Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de Roselyne Bachelot-Narquin sur l’augmentation du prix de certains médicaments déremboursés.
Il faut rappeler que les prix des médicaments non remboursables sont fixés librement par les différents opérateurs. Les prix consentis par les fabricants peuvent effectivement varier de façon importante en fonction des quantités achetées par l’officine. En outre, les marges des pharmaciens ne sont pas réglementées. Des variations sont donc susceptibles d’être constatées d’une officine à l’autre, en fonction des quantités vendues et des choix effectués par les pharmaciens.
L’augmentation du prix d’un médicament après son déremboursement peut s’expliquer par plusieurs raisons.
Tout d’abord, s’agissant de produits souvent anciens dont le prix n’a généralement pas été réévalué depuis de nombreuses années, certaines firmes revoient le tarif lors du déremboursement, afin de se rapprocher du prix de revient.
Il peut aussi s’agir de compenser les pertes de volume engendrées par le déremboursement par une augmentation du prix, ce qui permet de continuer à commercialiser des médicaments qui, sinon, seraient retirés du marché.
Il faut également noter que le taux de TVA appliqué augmente à la suite du déremboursement, passant de 2,1 % à 5,5 %, ce qui entraîne une hausse, certes minime, du prix public.
Néanmoins, comme vous le soulignez, nous sommes parfois confrontés à des augmentations injustifiées. Afin d’aider le consommateur à faire jouer la concurrence entre les officines, un certain nombre de mesures ont déjà été adoptées.
En particulier, l’arrêté du 26 mars 2003 relatif à l’information du consommateur sur les prix des médicaments non remboursables dans les officines de pharmacie oblige les pharmaciens à pratiquer l’affichage des prix pour les produits non remboursables exposés à la vue du public.
En décembre 2007, la ministre de la santé et des sports a adressé un courrier aux pharmaciens les invitant à la maîtrise des prix après déremboursement. Elle travaille avec la profession pharmaceutique à un plan d’action global, qui permettra un exercice de la concurrence plus performant et une maîtrise des prix publics des médicaments non remboursables.
Mme Bachelot-Narquin a ainsi décidé la réforme du libre accès aux médicaments, possible depuis le 1er juillet 2008. Cette mesure prévoit la possibilité, pour le pharmacien d’officine, de présenter en accès direct au public les médicaments dits de « médication officinale », ce qui permet aux patients de comparer les produits.
Le Gouvernement a également créé, par un décret du 19 juin 2009, le statut de centrale d’achat pharmaceutique. Il donne aux pharmaciens la possibilité de se regrouper pour l’achat de médicaments non remboursables et leur permet de mieux négocier leur prix d’achat, ce qui profitera, in fine, aux patients.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que les services du ministère de la santé et des sports surveillent de très près l’évolution des prix des médicaments non remboursés.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette nouvelle réponse. Elle comporte quelques améliorations par rapport à la première, mais je ne suis pas pour autant rassuré !
La question que j’ai posée est en fait, à l’origine, celle d’un vieux monsieur de 83 ans, porte-drapeau des anciens de la Résistance. Je lui ai fait lire la réponse écrite de Mme Bachelot-Narquin, et il m’a ensuite dit qu’il ne s’était pas battu pour cela quand il avait 20 ans. Paraphrasant Camus, il m’a expliqué s’être engagé alors pour empêcher que le monde ne se défasse. Malgré les quelques améliorations apportées à la réponse, j’ai le sentiment que vous êtes en train de défaire le monde pour lequel ces gens se sont battus, souvent en sacrifiant leur vie. Je le déplore très vivement !
formation et recrutement des enseignants et avenir des iufm
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 730, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jacques Mézard. Ma question porte sur le recrutement et la formation des enseignants, et en particulier sur le devenir des instituts universitaires de formation des maîtres dans les départements ruraux dépourvus d’université.
À la suite de la réforme, la plupart des enseignants du premier et du deuxième degrés nouvellement recrutés se retrouveront devant des élèves sans pouvoir s’appuyer sur la moindre expérience professionnelle ni avoir bénéficié d'une formation adéquate. À nos yeux, cette vision du métier en minimise la dimension professionnelle et risque d’être très préjudiciable à la fois aux enseignants, qui seront démunis sur les plans pédagogique et didactique, et aux élèves, auxquels devrait être garanti un enseignement de qualité.
Par ailleurs, la réforme aboutira nécessairement, selon nous, à la fermeture des antennes délocalisées des IUFM dans les villes moyennes, du fait de la disparition de toute formation professionnelle en alternance nécessitant des lieux de stage. Pour cette raison, elle va à l’encontre des attentes et des objectifs annoncés et risque de priver les enseignants d’une formation tout à fait indispensable. Je souhaite demander aujourd’hui au Gouvernement de préciser le contenu du projet de réforme à cet égard et de nous indiquer clairement quel sort sera réservé aux IUFM des villes moyennes.
Dans un courrier adressé au maire d’Aurillac, le ministre précise que « les centres départementaux des IUFM ne disparaissent pas. Les universités “ intégratrices ” continueront de les gérer dans le cadre d’une politique académique du site. » Malheureusement, le directeur de l’IUFM régional m’a écrit l’inverse : « En ce qui concerne les antennes de l’IUFM, leur implantation territoriale devient caduque dans la mesure où, d’une part, leur éloignement du centre universitaire clermontois et, d'autre part, la disparition de toute formation professionnelle en alternance qui nécessite des lieux de stages, les condamne irrémédiablement. »
Les deux auteurs de question précédents ont évoqué la France profonde ; cette France profonde, nous souhaitons qu’elle sorte du gouffre dans lequel on l’enfonce. À cet égard, il y a certes la désertification rurale, mais la fuite de la matière grise est aussi un phénomène redoutable. Je voudrais donc une réponse claire et précise à la question suivante : que deviendront les antennes départementales des IUFM ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, au nom de Mme Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, je voudrais vous dire que vous avez entièrement raison : enseigner est un métier qui s'apprend et qui requiert une véritable formation professionnelle. C'est précisément pour cette raison que le Gouvernement a décidé de réformer la formation des maîtres.
Les futurs maîtres bénéficieront désormais d’une formation plus ouverte et véritablement adaptée à la réalité de leur métier, qui comprendra des disciplines littéraires et scientifiques, des cours de pédagogie et l'apprentissage d'une langue étrangère. Cette préparation leur permettra de mieux appréhender leur futur métier, ainsi que d'être mieux armés pour rebondir sur le marché du travail en cas d'échec au concours. Ne l’oublions pas, beaucoup de débouchés étaient jusque-là fermés aux étudiants concernés, du fait de la trop forte spécialisation de leur cursus.
Mais il ne s’agit là que d’une des facettes de la réforme. Le Gouvernement partage totalement, monsieur le sénateur, votre indignation contre le fait que de jeunes enseignants puissent être placés devant des élèves alors même qu'ils sont dépourvus de toute expérience professionnelle. Toutefois, cette situation, anormale, est celle que nous vivons aujourd'hui : elle ne résulte pas de la réforme ; bien au contraire, celle-ci prévoit la mise en place de stages professionnalisants avant même l'entrée en fonctions et une formation continue après le recrutement.
Il n'est en effet plus acceptable que des enseignants se voient confier une classe sans avoir été confrontés à la réalité du terrain au cours de leur formation. C'est pourquoi la réforme prévoit des stages d'observation et des stages pratiques en première année de master, puis des stages en responsabilité en deuxième année.
Enfin, soyez rassuré : la réforme ne remet nullement en cause l'existence des antennes des IUFM en tant que pôles universitaires de proximité. Mme Valérie Pécresse a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur ce sujet devant vos collègues députés. Elle a ainsi réaffirmé le rôle très important que les antennes IUFM auront à jouer dans la réforme, dans la mesure où il leur reviendra de gérer les stages et les formations au plus près du terrain, sur l'ensemble du territoire. Il est en effet très important que les étudiants puissent bénéficier d'une formation de proximité. Cette réforme offre donc toutes les garanties pour la mise en place d’une formation des maîtres adéquate et de qualité.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous connaissons le brio de Mme la ministre, mais nous jugerons sur pièces. Je ne suis pas complètement rassuré quant au devenir des antennes départementales des IUFM. Les indications données ne correspondent ni aux propos de certains présidents d’université, ni à ceux des directeurs d’IUFM. Mais gardons-nous des procès d’intention : si ces structures sont maintenues et continuent leur action au bénéfice des enseignants et des élèves, je ne manquerai pas d’en donner acte au Gouvernement.
augmentation de l'isvl pour parer aux difficultés de recrutement des lycées français à l'étranger
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 724, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de recrutement de plus en plus grandes de certains lycées français à l'étranger.
En effet, les enseignants expatriés sont appelés à disparaître ; ils sont de moins en moins nombreux dans nos établissements. Les personnels résidents des établissements d'enseignement français à l'étranger qui les remplacent peu à peu sont rémunérés par leur salaire français, auquel s'ajoute l'ISVL – l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale –, fixée par arrêté interministériel, et, éventuellement, un avantage familial.
Le taux de l'ISVL est censé compenser les différences de niveau de vie entre la France et les pays où résident les enseignants, en prenant en compte des particularités locales en matière de coût de la vie. Ces facteurs s’apprécient différemment selon les capitales ou zones géographiques où sont situées nos écoles. Or l'ISVL diminue, sans qu’il soit tenu compte des difficultés inhérentes à la vie dans certaines régions du monde : le coût, parfois exorbitant, du logement, une électricité très chère mais à la distribution défaillante, qui nécessite l'achat d'un groupe électrogène, l'insécurité notoire rendant impératives des dépenses de gardiennage, ou encore l'éloignement, qui occasionne des dépenses de transport très élevées pour la famille quand il s'agit de rentrer au moins une fois par an en France.
Bref, un poste de résident à Nairobi, à Douala, à Kinshasa n'est plus attractif. À tel point qu'à Nairobi, où j'ai récemment effectué un voyage, une dizaine de postes seront vacants ou susceptibles de l'être à la rentrée de 2010.
Par ailleurs, les conseils d'administration des établissements se voient confrontés à une difficulté d'interprétation du décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, aux termes duquel les résidents sont rémunérés uniquement par l'AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
S’ils font une lecture stricte de ce décret, les établissements sont placés dans l’impossibilité, même s'ils le souhaitent, de proposer à leurs enseignants une prime et/ou un billet d'avion par an. Certains conseils d'administration adoptent une lecture plus souple de ce texte, ce qui entraîne alors une nouvelle augmentation des frais d'écolage pour financer prime et billets d'avion, afin d’essayer de garder ou de recruter des enseignants résidents.
Une fois encore, ce sont les familles qui supportent péniblement cette nouvelle charge, occasionnée par le désengagement de l'État. Les établissements sont dans une situation inextricable, et certains d'entre eux risquent de ne pas être en mesure de pourvoir des postes dans des matières fondamentales dès la rentrée prochaine.
Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que le taux de l'ISVL soit conforme à la réalité des conditions de vie dans les pays de résidence des professeurs ? Quelles mesures prévoyez-vous afin de redonner l'envie à nos enseignants de travailler dans nos écoles françaises à l'étranger ? La survie d'un certain nombre d'entre elles en dépend, de même que la qualité de l'enseignement. En effet, une insuffisance du vivier d'enseignants titulaires de l'éducation nationale dans nombre de pays ouvrirait la voie à un recrutement moins exigeant, au recours à un personnel insuffisamment formé et qui n'offrirait pas toutes les garanties d’un enseignement de qualité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, la situation des personnels titulaires, expatriés et résidents, dans les établissements français du réseau de l’AEFE à l'étranger a connu une évolution importante ces dernières années.
D'un point de vue quantitatif, le nombre global des personnels titulaires a augmenté, passant de 5 941 à 6 420. Cependant, la répartition entre expatriés et résidents a changé. En effet, l’effectif des personnels expatriés est passé de 1 661 en 2002 à 1 200 aujourd'hui, tandis que, dans le même temps, celui des personnels résidents augmentait de 4 279 à 5 220.
Parallèlement, il a été demandé aux établissements, donc aux familles, de participer dans une mesure plus importante à la rémunération des personnels résidents. Dans un souci de rationalisation budgétaire, nous avons souhaité que les administrations et les opérateurs, tels que l'AEFE, augmentent la part d'autofinancement des établissements. Cette évolution s'est opérée en tenant compte de la spécificité des zones géographiques et des situations des établissements concernés. Les difficultés d'ordre géopolitique ou climatique et le manque de personnel local qualifié ont été pris en compte dans la politique de redéploiement des postes.
En ce qui concerne la rémunération, les personnels titulaires – expatriés et résidents – perçoivent un traitement en fonction de leurs statut, grade et échelon. Ils peuvent également bénéficier d’heures supplémentaires et d’indemnités diverses.
Les personnels expatriés perçoivent en plus une indemnité d'expatriation dont le taux est arrêté par le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère du budget. Ils sont également susceptibles de bénéficier de majorations familiales.
Les personnels résidents perçoivent quant à eux une indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale, l’ISVL. Ils peuvent aussi bénéficier d’un avantage familial qui doit couvrir a minima les droits de scolarité demandés. L'ISVL correspond à un pourcentage de l'indemnité d'expatriation. Elle diffère selon les zones et les pays, en fonction de critères tels que les effets de change, le coût de la vie et la situation géopolitique du pays. Son taux est réévalué à plusieurs reprises dans l'année.
Telles sont les informations que je peux vous donner, madame la sénatrice, concernant les conditions financières des personnels résidents et expatriés.
Vous m'avez également interrogé sur le nombre de postes de résidents qui seraient non pourvus. Je tiens à vous rassurer sur ce point : il est faible au regard du nombre global de postes au sein du réseau. En effet, à la rentrée de 2009, seuls 41 postes n'ont pas été pourvus, pour plus de 5 000 emplois.
En effet, garantir la qualité de l’enseignement exige de maintenir un nombre suffisant de titulaires. Aussi l’AEFE propose-t-elle des mesures en direction, d’une part, des personnels, et, d’autre part, des établissements.
S’agissant des personnels, l’AEFE procède à des réajustements tenant compte des difficultés constatées ou exprimées localement. Ces réajustements sont ensuite soumis à la tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère du budget, qui signent l’arrêté fixant le niveau de l’ISVL.
Ces réajustements peuvent s’avérer insuffisants dans certains pays connaissant une inflation importante, en particulier en matière de loyers et de coût des transports. Aussi les personnels concernés peuvent-ils disposer de facilitations telles que la mise à disposition de logements à prix réduit. C’est notamment le cas dans certains pays d’Afrique où l’attractivité des postes est faible.
Concernant les établissements, les services de l’agence ont pour mission de repérer et de gérer ceux ayant des difficultés à recruter. Si la situation l’exige, l’AEFE peut mettre gracieusement à leur disposition des personnels résidents.
Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, le Gouvernement est très attentif à la qualité de l’enseignement français à l’étranger.
recommandations de la halde contre les discriminations visant les roms en france
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 736, adressée à M. le Premier ministre.
M. Michel Billout. Trois mois après l’adoption de la délibération n° 2009-372 du 26 octobre 2009 par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, je souhaite interroger le Gouvernement sur la situation juridique et humanitaire des Roms dans notre pays, qui vivent souvent dans des conditions de dénuement et de précarité insupportables.
Au sein de l’Union européenne, on compterait entre 7 millions et 9 millions de Roms, natifs principalement de Roumanie et de Bulgarie. En France, leur nombre est estimé entre 8 000 et 10 000, dont environ 40 % d’enfants. Ce nombre est stable depuis vingt ans, et ce point mérite d’être souligné.
Depuis l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, les ressortissants de ces États, du fait des mesures transitoires qui leur sont applicables, ne sont ni considérés comme des citoyens communautaires à part entière ni comme des migrants non communautaires. Ils ne bénéficient donc que très imparfaitement de leurs droits.
Ainsi, les Roms bulgares et roumains séjournant en France doivent attendre plus de trois mois avant de pouvoir éventuellement bénéficier d’une couverture maladie. De plus, l’accès aux soins leur est rendu très difficile par la barrière de la langue, par la méconnaissance des dispositifs sociaux et par l’instabilité de leurs conditions de vie, liée notamment aux expulsions diverses dont ils sont l’objet.
Pour bénéficier d’un titre de séjour, les Roms bulgares et roumains doivent au préalable trouver un emploi et obtenir une autorisation de travail. Or, à la différence des autres citoyens de l’Union, qui peuvent se déplacer librement pour chercher un emploi, il leur est interdit de s’inscrire à Pôle emploi sans avoir obtenu un titre de séjour, lequel requiert préalablement un travail.
La taxe, variant entre 70 et 1 600 euros, que doivent payer à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, les employeurs désireux d’embaucher un travailleur étranger et la procédure d’autorisation de travail sont de véritables freins à l’emploi et ne peuvent qu’encourager les Roms à travailler illégalement ou à mendier.
Il convient de noter que, depuis le 1er juillet 2008, ces restrictions pour l’accès au marché de l’emploi ont été suspendues pour les citoyens des nouveaux pays membres de l’Union, à l’exception des Bulgares et des Roumains. Cette situation est particulièrement choquante : il y a deux poids, deux mesures !
Compte tenu de leurs conditions d’habitat précaires, peu de centres communaux d’action sociale acceptent de délivrer aux Roms un titre de domiciliation. Celui-ci est pourtant nécessaire pour scolariser les enfants, comme le souhaitent – les associations le confirment – la très grande majorité des familles roms. Les directeurs d’école, qui, selon une circulaire de 2002 de l’éducation nationale, peuvent inscrire les enfants même si le maire de la commune s’y oppose, n’exercent que très rarement cette prérogative. À cela s’ajoute l’usage très limité que font les autorités de l’État de leur droit à contraindre à l’inscription des enfants.
Le refus des autorités d’accompagner les Roms dans l’accès à leurs droits s’appuie souvent sur une théorie fictive, selon laquelle les Roms sont sans ressources et doivent, de ce fait, quitter le territoire, sans considération pour leurs droits fondamentaux. Or les témoignages recueillis sur le terrain font apparaître que lorsque leur situation est régularisée, les Roms accèdent à l’emploi, à un logement et sortent de l’extrême pauvreté.
Pour mettre un terme au traitement discriminatoire dont les Roms sont victimes, la HALDE a fait plusieurs recommandations au Gouvernement.
Il conviendrait, par exemple, de mettre fin par anticipation aux mesures transitoires applicables aux ressortissants bulgares et roumains, de régulariser les Roms roumains ou bulgares qui détenaient déjà un titre de séjour avant l’adhésion de leur pays à l’Union, de mettre en place un dispositif d’élection de domicile accessible et efficace, de permettre l’accès sans délai à l’aide médicale d’État pour les femmes enceintes et toute personne malade, ou encore de rappeler aux préfets, aux recteurs et aux directeurs d’établissement leurs obligations en matière d’inscription à l’école des enfants roms.
Selon la délibération de la HALDE, ces recommandations devront être mises en œuvre par le Gouvernement dans un délai de douze mois et celui-ci devra faire part sous quatre mois des suites qu’il compte y donner. Puisque nous sommes presque au terme de ce second délai, pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quelles pistes le Gouvernement entend suivre pour répondre au mieux aux recommandations de la HALDE ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le sénateur, vous avez voulu alerter le Gouvernement sur la situation des Roms en France. Vous m’interrogez en particulier sur la mise en œuvre des recommandations faites en octobre 2009 par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Je souhaite vous indiquer au préalable que, depuis la nomination de Pierre Lellouche, et en liaison étroite avec nos collègues Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux et Éric Besson, c’est un sujet que le Gouvernement suit avec la plus grande attention.
En effet, la situation des Roms en France est inacceptable. Ils sont victimes de réseaux qui les contraignent à vivre dans des conditions déplorables.
Les ressortissants roumains et bulgares, qu’ils soient Roms ou non, n’ont pas moins de droits que les autres citoyens de l’Union européenne. Ils sont soumis à un régime transitoire, issu des traités d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne.
Tout d’abord, ce régime prévoit des mesures transitoires en matière d’accès au marché du travail, qui s’appliqueront en France jusqu’au 31 décembre 2013 au plus tard.
Ensuite, ce régime prévoit que, pour exercer une activité professionnelle salariée, les travailleurs roumains et bulgares restent soumis à l’obligation de détenir une autorisation de travail. De nombreux emplois leur sont toutefois ouverts en France ; il existe en effet une procédure simplifiée qui concerne près de cent cinquante métiers.
Enfin, ce régime prévoit que les ressortissants bulgares et roumains s’acquittent des taxes de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Ce sont ces taxes qui permettent de financer les actions d’intégration des populations étrangères en France au travers du parcours d’intégration. Elles permettent également de financer des programmes spécifiques d’aide à la réinstallation, adaptés aux besoins des migrants qui souhaitent créer une activité économique dans leur pays d’origine. Réduire ces taxes de l’OFII reviendrait donc à diminuer les moyens financiers de politiques à destination des étrangers.
S’agissant des Roms de nationalité roumaine ou bulgare, il faut rappeler que le cœur du problème n’est pas l’accès aux droits ; il réside dans le non-respect de la liberté de circulation, véritable acquis de la construction européenne, par des réseaux criminels se livrant au trafic d’êtres humains.
Les questions d’accès à l’emploi, d’intégration et d’accès aux prestations sociales ne peuvent trouver une solution durable qu’à deux conditions : les États doivent être en mesure de permettre l’intégration sociale et économique de leurs ressortissants ; ils doivent également s’engager dans la lutte contre les réseaux de trafic d’êtres humains.
Dans le cadre de la présidence espagnole de l’Union européenne et de la préparation du deuxième sommet européen sur les Roms de Cordoue, qui se tiendra le 8 avril prochain, la France fera des propositions à ses partenaires européens. Monsieur le sénateur, notre pays entend être un moteur dans l’action en vue d’une meilleure intégration des Roms. Le Gouvernement sera évidemment très attentif à ce sujet dans les semaines à venir.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d’État, vous partagez le constat, fait par beaucoup d’entre nous, de la situation indigne des Roms. Pour autant, je n’ai pas noté dans vos propos beaucoup d’éléments susceptibles de me rassurer sur la volonté du Gouvernement de mettre un terme aux discriminations dont ils sont victimes.
Je serai bien sûr très attentif aux propositions que fera le Gouvernement français en vue du sommet de Cordoue, mais permettez-moi de vous rappeler que recourir au régime transitoire est pour les États membres de l’Union européenne une possibilité, et nullement une obligation. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux y ont renoncé. J’aurais donc souhaité entendre de votre bouche que l’État français ne maintiendra pas ce régime transitoire jusqu’au 31 décembre 2013. J’espère que cette annonce sera faite à Cordoue.
J’y insiste, car tous les témoignages sur le terrain le montrent : grâce au soutien, notamment, des municipalités, les Roms, qui ne sont pas tous victimes des réseaux que vous dénoncez, peuvent bénéficier d’un accompagnement social, de la scolarisation de leurs enfants, de l’accès à un logement décent et d’un emploi stable.
À cet égard, dans mon département, les villes de Cesson et de Roissy-en-Brie font figure d’exemples en permettant à des familles roms de s’intégrer à la vie locale par la mise à disposition d’un terrain pour le stationnement des caravanes, la scolarisation des enfants et l’accompagnement social des parents. Et les résultats sont là : conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, bonne scolarisation des enfants, accès à un logement imminent.
Ces exemples pourraient contribuer à la définition d’une véritable politique de prise en charge et d’accompagnement social, sanitaire et éducatif non discriminatoire. J’engage le Gouvernement à y œuvrer.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)