M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat, nous l’attendions et nous l’espérions depuis longtemps ! Il n’a peut-être pas répondu à toutes les attentes dans la mesure où nos collègues socialistes viennent d’annoncer qu’ils ne voteront pas ce texte. Nous le regrettons, car les deux commissions saisies ont été capables de se rejoindre sur les mêmes analyses, de parvenir aux mêmes conclusions et de les voter, majorité et opposition réunies.
Mais le débat a eu lieu, et c’est déjà un événement important.
En effet, depuis trop longtemps, nous constations que la France est de moins en moins capable de dialoguer avec le monde, alors que c’est dans sa nature de participer au débat mondial et de défendre la diversité culturelle qui lui tient particulièrement à cœur et qu’il est si important de défendre actuellement.
Depuis longtemps, nous nous désespérions de voir que nous n’occupons pas la part qui devrait être la nôtre dans l’accueil des étudiants étrangers, alors que c’est si important en termes d’influence, et donc en termes économiques. (M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.)
Aujourd'hui, nous avons débattu de la création de deux agences : une agence capable, d’une part, d’améliorer l’attractivité de la France en matière d’accueil d’étudiants étrangers et les conditions de formation et, d’autre part, de favoriser l’échange des experts, notre présence sur ce qu’il faut bien appeler un marché, qui est très compétitif ; …
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. … et une agence chargée de l’action culturelle.
Nous avons, les uns et les autres, discuté de l’appellation de l’agence culturelle avec notre cœur, de manière un peu enflammée certes, mais les meilleurs débats sont ceux qui font appel à la passion, car ils prouvent toute l’importance de la question concernée.
Dans ce domaine aussi, nous avons progressé, même si les deux commissions avaient à l’esprit de faire en sorte que cette agence aille à son terme. Mais, sans doute, faut-il donner du temps au temps ! On a parlé de trois ans. Quoi qu’il en soit, nous n’oublions pas, monsieur le ministre, notre objectif, à savoir assurer une meilleure visibilité et une meilleure efficacité, ce que nous avons souhaité dès le départ.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication avait quelque vertu à penser que cette agence devait être au service du ministère de la culture, de ses agents et des ambassadeurs, qui sont les représentants de la République française dans le pays où ils sont accrédités. Mais il n’y a pas lieu de considérer qu’il s’agit de détourner leurs missions ou d’amoindrir la politique du Quai d’Orsay !
Un pas a été accompli aujourd'hui. On peut toujours souhaiter plus. Je l’ai déjà rappelé, monsieur le ministre, vous avez besoin des moyens vous permettant de mener votre action. Trop de reculs ont été enregistrés dans le passé ; il faut inverser la tendance. Tel est le sens de ce débat.
Pour ma part, je souhaite que nous soyons aussi nombreux que possible à voter ce texte, qui est nécessaire et qui marque une étape. Nous continuerons à travailler avec vous, monsieur le ministre, pour atteindre tous les objectifs que nous avons reconnus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Au terme de ce débat, les craintes et les inquiétudes que nous éprouvions sur ce texte n’ont malheureusement pas été levées, même si les amendements proposés ou adoptés par nos commissions ont apporté quelques précisions et permis quelques améliorations, que la discussion en séance publique a confirmées, concernant notamment le lien fonctionnel entre le réseau et l’Institut français.
Dans la perspective d’un rattachement, il est de bon augure que cet institut soit associé à la politique de recrutement, d’affectation, de gestion des carrières et de formation professionnelle des agents.
Par ailleurs, la création d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure est de nature à nous rassurer, en partie, sur la volonté de l’État de conserver la maîtrise du pilotage dans ce domaine. Encore faut-il mettre en place une véritable stratégie en la matière ! Et je suis plus sceptique sur ce point.
Pour ce qui concerne le remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger, j’ai bien noté, tant dans vos réponses, monsieur le ministre, que dans la discussion des amendements, que les décisions seraient prises au cas par cas et qu’il s’agissait d’une possibilité et non d’une obligation.
Toutefois, pour l’essentiel, je reste convaincu que les structures que vous mettez en place ne sont pas à la hauteur des ambitions que vous affichez.
Nous avons pratiquement tous souligné que ces structures souffriront d’un manque cruel de moyens financiers – une assertion que vous avez tenté de réfuter, monsieur le ministre, ce qui est bien naturel –, en raison d’incontestables restrictions budgétaires.
Malgré la discussion, je reste également convaincu que le statut d’EPIC n’a pas que la souplesse et l’efficacité pour vertus. Il accompagnera inévitablement une baisse des dotations de l’État. Un statut d’EPA, en revanche, donnerait plus de garanties aux différents personnels lors du basculement du réseau et, surtout, serait un symbole fort de la prééminence de la puissance publique dans le financement et le pilotage de la politique culturelle extérieure.
Pour toutes ces raisons, notre groupe maintiendra son opposition à ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Mes amis sénateurs Verts auraient pu s’accommoder de votre texte au nom de l’efficacité du pilotage.
Nous aurions pu saluer les agences comme des outils utiles pour la mobilité et la mise en valeur des experts, même sans la garantie des moyens appropriés. Mais c’est pratiquement le cas de chaque loi examinée ici et les promesses d’hier sont souvent les renoncements de demain !
Afficher au-delà du raisonnable la nécessité d’aller chercher des sponsors ou de valoriser les services, manifester la volonté de former les agents à ces démarches dissimule mal le manque de moyens publics.
Monsieur le ministre, l’une de vos phrases appelant à un effort significatif du ministère de la culture rappellera à certains membres de la commission de la culture le ping-pong dommageable entre le ministère de l’éducation et le ministère de l’agriculture dont fut deux fois victime l’enseignement agricole lors du débat budgétaire, chacun des ministres ayant compté sur l’autre pour faire un effort. C’est ainsi que, le lendemain, l’enseignement agricole s’est retrouvé, si j’ose dire, au pain sec !
J’ai voté le rapport commun de la commission des affaires étrangères et de la commission de la culture ; mais le compte n’y est plus ! Même si une réforme est nécessaire, il faut savoir dire non quand les conditions ne sont pas réunies, afin qu’elle devienne aussi ambitieuse que le désir qui l’a fait naître ! J’espère que ce message incitera le Gouvernement à augmenter les moyens de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, je remercie particulièrement nos deux rapporteurs pour l’excellent travail qu’ils ont effectué pendant des mois.
Ce projet de loi a en effet été très soigneusement préparé par le Sénat à travers les rapports, les propositions de loi, comme le texte de M. Louis Duvernois, le rapport commun que M. Jacques Legendre et moi-même avons fait au nom des deux commissions et, enfin, le travail mené en commission des affaires étrangères, en étroite liaison avec la commission de la culture, et je me félicite de la coopération qui a eu lieu à cette occasion.
Je remercie également M. le ministre de l’écoute dont il a fait preuve. Tout au long de l’élaboration de ce projet de loi, il a pris la peine de nous consulter, de nous associer, de nous exposer les difficultés qu’il rencontrait. Je crois pouvoir dire que nous avons travaillé en bonne intelligence.
Il s’agit non pas d’une « réformette », mais d’une réforme importante, et je regrette que nos collègues de l’opposition n’aient pas cru bon de nous suivre. Pourtant, monsieur le ministre, votre projet de loi reflète très largement les travaux de la commission des affaires étrangères. J’y retrouve en effet les trois quarts de ce que nous avons consigné dans notre rapport. Quant à l’architecture du projet de loi, c’est bien celle que nous avions suggérée et qui avait reçu notre accord.
Vous ne réussirez pas, nous dit l’opposition, car vous ne consacrez pas les moyens nécessaires à cette réforme.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Mais si l’on ne réussit pas dans la réforme, on ne réussit pas davantage dans le statu quo ! Il ne nous reste alors plus qu’à rentrer chez nous, à déplorer la tristesse des temps et à ne plus rien faire !
Mais nous ne sommes pas de cet avis-là. Nous pensons au contraire que, même si les crédits ne sont pas à la hauteur des espérances, et la dureté des temps y est pour quelque chose, nous devons d’autant moins rester immobiles qu’il est un défi auquel nous devons répondre : celui non du déclin culturel de la France, mais de la concurrence très vive à laquelle nous sommes soumis.
J’ouvre une parenthèse pour appeler votre attention sur la principale menace qui pèse sur nous, et cela depuis très longtemps : la langue française est véritablement « attaquée » ! Mon ami Jacques Legendre en est d’autant plus conscient qu’il est l’un des plus grands défenseurs de notre langue.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, que des agents publics s’expriment en anglais dans des enceintes internationales...
M. Robert Hue. C’est vrai !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. ... où sont pourtant prévues des traductions françaises revient, pour moi, à commettre un véritable délit contre notre langue et notre culture ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
Notre premier devoir est en effet de défendre le français qui, hélas, n’est plus, comme l’avait établi le traité de Rastadt, la langue diplomatique ! Elle n’est plus non plus la langue du droit, la langue des sciences. Or ce n’est pourtant pas faute d’avoir des diplomates, des savants et des juristes d’excellente qualité. Mais le fait est là. Il faut donc défendre le français à travers nos instituts culturels.
Je salue comme une novation importante le fait que la politique culturelle et la politique de mobilité telle que nous l’entendons seront vraiment définies conjointement avec, d’un côté, le ministère des affaires culturelles et le ministère des affaires étrangères et, de l’autre, le ministère de l’enseignement supérieur.
La politique culturelle, comme les politiques d’accueil et de mobilité, est une affaire collective, et non l’apanage du ministère des affaires étrangères, mais elle nécessite un seul tuteur, un seul pilote dans l’avion ! C’est pourquoi nous avons souhaité que le ministre des affaires étrangères exerce cette tutelle sur les deux établissements.
Ce n’était ni évident, ni gagné par avance ! Mais le Sénat a fait ce qu’il a pu pour conforter cette idée. Nous sommes en effet convaincus que si la concertation est le fait de plusieurs, agir est le fait d’un seul. Voilà pourquoi je crois que cette réforme est heureuse.
Enfin, les deux commissions ont tenu à rappeler le rôle de l’ambassadeur. Rien ne serait pire qu’un ambassadeur représentant de son mieux la France en opposition avec le secteur culturel ! Personne ne comprendrait d’ailleurs.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. À l’étranger, l’ambassadeur représente la France dans toutes ses dimensions, politique, économique et culturelle, qu’il incarne dans le pays où il se trouve. Dans son ressort, il est le véritable chef d’orchestre de l’action culturelle, diplomatique et politique.
Cela n’exclut pas qu’il puisse, pour ce faire, s’appuyer sur les compétences de tous ceux qui ont comme responsabilités la culture et leur faire confiance. Mais l’idée d’une opposition est impossible.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Un ambassadeur ne peut pas non plus exercer convenablement la mission qui lui a été confiée sans considérer l’action culturelle comme l’une de ses priorités. Aussi étais-je heureux, monsieur le ministre, de vous entendre dire à plusieurs reprises que les ambassadeurs seraient jugés sur leur capacité à développer la culture dans leur ressort.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Cette réforme constitue un cadre, et c’est déjà un pas important. Sinon, nous ne pourrions pas agir. La question des moyens viendra après, je l’espère, en tout cas nous y veillerons.
En effet, la commission de la culture et la commission des affaires étrangères sont investies d’une mission qui est de veiller à ce que cette réforme non seulement voie le jour, mais soit appliquée conformément à ce qui a été voté. C’est notre travail de tous les jours.
En bonne et étroite collaboration avec le ministre, nous veillerons donc à ce que cette réforme soit un succès, car, nous en sommes convaincus, elle sera alors un atout considérable pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Étant plutôt enclin à conserver les bons souvenirs, je garderai en mémoire non seulement cette séance, mais aussi tous les longs mois de préparation avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs : un an et demi au total !
J’ai rêvé un temps que l’idéologie ne l’emporterait pas et que, aspirant à la culture et appelant unanimement de vos vœux cette agence culturelle, mission accomplie par la présidence et par les membres de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères, vous seriez d’accord jusqu’au bout du processus. Mais c’était oublier la réalité : l’opposition s’oppose ! Soit !
Cela dit, j’ai vraiment apprécié le travail accompli avec vous, messieurs les présidents de Rohan et Legendre, messieurs les rapporteurs Kergueris et Duvernois.
Et je n’aurais rien fait sans vous ! Je vous l’ai dit tout à l’heure, je partage quasiment toutes les grandes lignes de votre rapport. En revanche, j’ai gardé des souvenirs un peu plus difficiles de ma tentative de les appliquer.
Certes, ce n’est pas la réforme du monde ni la globalisation combattue ! Mais par rapport aux blocs de conformismes que j’affrontais, je garderai surtout le souvenir de votre unanimité dans l’action. Vous étiez tous d’accord pour prôner le changement, afin que notre offre culturelle soit à la hauteur de la « demande de France ».
J’ai tenté de le faire, vous m’avez accompagné, et je garde intact le souvenir de ce travail commun. Merci ! Le parcours n’est pas terminé, puisque ce texte doit désormais être examiné par l’Assemblée nationale.
Vous avez décidé de modifier l’appellation de l’agence, ce que je regrette profondément, car la dynamique conférée par le nom de Victor Hugo, c’était tout de même autre chose ! Quoi qu’il en soit, vive la représentation nationale ! Je m’incline bien évidemment devant ce vote démocratique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, travailler avec les deux commissions, c’était, il y a un an et demi, totalement inimaginable dans le milieu où je me trouvais. La fraternité née du travail entre les deux ministères n’est pas près de retomber, je peux vous l’assurer. Vous serez non seulement tenus informés des évolutions futures, mais aussi, bien sûr, associés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 159 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté. (Mmes Lucienne Malovry et Joëlle Garriaud-Maylam ainsi que M. Christian Cointat applaudissent.)
15
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 23 février 2010 :
À quatorze heures trente :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 29, 2009-2010).
Rapport de M. François Trucy, fait au nom de la commission des finances (n° 209, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 210, 2009-2010).
Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 227, 2009-2010).
Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 238, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques sur l’avenir des territoires ruraux.
À dix-huit heures, le soir et la nuit :
3. Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 23 février 2010, à zéro heure trente.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART