Cointat, de bien vouloir le retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
Par ailleurs, celle-ci est défavorable à l’amendement n° 19, qui rejoint l’amendement n° 11 rectifié, eu égard aux observations formulées et à la garantie donnée par M. le ministre quant à une représentation des Français de l’étranger.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur Cointat, j’ai le plus grand respect pour l’Assemblée des Français de l’étranger. Elle réalise un excellent travail et remplit la mission qui lui est assignée par les textes.
Toutefois, il s’agit, ici, de désigner la représentation parlementaire. On ne peut pas, quel que soit le crédit que l’on accorde à l’Assemblée des Français de l’étranger, mettre cette dernière sur le même pied que le Sénat et l’Assemblée nationale.
Vous comprendrez, par conséquent, que je sois opposé à votre amendement. Comme vous le savez, mais c’est un autre débat – amical, d’ailleurs ! – entre nous, je n’ai jamais considéré qu’il puisse y avoir une collectivité locale des Français de l’étranger : cela me paraît rigoureusement impossible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je réitère mon engagement : je veillerai à ce que figure, parmi les six personnalités qualifiées, un représentant des Français de l’étranger.
Rappelons tout de même, car c’est important, que, après le passage du texte en commission, le conseil d’administration compte déjà vingt-cinq personnes ! Si nous continuons à l’étendre ainsi, il sera ingouvernable et ne correspondra plus à l’assemblée que nous souhaitons.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1 rectifié, ainsi qu’à l’amendement n° 19.
Madame Garriaud-Maylam, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 11 rectifié. La mesure que vous proposez est d’ordre réglementaire, et il n’est pas question d’inscrire dans la loi, par avance, le choix d’un membre du Gouvernement ! Je vous le redis, je désignerai, conformément à la décision que j’ai prise, un représentant de l’Union des Français de l’étranger. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Pas l’« Union », l’« Assemblée » !
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Ce débat est très intéressant et fort sympathique, mais je vois bien que mon amendement n’a aucune chance d’être adopté !
M. Richard Yung. Oh !
M. Christian Cointat. Je suis courageux, mais pas téméraire : je le retire pour me replier sur l’amendement de Mme Garriaud-Maylam.
Pour celui qui n’a rien, un, c’est déjà beaucoup !
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. En commission, ce matin, je n’ai pas compris que la commission émettait un avis défavorable sur mon amendement, dans la mesure où, je le répète, il traduit, monsieur le ministre, un engagement de votre part, pour lequel je vous ai remercié à plusieurs reprises.
J’ai conscience que ma proposition est d’ordre réglementaire, mais – faut-il le rappeler ? – l’AFE est tout de même une assemblée d’élus au suffrage universel, à l’étranger, dont les membres concourent, chacun à leur niveau, au rayonnement culturel de la France !
Inscrire cette petite référence dans la loi, alors que cela ne change rien, constituerait, me semble-t-il, une avancée importante, tout autant qu’une garantie. Monsieur le ministre, si je souhaite que vous restiez en poste le plus longtemps possible, je sais qu’aucun membre du Gouvernement n’est éternel !
Compter, parmi ces personnalités qualifiées, un membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger me semblerait tout à fait raisonnable. D’après vos dires, les conseils d’administration comporteront déjà vingt-cinq membres. Mais combien vivent à l’étranger ?
Mes chers collègues, j’espère vraiment que vous nous suivrez sur cet amendement !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Madame Garriaud-Maylam, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement et partage la position de M. le ministre. L’engagement qu’il a pris figurera d’ailleurs au compte rendu des débats.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Ainsi, parmi les personnalités qualifiées, et elles seules, il y aura un représentant des Français de l’étranger.
Madame Garriaud-Maylam, je vous fais la même réponse qu’à M. Cointat : parlementaires et délégués de l’étranger ne sont pas sur le même pied ! Le conseil général du Morbihan est une remarquable assemblée, mais ne peut être comparé ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il ne s’agit pas de mettre le représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger sur un pied d’égalité avec ceux du Parlement. Dans mon amendement, je propose qu’il soit désigné parmi les personnalités qualifiées.
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. En écoutant M. le rapporteur tout à l’heure, j’avais cru comprendre qu’il n’était pas défavorable à cet amendement, mais qu’il se rangerait à l’avis du Gouvernement. Cela revient au même, me direz-vous, mais, dans un premier temps, il n’a pas dit que la commission s’y opposait. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
Par ailleurs, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, il n’est évidemment pas question de mettre l’Assemblée des Français de l’étranger au niveau du Parlement. Je rejoins les arguments de ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam : son amendement porte sur l’alinéa 5 de l’article 2, non sur l’alinéa 3, et concerne bien les personnalités qualifiées désignées par l’État.
Monsieur le ministre et président de l’Assemblée des Français de l’étranger – puisque vous cumulez ces deux fonctions, si je puis dire –, en acceptant l’amendement n° 11 rectifié, vous donneriez satisfaction à tout le monde, sur l'ensemble de ces travées, à droite comme à gauche.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je suis quelque peu partagé entre la commission et les Français de l’étranger !
M. Christian Cointat. Ne faites pas le grand écart !
M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, il y aurait un moyen de satisfaire tout le monde : nous donner l’assurance que vous inscrirez cette précision dans le décret d’application. Le conseil d’administration ressemblera alors à celui de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui comprend un sénateur, un député et un représentant élu de l’Assemblée des Français de l’étranger.
M. Robert del Picchia. Cette solution conviendrait à tous, même si, dans l’idéal, évidemment, mieux vaudrait avoir deux représentants de l’AFE.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous faisons déjà preuve de beaucoup de retenue en ne demandant que ne siège au sein du conseil d’administration qu’un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, puisque, nous le savons pertinemment, il appartiendra à la majorité, à moins que M. le ministre ne fasse abstraction des considérations partisanes.
M. Robert Hue. Cela lui arrive !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous maintenons donc l’amendement n° 19.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, j’espère bien que votre engagement porte sur un membre de l’AFE, l’Assemblée des Français de l’étranger, et non de l’UFE, l’Union des Français de l’étranger.
Mme Claudine Lepage. J’en prends acte, mais il nous semble important de maintenir notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Mes chers collègues, il ne doit pas y avoir de confusion sur la position que nous avions prise en commission. M. le ministre s’étant publiquement engagé, nous souhaitions avoir l’avis du Gouvernement pour nous y conformer.
Lors de la présentation du projet de loi aux deux commissions réunies, autant que je me souvienne – j’ai d’ailleurs évoqué ce sujet avec Mmes Cerisier-ben Guiga et Garriaud-Maylam –, M. le ministre nous a précisé que cette mesure relevait du domaine réglementaire.
Selon lui, faire une exception pour une catégorie, aussi estimable soit-elle – et Dieu sait si elle l’est ! –, risquait de le conduire à recevoir, pendant l’élaboration du texte, des demandes de même nature qu’il ne pourrait pas satisfaire.
M. le ministre nous a donc demandé de lui faire confiance afin que cette précision soit inscrite dans le décret. Nous le suivons, tout en lui demandant, puisqu’il a la maîtrise du décret, de s’engager à tenir sa promesse.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Tiendrez-vous cette promesse, monsieur le ministre ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois encore, tout en vous précisant que j’ai d'ores et déjà indiqué le nombre de représentants appelés à siéger dans ces conseils d’administration, je réitère mon engagement : oui, le décret mentionnera, parmi les personnalités qualifiées, « un membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger » !
Mme Catherine Tasca. Bravo !
M. Bernard Kouchner, ministre. Puisque tout le monde est d’accord, c’est parfait ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. Dans ces conditions, madame Garriaud-Maylam, retirez-vous l'amendement n° 11 rectifié ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, avec cette assurance, nous le retirons, sous réserve…
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Oh !
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Madame Cerisier-ben Guiga, l’amendement n° 19 est-il maintenu ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, nous retirons nous aussi l’amendement n° 19.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’étais engagé à tous vous inviter à dîner : je réitère mon invitation ! (Sourires.)
13
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
14
Action extérieure de l’État
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Hue et Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
conformément aux dispositions du chapitre premier du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. L’article 2 tend à décrire les catégories de personnes représentées au sein des conseils d’administration des nouveaux opérateurs de notre diplomatie d’influence. Dans sa rédaction actuelle, il consacre la réduction du nombre des représentants élus des salariés appelés à y siéger.
En effet, les nouveaux établissements publics ne seraient plus soumis à une disposition de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, aux termes de laquelle le nombre des représentants des salariés doit être au moins égal au tiers de celui des membres du conseil d’administration dans les établissements publics comptant plus de 200 salariés.
Je sais bien que le nombre et le mode de désignation des membres de ces conseils seront définitivement arrêtés par les décrets d’application, mais il semble d’ores et déjà que les établissements concernés comprendront plus de 200 salariés.
Toutefois, le problème principal n’est pas là.
Cette dérogation à la loi est motivée, nous dit-on, par le souci d’éviter que les conseils d’administration de ces établissements ne soient « pléthoriques ». Voilà une argumentation à mes yeux bien imprudente, d’autant que cela empêchera de telles instances d’avoir un fonctionnement démocratique.
En particulier, des problèmes sociaux se poseront inévitablement lors des transferts d’activité des différentes associations vers les nouveaux opérateurs. Les salariés auront besoin d’être suffisamment représentés lorsqu’il s’agira de défendre leurs intérêts en matière de contrat de travail, d’emploi, de salaire, de déroulement de carrière, de protection sociale, ou encore de conditions ou de temps de travail.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons, par cet amendement, de faire référence dans le texte à la disposition de la loi relative à la démocratisation du secteur public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. La dérogation prévue pour ces institutions ne constitue pas une nouveauté : une règle du même type s’applique déjà à l’Agence française de développement, l’AFD, et à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Nous reprenons ici cette pratique : comme dans les deux cas que je viens de mentionner, nous souhaitons que le nombre total des membres du conseil d’administration soit relativement limité, pour les raisons que nous avons longuement expliquées avant la suspension de séance.
Cette dérogation comporte un autre avantage, qui, s’il n’est certes pas essentiel, peut être utile, celui d’harmoniser la durée du mandat des représentants du personnel et des autres membres du conseil d’administration.
Pour toutes ces raisons, je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 28 est présenté par M. Renar, Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
peut également comprendre
par le mot :
comprend
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l’amendement n° 20.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Par cet amendement, nous souhaitons en quelque sorte raidir le dispositif proposé, en précisant que le conseil d’administration de ces établissements publics comprend systématiquement les collectivités territoriales.
En fonction des sujets dont elles seront amenées à débattre, ces instances pourraient aussi inviter, le cas échéant, des représentants, entre autres, de l’Alliance française et des universités.
Tout dépend de l’établissement public et de la question qui est évoquée, l’essentiel pour nous étant que l’action internationale des collectivités territoriales pour financer des programmes à l’étranger y soit reconnue et prise en compte.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l’amendement n° 28.
M. Ivan Renar. Notre amendement vise à garantir la présence des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration des nouveaux établissements publics concourant à l’action extérieure de l’État.
En effet, les communes, les départements et les régions contribuent au rayonnement et à l’enrichissement de la culture française en développant une action culturelle internationale significative, notamment en participant au fonctionnement des établissements publics.
Il nous paraît donc primordial que ces collectivités soient obligatoirement représentées au sein des conseils d’administration, et non de manière facultative comme le prévoit l’article dans sa rédaction actuelle. Les collectivités ne doivent pas être des invitées de raccroc !
Lors des débats qui ont précédé la discussion de ce texte, nous avions déjà rappelé combien il était important de reconnaître la « coopération décentralisée », selon l’expression consacrée par la loi depuis 1992.
Le rapport sénatorial d’information de juin 2009 rédigé en commun par la commission des affaires étrangères et la commission de la culture, qui avait d’ailleurs été voté à l’unanimité, comportait dix recommandations pour une réforme de l’action culturelle extérieure française. La troisième mettait clairement l’accent sur la nécessité d’impliquer davantage « les collectivités territoriales dans la définition de notre stratégie culturelle à l’étranger ».
Les auteurs du rapport affirmaient ainsi, avec raison, que l’action extérieure des collectivités était désormais incontournable, et ils citaient même cette déclaration de la présidence française de l’Union européenne de 2008 : « [La] coopération décentralisée entre villes et régions, quel que soit le niveau territorial considéré, dispose aujourd’hui de moyens parfois supérieurs à ceux des États ». Ils faisaient enfin le constat d’un manque de coordination entre l’État et les collectivités territoriales.
Voici donc un formidable moyen de créer de la coopération, de la symbiose entre deux actions culturelles qui trop souvent s’ignorent, et parfois même se contredisent : accordons d’office aux collectivités territoriales une place au sein des conseils d’administration de ces établissements publics, puisque ceux-ci ont précisément pour vocation de rendre lisible et cohérente la politique extérieure de l’État ! Il n’y a jamais trop de passerelles.
De cette façon, mes chers collègues, nous reconnaîtrons enfin l’importance de l’action culturelle des collectivités territoriales françaises à l’étranger, en donnant à ces dernières les moyens, comme le prônaient les auteurs dudit rapport, de participer véritablement à la définition de notre stratégie culturelle à l’étranger. Ce serait là respecter l’esprit et la lettre de l’une des dernières réformes de la Constitution, aux termes de laquelle, désormais, la République elle-même est « décentralisée » !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Les amendements identiques nos 20 et 28 ne visent les collectivités territoriales, ou d’autres organismes partenaires d’ailleurs, que dans la mesure où ces institutions apportent leur concours à une action culturelle. Nous sommes bien d’accord sur ce point !
Dès lors, la modification proposée n’est pas considérable. Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que les uns et les autres souhaitent associer étroitement les représentants des collectivités territoriales ou d’autres organismes quand ceux-ci apportent leur concours. Nous avons déjà évoqué ce type d’opérations à propos de la Folle journée de Nantes.
La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces amendements identiques. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous allons nous efforcer d’orienter la sagesse du Sénat dans le sens des argumentations qui ont été développées !
En 2008, l’action des collectivités françaises a représenté 72 millions d’euros d’aides aux projets, avec une multitude d’opérations extérieures : transferts technologiques, petites infrastructures éducatives, échanges d’étudiants, appui à la francophonie, théâtre, radios associatives, musique et expertise en matière de décentralisation. Ces collectivités ont mené également des actions relevant du développement, mais, à chaque fois, la culture était présente.
Monsieur le rapporteur, vous acceptez de reconnaître la place des collectivités territoriales « à condition qu’elles apportent des concours à l’occasion d’actions communes ».
Je vous rappelle que la région Nord-Pas-de-Calais a engagé une politique d’aide à la décentralisation dans le territoire de Kayes au Mali, conformément à la volonté du président Konaré, désireux de faire émerger de nouvelles collectivités dans son pays, et que l’État ne l’a rejointe que très tardivement.
Au Sénat, la loi dite « Thiollière » a sécurisé l’action des collectivités
Autre exemple, en 2000, le premier festival franco-vietnamien a été créé à Huê, au centre du Vietnam, dans l’ancienne capitale royale classée au patrimoine mondial par l’UNESCO, avec le support qualifié de nombreuses collectivités françaises, dont la région Nord-Pas-de-Calais, la ville de Chinon ou la région Poitou-Charentes, qui sont intervenues pour ce qui concernait le patrimoine gastronomique. Leurs compétences en matière d’aménagement de site, de coproduction artistique et l’ingénierie culturelle ont également été mobilisées.
Mes chers collègues, le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, se contente de mentionner la possibilité d’une représentation des collectivités. C’est injuste et peu fidèle à la réalité. Nous vous demandons donc de reconnaître que la place des collectivités dans le conseil d’administration de ces établissements est parfaitement légitime.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous sommes très nombreux ici à avoir une expérience de la coopération décentralisée menée à l’échelon local. Notre collègue Marie-Christine Blandin en a cité des exemples précis dans la région Nord-Pas-de-Calais, que je pourrais tout à fait reprendre à mon compte.
Il nous paraît légitime que ces actions soient prises en considération par les pouvoirs publics et que les collectivités territoriales soient reconnues comme de véritables partenaires, nécessaires et utiles.
La commission de la culture du Sénat a déjà eu à connaître de ces questions. Elle a rappelé combien la coopération décentralisée était importante et bienvenue, par exemple pour la francophonie et l’action culturelle extérieure.
C’est pourquoi je m’associe aux propos qui viennent d’être tenus. Les collectivités participant à ces actions doivent se voir reconnaître, sans la moindre ambiguïté, une place de plein droit au sein des conseils d’administration.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je serai parfaitement cohérent : dès lors que je souhaitais que la collectivité extraterritoriale des Français de l’étranger soit représentée, ce qui sera heureusement le cas, grâce à M. le ministre, je ne puis qu’être favorable à une représentation des collectivités territoriales.
Je voterai donc ces amendements identiques ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 28.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par MM. Hue et Billout, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 21 est présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Robert Hue, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Robert Hue. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l’amendement n° 21.
Mme Catherine Tasca. À nos yeux, le projet de loi ne doit pas déroger aux dispositions relatives à la représentation du personnel au sein des conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.
Si nous comprenons fort bien le souci de ne pas rendre ces instances pléthoriques, il convient tout de même de veiller à ce qu’elles puissent être de vrais lieux de discussion et de définition de la stratégie. Pourquoi faudrait-il alors restreindre la représentation du personnel ?
Dans la mesure où la réforme tend à associer l’ensemble des personnels à la définition de la stratégie et des priorités, il y a donc une certaine contradiction à vouloir limiter le nombre de leurs représentants. Nous souhaitons avec insistance que la règle du tiers de représentants du personnel soit respectée. D’ailleurs, nous aimerions que M. le ministre nous précise, dans la mesure du possible, le nombre de membres et la composition de ces futurs conseils d’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Nous avons déjà largement débattu et exposé les raisons pour lesquelles nous étions défavorables à toute modification du texte sur ce point. J’ai développé, voilà quelques instants, les arguments qui fondent à mes yeux le principe de la dérogation.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 14 et 21.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Pour répondre à Mme Tasca, je rappellerai que le conseil d’administration est déjà composé de vingt-cinq membres : quatre représentants du ministère des affaires étrangères, trois du ministère de la culture, un du ministère de l’éducation nationale, un du ministère du budget, six personnalités qualifiées, quatre parlementaires, trois représentants des collectivités locales, deux ou trois représentants du personnel. C’est beaucoup ! Pour que cela fonctionne, il faut en rester là.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Tout d’abord, l’argument du nombre qui vient d’être avancé ne me paraît pas péremptoire. D’autres établissements publics disposent de conseils d’administration d’une telle dimension, voire plus importante.
Ensuite, et surtout, le message envoyé au personnel n’est pas positif. Le fait que les personnels soient représentés au sein du conseil d’administration est une conquête importante : ils sont tout de même parmi les premiers concernés par l’activité de l’agence ! On ne peut pas leur dire qu’ils ne comptent pas vraiment et que leur présence au conseil n’est pas importante.
J’insiste, le message envoyé me semble négatif et ne porte pas ce « jeune enfant » dans les meilleures conditions possible sur les fonts baptismaux.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Je suis étonné de l’argumentation développée à plusieurs reprises au sujet des effectifs prétendument pléthoriques des conseils d’administration. Comme si, en démocratie, il pouvait y avoir pléthore ! Il n’y aura jamais trop de démocratie, ni jamais assez !
Bientôt, on soutiendra que le taux d’abstention est trop élevé et qu’il faut supprimer le suffrage universel parce qu’il ne sert plus à rien ! Et quand le peuple sera mécontent, que dira-t-on ? Qu’il faut dissoudre le peuple, comme l’a écrit Bertolt Brecht ?
Que le conseil d’administration comporte vingt-cinq, trente ou trente-cinq membres, là n’est pas le problème. Quel risque y a-t-il à instaurer un « petit Parlement » qui débatte de culture ? Certains regrettent qu’il s’agisse d’un véritable Parlement et non plus d’une commission, comme si le terme même de Parlement était devenu négatif. Personnellement, je me sens insulté en tant que parlementaire !
Selon moi, il n’y a pas de pléthore possible. J’ai donc de bonnes raisons d’être favorable à ces amendements identiques. Le personnel n’était pas représenté, mais nous avons réussi à faire en sorte que les collectivités soient présentes. Les parlementaires eux-mêmes ne sont pas en nombre suffisant, alors que les questions les concernent. Le problème de la représentation des Français de l’étranger ne se poserait pas si suffisamment de parlementaires siégeaient à l’AFE.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne crains pas la pléthore ! Vive la démocratie, vive le trop-plein ! À consommer sans modération !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 21.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Les ressources des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France comprennent :
1° Les dotations de l’État ;
2° Les recettes provenant de l’exercice de leurs activités ;
3° Les subventions et contributions d’organisations internationales et européennes, de collectivités territoriales et de tous organismes publics et privés ;
4° Le revenu des biens meubles et immeubles ainsi que le produit de leur aliénation ;
5° Le produit des participations et placements financiers, des intérêts et du remboursement de prêts ou avances ;
6° Les recettes issues du mécénat ;
7° Les dons, legs et recettes diverses ;
8° Les emprunts. – (Adopté.)
Article 4
Par dérogation au II des articles 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, peuvent ne pas donner lieu à remboursement les mises à disposition de fonctionnaires prononcées auprès des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France en vue d’y exercer des missions d’intérêt public dans les deux années qui suivent la création de ces établissements publics, ou ultérieurement, pour une durée qui ne peut excéder six mois. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État présentent un rapport annuel de leurs activités devant l’Assemblée des Français de l’étranger.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement se justifie par son texte même. Dans la mesure où l’établissement public qu’est l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger présente un rapport devant l’Assemblée des Français de l’étranger, il semble normal que les deux autres agences qui effectueront des missions dévolues à l’AFE fassent de même. Ce rapport pourrait, selon les cas, être oral ou écrit.
Mes chers collègues, faute d’une telle disposition, d’aucuns pourraient s’interroger sur le rôle assigné à la collectivité extraterritoriale des Français de l’étranger. Vous avez accepté tout à l’heure le principe de la représentation des collectivités territoriales au sein des conseils d’administration. C’est la moindre des choses que l’AFE reçoive un rapport sur ce qui relève de son domaine de prédilection !
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France présentent un rapport annuel de leurs activités devant l’Assemblée des Français de l’étranger.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’Assemblée des Français de l’étranger peut sembler folklorique à quelques-uns d’entre vous, sachez que ce n’est pas du tout le cas !
C’est une assemblée élue au suffrage universel…
M. Adrien Gouteyron. Direct !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. … et les conseillers qui la composent forment un corps intermédiaire, particulièrement utile, entre les postes diplomatiques et les institutions françaises. Souvent binationaux, ils sont véritablement intégrés dans le pays d’accueil, dont ils connaissent bien la culture, et ils savent si nos manières de procéder y sont appropriées ou non. Pouvoir recueillir leur avis est donc très important. Pour ce faire, il faut, dans l’autre sens, leur permettre d’être bien informés par le Gouvernement.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la présentation d’un tel rapport écrit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Les auteurs des amendements nos 2 rectifié et 22 s’inspirent d’un article du code de l’éducation, qui prévoit, de manière comparable, la présentation d’un rapport par l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger.
Pour respecter le parallélisme des formes, la commission émet un avis favorable sur ces amendements quasi identiques, à ceci près que le premier évoque l’« action extérieure de l’État », conformément à l’intitulé même du projet de loi, et le second, l’« action extérieure de la France ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l’amendement n° 2 rectifié.
M. Christian Cointat. La distinction est d’ordre sémantique. M. le rapporteur l’a dit, l’intitulé du projet de loi fait référence à l’action extérieure de l’État. C’est la raison pour laquelle j’ai retenu cette formulation. Mais l’État, c’est la France ! Je m’en remets donc à la décision de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Kergueris, rapporteur. L’intitulé du projet de loi doit prévaloir !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4, et l’amendement n° 22 n’a plus d’objet.
Chapitre II
L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales
Article 5
I. - Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Agence française pour l’expertise et la mobilité internationale », placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et soumis aux dispositions du chapitre Ier.
II. – L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales a notamment pour missions :
1° Le développement de la mobilité internationale ;
2° La valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français ;
3° La promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger.
Elle contribue notamment :
1° À la promotion à l’étranger des études en France et à l’accueil des étudiants, chercheurs et experts étrangers, en appui des universités, des écoles et des autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche ;
2° À la gestion de bourses, de stages et d’autres programmes de la mobilité internationale ;
3° Au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets sur financements bilatéraux et multilatéraux dans le cadre des orientations stratégiques définies par l’État.
L’agence exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de l’enseignement supérieur.
Elle opère sans préjudice des missions des organismes compétents en matière d’expertise et de mobilité internationales. Elle intervient en concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Elle veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger.
L’agence collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales, les universités, les écoles et les autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche et les organisations concernées, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés.
Pour l’accomplissement de ses missions, elle fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui leur sont liés par convention.
III. (nouveau) – L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales se substitue, à la date d’effet de leur dissolution, à l’association « Egide » et aux groupements d’intérêt public « Campus France » et « France Coopération Internationale » dans tous les contrats et conventions passés pour l’accomplissement de leurs missions.
À la date d’effet de la dissolution de l’association « Egide » et des groupements d’intérêt public « Campus France » et « France Coopération Internationale », leurs biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales.
Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, de droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique.
IV. (nouveau) – L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales est substituée à l’association « Egide » et aux groupements d’intérêt public « Campus France » et « France Coopération Internationale » à la date d’effet de leur dissolution pour les personnels titulaires d’un contrat de droit public ou de droit privé conclu avec l’un de ces organismes en vigueur à cette date. Elle leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables.
Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’établissement public mentionné au présent article leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Parmi les missions assignées à l’article 5 à l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, l’accent est mis sur la « valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français » ; l’assistance technique requise doit prendre en compte la diversité et la richesse de l’expertise française.
Depuis la loi de décentralisation et l’émergence de solides politiques de coopération décentralisée, nous avons acquis – la Haute Assemblée a pour mission de le rappeler – une expérience riche et multiforme dans l’accompagnement des coopérations en matière d’aménagement du territoire, de formation, d’environnement ou de recherche.
Par exemple, les deux premières phases du vaccin contre la bilharziose ont été financées par ma région, le Nord-Pas de Calais, et l’Union européenne, tandis que l’État a mis six ans pour s’impliquer !
Les partenariats ouverts ont mobilisé des services techniques, des cadres, des ingénieurs territoriaux qui, in situ, auprès de cultures et de peuples tiers, ont transmis leur savoir-faire et ont aussi beaucoup acquis.
Cependant, faute de facilités offertes aux acteurs de la diplomatie française, la mise en œuvre de cette politique tient souvent de la prouesse. Comment rémunérer un permanent salarié régional durant un an hors de France ? Comment faire payer son loyer par un payeur régional ? Comment convaincre la chambre régionale des comptes que le fax adressé à l’autre bout du monde n’a pas été dérobé ? Paradoxalement, il est plus facile de faire rembourser une facture en dollars d’un hôtel quatre étoiles qu’un justificatif en dongs pour un modeste hébergement local ou l’envoi d’un simple fax.
Il serait dommage de ne pas aider et valoriser les compétences de mise en œuvre et de suivi des pôles d’enseignement supérieur ou des dispositifs de formation professionnelle, qui correspondent à des compétences majeures des collectivités.
Monsieur le ministre, il s’agit d’un vivier humain d’expertise, construit au fur et à mesure des partenariats internationaux, avec des formations que le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale, pourrait d’ailleurs accompagner. Cela devrait être pris en compte dans les grilles de la fonction publique territoriale.
Vous savez que le dialogue bilatéral ne suffit pas à nouer des liens durables et que le maillage d’échelle à échelle est indispensable. Votre ministère n’hésite pas à solliciter l’action des collectivités pour accueillir telle ou telle délégation étrangère au pied levé ou pour cofinancer tel ou tel projet extérieur.
Je souhaite simplement attirer votre attention sur l’impérieuse nécessité d’assurer également, par les missions déclinées dans cet article, l’aide aux ressources humaines des collectivités territoriales qui sont actives à l’étranger, un portage juridique plus sécurisé pour leurs permanents et, enfin, la possibilité de régies publiques, indispensables à leur action.
Je n’encombrerai pas ce texte avec des amendements, car je fais confiance à l’intelligence de vos services et de ceux de vos collègues pour remédier à la profonde carence dans ce domaine, qui nous empêche de travailler correctement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Je le répète, la création de l’Agence pour l’expertise et la mobilité internationales va dans le bon sens. Nous en ressentons tous l’impérieuse nécessité. Depuis des années, en effet, nous avons conscience que, dans ce contexte de compétition internationale, la très grande expertise dont dispose notre pays et qui couvre de nombreux domaines, même si elle a tendance à s’évaporer quelque peu, devrait être mieux valorisée.
En revanche, je suis plus réservé ou plus hésitant sur le périmètre de ce nouvel opérateur, c’est-à-dire sur les métiers qu’il recoupe. Il est proposé de fusionner des activités de nature très différente, entre lesquelles il n’existe aucune synergie, pour reprendre un terme à la mode.
Ainsi, l’expertise technique internationale, c’est-à-dire le savoir-faire de tous nos assistants techniques dans les différents domaines que sont, notamment, la santé, l’urbanisme ou les travaux publics, n’a pas grand-chose à voir avec l’accueil des étudiants et des boursiers étrangers en France ; il s’agit là d’un métier de prestation de service et de valorisation de notre politique d’accueil des étudiants. Il en est de même pour la mobilité universitaire, sauf à la considérer comme un sous-produit de l’expertise internationale.
En outre, et cela rejoint le débat que nous avons eu tout à l’heure, la mise à l’écart de l’Agence française de développement, l’AFD, pose problème.
De mon point de vue, il aurait été préférable de s’inspirer du modèle allemand et de la GTZ, cette agence fédérale de coopération que certains d’entre vous connaissent : regroupant à la fois l’activité financière, qu’il s’agisse des dons ou des prêts, et l’activité ingénierie, elle est extrêmement puissante et donne une importante force de frappe aux Allemands, en particulier à Bruxelles. Or, nous le savons, c’est là qu’il faut aller chercher l’argent pour financer les projets.
Par ailleurs, intégrer l’AFD aurait eu le mérite de la cohérence. En 2006, France Coopération Internationale s’est vu confier le recrutement, la formation et la gestion des experts techniques internationaux intervenant dans les secteurs transférés à l’Agence française de développement. Il aurait donc été logique de rapprocher ce volet d’activités de l’Agence.
Monsieur le ministre, au regard des différents éléments constitutifs de cette nouvelle structure, avez-vous une idée du budget qui lui sera dévolu ?
J’évoquerai, en conclusion, la situation des personnels, qui constitue le principal problème de la réforme, comme M. le rapporteur l’a bien souligné. Certes, les contractuels de droit privé seront repris par la nouvelle agence. Toutefois, l’avenir des contractuels de droit public semble plus incertain. Monsieur le ministre, comment l’intégration de ces derniers est-elle envisagée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Grosso modo, le budget de l’Agence pour l’expertise et la mobilité internationales devrait osciller entre 18 et 20 millions d’euros.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 5 bis (nouveau)
Sont créés, auprès de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales :
1° Un conseil d’orientation relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France, comprenant notamment des représentants des étudiants ;
2° Un conseil d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée, comprenant notamment des représentants des entreprises qualifiées dans le domaine de l’expertise technique internationale.
Ces deux conseils comprennent également des représentants des collectivités territoriales. Leur composition et leurs règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article porte notamment sur les possibilités d’accueil d’étudiants et de chercheurs étrangers en France.
Dans un contexte où certains conjuguent identité nationale, coopération internationale et rayonnement sous un angle plus répressif qu’amical, les écologistes, pour qui la diversité est une richesse, tiennent à rappeler que, si les collectivités locales sont prêtes à accueillir et à accompagner des étudiants, des chercheurs et des artistes étrangers sur notre territoire, il est au préalable nécessaire, pour éviter tout frein à cette belle dynamique, de fournir des messages clairs auprès des consulats pour permettre la délivrance des visas en temps et en heure.
Les parlementaires sont régulièrement sollicités pour débloquer des situations pathétiques et absurdes, qui salissent l’image de notre pays. J’ai souvenir d’un sextuor à cordes qui devait se produire à Lille et dont deux musiciens polonais n’avaient pu venir. Le préfet, présent dans la salle, les attendait, alors qu’un simple coup de téléphone à son collègue consul lui aurait permis de passer une meilleure soirée ! (Sourires.)
Dans le domaine des échanges culturels et universitaires, combien de stress, de frustrations, d’études interrompues, de concerts annulés, de festivals et de programmes compromis auraient été épargnés si le visa, indispensable sésame, avait été délivré en temps et en heure !
La rigidité de certains consuls, confortés dans leur vision d’une France cadenassée par des discours frileux, voire hostiles à ceux qui viennent d’ailleurs, a ainsi abouti à l’annulation des concerts du festival organisé par Point-Afrique en 2008. Belle image pour la France !
L’échange culturel international ne saurait se satisfaire d’incantations. Il nous faut une logistique claire et efficace pour servir notre ambition. Il ne doit plus y avoir de place pour l’a priori suspicieux et l’arbitraire.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Hue et Billout, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et des représentants des organisations syndicales étudiantes et de salariés des entreprises concernées
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Les deux instances consultatives qui sont créées par cet article ont vocation à être des lieux de débats et de propositions. Dans les deux cas, il sera nécessaire de recueillir l’avis de tous les acteurs concernés. Il nous semble donc indispensable de prévoir que siégeront des représentants des organisations syndicales des étudiants au sein du conseil d’orientation relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France et des représentants d’organisations syndicales des salariés au sein du conseil d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée.
Si cet amendement de bon sens devait être adopté, il conviendrait d’en revoir la rédaction afin de mieux l’articuler avec les alinéas 2 et 3 de l’article 5 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Cet amendement porte sur la création de conseils d’orientation dont la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret.
Prévoir au sein de ces instances des représentants des organisations syndicales étudiantes et des représentants des organisations syndicales des entreprises concernées serait source d’une rare complexité. Or ces conseils d’orientation ont seulement vocation à rassembler un certain nombre d’avis.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis.
(L’article 5 bis est adopté.)
Article 5 ter (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport comportant une évaluation des modalités et des conséquences du transfert éventuel à l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales de la gestion des bourses destinées aux élèves étrangers du Centre national des œuvres universitaires et sociales.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
remet
par le mot :
soumet
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Aux termes de l’article 5 ter, le Gouvernement remet un rapport aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Celles-ci peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines.
Dans la mesure où l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, « soumet » un rapport et ne le « remet » pas, il semble opportun, dans un souci de parallélisme des formes, qu’il en soit de même pour les autres établissements publics, notamment pour l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Il ne s’agit pas, ici, d’engager un débat sémantique, mais, puisque l’AEFE constitue un précédent en la matière, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. N’étant pas non plus très enthousiaste à l’idée de lancer un débat sémantique, j’émets un avis favorable sur cet amendement ! (Sourires.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Mélot et Malovry, est ainsi libellé :
Après le mot :
conséquences
rédiger ainsi la fin de cet article :
de la mise en place d’un opérateur unique pour la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers en France.
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
Mme Lucienne Malovry. Dans un souci de cohérence globale de notre politique d’attractivité, l’ensemble des bourses destinées aux étudiants étrangers ont vocation à être gérées par un seul et même opérateur.
Aujourd’hui, les bourses du gouvernement français destinées aux étudiants étrangers sont gérées par deux opérateurs : l’association Égide et la sous-direction des affaires internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il convient donc de réfléchir à la mise en place d’un opérateur unique chargé de la gestion de ces bourses, en évaluant les avantages que pourrait présenter le transfert de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers du CNOUS à la future Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. Cela aurait le mérite de faciliter un dialogue fructueux sans a priori avec les personnels concernés, tant ceux de l’Égide que ceux du CNOUS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Il faut mesurer la portée de cet article, introduit sur l’initiative de la commission des affaires étrangères : il prévoit seulement l’élaboration par le Gouvernement d’un rapport comportant une évaluation des modalités et des conséquences du transfert éventuel à l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. En d’autres termes, la commission a retenu sa plume !
Monsieur le ministre, pour les raisons que nous avons développées tout au long de la discussion, nous souhaitons vous laisser suffisamment de temps pour permettre aux différents acteurs, ainsi qu’eux-mêmes l’ont souligné lors des auditions, de poursuivre la concertation et de parvenir à une solution que nous appelons de nos vœux.
C’est la raison pour laquelle, madame Malovry, la commission préfère la rédaction qu’elle a adoptée et qu’elle juge un peu moins timide. Elle vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je vais faire montre d’une extrême hardiesse et m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement ! (Exclamations amusées.)
M. Robert del Picchia. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, l’accueil des étudiants étrangers en France ne se réduit pas à la qualité, souvent incontestable, de l’enseignement qui leur est dispensé, mais doit également tenir compte du soin que l’on prend à leur faciliter la vie sur notre territoire.
C’est pourquoi la multiplication des opérateurs chargés de leur accueil est sans doute contreproductive et parfois source de déboires.
Nous avons entendu des étudiants nous dire qu’ils avaient reçu une bonne formation en France, mais qu’ils n’y avaient pas reçu autant d’aide pour leur vie quotidienne, pour se loger, pour trouver des activités culturelles, sportives, que dans d’autres pays.
Il nous paraît donc nécessaire de donner aujourd’hui un signal fort en offrant aux étudiants étrangers sur notre territoire une qualité d’enseignement, mais aussi une qualité d’accueil avec un suivi de bout en bout, dans le cadre d’une présentation intégrée, comme le font nos principaux concurrents.
Tel est l’objet de l’amendement défendu par Mme Malovry, et voilà pourquoi je souhaite vivement que nous puissions l’adopter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Kergueris, rapporteur. À la lumière de ce que nous venons d’entendre, nous pouvons tous constater que les sentiments qui nous animent et les objectifs que nous visons les uns et les autres sont les mêmes. Certains craignent que l’évocation systématique du CNOUS ne soulève des difficultés et ne crée des tensions.
Puisque M. le ministre n’est pas en désaccord avec l’amendement et que M. le président de la commission de la culture souhaite qu’il soit voté, la commission des affaires étrangères se rallie à leurs arguments.
En effet, l’adoption de cet amendement ne changera pas fondamentalement le texte, qui vise, en tout état de cause, à l’établissement d’un rapport. En outre, je le répète, notre souhait commun est d’atteindre l’objectif recherché, ce qui ne peut se faire qu’avec la bonne volonté de tous, et ce de manière progressive et consensuelle.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En fait, ce qui bloque, c’est l’absence d’accord interministériel,…
MM. René Beaumont et Robert del Picchia. Il n’y a rien qui bloque!
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. … comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale. Il en résulte une faiblesse véritablement congénitale de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales dans le domaine de l’accueil des étudiants étrangers.
Certes, avec l’article 5 ter, le Gouvernement dispose d’une période de trois ans pour améliorer le dispositif et faire en sorte qu’il n’y ait plus qu’un seul opérateur.
Cependant, un tel objectif nous semble difficilement réalisable sans réelle négociation entre les deux ministères concernés. En effet, jusqu’ici, en dépit d’années d’efforts et de réunions multiples, nous n’y sommes pas parvenus.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, que ce délai de trois ans vous permette d’aboutir, bien que l’expérience des années précédentes ne nous rende pas très confiants à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Il s’agit là d’un problème majeur, qui traîne depuis très longtemps, alors que nous continuons, nous, à discuter en envisageant un délai de trois ans pour lui trouver une solution.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que l’éducation des élites, notamment celle des étudiants étrangers, est devenue un marché : certains pays, comme Singapour, en ont fait une affaire économique.
À l’heure actuelle, le combat pour la formation des élites est extraordinaire. Dans la compétition des grandes écoles, la position de la France est affaiblie. Sciences Po a beau accueillir mille étudiants étrangers, quand un étudiant a le choix, il est de notoriété à l’étranger qu’il préfère aller à Harvard.
La connaissance est l’enjeu d’une compétition économique intense.
M. Richard Yung. Ce n’est pas à nous qu’il faut le dire !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous le dis parce que, à gauche, vous considérez que ce n’est pas un marché !
Monsieur le ministre, dans un tel environnement, il faut aller très vite. Trois ans pour régler le problème, c’est trop long ! Permettez-moi, d’ailleurs, de m’étonner de la participation insuffisante de Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche dans ce débat fondamental pour la France.
Encore une fois, je regrette que trois ans soient nécessaires pour régler le problème. Il faut faire preuve d’autorité dans cette affaire, se montrer compétitifs afin de récupérer la formation des élites européennes, nord-américaines, de Chine ou d’ailleurs.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, d’être un peu vif, mais je suis inquiet de constater que l’on traîne autant dans cette affaire.
Pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement n° 8 rectifié soutenu par la commission de la culture. Je remercie son président d’avoir été aussi directif, et je l’accompagne dans sa démarche.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l’article 5 ter, modifié.
(L’article 5 ter est adopté.)
Chapitre III
L’Institut Victor Hugo
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Mélot et Malovry, est ainsi libellé :
I. - Rédiger ainsi l’intitulé de ce chapitre :
L’Institut français
II. - En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi, remplacer les mots :
Institut Victor Hugo
par les mots :
Institut français
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
Mme Lucienne Malovry. Je suis au regret de contrarier M. le ministre en proposant, par cet amendement, de substituer à la dénomination « Institut Victor Hugo » celle d’« Institut français ».
Lors de sa réunion du 28 janvier dernier, la commission de la culture a adopté un amendement tendant à attribuer à l’agence chargée de l’action culturelle extérieure le nom « Institut français ». Cette appellation avait recueilli une majorité de votes lors de la consultation des missions diplomatiques conduites par le Quai d’Orsay.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Eh oui !
Mme Lucienne Malovry. Il paraît capital, en effet, que la marque « France » figure dans le libellé de la future agence culturelle, dans la mesure où cela aura un impact considérable en termes de labellisation de notre action culturelle à l’étranger, et ce dans un contexte de mondialisation marqué par l’activisme déployé par nos concurrents étrangers, comme le British Council, dont la dénomination signifie, du reste, « Institut britannique ». De plus, il ne semble pas raisonnable de privilégier un écrivain, certes de renom, au détriment d’autres.
Il convient d’adopter un nom susceptible de résonner auprès de tous nos publics étrangers, y compris de ceux qui ne disposent pas encore d’une connaissance approfondie de la littérature française.
En outre, un très grand nombre de nos centres culturels à l’étranger, parmi les plus prestigieux comme l’Institut français Léopold Sédar Senghor de Dakar, s’appellent déjà « Institut français ». Une telle appellation devrait donc faciliter la cohérence du rattachement à l’opérateur culturel du réseau des instituts et centres culturels français à l’étranger.
Le nom du futur établissement se doit avant tout de transcrire son objet premier : incarner la culture de la France à l’étranger afin de répondre aux attentes de tous les publics étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. C’est un débat qui a été, pour le moins, déjà entamé lors de la discussion générale.
D’une part, les établissements de notre réseau culturel ont besoin d’un label unique propre à renforcer leur image à l’étranger. La commission des affaires étrangères a donc souhaité inscrire dans le texte la dénomination de la nouvelle agence – jusque-là, il n’y a pas de divergence entre nous – en reprenant d’ailleurs l’exemple d’Ubifrance, l’agence française pour le développement international des entreprises.
D’autre part, si nous ne dénommons pas l’agence, je crains que nos collègues députés ne se chargent de le faire. Ce n’est certes pas un argument décisif, mais ce peut être un élément nous incitant à faire un choix.
Par ailleurs, comme vous le savez, outre « Institut français », plusieurs noms ont été évoqués pour cette agence, notamment des noms d’auteurs comme Voltaire, Descartes, Diderot ou Camus. D’après ce qu’il ressort d’un questionnaire adressé aux agents du ministère, si une majorité se dessine en faveur de l’appellation « Institut français », Victor Hugo apparaît comme l’écrivain le plus connu à l’étranger.
La commission de la culture avait proposé d’appeler la nouvelle agence « Institut français ».
La commission des affaires étrangères, elle, a opté, à une très large majorité, en faveur de l’appellation « Institut Victor Hugo », à l’instar des choix des noms de Goethe en Allemagne, de Cervantes en Espagne ou de Confucius en Chine.
Nous avons considéré que l’appellation « Institut français » présentait moins d’avantages.
D’abord, elle peut être source de confusion avec l’Institut de France.
Ensuite, si un institut culturel doit mettre en valeur la culture française, il doit aussi être un lieu d’échanges avec la culture du pays d’accueil. (M. le ministre acquiesce.) C’est là un argument qui a été évoqué à maintes reprises au cours de nos échanges.
Enfin, Victor Hugo est l’écrivain le plus connu hors de nos frontières. Sa figure ne peut être contestée dans cette enceinte, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions. Elle est représentative non seulement de la culture française, mais aussi d’une certaine conception des valeurs universelles dont notre pays est porteur.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a préféré le nom « Institut Victor Hugo ». Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Mes chers collègues, la dénomination de la nouvelle agence culturelle n’est pas anodine.
On ne peut pas dire aujourd’hui que la politique extérieure de la France jouisse d’une grande lisibilité, même si des acteurs engagés, comme l’association CulturesFrance, jouent un rôle essentiel et constructif dans la promotion de la culture française.
Le mouvement de réforme entrepris doit nous conduire à développer à l’étranger un label de notre offre culturelle qui soit aisément identifiable auprès de nos différents partenaires et, bien entendu, des publics visés à l’international.
Se pose alors très clairement la question de la dénomination du futur établissement public.
Je ne vous cache pas que ma préférence a toujours été pour CulturesFrance, deux mots associés et percutants, un néologisme bien identifiant et porteur auprès de tous nos interlocuteurs.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Cela étant dit, compte tenu des résultats de la consultation conduite par le Quai d’Orsay, la commission de la culture a adopté un amendement tendant à préciser la dénomination de l’établissement public pour l’action culturelle extérieure en lui attribuant le nom d’« Institut français ».
Nous n’avons d’ailleurs fait que suivre le choix entériné par le ministère des affaires étrangères en mars 2009, qui, en mobilisant des investissements publics, a déposé et sécurisé la marque « Institut français » pour la future agence culturelle.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Il nous semble donc très important que la marque « France » – c’est sur ce point que nous nous battons, pacifiquement… – apparaisse dans la nouvelle appellation, car elle a un impact considérable dans le monde.
C’était précisément ce à quoi pensait alors le ministère des affaires étrangères : transcrire la mission dont l’objet est d’incarner la culture de la France à l’étranger.
La dénomination « Institut français » présente, en outre, un immense avantage sur toutes les autres propositions : elle est simple, moderne, définit bien l’objectif visé et, surtout, grâce à son caractère générique, peut se décliner sans être dénaturée par l’ajout soit d’une appellation locale ancienne ou connue, soit du nom d’un personnage illustre de notre histoire.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. On comprendrait mal à l’étranger que les centres culturels et instituts français soient ainsi débaptisés. Comment ceux qui portent le nom de Léopold Sédar Senghor, de Stendhal ou de Baudelaire, pourraient-ils devenir, ipso facto, des instituts Victor Hugo ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Eh oui !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Ainsi « Institut français » nous paraît-il le nom le plus conforme aux objectifs visés.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bravo !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. L’appellation ne conduit ni à la confusion avec l’existant ni à sa réinterprétation supposée ou réelle.
« Institut français » a, enfin, l’avantage de se positionner avec cohérence en complément d’autres actions culturelles comme celles des Alliances françaises, créées à la fin du xixe siècle, en 1883 si j’ai bonne mémoire,…
M. Robert Hue. Exactement !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. … et dont le nom du réseau « Alliance française », plus d’un siècle plus tard, fait toujours recette. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Nous voterons cet amendement, car la dénomination « Institut français » nous semble préférable.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. Ivan Renar. C’est d’ailleurs celle qu’avait retenue la commission de la culture.
À l’évidence, notre choix n’enlève rien à la grandeur de Victor Hugo, personnage ô combien illustre de notre histoire. Le peuple français lui porte une profonde affection et une grande admiration en tant qu’écrivain, mais aussi poète, homme politique et intellectuel engagé. Nous ne pouvons qu’être fiers que la France ait compté pareil citoyen et souhaiter être à son image !
Néanmoins, s’il est un magnifique symbole de la grandeur de la culture française, son nom ne semble pas adapté à la volonté qui préside à la création d’un nouvel établissement public chargé de l’action culturelle extérieure.
Il s’agit, en effet, de rendre plus lisible, plus cohérente l’action culturelle extérieure de la France, en créant un opérateur unique qui doit en être l’incarnation. Il paraît ainsi plus simple que, à l’instar du British Council, notre agence soit très facilement identifiable et porte de la manière la plus évidente possible la mention du pays qu’elle représente.
Ce détail est d’autant plus important que le nom d’un tel institut implanté à l’étranger doit permettre une association immédiate avec le pays d’origine. Ne l’oublions pas, la vocation première de l’agence est de développer et de valoriser l’action culturelle française !
Pour que cet objectif soit le plus facilement atteint, nous proposons de privilégier la lisibilité, par une espèce de simplicité biblique, ainsi que l’efficacité, pour assurer une compréhension et une identification maximales de ce que sera notre nouvel institut.
Je sais aussi que, dans notre boîte à outils, le meilleur statut juridique et l’intitulé ou sa dénomination ne remplacent jamais un bon budget ni des moyens de fonctionnement efficaces. Aux dires de quelques comptables arrogants et glacés – il n’y en a pas ici ! –, la culture coûterait cher. On ne le répétera jamais assez, ce qui coûte cher, c’est non la culture, mais l’absence de culture ! Et certains de nos quartiers en sont l’illustration !
On ne va tout de même pas obliger Victor Hugo à gérer la pénurie ! (Sourires.)
De toute façon, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, on retrouvera Victor Hugo à partir d’une certaine idée de la France et, donc, d’une certaine idée de la culture et des arts. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je veux rendre hommage au patriotisme de la commission de la culture ! Visiblement, le point de vue exposé par notre collègue Louis Duvernois obtient des soutiens qui dépassent les clivages politiques. Cette discussion m’évoque cette phrase de Paul Valéry : « Tout point de vue est faux. »
On peut, en effet, argumenter à l’envi. Si nous avons préféré « Victor Hugo » à « CulturesFrance », c’est pour signifier la réforme. En reconduisant « CulturesFrance », nous aurions conservé des habits anciens alors que nous voulons donner une image nouvelle à notre institut.
Mes chers collègues, croyez-vous que l’Institut Goethe soit moins allemand parce qu’il s’appelle ainsi ? Après tout, il y a bien d’autres grands écrivains allemands : Schiller, Heine, Thomas Mann, Günter Grass, pour ne citer que ceux-là ! De même, l’Institut Confucius serait-il moins chinois parce que son appellation se réduit à un nom, qu’elle délaisse Lao Tseu et toute une série de grands auteurs, y compris François Cheng, l’écrivain franco-chinois ?
Si nous avons choisi Victor Hugo, c’est parce qu’il est l’un des écrivains français les plus connus dans le monde. Le ministère a consulté les agents français, mais le nom de Victor Hugo aurait été tout autant cité par des étrangers cultivés. Jusque dans les régions les plus reculées de la Sibérie, on a entendu parler de lui ! Dans la Russie soviétique, il était non seulement considéré comme l’un des plus grands poètes français, mais aussi et surtout comme un génie universel.
En tout cas, Victor Hugo incarne justement une certaine idée de la France et de l’universalité.
À en croire Mme Joëlle Garriaud-Maylam, Victor Hugo daterait !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je n’ai pas dit cela !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Allons donc ! S’il est un nom qui passe tous les siècles, c’est bien le sien ! Où trouver génie plus extraordinaire que cet homme, tout à la fois l’un de nos plus grands poètes, auteur des plus beaux vers qu’on ait pu écrire dans cette langue, mais aussi grand dramaturge, grand romancier et grand essayiste politique ?
Il incarne mieux que quiconque le génie français. Au risque de froisser mes collègues de la commission de la culture, à côté de l’« Institut Victor Hugo », « Institut français », cela fait un peu plat ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir sur l’intitulé suscite quelque passion, et c’est bien ainsi, car nous voulons passionnément réussir cette réforme ! Du reste, nous l’attendions depuis longtemps. Voilà des années que nous souffrons d’un certain déclin de notre action culturelle extérieure. Cette réforme, nous la voulons, et nous la suivrons jusqu’à son aboutissement ! Et nous veillerons à ne pas nous tromper !
Le débat sur le nom n’est pas secondaire. Je comprends que, les uns et les autres, nous argumentions sur ce sujet avec la plus grande bonne foi.
« CulturesFrance » était une belle appellation.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Mais elle a le tort, si je puis dire, d’être déjà utilisée. Je comprends, monsieur le ministre, votre souci de donner un intitulé nouveau à un nouvel instrument.
Il ne s’agit pas d’engager en cet instant un débat sur Victor Hugo. Il est l’un des nôtres, et nous le connaissons tous. Mais que représente-t-il vraiment pour les jeunes étudiants, pour le jeune public cultivé de nombreux pays dans le monde ? Cela mérite une étude approfondie, car ce qui manque à l’appellation « Institut » pour bien le situer et bien le faire comprendre, c’est la mise en évidence de son ancrage profond à la France et à la culture française.
La commission de la culture a reçu récemment un éminent spécialiste de la communication, Dominique Wolton, que tout le monde connaît. Selon lui, le mot « France » et l’adjectif « français » sont si associés, à l’étranger, à une marque qui porte qu’il ne faut pas en changer dès lors qu’on a commencé à les utiliser !
Nous aimons tous Victor Hugo, et moi, le premier : je pourrais vous réciter des passages entiers que j’ai enseignés ! Le poème À Villequier, par exemple !
Mme Catherine Tasca. Allez-y ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Indépendamment de la qualité de cet auteur, nous devons, me semble-t-il, faire très attention à préserver le mot « français » dans les appellations. « Institut français », c’est clair pour tout le monde : chacun sait y trouver la culture française. Ce préalable posé, on peut, selon le pays concerné, ajouter le nom de tel ou tel auteur représentatif de la culture française, comme de la culture locale.
Passionnément attaché à la francophonie, j’imagine mal qu’à Dakar, par exemple, on débaptise l’Institut français Léopold Sédar Senghor pour en faire l’Institut Victor Hugo ! Nous aurions un problème !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je souhaite que nous ne perdions pas de vue ces problèmes pratiques. Voilà pourquoi, au nom de la commission de la culture, je vous demande d’opter pour l’appellation « Institut français ». (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous avons entendu l’admirable défense de l’appellation « Institut Victor Hugo » par le président de la commission des affaires étrangères. Je vais, à mon tour, m’exprimer contre la dénomination « Institut français », que je trouve terriblement institutionnelle !
M. Jacques Gautier. C’est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela résonne comme une annexe ou un service extérieur d’ambassade ! Or c’est un lieu où nous entendons promouvoir tout autant la culture française que l’aide au développement des cultures locales. Et cela vaut non seulement en Afrique, mais aussi en Europe et ailleurs. Il faut y attirer le jeune artiste étranger, musicien ou acteur, polonais ou américain, sans lui donner l’impression d’être absorbé par ces Français arrogants qu’on caricature souvent.
Je n’en dirai pas plus. La dénomination « Institut Victor Hugo » me paraît conjuguer beaucoup d’avantages. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Pourquoi ne pas trancher ce débat cornélien, puisqu’il oppose deux appellations remarquables, en retenant l’« Institut Corneille » ? (Sourires.)
J’avoue que, en écoutant les uns et les autres, je penche tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ! J’aime beaucoup Victor Hugo, ce vrai Français, « rébroussier », contestataire, parfois fidèle ! (Nouveaux sourires.) Il fut un Français de l’étranger, car il a beaucoup voyagé. Il siégea dans cet hémicycle. La place qu’il occupa se trouve sur les travées du groupe CRC-SPG, ce qui me perturbe quelque peu : ce dernier n’a-t-il pas décidé d’abandonner sa défense, puisqu’il est favorable à l’appellation « Institut français » ?
M. Ivan Renar. Non ! Nous n’abandonnons ni Victor Hugo ni la France !
M. Christian Cointat. Je l’avais bien compris ! C’était une plaisanterie, mes chers collègues !
Grand admirateur de Victor Hugo, j’ai néanmoins été frappé par un argument : les étrangers qui s’intéressent à la France sans être des intellectuels de haut niveau comprennent, de par son nom même, ce qu’est l’« Institut français ». En irait-il de même avec l’« Institut Victor Hugo » ?
Que les « Alliances françaises » deviennent des « Alliances Victor Hugo », et je ne suis pas certain qu’elles attirent autant de monde, parce que le trouble serait jeté.
Autre exemple : pour un Français, « Château Margaux » a une signification forte. Mais, en matière de vins, les connaissances des étrangers ne vont pas au-delà du Merlot ou du Cabernet Sauvignon ! Il faut parler le même langage que ceux auxquels on s’adresse. Malheureusement, même si j’aime beaucoup Victor Hugo, je reconnais que l’expression « Institut français » est plus forte, bien qu’intellectuellement moins satisfaisante !
En outre, – et c’est un argument fondamental qui a été développé par le président de la commission de la culture –, il faut laisser une souplesse pour pouvoir décliner l’appellation selon les lieux et ajouter le nom d’une personnalité célèbre dans le pays où se trouve l’institut, par exemple, Victor Hugo au Grand-Duché de Luxembourg ou Léopold Sédar Senghor au Sénégal.
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Il n’était pas français !
M. Christian Cointat. Cela n’a aucune importance ! C’est un grand monsieur de la culture française !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Une institution !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous ne cessez d’affirmer qu’il faut absolument marquer le lien avec la France !
M. Christian Cointat. Je fais exprès de dire que la culture française est et doit être universelle ! On doit justement l’adapter au pays pour atteindre les bonnes cibles, à savoir le rayonnement culturel et linguistique de la France.
Voilà pourquoi il est utile, à mon sens, d’avoir cette possibilité et cette souplesse pour disposer d’une appellation à la fois visible, compréhensible, intelligible et adaptée aux besoins du pays. C’est ainsi que nous réussirons à attirer le plus grand nombre de nos amis étrangers dans le giron de la francophonie et de la culture française ! (Mmes Lucienne Malovry et Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que, moi aussi, j’aime beaucoup Victor Hugo ! Je ne vous surprendrai peut-être pas non plus en vous disant que je me rallie cependant à l’amendement présenté par nos collègues et soutenu avec talent par la commission de la culture.
Je partage évidemment tout ce qui a été exposé par les uns et les autres. J’y ajouterai un argument supplémentaire, qui concerne le mot « France ». L’un de nos anciens collègues parlementaires, Yves Jégo, s’est vu confier une mission sur la promotion de la marque « France » à travers le monde. L’appellation « Ubifrance, » qu’on a prise comme modèle, n’est pas anodine. Ce n’est pas non plus par hasard si l’outil de promotion du tourisme s’appelle « Atout France » ! Toutes les dénominations des grandes organisations à vocation internationale destinées à promouvoir nos talents ou nos valeurs comportent le mot « France ».
Dans ces conditions, pourquoi abandonner un terme aussi précieux ? C’est la raison pour laquelle je vous encourage, mes chers collègues, à voter cet amendement ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Christian Cointat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que ce débat, empreint d’une certaine noblesse, est pour le moins transversal. Je ne voterai par cet amendement. Comme notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, je trouve que l’expression « Institut français » est d’une grande pauvreté et d’une extrême banalité !
M. Jacques Gautier. Je connaissais l’Institut français du pétrole, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Un « Institut France » pourrait, à la rigueur, nous faire vibrer et poser question. Mais l’« Institut français » ne me paraît pas vendeur, pas assez dynamique. Nous méritons mieux que cela !
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Dans la continuité du débat que nous avons eu ce matin en commission, je rejoins les arguments du président de la commission des affaires étrangères sur la nécessité de choisir un nom qui témoigne d’un véritable changement et, à cet égard, « Institut Victor Hugo » me paraît un bon choix.
Cependant je m’interroge.
Il y a environ 7 milliards de personnes sur terre. Parmi elles, combien connaissent la France ? Allez au fin fond de l’Arizona, mes chers collègues ! Vous constaterez que, même dans une région du monde où les habitants ont une certaine culture, nombreux sont ceux qui ne connaissent, au mieux d’ailleurs, que l’Europe !
De par le monde, des dizaines, des centaines de millions de personnes ignorent tout de la France, dont le nom est souvent moins connu que celui de Paris, ou même que celui de la tour Eiffel – et je le dis avec regret, bien qu’étant membre du conseil d’administration de la société qui la gère.
Quel peut a fortiori être la résonnance du mot « Victor Hugo » sur ceux qui ignorent ainsi tout de notre pays ? Même si, je le répète, je suis tenté de suivre le président de la commission des affaires étrangères, je ne peux donc m’empêcher, monsieur le ministre, de m’interroger.
Je me demande de surcroît si ce nom aura un impact sur les nouvelles générations, dont internet est devenu le seul mode de communication.
En fait, je regrette que nous n’ayons que deux choix : je reconnais que l’appellation « Institut français » n’est pas « géniale », mais force est de constater que le nom « Victor Hugo » est encore moins connu que le nom « France ».
Il serait donc peut-être bon que le ministère procède à des études sémantiques – cela se fait, monsieur le ministre, et ce ne serait pas trop ruineux ! – en vue de trouver une appellation dans laquelle figurerait le mot « France » – et je dis bien « France » et non pas « Europe ».
C’est important, non seulement parce que c’est le nom le plus connu, mais aussi parce que, en choisissant le nom « Victor Hugo », on risque de laisser entendre que notre culture ne s’adresse qu’à un milieu social cultivé et élitiste et exclut les nouvelles générations. Il faut y prendre garde : tout change !
C'est la raison pour laquelle, s’il faut voter, je m’abstiendrai (Rires.),…
M. Christian Cointat. C’est cornélien !
M. Yves Pozzo di Borgo. … phrase qui, je le reconnais, trahit mon embarras dans cette affaire délicate sur laquelle je préférerais que la réflexion soit poussée un peu plus avant.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je rappellerai d’abord qu’UbiFrance, dans le monde entier, que ce soit à Hong Kong ou ailleurs, se prononce « à l’anglaise ».
M. André Ferrand. Oh !
M. Robert del Picchia. Bien sûr ! On l’a peut-être oublié, mais cela correspondait d’ailleurs à un choix délibéré.
Quoi qu’il en soit, si je n’ai pu assister au début du débat en commission, je l’ai suivi de là où je me trouvais et j’ai demandé à un ami autrichien, parlant très mal le français, son opinion sur une éventuelle transformation de l’Institut français en Institut Victor Hugo. À ma grande surprise, il a commencé à déclamer :
« Il neigeait […]
« Pour la première fois l’aigle baissait la tête. »
Pas mal, non ?... (Sourires.) À ma demande, il me cita encore ces vers :
« Quand […] on eut sur son front fermé le souterrain,
« L'œil était dans la tombe et regardait Caïn. »
J’en ai conclu que, même si le nom « Institut français » était déjà connu, le nom « Institut Victor Hugo » n’était en définitive peut-être pas si mal choisi et que nous arriverions à « vendre » Victor Hugo.
M. Ivan Renar. Joli terme !
M. Robert del Picchia. Cela étant dit, mes chers collègues, si nous ne choisissons pas nous-mêmes, les députés choisiront pour nous…
M. René Beaumont. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me présente : j’ai été admis sous le numéro 115 au lycée Victor-Hugo de Besançon en 1951. (Sourires.)
Pour autant, je soutiendrai l’amendement de Mme Mélot, parce que je suis partisan de la sobriété.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
M. Jean-Pierre Chevènement. La dénomination « Institut français » englobe tout ; elle est simple.
Bien sûr, chacun se souvient de vers de Victor Hugo – par exemple, celui-ci : « Le coup passa si près que le chapeau tomba… » (Sourires) –, mais son œuvre est tout de même très connotée : les guerres de la Révolution et de l’Empire – surtout de l’Empire d’ailleurs – parlent-elles tellement encore à l’imagination ?
Personnellement, je pense que, dans cette époque vouée à la communication et aux effets pompiers, la sobriété et la rigueur ont leur prix.
Tout le monde comprend ce qu’« Institut français » signifie et, croyez-moi, mes chers collègues, cette appellation survivra à toutes les époques et à tous les changements de mode !
Je sais bien que Juliette Drouet appelait Victor Hugo « mon tout petit grand homme ». C’est charmant… mais la France, c’est quand même autre chose !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bravo !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je suis donc pour la dénomination la plus sobre, la plus simple, la plus compréhensible. (Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Lucienne Malovry ainsi que MM. Christian Cointat et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aime la passion que vous mettez à nommer quelque chose que peut-être vous ne voterez pas ; c’est bien le signe qu’après tout l’appellation de cette création vous importe autant qu’elle nous importe.
La manière dont s’est déroulé cet échange d’arguments, souvent justes, résume bien, au-delà des prises de position politique et idéologique que je dénonçais tout à l’heure, le message que nous voulons transmettre sur la culture française.
D’abord, je signale que c’est nous qui avons déposé le nom « Institut français », à un moment où nous n’avions pas suffisamment réfléchi… (Sourires.) J’ai pris depuis – je vous prie de m’en excuser – le temps de réfléchir un peu plus. CulturesFrance alors me plaisait bien, et nous avons longuement hésité. Seulement, il fallait un changement : vous l’avez dit, nous l’avons fait !
Ensuite, monsieur Chevènement, je m’étonne de vos propos sur l’appellation « Victor Hugo », mais, dans ce débat, tout, à commencer par sa jeunesse, par sa vivacité, m’étonnera…
Personnellement, je suis d’accord quant à la nécessité du changement et je me permets de reprendre les arguments de Josselin de Rohan pour vous demander si vous croyez que le nom « Institut Confucius » renvoie à autre chose qu’à la Chine, le nom « Goethe Institut » à autre chose qu’à l’Allemagne…
Croyez-vous en revanche que la dénomination British Council soit à ce point excitante ?
Pour ma part, je ne le crois pas,…
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Mais ça marche !
M. Bernard Kouchner, ministre. … et j’estime que, pour signifier le changement et mettre un peu de passion dans tout cela, – la presse d’ailleurs ne s’y est pas trompée –« Institut Victor Hugo » est le choix qui s’impose.
La passion qu’inspire Victor Hugo, vous en témoignez, traverse en effet les siècles – il est d’ailleurs l’auteur d’une légende du même nom – et bravo au lycée Victor Hugo qui a formé un de nos meilleurs esprits ! (Sourires.)
Il n’est pas vrai en revanche que l’appellation institutionnelle « Institut de France » soit excitante…
M. Jean-Pierre Chevènement. C’est français !
M. Bernard Kouchner, ministre. Bien entendu, mais, encore une fois, il n’y a pas l’adjectif « chinois » dans le nom « Institut Confucius » !
L’important, c’est que « ça marche »…
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Effectivement !
M. Bernard Kouchner, ministre. … et, en définitive, tout ce que j’espère est que cette agence culturelle, grâce à vous, fonctionnera, quel que soit le vote qui interviendra à la suite de votre débat.
J’insiste toutefois.
Met-on en doute la vivacité du souvenir de Victor Hugo ? Les ventes en livres de poche de ses œuvres sont sans commune mesure avec celles de n’importe quel auteur, même à « aspiration moderniste » !
Veut-on exprimer l’universalité ? Mais, l’universalité, c’est Victor Hugo ! Les Misérables sont joués aujourd'hui à l’opéra dans le monde entier, à New York comme à Pékin !
Le romantisme ? C’est encore Victor Hugo : relisez Ruy Blas !
Victor Hugo est connu de tous, partout : il fait partie des écrivains les plus traduits et les plus vendus, et sa notoriété d’écrivain, de dramaturge, de penseur politique, de révolutionnaire est unique.
L’antiesclavagisme ? C’est Victor Hugo ! Le dialogue à travers les continents ? C’est Victor Hugo !
M. Robert del Picchia. La liberté !
Un sénateur de l’UMP. Mais il a changé souvent…
M. Bernard Kouchner, ministre. Et alors ? Il personnifie justement plus que quiconque la France !
Je veux bien que l’on refasse un sondage : à une majorité écrasante, ce sera le nom de Victor Hugo qui sera retenu. Je voulais un nom plus moderne, et nous en avions proposé quelques-uns : les résultats ne sont pas mêmes comparables.
Je crois d’ailleurs que l’on se trompe lorsqu’on dit que les jeunes générations ne connaissent pas Victor Hugo ; elles le connaissent, et elles l’apprécient comme représentation de notre pays, la France, monsieur Chevènement.
Et il n’y a là rien de péjoratif ! Vous laissez entendre que la France se situe au-dessus de ces débats. Bien sûr, mais elle n’est jamais mieux représentée que par cette montagne qu’est Victor Hugo. Sa vie privée est connue, ses maîtresses sont connues… (Sourires.)
Je retiens tout de même un argument qui, à juste titre, mérite considération : sur 143 centres à travers le monde, une dizaine environ – et sans doute moins – ne devraient pas changer de nom, en tout cas tout de suite, l’institut Léopold Sédar Senghor par exemple. Mon sentiment profond est, comme pour nombre d’entre vous, qu’il faut marier nécessaire diversité et culture.
Le nom « Victor Hugo » porte l’appétit de France, pas la France en général ! Tout de même, il ne s’agit pas ici de nommer l’institut français du pétrole. À la rigueur, on pourrait admettre : « Institut français Victor Hugo », mais on ne peut pas s’en tenir à « Institut français » : c’est trop plat. D’ailleurs, entre Alliance française et Institut français, personne ne saura comment cela fonctionne…
Je le dis donc avec une conviction profonde : « Victor Hugo » portera à chacun, de la part de chacun d’entre vous, le message d’universalité de la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit également.)
M. Jacques Gautier. Bravo !
M. le président. En conséquence, l’intitulé du chapitre III est ainsi rédigé. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Article 6
I. - Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial pour l’action culturelle extérieure, dénommé « Institut Victor Hugo », placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et soumis aux dispositions du chapitre Ier.
II. - S’inscrivant dans l’ambition de la France de contribuer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil, l’Institut Victor Hugo a notamment pour missions :
1° La promotion et l’accompagnement à l’étranger de la culture française ;
2° Le développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ;
3° Le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l’étranger ;
4° La diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel, en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines ;
5° La promotion et l’accompagnement à l’étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ;
6° Le soutien à une large circulation des écrits, des œuvres et des auteurs ;
7° La promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ;
8° L’information du réseau, des institutions et des professionnels étrangers sur l’offre culturelle française ;
9° Le conseil et la formation professionnels des personnels français et étrangers concourant à ces missions, et notamment des personnels du réseau culturel français à l’étranger, en liaison avec les organismes compétents. À ce titre, il est associé à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels.
L’Institut Victor Hugo exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la culture.
Il opère sans préjudice des missions des organismes compétents en matière de promotion et d’exportation intervenant dans les domaines spécifiques mentionnés au présent article et en complémentarité avec ceux-ci, et dans une concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics, associatifs ou privés. Il veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger.
L’Institut Victor Hugo collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales et notamment les départements et collectivités d’outre-mer, les organisations professionnelles concernées par l’exportation des industries culturelles françaises, les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises.
Pour l’accomplissement de ses missions, il fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui leur sont liés par convention. L’Institut entretient un dialogue permanent et régulier avec le réseau culturel français à l’étranger.
III. (nouveau) – L’Institut Victor Hugo se substitue à l’association «CulturesFrance », à la date d’effet de sa dissolution, dans tous les contrats et conventions passés par cette dernière pour l’accomplissement de ses missions.
Les biens, droits et obligations de l’association « CulturesFrance » sont transmis de plein droit et en pleine propriété à l’Institut Victor Hugo à la date d’effet de sa dissolution.
Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, de droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires.
IV. (nouveau) – L’Institut Victor Hugo est substitué à l’association «CulturesFrance » à la date d’effet de sa dissolution, pour les personnels titulaires d’un contrat de travail de droit public ou de droit privé conclu avec cet organisme en vigueur à cette date. Il leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat qui leur sont proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’Institut Victor Hugo procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables.
Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’établissement public mentionné au présent article leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Je me félicite de l’adoption en commission de l’amendement présenté par notre collègue Catherine Tasca qui introduit la notion de diversité culturelle et linguistique comme ambition pour l’action culturelle extérieure de la France.
Pour la planète, comme pour chaque pays, la diversité linguistique est un véritable atout tant elle met en valeur la richesse des patrimoines, la diversité des identités ou bien le métissage des cultures.
À ce propos, j’emprunte d’ailleurs à Olivier Poivre d’Arvor cette phrase de Victor Hugo qu’il a citée dans Le Monde d’hier : « Avant de s’agrandir au dehors, il faut s’affermir au dedans ».
Comment rendre audible le message de la France si l’État persiste dans le verrouillage en matière de protection des langues régionales et minoritaires ?
Comment établir dans nos frontières ce que nous revendiquons à l’extérieur au nom de la diversité ?
Comment rayonner quand on ne brille pas par son comportement ?
La réponse est simple, et elle passe par la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce que les gouvernements de droite s’obstinent à refuser malgré les mises en cause régulières du Parlement européen, du Conseil de l’Europe et du comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies.
Adoptée en 1992 et entrée en vigueur en 1998, cette charte a été ratifiée par vingt-trois États européens.
Elle est la plus à même de sauvegarder et de diffuser le patrimoine linguistique commun. Jamais les langues régionales et minoritaires n’ont empêché quiconque de parler français. Bien au contraire, la reconnaissance de ces langues accompagne la défense du français à l’étranger et elles constituent une formidable richesse.
Selon l’UNESCO, 60 % des langues européennes sont menacées. Au niveau planétaire, 90 % des langues du monde auront disparu dans les cent prochaines années. Cette disparition représente un désastre écologique, car en mourant, une langue emporte avec elle la connaissance traditionnelle des espèces animales et végétales dont nous aurons besoin demain. Préserver la diversité linguistique, c’est aussi préserver la biodiversité.
La reconnaissance de ces langues est également une nécessité sociale. Récemment, en Guyane française, des entretiens médicaux préalables à la vaccination contre le virus de la grippe A/H1N1 ont été des dialogues de sourds, faute de personnel pouvant s’exprimer dans la langue du patient, en créole ou saramaka. Brésiliens et Surinamiens présents en rient encore. (Sourires.)
L’État refuse de reconnaître ce droit élémentaire qui ne marque en aucun cas un repli communautariste. Il existe un réel attachement aux langues régionales. Il suffit de regarder le nombre de jeunes qui les étudient, ou de voir l’enjeu que ces langues représentent, y compris dans la campagne pour les élections régionales. Il est par exemple plaisant de voir en Bretagne des candidats, y compris de la majorité, conclure leur meeting par un sonore « Kenavo » pour créer l’adhésion. (Sourires.)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Ils ont un vocabulaire plus riche, madame, et heureusement ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. J’ai dit « conclure », monsieur le président de la commission !
On sait qu’un enfant qui apprendra une langue de sa région d’origine aura plus de facilité à apprendre une langue étrangère. Favoriser le bilinguisme stimule l’apprentissage des langues en général et n’est pas superflu étant donné le niveau peu glorieux des Français en langues étrangères. Le but est non pas communautariste mais culturel !
Alors que la France refuse encore et toujours de ratifier la charte des langues régionales ou minoritaires, l’influence de la langue française n’a jamais été aussi faible.
La révision constitutionnelle de 1992 ne saurait servir d’alibi à notre isolement. La France ne peut plus se cacher derrière son petit doigt en fondant son identité uniquement sur la nécessaire langue française commune. Mais cela ne signifie pas monolinguisme et nous devons nous appuyer sur la richesse de notre diversité linguistique. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 6 vise à créer une nouvelle agence chargée de la coopération culturelle, l’Institut français. Je ne reviendrai pas sur le choix de cette appellation. Il me semble que l’essentiel réside bien dans l’abandon du nom CulturesFrance afin de marquer, au moins linguistiquement, la rénovation tant attendue, et la forte identité que l’appellation choisie donnera à l’agence.
En revanche, le caractère industriel et commercial ou administratif de l’établissement public est important, d’un point de vue pragmatique, notamment quant au statut du personnel, mais aussi et surtout sur le plan symbolique.
Pourquoi ce recours à l’EPIC, alors que les trois critères précisés par la jurisprudence du Conseil d’État pour définir la qualification commerciale de l’activité ne sont pas remplis ?
Tout d’abord, s’agissant des ressources, l’article 3 amendé place en première position la dotation de l’État. Ensuite, concernant l’objet de l’établissement, les missions énumérées à l’article 6 sont loin de se limiter à la vente ou à la production de biens. Enfin, les modalités de fonctionnement ne peuvent être assimilables à celles d’une entreprise privée.
D’ailleurs, nombre d’institutions françaises à vocation culturelle ont le statut d’établissement public administratif, ou EPA. Je pense aux grands musées, tels que le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou, ou encore à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP.
L’Institut français devrait bénéficier du statut d’établissement public administratif ; c’est du reste l’objet de l’amendement que nous déposons avec Monique Cerisier-ben Guiga et le groupe socialiste.
Ce statut est déterminant en ce qu’il induit la distinction entre la culture considérée comme un bien public et la culture gérée de manière commerciale, avec la recherche du profit pour première intention et l’abandon du positionnement de la France en termes d’exception culturelle.
Je souhaite également évoquer la situation particulière de l’Alliance française. Le texte prévoit que l’établissement public pour l’action culturelle extérieure collabore notamment avec les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, « ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises ». Quelque 1 070 alliances sont présentes dans 135 pays, sur tous les continents.
Si les missions d’une alliance française sont identiques à celles d’un institut ou d’un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, ce réseau est un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur : les alliances françaises résultent le plus souvent d’initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative.
Ainsi Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la fondation Alliance française, nous a-t-il rappelé que la France est le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s’appuyant sur les « amis de la France » et des structures locales de droit privé.
Il importe que le réseau des alliances conserve toute sa place et que l’établissement public pour l’action culturelle extérieure associe étroitement l’Alliance française comme un véritable partenaire.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Mes collègues ayant déjà abordé de nombreux aspects de l’article 6, je serai bref.
Le premier point que je veux souligner ne concerne pas le contenu même de l’article – je m’en excuse auprès du président de Rohan –, mais le contexte.
Tout ce dont nous discutons en ce moment, la politique envisagée dans son ensemble, toutes les structures qui sont proposées ne serviront à rien si nous continuons dans la voie de la désertification du champ culturel et des moyens qui sont consacrés à la politique culturelle extérieure.
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure avoir créé quatorze instituts et en avoir fermé onze. Les chiffres que j’ai sont légèrement différents, mais peu importe.
Cependant, la réalité, c’est la diminution de 10 % des crédits chaque année depuis près de cinq ans. Autrement dit, c’est la grande misère de l’activité culturelle et là est le fond du problème. Les changements de structure que nous opérerons n’y changeront rien. La vraie vie d’un directeur de centre culturel, d’institut français, ou de toute autre structure culturelle française à l’étranger, c’est de trouver mille euros pour monter une exposition de photographie ! Voilà son vrai problème ! Il n’est aucunement préoccupé par des grands débats sur l’avenir de la culture française dans le monde. Il faut avoir cet élément présent à l’esprit.
Nous savons d’ailleurs que la loi de finances rectificative 2010 annule cinq millions d’euros dans le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique ». La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, est passée par là…
Le 11 décembre dernier, un certain nombre de hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay, réunis au sein du cercle Paul-Claudel…tiens, Paul Claudel,…
M. Richard Yung. … nous aurions pu choisir ce nom, d’autant que c’était un diplomate.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est trop calotin pour vous !
M. Richard Yung. J’avoue quand même une petite faiblesse pour Paul Claudel !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous allez avoir des ennuis !
M. Richard Yung. Oui, avec mon église !
M. Christian Cointat. Vous préférez Camille ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Les hauts fonctionnaires que j’évoquais ont donc dénoncé une « incroyable, et pour tout dire scandaleuse, liquidation du réseau culturel français dans le monde », et ont reproché au Gouvernement et à vous-même de ne pas manifester d’intérêt réel pour l’influence culturelle de la France dans le monde. (M. le ministre proteste.) Ce n’est pas moi qui le dis,…
M. Richard Yung. … c’est ce groupe !
Je poserai deux questions. La première a déjà été posée tout à l’heure, mais je souhaiterais savoir si l’on a préfiguré le budget – c’est une obsession, me direz-vous ! – du nouvel institut. Le chiffre de 70 millions d’euros est évoqué, 40 millions d’euros étant prévus pour la formation des agents et 30 millions d’euros correspondant au budget actuel de CulturesFrance.
La seconde question est également similaire à celle qui a été déjà posée au sujet de l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales : elle concerne les garanties que vous apporterez aux personnels de CulturesFrance qui seront transférés à la nouvelle agence, et en particulier aux agents contractuels de droit public. Ces derniers sont en effet tributaires de leur transfert à la nouvelle structure, alors que les agents de droit privé seront intégrés par le biais du statut du nouvel établissement public.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, sur l’article.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en intervenant sur cet article qui porte création de l’Institut français, je voudrais insister sur un des aspects particuliers de celui-ci et revenir sur une préoccupation qui m’est chère, à savoir la formation professionnelle et la valorisation des carrières des personnels de ce nouvel établissement public.
Il est vrai que l’alinéa 11 de l’article 6 fait désormais mention d’une mission de conseil et de formation professionnels des personnels français et étrangers concourant aux missions de l’établissement, en associant celui-ci à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels.
On ne saurait trop insister sur cet aspect, révélé, de manière consensuelle, par les auditions et les travaux de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères : il existe un véritable besoin de refonte de la politique de formation et de gestion des personnels à l’étranger, dans tous les domaines et en particulier dans le domaine culturel et artistique.
En effet, en matière de formation de ses personnels en poste à l’étranger et en matière d’évolution des carrières, la France reste largement en deçà de ce que l’on pourrait attendre et de ce que révèle l’analyse de l’action culturelle extérieure de nos voisins européens, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.
La formation et la professionnalisation des personnels est ainsi insuffisantes : la formation est de seulement cinq jours et la durée d’immersion dans le pays, extrêmement courte ; trois ans pour la France, contre cinq en Grande-Bretagne et en Allemagne.
Comment mettre en place une politique culturelle dans ces conditions ? À peine arrivés, et déjà partis ; comme le dit le poète, « Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard ».
Développer une gestion des ressources humaines rénovée nous semble donc être une priorité, car l’action culturelle de notre pays est avant tout portée par des hommes et des femmes qui la mettent en œuvre et la valorisent avec leurs compétences et leur savoir, et qui méritent la plus grande attention et doivent être davantage respectés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Hue et Billout, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
industriel et commercial
par le mot :
administratif
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Michel Billout. L’article 6 prévoit de modifier le statut de CulturesFrance, association fondée sur la loi de 1901 qui deviendrait un établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC.
Selon vos intentions, monsieur le ministre, ce statut d’EPIC viserait à offrir un cadre juridique plus clair à l’Institut français, à lui donner une légitimité auprès des acteurs culturels et à renforcer le pilotage stratégique de l’État.
Je suis très sceptique sur ce dernier aspect. En effet, sur le plan financier, le statut d’EPIC permet une certaine souplesse de gestion pour faire fonctionner un tel type d’activité, mais il implique une logique de réduction du financement de l’État car il contraint ces établissements à tirer une part significative de leurs ressources du produit de leurs prestations.
Vous avez défendu ce statut tout à l’heure en indiquant que c’était celui de grands établissements culturels comme le théâtre de Chaillot, le théâtre de l’Odéon et d’autres encore.
On pourrait également citer le Louvre, le musée d’Orsay et le Centre Pompidou, qui ont un statut d’établissement public administratif, sans que cela crée de problème de rigidité.
Le choix du statut d’EPIC pour l’Institut français se justifie davantage par le fait qu’il permet, à terme, un désengagement de la puissance publique et l’introduction progressive d’intérêts marchands privés par le biais des financements extérieurs. Je pense, en ce sens, que le pilotage stratégique de l’État ne sera pas véritablement garanti par le statut d’EPIC ; on peut même redouter qu’il ne soit amoindri. Un statut d’établissement public à caractère administratif me semblerait plus approprié pour préserver une influence prépondérante de l’État sur ce nouvel opérateur.
Je rappelle qu’un rapport de la Cour des comptes avait relevé l’inadaptation du statut associatif dans le cas de CulturesFrance, dont la part du financement public s’élevait à 72 % en 2008. Ainsi, pour maintenir un haut niveau de financement public, le statut d’EPA serait totalement justifié. En outre, il ne serait pas incompatible avec la recherche de financements privés ou de financements sur fonds propres.
L’autre aspect du problème tient au futur rattachement de notre réseau culturel à l’étranger à l’Institut français. Le statut d’EPA, tout en assurant une certaine autonomie, permettrait d’affirmer, dès maintenant, que cette activité doit rester dans le domaine régalien. En outre, ce statut offrirait des garanties plus solides aux personnels et n’empêcherait pas l’emploi de fonctionnaires détachés ou de contractuels de droit privé.
Enfin, le lien avec le réseau, déjà tissé grâce à l’élargissement du périmètre de l’opérateur à la politique de recrutement, d’affectation et de formation professionnelle, serait renforcé.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons d’adopter cet amendement qui conférerait à l’Institut français le statut d’établissement public à caractère administratif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Vous avez cité, monsieur le ministre, un certain nombre d’EPIC culturels en France. Il existe en effet, dans notre pays, à peu près autant d’EPIC culturels que d’EPA culturels.
Les EPIC culturels, notamment dans le domaine du théâtre vivant, ont des activités de production. Le statut d’EPIC se justifie dans ces cas, dans la mesure où les ressources proviennent essentiellement de la billetterie et de la vente de produits dérivés : nous sommes donc bien dans le cadre industriel et commercial.
Quant aux EPA culturels, ils assument des missions de distribution, de diffusion, d’exposition et de préservation. Il s’agit des grands musées, comme le château de Versailles, le musée d’Orsay, le musée Guimet, le Centre Pompidou, mais aussi du Centre national de la cinématographie, de la Bibliothèque nationale de France et de l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Dans tous ces cas, la jurisprudence administrative est claire : lorsque les ressources provenant de leurs activités ne constituent pas la part essentielle de leurs revenus, ces établissements ont un statut d’EPA.
Dans la mesure où, pour l’essentiel, les activités de l’agence – l’Institut français, si c’est ainsi qu’elle doit être dénommée – ne seront pas de nature commerciale et ne représenteront pas la majorité de ses revenus – même si nous nous efforçons de renforcer son autofinancement –, nous pensons que le statut d’EPA lui sera certainement plus adapté.
Par ailleurs, contrairement aux EPIC culturels que vous avez cités, cette agence exercera ses activités à l’étranger, et non en France. Sans insister sur la protection diplomatique que le statut d’EPA permet de garantir, lorsqu’il s’applique à la tête du réseau, je tiens à rappeler que cette agence, si elle parvient à atteindre l’objectif de fusion avec l’ensemble de ce réseau, sera l’outil de notre diplomatie culturelle. Or il s’agit, en l’occurrence, d’une mission régalienne, et non industrielle et commerciale ; elle est au cœur des missions de notre administration.
Si la programmation de l’Institut français doit prendre en compte la nécessité de garantir l’autofinancement, elle ne saurait être constamment établie en fonction d’un impératif de rentabilité. Je citerai, à titre d’exemple, la traduction en français d’œuvres d’écrivains étrangers. Cette activité, qui contribue à renforcer les échanges culturels et intellectuels avec les pays qui sont nos partenaires, n’est certes pas rentable, mais elle est la contrepartie de la traduction, dans les langues locales, d’ouvrages littéraires ou d’essais écrits en français.
Soyons clairs : nous ne demandons pas que l’AFEMI, dont la dimension commerciale est évidente, soit dotée d’un statut d’EPA. S’agissant de l’agence culturelle, en revanche, nous formulons très fermement ce vœu.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. À ce rythme, nous n’aurons pas achevé l’examen de ce texte à minuit. Je propose donc, monsieur le président, que nous poursuivions notre débat jusqu’à minuit trente. Je demande à mes collègues de faire un effort de concision : chacun doit y mettre du sien ! Ainsi, nous pourrons terminer la discussion du projet de loi ce soir.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. Je rappelle le principe édicté par la conférence des présidents : quand le Sénat siège le soir, on ne doit pas dépasser minuit. Tous les sénateurs présents doivent donc décider à l’unanimité de la poursuite de nos travaux jusqu’à minuit et demi, afin que nous puissions achever l’examen du projet de loi à la fin de cette séance.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Et même avant minuit !
M. le président. Il y va de notre intérêt ; l’ordre du jour du Sénat ne nous permet pas, en effet, de renvoyer cette discussion à une prochaine séance.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Nous poursuivons donc nos travaux jusqu’à minuit et demi.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 27 et 24 ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Je rappelle, tout d’abord, qu’un EPA et un EPIC sont tous deux des établissements publics. J’ajoute, ensuite, que la formule de l’EPIC a déjà fait ses preuves en matière d’action extérieure, avec l’Agence française de développement, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ou, plus récemment, avec UbiFrance.
Le choix du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, de préférence à celui d’établissement public administratif, a pour objet de permettre le recours à d’autres sources de financement et de conserver la souplesse de gestion indispensable en la matière.
De plus, le statut d’EPA n’aurait pas permis de transférer les agents de CulturesFrance à la nouvelle agence.
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Cet argument est d’un grand poids, car la très grande majorité des employés de CulturesFrance sont des salariés de droit privé. Je n’ose penser à ce que serait leur situation en cas de création d’un EPA.
La commission est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 24.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Mélot et Malovry, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le président de son conseil d'administration est nommé par décret en conseil des ministres. Il dirige l'établissement. Il est assisté d'un directeur général délégué nommé par décret, après avis du conseil d'administration.
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
Mme Lucienne Malovry. À l’avenir, le principe de la gouvernance des établissements publics chargés de mettre en œuvre notre diplomatie d’influence devrait être celui d’une unité de commandement. Cela suppose de faire du président de leur conseil d’administration un président exécutif qui serait assisté, dans ses tâches, d’un directeur général délégué. Le mode de désignation du président du conseil d’administration de l’établissement public pour l’action culturelle extérieure, par décret en conseil des ministres, devrait conférer une importance particulière à la fonction et garantir un dialogue interministériel préalable.
La désignation des dirigeants d’opérateurs au cœur de notre diplomatie d’influence est d’une importance majeure, compte tenu des missions régaliennes et de service public dont ils auront la charge. Au demeurant, l’épisode de la désignation des présidents des sociétés audiovisuelles publiques, sur fondement constitutionnel, est là pour nous le rappeler.
Le mode de désignation des dirigeants d’établissements publics de cette importance a vocation à figurer au sein des règles constitutives de la nouvelle catégorie d’établissements publics, à l’article 2 du présent projet de loi. Toutefois, afin de ne pas brusquer inutilement les règles de fonctionnement d’autres établissements publics préexistants, les auteurs de cet amendement proposent de n’appliquer, pour l’instant, ce mode de désignation qu’au nouvel opérateur chargé de l’action culturelle extérieure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Je partage l’objectif des auteurs de l’amendement d’assurer une unité de commandement au sein de la nouvelle agence chargée de l’action culturelle à l’étranger. Nous avons eu de longs débats en commission sur ce sujet, notamment avec M. le ministre. J’avais d’ailleurs moi-même déposé un amendement en ce sens, estimant que la nomination du président du conseil d’administration par décret en conseil des ministres lui conférerait solennité et sécurité.
Toutefois, lors de l’examen du projet de loi devant la commission des affaires étrangères, j’ai accepté de retirer mon amendement à la demande du ministre, qui avait fait valoir que ces dispositions trouveraient davantage leur place dans le décret que dans la loi.
La commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je n’ai pas changé d’avis : les modalités de désignation et d’organisation des organes de direction des agences sont, par essence, de nature réglementaire et devraient donc être laissées à l’appréciation du Gouvernement. L’avis est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
L'Institut Victor Hugo est substitué à l'association « CulturesFrance » à la date d'effet de sa dissolution, pour les personnels titulaires d'un contrat de travail de droit public ou de droit privé conclu avec cet organisme en vigueur à cette date. Il leur propose un contrat qui reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cet amendement n’ plus d’objet, madame Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Effectivement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 n’a en effet plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis
Pour l’élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l’étranger, le ministre des affaires étrangères réunit, au moins une fois par an, un conseil d’orientation stratégique qu’il préside et auquel participent des représentants de l’ensemble des ministères concernés. Le ministre chargé de la culture est vice président de ce conseil.
Le ministre des affaires étrangères invite le président du conseil d’administration de l’établissement public pour l’action culturelle extérieure à y participer. Il peut également inviter des personnalités qualifiées qu’il désigne, notamment des représentants des alliances françaises et des collectivités territoriales.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Renar, Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer les mots :
Il peut également inviter
par les mots :
Il invite également
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Nous avons déjà défendu cet amendement dans l’exposé des motifs de notre amendement n° 28 visant à garantir la représentation des collectivités territoriales concourant à l’action culturelle extérieure des nouveaux établissements publics. Nous ne pouvons que militer, a fortiori, pour que la représentation de ces collectivités soit garantie au sein du conseil d’orientation stratégique, qui élabore les stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l’étranger.
Nous ne saurions accepter le caractère facultatif de l’invitation des collectivités territoriales et des alliances françaises, dans la mesure où ces dernières, comme nous l’avons déjà dit, jouent un rôle majeur dans l’action culturelle extérieure de la France.
Encore une fois, l’application exacte de la proposition n° 3, votée conjointement par nos deux commissions, implique de conférer à cette invitation un caractère obligatoire. En effet, cette proposition mentionne explicitement « la participation à la définition de la stratégie culturelle à l’étranger au sein d’un conseil d’orientation ».
Prenons acte des orientations que nous avons définies ensemble voilà à peine six mois ! Ces orientations sont nécessaires pour mettre en œuvre une véritable réforme de l’action culturelle extérieure de la France, une action coordonnée, renouvelée et efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Il me paraît difficile de rendre l’invitation des collectivités territoriales et des alliances françaises obligatoire ; il doit s’agir d’une simple faculté. Préférant conserver la rédaction actuelle, je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Renar, l’amendement n° 29 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article 6 ter (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur la diplomatie d’influence de la France, évaluant notamment la mise en place de l’établissement public pour l’action culturelle extérieure et ses relations avec le réseau diplomatique. Ce rapport comporte également une évaluation des modalités et des conséquences du rattachement du réseau culturel de la France à l’étranger à l’établissement public pour l’action culturelle extérieure et les résultats des expérimentations menées en ce sens pendant ces trois années.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l'article.
Mme Claudine Lepage. Dans leur rapport conjoint consacré à l’action culturelle extérieure, la commission des affaires étrangères et la commission de la culture se sont clairement prononcées, à l’unanimité, en faveur du rattachement du réseau culturel de la France à l’étranger à l’établissement public pour l’action culturelle extérieure.
Or, l’article 6 ter doit être précis et envisager, dès maintenant et de façon claire, le rattachement du réseau. En effet, dans le cadre de cette clause de « revoyure » à trois ans, le rapport sur la diplomatie d’influence de la France doit évaluer les modalités et les conséquences du rattachement du réseau à l’établissement public pour l’action culturelle extérieure.
Il nous faut garder à l’esprit que l’agence ne pourra avoir une gestion cohérente et efficace que si elle repose sur des antennes locales. C’est grâce à ce réseau qu’elle pourrait, en effet, être à l’écoute de nos partenaires étrangers et répondre au mieux à leurs attentes.
En outre, ce lien me semble indispensable pour maintenir une relation sereine entre l’établissement public pour l’action culturelle extérieure et le réseau.
Il importe donc d’initier dès aujourd’hui ce rattachement en y procédant à titre expérimental et de façon progressive, dans différentes missions diplomatiques, comme le prévoit l’amendement déposé par l’ensemble de notre groupe.
Comme je l’ai déjà évoqué tout à l’heure, nous sommes amèrement déçus par ce projet de loi, qui manque cruellement d’ambition. Saura-t-il endiguer la déshérence de l’action culturelle extérieure, le dépouillement des moyens publics qui lui sont consacrés et le désenchantement des personnels ? Nous aimerions y croire.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Nous regrettons un certain manque d’audace. Tout le monde a bien conscience de la nécessité d’une continuité entre l’agence et les services extérieurs qui conduisent la politique culturelle sur le terrain.
C’est tellement vrai que l’on a commencé à procéder à la fusion des services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, des instituts et des centres culturels. Par conséquent, sur place, on constitue l’outil efficace.
Par ailleurs, nous avons longuement délibéré sur l’établissement public, c’est-à-dire la tête. Mais entre celle-ci et le réseau, il faut bien quelque chose. Or là, il n’y aura rien. Le grand danger, c’est bien sûr la séparation des deux et le fait que l’Institut français risque d’être « cantonné », si je puis dire, à l’élaboration d’un catalogue d’actions culturelles qu’il proposera aux différents services décentralisés, mais chacun fera ce qu’il voudra. Ce système n’est donc pas satisfaisant.
Monsieur le ministre, je sais que vous vous êtes heurté à de fortes résistances.
La première concerne le coût. On nous a objecté qu’il reviendrait beaucoup plus cher d’intégrer l’ensemble du dispositif. J’aimerais comprendre pourquoi : s’agit-il du problème de statut du personnel ? Donnez-nous quelques chiffres à ce sujet.
M. Richard Yung. La seconde résistance que vous avez rencontrée émane de ceux que, dans le langage du Quai d’Orsay, l’on appelle « les brahmanes » – c’est une jolie expression –, c’est-à-dire les grands ambassadeurs. (M. le président de la commission des affaires étrangères s’exclame.) Les brahmanes sont normalement les garants de la sagesse, monsieur le président de Rohan.
D’une certaine façon, je comprends pourquoi les ambassadeurs résistent car avoir la possibilité de mener des actions culturelles, c’est un outil supplémentaire et même la cerise sur le gâteau. En cas de négociations difficiles avec tel ou tel pays, on peut, pour les conclure, proposer d’organiser une exposition sur les danseuses à l’Opéra Garnier au XIXe siècle, par exemple. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s’exclame.) Cela fonctionne ainsi.
Nous avons sur ce sujet un vrai problème, un manque d’audace. Je le dis maintenant car je suis certain que nous retrouverons ce problème dans trois ans.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ce rapport indique également les possibilités de rattachement du réseau culturel de la France à l'étranger à l'établissement public pour l'action culturelle extérieure, en s'appuyant sur les résultats et les conséquences des expérimentations qui devront être menées pendant ces trois années.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement tend à renforcer le poids et la visibilité de l'action du futur établissement public et dans le but d'assurer une plus grande cohérence dans la politique culturelle extérieure de la France, le rattachement du réseau culturel de la France à l'étranger à cet établissement constitue un impératif et non une simple éventualité. Il convient donc, d'ici à 2013, d'initier et de développer ce rattachement, en y procédant à titre expérimental et de façon progressive, dans différentes missions diplomatiques.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Gouteyron, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase de cet article, après les mots :
conséquences du rattachement
insérer les mots :
de tout ou partie
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Mes chers collègues, avec cet amendement, il ne s’agit pas d’exprimer une ambition réduite par rapport au texte qui est présenté ici.
Ma crainte, monsieur le ministre, c’est que, au moment du basculement, dans trois ans, les jambes ne tremblent un peu comme pour un saut dans le vide et que, pour des raisons diverses, de coût, d’obstacles constatés ici ou là, finalement, on ne recule…
M. Richard Yung. Oui !
M. Adrien Gouteyron. Ne serait-il pas préférable de prévoir la possibilité d’un basculement progressif permettant d’entrer dans le nouveau dispositif par vagues successives ?
C’est donc dans un souci d’efficacité et avec la volonté que le texte soit réellement appliqué dans trois ans, au moment du rendez-vous, que j’ai présenté cet amendement.
Cependant, je reconnais que les expérimentations prévues par les commissions rendent plus fragile mon argumentation. C’est pourquoi je vais retirer mon amendement. Ma crainte est néanmoins réelle, monsieur le ministre. Il va falloir beaucoup de conviction et de volonté pour que ce basculement ait lieu au moment du rendez-vous prévu par le texte.
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 26 ?
M. Joseph Kergueris. L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 6 ter, modifié.
(L'article 6 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 6 ter
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Mélot et Malovry, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un comité de suivi est chargé d'évaluer l'application du présent chapitre. Ce comité comprend notamment des parlementaires membres des commissions chargées des affaires étrangères et des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de la culture.
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
Mme Lucienne Malovry. Compte tenu de la latitude laissée au pouvoir réglementaire dans la mise en place de l'agence pour l'action culturelle extérieure, notamment en termes de transferts de personnels et de crédits pour assumer les missions qui seront les siennes, il est indispensable que la représentation nationale dispose d'informations précises, de façon régulière, sur l'application du chapitre III du titre Ier du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Je partage l’objectif visé par cet amendement d’assurer un suivi effectif et régulier de la mise en place de la nouvelle agence chargée de l’action culturelle à l’étranger en associant étroitement le Parlement à cette évaluation.
Faut-il toutefois prévoir dans la loi la création d’un comité de suivi spécifiquement consacré à ce sujet ?
Rien n’empêche nos commissions de procéder à une évaluation régulière, en procédant à des auditions ou à travers les rapporteurs des différents budgets. Je ne vois donc pas très bien l’utilité de faire figurer un tel comité de suivi dans la loi, compte tenu des moyens dont nous disposons.
Aussi, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. J’irai à l’essentiel. Monsieur le ministre, nous avons bien senti, pendant la préparation de ce texte, que le Parlement et le ministre des affaires étrangères doivent dépenser beaucoup d’énergie pour faire progresser ce dossier.
Nous nous donnons maintenant trois ans. Il me semblerait difficile que, pendant ces trois ans, le Parlement ne puisse pas suivre cette question, si ce n’est au hasard de quelques débats en commission. Il nous paraît plus prudent d’avoir un comité de suivi…
M. Jacques Gautier. C’est le rôle des commissions !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. … qui associe la représentation parlementaire à la détermination de faire avancer les choses.
Voilà pourquoi nous avons présenté cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Malgré toute l’amitié que je lui porte, je vais exprimer mon désaccord avec Jacques Legendre. En effet, si les commissions et les rapporteurs ont vraiment une mission, c’est celle d’assurer le contrôle des textes qu’ils ont votés.
M. Jacques Gautier. Bien sûr !
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. S’ils ne le font pas, ils ne font pas leur travail ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Ce n’est pas pour le plaisir de contredire mon ami Jacques Legendre, mais il s’agit, me semble-t-il, d’une vraie question de principe.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. le président. Madame Malovry, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
Mme Lucienne Malovry. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Titre II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXPERTISE TECHNIQUE INTERNATIONALE
Article 7
Dans l’intitulé de la loi n° 72–659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers, les mots : « la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers » sont remplacés par les mots : « l’expertise technique internationale ». – (Adopté.)
Article 8
L’article 1er de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 1er. - Les personnels civils recrutés par des personnes publiques et appelés à accomplir hors du territoire français des missions de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers, notamment en vertu d’accords conclus par la France avec ces États, auprès d’organisations internationales intergouvernementales ou d’instituts indépendants étrangers de recherche, sont dénommés « experts techniques internationaux ». Ils sont régis par la présente loi, sous réserve, en ce qui concerne les magistrats et les fonctionnaires des assemblées parlementaires, des dispositions particulières qui leur sont applicables. » – (Adopté.)
Article 9
L’article 2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 2. - Peuvent être recrutés en qualité d’experts techniques internationaux :
« 1° Les fonctionnaires mentionnés à l’article 2 de la loi n° 83–634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les magistrats de l’ordre judiciaire, les fonctionnaires des assemblées parlementaires et les fonctionnaires des États membres de l’Union Européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
« 2° Les agents non titulaires de droit public ;
« 3° En fonction des qualifications spécifiques recherchées, des personnes n’ayant pas la qualité d’agent public. » – (Adopté.)
Article 9 bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 3 de la même loi, les mots « les autorités étrangères intéressées » sont remplacés par les mots : « ces derniers ». – (Adopté.)
Article 10
L’article 4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 4. - Les personnels mentionnés à l’article 2 servent à titre volontaire. Ils sont recrutés pour accomplir une mission d’une durée initiale qui ne peut excéder trois ans, le cas échéant renouvelable une fois auprès du même État ou organisme, sans pouvoir excéder une durée totale de six années. » – (Adopté.)
Article 11
L’article 8 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 8. - À l’issue de leur mission de coopération, les experts relevant du 2° de l’article 2 n’ont pas droit à titularisation et ceux relevant du 3° du même article n’ont pas droit à réemploi. Ils peuvent cependant bénéficier des dispositions du 2° des articles 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, 36 de la loi n° 84–53 du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale et 29 de la loi n° 86–33 du 9 janvier 1986 relative à la fonction publique hospitalière. » – (Adopté.)
Titre III
ALLOCATION AU CONJOINT
Article 12
I. - Il est créé une allocation au conjoint versée au conjoint ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité de l’agent civil de l’État en service à l’étranger qui n’exerce pas d’activité professionnelle ou qui exerce une activité professionnelle pour laquelle il perçoit une rémunération brute totale annuelle inférieure ou égale à un montant fixé par voie réglementaire.
Cette allocation se substitue au supplément familial dont bénéficient les personnels civils de l’État en service à l’étranger.
Cette allocation ne bénéficie pas aux conjoints ou aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité des personnels contractuels recrutés à l’étranger sur des contrats de travail soumis au droit local.
II. - Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Titre IV
DISPOSITIONS RELATIVES AU REMBOURSEMENT DES FRAIS ENGAGÉS PAR L’ÉTAT À L’OCCASION DES OPÉRATIONS DE SECOURS À L’ÉTRANGER
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé de ce titre :
Dispositions relatives aux opérations de secours à l'étranger
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Cet amendement vise à donner plus de lisibilité au titre IV du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel : avis favorable.
M. le président. En conséquence, l’intitulé du titre IV est ainsi rédigé.
Article 13
L’État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer.
Les conditions d’application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Les articles 13 et 14 visent à faire prendre en charge, par les voyagistes ou les intéressés eux-mêmes, les dépenses occasionnées par des secours à l’étranger.
Que ceux qui font profession de commerce de voyages organisés assurent leurs clients que tout est prévu en cas de problème, y compris les frais de rapatriement, n’est pas une mauvaise chose si l’on considère certaines propositions qui ne manquent pas d’étonner le lecteur de certains catalogues : « dix-huit jours de randonnée en 4x4 au Yémen ou traversée pédestre de l’Érythrée et du Soudan », au printemps prochain...
Que des milliardaires s’engageant en croisière privée de luxe au large des côtes somaliennes, dont les pêcheurs n’ont connu de la mondialisation que les énormes chalutiers européens et japonais écumant leurs ressources au point que certains se sont reconvertis en pirates, ne fassent pas payer la rançon de leur imprudence et de leur impudence par les contribuables est juste.
Mais ces deux articles, tout particulièrement l’article 13 du fait de son imprécision, portent en eux des messages de fermeture, d’invitation au repli sur soi et sur son chez-soi, de frilosité à l’égard du monde et des autres.
En effet, quelle sera l’interprétation juridique de la notion d’ « exposition délibérée à des risques que l’on ne peut ignorer » quand il s’agit de simples voyageurs sans motifs professionnels ou humanitaires ? Faudra-t-il se tenir à l’écart de tous les pays où ont eu lieu dans les dix dernières années des enlèvements ou des actes terroristes ? Le site du ministère des affaires étrangères sera-t-il la référence absolue ? Aujourd’hui y sont fléchés le Pérou, la Thaïlande, la Bolivie, la République dominicaine, l’Inde, le Honduras, Madagascar ; et, bien sûr, le Niger, Haïti, l’Iran, la Libye… Mais sur le même site, pour la Belgique, on peut lire : « On constate un développement de la criminalité de droit commun »… Et plus sérieusement, pour le Canada, aujourd’hui, il est écrit : « Le risque de tremblement de terre dans la région de Vancouver est sérieux. » Voilà un risque sismique que désormais nous ne pourrons ignorer, si l’on suit le texte du projet de loi, et pour l’éventualité duquel le Gouvernement pourra se désengager, à l’égard de ses ressortissants, de tout devoir impliquant des frais.
Il nous faudra donc des éléments plus précis : ce ne sera pas « au cas par cas ». Les randonneurs et trekkeurs sont nos fenêtres sur le monde, ils reviennent porteurs de modestie, témoins de diversité, chargés de richesses à partager. Ils ne sont pas partis, eux, pour exploiter des travailleurs mal protégés, ils ne laissent pas derrière eux des fonds marins ravagés ou des terrils contaminés sur des terrains uranifères. Paradoxalement, ce sont ces derniers « voyageurs » que votre rédaction de l’article 13 protège, ceux dont les grands groupes dont ils sont les employés ont bien les moyens d’assurer le secours – tout comme elle protège les « conseillers de la DGSE » français enregistrés comme journalistes à l’hôtel Sahafi et capturés en Somalie cet été…
N’envoyons pas des messages de peur, n’entretenons pas l’idée que, les autres, c’est le danger. « Nourrissons-nous de l’échange », nous exhortiez-vous il y a quelques heures ; et M. Gouteyron : « Ne restons pas enfermés dans nos murs ».
Tout ce que je veux dire, c’est que des précisions s’imposent pour que ces deux articles permettent de prévenir les excès sans devenir une invitation à rester enfermés dans l’espace étriqué de nos frontières. Votre réponse « au cas par cas » s’accommode mal de l’égalité des citoyens devant la loi et de la précision nécessaire du décret.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’État informe le public des risques encourus lors de déplacements à l’étranger.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s’agit d’un amendement en quelque sorte de coordination.
En effet, il est prévu dans le projet de loi que l’État peut demander le remboursement des frais de secours si les personnes se sont délibérément exposées aux risques encourus. Je trouve cela normal, et j’approuve cette disposition. Cependant, si l’on veut éviter des contentieux, il faut préciser dans la loi que l’État informe des risques encourus. Ainsi, il pourra, le cas échéant, demander le remboursement des frais.
Cet amendement tend donc à établir un parallélisme des formes, à instaurer un équilibre dans la rédaction : si les voyageurs sont informés, ils doivent faire attention ; s’ils ne le sont pas, il peut y avoir contentieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Cet amendement vise à reconnaître aux citoyens une sorte de « droit à l’information » sur les risques qu’ils encourent lors de déplacements à l’étranger. Or, inscrire un tel droit dans la loi revient à lui conférer une valeur juridique et conduira à une relative « juridicisation » des fiches de conseil aux voyageurs : les ressortissants français pourront se retourner contre l’État s’ils estiment ne pas avoir été suffisamment avertis des risques encourus dans telle ou telle région du monde.
L’article 13 fonde juridiquement l’État à exiger, s’il le juge nécessaire, le remboursement des frais qu’il aura engagés. Il n’est donc pas excessif. Nous devons soigneusement veiller à conserver à cette disposition un caractère relativement général, sauf à ouvrir un contentieux qui pourrait placer l’État dans des situations très difficiles entraînant éventuellement des coûts budgétaires importants.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 3 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je partage entièrement le sentiment exprimé par M. le rapporteur, d’autant que les exemples qui nous ont été fournis, qu’ils concernent la Belgique ou d’autres pays, sont suffisamment « tendus », si je puis dire, pour que l’on n’« en ajoute » pas. Sans cela, seul le site du Quai d’Orsay permettra de savoir où l’on peut voyager ou non, et comment. Les conséquences seraient tout à fait désastreuses pour ceux-là mêmes que vous avez voulu défendre, madame la sénatrice, c’est-à-dire ceux qui ne partent pas en voyage avec une grande agence mais ont simplement l’intention de visiter un pays et qui, d’ores et déjà, peuvent être informés.
Pour ma part, je trouve que le site du Quai d’Orsay est plutôt plus alarmiste qu’il ne le faudrait. Cependant, il faut aussi se rendre compte que les pays que vous avez énumérés, madame, sont des pays à risque et que le monde n’est plus exactement le même. Aller, pour les corps blancs, sur les plages des autres n’est pas exactement indifférent.
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Ma position est très simple : ce que nous faisons pour les marins – je pourrais aussi évoquer le cas des skieurs –, nous devons le faire pour tous. Quand un marin appelle les secours parce que son bateau est en panne, la Société nationale de sauvetage en mer ne porte pas de jugement de valeur : elle intervient, puis décide ou non de demander le remboursement des frais engagés, selon qu’il y a eu danger ou non.
Si cet amendement était adopté, on ne pourrait plus parler de secours ! Je ne le voterai donc pas.
Exiger le remboursement des frais, ce n’est pas demander à la personne secourue de reconnaître qu’elle a eu tort : c’est lui demander de reconnaître que des dépenses ont été engagées pour la secourir, ce qui n’est pas un jugement moral.
Il faut laisser à l’État le droit d’agir en fonction des situations. (MM. Jacques Gautier, Roger Romani et André Ferrand applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur un point.
L’article 13 dispose que l’État pourra demander le remboursement des frais de secours, ce qui n’est pas le cas actuellement : c’est donc une nouveauté. Or, si cette nouveauté s’accompagne d’une exigence, celle-ci doit être partagée. Sans cela, et je le montrerai en défendant l’amendement suivant, les demandes de remboursement relèveront d’une décision discrétionnaire.
M. André Trillard. Pas du tout !
M. Christian Cointat. Si, absolument ! Sans aller aussi loin que Mme Blandin, qui a choisi des exemples extrêmes, je pense comme elle que cela pourrait être le cas. Un contrôle est donc nécessaire. Et croyez-moi, mes chers collègues, quand nos concitoyens apprendront que des demandes de remboursement seront possibles, ils vont pousser les hauts cris !
J’approuve la position du Gouvernement, et mon amendement avait pour seul objet de parvenir à un texte juridiquement mieux équilibré : en échange d’une information sur les dangers, les voyageurs assument les conséquences financières de leurs éventuelles bêtises. Au demeurant, l’État fournit déjà des informations grâce au site du Quai d’Orsay, qui est fort bien fait et en général beaucoup plus alarmiste que nécessaire – au moins, ceux qui voyagent savent parfaitement les risques qu’ils encourent !
Cela étant, monsieur le ministre, je ne suis pas plus royaliste que le roi. J’avais proposé mon amendement pour améliorer l’équilibre du texte. Visiblement, vous n’en voulez pas ; aussi, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
L’amendement n° 27, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires sont exclus du champ d’application de la disposition prévue au premier alinéa.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis tout à fait consciente que nous n’avons aucun intérêt, le rapporteur l’a rappelé ce matin, à compliquer excessivement le texte de cet article. Une fois mise en évidence la philosophie négative implicite que l’on pourrait y trouver et qu’a très bien explicitée Marie-Christine Blandin, l’essentiel demeure dans la volonté de responsabiliser les voyageurs qui n’ont pas de raison absolue de se rendre dans des pays vraiment très dangereux. Sur ce point, l’attitude du Gouvernement me paraît tout à fait justifiée.
Si je présente cet amendement, c’est parce que je souhaite que le ministre dise clairement que les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et les universitaires – lorsqu’ils sont en mission, évidemment – sont exclus du champ d’application de la disposition. Cela va un peu mieux en le disant !
Ensuite, je pourrai retirer l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Madame, je crois l’avoir suffisamment précisé en présentant le projet de loi : il n’est pas question de poursuivre dans le cas de risques professionnels informés, et j’ai cité deux exemples parmi tous les cas possibles, celui des journalistes et celui des humanitaires.
Nous avons voulu ne pas stigmatiser certaines professions, surtout lorsqu’il est difficile de savoir qui prend la décision et si la personne est suffisamment informée. Qui décide d’envoyer un journaliste ? Le rédacteur en chef ? le directeur de la rédaction ? le chef de service ?…
Il ne s’agit pas d’un droit discrétionnaire, il ne s’agit pas d’une conduite obligatoire ! Les juges interviendront, et il y aura un décret en Conseil d’État.
Je vous rassure, madame, et je vous remercie d’avoir annoncé que vous retireriez votre amendement après cela : comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises en réponse à des questions qui m’ont été posées tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, il ne s’agit pas du tout de viser ni les journalistes ni les humanitaires, pas plus que les ethnologues ou d’autres. Je crois qu’il ne faut pas dresser de liste.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
L’État peut exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des voyagistes ou de leurs représentants qui n’ont pas fourni la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus à l’égard de leurs contractants, à moins que ceux-ci n’excipent d’un cas de force majeure ayant empêché la réalisation de cette prestation, et auxquels il a dû se substituer.
Les conditions d’application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 14
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Assemblée des Français de l’étranger est chargée de donner des avis au Gouvernement sur les dispositions et projets relatifs à la sécurité des Français à l’étranger et les aides et secours qui leur sont accordés par l’État en vue de la sauvegarde de leurs personnes et de leurs biens, notamment en matière de remboursement des frais exposés par l’État mentionnés aux articles 13 et 14 de la présente loi. Ces avis sont émis dans les conditions prévues par l’article 1er A de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger modifiée.
Dans les conditions arrêtées par le ministre des affaires étrangères et européennes, les membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger sont associés aux actions de l’État en vue de la sécurité des personnes et des biens des ressortissants français dans les pays de la circonscription où ils ont été élus.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement s’inscrit dans le droit-fil de mes propos précédents, mais revêt une dimension un peu différente.
À l’heure actuelle, on le sait, la sécurité des biens et des personnes, qu’il s’agisse de nos compatriotes qui résident dans certains pays étrangers dangereux ou de ceux qui n’y sont que de passage, est l’une des préoccupations majeures de l’Assemblée des Français de l’étranger. Au demeurant, celle-ci, dans le cadre des dispositions de la loi de 1982, ne se prive pas de donner au Gouvernement des avis qui sont en général entendus puisqu’ils émanent de compatriotes vivant sur place, avec les populations locales : plus que des avis autorisés, ce sont des avis indispensables.
Aussi, il me paraît nécessaire, ou à tout le moins utile, de consacrer dans la loi ce rôle de l’Assemblée des Français de l’étranger en y inscrivant que le Gouvernement peut prendre l’initiative de lui demander son avis – ce qu’en général il fait déjà. Ainsi, le Gouvernement pourra consulter l’assemblée, en cas de difficulté ou de contentieux, pour savoir si le risque était réellement exagéré ou non. Il s’agit donc d’assurer une plus grande sécurité et d’apporter au Gouvernement un concours pratique, utile, pragmatique, venant du terrain.
Par ailleurs, j’ai cru comprendre que le deuxième alinéa de cet amendement pouvait gêner. Si tel est le cas, je le retirerai. Il n’en va pas de même du premier alinéa, qui est très important puisqu’il consacre la situation de fait et permettra simplement de renforcer la sécurité de nos compatriotes, qu’ils soient résidents ou de passage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Tout en comprenant les motivations des auteurs de cet amendement, je m’interroge sur sa portée pratique.
La loi du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger, telle qu’elle a été modifiée par la loi d’août 2004, prévoit déjà que cette assemblée est « chargée de donner au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l’étranger » et de « donner son avis sur tout autre projet que lui soumet le Gouvernement ». Il est enfin précisé qu’« elle peut également, de sa propre initiative, adopter des avis, des vœux et des motions sur tout sujet concernant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l’étranger ».
On voit donc mal ce que cet amendement apporte de nouveau en la matière.
Dans le second alinéa, il est prévu que les membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger peuvent être associés aux actions de l’État en vue de la sécurité des personnes et des biens des ressortissants français dans les pays de la circonscription où ils ont été élus. Mais, là encore, c’est déjà le cas lorsque surviennent des catastrophes ou de graves accidents à l’étranger. Il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je suis entièrement d’accord avec M. le rapporteur. De plus, il existe un centre de crise au Quai d’Orsay. S’il devait demander son avis à l’Assemblée des Français de l’étranger avant d’agir, il vous verrait bien en peine de le lui fournir. Cette assemblée, que je préside, me prodigue régulièrement des conseils judicieux, que j’écoute. Mais dans les situations de crise, il faut agir. Il n’est donc pas question d’inscrire dans la loi que le Gouvernement doit demander un avis.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Je vais bien sûr retirer mon amendement, monsieur le président, mais j’aurais aimé harmoniser notre législation avec la réalité, car l’Assemblée des Français de l’étranger est actuellement déjà consultée. Je ne faisais donc là que proposer de consacrer dans la loi la pratique existante.
En effet, la loi suit la réalité ou la précède. En l’occurrence, elle ne fera ni l’un ni l’autre, ce qui est, à mon sens, fort dommage eu égard à la solidité juridique de notre organisation.
Cela étant dit, il est clair qu’il n’était pas question pour nous de demander l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger en cas de crise. Nous voulions simplement, d’une manière plus générale, donner la possibilité au Gouvernement de s’appuyer sur cette instance pour se couvrir en cas de difficultés rencontrées pour se faire rembourser les frais engagés. Mais puisque vous préférez continuer à fonctionner de cette façon, monsieur le ministre, restons-en là !
En votre qualité de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, vous m’avez assuré que vous n’hésiterez pas à demander l’avis de cette assemblée chaque fois que ce sera nécessaire (M. le ministre opine.), ce que vous confirmez à l’instant et je vous en remercie. Dans ces conditions, je retire allégrement et sereinement cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un code de l'action extérieure de l'État regroupant les dispositions législatives en vigueur relatifs aux autorités et personnes morales, aux personnels et d'une manière générale aux moyens concourant à cette action est élaboré par décret en Conseil d'État après avis de la commission de la codification.
Ce décret apporte, le cas échéant, aux textes en vigueur les modifications de forme nécessitées par le travail de codification à l'exclusion de toute modification de fond.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s’agit d’un simple amendement de cohérence.
Nous avons des textes épars sur l’action extérieure de l’État. Conformément à l’objectif de transparence réclamé par le Président de la République, il me semble utile, par souci de clarté et de lisibilité, de créer un code de l’action extérieure de l’État rassemblant toutes ces données. Nous pourrons ainsi tous mieux agir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent au Gouvernement d’élaborer un code spécifique dédié à l’action extérieure de l’État après avis du Conseil d’État et de la commission de codification. Mais n’est-ce pas là donner directement des injonctions au Gouvernement ?
J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur ce point, un avis que je suis prêt à suivre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur le sénateur, un important travail de préparation à la codification mené par le Gouvernement doit précéder une loi d’habilitation, qui fixe les délais d’habilitation et de ratification.
Ce travail préparatoire n’ayant pas eu lieu, le volume de travail et le temps nécessaire pour mener à bien cette mission ne sont pas connus. De plus, une codification suppose également la constitution d’une mission de codification au sein du ministère chargé de sa réalisation, ce qui créerait une nouvelle charge.
En outre, la codification se fait à droit constant. Or de nombreux textes relatifs à l’action extérieure, notamment ceux qui ont trait aux personnels, sont actuellement en chantier.
Si l’idée est intéressante, il me paraît urgent d’attendre et de le faire en temps utile. Certains textes concourant à l’action extérieure ayant déjà été codifiés, l’existence d’un tel code peut être discutable.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Je m’attendais à votre réponse, monsieur le ministre. Cependant, qu’entendez-vous par « discutable » : on peut en discuter ou est-ce, au contraire, improbable ?
M. Christian Cointat. Vous pensez donc que cette idée est intéressante, mais prématurée…
M. Christian Cointat. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, les membres du groupe socialiste ne voteront pas ce texte.
Tout d’abord, nous avons dénoncé, dans un diagnostic quasi unanime, les manques de l’action culturelle extérieure et nous avons également décelé, dans une analyse très largement partagée, les lacunes de ce projet de loi.
Monsieur le ministre, votre engagement et votre conviction ne suffisent pas à nous rassurer sur trois points essentiels : le rattachement du réseau à la future agence, les moyens financiers et la gestion des personnels. Sur tous ces points, personne ne doute de votre volontarisme, mais ce texte n’en porte pas la marque et ne nous garantit pas le passage à l’acte !
Au-delà du texte même, il y a aussi ce que j’appellerai « le sous-texte ».
J’ai bien écouté tous les propos sur la nécessaire ouverture au marché, aux entreprises et sur la nécessité de faire agir le secteur privé. Notre collègue Pozzo di Borgo est même allé jusqu’à préconiser que les marchands d’art puissent choisir eux-mêmes les artistes dont notre diplomatie devrait faire la promotion.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je n’ai pas dit cela !
Mme Catherine Tasca. Nous pensons qu’il y a là une confusion des rôles.
Certes, j’ai eu moi-même une formule trop rapide en qualifiant la culture de « mission régalienne », mais cela voulait dire que, à nos yeux, l’État et notre diplomatie ont la responsabilité première de mener une politique culturelle extérieure ambitieuse, sans pour autant prétendre embrasser tout le champ de la culture et sans exclure les partenariats.
Entre l’omission initiale des crédits d’État, le refus du statut d’établissement public administratif et l’appel répété au rôle du secteur privé, cette réforme a, selon nous, un parfum qui ne sied pas à l’idée que nous nous faisons du rôle de l’État, de la responsabilité publique dans ce domaine.
Enfin, j’en viens au financement, qui est la troisième raison de notre vote négatif.
Même si nous souhaitons vraiment la réussite de cette agence, nous n’arrivons pas à croire, monsieur le ministre, que vous pourrez faire fonctionner ce nouveau système sans qu’elle soit rattachée au réseau et – là est l’écueil majeur de ce texte ! – sans les moyens budgétaires nécessaires. À notre sens, vous ne parviendrez pas à mettre véritablement en œuvre cette réforme.
Nous souhaitons que notre vote négatif alerte le Gouvernement sur la question absolument cruciale des moyens financiers, afin qu’il cesse de dépouiller votre ministère ; au contraire, celui-ci doit avoir les moyens de remplir sa mission à la hauteur que nous souhaitons tous.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat, nous l’attendions et nous l’espérions depuis longtemps ! Il n’a peut-être pas répondu à toutes les attentes dans la mesure où nos collègues socialistes viennent d’annoncer qu’ils ne voteront pas ce texte. Nous le regrettons, car les deux commissions saisies ont été capables de se rejoindre sur les mêmes analyses, de parvenir aux mêmes conclusions et de les voter, majorité et opposition réunies.
Mais le débat a eu lieu, et c’est déjà un événement important.
En effet, depuis trop longtemps, nous constations que la France est de moins en moins capable de dialoguer avec le monde, alors que c’est dans sa nature de participer au débat mondial et de défendre la diversité culturelle qui lui tient particulièrement à cœur et qu’il est si important de défendre actuellement.
Depuis longtemps, nous nous désespérions de voir que nous n’occupons pas la part qui devrait être la nôtre dans l’accueil des étudiants étrangers, alors que c’est si important en termes d’influence, et donc en termes économiques. (M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.)
Aujourd'hui, nous avons débattu de la création de deux agences : une agence capable, d’une part, d’améliorer l’attractivité de la France en matière d’accueil d’étudiants étrangers et les conditions de formation et, d’autre part, de favoriser l’échange des experts, notre présence sur ce qu’il faut bien appeler un marché, qui est très compétitif ; …
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. … et une agence chargée de l’action culturelle.
Nous avons, les uns et les autres, discuté de l’appellation de l’agence culturelle avec notre cœur, de manière un peu enflammée certes, mais les meilleurs débats sont ceux qui font appel à la passion, car ils prouvent toute l’importance de la question concernée.
Dans ce domaine aussi, nous avons progressé, même si les deux commissions avaient à l’esprit de faire en sorte que cette agence aille à son terme. Mais, sans doute, faut-il donner du temps au temps ! On a parlé de trois ans. Quoi qu’il en soit, nous n’oublions pas, monsieur le ministre, notre objectif, à savoir assurer une meilleure visibilité et une meilleure efficacité, ce que nous avons souhaité dès le départ.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication avait quelque vertu à penser que cette agence devait être au service du ministère de la culture, de ses agents et des ambassadeurs, qui sont les représentants de la République française dans le pays où ils sont accrédités. Mais il n’y a pas lieu de considérer qu’il s’agit de détourner leurs missions ou d’amoindrir la politique du Quai d’Orsay !
Un pas a été accompli aujourd'hui. On peut toujours souhaiter plus. Je l’ai déjà rappelé, monsieur le ministre, vous avez besoin des moyens vous permettant de mener votre action. Trop de reculs ont été enregistrés dans le passé ; il faut inverser la tendance. Tel est le sens de ce débat.
Pour ma part, je souhaite que nous soyons aussi nombreux que possible à voter ce texte, qui est nécessaire et qui marque une étape. Nous continuerons à travailler avec vous, monsieur le ministre, pour atteindre tous les objectifs que nous avons reconnus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Au terme de ce débat, les craintes et les inquiétudes que nous éprouvions sur ce texte n’ont malheureusement pas été levées, même si les amendements proposés ou adoptés par nos commissions ont apporté quelques précisions et permis quelques améliorations, que la discussion en séance publique a confirmées, concernant notamment le lien fonctionnel entre le réseau et l’Institut français.
Dans la perspective d’un rattachement, il est de bon augure que cet institut soit associé à la politique de recrutement, d’affectation, de gestion des carrières et de formation professionnelle des agents.
Par ailleurs, la création d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure est de nature à nous rassurer, en partie, sur la volonté de l’État de conserver la maîtrise du pilotage dans ce domaine. Encore faut-il mettre en place une véritable stratégie en la matière ! Et je suis plus sceptique sur ce point.
Pour ce qui concerne le remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger, j’ai bien noté, tant dans vos réponses, monsieur le ministre, que dans la discussion des amendements, que les décisions seraient prises au cas par cas et qu’il s’agissait d’une possibilité et non d’une obligation.
Toutefois, pour l’essentiel, je reste convaincu que les structures que vous mettez en place ne sont pas à la hauteur des ambitions que vous affichez.
Nous avons pratiquement tous souligné que ces structures souffriront d’un manque cruel de moyens financiers – une assertion que vous avez tenté de réfuter, monsieur le ministre, ce qui est bien naturel –, en raison d’incontestables restrictions budgétaires.
Malgré la discussion, je reste également convaincu que le statut d’EPIC n’a pas que la souplesse et l’efficacité pour vertus. Il accompagnera inévitablement une baisse des dotations de l’État. Un statut d’EPA, en revanche, donnerait plus de garanties aux différents personnels lors du basculement du réseau et, surtout, serait un symbole fort de la prééminence de la puissance publique dans le financement et le pilotage de la politique culturelle extérieure.
Pour toutes ces raisons, notre groupe maintiendra son opposition à ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Mes amis sénateurs Verts auraient pu s’accommoder de votre texte au nom de l’efficacité du pilotage.
Nous aurions pu saluer les agences comme des outils utiles pour la mobilité et la mise en valeur des experts, même sans la garantie des moyens appropriés. Mais c’est pratiquement le cas de chaque loi examinée ici et les promesses d’hier sont souvent les renoncements de demain !
Afficher au-delà du raisonnable la nécessité d’aller chercher des sponsors ou de valoriser les services, manifester la volonté de former les agents à ces démarches dissimule mal le manque de moyens publics.
Monsieur le ministre, l’une de vos phrases appelant à un effort significatif du ministère de la culture rappellera à certains membres de la commission de la culture le ping-pong dommageable entre le ministère de l’éducation et le ministère de l’agriculture dont fut deux fois victime l’enseignement agricole lors du débat budgétaire, chacun des ministres ayant compté sur l’autre pour faire un effort. C’est ainsi que, le lendemain, l’enseignement agricole s’est retrouvé, si j’ose dire, au pain sec !
J’ai voté le rapport commun de la commission des affaires étrangères et de la commission de la culture ; mais le compte n’y est plus ! Même si une réforme est nécessaire, il faut savoir dire non quand les conditions ne sont pas réunies, afin qu’elle devienne aussi ambitieuse que le désir qui l’a fait naître ! J’espère que ce message incitera le Gouvernement à augmenter les moyens de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, je remercie particulièrement nos deux rapporteurs pour l’excellent travail qu’ils ont effectué pendant des mois.
Ce projet de loi a en effet été très soigneusement préparé par le Sénat à travers les rapports, les propositions de loi, comme le texte de M. Louis Duvernois, le rapport commun que M. Jacques Legendre et moi-même avons fait au nom des deux commissions et, enfin, le travail mené en commission des affaires étrangères, en étroite liaison avec la commission de la culture, et je me félicite de la coopération qui a eu lieu à cette occasion.
Je remercie également M. le ministre de l’écoute dont il a fait preuve. Tout au long de l’élaboration de ce projet de loi, il a pris la peine de nous consulter, de nous associer, de nous exposer les difficultés qu’il rencontrait. Je crois pouvoir dire que nous avons travaillé en bonne intelligence.
Il s’agit non pas d’une « réformette », mais d’une réforme importante, et je regrette que nos collègues de l’opposition n’aient pas cru bon de nous suivre. Pourtant, monsieur le ministre, votre projet de loi reflète très largement les travaux de la commission des affaires étrangères. J’y retrouve en effet les trois quarts de ce que nous avons consigné dans notre rapport. Quant à l’architecture du projet de loi, c’est bien celle que nous avions suggérée et qui avait reçu notre accord.
Vous ne réussirez pas, nous dit l’opposition, car vous ne consacrez pas les moyens nécessaires à cette réforme.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Mais si l’on ne réussit pas dans la réforme, on ne réussit pas davantage dans le statu quo ! Il ne nous reste alors plus qu’à rentrer chez nous, à déplorer la tristesse des temps et à ne plus rien faire !
Mais nous ne sommes pas de cet avis-là. Nous pensons au contraire que, même si les crédits ne sont pas à la hauteur des espérances, et la dureté des temps y est pour quelque chose, nous devons d’autant moins rester immobiles qu’il est un défi auquel nous devons répondre : celui non du déclin culturel de la France, mais de la concurrence très vive à laquelle nous sommes soumis.
J’ouvre une parenthèse pour appeler votre attention sur la principale menace qui pèse sur nous, et cela depuis très longtemps : la langue française est véritablement « attaquée » ! Mon ami Jacques Legendre en est d’autant plus conscient qu’il est l’un des plus grands défenseurs de notre langue.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, que des agents publics s’expriment en anglais dans des enceintes internationales...
M. Robert Hue. C’est vrai !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. ... où sont pourtant prévues des traductions françaises revient, pour moi, à commettre un véritable délit contre notre langue et notre culture ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
Notre premier devoir est en effet de défendre le français qui, hélas, n’est plus, comme l’avait établi le traité de Rastadt, la langue diplomatique ! Elle n’est plus non plus la langue du droit, la langue des sciences. Or ce n’est pourtant pas faute d’avoir des diplomates, des savants et des juristes d’excellente qualité. Mais le fait est là. Il faut donc défendre le français à travers nos instituts culturels.
Je salue comme une novation importante le fait que la politique culturelle et la politique de mobilité telle que nous l’entendons seront vraiment définies conjointement avec, d’un côté, le ministère des affaires culturelles et le ministère des affaires étrangères et, de l’autre, le ministère de l’enseignement supérieur.
La politique culturelle, comme les politiques d’accueil et de mobilité, est une affaire collective, et non l’apanage du ministère des affaires étrangères, mais elle nécessite un seul tuteur, un seul pilote dans l’avion ! C’est pourquoi nous avons souhaité que le ministre des affaires étrangères exerce cette tutelle sur les deux établissements.
Ce n’était ni évident, ni gagné par avance ! Mais le Sénat a fait ce qu’il a pu pour conforter cette idée. Nous sommes en effet convaincus que si la concertation est le fait de plusieurs, agir est le fait d’un seul. Voilà pourquoi je crois que cette réforme est heureuse.
Enfin, les deux commissions ont tenu à rappeler le rôle de l’ambassadeur. Rien ne serait pire qu’un ambassadeur représentant de son mieux la France en opposition avec le secteur culturel ! Personne ne comprendrait d’ailleurs.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. À l’étranger, l’ambassadeur représente la France dans toutes ses dimensions, politique, économique et culturelle, qu’il incarne dans le pays où il se trouve. Dans son ressort, il est le véritable chef d’orchestre de l’action culturelle, diplomatique et politique.
Cela n’exclut pas qu’il puisse, pour ce faire, s’appuyer sur les compétences de tous ceux qui ont comme responsabilités la culture et leur faire confiance. Mais l’idée d’une opposition est impossible.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Un ambassadeur ne peut pas non plus exercer convenablement la mission qui lui a été confiée sans considérer l’action culturelle comme l’une de ses priorités. Aussi étais-je heureux, monsieur le ministre, de vous entendre dire à plusieurs reprises que les ambassadeurs seraient jugés sur leur capacité à développer la culture dans leur ressort.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Cette réforme constitue un cadre, et c’est déjà un pas important. Sinon, nous ne pourrions pas agir. La question des moyens viendra après, je l’espère, en tout cas nous y veillerons.
En effet, la commission de la culture et la commission des affaires étrangères sont investies d’une mission qui est de veiller à ce que cette réforme non seulement voie le jour, mais soit appliquée conformément à ce qui a été voté. C’est notre travail de tous les jours.
En bonne et étroite collaboration avec le ministre, nous veillerons donc à ce que cette réforme soit un succès, car, nous en sommes convaincus, elle sera alors un atout considérable pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Étant plutôt enclin à conserver les bons souvenirs, je garderai en mémoire non seulement cette séance, mais aussi tous les longs mois de préparation avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs : un an et demi au total !
J’ai rêvé un temps que l’idéologie ne l’emporterait pas et que, aspirant à la culture et appelant unanimement de vos vœux cette agence culturelle, mission accomplie par la présidence et par les membres de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères, vous seriez d’accord jusqu’au bout du processus. Mais c’était oublier la réalité : l’opposition s’oppose ! Soit !
Cela dit, j’ai vraiment apprécié le travail accompli avec vous, messieurs les présidents de Rohan et Legendre, messieurs les rapporteurs Kergueris et Duvernois.
Et je n’aurais rien fait sans vous ! Je vous l’ai dit tout à l’heure, je partage quasiment toutes les grandes lignes de votre rapport. En revanche, j’ai gardé des souvenirs un peu plus difficiles de ma tentative de les appliquer.
Certes, ce n’est pas la réforme du monde ni la globalisation combattue ! Mais par rapport aux blocs de conformismes que j’affrontais, je garderai surtout le souvenir de votre unanimité dans l’action. Vous étiez tous d’accord pour prôner le changement, afin que notre offre culturelle soit à la hauteur de la « demande de France ».
J’ai tenté de le faire, vous m’avez accompagné, et je garde intact le souvenir de ce travail commun. Merci ! Le parcours n’est pas terminé, puisque ce texte doit désormais être examiné par l’Assemblée nationale.
Vous avez décidé de modifier l’appellation de l’agence, ce que je regrette profondément, car la dynamique conférée par le nom de Victor Hugo, c’était tout de même autre chose ! Quoi qu’il en soit, vive la représentation nationale ! Je m’incline bien évidemment devant ce vote démocratique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, travailler avec les deux commissions, c’était, il y a un an et demi, totalement inimaginable dans le milieu où je me trouvais. La fraternité née du travail entre les deux ministères n’est pas près de retomber, je peux vous l’assurer. Vous serez non seulement tenus informés des évolutions futures, mais aussi, bien sûr, associés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 159 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté. (Mmes Lucienne Malovry et Joëlle Garriaud-Maylam ainsi que M. Christian Cointat applaudissent.)
15
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 23 février 2010 :
À quatorze heures trente :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 29, 2009-2010).
Rapport de M. François Trucy, fait au nom de la commission des finances (n° 209, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 210, 2009-2010).
Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 227, 2009-2010).
Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 238, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques sur l’avenir des territoires ruraux.
À dix-huit heures, le soir et la nuit :
3. Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 23 février 2010, à zéro heure trente.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART