PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Travail et emploi » que j’ai l’honneur de vous présenter a fait l’objet d’une discussion constructive à l’Assemblée nationale. Sans doute nos débats permettront-ils de l’enrichir encore, et je veux d’ores et déjà saluer le travail réalisé par les commissions des finances et des affaires sociales et leurs présidents respectifs, Jean Arthuis et Muguette Dini. Je veux également remercier les rapporteurs, MM. Serge Dassault et Catherine Procaccia, qui a aujourd'hui prêté sa voix à Alain Gournac.

Le volet « travail » de la mission « Travail et emploi » a une importance fondamentale, car il est au cœur de la politique de revalorisation du travail que mène le Gouvernement, et j’entends bien, à la tête de ce ministère, le replacer au centre de nos politiques sociales. Le travail est en effet la source de l’innovation, le moteur de la création de richesses dans notre pays. C’est sur lui que reposent l’équilibre de nos modèles de solidarité intergénérationnelle et la solidité de notre cohésion sociale.

Voilà pourquoi toute notre action doit tendre à le promouvoir et à le garantir.

Afin nous donner les moyens de cette ambition, au sein de la mission « Travail et emploi » le projet de budget porte inscription de 891 millions d’euros de crédits pour les programmes qui correspondent au champ « travail », à savoir les programmes 111 et 155, conformément au à la programmation triennale 2009-2011.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit les crédits nécessaires pour répondre aux nouveaux défis que doit relever le ministère du travail, et l’activité de mon ministère s’est organisée autour de quatre grands chantiers.

Le premier consiste à renforcer la politique de santé et de sécurité au travail, afin de permettre à tous ceux qui travaillent de le faire dans de bonnes conditions, quel que soit leur âge. La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est une nécessité si nous voulons que notre société connaisse à la fois le progrès économique et le progrès social. Le projet de loi de finances consacre 30 millions d’euros à cette politique, ce qui représente une progression de plus de 20 % par rapport aux crédits que vous aviez votés l’an dernier.

Poursuivant l’effort engagé par le premier plan santé au travail pour réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles, le deuxième plan santé au travail pour 2010-2014, qui sera mis en place à partir du début de l’année prochaine, aura pour objectif de mieux prendre en compte les nouveaux risques professionnels, dont il est, à juste titre, beaucoup question aujourd'hui : les risques psycho-sociaux et les pathologies plus classiques liées au travail, c'est-à-dire les troubles musculo-squelettiques et les risques liés à l’utilisation de produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques.

Afin de mieux connaître ces nouveaux risques professionnels, le programme 111 finance l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, à hauteur de 9,7 millions d’euros et l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, à hauteur de 12,5 millions d’euros. J’espère d’ailleurs que le dispositif de prévention des risques sera encore plus performant une fois réalisée la fusion de l’AFSSET et de l’AFSSA.

De façon complémentaire, je poursuis la réforme des services de santé au travail, qui fera l’objet d’un projet de loi au début de 2010. À cet effet, je réunirai après-demain le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, et j’ai adressé aux partenaires sociaux un document présentant les principaux axes de cette réforme : développer sur le terrain les équipes pluridisciplinaires de santé au travail ; instaurer la transparence en matière de gestion financière des services de santé au travail, avec publication et certification des comptes ; réformer la gouvernance. Je me suis d’ailleurs rendu, pas plus tard que la semaine dernière, dans un service de santé au travail interentreprises, à Bordeaux, afin d’étudier avec les différents acteurs la manière dont cette action est conduite.

L’ANACT joue un rôle important dans la politique d’amélioration des conditions de travail. Sa subvention a été fixée à 12,49 millions d’euros, ce qui représente un retour au niveau de la loi de finances initiale pour 2008, après la réduction opérée en 2009.

Dans le cadre du plan d’urgence pour la prévention du stress au travail, que j’ai lancé en anticipation du deuxième plan santé au travail, j’ai décidé que l’ensemble de ces actions seraient menées en direction des PME et des TPE.

L’ANACT joue aussi un rôle décisif à travers la gestion du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail, le FACT, qui finance des investissements immatériels ou des études préalables afin de permettre aux entreprises d’améliorer les conditions de travail de leurs salariés. Ce fonds a vocation à monter en puissance, comme en témoigne la progression de ses crédits, qui passeront de 1,9 million d’euros en 2009 à 3 millions d’euros en 2010.

Le deuxième chantier concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, sujet qui a été souvent évoqué ici.

Mme Annie David. Très souvent !

M. Xavier Darcos, ministre. Dans un pays où 83 % des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans travaillent, les femmes sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel…

M. Xavier Darcos, ministre. … et leur rémunération est inférieure en moyenne de 27 % à celle des hommes. C’est un scandale !

Mme Annie David. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre. Il faudra non seulement veiller à l’application des lois existantes, mais également aller plus loin. C’est la raison pour laquelle le programme 111 financera, à hauteur de 11 millions d’euros, les actions développées en faveur de la qualité et de l’effectivité du droit dans ce domaine.

Par ailleurs, à la suite du rapport que m’a remis Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, j’ai invité les partenaires sociaux à négocier, en vue de préparer un projet de loi pour le début de 2010 sur l’ensemble de ces questions.

Promouvoir le travail, c’est aussi mettre un terme à l’immense gâchis que représente la mise à l’écart des travailleurs dès qu’ils ont plus de cinquante ans, et cela constitue notre troisième chantier.

De fait, cette mise à l’écart ne satisfait personne, ni les salariés, ni les entreprises, et elle nuit à notre modèle social. C’est pourquoi le ministère du travail poursuit la politique engagée par le Gouvernement en faveur de l’emploi des seniors, en incitant les entreprises à prendre leurs responsabilités. J’ai d’ailleurs observé que M. Plancade, Mme Le Texier et Mme Demontès ont indirectement évoqué ce sujet.

Le plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors 2006-2010 a pour objectif de relever le taux d’emploi des 55-64 ans au-dessus des 50 % à l’horizon 2010. Nous en sommes à peine à plus de 38% aujourd’hui…

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 fait obligation aux entreprises de plus de 50 salariés d’être couvertes par un accord de branche. À défaut d’en avoir signé un avant le 1er janvier 2010, une pénalité de 1 % de la masse salariale est prévue en cas de manquement à cette obligation. Je tiens à dire à la Haute Assemblée que je suis déterminé à mettre en œuvre cette disposition.

Mme Annie David. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre. Le quatrième chantier est celui du renforcement du dialogue social.

À cet égard, nous consacrons 26,6 millions d’euros à la formation des personnels syndicaux. Nous le faisons aussi pour la formation des conseillers prud’homaux.

Pour accompagner la mise en place de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, nous développons aussi un programme de mesure de l’audience de la représentativité syndicale : c’est le projet MARS, auquel nous consacrons 11 millions d’euros en autorisations d’engagement. Pour ce faire, nous avons lancé un appel d’offres dont l’échéance est fixée à 2013.

Pour terminer, je dirai que le ministère du travail se donne les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ces objectifs, tout en veillant à l’efficacité de la dépense et de l’action publiques.

Nous poursuivons en premier lieu le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail : 60 agents supplémentaires seront recrutés en 2010 – 50 inspecteurs, 10 médecins et ingénieurs et 100 contrôleurs. Au total, l’inspection du travail aura bénéficié du renfort de près de 700 agents sur une période de cinq ans. C’est considérable !

Cette progression s’inscrit dans le cadre du programme de fusion des services de l’inspection du travail des ministères de l’agriculture, des transports et du travail, qui est entrée en vigueur au début de cette année ; l’année 2009 est donc une année de transition. Cette fusion ayant montré son efficacité, nous poursuivrons la mobilisation de l’ensemble de ces personnels.

D’ailleurs, en 2010, nous allons généraliser les nouvelles directions régionales communes aux ministères du travail et de l’économie, les DIRECCTE – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi -, en tenant compte de l’expérimentation menée dans cinq régions préfiguratrices : Aquitaine, Languedoc, PACA, Franche-Comté et Rhône-Alpes. Ces nouvelles structures constitueront un interlocuteur unique pour les entreprises et seront ainsi susceptibles d’apporter des réponses beaucoup plus appropriées à leurs besoins.

Ces changements décisifs pour accompagner l’évolution des missions du ministère du travail sont conduits dans un cadre budgétaire respectant les engagements du plan triennal, en particulier celui du non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux. Au total, ce sont 163 emplois qui seront supprimés, étant entendu que 160 agents supplémentaires seront recrutés dans le cadre du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail. Ce retour catégoriel explique notamment la stabilité de la masse salariale de mon ministère, qui s’établit, comme l’an dernier, aux alentours de 439 millions d’euros.

Les moyens consacrés au programme 155, soit 823 millions d’euros en autorisations d’engagement, permettront d’améliorer significativement la qualité du service rendu aux usagers, comme en témoigne la forte augmentation des crédits d’intervention destinés au financement des maisons départementales des personnes handicapées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits prévus pour le champ « travail » de la mission « Travail et emploi » devraient nous permettre de mener à bien les missions qui sont les nôtres : promouvoir le travail, renforcer le dialogue social, respecter les engagements budgétaires. C’est en mettant en œuvre ces objectifs dans un souci d’efficacité et de justice que nous pourrons contribuer au renforcement du lien social dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de souligner le remarquable travail de M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, dont certains points ont même été salués par Mme Annie David, et son examen détaillé des crédits de la mission. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements qu’il a déposés, ce qui nous permettra d’ailleurs d’apporter un éclairage précieux sur la politique de l’emploi.

Je veux ensuite remercier Mme le rapporteur pour avis, Catherine Procaccia, de son intervention. Qu’elle soit assurée qu’il n’est pas question pour nous, dans cette période particulièrement complexe et délicate, de baisser la garde en matière de politique de l’emploi.

Je veux dire à Annie David et à Claude Jeannerot, dont les interventions se rejoignent sur ce point, que nous continuerons bien entendu à mener une politique offensive dans ce domaine au cours de l’année 2010. Comme en 2009, nous concentrerons notamment nos efforts pour dégager de nouveaux gisements d’emplois sur l’« économie verte ».

À ce sujet, j’indique à M. Plancade, toujours attentif à la question des personnes les plus éloignées de l’emploi, que plusieurs lignes de la mission concernent ces dispositifs. Il est vrai que ces personnes doivent faire l’objet de notre constante préoccupation dans cette période difficile, où le risque est élevé de s’enfermer dans le piège du chômage de longue durée.

Je remercie Mme Demontès de son objectivité. Elle a en effet reconnu que la France faisait partie, avec l’Allemagne et l’Italie, des pays qui ont le mieux amorti le choc de la crise en termes d’emploi, même si, à l’évidence, la situation sur le terrain est terriblement douloureuse pour ceux qui ont perdu leur emploi dans cette période.

Je me permets de saluer l’intervention de M. Jeannerot concernant l’AFPA, sujet qu’il connaît bien. Je tiens à le rassurer, car les mesures que nous avons prises en faveur des jeunes ont permis de redresser la situation dans le domaine de la formation en alternance et des contrats de professionnalisation.

Au début de l’année, les contrats de professionnalisation et les contrats d’apprentissage enregistraient une chute de 20 %, ce qui était catastrophique. Depuis septembre, nous avons nettement redressé la barre. Tous les jeunes ne décrochent pas un contrat, tant s’en faut. En revanche, nous faisons mieux pendant la crise qu’avant. Je tiens à votre disposition tous les chiffres, qui ont été validés par les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers. Les retours budgétaires que nous avons nous le prouvent également.

Concernant le reste de la politique de l’emploi, permettez-moi de souligner l’importance des moyens d’intervention.

Les programmes 102 et 103 sont dotés d’un montant de 10,5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 1,4 milliard d’euros pour abonder le Fonds d’investissement social, inscrits dans le plan de relance, ainsi que 410 millions d’euros au titre de la prolongation pour six mois du dispositif « zéro charge » pour les TPE, les très petites entreprises. Au total, cela représente 12,3 milliards d’euros, soit 2,4 milliards d’euros de plus que ce qui était prévu dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Mme Annie David. Et combien d’emplois créés ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je souligne que les crédits sont en augmentation de plus de 20 %, ce qui montre l’ampleur de l’investissement de l’État dans cette période pour l’ensemble des outils de la politique de l’emploi.

Le fil rouge de toutes les mesures du plan de relance, c’est l’emploi, rien que l’emploi, toujours l’emploi. Des moyens exceptionnels ont donc été mobilisés.

Je reviendrai sur la question des allégements de charges au cours de l’examen des amendements et des échanges que j’aurai avec vous, monsieur le rapporteur spécial. En attendant, je me permets de préciser, avant la remise du rapport que vous appelez de vos vœux, que les allégements de charges permettent sans doute aujourd’hui de préserver l’équivalent de 800 000 emplois. Il ne faudrait donc pas les remettre en cause dans cette période. Vous êtes d’ailleurs le premier à défendre l’abaissement des charges pour les entreprises, considérant que c’est la meilleure manière de renforcer l’emploi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de souligner l’importance du dispositif « zéro charge », qui a permis plus de 650 000 embauches dans les TPE. C’est un dispositif auquel je tenais. La réalité de l’emploi est en effet le fait de ces entreprises-là, qui sont trop souvent oubliées.

Pour finir, je voudrais revenir sur quelques idées simples.

Tout d’abord, nous avons essayé de mettre en place des mesures concrètes, directement applicables et, surtout, négociées avec les partenaires sociaux. Je veux ici souligner leur esprit de responsabilité dans la crise, car la plupart des dispositifs dont nous discutons ont été conçus et améliorés par eux.

Ensuite, toutes ces mesures sont « débranchables ». Je n’ai voulu aucune mesure structurelle, ce qui aurait été irresponsable en termes de gestion du déficit. Dès que la situation sera meilleure, toutes pourront être interrompues. Nous reviendrons alors à un étiage raisonnable en matière de dépenses et en termes de bonne gestion.

Enfin, je tiens à dire que la politique de l’emploi nécessite du sang-froid. Si certains mois sont difficiles, comme ce fut le cas d’octobre, d’autres sont meilleurs. À ces moments-là, ne déduisons pas que nous sommes sortis de la crise. Comme vous l’avez dit les uns et les autres, des mois difficiles sont encore devant nous. C’est pourquoi nous devons tenir le cap et faire tourner à plein régime les mesures qui nous sont nécessaires.

La politique de l’emploi n’a besoin ni de marketing ni de coups de barre à gauche ou à droite. Il lui faut plutôt des acteurs de terrain équipés d’outils fiables pouvant être utilisés le plus vite possible. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 61

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Travail et emploi

11 349 968 981

11 402 468 761

Accès et retour à l’emploi

5 833 653 500

5 878 413 500

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

4 634 417 006

4 634 417 006

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

60 570 409

78 265 000

Dont titre 2

50 000

50 000

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

821 328 066

811 373 255

Dont titre 2

595 491 971

595 491 971

M. le président. L'amendement n° II-21, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

150 000 000

 

150 000 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

 

150 000 000

 

150 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

Dont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 150 000 000

 150 000 000

 150 000 000

  150 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L'abaissement du taux de TVA dans la restauration, dont le coût pour 2010 est estimé à 3 milliards d'euros, ne justifie plus le maintien de l'exonération spécifique de cotisations sociales sur l'avantage en nature que constituent, dans les hôtels, cafés et restaurants, les repas servis aux salariés et qui sont à la charge de l'employeur.

Il convient en effet de mobiliser ces fonds, soit 150 millions d'euros, pour les publics qui en ont le plus besoin, en particulier les jeunes et les plus défavorisés.

Cet amendement vise donc à transférer 150 millions d'euros de crédits prévus au titre de l'exonération de l'avantage en nature dans les hôtels, cafés et restaurants, de l'action 3 « Développement de l'emploi », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », vers le programme 102, « Accès et retour à l'emploi ».

Ces crédits seront affectés à la sous-action 2, « Accompagnement des publics les plus en difficulté », de l'action 2, « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail », selon la répartition suivante : 100 millions d'euros pour le réseau des missions locales et des PAIO, ou permanences d'accueil, d'information et d'orientation ; 50 millions d'euros en faveur du Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes, le FIPJ, afin de financer les actions de prise en charge et de sécurisation des parcours des jeunes, qu’il s’agisse d’aide au permis de conduire, de prêt de scooter, de prospection des entreprises, de préparation aux concours, de transports, d’achat de vêtements de travail, de garde d'enfant, etc.

Toutes ces opérations rencontrent un succès considérable. Grâce à ces 50 millions d’euros supplémentaires, l’efficacité des missions locales sera renforcée. Les jeunes qui traînent, au risque de devenir délinquants, retrouveront du travail plus facilement. Or l’objectif de cette mission est précisément de faciliter l’accès ou le retour à l’emploi, en particulier pour les jeunes défavorisés qui traînent dans les rues, sans formation, sans métier, sans emploi.

Par rapport aux 50 et quelques milliards d’euros que l’État consacre au travail et à l’emploi, ces opérations ne pèsent que modestement, alors qu’elles permettent de faciliter l’accès immédiat à l’emploi d’un certain nombre de jeunes. Par exemple, je peux le constater tous les jours, des emplois de conducteur d’autobus, de chauffeur de taxi, de chauffeur de poids lourd sont disponibles, mais les jeunes ne peuvent y accéder parce qu’ils n’ont pas les moyens de passer le permis correspondant.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que cet amendement a été voté à l’unanimité par la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je comprends et je respecte la position exprimée par le rapporteur spécial. Cependant, ce qui est ici en question n’a absolument rien à voir avec la diminution de la TVA dans la restauration. Tous les employeurs sont exonérés de charges sociales en contrepartie des tickets restaurant qu’ils délivrent à leurs salariés : c’est une obligation. Dès lors, il est équitable que les restaurateurs qui servent des repas à leurs salariés bénéficient de la même exonération. Du reste, cette disposition est bien antérieure à la diminution de la TVA dans la restauration

En vous attaquant à la restauration, monsieur Dassault, dans un mouvement d’humeur que l’on peut comprendre, vous touchez en réalité les salariés sur un point qui n’est pas lié à la baisse de la TVA et vous revenez sur une disposition qui correspond strictement à l’équité entre l’ensemble des employeurs.

Voilà quelques jours, le Sénat, dans sa sagesse, a décidé de ne pas remettre en cause l’application du taux réduit de TVA à la restauration. Il serait paradoxal de priver aujourd'hui cette filière de l’aide qui est sans doute la plus légitime, qui concerne de surcroît un avantage offert aux salariés, et cela sous prétexte d’exercer une pression sur les professionnels afin qu’ils respectent au plus vite le contrat qui a été passé avec eux. Or, je le rappelle, le taux réduit de TVA n’est appliqué à la restauration que depuis cinq mois. Connaissez-vous beaucoup de secteurs économiques capables de s’adapter aussi vite ?

En contrepartie de cette baisse de la TVA, c’est vrai, les restaurateurs ont pris trois engagements.

Le premier, c’est la baisse des prix, qui a sans doute été insuffisante, je le reconnais, mais sur laquelle nous continuons à travailler.

Le deuxième, c’est le lancement de négociations salariales. Une dynamique de négociation est enclenchée, soutenue par le secrétaire d’État en charge de ce secteur, Hervé Novelli, qui réalise un travail remarquable.

Le troisième, qui relève de mon champ d’action, est trop souvent oublié : je veux parler de l’engagement qui a été pris en matière d’emploi et d’apprentissage, élément ô combien important en période de crise. Or, sur ce dernier point, la feuille de route commence à être remplie. La restauration est l’un des seuls secteurs économiques où, malgré la conjoncture très défavorable, le nombre d’emplois se maintient, voire augmente légèrement. (Mmes Christiane Demontès et Raymonde Le Texier manifestent leur désaccord.) .

En ce qui concerne l’apprentissage et les contrats de professionnalisation, la situation s’est considérablement améliorée. M. Dassault se préoccupe fort justement des jeunes sans emploi, mais, pour ma part, je préfère de très loin qu’ils s’orientent vers des secteurs créateurs d’emplois plutôt que vers les missions locales.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, je m’engage solennellement à ce que les missions locales soient dotées de moyens supplémentaires, notamment pour les aides à la mobilité : 40 millions d’euros supplémentaires y sont affectés dans ce budget.

Le groupe UMP s’est clairement prononcé sur ce sujet en considérant que ce n’était pas le bon terrain de bataille. Il convient de garder son sang-froid et de ne pas revenir sur la décision que nous avons prise. En revanche, soyons stricts et exigeants sur les engagements pris par les restaurateurs ! (M. Jacques Blanc applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cet amendement avait été annoncé lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, à l’occasion de l’examen d’un autre amendement de la commission des finances destiné à adresser un « coup de semonce » à la profession des restaurateurs, à la veille de son congrès de Nantes.

Il faut veiller à ce que les restaurateurs tiennent leurs engagements, dans un contexte de tension des finances publiques et de déficit préoccupant.

Le passage de la TVA de 19,6 % à 5,5 % représente une dépense fiscale de 3 milliards d’euros par an. Dans l’esprit du Gouvernement, un tiers de cette somme est destiné à faire baisser les prix payés par les consommateurs, un tiers à créer de 20 000 à 40 000 emplois et un tiers à améliorer la rémunération des collaborateurs. Un milliard d’euros, cela représente 25 000 euros par emploi pour créer 40 000 emplois, et 50 000 euros par emploi pour en créer 20 000. C’est bien cher ! (M. le secrétaire d'État fait la moue.)

Cette réduction de TVA justifie l’effacement des avantages particuliers qui étaient consentis depuis quelques années. L’avantage spécifique qu’est l’exonération de cotisations sociales sur l’avantage en nature représenté par les repas des collaborateurs subsiste.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ce n’est pas un avantage spécifique !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons clairement annoncé, lors des discussions auquel ce sujet a donné lieu lors de l’examen de la première partie, que nous avions adopté un amendement sur ce point. L’amendement n° II-21 que vient de présenter Serge Dassault nous permet de faire l’économie de 150 millions d’euros ; il est complété par l’amendement n° II-22, qui sera appelé tout à l'heure et qui vise à supprimer cet avantage dérogatoire.

Avec 3 milliards d’un côté et 150 millions de l’autre, il nous semble que c’est une bonne pesée dans la situation où se trouvent nos finances publiques : 117,5 milliards d’euros de déficit prévisionnel pour l’État, 33 milliards à 35 milliards d’euros pour la sécurité sociale, sans compter un éventuel emprunt…

C’est dans ces conditions que la commission des finances a pensé qu’elle faisait une judicieuse proposition en présentant cet amendement. Pour ma part, je le voterai.