PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, mes chers collègues, le travail parlementaire devient de plus en plus chaotique du fait de procédures accélérées, expéditives, autoritaires.
Le 7 janvier 2009, je dénonçai ici le fait que le Président de la République ait obligé sa ministre de la culture à obliger M. de Carolis à obliger le conseil d’administration de France Télévisions à supprimer la publicité entre 20 heures et 6 heures dès le 5 janvier… La loi était ainsi appliquée, imposée, avant même que le Sénat en ait débattu.
Le groupe CRC-SPG, devant cette pratique gouvernementale délinquante, déposa un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Hier – j’y étais –, le Conseil d’État a tenu audience sur le fond et le rapporteur public a pointé « la piètre gestion d’un dossier sensible mettant en cause l’avenir du service public de l’audiovisuel ». Il a analysé les décisions litigieuses comme le reflet d’une « mauvaise gouvernance ». Il a estimé la demande d’annulation « imparable » et a donné droit aux sénateurs communistes.
Le Conseil d’État va maintenant délibérer et statuer. Le journal Le Monde, dans son édition du mercredi 27 janvier 2010, conclut : « Si [le rapporteur public] est suivi, ce sera un lourd revers pour M. Sarkozy. »
M. Jean-Pierre Michel. Un de plus !
M. Jack Ralite. Face à l’ingérence inadmissible du pouvoir exécutif dans l’exercice du pouvoir législatif, qui va jusqu’à ôter aux sénateurs le pouvoir de faire la loi, les conclusions du rapporteur public sont déjà un lourd revers pour le Président de la République.
C’est une œuvre de vigilance républicaine, la preuve qu’il faut toujours oser, ainsi que l’a fait le groupe communiste. Le Sénat, le Parlement défendent ainsi leur honneur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de ce rappel au règlement. Nous allons attendre la décision du Conseil d’État, sur un sujet qui m’avait quelque peu préoccupé…
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Alors que nous reprendrons dans quelques instants nos débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, le moment est peut-être venu de prendre de bonnes résolutions…
Jeudi soir, un amendement de l’Union centriste portant sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux a été adopté, alors que nos propres amendements relatifs au même thème étaient déclarés hors sujet.
Par ailleurs, hier soir, lors de son intervention télévisée, le Président de la République, évoquant le référendum organisé en Guyane et à la Martinique sur la fusion en une seule collectivité de la région et du département, a expliqué que cet exemple préfigurait son projet pour l’ensemble du pays. Or, depuis des semaines, vous niez que votre réforme des collectivités territoriales masque en réalité, comme nous l’affirmons avec constance, une volonté de fusionner départements et régions…
Nous souhaiterions que tous les sénateurs soient traités sur un pied d’égalité par le Gouvernement et la commission, et que les réponses ne soient pas à géométrie variable selon leur couleur politique. Pour l’heure, des arguments et des propositions sont écartés a priori ou jugés hors sujet s’ils sont formulés par les sénatrices et sénateurs de l’opposition, mais reçoivent un tout autre accueil lorsqu’ils sont repris par le Président de la République ou dans un amendement du groupe de l’Union centriste ! C’est là un manque de considération,…
M. Guy Fischer. Ils nous méprisent !
M. Jean-Pierre Bel. … et je vous demande donc de changer d’attitude. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Monsieur Bel, je vous donne acte de ce rappel au règlement.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon rappel au règlement a le même objet que celui de M. Bel.
Jeudi dernier, la majorité du Sénat a adopté un amendement présenté par M. About, dont on sait aujourd’hui qu’il était motivé davantage par des considérations personnelles que par l’intérêt général…
M. Guy Fischer. Il change de bord !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De fait, cet amendement tend à valider par anticipation une disposition dont le Sénat n’a pas encore entamé l’examen. Sous couvert de motifs dits « de principe », principes qui sont rejetés d’emblée quand ils sont invoqués par l’opposition, il s’agissait en réalité d’entériner la création du conseiller territorial. (Marques d’approbation aux bancs de la commission et du Gouvernement.)
Libre à vous, bien sûr, de souhaiter la création d’un nouveau type d’élu qui remplacera les conseillers généraux et les conseillers régionaux, sauf que la discussion sur l’article 1er, qui contient précisément cette mesure, n’a pas encore commencé !
La situation est donc tout à fait surréaliste ! Le Parlement va en effet débattre de cet article, dont l’opposition proposera notamment la suppression, après que la majorité se fut prononcée subrepticement pour la création des conseillers territoriaux, par le biais de l’adoption d’un amendement portant sur le mode d’élection de ces derniers !
Monsieur le président, pour rétablir un peu de sérieux dans la discussion parlementaire, je vous demande, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, de procéder à une nouvelle délibération sur cet amendement, afin de réserver son vote jusqu’à ce que nous ayons décidé ou non de créer les conseillers territoriaux. Tel est l’ordre logique des choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Ce soir, en conférence des présidents, je ferai le point sur ce que j’appellerai la prévisibilité de nos travaux pour les deux semaines à venir, afin que nous puissions organiser ceux-ci dans les meilleures conditions possibles. Je rappellerai également, à cette occasion, quelques principes que j’avais déjà énoncés lors des deux dernières conférences des présidents.
Par ailleurs, il me semble important de souligner qu’il nous incombe à tous, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, de faire en sorte que nos travaux puissent se dérouler de la manière la plus équilibrée possible, permettant à chacun d’exprimer son point de vue.
Concernant votre demande fondée sur l’article 43, alinéa 4, de notre règlement, madame Borvo Cohen-Seat, celui-ci précise que ce n’est qu’ « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, [que] tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ». Votre demande, dont nous avons pris bonne note, ne pourra donc être examinée qu’au terme de nos travaux, avant le vote sur l’ensemble du projet de loi.
M. Guy Fischer. On nous enfume !
M. le président. Si nous voulons avoir un débat de qualité, il importe que nous nous montrions tous raisonnables.
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Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapport n° 169 et avis n° 198).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er.
TITRE Ier
RÉNOVATION DE L’EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
Chapitre Ier
Conseillers territoriaux
Article 1er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est composé de conseillers territoriaux. »
II. – L’article L. 4131-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Au-delà de ce que vient de dire Nicole Borvo Cohen-Seat sur la situation surréaliste dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, après ce qu’on peut appeler la manœuvre de M. About, nous entrons en fait, avec cet article 1er, dans l’acte II de la création des conseillers territoriaux, les affirmations sur l’autonomie du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux voté en décembre dernier n’ayant en effet convaincu personne.
Comme en décembre dernier, vous nous demandez d’entériner la création des conseillers territoriaux tout en renvoyant à plus tard la définition des modalités de leur élection.
Il est vrai que des doutes et des critiques sur ce nouvel élu hybride et son mode d’élection s’expriment, y compris au sein de la majorité. Ils émanent tant du président du groupe UMP à l’Assemblée nationale que du président Larcher, lequel a d’ailleurs confirmé l’absence d’une majorité sur ce sujet dans notre assemblée.
Il est également vrai que vos amis du Nouveau centre seront perdants avec ce scrutin à un tour destiné à instaurer le bipartisme, la dose de proportionnelle envisagée étant un leurre.
Sachant que vous êtes, sur le fond, favorables au bipartisme, nous ne pouvons que nous interroger : ne dissimulez-vous pas un projet de refonte de notre système électif, avec deux niveaux de consultation, l’un national, l’autre local, outre les élections européennes ? N’entendez-vous pas appliquer le scrutin à un tour aux élections législatives, voire à toutes les élections, ce qui serait un recul historique ?
En même temps, vous le constatez, il n’est guère prudent de toucher aux fondements de la démocratie représentative, en procédant avec autoritarisme et en entretenant le flou. Il n’est guère prudent d’instaurer ce nouveau mode de scrutin à un tour ; aucun président ou majorité parlementaire n’avait jamais osé le faire jusqu’à présent, et le comité Balladur lui-même ne l’avait pas proposé.
Vous allez donc, semble-t-il, devoir revoir votre copie : « UMP et Gouvernement en quête d’un accord », titrait récemment Le Figaro. Le Président de la République a dû promettre aux parlementaires, lors de la présentation des vœux, de faire preuve de beaucoup d’ouverture pour essayer de parvenir au « consensus le plus grand » sur la réforme du mode de scrutin. La presse nous a appris qu’un groupe de travail formé de parlementaires UMP étudiait d’autres hypothèses, avec l’accord du Président et du Premier ministre.
Mais la seule façon d’arriver à un consensus qui vaille serait de le fonder sur des dispositions véritablement démocratiques. Or je doute fort que vous alliez dans ce sens.
D’ailleurs, la création des conseillers territoriaux est en elle-même une disposition antidémocratique et régressive. Elle constitue en effet une régression en matière de proximité de la prise de décisions, alors que les Français, comme en témoignent les résultats d’un sondage réalisé par la Sofres pour le CEVIPOF, veulent des élus de proximité : après leur maire et avant leur conseiller régional, c’est leur conseiller général qu’ils déclarent préférer.
Il s’agit aussi d’une régression en matière de parité à l’échelon de l’exécutif régional. De plus, le nombre d’élus va diminuer et la suppression des conseillers généraux annonce la disparition des départements. Créer un bloc départements-région, c’est faire fi des différences majeures existant entre les deux assemblées, l’une étant une instance de proximité, l’autre une instance de programmation : le département n’est-il pas aujourd’hui le premier partenaire de la commune ?
Notre groupe refuse le recul démocratique inscrit dans cet article 1er et votera contre la création des conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’aurais bien sûr préféré, monsieur le président, que vous donniez une autre suite à mon rappel au règlement…
M. le président. Il s’agit d’éviter des difficultés avec le Conseil d’État, ma chère collègue.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il eût pourtant été plus efficace d’aborder les questions dans le bon ordre. Mais puisqu’il n’en est pas ainsi, je vais néanmoins évoquer la création des conseillers territoriaux.
Ma collègue Éliane Assassi vient de signifier notre opposition résolue à cette mesure. Les partisans de la réforme ont notamment justifié la suppression des actuels conseillers généraux et régionaux, dont l’existence est pourtant consubstantielle de celle des collectivités territoriales, par le fait que ces élus coûteraient cher. Cet argument est à l’évidence populiste, car une démocratie doit se donner les moyens de fonctionner correctement. De plus, chacun sait que les indemnités des élus ne constituent qu’une très faible part des budgets des collectivités locales. D’ailleurs, il est fort possible que la diminution du nombre des élus entraîne un accroissement des dépenses de fonctionnement de ces dernières.
Quoi qu’il en soit, l’objectif est manifestement de supprimer les départements, comme en témoignent également le renforcement de l’intercommunalité et la fin de la clause générale de compétence, prévus par ce projet de loi, ainsi que la suppression de la taxe professionnelle.
Qu’un même élu soit appelé à administrer à la fois la région et le département ne sera pas sans poser de nombreux problèmes, en particulier en termes d’efficacité. L’exercice par les conseillers territoriaux d’un ensemble très étendu de responsabilités ne contribuera pas, tant s’en faut, à rendre leur action plus compréhensible par nos concitoyens, alors que ceux-ci s’interrogent déjà parfois sur ce sujet. En outre, on ne perçoit pas non plus comment la coordination entre les départements et les régions s’en trouvera améliorée ; au contraire, une certaine paralysie ou une forme de bureaucratisation est plutôt à craindre. Votre idée de créer des suppléants destinés à aider ces « super conseillers » témoigne d’ailleurs des problèmes qui risquent fort de découler de l’instauration de ces derniers.
La mise en œuvre de votre projet conduira à la création de véritables professionnels de la politique : peut-être est-ce là votre objectif, mais, en tout cas, cela ne correspond guère aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent au contraire des élus proches d’eux, qui leur ressemblent, qui soient représentatifs de notre société. Cela risque d’être encore moins le cas à l’avenir qu’aujourd’hui ! Vous avez une conception très particulière du rapprochement entre élus et citoyens…
Enfin, s’agissant du mode de scrutin, est-il encore utile d’en parler, puisque l’adoption de l’amendement de M. About vous laisse désormais les mains libres…
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Il sera traité des modalités d’élection des conseillers territoriaux dans un projet de loi spécifique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes opposé à la tenue d’une discussion sur ce sujet lorsque l’opposition l’a proposée, puis vous l’avez acceptée quand il s’est agi d’examiner l’amendement de M. About ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Alors, permettez que nous abordions cette question, même si l’on peut se demander si cela en vaut encore la peine, dans la mesure où le Gouvernement a désormais la voie libre !
En tout cas, il est évident que le mode de scrutin que vous envisagez aboutira à la suppression du pluralisme. Ce que vous voulez, c’est instaurer le bipartisme : bien évidemment, nous ne pouvons être d’accord ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Voilà !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l’article.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le groupe socialiste s’oppose lui aussi résolument à la création des conseillers territoriaux, qui organise la fusion des départements et des régions. Si ce projet de loi est adopté, celle-ci s’opérera dans une confusion totale, la question des compétences ne devant être abordée que dans un texte ultérieur. Pour l’heure, l’incertitude est donc complète…
Par ailleurs, la création du conseiller territorial institutionnalise le cumul des mandats, ce qui n’est pas tout à fait dans l’air du temps, et instaure, Mme Borvo Cohen-Seat l’a souligné, des professionnels de la politique. En effet, les nouveaux élus, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, devront manifestement se consacrer à plein temps à leur mandat et ne seront donc pas en mesure d’exercer une profession. Pour autant, vous n’organisez nullement le statut de l’élu, alors que ces professionnels de la politique devront être rémunérés correctement, bénéficier de congés, d’un régime de retraite, en un mot de droits sociaux. Rien n’étant prévu à cet égard, vous allez au-devant de grandes difficultés. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que ces élus, même s’ils seront moins nombreux – cela rendra d’ailleurs très difficile le fonctionnement des conseils généraux –, coûteront plus cher que ceux qu’ils sont appelés à remplacer.
Surtout, nous nous opposons à la création du conseiller territorial pour des raisons de principe. La suppression des départements constitue une attaque frontale contre l’un des fondements de notre organisation administrative, d’autant que nous ignorons comment s’articuleront, à l’avenir, les compétences des départements et celles des régions.
D’autres difficultés, d’ordre politique, tiennent au mode d’élection envisagé : comment un président de région pourra-t-il diriger sereinement une assemblée qui comptera sans doute des présidents de conseil général d’une autre couleur que la sienne ? Avec quel mandat ceux-ci siégeront-ils à l’échelon régional ? En tout état de cause, ils ne manqueront pas, nous le savons bien, d’être très attentifs aux choix de l’exécutif régional… Ce sera là une difficulté majeure.
En fait, les arguments que vous avez avancés, notamment ceux qui ont trait au coût des élus, sont parfaitement fallacieux. L’objectif annoncé est de réduire les dépenses des collectivités. Telle était déjà la finalité de la réforme de la taxe professionnelle, qui a mis un terme à l’autonomie des collectivités territoriales et aboutira à leur mise sous tutelle. Désormais, le volume de leurs interventions, voire leurs interventions elles-mêmes, sera déterminé par l’État central. Le but réel, en définitive, est d’établir le pouvoir total de l’UMP sur les collectivités locales, notamment grâce à l’instauration d’un mode de scrutin dont nous avons dénoncé le caractère inique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Chers collègues de la majorité, vous aurez constaté comme nous, semaine après semaine, que ce projet de création du conseiller territorial ne passe pas auprès des assemblées d’élus locaux.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le savez, et j’ai le sentiment que vous défendez cette réforme comme le pendu défend sa corde ! D’ailleurs, nous vous avons connus beaucoup plus pugnaces, combatifs et convaincants. En l’occurrence, vous donnez vraiment l’impression de défendre ce texte par obligation.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pensez sans doute que puisque Nicolas Sarkozy l’a demandé, ce ne peut être que bon pour lui.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Arrêtez de penser pour nous !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, je n’en suis pas certain. Mais tant pis ! Nous ne nous plaindrons pas de ce qui arrivera lorsque de très nombreux élus locaux se sentiront humiliés par ce projet de loi.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Caricature !
M. Alain Gournac. Il fait les questions et les réponses !
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, si vous ne partagez pas mon sentiment, vous aurez tout le loisir de vous exprimer.
M. Jean-Pierre Michel. Ils ne le feront pas ! Ils ont l’interdiction de s’exprimer ! (M. Alain Gournac proteste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Le rôle du conseiller territorial tel que vous le concevez se traduirait par une « cantonalisation » des régions.
Les régions sont déjà asphyxiées par votre réforme de la taxe professionnelle. Leurs moyens vont être réduits.
Mme Colette Giudicelli. C’est faux !
M. Jean-Pierre Sueur. Élire des représentants régionaux sur une base cantonale est préjudiciable à l’affirmation de régions que nous voulons fortes à l’échelle internationale, afin de défendre l’université, la science, la recherche, l’économie et la technologie. Le mode de scrutin que vous préconisez et votre conception du conseiller territorial vont à rebours de cette ambition.
Mes chers collègues, j’ai été très étonné par l’amendement de M. About. Je me tourne donc vers vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez dit et répété à plusieurs reprises qu’il était exclu d’évoquer le mode d’élection des conseillers territoriaux – lequel ferait l’objet d’un projet de loi spécifique – et qui avez à ce titre refusé nos amendements, en arguant qu’ils étaient hors sujet et ne venaient pas au bon moment.
Or, quand M. About est arrivé avec cet amendement, …
M. Jean-Pierre Michel. À bout de souffle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. … qui est une sorte de compromis, je lui ai fait observer que le plat de lentilles qu’il pensait ainsi gagner était en fait un plat sans lentilles. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ce que M. About a gagné…
M. Guy Fischer. C’est sa place aux régionales !
M. Jean-Pierre Sueur. … c’est qu’il soit précisé que le mode d’élection des conseillers territoriaux intégrerait une partie territoriale et une partie proportionnelle. Mais, mes chers collègues, cette précision figure déjà dans le projet de loi !
Que signifie donc tout cela ? Monsieur le secrétaire d’État, après le découpage, nous avons eu droit au marchandage. Il fallait adopter le divin amendement de M. About afin que se dégage, au Sénat, une majorité pour créer ce conseiller territorial alors que personne, pas même vous, monsieur le secrétaire d’État, n’est convaincu de son utilité.
Nous, nous voulons que la vérité éclate dans cette enceinte !
M. Alain Gournac. La vérité socialiste !
M. Jean-Pierre Sueur. Et la vérité, c’est que bien peu d’élus, de droite, de gauche ou du centre, dans nos 36 700 communes, dans nos 102 départements, dans nos régions, soutiennent la création du conseiller territorial. Si le Sénat de la République était au diapason des élus de la République, il dirait « non » à la création de ce nouvel élu !
M. le président. Il ne vous reste que dix secondes, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, j’ai terminé puisque j’ai dit ce qu’il fallait en appelant mes collègues à dire « non » à la création du conseiller territorial pour être au diapason des élus de la République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Michel. Vive Mme Pécresse !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est pas de mot excessif ni d’image trop forte : l’article 1er du présent projet de loi sonne le glas de ce formidable mouvement de décentralisation qui, depuis vingt-cinq ans, dynamise notre pays, insuffle une démocratie nouvelle, conjugue action publique et proximité.
En effet, la création du conseiller territorial a bien vocation à préparer l’étouffement de l’action publique départementale telle que les lois de décentralisation l’ont structurée et fortifiée.
Si votre projet est adopté, l’histoire se souviendra d’un avant et d’un après.
Avant votre projet, nous aurons connu une époque bénéfique à une action publique locale dans laquelle le département a prouvé sa capacité d’adaptation aux transferts de compétences de l’État, a porté l’innovation, s’est inscrit dans la modernité, a été le premier niveau de péréquation et de mutualisation entre la ville et la campagne.
Après votre projet, commencera une période balisée par la création du conseiller territorial, laquelle marquera la fin d’une certaine conception de l’action publique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais non !
M. Yves Daudigny. Il n’y aura aucun gain de cohérence quand le même élu débattra en début de semaine de la protection de l’enfance et, en fin de semaine, des transports ferroviaires régionaux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est déjà le cas !