compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du mercredi 23 décembre 2009 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Remplacement d'un sénateur

M. le président. M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a fait connaître au Sénat que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Marie-Agnès Labarre est appelée à remplacer, à compter du 8 janvier 2010, à zéro heure, en qualité de sénatrice de l’Essonne, M. Jean-Luc Mélenchon, dont l’élection comme représentant au Parlement européen est devenue définitive. (M. Guy Fischer applaudit.)

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la bienvenue. J’espère qu’elle trouvera immédiatement sa place dans notre maison grâce à l’accueil que lui feront non seulement le groupe auquel elle se rattachera mais aussi l’ensemble des sénateurs.

3

Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 24 décembre 2009, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Fabienne Keller, sénateur du Bas-Rhin, en mission temporaire auprès de M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, et de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Cette mission portera sur la politique transfrontalière.

Acte est donné de cette communication.

4

Organisme extraparlementaire

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la commission permanente pour l’emploi et la formation professionnelle des Français de l’étranger.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

5

Audition au titre de l’article 13 de la Constitution

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 6 janvier 2010, a estimé souhaitable, sans attendre l’adoption des règles organiques qui permettront la mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution, de mettre la commission intéressée en mesure d’auditionner, si elle le souhaite, M. Yannick d’Escatha, en qualité de président du conseil d’administration du Centre national d’études spatiales, dont le mandat viendra à échéance le 27 janvier prochain.

Acte est donné de cette communication, et ce courrier est transmis à la commission de l’économie.

6

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. Par courriers en date du 29 décembre 2009, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 2009 et de la loi de finances pour 2010.

Acte est donné de ces communications.

7

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, la présentation des vœux à l’ensemble des membres du Parlement par M. le Président de la République, le mercredi 13 janvier 2010 à dix-sept heures trente, ainsi que l’indisponibilité de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, cet après-midi pour le débat prévu sur le Moyen-Orient, ont des incidences sur notre ordre du jour de cette semaine.

Après concertation avec le Gouvernement ainsi qu’avec les groupes et les commissions directement intéressés, je vous ai fait adresser dès le samedi 9 janvier une modification de l’ordre du jour.

L’ordre du jour de la semaine s’établira donc comme suit :

Aujourd’hui, mardi 12 janvier 2010

Cet après-midi :

- Débat d’initiative sénatoriale « Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ? ».

Ce débat correspond à une première. En effet, programmé initialement dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous avions décidé ensemble de le reporter dans le cadre d’une semaine de contrôle. Ce sera sans doute un exemple à suivre pour alléger l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale mais aussi la discussion budgétaire.

Notons que l’année 2010 verra probablement fleurir de nombreux débats, échanges et propositions sur ce thème.

- Débat d’initiative sénatoriale sur l’évaluation de la loi de modernisation de l’économie.

Ce soir :

- Débat d’initiative sénatoriale sur le Moyen-Orient.

À cet égard, j’invite chacun de ceux qui interviendront cet après-midi à respecter son temps de parole afin que cet important débat puisse se dérouler à un horaire qui nous permettra d’avoir une discussion de qualité.

Mercredi 13 janvier 2010

À 14 heures 30 :

- Désignation d’un membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

Ordre du jour réservé au groupe de l’UMP :

- Proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Si l’examen de cette proposition de loi ne pouvait être terminé avant le départ collectif prévu vers seize heures trente pour le Palais de l’Élysée, ce débat ne serait repris, en raison de l’emploi du temps du ministre, que le jeudi 14 janvier au soir. Afin d’éviter ce report en séance de nuit, des moyens particuliers de transport seront mis à disposition des sénateurs présents en séance s’il paraissait possible d’achever ce débat avant la cérémonie des vœux.

À 21 heures :

- Débat d’initiative sénatoriale sur l’évaluation de la loi sur le service minimum dans les transports.

Jeudi 14 janvier 2010

À 9 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, présentée par MM. François Patriat et Robert Badinter et les membres du groupe socialiste ;

- Question orale avec débat de M. Jean-Louis Carrère sur l’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ;

À 15 heures :

- Questions d’actualité au Gouvernement ;

À 16 heures 15 :

Ordre du jour réservé au groupe de l’Union centriste :

- Proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels, présentée par M. Jean Arthuis et plusieurs de ses collègues ;

Suite de l’ordre du jour réservé au groupe de l’UMP :

- Proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre ;

Éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Y a-t-il des observations ?...

L’ordre du jour sera donc ainsi aménagé.

8

Retrait d'une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 719 de M. Alain Fouché est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

9

Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ?

Débat d'initiative sénatoriale

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’initiative sénatoriale « Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ? ».

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, comme l’a déclaré le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin 2009, l’année 2010 doit être l’occasion de remettre à plat notre système de retraite, en n’éludant aucune question ni, surtout, aucune solution.

Compte tenu de l’effet amplificateur de la crise sur la dégradation des comptes de la branche vieillesse et de l’urgence à agir, la modification des paramètres actuels est, j’y insiste, inévitable.

Nous connaissons bien les différentes manières d’agir sur le pilotage du système par répartition, mais je crois utile de les rappeler pour la clarté de notre débat.

La première consisterait à réduire le montant des pensions de retraite. J’exclus d’emblée ce scénario, car il reviendrait à abaisser le niveau de vie des retraités, dont nous savons qu’il est déjà, pour certains d’entre eux, peu élevé. Je le répète, puisque l’on me fait quelquefois dire le contraire : il est exclu de réduire le montant des pensions de retraite !

La deuxième solution repose sur une hausse des cotisations de retraite. Elle a le mérite de la simplicité, mais, à moins que l’augmentation ne soit compensée par une diminution équivalente d’autres cotisations, elle présenterait deux inconvénients majeurs : d’une part, elle pèserait évidemment sur la compétitivité des entreprises et donc sur l’emploi ; d’autre part, elle aboutirait à taxer plus fortement les jeunes générations que les précédentes, ce qui affaiblirait encore davantage la solidarité intergénérationnelle.

La troisième solution, qui a été privilégiée jusqu’à présent, est l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Comme le prévoit déjà la loi de 2003, cette durée sera de quarante et une annuités en 2012. Doit-on désormais la porter à quarante-deux, voire à quarante-trois annuités ? Cela paraît assez légitime compte tenu de l’allongement parallèle de l’espérance de vie. Toutefois, avant d’emprunter cette voie, il faut garder à l’esprit que l’allongement de la durée de cotisation ne produit, en réalité, que des effets limités sur l’âge effectif de départ en retraite. Ainsi, le recul de l’âge moyen de départ en retraite résultant de la réforme de 2003 ne serait que d’environ deux mois et demi dans le secteur privé et d’environ un an et demi dans la fonction publique, selon les premières conclusions du COR, le Conseil d’orientation des retraites.

En revanche, un quatrième levier pourrait permettre d’obtenir des résultats plus significatifs. Il consisterait à repousser l’âge légal de départ à la retraite. En France, je le rappelle, cet âge a été abaissé à soixante ans en 1983. Or, ce qui, à l’époque, avait été présenté et vécu comme un progrès social entre aujourd’hui en contradiction avec les évolutions démographiques en cours. L’espérance de vie ne cessant d’augmenter, la période consacrée au travail au cours d’une vie est de moins en moins longue. En 1960, on passait près des trois quarts de sa vie au travail, aujourd’hui, on y consacre la moitié seulement. La logique voudrait donc, vous en conviendrez, que l’on repousse l’âge légal de départ en retraite, comme l’ont fait plusieurs de nos voisins européens.

Cependant, l’activation de ce levier se heurte à deux obstacles de taille : le premier est le taux d’emploi des seniors, le second est la pénibilité, sujets sur lesquels je vais maintenant m’attarder.

Nous le savons, pour le déplorer, la France présente malheureusement l’un des taux d’emploi des seniors – il s’agit des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans – les plus bas des pays développés : il est aujourd'hui de 38 %. Cette singularité résulte des politiques publiques menées des années soixante-dix jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix. Au nom de la sauvegarde de l’emploi, notre pays a choisi la voie du partage du travail en incitant les salariés les plus âgés à partir en préretraite pour laisser la place aux plus jeunes. Avec la multiplication des mesures d’âge – dispositifs de préretraite, mises à la retraite d’office –, les seniors ont fini par être considérés comme inemployables. La politique de cessation anticipée d’activité des travailleurs âgés est devenue une véritable « culture de la sortie précoce », partagée par l’ensemble des acteurs du marché du travail. Elle a entraîné une spirale d’effets pervers, dont la dépréciation et l’inactivité des seniors me paraissent être les plus graves.

Fort heureusement, cette tendance est en train de s’inverser. Je tiens, à ce stade, à saluer les efforts entrepris par le Gouvernement, notamment à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009.

Permettez-moi de rappeler, monsieur le président, que, en 2006, lorsque vous exerciez des responsabilités gouvernementales, vous aviez mis en œuvre une série de dispositions visant à favoriser l’emploi des seniors, lesquelles, on peut le dire, n’avaient pas suscité un enthousiasme délirant de la part des partenaires sociaux ! Ils vous avaient laissé bien seul…

M. le président. On peut parler de délire contenu ! (Sourires.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très contenu ! J’en ai été le témoin. Une réaction de cette nature doit être assez déconcertante lorsqu’on est en charge de telles responsabilités, mais vous en étiez alors au début de la concertation sur ce sujet. Les dispositions qui ont alors été mises en place ont depuis été amplifiées par les gouvernements suivants, jusqu’à en arriver au PLFSS de 2009.

De réelles avancées en matière d’emploi des seniors ont eu lieu, que ce soit grâce à la libéralisation du cumul emploi-retraite, à la revalorisation de la surcote, à l’aménagement de la mise à la retraite d’office ou, très récemment, à la conclusion d’accords dans les entreprises. S’il est encore bien évidemment trop tôt pour dresser le bilan de ces mesures, les premiers résultats sont encourageants : la mobilisation pour l’emploi des seniors est en marche.

Je pense néanmoins qu’il est indispensable, dans le contexte économique actuel, de la confirmer et même, bien évidemment, de l’amplifier. La crise ne doit pas servir d’alibi pour revenir aux mauvaises pratiques d’éviction des seniors afin d’ajuster les effectifs des entreprises ou d’éviter des licenciements économiques.

M. Guy Fischer. Cela continue !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’en reviens maintenant au lien entre emploi des seniors et âge de départ à la retraite.

La question du relèvement de l’âge de départ à la retraite doit en effet s’apprécier au regard de la situation de l’emploi des seniors, car, comme je l’ai déjà dit, reporter l’âge de la retraite ne conduit pas mécaniquement à un recul équivalent de l’âge de cessation d’activité. Une récente étude sur le sujet montre ainsi que l’âge auquel les personnes cessent définitivement d’être en emploi et celui auquel elles liquident un premier droit à la retraite ne coïncident que rarement. Les Français arrêtent de travailler en moyenne un an et demi avant de prendre leur retraite. Entre-temps, ils sont en invalidité, en préretraite ou, malheureusement, au chômage.

Dans ces conditions, retarder l’âge de départ à la retraite sans favoriser le maintien dans l’emploi des seniors aboutirait à augmenter le nombre des demandeurs d’emploi.

Le second obstacle est la pénibilité. Elle mesure les inégalités d’exposition aux risques professionnels. Or celles-ci sont fortes, ce qui pose la question de l’équité d’une démarche qui tendrait à prolonger de manière généralisée la vie active. La loi de 2003 portant réforme des retraites prévoyait l’engagement d’une négociation interprofessionnelle sur le sujet dans les trois ans. Celle-ci a bien commencé en février 2005, mais, en dépit de quelques avancées sur le volet « prévention », elle s’est soldée par un échec en juillet 2008.

Ce dossier m’inspire une série d’observations.

Je suis tout d’abord convaincu qu’il faut privilégier une approche individuelle de la pénibilité, tout en posant des règles collectives. Ce n’est pas le métier qui définit la pénibilité, ce sont plutôt les conditions d’exercice pour un individu donné en fonction de différents critères : pénibilité physique, pénibilité liée à un temps de travail atypique, pénibilité liée à l’environnement, etc. Ainsi une infirmière n’exerce-t-elle pas le même métier selon qu’elle travaille dans un service de soins palliatifs, dans une maternité ou dans un établissement scolaire.

J’insiste par ailleurs sur la nécessité de trouver un juste équilibre dans la prise en compte de la pénibilité : d’abord, la mise en place d’un système trop généreux risquerait d’être financièrement très coûteuse ; ensuite, il ne faudrait pas que la promesse de préretraite soit une nouvelle manière d’imposer à certains travailleurs le maintien de conditions de travail difficiles dans l’exercice d’une profession pénible.

Je rappelle en outre que le débat sur la pénibilité constitue manifestement une spécificité française : aucun pays européen n’a songé à mettre en œuvre pareil dispositif à l’échelon national.

Je finirai par un constat : quels que soient les paramètres qui seront modifiés, le problème du financement des régimes de retraite ne sera pas résolu pour autant. Il ne peut s’agir que de mesures à court terme, compte tenu des besoins de financement à satisfaire à l’horizon 2020-2050. Selon les simulations de la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, porter l’âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans apporterait au régime général 6,6 milliards d’euros en 2020, mais seulement 5,7 milliards d’euros en 2050, sur un déficit prévisionnel de plus de 46 milliards d’euros.

Au-delà de cette première étape d’ajustement, il est donc indispensable de réfléchir à d’autres modes de gestion de l’assurance vieillesse, car elle ne suffira pas à enrayer le mouvement de dégradation des comptes de la branche vieillesse. Elle ne constituera pas non plus une solution solide face au vieillissement démographique. Je n’évoquerai pas ici les besoins de financement des pensions civiles et militaires : ils sont proportionnellement encore plus importants et tout aussi inquiétants.

Sur l’initiative de la commission des affaires sociales, le Parlement a demandé au COR d’étudier les conditions dans lesquelles nos régimes par annuités pourraient être transformés en régimes par points, voire en comptes notionnels, sur le modèle suédois et bien d’autres modèles européens.

M. Guy Fischer. Cela ne marche pas !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous sommes conscients qu’aucun de ces modes de calcul des pensions ne constitue une formule magique permettant d’assurer le retour à l’équilibre financier d’un régime de retraite structurellement déficitaire ; mais chacun d’entre eux présente des avantages et des inconvénients, ce qu’il est important de savoir. Le rapport du COR, qui sera remis le 28 janvier prochain, constituera donc une base de travail dont nous attendons beaucoup en vue du rendez-vous de 2010. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’excellente intervention du rapporteur pour l’assurance vieillesse, M. Dominique Leclerc, qui témoigne à la fois de sa grande maîtrise du sujet des retraites et de sa lucidité quant aux défis à venir, je voudrais simplement vous livrer quelques observations.

La première porte sur l’incidence du choc démographique sur notre système de retraite. Deux phénomènes le caractérisent : l’arrivée à l’âge de la retraite, à partir de 2006, des générations nées après la Seconde Guerre mondiale – c’est le fameux « papy-boom » – et l’augmentation de l’espérance de vie de six ans depuis le début des années quatre-vingt.

En 2050, la France comptera, selon les projections actuelles, soixante-dix millions d’habitants : une personne sur trois sera alors âgée de soixante ans ou plus et onze millions de Français auront soixante-quinze ans et plus, contre cinq millions en 2005.

Cette évolution structurelle emporte des conséquences irréversibles sur les régimes de retraite. Évidemment, le vieillissement de la population accroît mécaniquement les dépenses de retraite, qui progressent plus vite que les cotisations. Il en résulte des déficits croissants et vertigineux : ils atteindront 25 milliards d’euros, tous régimes confondus, en 2020 et près de 70 milliards d’euros en 2050.

Inévitablement, nous devrons consentir des efforts pour répondre à ces besoins de financement. L’allongement de la durée d’assurance et de la durée d’activité me semble être la meilleure garantie, et la plus juste, pour assurer un haut niveau de retraite sans reporter sur les actifs de demain une charge démesurée.

Ma seconde observation porte sur un sujet qui se situe à la périphérie de notre débat sur les retraites, mais qui lui est étroitement lié : la prise en charge de la dépendance. Je crois d’ailleurs que le Gouvernement souhaite traiter ces deux dossiers parallèlement.

J’aborderai cette question sous l’angle du développement de l’offre de soins à domicile. Nous le savons, nos concitoyens, dans leur grande majorité, souhaitent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible et considèrent que le maintien à domicile doit être une action prioritaire de l’État. Cela suppose de renforcer l’aide aux tâches domestiques et l’accompagnement des actes de la vie quotidienne, d’améliorer l’aménagement des logements et d’accroître les aides techniques. Dans tous ces domaines, les besoins sont immenses.

Or le secteur du maintien à domicile souffre de nombreuses faiblesses qui l’empêchent de prendre véritablement son essor.

Il reste fragmenté entre différents décideurs, différents financeurs et différents producteurs. N'est-il pas singulier que nous n’ayons pas une politique de maintien à domicile pilotée et financée de manière cohérente ? La Cour des comptes avait déjà dénoncé, l’an dernier, la persistance, en dépit de ses recommandations passées, d’une multiplicité d'intervenants auprès d'une même personne – aides à domicile, infirmières, aides-soignants, personnels médicaux et paramédicaux – et leur manque de coordination.

Ensuite, ce secteur est confronté à l'insuffisante qualification de son personnel. Face à l'augmentation du nombre des services mandataires et prestataires d'aide à domicile, se pose légitimement la question de leur qualité et de la confiance qu’il est possible de leur accorder. Au-delà de l'enjeu quantitatif, il y a donc aussi un défi qualitatif à relever dans le secteur du maintien à domicile.

J'en viens à ma dernière observation : le financement de la dépendance. Comme vous le savez, dès l'annonce par le Président de la République, à la fin de 2007, d’un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque, le Sénat a constitué sur ce thème une mission commune d'information, dont j'ai l'honneur d'être membre, entre la commission des affaires sociales et la commission des finances. La mission a établi un rapport d'étape afin de faire le point sur ce sujet majeur de société pour lequel nos concitoyens attendent des réponses pertinentes et pérennes, à la hauteur des enjeux.

Notre mission s'est d'abord attachée à expliquer pourquoi le statu quo n'est pas tenable à terme. Certes, des efforts financiers très importants ont été engagés depuis plusieurs années, comme la mise en œuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie, la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ou l'instauration d'une journée de solidarité. Mais, parallèlement, les ressources à mobiliser pour les personnes âgées en perte d'autonomie n'ont cessé d'augmenter : elles approchent aujourd'hui une vingtaine de milliards d'euros, soit un peu plus de 1 % du PIB.

Dès lors se pose la question de la soutenabilité de la dépense publique. D'un côté, le nombre de personnes en situation de perte d'autonomie va continuer de croître. De l'autre, la dette publique accumulée, le poids déjà lourd des prélèvements obligatoires et la montée inéluctable des dépenses de maladie et de retraite liées au vieillissement de la population imposent de procéder à des arbitrages.

Partant de ce constat, notre mission a formulé quatre séries de préconisations.

Premièrement, il faut prévoir plus d'équité en faveur des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, en instaurant un mécanisme de prise de gage sur le patrimoine.

Deuxièmement, il convient de maîtriser le reste à charge en établissement et d’accroître l'efficience de la dépense en établissements d'hébergement.

Troisièmement, la mission propose de mettre en place un financement mixte du cinquième risque, faisant intervenir les assurances, les mutuelles et les institutions de prévoyance aux côtés de la solidarité nationale.

Quatrièmement, enfin, il est nécessaire de créer les conditions d'une bonne gouvernance du cinquième risque.

Les propositions de notre mission pourront, je l’espère, utilement enrichir le projet de loi annoncé pour cette année.

Je laisse maintenant la parole aux orateurs des groupes pour un débat qui, j'en suis persuadée, sera riche en propositions et critiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux représentants de la commission et aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à cinq minutes réparties de la manière suivante : deux minutes pour la question, deux minutes pour la réponse et une minute pour une réplique éventuelle.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer deux questions aux groupes UMP et socialiste et une question aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE.

Dans la suite du débat, nous en sommes parvenus aux interventions des orateurs des groupes.

La parole est à M. Gilbert Barbier.