Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine, M. François Fortassin.
2. Proposition de création d'une commission spéciale
3. Modification du calendrier budgétaire
4. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
MM. Guy Fischer, Claude Biwer, Robert Tropeano, Marcel-Pierre Cléach, Mme Gisèle Printz.
MM. Bernard Saugey, Jean Boyer, Marc Laménie.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Amendement no II-82 de M. Jean-Pierre Bel ; amendements identiques nos II-87 rectifié de M. Jean-Pierre Bel et II-135 de M. Guy Fischer. – Mme Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Mme Nathalie Goulet. – Rejet des trois amendements.
Amendements identiques nos II-84 de M. Jean-Pierre Bel et II-139 de M. Guy Fischer. – Mme Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement no II-85 de M. Jean-Pierre Bel. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.
Amendements nos II-81 de M. Jean-Pierre Bel et II-136 de M. Guy Fischer. – Mme Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos II-83 de M. Jean-Pierre Bel et II-137 de M. Guy Fischer. – Mme Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos II-86 de M. Jean-Pierre Bel et II-138 de M. Guy Fischer. – Mme Gisèle Printz, M. Guy Fischer. – Rejet des deux amendements.
Mme Nathalie Goulet.
Adoption des crédits.
Articles additionnels après l'article 51
Amendement no II-63 de Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. – Mme le rapporteur pour avis, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Mmes Bernadette Dupont, Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, le président. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no II-89 de Mme Jacqueline Alquier. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no II-174 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur spécial, Guy Fischer. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
5. Organismes extraparlementaires
6. Dépôt de rapports du Gouvernement
7. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Compte spécial : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
MM. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances ; Dominique de Legge, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mmes Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances ; Éliane Assassi, rapporteur pour avis de la commission des lois.
MM. Bernard Vera, Yves Pozzo di Borgo, Jacques Mahéas.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Adoption des crédits.
Adoption des crédits des trois comptes spéciaux.
Article additionnel après l’article 54 ter
Amendement no II-9 de la commission et sous-amendement no II-196 du Gouvernement. – MM. Bernard Angels, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Articles additionnels après l’article 63
Amendement no II-10 de la commission. – Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial ; M. le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no II-154 de M. Albéric de Montgolfier. – M. Albéric de Montgolfier, Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial ; M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Régimes sociaux et de retraite
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial ; Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Guy Fischer.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Adoption des crédits.
Adoption des crédits du compte spécial.
Remboursements et dégrèvements
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances ; M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Amendement no II-176 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur spécial. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
MM. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
MM. René Teulade, Gilbert Barbier, François Autain, Mme Catherine Procaccia, M. Bernard Cazeau.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
Adoption des crédits.
M. le rapporteur spécial, Mme la ministre.
Adoption de l'article.
Mme Isabelle Pasquet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 59 bis
Amendement no II-75 de M. Alain Milon, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur spécial, Mme la ministre, M. François Autain. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos II-24 de la commission et II-76 de M. Alain Milon, rapporteur pour avis ; amendements nos II-177 du Gouvernement, II-97 rectifié et II-96 rectifié de M. Catherine Procaccia. – MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, Mme la ministre, MM. le président, François Autain, Mme Catherine Procaccia, MM. Alain Vasselle, Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Adoption des deux amendements identiques nos II-24 et II-76 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Modification du calendrier budgétaire
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Paul Alduy, Mmes Annie David, Christiane Demontès, M. Jean-Pierre Plancade, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, M. Claude Jeannerot.
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ; Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
Amendement no II-21 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mmes Annie David, Nathalie Goulet, Annie Jarraud-Vergnolle, le rapporteur pour avis. – Rejet.
Amendement no II-143 de Mme Gisèle Printz. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement no II-146 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement no II-147 de Mme Christiane Demontès. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement no II-144 de Mme Christiane Demontès. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement no II-145 de M. Claude Jeannerot. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Guy Fischer, Mme Annie David. – Rejet.
Adoption des crédits.
Mme Annie David.
Adoption de l'article.
Amendement no II-61 de M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. – Mme le rapporteur pour avis, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Alain Vasselle, Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no II-175 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur spécial. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 63
Amendements identiques nos II-22 de la commission et II-148 de Mme Gisèle Printz. – M. le président de la commission. – Retrait des deux amendements.
Amendement no II-23 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Mme Catherine Procaccia, M. Alain Vasselle. – Retrait.
MM. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances ; Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.
MM. Aymeri de Montesquiou, Philippe Darniche, Mme Évelyne Didier, MM. Jean Boyer, Pierre Bernard-Reymond, Mme Odette Herviaux, MM. Raymond Vall, Jean-François Mayet, Claude Biwer, Jean-Jacques Lozach, Gérard Bailly, Louis Pinton, Bernard Fournier.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
État B
Adoption des crédits.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Proposition de création d'une commission spéciale
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.
Ce projet de loi sera publié et imprimé sous le numéro n° 123.
La conférence des présidents a donné mandat à M. le Président du Sénat de proposer au Sénat, en application de l’article 16, alinéa 2, du règlement, la création d’une commission spéciale chargée d’examiner ce projet de loi.
Nous pourrions donc inscrire à l’ordre du jour de nos travaux de demain, jeudi 3 décembre, l’examen de cette proposition de création d’une commission spéciale.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
3
Modification du calendrier budgétaire
M. le président. Mes chers collègues, comme vous avez pu le constater, la séance du mardi 1er décembre s’est terminée à 1 h 25, ce qui nous a conduits à reporter la séance d’aujourd'hui à 10 h 30.
Face à cette situation, et pour tenir compte des emplois du temps des ministres intéressés, il a été décidé, par accord entre le Gouvernement et la commission des finances, de commencer ce matin par le budget des anciens combattants.
La mission « Politique des territoires » pourra être examinée en séance de nuit, étant entendu que nous devrons, sauf accélération subite de nos débats, reporter l’examen de la mission « Plan de relance de l’économie » à une date ultérieure, qui vous sera communiquée dès que possible.
Le reste de l’ordre du jour demeure inchangé.
C’est un plaisir de retrouver M. secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, qui a siégé de nombreuses années au sein de la Haute Assemblée !
4
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (nos 100 et 101).
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 51).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sera, en 2010, au cœur des deux réformes résultant des décisions prises par le Conseil de modernisation des politiques publiques et des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Après les premières mesures adoptées en 2009, la modernisation des services sera poursuivie au cours des deux prochaines années dans les domaines de la qualité du service rendu et de la maîtrise des coûts.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, il est prévu de supprimer, en 2011, la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, principale administration du programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».
Ses missions seront principalement transférées à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, mais également à d’autres administrations et opérateurs. La population combattante disposera donc, à l’échelon départemental, d’un guichet unique qui facilitera ses démarches administratives.
La réforme a également des conséquences sur le fonctionnement de l’ONAC, d’une part, au travers de son deuxième contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2009-2013 et, d’autre part, avec le projet de création d’une fondation qui serait chargée de la gestion de ses établissements médico-sociaux, à savoir les écoles de reconversion professionnelle et les maisons de retraite.
Concernant les futures « maisons du combattant », je resterai attentif tant au maintien du juste niveau de la réparation et de l’accompagnement de qualité que nous devons au monde combattant qu’au reclassement des personnels concernés par cette mutation. Je pense surtout aux « nouvelles générations » d’anciens combattants, notamment les militaires en opérations extérieures, les OPEX.
C’est la raison pour laquelle j’ai engagé un contrôle budgétaire de suivi de la précédente enquête, qui portait déjà sur la mise en œuvre de cette réforme.
Le second train de réformes vise à rationaliser la direction du service national, la DSN, principale mesure du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », notamment ses structures déconcentrées.
La DSN sera recentrée sur la mission « Appel de préparation à la défense », élargie à la notion de sécurité nationale, et sa fonction d’administration et de soutien sera mutualisée avec les bases de défense nouvellement créées.
En ce qui concerne l’évolution des emplois de la mission, il est constaté une nette diminution des emplois, à savoir 787 emplois sur un total de 3 035 équivalents temps plein travaillé en 2010, principale conséquence de la RGPP du fait des transferts et des suppressions d’emplois.
Toutefois, après transferts, avec les 1 445 emplois sous plafond et les 783 emplois hors plafond des deux opérateurs, le programme disposera, au total pour 2010, de 5 263 emplois, contre 5 716 en 2009.
Votre rapporteur spécial apprécie qu’une dotation de 10 millions d’euros ait été inscrite au titre de la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français et que l’Assemblée nationale ait adopté un amendement, repris par le Gouvernement, visant à abonder de 800 000 euros les crédits destinés aux veuves des grands invalides de guerre.
Mais, au-delà de la satisfaction de voir aboutir des demandes légitimes, je reste convaincu que ce budget doit être analysé en tenant compte de l’évolution de sa démographie.
Ainsi, avec un total de 3 433 millions d’euros, les crédits de la mission ne diminuent que de 37 millions d’euros. Cette baisse ne traduit donc que partiellement celle du nombre des bénéficiaires de la dette viagère, à savoir 5 500 pour la retraite du combattant et 16 000 pour les pensions militaires d’invalidité attendues en 2010.
Compte tenu de ces éléments, et après analyse des mouvements de crédits constatés en cours d’année, il me semble que cette mission n’a pas, plus qu’une autre, vocation à recueillir des crédits destinés à servir systématiquement de variable d’ajustement pour les dépenses accidentelles, ni à constituer une réserve de nature à encourager des demandes de prestations supplémentaires.
J’en viens maintenant au programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », dont les crédits pour 2010 s’établissent à 97,5 millions d’euros.
Ce programme continue à disposer de 37 emplois, avec 9 titulaires et 28 contractuels. Peu de demandes nouvelles sont attendues, et la dotation, en diminution de 7,5 %, ne devrait concerner pour l’avenir que les crédits des rentes déjà accordées.
Je tiens cependant à souligner la décision prise en août 2009 de revaloriser annuellement de 2,5 % les rentes mensuelles octroyées aux orphelins.
Ainsi, pour la première fois depuis la publication des décrets de 2000 et de 2004 instaurant ces indemnisations, la rente a augmenté, rétroactivement au 1er janvier 2009, pour atteindre près de 469 euros mensuels.
Les associations demandent de manière récurrente l’extension de ce dispositif d’indemnisation aux orphelins de guerre et pupilles de la Nation. Une commission nationale de concertation a été chargée d’examiner les conclusions du rapport du préfet Jean-Yves Audouin, et de proposer un cadre juridique relatif à l’indemnisation de ces orphelins. Les conclusions de cette instance sont très attendues.
Je termine par l’examen de l’article 51 rattaché, qui vise à poursuivre la revalorisation de la retraite du combattant en relevant son indice de référence de 2 points, pour atteindre 43 points, à compter du 1er juillet 2010. Elle s’appliquerait à 1 365 000 retraités, estimés pour cette date, et son coût est évalué à 9,5 millions d’euros en 2010 ; le coût en année pleine serait de 38 millions d’euros.
Je ne peux qu’approuver cette initiative, qui vient consolider les efforts entrepris depuis quatre ans pour revaloriser la retraite du combattant. Elle témoigne de l’intérêt de la Nation envers ses combattants d’hier.
En conclusion, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter sans modification ces crédits et l’article 51 rattaché.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la présentation de mon collègue Jean-Marc Todeschini, je ne reviendrai pas sur le montant de chacune des actions menées, consacrant les cinq minutes qui me sont accordées à détailler, de la manière la plus claire possible, les actions menées au cours de ces dernières années en faveur de nos anciens combattants et n’oubliant pas, bien sûr, d’évoquer les mesures qui me semblent nécessaires pour améliorer certains de leurs droits.
D’abord, j’évoquerai les avancées réalisées dans ce budget, dont les crédits pour 2010 s’élèvent à 3,85 milliards d’euros.
L’indice de référence de la retraite du combattant est majoré de deux points et passe ainsi à 43 points. En 2008 déjà, il avait gagné deux points, passant de 39 à 41 points. Avec ces hausses successives, il atteindra, en 2012, les 48 points promis par le Président de la République. Entre 2005 et 2010, la retraite du combattant aura donc progressé de 36,9 %.
L’indemnisation des victimes des essais nucléaires qui ont eu lieu au Sahara et en Polynésie française est prévue.
La Commission nationale chargée d’examiner les demandes d’attribution de la carte du combattant a donné son accord pour octroyer une carte du combattant à ceux qui totalisent quatre mois de présence en Afrique du Nord après le 2 juillet 1962, à la condition que le séjour ait débuté avant cette date. J’en profite, monsieur le secrétaire d'État, pour saluer votre volonté d’inscrire cette mesure au budget de l’an prochain. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
D’ici à la fin de l’année, il est prévu d’assouplir les critères d’attribution de cette même carte pour les soldats en opérations extérieures, les Opex.
L’enveloppe consacrée à la majoration des rentes mutualistes sera portée, en 2010, à 247 millions d’euros, soit une hausse de près de 8 millions d’euros.
En outre, on note des augmentations de la valeur du point intervenues en vertu du rapport constant pour un montant de 27 millions d’euros.
Enfin, l’ONAC sera maintenu, avec ses cent services départementaux.
Cet office, conforté dans son rôle de proximité au service des anciens combattants, voit sa dotation de service public progresser de plus de 26 % afin d’assurer, outre ses compétences habituelles, la gestion des missions auparavant dévolues à la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale en vue de la création d’un « guichet unique départemental ». Les ayants droit trouveront ainsi dans un même lieu tous les renseignements et les compétences nécessaires pour résoudre leurs problèmes. L’ONAC méritera donc, plus que jamais, son titre de « maison du combattant » eu égard à la qualité du service rendu.
Ce sont 280 emplois qui lui seront transférés avec les moyens de fonctionnement correspondants dès 2010, et nous veillerons à ce que cette évolution se fasse sans nuire aux droits des anciens combattants, ni au respect qui leur est dû.
Nous serons également vigilants tant sur la préservation des emplois de l’ONAC que sur le reclassement des personnels de la DSPRS.
Dans la liste des mesures positives que je viens de dresser, je n’oublierai pas de mentionner la décristallisation totale des pensions des anciens combattants d’outre-mer, dont le versement fait l’objet d’une reconduction automatique d’un budget à l’autre depuis 2007. Promesse tenue !
Quant au dispositif d’indemnisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale, je rappelle que les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d’actes de barbarie, les orphelins des déportés, résistants et prisonniers, ainsi que les pupilles de la Nation dont le père est « mort pour la France » ont été indemnisés, tout comme l’ont été les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD. Un décret signé en octobre 2008 a créé la carte officielle de « victime du travail forcé en Allemagne nazie », que l’ONAC aura la charge d’imprimer. La remise de cette carte par les élus devant nos monuments du souvenir constituera un moment particulièrement émouvant.
Enfin, j’attends avec impatience que les conclusions de la concertation engagée sur la base du rapport Audouin, préalable à une extension de l’indemnisation à tous les orphelins de guerre, nous soient transmises.
Bien évidemment, toutes les demandes des associations n’ont pas été comblées ; plusieurs sont satisfaites, comme le montre la liste des mesures que je viens de vous énumérer, mais, à n’en pas douter, d’autres revendications surgiront lors du projet de budget pour 2011.
En attendant, monsieur le secrétaire d'État, je vais me permettre de présenter les miennes.
L’Union nationale des combattants a obtenu qu’un membre du Gouvernement soit en charge des problèmes de toutes les générations d’anciens combattants. Vous êtes là, monsieur le secrétaire d’État. Je suis rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales depuis trois ans et vous êtes mon quatrième ministre ! Restez-le, s’il vous plaît, ce serait tellement mieux ! (Sourires.)
M. Charles Revet. D’autant que c’est un bon !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Une demande cent fois répétée parvient régulièrement aux parlementaires, celle d’une hausse du plafond de la rente mutualiste à 130 points. Chaque année, nous rappelons ce qu’elle coûte à l’État en raison de son régime fiscal particulièrement favorable et des majorations qui lui sont attachées.
Pour que des décisions justes et pérennes puissent être prises en la matière, il est indispensable qu’une information claire et précise nous soit donnée. Nous serons ainsi en mesure de juger en connaissance de cause, car il s’agit là d’une dépense dynamique : 24,1 % entre 2004 et 2010. Je rappelle au passage que seuls 20 % des bénéficiaires atteignent le plafond actuel.
Un autre sujet me préoccupe aussi beaucoup, c’est celui des veuves.
Tout d’abord, pour les veuves de guerre dont le mari est mort au combat et qui ont élevé seules leurs enfants, le montant de la pension est aligné sur la pension du soldat, quel que fût le grade de leur mari.
Ensuite, les veuves d’anciens combattants bénéficient d’une allocation différentielle dont le montant sera porté à 800 euros, puis à 817 euros au cours de l’année 2010. Mais elles resteront encore en deçà du seuil de pauvreté.
Enfin, les veuves des grands invalides verront l’indice des majorations spéciales de pension dont elles bénéficient majoré de 50 points cette année. Du jour au lendemain, ces femmes se retrouvent bouleversées et démunies, car les pensions, souvent élevées à cause des blessures et des infirmités qui ont frappé leur mari, s’éteignent brusquement à la mort de celui-ci.
Monsieur le secrétaire d'État, il faudrait, là aussi, faire une étude comparative dans un esprit de justice et d’équité. Sinon, comment juger ?
Dans son discours de clôture de l’assemblée de Colmar le 31 mai 2009, le président de l’Union nationale des combattants, M. Hugues Dalleau, déclarait : « Certes, la vigilance est toujours de rigueur pour la défense du droit à réparation, mais je peux témoigner que les réformes mises en place ne se font pas au détriment des anciens combattants et victimes de guerre. » Avec lui, nous y veillerons, monsieur le secrétaire d’État.
Dans cette attente, la commission des affaires sociales s’est déclarée favorable au vote des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Enfin, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Guy Fischer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d’aborder le maigre contenu de ce budget pour 2010 des anciens combattants et des victimes de guerre, je voudrais dire qu’il marque, comme jamais, le recul du droit à réparation avec la poursuite de l’application aux institutions du monde combattant de la fameuse RGPP – révision générale des politiques publiques ou plutôt, serais-je tenté de dire, réduction générale des politiques publiques ! –, avec la disparition, qui sera achevée en 2011, de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, et de ses dix-huit services déconcentrés, et avec la mise en œuvre du deuxième contrat d’objectifs et de moyens de l’ONAC. Or nous savons tous, ici, ce que le premier contrat a coûté à l’Office et à ses personnels !
Un article de la loi de programmation militaire ayant autorisé, cet été, le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures afférentes au transfert des attributions de la DSPRS, notamment à l’ONAC, sous couvert de « rationalisation » vont s’instaurer des guichets uniques de la prestation de service aux anciens combattants. À l’issue de la réforme, les services départementaux de l’ONAC comprendront, le plus souvent, trois agents pour l’accueil du public, le renseignement, l’instruction des dossiers d’action sociale et le travail de mémoire.
Le « COM 2 », deuxième contrat d’objectifs et de moyens de l’ONAC, prévoit également de retirer de l’Office les maisons de retraite et les écoles de réinsertion professionnelle. Elles seront réunies au sein d’une « Fondation mémoire et solidarité du monde combattant ».
Permettez-moi de vous interroger : En quoi la création d’une telle fondation était-elle nécessaire, puisque vous dites que l’ONAC y demeurera majoritaire ? Pour affaiblir l’Office ? Pour brader son patrimoine ? Pour rendre ses maisons de retraite inaccessibles aux anciens combattants les plus démunis et héberger le personnel dans des locaux de fortune ? Pour faire disparaître la coquille vide que sera devenu L’ONAC ?
Voilà autant de questions que se posent un certain nombre d’associations représentatives des anciens combattants qui, de plus, ne seront pas membres de la direction de cette fondation. C’est inacceptable !
Tout cela fait suite à des restrictions, par touches successives, des droits des anciens combattants et victimes de guerre. Ainsi, on assujettit les maisons de retraite à la taxe foncière, on supprime les deux tiers des quatre-vingt-seize tribunaux départementaux des pensions militaires d’invalidité, etc.
Au fil des mesures anodines, inaperçues, on affaiblit l’ensemble du socle qui constituait le droit imprescriptible à réparation, autrement dit, la juste compensation du don que les combattants de toutes les générations du feu ont fait de leur personne à la Nation.
« Ils ont des droits sur nous », disait Georges Clemenceau. Pourtant, devant la représentation nationale et devant ceux qui nous écoutent dans ces tribunes, je n’hésite pas à prétendre que la Nation n’assume plus les devoirs qu’elle a envers les combattants, pas plus que le Président de la République n’assume les engagements qu’il a pris solennellement devant eux en 2007.
Le projet de budget pour 2010 des anciens combattants et victimes de guerre que vous nous présentez n’échappe pas à cette politique d’abandon ; cela a été largement confirmé le 2 novembre dernier, lors de son examen par les députés.
Certes, vous augmentez de deux points l’indice de retraite du combattant. Mais vous êtes revenu sur votre promesse de le relever de 41 à 43 points dès le 1er janvier ; Bercy est passé par là ! Ce sera donc le 1er juillet. Je ne n’insisterai pas plus sur cette mesquinerie ; c’est l’arbre qui cache la forêt !
Vous nous présentez un budget en baisse « officielle » de près de 28 millions d’euros. Ce chiffre ne traduit pas l’ampleur des atteintes au droit à réparation. Les crédits en hausse sont essentiellement le fruit des transferts de missions consécutifs à la disparition de la DSPRS. Quant aux crédits en baisse sur les rémunérations et les charges sociales, ils traduisent les pertes en effectifs liées à la RGPP.
Ce constat étant fait, vous avez provisionné en mesure nouvelle 10 millions d’euros seulement pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Monsieur le secrétaire d'État, j’espère que les sommes nécessaires seront inscrites dans les budgets futurs !
Vous relevez de 750 euros à 800 euros le montant plafond de l’allocation différentielle versée aux conjoints survivants, mais cette mesure est grandement atténuée par l’augmentation de 44 euros de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui est comptabilisée dans les ressources prises en compte.
Enfin, vous avez accepté un amendement relevant de 50 points l’indice des majorations spéciales des pensions dont bénéficient les veuves des grands invalides relevant de l’article L. 18 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
À ce propos, je voudrais vous questionner sur deux points.
Envisagez-vous de mettre à l’étude une mesure spécifique en faveur des quelques centaines de veuves de très grands invalides qui se retrouvent dans une situation matérielle très difficile à la suite du décès de ceux-ci, étant donné qu’elles avaient renoncé à travailler pour s’occuper de leur époux, qui n’avait d’ailleurs pas forcément demandé à bénéficier de l’article L. 18 ?
Envisagez-vous également un relèvement d’indice pour toutes les veuves non bénéficiaires de l’article L. 18, les veuves de déportés et d’anciens prisonniers, qui, elles, perçoivent une pension au taux normal et vivent avec des ressources souvent inférieures à l’allocation différentielle de solidarité ?
Si je poursuis la lecture de votre budget, je constate que vous n’inscrivez toujours rien en faveur d’un relèvement du plafond des rentes mutualistes des anciens combattants, cela pour la troisième année consécutive et malgré l’engagement pris par M. Sarkozy !
Rien n’est prévu non plus pour les anciens combattants les plus démunis, pour les soldats en Opex embourbés dans une sale guerre en Afghanistan, pour les orphelins de la barbarie nazie ! J’argumenterai tout à l’heure en présentant les quelques amendements que j’ai déposés.
S’agissant de la campagne double, le cadre de la discussion budgétaire étant très strict, je me contenterai de vous demander de communiquer aux parlementaires les conclusions de la commission interministérielle sur le sujet, afin qu’ils en aient immédiatement connaissance.
Je vous connais bien, monsieur le secrétaire d'État ; je peux me permettre de vous dire encore une vérité : vous nous amusez sur le terrain des détails ! Mais, pendant ce temps-là, on ne parle pas des cadeaux scandaleux du Gouvernement aux banques et au patronat, ni du bouclier fiscal ou encore des retraites chapeau des grands dirigeants d’entreprise.
Il n’est nullement question des véritables mesures de réparation qui seraient significatives pour tous, notamment les plus démunis des anciens combattants et des veuves dont vous prétendez vous faire le défenseur.
Je pense avant tout au rattrapage de la valeur du point de pension, dont l’évolution accuse un retard de 43 %, ainsi que des retraites du combattant et des rentes mutualistes. Un tel rattrapage serait une mesure véritablement significative, surtout que, du fait de la rupture dans le rapport constant, les pensionnés et les titulaires de la retraite du combattant perçoivent aujourd’hui à peine 50 % de ce qui leur est dû par l’État au titre du droit à réparation.
Non seulement vous vous gardez d’en faire état, mais vous demandez hypocritement aux anciens combattants de faire un effort de solidarité face à la crise qui imposerait à tous un budget contraint. De qui se moque-t-on ?
Quant à la politique de mémoire, je dois vous redire ma détermination à obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962 (Murmures sur les travées de l’UMP.), au lieu de celle du 5 décembre qui est dénuée de sens, pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.
Mme Nathalie Goulet. Très bien ! (Nouveaux murmures sur les travées de l’UMP.) Mais oui !
M. Guy Fischer. Je vous rappelle également la volonté du monde résistant de voir commémorer une journée nationale de la Résistance le 27 mai 1943, date de la première réunion du Conseil national de la Résistance, CNR. C’est d’autant plus important en cette année anniversaire de l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle, dont le programme du CNR fut la concrétisation, l’aboutissement.
Enfin, en cette année du 90e anniversaire de la loi du 31 mars 1919, qui institua le droit à réparation, nous souhaitons que soit enfin réhabilitée la mémoire des « fusillés pour l’exemple » de la Grande Guerre.
En conclusion, le groupe CRC-SPG votera résolument contre un budget qui confirme les désengagements de la Nation envers ses anciens combattants et victimes de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, le budget comporte des motifs de satisfaction et des éléments moins satisfaisants.
Je commencerai par les motifs de satisfaction.
Tout d’abord, monsieur le secrétaire d'État, je note la nouvelle revalorisation de la retraite du combattant en 2010, qui constitue l’une de vos priorités budgétaires. L’indice qui sert de calcul sera ainsi porté à 43 points à compter du 1er juillet 2011. Même si, contrairement à ce que j’aurais souhaité, cette mesure interviendra avec retard, il s’agit néanmoins d’un élément positif.
Je citerai également la consolidation des crédits dédiés aux soins médicaux gratuits et à l’appareillage, qui s’élèveront à 80 millions d’euros, la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français, qui fait suite à l’adoption du projet de loi porté par votre collègue Hervé Morin, ainsi que l’augmentation de 3,3 % des crédits destinés au financement des majorations des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre.
Je mentionnerai, enfin, le passage à 800 euros du plafond de ressources concernant l’attribution de l’allocation différentielle de solidarité destinée aux conjointes survivantes, ainsi que l’octroi de 50 points de pension supplémentaires aux veuves des grands invalides.
Tels sont donc les points positifs. Il demeure cependant des dossiers en suspens qui ne connaissent pas une évolution aussi favorable.
Ainsi, aucune mesure n’est prévue, cela vient d’être souligné, en faveur du rattrapage du niveau du plafond majorable des rentes mutualistes des anciens combattants, qui aurait dû être porté à 130 points de l’indice de la pension militaire d’invalidité, alors que cela est envisagé depuis de longues années.
Par ailleurs, je l’ai toujours affirmé, l’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale doit être étendue à tous ceux dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie nazie. Peut-être y arriverons-nous un jour, mais le temps passe ! Pouvez-vous nous apporter des précisions, monsieur le secrétaire d’État, sur l’évolution de ce dossier sensible ?
En ce qui concerne le bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants d’Afrique du Nord, nous sommes, les uns et les autres, très souvent relancés par des particuliers ou des associations d’anciens combattants, afin que l’avis favorable du Conseil d’État sur ce sujet soit suivi d’effet.
Je comprends cette revendication, qui fait référence à l’avantage similaire obtenu par les autres générations du feu. Toutefois, si les bonifications au titre d’une campagne double doivent être attribuées pour le calcul de la retraite, tous les anciens combattants ayant séjourné durant une période importante en Afrique du Nord, en faisant face à des risques identiques, doivent en bénéficier.
Quant à la politique de la mémoire qui me tient tout particulièrement à cœur, en tant qu’élu de la région de Verdun, vous avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, que cette politique obéissait à trois priorités : commémorer et célébrer, éduquer et transmettre, entretenir et conserver.
Je partage tout à fait ces préoccupations, car mon département, qui a connu de terribles bouleversements au cours du premier conflit mondial avec, notamment, la disparition pure et simple de neuf villages, est particulièrement sensible au devoir de mémoire.
Voilà une dizaine de jours, je rappelais d’ailleurs à cette tribune la situation de Douaumont. Nous souhaiterions que cette commune ne disparaisse pas à son tour !
Je n’oublie pas, pour autant, le tourisme de mémoire. Je rappelle chaque année combien il est important pour notre économie. Encore faut-il que les pouvoirs publics s’en préoccupent véritablement, en encourageant et soutenant les associations patriotiques locales qui se dévouent sans compter, afin de transmettre aux jeunes générations la fibre mémorielle. Je me permets d’insister sur ce sujet, auquel je suis confronté presque chaque semaine dans mon département.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur ce projet de budget, que je voterai. Malgré les contraintes budgétaires qui sont les nôtres et que je mesure pleinement, nous devons avoir un fil conducteur nous permettant, d’année en année, d’évoluer, de manière à retrouver la sérénité qui s’impose. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’année en année, le budget des anciens combattants ne change pas ; il est pratiquement toujours le même.
Comme les années précédentes, il continue d’être à la baisse : moins 47,5 millions d’euros pour cette année et moins 110 millions d’euros en crédits de paiement, conformément à la programmation des dépenses.
À la lecture de ce budget, le constat qui s’impose est celui de la disparition progressive d’une volonté politique de la reconnaissance et de la réparation due aux anciens combattants.
Je rappelle pour mémoire les propos que je tenais l’an dernier à votre prédécesseur : « Maintenir le budget précédent aurait permis de répondre favorablement aux attentes des anciens combattants. » Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit aujourd’hui d’une occasion manquée !
Avec ce projet de budget, la diminution des crédits qui se poursuit ne nous étonne pas et ne peut que nous inquiéter. Il faut reconnaître que les objets de crispation sont nombreux et récurrents d’une année sur l’autre.
Toutefois, nous ne pouvons que prendre acte de la progression de deux points d’indice de la retraite du combattant, tout en regrettant que cette mesure ne soit applicable qu’au 1er juillet, en lieu et place du 1er janvier, contrairement à ce que vous avez déclaré à l’Assemblée nationale. Il s’avère que les pensions ne sont payées qu’à terme échu. De ce fait, elles ne sont versées qu’au 1er janvier de l’année suivante. Un tel glissement est fortement préjudiciable aux anciens combattants. Il serait donc souhaitable que ce dispositif soit mis en application au 1er janvier de l’année qui vient.
On ne peut que le déplorer, rien n’est prévu pour revaloriser l’allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints survivants les plus démunis. Le montant du revenu garanti, qui sera relevé de 750 euros à 810 euros, se situe toujours en dessous du seuil de pauvreté.
L’année dernière, j’avais interrogé votre prédécesseur sur le plafonnement de la retraite mutualiste. Cette rente doit être revalorisée, car, pour un certain nombre d’anciens combattants, il est parfois difficile d’atteindre le plafond de cotisations, en raison de l’insuffisance de leur pouvoir d’achat.
Il serait également nécessaire d’abaisser de 75 à 70 ans l’âge d’accès à la demi-part fiscale accordée aux anciens combattants.
Quand réglerez-vous définitivement la question de la reconnaissance de la campagne double ? Un rapport du Conseil d’État avait émis un avis favorable sur cette question. L’un de vos prédécesseurs avait annoncé, voilà deux ans, que des études complémentaires étaient nécessaires. Où en sommes-nous ? Il est urgent d’aboutir, ce débat ne datant pas d’hier. Il s’agit avant tout de rétablir une égalité de traitement entre toutes les générations du feu.
Par ailleurs, qu’en est-il de la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ayant servi la France mais devenus étrangers après la décolonisation ?
Qu’en est-il des victimes d’actes de barbarie nazie, notamment des orphelins dont les parents sont morts pour la France du fait de la Seconde Guerre mondiale et des orphelins des otages et des résistants ?
La demande récurrente, de la part de diverses associations, d’extension du dispositif d’indemnisation n’est toujours pas satisfaite. Nous sommes en attente des conclusions qui devraient être rendues par la mission d’expertise menée par le préfet honoraire Jean-Yves Audouin.
Je souhaite également évoquer un point qui inquiète fortement les anciens combattants, à savoir la réorganisation des structures qui doivent les accueillir, les aider et les accompagner. Si l’on maintient le maillage départemental tout en élargissant les attributions, il est indispensable que ces structures obtiennent les moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour fonctionner dans de bonnes conditions. Monsieur le secrétaire d’État, quelles garanties pouvez-vous nous apporter à cet égard ?
La révision générale des politiques publiques trouble également le monde combattant. En effet, elle conduit à la disparition de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, dont les attributions sont transférées à l’ONAC.
Toutefois, on peut se satisfaire de l’inscription de crédits au titre de la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français. C’est un signe important, bien que tardif.
Je voudrais aussi évoquer le problème de l’attribution de la carte du combattant pour tous ceux qui ont séjourné quatre mois en Algérie et dont le séjour a commencé avant le 2 juillet 1962.
Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas d’une question budgétaire, je souhaite renouveler une demande déjà formulée plusieurs fois. Les combattants des conflits d’Algérie, de Tunisie et du Maroc disparaissent peu à peu. Il serait donc urgent que le 19 mars soit enfin reconnu comme date officielle commémorative de la fin de la guerre d’Algérie.
L’hommage au combattant de 14-18 est célébré le 11 novembre, celui de 39-45 le 8 mai, dates des cessez-le-feu respectifs. Pourquoi n’en est-il pas de même pour le 19 mars ? En effet, 86 % des Français sont favorables à cette date, qui permet d’honorer la mémoire de tous ceux, civils et militaires, qui sont morts pendant ces conflits. Le 19 mars est la seule date historique légitime pour commémorer ce cessez-le-feu. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. Charles Revet. Il y a eu 500 morts après !
M. Robert Tropeano. La troisième génération du feu, dont je fais partie, puisque j’ai effectué mon service militaire pendant 28 mois en Algérie, y est particulièrement attachée.
M. Marcel-Pierre Cléach. Ce n’est pas unanime !
M. Charles Revet. Les morts sont oubliés !
M. Robert Tropeano. En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, ce budget étant identique à celui des années précédentes, il ne peut répondre à certaines urgences. C’est la raison pour laquelle je ne le voterai pas. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget qui nous intéresse ce matin répond à plusieurs engagements, dont les répercussions sont importantes pour notre société, en particulier à un moment où les valeurs républicaines sont souvent chahutées alors qu’elle est confrontée à une grave crise économique.
Ce budget est fidèle aux engagements du Président de la République. La revalorisation de la retraite des anciens combattants, bien plus qu’une promesse, est une priorité budgétaire.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2010 portera l’indice de retraite des anciens combattants à 43 points, soit deux points de plus que dans le projet de loi de finances pour 2009. Dans un contexte budgétaire contraint, cette mesure sera mise en œuvre à compter du 1er juillet 2010.
Cette revalorisation s’inscrit dans le prolongement de l’action engagée en 2009, qui a permis d’augmenter l’indice de retraite de deux points, l’objectif étant de le porter à 48 points en 2010. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, le budget que vous nous présentez est sincère, ce dont nous vous remercions.
Je souhaite également souligner l’effort consenti pour maintenir les droits et moyens liés aux pensions militaires d’invalidité. Je veux parler ici de la consolidation des crédits dédiés à la gratuité des soins médicaux et à l’appareillage. Cette prise en charge est indispensable pour assurer un quotidien « vivable » à ceux qui souffrent et dont les revenus sont extrêmement limités.
En ce qui concerne l’attribution de la carte du combattant, vous avez souhaité faire évoluer les critères d’octroi, afin d’en faire bénéficier, d’une part, nos soldats engagés dans des opérations extérieures, lesquelles sont de plus en plus violentes, et, d’autre part, les anciens militaires qui peuvent justifier de quatre mois de présence en Algérie, au-delà du 2 juillet 1962. Je suis favorable à ces deux élargissements.
Sur ce second point, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé accepter le compromis proposé par la Commission nationale de la carte du combattant, qui prévoit son attribution, pour quatre mois de présence après le 2 juillet 1962, à la condition expresse que l’arrivée sur le sol algérien soit antérieure à cette date.
Auteur en avril 2008 d’une proposition de loi pour l’attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l’armée française ayant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964, je suis tout à fait partisan de ce compromis. Je souhaiterais que vous puissiez nous donner plus d’informations sur ce sujet, notamment en nous indiquant quand cette disposition pourrait voir le jour.
Permettez-moi de revenir sur une particularité, et non des moindres, de ce projet de budget. Les crédits qui nous sont soumis ce matin ne concernent pas uniquement les anciens combattants, puisqu’une nouvelle action « Réparations des conséquences sanitaires des essais nucléaires français », dotée de 10 millions d’euros, a été créée au sein du programme 169, afin d’identifier budgétairement les crédits destinés à l’application de la toute prochaine loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat.
De nombreux militaires, mais aussi des civils, ont participé à l’indépendance stratégique de la France. Certains ont pu développer des pathologies liées à ces essais. Grâce au texte que nous avons adopté voilà quelques semaines, ils pourront être reconnus en tant que victimes. C’est la fin d’un tabou dans l’histoire de la défense française, ce dont nous nous félicitons, car il y va de l’honneur de la République de reconnaître la responsabilité de l’État dans les souffrances que supportent aujourd’hui ceux qui l’ont servi hier.
La mise en œuvre de ce dispositif constitue une avancée très importante, qu’il convient de mettre à l’actif de ce Gouvernement. Je tiens à saluer à cet égard l’implication du ministre de la défense, M. Hervé Morin, sur ce dossier.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les sénateurs ont toujours été très attentifs à la situation souvent précaire des conjoints survivants relevant de votre ministère. L’allocation différentielle en faveur des veuves les plus démunies et des conjoints survivants, gérée par l’ONAC, a d’ailleurs été créée en 2007 grâce à un amendement parlementaire. Elle a constitué un progrès indéniable, étant précisé que les sommes perçues au titre des allocations de logement ne sont pas prises en compte pour le calcul des ressources de la personne. Vous avez inscrit au budget 5 millions d’euros, afin de porter le plafond de cette allocation différentielle de 750 euros à 800 euros dès le 1er janvier 2010.
Lors de la discussion de ce projet de budget devant l’Assemblée nationale, vous avez aussi accepté de lever le gage d’un amendement visant à augmenter la majoration de la pension des veuves des grands invalides. Il s’agit d’avancées très positives, dont nous nous réjouissons.
Pour que nous puissions de nouveau améliorer ces aides, je souhaite m’associer à Mme le rapporteur pour avis Janine Rozier, qui souhaite engager une évaluation des dispositifs actuels en faveur de la prise en charge des conjoints survivants ressortissants de l’ONAC et du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, ce qui nous permettrait de mieux répondre, au plus près de la réalité, aux besoins des personnes concernées, notamment les plus modestes d’entre elles.
J’en viens maintenant, monsieur le secrétaire d’État, à toutes les questions touchant au devoir de mémoire.
La création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, qui doit voir le jour au premier semestre 2010, sera un élément supplémentaire pour que notre Nation remplisse son devoir de mémoire et de reconnaissance à l’égard de toutes les victimes des conflits en Afrique du nord, lesquels font partie intégrante de notre histoire.
Cette fondation, dont la création est prévue depuis 2005, est très attendue par les anciens combattants, tout particulièrement par les harkis. Vous nous avez indiqué que vous acheviez l’écriture de ses statuts, monsieur le secrétaire d’État, et qu’elle disposait déjà d’un budget de 7,2 millions d’euros, ainsi que d’un président qui fait consensus, en la personne de Claude Bébéar. Nous nous en félicitons. Reste que l’abandon et le massacre des harkis et de leurs familles, après le cessez-le-feu, constituent encore aujourd’hui, quarante-huit ans après les faits, une blessure non cicatrisée pour cette communauté.
Les anciens harkis, héritiers de la tradition patriotique des tirailleurs algériens, combattants français des deux conflits mondiaux, ont été victimes de la décolonisation de l’Algérie, malheureusement marquée par le massacre d’un grand nombre d’entre eux, qui, après avoir été désarmés, furent abandonnés aux exactions et à la répression. Ceux qui en réchappèrent furent accueillis dans des conditions indignes de notre pays. Je ne suis pas particulièrement partisan d’ériger toutes les périodes de notre histoire en lois mémorielles et repentantes, et il convient de rappeler que des dispositions ont déjà été prises en faveur de cette communauté. Néanmoins, la France a su s’honorer en reconnaissant cette année le préjudice causé aux victimes civiles et militaires des essais nucléaires français.
En mars 2007, le Président de la République, alors candidat à la présidence, avait annoncé vouloir reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis. La prise en compte de cette réalité historique, conformément à cet engagement, permettrait que soit complètement assumé le poids de l’histoire, pour enfin clore cette question mémorielle.
Cela me conduit à revenir sur le problème posé par la date du 19 mars 1962, date juridique du cessez-le-feu. Un grand nombre de mes collègues souhaiteraient que cette date soit reconnue comme la date officielle de la fin de la guerre d’Algérie. Pour les harkis, comme pour un grand nombre d’anciens combattants, le fait de retenir cette date serait vécu comme un camouflet, un choix indécent au regard de tous ceux qui, séjournant en Algérie après cette date, ont dû constater, impuissants, toutes les exactions frappant la population, tant européenne que maghrébine, et une injure à la mémoire de tous ceux qui sont morts après cette date.
Je vous rappelle qu’entre le 19 mars et le 2 juillet 1962, l’armée française compta 152 tués, 422 blessés et 162 disparus et que, malgré les stipulations des accords d’Évian garantissant le respect des anciens combattants d’origine algérienne ayant servi sous le drapeau français : 150 000, selon certaines sources, 60 000 « seulement » selon d’autres, furent exécutés par le FLN dans des conditions atroces.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Charles Revet. Il est important de rappeler ces faits.
M. Guy Fischer. Je ne les ai pas oubliés !
M. Marcel-Pierre Cléach. Le 19 mars 1962, date théorique, ou juridique, du cessez-le-feu, ne marque donc pas la fin de la guerre d’Algérie.
J’ai eu l’occasion de le dire fermement à l’un de vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d’État, lors de mon intervention sur le budget des anciens combattants pour 2002. En tant qu’ancien d’Algérie, je m’étais alors autorisé à tenir ces propos : « C’est une imposture de l’histoire de vouloir se servir de la date du 19 mars pour célébrer la fin du conflit algérien qui, en réalité, ne s’est pratiquement arrêté qu’unilatéralement à cette date. »
M. Guy Fischer. C’est un point de vue.
M. Marcel-Pierre Cléach. En effet, monsieur le sénateur, nous avons chacun le nôtre.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Ce n’est pas un point de vue, monsieur Fischer ; c’est la réalité ! Vous étiez trop jeune à l’époque.
M. Marcel-Pierre Cléach. Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, que le monde combattant est profondément divisé sur cette question. En septembre 1981, l’un de vos prédécesseurs avait réuni sur cette question trente et une associations d’anciens d’Algérie : vingt-neuf d’entre elles s’étaient alors opposées au choix du 19 mars.
Pour ma part, je déplore qu’en dépit de la réalité historique, un grand nombre de nos collègues députés – au vu de ce que j’ai pu lire dans le Journal officiel relatant l’examen du budget des anciens combattants à l’Assemblée nationale –, ainsi que certains de mes collègues sénateurs, insistent auprès de vous pour faire du 19 mars la date officielle de célébration de la fin de la guerre d’Algérie.
Je vous le redis, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est inconcevable, tristement inconcevable, que le monde combattant, uni sur tant d’autres sujets, se divise sur une telle question. (M. Charles Revet marque son approbation.) Se déchirer sur le choix d’une date est dérisoire. Le compromis actuel, qui permet à chaque ancien combattant de retenir la date qui lui sied, et la circulaire qui autorise les préfets et autorités militaires à participer aux commémorations de la guerre d’Algérie en fonction de leur appréciation personnelle et du contexte local, me semblent être de raison tant que l’on ne parvient pas à trouver une solution qui rallie l’ensemble des anciens d’Algérie. Pour ma part, je doute d’ailleurs que nous la trouvions un jour.
Enfin, je terminerai mon propos sur l’importance et le besoin d’un renouvellement de notre politique de la mémoire. Nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Nous allons honorer la mémoire des combattants, résistants et victimes civiles de ce conflit. Il est, bien entendu, de notre devoir de mettre en œuvre tous les dispositifs existants, non seulement pour nous souvenir, mais aussi pour commémorer, célébrer, entretenir et transmettre. Nous devons également réfléchir à la façon dont, aujourd’hui, nous pouvons commémorer les grandes dates de notre histoire, pour continuer à transmettre la mémoire et les valeurs des combattants aux jeunes générations, que ce soit pour les éduquer ou pour essayer de les fédérer autour d’un socle commun et de l’histoire de leur pays, à laquelle ont participé les anciens combattants.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, votre ministère est celui de la mémoire. Il est primordial de faire vivre cet inestimable patrimoine, qui est un élément indispensable de la cohésion nationale.
En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons dire que ce troisième budget de la législature respecte les principaux engagements pris et garantit globalement les droits des anciens combattants. Il ne vous aura pas échappé que le groupe UMP votera le budget des anciens combattants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent, les ministres changent, mais les dossiers restent.
Avec quelques avancées, mais en l’absence de solutions satisfaisantes dans de nombreux domaines, le budget des anciens combattants manque de souffle. J’évoquerai, au nom de mon groupe, neuf sujets importants.
La retraite du combattant, contrairement à l’engagement qui avait été pris, n’augmentera pas de deux points, mais d’un seul, la date du 1er juillet 2010 étant retenue comme point de départ de la valorisation. Cela illustre de façon éclatante la manière d’opérer du Gouvernement : un effet d’annonce suivi d’une réalité moins glorieuse.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Gisèle Printz. Nous avons proposé et défendrons un amendement permettant de respecter l’engagement pris par la Nation devant ses anciens combattants, à savoir une majoration de trois points de leur retraite dès 2010.
Pour en finir avec ce thème de la retraite, je voudrais parler de l’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie de juillet 1962 à juillet 1964. En effet, entre ces deux dates, les massacres ont continué. (Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, s’exclame.) Pourquoi, dès lors, ne pas attribuer la carte du combattant aux personnes présentes dans le pays à ce moment-là ? Est-ce parce qu’elle donne droit à la retraite du combattant et entraîne des dépenses supplémentaires pour l’État ? En ce qui concerne la campagne double, les péripéties se sont multipliées, les mesures dilatoires également. Un moment égaré ou enfermé au fond d’un tiroir, le dossier a finalement atterri sur le bureau du Conseil d’État, qui a donné un avis favorable. Il faut en finir avec ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, car les anciens combattants d’Algérie attendent. Afin de vous permettre de répondre favorablement à cette demande, nous avons donc proposé un amendement.
La rente mutualiste est une question que nous abordons tous les ans, avec la volonté répétée d’atteindre sans délai les 130 points d’indice. Chaque année, les mêmes arguments nous sont servis. C’est pourquoi nous proposons un amendement tendant à majorer de 5,5 millions d’euros la ligne budgétaire permettant la progression de trois points du plafond majorable.
La situation financière des veuves d’anciens combattants constitue un autre point important. Elle mérite une très grande attention de la part du Parlement. Un grand nombre de ces veuves disposent de ressources insuffisantes pour vivre dignement. C’est pourquoi nous avons toujours soutenu la création de l’allocation différentielle de solidarité. Le Gouvernement propose de fixer à 800 euros le montant de cette allocation à compter du 1er janvier 2010. Les conditions de son attribution sont nombreuses et cumulatives, sans aucun doute très sélectives, afin de limiter le coût budgétaire pour l’État. Si vous me permettez cette expression, qui traduit parfaitement mon sentiment, je dirai que nous n’avons pas le droit de « mégoter ». Les veuves d’anciens combattants doivent être mieux considérées. Aucune aide à caractère social les concernant ne devrait être inférieure au seuil de pauvreté, fixé par l’Union européenne à 817 euros. Par dignité, et dans un effort de solidarité, nous proposons de retenir un montant de 850 euros. Parce qu’il s’agit d’une allocation différentielle, la charge réelle de cette mesure restera parfaitement supportable pour l’État.
Dans le même esprit, nous sommes très préoccupés par la situation des anciens combattants disposant de faibles revenus mensuels. Nous pensons qu’il est nécessaire d’enclencher, sans délai, la création d’une allocation différentielle dont les modalités d’attribution seront définies en partenariat avec le monde combattant. Un amendement a été déposé en ce sens.
Je ne voudrais pas oublier non plus de parler de la situation des veuves des plus grands invalides de guerre. Ces femmes ont renoncé à une activité professionnelle pour s’occuper de leur conjoint gravement blessé et se trouvent, au décès de celui-ci, dans une situation financière difficile. Les pensions des plus grands invalides sont parfois très élevées, pouvant dépasser les 8 000 points d’indice. La chute des revenus est alors brutale au lendemain du décès, la pension de veuve au taux normal et forfaitaire étant fixée à 515 points d’indice. Un amendement adopté par l’Assemblée nationale a permis d’augmenter ce taux de cinquante points. Croyez-vous que ce soit suffisant, monsieur le secrétaire d’État, au regard du dévouement dont ont fait preuve ces femmes pendant de nombreuses années ? Ne serait-il pas judicieux de créer une commission chargée d’étudier le problème ?
Les moyens d’action de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ainsi que la pérennité de ses services sont, pour le monde combattant, des sujets essentiels. Pourtant, en 2010, l’ONAC devra puiser dans ses ressources pour s’acquitter de ses missions. Ce constat ne constitue pas un signe encourageant. Nous regardons les réformes programmées avec une certaine méfiance. Les personnels diminuent, et les missions reçues de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, ne s’accompagnent pas des moyens nécessaires. Nous assistons à un échenillage des structures administratives de proximité et de leur efficacité.
La création de la Fondation « Mémoire et solidarité pour le monde combattant », qui aura en charge la gestion des maisons de retraite et des établissements de reconversion professionnelle, devrait, selon vous, renforcer les missions de l’ONAC. Pour ma part, cette création me rappelle la proposition d’un de vos prédécesseurs qui, en 1996, avançait le projet d’une délégation aux anciens combattants, laquelle aurait, à terme, signé la disparition d’une autorité ministérielle en charge des intérêts du monde combattant.
C’est pourquoi nous serons très vigilants, au côté de nos anciens combattants, pour que l’ONAC vive et remplisse ses missions.
Avec mes collègues Jean-Pierre Masseret et Jean-Marc Todeschini, je suis signataire d’une proposition de loi tendant à instituer le 27 mai comme journée nationale de la Résistance, journée non fériée, non chômée, mais journée de réflexion et d’inspiration. Comme chacun sait, cette date fait référence à la première réunion du Conseil national de la résistance. Cette référence historique est importante au moment où s’engage un débat sur l’identité nationale. Le CNR a produit un programme d’actions qui a nourri le préambule de la Constitution de 1946, toujours respecté par le Conseil constitutionnel dans ses avis et ses décisions. L’esprit du CNR s’impose aujourd’hui pour que la France et l’Union européenne soient des acteurs respectés et respectables dans l’organisation du monde du XXIè siècle. Cet esprit conquérant doit irriguer nos politiques pour créer du collectif et réussir le « vivre-ensemble ».
Comme élue du département de la Moselle, je porte des sujets spécifiques relatifs à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, notamment ceux qui sont liés à l’annexion de fait, par les nazis, de l’Alsace-Moselle. Vous connaissez l’histoire des « Malgré-Nous », ces jeunes incorporés de force dans les régiments nazis et envoyés sur le front de l’Est. Certains ont été faits prisonniers par l’armée soviétique et détenus dans le fameux camp de Tambow. D’autres l’ont été dans des camps situés à l’ouest de la frontière germano-soviétique de 1941, matérialisée par le fleuve Bug et appelée « ligne Curzon ».
Ces camps étaient connus pour les conditions inhumaines qui y régnaient. Les prisonniers du camp de Tambov ont bénéficié d’un statut après la guerre, contrairement aux autres, qu’habite un sentiment de discrimination.
Quelle est votre position sur cette question, monsieur le secrétaire d'État ? Ne croyez-vous pas qu’il soit possible et nécessaire, soixante-cinq ans après les faits, d’établir un juste équilibre entre les mêmes souffrances endurées ?
Le devoir de mémoire est une nécessité républicaine, qui est entrée dans les faits depuis 1997. À ce titre, des initiatives sont régulièrement prises sur nos territoires. Je rappelais, voilà un instant, l’histoire tragique de l’Alsace-Moselle entre 1940 et 1944. Nous avons connu une annexion de fait avec l’installation de deux proconsuls allemands, l’un a Metz, l’autre à Strasbourg. Nos villes, nos rues, nos structures administratives ont été « nazifiées ». Nos jeunes garçons et nos jeunes filles ont été incorporés de force dans des organisations militaires ou paramilitaires.
Le mémorial de Schirmeck, dont la construction a été décidée en 2000, retrace l’histoire spécifique de l’Alsace-Moselle. Pour autant, cette histoire est très largement ignorée des autres régions françaises, car elle est quasi absente des livres scolaires. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande d’agir auprès de votre collègue de l’éducation nationale pour réparer cet oubli.
Enfin, je voudrais évoquer deux amendements déposés par mon groupe, l’un visant à financer l’extension de l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale, l’autre visant à abaisser à soixante–dix ans l’âge de jouissance de la demi-part fiscale réservée aux titulaires de la carte du combattant. Ces deux mesures nous paraissent nécessaires.
Cela étant, je suis au regret de vous annoncer, monsieur le secrétaire d'État, que nous ne voterons pas les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- M. Robert Tropeano applaudit également.)
(M. Roger Romani remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey.
M. Bernard Saugey. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » témoigne avant tout de la reconnaissance de Nation envers ceux qui se sont battus pour elle et en son nom.
Ces crédits portent également sur le devoir de mémoire envers ceux qui ont fait le sacrifice ultime.
L’effort budgétaire consenti cette année réaffirme l’engagement du Président de la République envers le monde combattant. Il n’est pas acceptable que ceux qui ont participé à la défense ne puissent vivre dans la dignité, notamment à l’automne de leur vie. Pour cette raison, la revalorisation de deux points, en 2010, de la retraite du combattant était une étape attendue et nécessaire, en dépit d’un contexte budgétaire extrêmement contraint.
Monsieur le secrétaire d'État, votre prédécesseur avait déclaré, le 7 juillet dernier, qu’il appliquerait cette revalorisation dès le 1er janvier 2010. Or elle ne le sera que le 1er juillet, ce qui est fort dommage.
Je regrette aussi sincèrement que, en dépit de sa revalorisation, l’allocation différentielle versée aux conjoints survivants, dont on sait le bien-fondé, soit encore légèrement inférieure au seuil de pauvreté.
En revanche, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir mené à son terme le projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. De même, je vous remercie d’avoir accepté d’examiner avec bienveillance la possibilité d’attribuer la carte du combattant aux soldats ayant servi quatre mois en Algérie et dont le séjour a commencé avant le 2 juillet 1962.
Quant à la date de commémoration de la fin de la guerre en Algérie, je suis en désaccord, ce qui est très rare, avec mon ami Marcel-Pierre Cléach. En 1962, j’étais militaire en Algérie, et je demeure attaché à la date du 19 mars, qui marque, selon moi, la fin officielle des combats. Le 5 décembre, pour moi, ne correspond à rien.
Marcel-Pierre Cléach rappelait que, sur trente et une associations d’anciens combattants, vingt-neuf étaient opposées à la date du 19 mars. Il a raison, mais, si l’on considère le nombre d’adhérents, la FNACA est bien plus importante que l’ensemble de toutes ces associations.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez déclaré que vous étiez investi du « ministère du lien » : lien entre les Français et leur mémoire nationale, lien de solidarité entre les générations qui ne connaissent que la paix et les générations qui se sont battues pour elle, lien entre l’armée et la Nation.
À des milliers de kilomètres de leurs foyers, nos soldats engagés en Afghanistan ont besoin de ressentir ce lien. Lorsque l’un d’entre eux périt au combat, l’incompréhension de notre société est insoutenable, car elle revient à nier l’essence même de leur engagement en tant que soldats et à insulter leur mémoire.
Je forme le vœu que nous réfléchissions véritablement sur les moyens à mettre en œuvre afin que les jeunes générations, dont la représentation de la guerre et de ses sacrifices se borne aux images des journaux télévisés, participent activement à ce devoir de mémoire. Et je suis au regret de dire que la mémoire ne peut passer par votre seul département ministériel, en dépit de votre détermination, monsieur le secrétaire d'État. Il s’agit d’un projet aux acteurs pluriels. C’est un projet national, car il doit se réaliser par la Nation et pour elle !
La transmission de notre héritage historique doit nécessairement passer par l’action éducative, laquelle ne peut se résumer à la seule journée d’appel de préparation à la défense. Le dispositif de cette journée doit être entièrement réformé dans son contenu et dans sa durée.
Si la défense prend en charge ses soldats et les honneurs dus à leur mémoire, le ministère de l’éducation nationale détient les moyens pratiques, au quotidien, de cette transmission : cela s’appelle l’école républicaine.
Les 11 novembre et 8 mai ne sont pas seulement des jours fériés dans un calendrier scolaire ; ils devraient être l’occasion d’apprendre le « pourquoi commémorer ». Ces jours pourraient être consacrés à des projets scolaires ou éducatifs destinés à inculquer, dans un premier temps, puis à développer, dans un second temps, la conscience citoyenne chez les plus jeunes.
Cette conscience citoyenne est en fait le garant de la mémoire collective et des valeurs républicaines sur lesquelles reposent les fondations de notre société. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne voudrais pas contredire Bernard Saugey, encore moins m’opposer à lui, néanmoins je dois faire part de mon désaccord. Ancien d’Afrique du Nord, moi aussi, et ayant combattu dans les Aurès, je souscris totalement au remarquable message de Marcel-Pierre Cléach
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean Boyer. On le voit, vous avez servi en Algérie et vous souhaitez l’unité du monde combattant. Plus elle sera forte, plus nous serons entendus !
Monsieur le secrétaire d'État, j’évoquerai, en introduction de mon propos, la récente célébration du quatre-vingt-onzième anniversaire de la guerre de 1914–1918, qui nous a rappelé la terrible contribution payée par la jeunesse française : 1,4 million de morts, 3,6 millions de blessés et plus de 500 000 prisonniers.
Depuis cette date, en Lorraine, par exemple, les cimetières alternent avec les pâturages ou les champs de blé. Depuis près d’un siècle, cette France combattante aurait pu reposer en silence. Mais, entre 1939 et 1945, une nouvelle et terrible guerre intercontinentale a embrasé le monde, suivie par les conflits en Indochine et en Algérie.
À la fleur de l’âge, des centaines de milliers, voire des millions de jeunes ont porté les couleurs de la France et, sur son sol ou ailleurs, en ont été les serviteurs exemplaires.
Mais, avec du recul, quelles que soient nos sensibilités politiques, nous avons tous un mot à l’esprit : pourquoi ?
Le dernier combattant de 1914–1918 nous a quittés voilà un an. Il habitait Brioude, en Haute-Loire. Ceux de 1939–1945 deviennent rares et ceux d’Afrique du Nord sont chaque jour moins nombreux.
Monsieur le secrétaire d'État, ils avaient tous fait leur devoir. Aujourd’hui, ceux qui restent n’ont-ils pas des droits ? Leur combat n’est plus le même, compte tenu de leur âge, car c’est un combat pour la vie.
Voilà plus d’un siècle, Victor Hugo écrivait :
« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
« Ont droit que sur leur tombe la foule vienne et prie »
Les générations successives leur ont rendu hommage, et, depuis quelques années, les élèves de nos écoles délivrent le même message : que cela ne se produise plus !
Ces jeunes élèves, après la lecture de leur message, peuvent retrouver, sur la plaque commémorative, le nom d’un grand-père ou d’un arrière-grand-père ayant glorieusement combattu pour la patrie.
Sur notre planète, exister et vivre sont des droits fondamentaux ; dialoguer, se comprendre sont des nécessités pour éviter des guerres meurtrières.
Monsieur le secrétaire d'État, dans la vie, il y a le passé, le présent et l’avenir. D’ailleurs, comme l’a écrit Albert Camus, lui-même résistant, qui séjourna longtemps au Chambon-sur-Lignon : « La meilleure générosité envers l’avenir est de donner beaucoup au présent. »
Donner, ce n’est pas seulement donner des biens matériels, mais c’est aussi semer un état d’esprit.
Rendons hommage aux différents gouvernements de la France qui, depuis quarante-cinq ans, ont permis, par une politique courageuse, d’éviter des conflits internationaux. La France est restée grâce à eux debout et exemplaire.
Mais avant qu’il ne soit trop tard, monsieur le secrétaire d'État, et ce sera le cas dans vingt-cinq ou trente ans, c’est aujourd’hui qu’il faut entendre les aspirations légitimes de ceux qui ont servi la France. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, élu d’un département qui a été profondément marqué par l’histoire de France et meurtri, malheureusement, par différents conflits, je souhaite avant tout rendre un hommage appuyé aux anciens combattants, à leurs veuves et à leurs descendants.
M. le rapporteur spécial et Mme le rapporteur pour avis ayant brillamment détaillé les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », je ne me livrerai pas de nouveau à cet exercice. À cet égard, je les remercie, en particulier Janine Rozier, qui suit ce dossier avec beaucoup d’attention et qui a fourni un excellent travail, ainsi que le rapporteur spécial, M. Jean-Marc Todeschini.
Permettez-moi, cependant, de saluer tout particulièrement la progression de plus de 3,3 % des crédits consacrés au financement des majorations des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre, soit un abondement de 7,91 millions d’euros.
Par ailleurs, avec Marcel-Pierre Cléach, Jean Boyer et certains autres collègues, je me réjouis de la revalorisation de la retraite du combattant, qui, dans la période de crise économique que nous connaissons, était plus que nécessaire. Cela témoigne également du respect de l’engagement du Président de la République envers ceux qui ont servi leur pays.
Toutefois, objectivement, on peut comprendre et respecter les attentes de certains de nos collègues, par exemple Guy Fischer.
La Nation et ses représentants nationaux ont le devoir impératif de mettre en œuvre les moyens et dispositifs suffisants afin que ceux qui ont servi avec un grand courage et un grand dévouement puissent vivre dignement.
Monsieur le secrétaire d'État, je tiens simplement à faire remarquer que l’effort consenti en vue de l’augmentation de la dotation des deux établissements publics que sont l’ONAC et l’INI, l’Institution nationale des Invalides, est encourageant. Il l’est aussi pour les personnels qui, quotidiennement, aident les anciens combattants ou leurs conjoints survivants dans nombre de leurs démarches.
D’ailleurs, je tiens à les assurer de mon soutien parce que, eux aussi, dans l’exercice de leur travail, participent à ce que l’on appelle le devoir de mémoire.
Je profite de cette intervention pour remercier tous les bénévoles qui, au sein des associations patriotiques, des sections locales ou à titre individuel, s’investissent et se dévouent jusque dans nos plus petites communes. S’ils sont présents lors des cérémonies de commémoration, ils veillent aussi au respect et à la transmission de notre mémoire aux jeunes générations.
Je n’aurai garde d’oublier l’action des enseignants et des parents d’élèves, qui s’efforcent de faire participer les plus jeunes aux célébrations devant les monuments aux morts, pour leur apprendre les notions de respect, de reconnaissance, et La Marseillaise !
Les associations sont nombreuses, tout comme les bénévoles qui s’impliquent. Je n’en évoquerai qu’une, Le Souvenir français, qui restaure les sépultures militaires, y compris dans les plus petites communes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé une réforme de la journée d’appel de préparation à la défense.
Il me semble en effet primordial de réorganiser ce dispositif, d’en repenser le contenu et la durée. Ce n’est pas en quelques heures ou quelques jours que l’on peut créer un lien entre l’armée et la Nation. Peut-être faudrait-il renforcer ces JAPD.
À l’heure où nous avons des soldats en Afghanistan, soldats qui, demain, seront de jeunes anciens combattants, ce lien est crucial. Bon nombre de jeunes ne comprennent pas ce qu’est un soldat et ignorent encore trop souvent les valeurs du sacrifice pour la Nation.
Si ces journées doivent être un rendez-vous citoyen, il importe, d’abord et avant tout, de transmettre véritablement à nos jeunes le sens des valeurs républicaines et leur respect.
D’ailleurs, cette tâche ne doit pas incomber aux seuls personnels militaires. Notre héritage et la transmission des valeurs passent par l’éducation. C’est aussi la responsabilité de l’école républicaine, qui est le premier espace d’instruction et de formation de notre jeunesse.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que mes dernières observations seront entendues et prises en compte, car il y va de l’avenir de notre cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai presque envie de dire mes chers collègues,…
M. Bernard Saugey. Chers amis !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. … oui, chers amis, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », placée sous ma responsabilité, sont conformes aux plafonds de la programmation budgétaire triennale de 2009 à 2011, votée en février 2009.
Cela veut dire que le cap est tenu, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une dotation de crédits de paiement de 3,33 milliards d’euros pour les deux programmes de la mission : 3,18 milliards d’euros pour le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », et près de 153 millions d’euros pour le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ».
La mise en œuvre de la revalorisation de la retraite du combattant, que le Président de la République s’est engagé à porter à quarante-huit points d’ici à 2012, est, vous l’avez constaté, ma première priorité budgétaire.
M. Charles Revet. C’est normal !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Sur l’initiative du Gouvernement, et conformément au souhait exprimé par la représentation nationale, cette mesure a été inscrite dès le dépôt du projet de loi de finances. C’est la première fois que cette disposition figure dans le projet de loi de finances initial.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Cela manifeste clairement tout l’intérêt que le Gouvernement porte à cette mesure légitime, dans la droite ligne des engagements pris par le Président de la République.
Cette mesure, décidée dans un contexte budgétaire contraint, monsieur Biwer, monsieur Boyer, sera mise en œuvre à compter du 1er juillet 2010, à l’instar des précédentes revalorisations. Son coût s’élèvera à 9,5 millions d’euros en 2010 et l’extension en année pleine de la précédente revalorisation bénéficiera d’un financement de 28 millions d’euros.
J’ai demandé à mes services de travailler, d’ores et déjà, aux prochaines étapes de cette revalorisation, afin qu’en 2012 nous soyons effectivement au rendez-vous des quarante-huit points.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner devant la commission des affaires sociales le 18 novembre, je vais m’efforcer de faire en sorte que l’on inverse les niveaux d’augmentation prévus : trois points au lieu de deux en 2011 et deux points au lieu de trois en 2012. Le coût cumulé de ces deux revalorisations est estimé à 50 millions d’euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ma deuxième priorité concerne le maintien des droits découlant des pensions militaires d’invalidité.
Nous devons constamment témoigner aux personnes invalides et à leurs ayants droit le respect et la solidarité de la Nation, en veillant à leur assurer une prise en charge la plus satisfaisante possible. Je sais l’importance que revêt cette question à vos yeux.
La consolidation des crédits dédiés aux soins médicaux gratuits et à l’appareillage permettra de maintenir, en 2010, le niveau de prise en charge de prestations de qualité et de garantir de meilleurs remboursements, notamment pour les appareillages lourds. La dotation s’élèvera à près de 80 millions d’euros.
J’attache également un intérêt essentiel aux actions de solidarité en faveur du monde combattant. C’est ainsi que la dotation prévue en 2010 pour financer les majorations des rentes mutualistes s’élève à 247 millions d’euros, soit une augmentation de 7,91 millions d’euros. Ce montant témoigne de l’importance de l’effort financier consenti.
Par ailleurs, monsieur Tropeano, le succès de l’allocation différentielle versée aux conjoints survivants de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre démontre son bien-fondé.
Je m’engage devant vous à ce qu’elle soit sanctuarisée au sein du budget de l’ONAC consacré à l’aide sociale. Un crédit de 5 millions d’euros est inscrit au projet de budget pour assurer le financement du dispositif. Le montant plafond de l’allocation différentielle passera de 750 à 800 euros, le 1er janvier 2010, puis de 800 à 817 euros en cours de gestion durant l’année 2010. Il s’agit d’une mesure sociale légitime à l’égard de personnes nécessiteuses.
Dans le même ordre d’idées, je veux rappeler ici que le Gouvernement est soucieux d’améliorer la situation des veuves des plus grands invalides de guerre, qui ont renoncé à une activité professionnelle pour s’occuper de leur conjoint. Nous avons le devoir de leur témoigner le respect et la solidarité de la Nation.
M. Charles Revet. C’est légitime !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté, le 2 novembre 2009, à l’Assemblée nationale, la proposition visant à augmenter de cinquante points l’indice des majorations spéciales de pension dont ces veuves bénéficient, pour un coût de 800 000 euros par an. Je vous présenterai tout à l’heure l’amendement du Gouvernement qui permettra de mettre en œuvre cette mesure.
L’année 2010 correspondra à la première phase concrète de la mise en œuvre du transfert des missions de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale vers de nouveaux opérateurs, au premier rang desquels l’ONAC et ses services départementaux qui, vous l’avez souligné, n’auront jamais autant mérité le surnom de « Maison du Combattant ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de croire que je serai particulièrement attentif à la conduite de la réforme de l’administration des anciens combattants.
L’ONAC et l’INI bénéficieront, en 2010, des transferts de crédits correspondant aux nouvelles missions qui vont leur être confiées. À cette fin, la dotation de l’ONAC augmentera de 32 %, soit près de 13 millions d’euros, et celle de l’INI de 31 %, soit 3,4 millions d’euros.
Je veillerai de très près au maintien de la parfaite adéquation entre les missions transférées et les moyens budgétaires associés.
Nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’en 2018, nous allons vivre de nombreuses commémorations. Nous allons honorer la mémoire des combattants, des résistants et des victimes du deuxième conflit mondial.
Cher Jean Boyer, cher Claude Biwer, nous devons en effet réfléchir à la façon dont, aujourd’hui, nous pouvons commémorer les grandes dates de notre histoire et transmettre aux jeunes générations la mémoire des combattants, leurs valeurs. Car, mesdames, messieurs les sénateurs, un pays sans mémoire, sans histoire, sans valeurs, c’est un pays sans identité.
Il est nécessaire que nous nous retrouvions autour de nos monuments pour rendre hommage à nos morts. Les cérémonies patriotiques sont des moments forts et je tiens à saluer les associations, tout particulièrement les porte-drapeaux, dont la fidélité force le respect.
Mme Bernadette Dupont. C’est vrai !
M. Charles Revet. Ils sont toujours présents !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le documentaire Apocalypse, diffusé sur France 2 voilà quelques semaines, a été regardé par treize millions de téléspectateurs. Ce succès nous ouvre peut-être des pistes de réflexion. Les Français sont peu nombreux à se rendre le 8 mai devant les monuments aux morts,…
M. Charles Revet. Ils y vont de plus en plus.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. … mais ils étaient donc des millions devant leurs téléviseurs pour essayer de comprendre la Seconde Guerre mondiale.
J’en tire un enseignement : nos concitoyens éprouvent un vrai besoin de connaissances et d’explications. Il nous faut y répondre.
Les historiens et les spécialistes peuvent, certes, nous y aider, mais la mémoire combattante est irremplaçable, c’est-à-dire la parole de ceux qui furent les acteurs directs des événements. Et cette parole, nous avons ensemble le devoir de mieux la transmettre.
Le cycle commémoratif qui vient de s’ouvrir est l’occasion de réinventer la façon de célébrer ces grands événements pour mieux transmettre les valeurs républicaines qui nous sont chères. Les commémorations de l’année 2010 s’articuleront principalement autour de la figure du général de Gaulle et de l’appel du 18 juin. Nos partenaires européens et africains seront étroitement associés aux manifestations qui auront lieu tout au long de cette période.
Cette nouvelle politique de la mémoire se traduira notamment par un appel à projets qui sera lancé en direction de l’ensemble des collectivités. Nous allons mobiliser, avec les préfets, les correspondants de défense des communes.
La réserve, dont les crédits relèvent de la mission « Défense », constitue également un enjeu essentiel du lien entre la Nation et son armée.
La montée en puissance de la réserve opérationnelle est indispensable, compte tenu de la réduction des formats des armées. Le contrat 2015 est posé : 40 000 personnels hors gendarmerie et 25 jours d’activité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les réservistes sont nécessaires à la réalisation du contrat opérationnel des armées. Nous avons donc le souci de les recruter, de les former et de les fidéliser.
Le 6 octobre dernier, j’ai signé avec Dassault Aviation et Thalès une convention relative aux modalités d’intervention de réservistes opérationnels admis à servir auprès de ces entreprises, dès lors qu’elles interviennent en soutien de nos forces projetées.
C’est un exemple qui montre combien la ressource de nos réservistes est riche de potentialités pour répondre toujours mieux aux besoins, et avec souplesse.
La dotation financière consacrée à la réserve s’élèvera en 2010 à 88,5 millions d’euros, soit une progression de 2,16 millions d’euros par rapport à 2009. Cette dotation permettra de porter les effectifs à 36 100 volontaires. En 2010, la durée moyenne d’activité devrait atteindre 22 jours d’activité, contre 21 en 2009.
La journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD, qui constitue chaque année un temps fort du parcours citoyen en faveur de 780 000 jeunes, va être rénovée. Pour ce faire, le ministre de la défense, Hervé Morin, m’a confié le mandat de piloter un groupe de travail interministériel.
Conformément aux conclusions du Livre blanc, cher Marcel-Pierre Cléach, la journée sera centrée sur ce qui est sa mission fondamentale, c’est-à-dire la sensibilisation des jeunes aux nouveaux enjeux de défense et de sécurité, et sur l’illustration de l’attractivité du métier des armes.
La JAPD s’inscrira également dans une réflexion plus large sur le parcours citoyen des jeunes. Elle sera également confortée dans son rôle d’aide apportée aux jeunes en termes tout à la fois de détection de l’illettrisme, de santé publique et d’aide à l’insertion professionnelle.
Après onze années d’existence du dispositif, la refonte du contenu et de la forme de la JAPD constituera un événement majeur du renforcement du lien armée-Nation. La généralisation de la JAPD rénovée est prévue à la fin de l’année 2010.
Je ne voudrais pas conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, sans évoquer la situation de nos soldats engagés dans des opérations extérieures de plus en plus violentes.
En Afghanistan, des soldats français ont été tués au cours des derniers mois. Un certain nombre d’autres ont été blessés très grièvement. Cette situation nous rappelle, et de façon douloureuse, l’esprit de sacrifice de nos militaires.
C’est la raison pour laquelle l’adaptation des critères d’octroi de la carte du combattant en faveur de nos soldats engagés en opérations extérieures est pour moi un dossier prioritaire, que j’entends rapidement mener à son terme.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Bien plus qu’une priorité politique, il s’agit d’une marque indispensable de la reconnaissance de la Nation.
Est également en préparation – c’est une mesure à laquelle vous êtes tous, et plus particulièrement Charles Revet, très attachés –, l’attribution de la carte du combattant aux anciens militaires qui ont servi en Algérie et qui peuvent justifier de quatre mois de présence sur place au-delà du 2 juillet 1962, à la condition expresse qu’ils soient arrivés sur le sol algérien avant cette date. Les militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 peuvent, quant à eux, bénéficier du titre de reconnaissance de la Nation.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, le projet de budget que je viens de vous présenter s’efforce de traduire, de la façon la plus volontariste possible, les principales mesures d’une politique fondée sur le lien : lien entre les Français et leur mémoire nationale, lien de solidarité du pays envers toutes les générations d’anciens combattants, lien entre l’armée et la Nation. Je sais que vous êtes tous, sur l’ensemble des travées, attachés à ces valeurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation |
3 424 911 587 |
3 430 703 023 |
Liens entre la nation et son armée |
147 305 099 |
152 648 517 |
Dont titre 2 |
119 676 401 |
119 676 401 |
Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
3 181 094 397 |
3 181 094 397 |
Dont titre 2 |
31 112 966 |
31 112 966 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
96 512 091 |
96 960 109 |
Dont titre 2 |
2 050 000 |
2 050 000 |
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° II-82, présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont Titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
||||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. L’adoption de cette proposition permettra d’aider le Gouvernement à tenir l’une des nombreuses promesses électorales du Président de la République, car la dernière législature n’a pas permis d’y parvenir.
Les efforts accomplis ces dernières années, y compris l’an passé, ont eu pour effet de porter le montant de la retraite du combattant à quarante et un points. Cette avancée est encourageante, mais elle n’épuise pas le sujet.
Pour atteindre l’indice quarante-huit, comme l’a annoncé le Président de la République, nous avons une différence d’appréciation sur la façon dont cet indice doit évoluer.
Nous sommes dans un contexte de crise économique et sociale. La plupart des anciens combattants sont des retraités et, comme chacun le sait, leur pouvoir d’achat a perdu 1,6 % en un an. Et le pire est peut-être devant nous !
Par conséquent, au lieu d’augmenter l’indice de deux points l’année prochaine, de deux points l’année suivante et de trois points en fin de législature, il nous semble plus réaliste d’inverser le calendrier et de prévoir pour l’année à venir une augmentation de trois points.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-87 rectifié est présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-135 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
9 500 000 |
9 500 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
9 500 000 |
9 500 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
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TOTAL |
9 500 000 |
9 500 000 |
9 500 000 |
9 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-87 rectifié.
Mme Gisèle Printz. Avec cet amendement, nous nous trouvons dans un schéma identique à celui de l’an passé.
Je vous rappellerai que le Président de la République s’est engagé à porter la retraite du combattant de l’indice trente-sept à l’indice quarante-huit sur cinq ans.
Or, s’agissant de cette revalorisation, vous continuez depuis deux ans à apporter de faux espoirs aux anciens combattants ! Vous leur offrez une demi-mesure en proposant la revalorisation au 1er juillet, et non au 1er janvier.
Comme en 2008 et 2009, l’augmentation ne sera en fait que d’un point en 2010.
Cette année, vous reprenez le même scénario et nous avancerons les mêmes arguments. Si le Président de la République veut respecter ses engagements, il faut accélérer le processus !
Nous demandons, par respect pour le monde combattant, que l’augmentation soit effective au 1er janvier.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-135.
M. Guy Fischer. Cet amendement, qui procède du même état d’esprit que ceux que Mme Printz vient de présenter, vise à revaloriser la retraite du combattant de deux points d’indice, comme le prévoit le Gouvernement dans le projet de loi de finances, mais à compter du 1er janvier 2010 et non du 1er juillet 2010.
Je répète, comme chaque année, que l’engagement de porter cette retraite à quarante-huit points d’indice sous la précédente législature n’avait pas été tenu.
Certes, vous nous proposez de porter cet indice de quarante et un à quarante-trois points, mais au 1er juillet 2010, selon une pratique des « tout petits pas » lancée par M. Mékachéra, que nous dénonçons quasi unanimement dans cette assemblée.
Cette retraite s’élèvera, avec la majoration que vous proposez, à 592,97 euros par an, alors que les anciens combattants ont perdu, depuis sa création, près de 50 % du pouvoir d’achat qu’elle représentait, faute d’une remise à plat du rapport constant et d’une compensation du retard accumulé.
La revalorisation au 1er juillet signifie que les titulaires de la retraite du combattant en auront le bénéfice au 1er janvier 2011 seulement ; j’en veux pour preuve le fait que vous avez inscrit de quoi financer un point, et non deux !
Et je ne crains pas non plus de rappeler que la loi de finances pour 1959 avait réduit le nombre de points pour tous et que le gouvernement d’alors ne l’a rétabli que pour ceux de la Grande Guerre, qui étaient descendus dans la rue !
Le Président de la République ayant pris, par écrit, l’engagement de revaloriser de onze points en cinq ans la retraite du combattant, j’estime être très mesuré en vous proposant cette revalorisation au 1er janvier 2010.
Vous vous êtes engagé, au cours du débat à l’Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d’État, à inverser votre programmation pluriannuelle : de deux points en 2011 et trois en 2012, vous en êtes venu à envisager trois points en 2011 et deux en 2012. Eh bien, faites un ultime effort : deux points au 1er janvier 2010, trois au 1er janvier 2011 et deux au 1er janvier 2012, pour atteindre alors, enfin, les quarante-huit points promis par le Président de la République !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Je voudrais tout d’abord lever toute ambiguïté : j’ai été quatre ans chef de cabinet de l’un de vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d’État, mais je m’exprime ici au nom de la commission des finances du Sénat, en tant que rapporteur spécial.
En ce qui concerne ces amendements, je l’ai dit tout à l’heure, la retraite du combattant bénéficie d’une revalorisation de deux points de son indice de référence à compter du 1er juillet 2010.
Qu’il s’agisse de l’augmentation, dès 2010, des trois points ou de l’avancement au 1er janvier prochain de la date d’application de la revalorisation, la commission des finances ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement a décidé, au titre de 2010, une revalorisation de deux points, qui s’inscrit pleinement dans le cadre de l’engagement du Président de la République de porter le montant de la retraite du combattant à quarante-huit points en 2012, et, pour la première fois, cette revalorisation est inscrite en loi de finances initiale.
Nous poursuivrons ces revalorisations en 2011 et en 2012, comme je l’ai indiqué. Les engagements sont donc tenus, quelles que soient les difficultés budgétaires.
Pour autant, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, il est impossible de financer aujourd’hui la hausse proposée dès le 1er janvier 2010. Le coût de la mesure excéderait le montant des crédits de fonctionnement de la journée d’appel de préparation à la défense, que vous ne voulez pas supprimer, je le sais.
Autrement dit, non seulement l’application de cette disposition au 1er janvier 2010 aboutirait à la disparition de la JAPD, mais en plus les crédits de la mission seraient insuffisants pour financer une telle mesure.
Donc, nous respecterons les engagements que nous avons pris, conformément à la volonté du Président de la République, de porter la retraite du combattant à quarante-huit points en 2012.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous prenons acte du calendrier que vient de confirmer M. le secrétaire d’État. Si nous nous acharnons, c’est tout simplement parce que, compte tenu de la démographie, les générations du feu s’éteignent peu à peu. Certaines sommes qui retournent au budget général nous permettraient de satisfaire dans de bonnes conditions cette revendication.
Bien sûr, l’engagement sera tenu. C’est un point important, nous en prenons acte. Mais nous souhaiterions bien plus de transparence à propos de la réalité des sommes dépensées. Il se pourrait en effet que la démonstration puisse être apportée que l’effort peut être fait.
M. Robert Tropeano. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai ces amendements, parce que j’estime que les anciens combattants et leurs familles ont déjà largement payé de leur sang et de leur temps leur contribution à la solidarité nationale.
Je regrette au plus haut point que ces augmentations d’indice ne soient pas réalisées plus rapidement. C’est une course contre la montre et, comme bien souvent, c’est évidemment Bercy qui gagnera cette fois encore, parce que le temps court pour nous tous. Je trouve cela extrêmement dommageable pour le monde combattant.
Je soutiendrai donc l’ensemble des amendements qui visent à augmenter les prestations aux anciens combattants et à leurs familles.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-87 rectifié et II-135.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-84 est présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-139 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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+ |
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Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
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TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l’amendement n° II-84.
Mme Gisèle Printz. Le Gouvernement de la France a, très justement, reconnu le droit à indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et racistes pendant la guerre de 1939-1945 par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000, ce décret faisant suite au rapport du président Mattéoli demandé par le Premier ministre Lionel Jospin.
Dès la fin de l’année 2001, le Gouvernement a été sollicité par de nombreuses associations afin que d’autres orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie puissent bénéficier des mêmes indemnisations que les victimes de la Shoah.
Le secrétariat d’État à la défense, chargé des anciens combattants, organisa en 2002 la mise en place d’une commission pour répondre à cette nouvelle demande. Les travaux de cette commission, présidée par l’ancien ministre Dechartre, ont abouti à la publication du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, qui s’adresse aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance ou pour des faits politiques.
Une troisième catégorie de pupilles de la Nation, qui a souvent été déboutée dans le cadre des décrets de juillet 2000 ou de juillet 2004, sollicite une reconnaissance de la part de l’État : il s’agit de ceux dont les parents résistants sont morts les armes à la main et reconnus par la mention marginale portée sur les registres d’état civil « Mort pour la France ».
Le présent amendement vise à répondre à cette demande en prévoyant les crédits nécessaires à une extension du dispositif réglementaire.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-139.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous proposons de solder un très douloureux contentieux engendré par le décret du 27 juillet 2004 visant à l’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance.
Vous le savez, mes chers collègues, les dispositions trop restrictives du décret excluent certains orphelins. C’est pourquoi je vous propose de prendre en compte tous ceux dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui inclurait tous les orphelins des résistants morts les armes à la main : ceux des maquis, ceux du plateau des Glières… Nous nous honorerions ainsi d’avoir mis sur un pied d’égalité, avec humanité et respect, tous les orphelins des résistants.
Pour mettre le problème « à plat », je vous demanderai également, monsieur le secrétaire d’État, que nos assemblées soient destinataires au plus tôt des conclusions du rapport de M. Jean-Yves Audouin, puisque la commission qu’il présidait a terminé ses travaux en mars dernier. En effet, je ne comprends pas pourquoi une commission nationale de concertation a été créée sans que le Parlement ait eu la possibilité de se pencher sur les propositions de M. Audouin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Ces deux amendements concernent donc l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les conclusions de la commission nationale de concertation chargée d’examiner les recommandations du préfet Audouin sont très attendues. Pour l’heure, la commission des finances a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission des finances.
La commission associant les représentants du monde associatif concerné et l’administration, qui avait été mise en place au mois de mars dernier et a travaillé sur la base du rapport du préfet Audouin, a achevé ses travaux. Elle me remettra son rapport dans les prochains jours et, comme le souhaite M. Fischer, le Gouvernement saisira pour avis et le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.
Pour ces raisons, la question ne saurait être traitée dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2010.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-84 et II-139.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° II-85, présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
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TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. La différence de traitement entre les anciens combattants d’Algérie et les autres générations du feu n’est désormais plus défendable.
Ces militaires qui, engagés dans la guerre d’Algérie et dans les combats du Maroc et de Tunisie, ont subi, comme tous les fonctionnaires combattants des conflits antérieurs, des préjudices de carrière résultant de la durée de leur mobilisation et de ses conséquences ont, en effet, droit aux mesures de réparation prévues pour les fonctionnaires et assimilés combattants.
Il paraît donc nécessaire que des dispositions établissent clairement le droit des fonctionnaires ou assimilés anciens combattants en Afrique du Nord à bénéficier pleinement pour leur retraite des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, au même titre que les fonctionnaires et assimilés combattants des conflits antérieurs.
Je sais que le sujet est délicat. Nous avons aujourd’hui perdu beaucoup de temps. Il s’agit pour nous non pas d’un quelconque privilège, mais d’une reconnaissance et d’un droit à réparation.
Ce traitement différent de la troisième génération du feu a souvent été justifié par la fiction administrative des « opérations de maintien de l’ordre ». Celle-ci n’a plus cours depuis la reconnaissance officielle de la guerre d’Algérie, intervenue pendant la XIe législature.
La différence de traitement est désormais moins défendable que jamais. Il est possible d’y remédier par voie réglementaire. Afin d’encourager le Gouvernement en ce sens, le présent amendement tend à inscrire une augmentation des crédits y afférents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Je regrette de devoir être désagréable à l’égard de ma collègue sénatrice de la Moselle, Gisèle Printz, mais l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’avis est bien sûr défavorable. Dans les conditions actuelles, prévoir une dotation budgétaire prévisionnelle est prématuré, madame le sénateur. En tout état de cause, l’incidence budgétaire de la campagne double ne relève pas du programme 169, puisqu’elle concerne le code des pensions civiles et militaires de retraite, qui relève de la compétence du ministre chargé du budget.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-81, présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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+ |
- |
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Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
5 500 000 |
5 500 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
5 500 000 |
5 500 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
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TOTAL |
5 500 000 |
5 500 000 |
5 500 000 |
5 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à porter la rente mutualiste à 128 points d’indice au 1er janvier 2010, de manière à tendre vers l’objectif affiché par le Président de la République.
En 1996, le protocole d’accord entre les associations d’anciens combattants et le Gouvernement a prévu de porter à 130 points d’indice des pensions militaires d’invalidité le plafond majorable de cette rente. La promesse du Président de la République, lors de la campagne électorale, de faire avancer cette revendication ne s’est malheureusement pas concrétisée, ni dans le budget pour 2008, ni dans celui de 2009, ni dans celui que nous examinons aujourd’hui.
Ce plafond a été porté à 125 points d’indice au 1er janvier 2007. Aucune augmentation n’a été constatée depuis lors. Aussi, l’avancée obtenue ne donne pas pleinement satisfaction.
C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, nous proposons un relèvement de 3 points supplémentaires du plafond majorable de la rente mutualiste, ce qui permettrait de se rapprocher des 130 points d’indice pour les atteindre dès l’année prochaine.
Si les décisions de majoration supplémentaire doivent s’effectuer à un rythme compatible avec les exigences budgétaires, il est incompréhensible qu’aucun effort ne soit fait pour tendre progressivement vers cette revalorisation tant attendue par le monde combattant.
M. le président. L'amendement n° II-136, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
1 800 000 |
1 800 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
1 800 000 |
1 800 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
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TOTAL |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je suis moins gourmand que Gisèle Printz, puisque je propose une augmentation d’un seul point ! (Sourires.)
Mme Gisèle Printz. Il faut demander beaucoup pour avoir peu !
M. Guy Fischer. L’objet de cet amendement est donc de revaloriser le plafond majorable des retraites mutualistes des anciens combattants en le portant de l’indice 125 à 126, dans la perspective de solder d’ici à 2012 cette très ancienne revendication du monde combattant.
Ainsi que nous le savons tous, le législateur de 1923 avait souhaité aller plus loin que la constitution d’un simple complément de retraite aidée par l’État. Il l’avait incluse dans le droit à réparation, considérant les risques de mortalité et les conséquences sur l’avenir de la famille du combattant.
Il est d’ailleurs significatif qu’un grand nombre de jeunes militaires ayant participé aux opérations extérieures souscrivent de tels contrats.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que c’est sur l’initiative de tous les groupes parlementaires que, en 1996, un protocole accepté par le Gouvernement avait fixé pour objectif de résorber le retard en portant à 130 points le plafond majorable.
Les gouvernements qui se sont succédé de 1998 à 2002 ont respecté cette orientation, encore une fois avec l’appui de tous les groupes parlementaires, d’abord en indexant la rente mutualiste du combattant sur l’indice des pensions militaires d’invalidité, puis en relevant cet indice de 95 à 115, au rythme de 5 points chaque année pendant quatre ans. Nous avons enfin unanimement porté cet indice à 122,5 points, puis à 125 points en 2007.
Le Président de la République avait écrit, le 3 avril 2007 : « Vous pouvez compter sur ma détermination pour faire avancer cette revendication. »
À travers cet amendement, nous proposons une mesure modeste pour l’aider à tenir cette promesse et, surtout, nous invitons M. le secrétaire d’État à s’engager sur un programme pluriannuel, comme son prédécesseur, M. Marleix, l’avait fait pour la retraite du combattant.
En acceptant notre amendement et en vous engageant sur 2 points en 2011 et 2 points en 2012, vous seriez, monsieur le secrétaire d’État, celui qui aurait soldé cette très ancienne revendication du monde combattant !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Il est défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Il est également défavorable. En effet, ces deux amendements nous paraissent inutiles, car le montant actuel du plafond majorable de la rente mutualiste est de 125 points, soit 1 694 euros. Aujourd’hui, seuls 20 % des bénéficiaires de la rente atteignent ce plafond, et le montant moyen des rentes est de 1 100 euros.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-83 est présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-137 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
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TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
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La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l’amendement n° II-83.
Mme Gisèle Printz. Les attentes concernant la pérennisation et l’augmentation de l’allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints survivants les plus démunis ne sont pas non plus satisfaites par le projet de loi de finances pour 2010.
Il est indispensable aujourd’hui de relever le montant de l’allocation différentielle au niveau du seuil de pauvreté européen, évalué à 817 euros mensuels, soit 67 euros de plus que le montant actuel.
La mesure proposée est une étape pour arriver l’année prochaine au seuil de 887 euros, seuil de pauvreté défini par l’INSEE.
Cette mesure représente cette année un montant de 1 million d’euros.
Cette mesure significative donnerait un début de satisfaction au monde ancien combattant. En effet, la création d’une véritable allocation différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis nécessite l’inscription de ces crédits sur une ligne budgétaire clairement identifiée et non une augmentation des crédits sociaux de l’ONAC.
L’objectif politique est que plus un seul conjoint survivant dans notre pays, essentiellement des veuves, n’ait de revenus inférieurs au seuil de pauvreté.
Il est fondamental que la représentation nationale donne un signal.
Nous vous demandons donc de prendre en compte notre proposition pour une création et une pérennisation effective de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants les plus démunis.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-137.
M. Guy Fischer. Nous vous proposons de porter le plafond de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants à un minimum de 817 euros, seuil de pauvreté européen.
Certes, vous avez promis de réévaluer celui-ci de 750 euros à 800 euros au 1er janvier 2010, nous le notons. Lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez rejeté tous les amendements présentés, mais vous vous êtes engagé à trouver entre 800 000 euros et 1 million d’euros « pour l’ONAC » afin de passer de 750 euros à 800 euros, puis de 800 euros à 817 euros.
Nous préférerions de beaucoup que vous vous engagiez fermement sur un budget et non sur des économies prises on ne sait où.
De toute façon, l’effort n’est pas suffisant face à la grande pauvreté que connaissent les conjoints survivants, essentiellement des veuves, dont la plupart n’avaient jamais eu de carrière professionnelle.
L’effort que je vous demande serait vraiment symbolique, surtout si l’on considère les crédits non utilisés. En effet, sur les 5 millions d’euros votés l’an dernier en faveur de ces veuves, 4 millions d’euros ont été engagés à ce jour et seulement 3 millions d’euros ont été réellement dépensés.
L’allocation de solidarité aux personnes âgées a bien augmenté, passant de 633 euros à 677 euros, soit une augmentation de 44 euros, mais comme elle entre dans le calcul du plafond de ressources, l’augmentation réelle n’est que de 6 euros dans votre réévaluation à 800 euros !
Je vous rappelle également la demande des associations représentatives des anciens combattants de déduire du plafond de ressources les pensions de veuves de guerre et l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie.
Avant que vous ne répondiez à mes amendements, je veux vous dire que je ne me laisserai pas culpabiliser par l’argument selon lequel nous finançons tous nos amendements sur les crédits destinés à la journée d’appel de préparation à la défense, autrement dit au détriment de notre jeunesse.
La LOLF nous oblige à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Mais je tiens à vous faire remarquer que c’est vous qui avez commencé à réduire les crédits de la JAPD : 156 millions d’euros en 2009, 145 millions d’euros en 2010 !
Vous pouvez également lever le gage, comme vous l’avez fait pour les veuves des plus grands invalides.
Faites donc droit aux légitimes revendications des anciens combattants sur les crédits non consommés et sur les baisses annuelles du budget consacré aux anciens combattants et victimes de guerre : près de 28 millions d’euros entre 2009 et 2010 : il y aurait déjà de quoi faire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur. S’agissant de l’allocation différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis, il nous a semblé que M. le secrétaire d’État était plutôt ouvert au dialogue. La commission demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous procédons par étapes avec le souci d’accroître à la fois le plafond de l’allocation mais également le nombre de bénéficiaires.
Nous passerons de 750 euros à 800 euros au 1er janvier et à 817 euros dans le courant de l’année 2010. Vous voyez notre bonne volonté…
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-83 et II-137.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-86 est présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-138 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Liens entre la nation et son armée Dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant Dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l’amendement n° II-86.
Mme Gisèle Printz. L’objectif de cet amendement est de financer la création d’une allocation différentielle servie aux anciens combattants les plus démunis.
Un consensus existe au sein de la représentation nationale pour soutenir la mise en œuvre d’une action spécifique au bénéfice des conjoints survivants d’anciens combattants les plus démunis.
En effet, les observations convergent : le nombre des conjoints survivants en grande difficulté, le plus souvent des veuves, croît.
Paradoxalement, aucun dispositif comparable n’existe pour les anciens combattants eux-mêmes, qui sont contraints de s’en remettre aux crédits sociaux de l’ONAC.
Conformément aux dispositions de l’article 122 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, une allocation spécifique pour l’ensemble des conjoints survivants d’anciens combattants a été créée. Il s’agit d’une allocation différentielle entre les revenus et la somme de 750 euros.
À ce jour, on peut constater que nombre d’anciens combattants ont comme seule ressource le minimum vieillesse, soit moins de 677 euros par mois.
Il paraît logique de leur ouvrir un droit à l’allocation différentielle égal à celui des conjoints survivants démunis, leur permettant d’atteindre les 750 euros mensuels.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-138.
M. Guy Fischer. Nous vous proposons la création d’une allocation différentielle pour les anciens combattants les plus démunis, sur le modèle de ce qui a été fait pour les conjoints survivants.
Les services sociaux de l’ONAC, comme les associations, rencontrent de plus en plus souvent des cas douloureux d’anciens combattants, en couple ou isolés, qui vivent dans des conditions dramatiques.
Ainsi, puisque nous avons, bien que très modestement, amorcé un processus en direction des veuves, on voit difficilement comment l’on pourrait laisser subsister bien en dessous du seuil de pauvreté des anciens combattants qui perçoivent, par exemple, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, soit 677 euros !
Pour d’évidentes raisons d’équité, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-86 et II-138.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
J’ai été saisi d’une demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je regrette infiniment que la solidarité nationale doive encore s’exercer en défaveur des anciens combattants.
Cependant, je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur un projet très important au titre du devoir de mémoire, projet que je porte avec mon collègue Jean-François Le Grand, ce dernier m’ayant demandé de bien vouloir vous le rappeler dans mon explication de vote.
Il s’agit d’inscrire au patrimoine mondial de l’UNESCO à la fois les plages du débarquement – nous sommes tous deux élus de Normandie – mais également la Poche de Falaise-Trun- Chambois, qui est un lieu historique.
J’aurais voulu aussi évoquer les vétérans de la 2e DB, mais nous avons peu de temps aujourd’hui et mon explication de vote se limitera donc à sa plus simple expression.
Je souhaiterais évidemment des crédits plus importants pour nos anciens combattants et pour leurs familles, mais aussi pour l’ONAC et l’ensemble de l’administration des anciens combattants. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je ne voterai pas ce budget.
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 51 et les amendements portant articles additionnels après l'article 51, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »
anciens combattants, mémoire et liens avec la nation
Article 51
I. – À compter du 1er juillet 2010, aux deuxième et cinquième alinéas de l’article L. 256 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, le nombre : « 41 » est remplacé par le nombre : « 43 ».
II. – Par dérogation au deuxième alinéa du III de l’article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), la modification mentionnée au I du présent article est applicable aux retraites du combattant visées au I de l’article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 51
M. le président. L'amendement n° II-63, présenté par Mme Rozier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2010, un rapport évaluant les dispositifs actuels de prise en charge des conjoints survivants de ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et proposant, le cas échéant, des mesures en faveur des conjoints survivants aux revenus les plus modestes.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. J’ai évoqué dans mon rapport le problème des veuves.
Il existe trois sortes de veuves : les veuves de guerre, dont le mari est mort pendant les combats, qui se sont retrouvées seules quelquefois avec des enfants très jeunes et qui n’ont pas pu faire carrière ; les veuves d’anciens combattants et les veuves des grands invalides.
Je souhaite qu’un rapport très précis soit réalisé pour que l’on puisse décider de façon juste et équitable ce qui peut être fait en faveur des veuves. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. La commission se rallie à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame le rapporteur pour avis, votre proposition est excellente : je suis très favorable à un rapport du Gouvernement destiné à faire le point sur l’ensemble des dispositifs actuels de prise en charge des veuves s’agissant en particulier des conditions d’attribution.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. Les interventions de ce matin ont été très intéressantes.
Je souscris particulièrement à la demande de Mme Rozier, car les veuves de guerre subissent un traitement inéquitable.
Par ailleurs, j’ai beaucoup apprécié la noblesse du propos de M. Marcel-Pierre Cléach sur les harkis. Comme lui, je suis très sensible à ce sujet.
M. le président. Mes chers collègues, je suis également très attaché à la réparation des souffrances des harkis.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Je voterai cet amendement puisqu’il répond à une demande que j’ai moi-même formulée.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je tenais simplement à souligner ce moment d’unanimité, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-63.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 51.
L'amendement n° II-89, présenté par M. Bel, Mmes Printz, Alquier et Campion, M. Cazeau, Mme Chevé, M. Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au f du 1 de l'article 195 du code général des impôts, le nombre : « 75 » est remplacé (deux fois) par le nombre : « 70 ».
II. - La mesure prévue au I. est applicable à l'imposition des revenus 2010.
III. - Les pertes de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune prévu à l'article 885U du code général des impôts.»
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Le régime fiscal des anciens combattants accorde une demi-part supplémentaire au titre de l’impôt sur le revenu à partir de soixante-quinze ans.
De nombreux anciens combattants n’y ont pas encore droit.
En cette période de difficultés économique et sociale, nous souhaitons augmenter le nombre de bénéficiaires de cette disposition.
C’est pourquoi nous vous proposons d’abaisser l’âge d’accès à cette demi-part en le portant de soixante-quinze ans à soixante-dix ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur. Cet amendement vise à ramener de soixante-quinze ans à soixante-dix ans le seuil à partir duquel les anciens combattants bénéficient d’une demi-part supplémentaire au titre de l’impôt sur le revenu.
Dans la mesure où il s’agit d’une niche fiscale, la commission ne peut pas être favorable à cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° II-174, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le nombre : « 350 » est remplacé par le nombre : « 400 » ;
2° Au dernier alinéa, le nombre : « 260 » est remplacé par le nombre : « 310 ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. J’espère que cet amendement fera lui aussi l’unanimité.
Il s’agit de majorer de cinquante points d’indice la pension créée par la loi de finances pour 1964 en faveur des conjoints survivants des grands invalides, en tirant les conséquences de la majoration de 800 000 euros des crédits du programme 169 votée par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Cet amendement du Gouvernement tire les conséquences législatives de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale qui abonde de 800 000 euros les crédits destinés aux veuves de grands invalides de guerre afin d’augmenter leur pension de cinquante points d’indice.
La commission des finances a émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je voterai l’amendement du Gouvernement, qui constitue un premier pas.
Pour avoir reçu les veuves des très grands invalides de guerre, il me semble que le Gouvernement devra poursuivre sur ce chemin, car certaines réalités doivent être prises en compte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-174.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 51.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Organismes extraparlementaires
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil supérieur de l’Établissement national des invalides de la marine et d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation du service des achats de l’État.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite respectivement la commission de l’économie et la commission des finances à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
6
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur la mise en application des lois n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 et n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ces documents ont été transmis à la commission des finances et seront disponibles au bureau de la distribution.
7
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous poursuivons l’examen du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Compte spécial : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », du compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », du compte spécial « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » et du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
La parole est à M. Bernard Angels, rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » retrace les moyens dont dispose le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.
Cette mission est dotée, pour 2010, de près de 11,6 milliards d’euros, soit environ 3 % du total des crédits inscrits dans le projet de loi de finances.
Le plafond d’emplois de la mission est fixé à 145 286 équivalents temps plein travaillés : le ministère du budget constitue ainsi le quatrième employeur de l’État. Les dépenses de personnel correspondantes s’élèvent à près de 8,4 milliards d’euros ; elles absorbent donc, pratiquement, les trois quarts des crédits de la mission. Cette prévision représente une baisse des effectifs de 2 % par rapport à 2009.
Cette diminution résulte de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques et, notamment, de la poursuite de l’intégration des réseaux de l’ancienne direction générale des impôts et de l’ex-direction générale de la comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques créée en 2008.
Le développement de cette direction générale des finances publiques restera, en 2010, la plus marquante des évolutions dont la mission rend compte. En effet, les nouvelles directions départementales et régionales des finances publiques vont être déployées sur l’ensemble du territoire, à partir de la réunion des directions des services fiscaux et des trésoreries générales. L’achèvement de ce déploiement est prévu d’ici la fin de 2012.
Parallèlement, au niveau infra-départemental, les « guichets fiscaux uniques » sont mis en place pour les particuliers. Dans ce cadre, les démarches d’amélioration de la qualité du service et de simplification au bénéfice des contribuables, particuliers comme professionnels, doivent être poursuivies. En la matière, il faut souligner les efforts de l’administration qui, d’ailleurs, portent leurs fruits, si l’on en juge par les quelque 9,7 millions de foyers fiscaux qui ont eu recours, en 2009, à la déclaration de revenus en ligne. Le franchissement du seuil des 10 millions de « télédéclarants » est attendu pour 2010. La commission des finances vous donne acte de ce succès, monsieur le ministre.
Cette évolution m’amène à évoquer un autre grand chantier du ministère du budget en 2010 : l’achèvement des deux grands projets informatiques que sont le programme Copernic et le système Chorus.
L’un des enjeux de Chorus est de fiabiliser la comptabilité de l’État, alors que la Cour des comptes a émis une réserve, en ce domaine, à l’occasion de ses travaux de certification.
En ce qui concerne Copernic, l’enquête de la Cour des comptes demandée par la commission des finances a confirmé l’intérêt de cette réalisation, sans dérive des coûts, même si la traçabilité des dépenses laisse un peu à désirer. Le « compte fiscal simplifié » des contribuables, la dématérialisation des échanges avec l’administration, la mise en place de référentiels nationaux constituent autant de progrès incontestables.
Cependant, notre audition « pour suite à donner », qui s’est tenue à la fin du mois d’octobre dernier, a permis de mettre en relief l’opportunité que la direction générale des douanes rejoigne, à terme, les applications développées par le programme Copernic pour la seule direction générale des finances publiques : en effet, les deux directions générales gèrent les mêmes contribuables. À cet égard, la commission des finances attend de connaître votre avis, monsieur le ministre.
Par ailleurs, une incertitude tient au coût des dépenses identifiées comme nécessaires au développement d’applications non imputables sur le programme Copernic, mais indispensables pour la poursuite de la modernisation engagée, notamment l’application destinée au recouvrement non contentieux. Peut-être pourrez-vous nous apporter un complément d’information sur ce point, monsieur le ministre ?
En tout cas, il est indéniable que le ministère chargé de la réforme de l’État se réforme lui-même. Je présenterai tout à l’heure un amendement visant à mieux apprécier les avancées de la révision générale des politiques publiques que ce ministère a la lourde responsabilité de piloter.
Mais, pour le moment, je souhaite vous faire part de la préoccupation que m’inspire l’évolution d’un indicateur souvent pertinent pour apprécier le climat social : le taux d’absentéisme. En 2008, comme en 2007 déjà, une augmentation sensible de cet absentéisme a été constatée dans les deux ministères du pôle économique et financier.
En particulier, on observe une augmentation du nombre de jours de congés de maladie, notamment les congés de maladie de longue durée, de 13 %. Il convient d’être particulièrement attentif à ce phénomène car, à l’évidence, la réforme ne pourra s’appliquer dans de bonnes conditions si elle ne suscite pas la pleine adhésion de ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre, c’est-à-dire les fonctionnaires.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », comme des comptes spéciaux « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », comptes qui n’appelaient pas de commentaire particulier à cette tribune, dans le temps qui m’était imparti.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat intervient, cette année, dans un contexte de consolidation des réformes entreprises depuis plusieurs années et de poursuite de l’objectif de réduction des effectifs de fonctionnaires que s’est fixé l’exécutif.
Renonçant, pour l’instant, au big bang statutaire préconisé par les conclusions du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, le Gouvernement privilégie, aujourd’hui, la voie plus pragmatique de la poursuite du mouvement de fusion des corps : engagé dès le début des années quatre-vingt-dix et systématisé à partir de 2005, ce mouvement a permis, en cinq ans, de supprimer plus de trois cents corps. Il est un atout supplémentaire pour la mobilité des personnels et l’évolution de leur carrière.
J’exprimerai deux satisfactions et un regret.
Je me réjouis tout d’abord de la conclusion de deux dossiers suivis attentivement par la commission des lois, d’une part, l’achèvement de l’examen parlementaire du projet de loi sur la mobilité et les parcours professionnels dans la fonction publique, conçu tout à la fois comme la « boîte à outils » de la revue générale des politiques publiques et le remède aux cloisonnements des corps ; d’autre part, le terme du processus d’intégration à Bercy de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, la DGAFP, le 1er janvier dernier. La fonction publique bénéficie désormais d’un pilotage cohérent.
Ensuite, votre budget vous permettra, monsieur le ministre, d’accompagner l’évolution et la diversification du recrutement des fonctionnaires.
Je note ainsi avec intérêt l’inscription de crédits destinés au fonctionnement de classes préparatoires intégrées à l’École nationale d’administration, l’ENA, et aux instituts régionaux d’administration, les IRA. Ces formations offrent un soutien pédagogique renforcé et un appui financier pour la préparation des concours externes. Je me félicite que vingt écoles de service public aient déjà mis en place une classe préparatoire : celle de l’ENA est ouverte depuis le 7 octobre et accueille onze jeunes filles et quatre jeunes gens. Il convient d’encourager ce dispositif en veillant à assurer son plein succès.
Parallèlement, la formation des agents publics est professionnalisée, dans l’esprit de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique. Les épreuves des concours sont remodelées : les IRA ont introduit au concours interne d’accès et au troisième concours la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle. Le taux de présence aux épreuves de la session 2008-2009 semble prouver l’adéquation de ces réformes aux attentes des futurs fonctionnaires.
Ces évolutions contribueront à accroître l’efficience des administrations, et donc la qualité du service rendu aux usagers.
Je conclurai mon propos en évoquant l’interruption pour le moins regrettable de l’aide ménagère à domicile, ou AMD.
Je le rappelle, cette aide s’adressait aux agents retraités de l’État faiblement dépendants, que cette perte d’autonomie soit permanente ou transitoire. Elle était alignée sur celle que finance la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés pour les attributaires du régime général.
Constatant, non sans raison, d’ailleurs, que, pour les fonctionnaires, cette prestation bénéficiait à des profils moins strictement sélectionnés, le Gouvernement a souhaité procéder à un repositionnement de l’AMD et lancer une réflexion sur le champ et les modalités d’intervention de l’État à l’égard de ses agents retraités.
M. Jacques Mahéas. On réfléchit toujours !
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Cette prestation n’a donc pas été reconduite au 1er janvier 2009, et la réflexion demeure malheureusement, à ce jour, inaboutie. Mais j’ai bien noté, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des lois, que vous vous êtes engagé à venir nous présenter les conclusions de vos travaux au cours du premier trimestre de 2010.
Cette aide correspond à un besoin réel, et je suis sûr, pour ma part, que nous trouverons une solution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial.
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Dans le projet de loi de finances qui nous est soumis, la prévision des produits de cessions immobilières est assez ambitieuse, puisqu’elle s’élève à 900 millions d’euros, dont les trois quarts, soit 700 millions d’euros, devraient provenir de cessions réalisées par le ministère de la défense. Ce dernier se trouve en effet engagé dans un vaste mouvement de rationalisation immobilière – du moins peut-on l’espérer –, avec le regroupement de ses services centraux sur le site de Balard et le nouveau plan de stationnement des forces militaires.
Monsieur le ministre, compte tenu de l’état du marché, la réalisation de cet objectif de cessions paraît plus qu’incertaine, d’autant que la prévision repose non pas sur une véritable programmation, mais, pour l’essentiel, sur les arbitrages de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
L’objectif de cessions immobilières retenu dans le cadre de la loi de finances pour 2009 était déjà exceptionnel : 1,4 milliard d’euros de produits, dont un milliard issu des cessions du ministère de la défense. Or, selon le dernier point d’information qui m’est parvenu de vos services, le 15 octobre dernier, seuls 356 millions d’euros de recettes ont été enregistrés. Autrement dit, l’objectif pour 2009 ne sera pas atteint.
Par conséquent, il est à craindre que le niveau relativement bas – 200 millions d’euros – de l’objectif fixé pour 2010 en ce qui concerne les cessions autres que militaires ne reflète le souci du Gouvernement de minimiser, dans les résultats d’ensemble qui seront constatés, l’insuffisance déjà anticipée des ventes du ministère de la défense.
À partir du moment où votre chiffrage s’avère très artificiel, l’information donnée au Parlement paraît largement dépourvue de signification.
J’attire d’ailleurs votre attention sur un problème que vous connaissez bien : la contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État devrait rester très modeste. Seuls 30 millions d’euros sont prévus à ce titre, soit 3,3 % des produits théoriques. Cette situation découle du fait que le niveau de crédits a été déterminé de façon automatique, en retenant les 15 % de la prévision de cessions non militaires, car, nous le savons, le ministère de la défense bénéficie d’un retour intégral du produit de ses ventes dans la perspective de ses dépenses immobilières.
Je souhaite également dire un mot des avancées récentes de la politique immobilière de l’État. Je tiens à le rappeler, car cela me tient à cœur, les cessions ne sauraient tenir lieu de doctrine d’action. À ce sujet, je parlerai donc d’un effort, que je reconnais, de maîtrise des coûts et de rationalisation des implantations.
D’une part, cette politique fait aujourd’hui l’objet d’une refondation fort opportune. Il s’agit d’un « nouveau départ », qui se traduit par l’amélioration de l’inventaire et de la valorisation du patrimoine immobilier de l’État, par la substitution, au régime traditionnel de l’affectation des immeubles domaniaux, de nouvelles « conventions d’utilisation », et par la mutualisation partielle, entre ministères, de l’emploi des produits de cessions immobilières.
D’autre part, le champ d’application de la rationalisation immobilière est en cours d’extension.
Sur le plan institutionnel, ce mouvement s’exerce au bénéfice de l’ensemble des services déconcentrés et en direction des opérateurs de l’État. Je sais, monsieur le ministre, que, à l’instar du Parlement, vous tenez à ce que ces derniers participent à l’effort global de rationalisation. Ces mesures sont conformes aux préconisations de la commission des finances.
Sur le plan opérationnel, l’élargissement concerne l’entretien des bâtiments et la gestion des baux. C’est une avancée qui mérite aussi d’être soulignée.
Au cours du contrôle budgétaire que j’ai effectué au premier semestre de cette année sur la gestion des baux en Île-de-France, j’ai pu mettre en évidence la méconnaissance du parc loué par l’État et le caractère onéreux des loyers qu’il acquitte, lesquels se situent souvent au-dessus du prix du marché. Modestement, ce rapport a donc servi d’aiguillon parlementaire et a contribué à ce qu’une révision des conditions locatives appliquées aux implantations de certains services soit conduite. Je pense, par exemple, au cas du Médiateur de la République et à celui du secrétariat d’État aux sports.
Parallèlement, des mesures structurantes ont été mises en place, consistant en une expérimentation d’un « tableau de bord » des baux de l’État pour une trentaine de départements, conformément à la recommandation que j’avais formulée, et, surtout, en un marché de renégociation – sorte de processus industriel – des baux de l’État en Île-de-France, signé en septembre dernier.
Monsieur le ministre, au-delà de ces points positifs, il existe encore des marges de progression. Il faut inciter France Domaine à aller plus loin et veiller à éviter la résurgence des mauvaises pratiques ou des négligences. L’attention doit être renforcée quant au coût des implantations.
C’est dans cette perspective que je présenterai, tout à l’heure, un amendement visant à améliorer l’information donnée au Parlement sur les engagements immobiliers de l’État.
D’une manière générale, si je ne craignais pas cet anglicisme, je dirais que la politique immobilière du ministère se présente comme un work in progress. Tout le monde l’aura compris, les marges de progression restent importantes, tant il est vrai que l’organisation et la gestion du parc immobilier de l’État sont toujours en chantier.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis.
Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » recouvre les budgets des principales administrations chargées de piloter la modernisation de l’État et la révision générale des politiques publiques, la RGPP, notamment ceux de la direction du budget et de la direction générale de la modernisation de l’État, la DGME.
À titre personnel et avant de vous présenter la position de la commission des lois sur ce programme, je tiens à vous faire part de ma réserve sur un certain nombre de principes qui animent la RGPP, à commencer par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
La modernisation de l’État, selon moi, n’a de sens que si elle place le citoyen au cœur de son ambition. C’est pourquoi, afin d’en comprendre les ressorts, j’ai proposé à la commission des lois de porter une attention particulière aux deux chantiers complémentaires de la modernisation de l’État, qui visent chacun à faire évoluer la manière dont l’administration s’adresse aux citoyens et les services qu’elle lui offre. Il s’agit du développement de l’administration numérique et de l’amélioration de l’accueil dans les services publics.
Le bilan que l’on peut dresser du développement en cours de l’administration numérique, avec le site « mon.service-public.fr » et le dispositif « Ma démarche en ligne », est plutôt positif.
Néanmoins, pour mieux comprendre à quel public s’adressent ces nouveaux services, il serait souhaitable que la direction générale de la modernisation de l’État conduise une enquête sur le profil des utilisateurs de l’administration numérique. Dans la mesure où une telle étude lui permettrait, entre autres, d’identifier les publics qui ne sont pas concernés par la simplification des démarches administratives permise par la plateforme « mon.service-public.fr », elle serait ainsi incitée à développer, à leur intention, des actions spécifiques en matière de simplification administrative.
Tout ne peut être attendu de l’administration numérique : la garantie d’une haute qualité de l’accueil doit donc rester l’un des objectifs principaux de la modernisation de l’État.
L’amélioration de l’accueil figure d’ailleurs au nombre des objectifs fixés par le Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007. Elle passe par le déploiement, au sein des administrations, du référentiel Marianne, dont j’ai pu constater la pertinence au cours de mes déplacements.
Monsieur le ministre, je formulerai néanmoins trois réserves, en y associant trois recommandations.
Premièrement, pourquoi ne pas avoir publié « l’enquête mystère » conduite par la DGME pour étudier, à grande échelle, la qualité réelle de l’accueil dans les administrations ? Seules quelques très grandes tendances générales ont été communiquées par vos services, ne permettant absolument pas de se faire une idée précise pour chaque administration. Je note par ailleurs que l’absence de publication est contraire aux engagements pris lors dudit Conseil de modernisation des politiques publiques. Un tel document constituerait, pour les administrations concernées, une incitation puissante à engager la réforme de leurs procédures d’accueil.
Deuxièmement, la qualité de l’accueil ne peut reposer exclusivement sur l’investissement des personnels, même si celui-ci est essentiel. Elle représente un coût, que les gestionnaires et l’État doivent prendre en compte afin d’y consacrer des moyens financiers et humains suffisants.
Troisièmement, il est nécessaire de garantir la qualité de l’accueil en dépit des restructurations.
J’ai pu le constater, lorsque les services doivent procéder à une réforme de leurs procédures ou une à réorganisation de leurs structures, il arrive souvent que l’exigence de qualité de l’accueil soit mise de côté, malgré toute l’attention qui peut lui être portée par ailleurs. Or la RGPP a pour conséquence une multiplication de ces restructurations. Si l’on peut comprendre que la désorganisation de certains services rende difficile le maintien du même niveau d’accueil, il n’est pas acceptable que le public, en particulier les personnes les plus vulnérables, en fasse les frais et voit l’accès à ces services rendu plus malaisé.
La DGME devrait, à ce titre, fournir une aide spécifique aux services engagés dans une restructuration pour leur permettre de maintenir la qualité de leur accueil. D’une manière générale, elle devrait aussi assurer un meilleur suivi des administrations passées au référentiel Marianne, pour les encourager à poursuivre leur investissement.
Tous ces exemples le montrent, la modernisation engagée doit répondre au souci constant d’apporter un meilleur service aux citoyens.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, à la lumière de ces observations et recommandations, la commission des lois a entendu donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
M. le président. J’indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a fixé le temps de parole à cinq minutes pour chaque groupe et à trois minutes pour la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » comprend la gestion patrimoniale de l’État et recouvre une bonne partie des enjeux de la fonction publique, puisque les crédits dévolus aux politiques de ressources humaines de l’État y sont intégrés. Je me bornerai donc, ici, à une simple évaluation des programmes relatifs au fonctionnement de nos administrations fiscales.
Le projet de budget pour 2010, comme beaucoup d’autres avant lui, fait de la réduction des effectifs de l’administration fiscale l’une des priorités de sa définition et de son exécution.
Cette année encore, près de 3 000 emplois vont être supprimés, menant l’administration à l’un des plus faibles niveaux d’emploi qu’elle ait jamais connus.
Pour la seule direction générale des finances publiques, la DGFIP, ce sont 2 569 emplois qui sont appelés à disparaître en 2010, car, selon ses responsables, les « avancées technologiques » et les « gains de productivité » sont tels que l’on peut, sans remettre en cause la qualité de service, ajuster le nombre d’emplois à la baisse.
À la vérité, une telle vision ne fait que s’appuyer sur quelques dogmes très prisés dans les milieux patronaux et gouvernementaux, notamment celui qui voudrait que « moins de fonctionnaires, ce serait moins de dépenses publiques et moins de déficit ».
L’un des problèmes, d’ailleurs mis en exergue dans son rapport par notre collègue Bernard Angels, est que la fusion entre les services du trésor et des impôts, qui a fait émerger la direction générale des finances publiques, ne semble pas rencontrer l’adhésion des personnels eux-mêmes.
Le dialogue social à la DGFIP est de plus en plus complexe, comme le montre le fait savoir que les organisations syndicales représentatives des personnels ont toutes quitté, le 30 novembre dernier, le comité technique paritaire central, dont l’ordre du jour portait précisément sur le budget pour 2010, est particulièrement éclairant à cet égard.
De même, l’augmentation du nombre de jours d’arrêt maladie, témoignant du mal-être des personnels, ainsi que l’accroissement non négligeable de la participation des agents aux mouvements revendicatifs sont autant de signes révélateurs de certains dysfonctionnements dans notre administration fiscale. La cause en est connue : les missions de service public – essentielles pour la nation – accomplies par les services fiscaux sont de plus en plus mises en cause.
Le plan de relance de l’économie, ne l’oublions pas, a consisté, pour une large part, à faire des centres des finances publiques des « guichets ouverts » de remboursements anticipés pour les entreprises, sans que des mécanismes de vérification ou de simple contrôle des procédures en question soient réellement mis en place.
En clair, on a recommandé aux agents, aux contrôleurs, aux inspecteurs de la DGFIP de réduire les activités de contrôle fiscal et de mettre l’administration au service des objectifs politiques immédiats du Gouvernement.
L’adoption successive de nouvelles procédures, telles que la télédéclaration, le télépaiement, le rescrit fiscal, l’expérimentation de nouvelles modalités de contrôle, conduit d’ailleurs à constater que, dès qu’il s’agit des entreprises, l’administration fiscale finit par adopter un profil nettement plus coopératif que celui qu’elle met en œuvre vis-à-vis des particuliers.
Pendant ce temps, on le sait, les avancées technologiques ne sont pas toujours des plus pertinentes.
En effet, dans un rapport d’information déposé le 28 octobre dernier, notre rapporteur spécial Bernard Angels indique que le programme COPERNIC, destiné notamment à faciliter ce que l’on appelle la e-administration, s’avère pour l’heure d’un montant supérieur aux prévisions initiales et d’une efficacité aléatoire, ainsi que l’ont montré certaines campagnes de recouvrement.
Le fait que COPERNIC ait été lancé par la seule DGI et que l’outil semble peu adapté à la nouvelle DGFIP, qui regroupe donc les services des impôts et du trésor, constitue d’ailleurs un problème réel. Cette fusion apparaît bel et bien comme la source de toutes les difficultés actuelles.
Nous nous y sommes opposés dès l’origine, notamment parce que l’un des principes sur lesquels s’est construite notre République est la séparation entre celui qui établit le rôle de l’imposition de celui qui en encaisse le produit.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les dérives qui minent aujourd’hui le service public fiscal, et dont le budget pour 2010 est la traduction, ne peuvent recevoir notre agrément. C’est pourquoi les parlementaires du groupe CRC-SPG ne voteront pas les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». À écouter notre collègue Nicole Bricq et à lire son rapport, la politique retracée dans ce compte serait encore très perfectible.
J’irai beaucoup plus loin en relevant que la gestion du patrimoine immobilier de l’État doit être très fermement prise en main. C’est toute la logique actuelle qui doit être revue, faute de quoi les pratiques récemment épinglées par la Cour des comptes n’auront aucune raison de cesser.
Certes, tout avait bien commencé avec la création, par l’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2005, d’un compte d’affectation spéciale retraçant les recettes de cessions des immeubles de l’État et leur emploi. Cette mesure a coïncidé avec la mise en œuvre d’une politique immobilière étatique volontariste.
Ce compte mûrit encore dans le document budgétaire qui nous est présenté avec la double extension de son périmètre. En particulier, l’intégration aux recettes des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l’État ne pourra qu’en améliorer la lisibilité. Ainsi disposerons-nous de l’ensemble des recettes issues de la rationalisation du parc immobilier étatique au sein du même véhicule budgétaire.
Toutefois, par-delà la question formelle de la fidélité du cliché présenté au Parlement, se profile le problème essentiel : quelle est la stratégie immobilière de l’État ? En l’état actuel, elle semble inexistante.
Les documents qui nous sont soumis ne révèlent qu’une logique d’affichage purement quantitative. À partir de 2005, France Domaine s’est vu assigner des objectifs annuels de cessions immobilières de plus en plus ambitieux, afin d’accroître les recettes budgétaires non fiscales et de réduire le déficit.
Cette logique de surenchère dans la vente conditionne tout le reste, c’est-à-dire tout ce que dénonce le rapport public annuel 2009 de la Cour des comptes et ce à quoi il faut mettre fin.
À cet égard, je formulerai trois critiques.
D’abord, nous n’avons pas forcément vendu ce qu’il fallait. Afin de remplir leurs objectifs chiffrés, les services ont privilégié la cession des bâtiments les plus prestigieux et les plus coûteux. C’est ainsi que les produits se sont concentrés sur un petit nombre de cessions intervenues principalement dans la capitale, dont je suis l’un des élus. La quasi-totalité des cessions concerne des immeubles situés dans les VIe, VIIe, VIIIe et XVe arrondissements de Paris. Or la plupart des ministères concernés n’avaient pas donné leur assentiment. C’est ainsi que l’on a vendu le centre de conférences internationales de l’avenue Kléber et l’hôtel de Montesquiou-Fézensac, rue Monsieur.
Ensuite, non seulement nous n’avons pas forcément vendu ce qu’il fallait, mais, par ailleurs, l’État a pu mal vendre ses biens. Je ne suis pas persuadé que la cession de l’immeuble de l’avenue Kléber ait été une opération rentable, compte tenu du fait que l’organisation dans un autre lieu des trois ou quatre congrès ou sommets susceptibles qui auraient pu s’y tenir coûtera autant que ce que la vente a pu rapporter. Disant cela, je ne fais que paraphraser le propos de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État », M. le ministre des affaires étrangères et moi-même nous sommes accordés sur la nécessité d’avoir à Paris un vrai centre de congrès.
À l’avenir, il est possible que nous vendions encore plus mal, étant donné que France Domaine se voit assigner des objectifs qui sont indépendants de l’état du marché immobilier.
Même lorsque le marché était haussier, les cessions de l’État n’ont sans doute pas été réalisées au meilleur prix, comme en témoignent les plus-values phénoménales obtenues en un temps record par un trop grand nombre des principaux acquéreurs de biens étatiques. L’une de ces plus-values a atteint 106 % du prix d’achat en seize mois ! Une autre a pu se chiffrer à 34 % en quinze jours ! Si des cessions si aberrantes ont pu être consenties dans le cadre d’un marché haussier, qu’en sera-t-il aujourd’hui ?
Enfin, ceci découlant sans doute de cela, dans la hâte à faire du chiffre, les ventes ont été réalisées dans de très mauvaises conditions juridiques.
L’augmentation du nombre des opérations et de leur importance financière ne s’est pas accompagnée d’un renforcement des règles régissant les procédures de cessions immobilières, qui demeurent incomparablement plus réduites que celles qui sont retenues ordinairement par l’État dans des domaines à fort enjeu financier, tels que celui de la commande publique.
Les dispositifs juridiques encadrant les cessions immobilières de l’État sont largement insuffisants. Contrairement à ce qui régit l’achat public, il n’existe aucun texte garantissant et organisant l’égalité de traitement entre les candidats. Le seul texte organisant les opérations de vente est un guide pratique des cessions amiables. En l’absence de règles précises, le contrôle des opérations et l’éventuelle sanction pour atteinte à la transparence des procédures sont rendus impossibles.
De plus, l’information fournie à la commission créée par l’arrêté du 20 octobre 2005 et chargée de veiller à la transparence et à la qualité des opérations de cession amiable d’immeubles du domaine privé de l’État est encore très incomplète. Et les plus importantes opérations, celles de gré à gré, en sont tout bonnement exclues.
Plus grave encore, ainsi que la Cour des comptes le révèle dans son rapport, les mouvements financiers par lesquels les investisseurs se portent acquéreurs de biens immobiliers de l’État ne sont pas toujours aisés à suivre et peuvent conduire à des dérives inadmissibles.
C’est le cas lorsque se substituent aux acquéreurs des sociétés non résidentes et immatriculées dans des paradis fiscaux. C’est déjà arrivé à plusieurs reprises pour des opérations très importantes impliquant des sociétés immatriculées au Luxembourg ou aux Îles Vierges britanniques.
Mes chers collègues, on ne peut pas, d’un côté, approuver le discours volontariste du Président de la République contre les paradis fiscaux et, de l’autre, laisser l’État faire ce genre de choses. Il faut être cohérent !
Je souhaite donc vous interroger, monsieur le ministre. Pour ce qui concerne le passé, le Gouvernement a-t-il l’intention de lancer une série d’enquêtes sur les cessions les plus problématiques déjà réalisées, voire de leur donner des suites judiciaires ? Pour l’avenir, le renforcement du corpus juridique des cessions immobilières du domaine privé de l’État est-il à l’étude ? En particulier, la généralisation des clauses de sauvegardes en cas de plus-values et la saisine systématique de TRACFIN pour les cessions les plus importantes sont-elles envisagées ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque cinq minutes seulement me sont imparties, je limiterai mon intervention à quelques points du programme 148 « Fonction publique », non sans rappeler le contexte pour le moins brutal dans lequel il s’inscrit.
On constate en effet de nouvelles réductions massives des effectifs de fonctionnaires – près de 34 000 postes pour 2010, soit 100 000 postes au total en quelques années –, et une revalorisation très faible du point d’indice, auxquelles s’ajoute une loi dite de mobilité, nouvelle boîte à outils de votre « réduction » générale des politiques publiques
Concernant les crédits inscrits à ce programme au titre de la formation interministérielle, je m’inquiète de la baisse de 1,9 % de la dotation aux instituts régionaux d’administration, dans la mesure où le nombre d’élèves de la future promotion est stable et que des charges nouvelles seront engendrées par la création de classes préparatoires intégrées et par la revalorisation du régime indemnitaire des personnels. Avec l’École nationale d’administration, il y a vraiment deux poids, deux mesures !
Par ailleurs, je regrette la suppression de l’indicateur mesurant l’utilisation effective du droit individuel à la formation, le DIF, dans le projet annuel de performances. La mise en œuvre intégrale de ce droit, mesure phare des lois de 2007, était pourtant prévue pour 2011.
Comme le démarrage en est, semble-t-il, poussif – en 2008, 868 agents ont été concernés pour 2 330 jours de formation –, l’indicateur disparaîtrait-il opportunément pour masquer de piètres résultats ? Je n’ose le supposer !
Les crédits de paiement consacrés à l’action sociale interministérielle s’élèvent, quant à eux, à 139,4 millions d’euros.
Après une baisse de 4,2 %, un tel plafonnement de l’enveloppe budgétaire empêche, de fait, de réaliser les engagements gouvernementaux, qu’il s’agisse de la nouvelle prestation d’aide au logement des enfants des agents poursuivant leurs études hors du domicile familial ou de la rénovation de l’aide ménagère à domicile.
Cette dernière a été brutalement supprimée en 2009, alors qu’elle correspondait à un réel besoin, au regard de la progression régulière du nombre de ses bénéficiaires. Le secrétaire d’État chargé de la fonction publique alors en place avait promis de la « repositionner » et de lui substituer – je cite la réponse qui a été faite à ma question écrite – « une prestation d’aide au maintien à domicile, susceptible de bénéficier à plus de retraités ». Or il n’en est toujours rien et le comité interministériel consultatif d’action sociale du 22 octobre dernier n’a pu que constater l’impossibilité de relancer l’AMD.
Dans les crédits, cela se traduit par une diminution de 89 % des aides aux agents retraités ! L’État se désengage ainsi de manière scandaleuse de tout effort spécifique envers les retraités et crée une coupure préjudiciable entre ces derniers et les actifs.
De surcroît, l’action sociale se transforme insidieusement en complément de salaire. C’est pourquoi les prestations individuelles sont systématiquement privilégiées au détriment du collectif, qu’il s’agisse de la restauration, de la garde des jeunes enfants ou du logement.
Pourtant, les prestations individuelles ne devraient exister que lorsqu’une structure collective ne peut vraiment pas être mise en place.
Certes, les jeunes parents s’accommodent du chèque emploi service universel, le CESU-garde d’enfant, qui monte en puissance, mais c’est surtout parce qu’il n’y a pas suffisamment de berceaux réservés en crèches. Qui a connu le casse-tête de rechercher une « nounou » sait combien il est plus simple, plus rassurant et moins onéreux d’obtenir une place en crèche.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Combien cela coûte-t-il à la société ?
M. Jacques Mahéas. Très cher aux collectivités locales et beaucoup moins à l’éducation nationale, qui ne veut plus accueillir les enfants de deux à trois ans.
Monsieur Arthuis, à Neuilly-sur-Marne, sur une classe d’âge représentant 600 enfants, la moitié seulement était scolarisée. Actuellement, il n’est plus possible de scolariser les enfants de deux à trois ans.
M. Dominique Leclerc. Et pourquoi pas de un à deux ans ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas de la scolarité, c’est le jardin d’enfants !
M. Jacques Mahéas. L’État s’est totalement désengagé en la matière, ce qui est une catastrophe pour les parents à la recherche de places en crèche.
Il serait bon que l’État favorise un peu ses fonctionnaires.
De même, l’agent qui dispose d’un restaurant interadministratif n’aura nul besoin de chèques-restaurant. Les qualités nutritives des menus qui y sont proposés sont par ailleurs facteur de bonne santé et contribuent à lutter contre l’obésité, contrairement aux sandwichs et autres hamburgers achetés à l’extérieur !
Par ailleurs, les crédits d’aide au logement sont en diminution sensible, avec des baisses de 17,2 % pour l’aide à l’installation des personnels de l’État et de 54 % pour le prêt mobilité.
Monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des lois le 17 novembre dernier, vous nous avez avoué ne pas avoir d’explication à ces baisses, ce qui est tout de même assez curieux ! Peut-être pourrez-vous aujourd’hui nous apporter quelques précisions.
Selon vos services, la faiblesse du nombre de dossiers de prêts mobilité, environ 300 en 2009, serait « liée à son caractère récent et à une information des potentiels bénéficiaires encore réduite ». Lancer une campagne d’information serait donc sans doute préférable à diviser l’enveloppe par deux !
Je m’interroge également sur le contingent préfectoral. En effet, les préfets se trouvent, tout du moins en Île-de-France, dépassés par les demandes déposées sur la base de la loi sur le droit au logement opposable, et les fonctionnaires de l’État ont de plus en plus de difficultés à accéder à leur parc de logements sociaux. J’aimerais obtenir également des précisions sur ce point.
Pour conclure, ce budget témoigne d’une nouvelle réduction irraisonnée des effectifs, d’un pouvoir d’achat en berne, d’atteintes répétées au statut et d’incertitudes liées à la réorganisation de l’administration territoriale de l’État. Le groupe socialiste ne saurait voter des crédits qui traduisent une politique de sape et de défiance envers les fonctionnaires !
(Mme Monique Papon remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai aux différents points qui ont été évoqués par les intervenants plutôt que de me lancer dans un discours général sur la gestion des finances publiques et des ressources humaines.
Tout d’abord, comme vous l’avez souligné, monsieur Angels – et je vous en remercie –, le budget de mon ministère est maîtrisé. La politique de recherche d’efficacité et de maîtrise des coûts menée dans le cadre de la mission « Gestion des finances publiques et ressources humaines » a déjà permis de dégager des gains de productivité très importants, puisque plus de 18 000 départs à la retraite n’auront pas été remplacés sur la période 2003-2010, faisant ainsi du ministère du budget le premier contributeur aux réductions d’emplois dans la fonction publique.
L’année prochaine, ce sont près de 2 900 départs à la retraite qui ne seront pas remplacés, soit 58 % du total. Les crédits de titre 2 hors CAS « Pensions » affichent donc une baisse de 0,43 % par rapport au montant inscrit – 6,131 milliards d’euros – dans la loi de finances initiale pour 2009, ce qui est une performance. Quant aux crédits de fonctionnement et d’investissement, hors nouveaux loyers budgétaires, ils sont stables par rapport à l’année dernière. Les autorisations d’engagement sont en diminution de 1 % par rapport à 2009.
Monsieur Angels, vous avez par ailleurs évoqué le programme COPERNIC et l’opportunité de son utilisation par le service des douanes. À la suite des auditions menées sur cette question par la commission des finances du Sénat en octobre dernier, j’ai demandé à Philippe Parini, le directeur général des finances publiques, et à Jérôme Fournel, le directeur général des douanes et droits indirects, de lancer une étude sur les connexions possibles entre les différents systèmes et les coopérations à envisager. Je vous tiendrai informé des conclusions qui en seront tirées.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est très important.
M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle que l’élaboration de cette application, contrairement à ce qui a été affirmé tout à l’heure, n’a pas été du seul fait de l’ex-DGI, puisque l’ex-DGCP y a elle aussi participé.
Pour ce qui est du taux d’absentéisme, il ne faut pas donner une trop grande signification aux statistiques mentionnées dans le rapport. Il a en effet été procédé à un changement du mode de calcul, qui intègre à la fois les absences pour maladie et pour accident de service, les congés ou les autorisations d’absence de natures diverses, ainsi que les absences justifiées par le suivi d’actions de formation continue, ce qui est une nouveauté.
Au sein de la DGFIP, le nombre moyen de jours de formation continue par agent, qui était de 3,76 en 2007, est passé à 4,68 en 2008. Cette situation explique donc en très grande partie la progression du nombre moyen de jours d’absence par agent, passé entre ces deux années de 16,8 à 17,8, soit une journée de plus. Seule une infime partie de cette progression ne trouve pas à s’expliquer par la prise en compte des jours de formation continue.
Je le répète, l’augmentation du taux d’absentéisme s’explique bien par l’intégration de la formation, et non par des absences provoquées par le stress au travail, comme on l’entend parfois dire.
Monsieur Angels, vous avez en outre abordé un sujet qui nous est cher, celui de la diversité, sur lequel nous souhaitons être performants. Sur cette question, nous avons déjà accompli des progrès et nous devons continuer dans cette voie. Je pense par exemple à la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique, que j’ai signée, en tant que ministre chargé de la fonction publique, avec la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Elle s’applique bien entendu en premier lieu au ministère du budget.
Nous avons également beaucoup développé les PACTE, les parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État. Ce dispositif permet à des jeunes âgés de 16 à 25 ans sans aucun diplôme d’intégrer la fonction publique, par le biais d’un recrutement particulier par jury suivi d’une titularisation au bout d’une année de service.
Enfin, vaste sujet qui me tient réellement à cœur, j’ai développé les classes préparatoires intégrées, non seulement à l’ENA, mais également dans l’ensemble des autres écoles.
J’en viens à la fusion des corps, que nous souhaitons poursuivre. On dénombre aujourd’hui 380 corps dans la fonction publique d’État, dont 83 dans les établissements publics. La situation est très contrastée, puisque 90 corps environ regroupent, dans les administrations de l’État, 90 % des effectifs, les 10 % restants faisant l’objet d’une dispersion considérable dans des corps à très faibles effectifs. Ainsi, 53 corps d’établissements publics comptent moins de 150 agents, ce qui donne une vision très parcellaire.
Notre programme de fusion des corps, qui devait aboutir en 2009, débouchera plutôt en 2010. Il se traduira notamment par la création d’un plus grand nombre de corps interministériels, afin d’éviter ce cloisonnement que d’aucuns peuvent dénoncer, notamment les fonctionnaires concernés, par la suppression de corps à trop faibles effectifs, qui n’ont plus aucun sens en termes de gestion, et, bien évidemment, par des fusions dépassant les périmètres ministériels traditionnels.
Notre objectif est de parvenir à une fonction publique organisée par métiers. S’il peut s’avérer coûteux, car il suppose une adaptation des règles de gestion à des ensembles plus vastes, il permettra de réaliser de riches progrès.
Sur l’aide ménagère à domicile, évoquée par MM. de Legge et Mahéas, il ne faut pas, là aussi, faire d’erreur d’interprétation.
L’AMD n’était pas attribuée aux personnes ayant le plus besoin d’une aide sociale : avec une gestion à guichet ouvert, elle avait, en quelque sorte, glissé du champ de l’action sociale vers celui de la prestation sociale. Tel n’était pourtant le but dans lequel elle avait été créée.
Une réflexion similaire a d’ailleurs été menée au sein du régime général, aboutissant aux mêmes conclusions. L’essentiel des bénéficiaires appartenait à la catégorie GIR 6, soit le niveau de dépendance le plus faible, et disposait de revenus qui, certes, n’étaient pas élevés, mais dépassaient tout de même, pour un couple, 2 300 euros par mois. Ce faisant, l’AMD n’était pas attribuée aux personnes qui en auraient eu le plus besoin.
Nous avons alors choisi d’opérer un repositionnement de cette aide, ce qui n’a rien à voir avec une quelconque mesure d’économie.
M. Jacques Mahéas. Les aides aux agents retraités baissent de 89 % !
M. Éric Woerth, ministre. Le maintien des engagements déjà conclus est assuré. Chaque euro dépensé restera consacré à l’action sociale interministérielle : CESU, réservation de places de crèches, aide au logement des fonctionnaires. Nous avons procédé à une répartition de ce budget, sans diminuer en aucune façon l’aide sociale aux fonctionnaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne conteste pas du tout le fait que certains puissent prôner une attribution différente des crédits, mais je ne peux laisser dire que nous avons fait des économies, car c’est faux ! Nous avons, j’insiste, procédé à une nouvelle répartition des sommes – dont je pourrais vous donner le détail exact, dispositif par dispositif –, jugeant qu’elles seraient plus utilement employées ainsi. Il aurait été d’ailleurs tout à fait anormal de chercher à faire des économies, alors que nous voulons justement développer ce volet de l’aide sociale.
M. Jacques Mahéas. Je vous en remercie, monsieur le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame Bricq, les surfaces immobilières vont continuer à baisser. Comme vous l’avez dit, il s’agit bien d’un work in progress. Cela signifie que nous pouvons mieux faire, mais que ce n’est déjà pas si mal. Au cours des deux dernières années, une baisse des surfaces a été constatée, ce qui est inédit, avec une diminution de 137 000 mètres carrés. Si la politique en la matière n’en est qu’à ses débuts, elle existe bel et bien. C’est la raison pour laquelle je m’inscris en faux contre les propos de M. Pozzo di Borgo, car il est assez facile de tout caricaturer.
L’immobilier est un sujet qui, au choix, terrorise ou excite : soit il y a trop de transparence, et on n’a pas les bons acheteurs, soit il y a trop d’opacité, et c’est suspect. Aucune chance ne nous étant laissée, la meilleure des politiques immobilières est vraiment de ne rien faire, de conserver le même propriétaire, de garder tous les biens de l’État, et de ne pas bouger. Ainsi, nous éviterons toute critique !
Nous avons, pour notre part, choisi de développer une stratégie immobilière, indispensable si l’on veut réformer les services publics. Gérer 12 millions de mètres carrés de bureaux signifie forcément vendre, regrouper, entretenir. Notre stratégie est d’ailleurs déclinée dans les départements, et le sera demain chez les opérateurs de l’État, à qui nous avons demandé un inventaire précis.
On peut nous accuser de tout – c’est le jeu en politique –, mais pas de ne rien faire dans le domaine immobilier. Je le sais bien, l’action appelle la critique : l’acheteur ne convient pas, ou les conditions d’achat manquent de transparence. On nous dit que TRACFIN devrait s’en occuper. Certes, mais permettez-moi de vous faire remarquer que c’est déjà le cas, et à notre demande en plus. Nous n’acceptons pas n’importe quel acheteur et, avant de vendre, nous nous efforçons de vérifier l’origine des fonds : la plupart du temps, malgré les rumeurs, nous ne trouvons rien.
Mme Nathalie Goulet. À qui le dites-vous…
M. Éric Woerth, ministre. Nous faisons en sorte de protéger les intérêts de l’État, ce qui passe par une politique immobilière ambitieuse.
Bien évidemment, il nous arrive de nous tromper.
M. Jacques Mahéas. L’Imprimerie nationale !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas un exemple !
M. Éric Woerth, ministre. Mais c’est toujours celui qui est cité ! L’opération de la rue de la Convention n’est certainement pas la meilleure affaire réalisée par l’État, sauf qu’il n’y a pas perdu. Il a regroupé les services du ministère des affaires étrangères sur deux sites, contre neuf auparavant. Globalement, l’opération est bénéficiaire.
Avec le recul, il apparaît que l’Imprimerie nationale n’aurait pas dû vendre l’immeuble à un prix trop faible et que l’État aurait probablement dû se porter acquéreur de l’immeuble. La commission des finances du Sénat a d’ailleurs procédé à une audition sur ce sujet. Pour ma part, j’ai saisi l’inspection générale des finances pour examiner les conditions de cette opération antérieure à mon arrivée au ministère.
À l’époque, l’État n’avait pas une stratégie immobilière suffisamment affirmée. Mais ne vous y trompez pas ! Nous aurons à l’avenir d’autres cas – beaucoup moins frappants, je l’espère – pour lesquels nous regretterons d’avoir manqué d’anticipation. Nous ne pouvons pas toujours savoir ce que nous ferons dans trois, quatre ou cinq ans. Et ce qui est vrai pour l’État l’est aussi pour les collectivités locales et, bien sûr, pour les entreprises. Je le répète, je m’inscris en faux contre les propos qui ont été tenus sur ce sujet.
Madame Assassi, vous avez raison, l’augmentation de la qualité du service est majeure. Nous allons étendre la charte Marianne et la réactualiser, car cela n’avait pas été fait. Le déploiement du référentiel Marianne, qui lui a succédé, s’inscrit dans la deuxième phase de la révision générale des politiques publiques, au cours de laquelle nous améliorerons les procédures de simplification, l’accueil, les délais de traitement, la satisfaction des usagers.
Mes services vous ont d’ores et déjà fait parvenir un certain nombre d’éléments sur « l’enquête mystère ». Sachez qu’il s’agit plutôt pour l’administration d’un document de travail à usage interne, qui lui permet d’avoir une meilleure idée de la situation et de faire avancer les choses. Naturellement, si vous souhaitez des informations complémentaires, nous pourrons vous les communiquer.
Je terminerai mon propos en évoquant rapidement les cessions immobilières du ministère de la défense, lesquelles, madame Bricq, sont bien évidemment assises sur des actifs à céder, qui ont une valeur. S’il y a eu moins de ventes cette année, c’est parce qu’il était hors de question pour l’État de brader ses actifs immobiliers alors que nous étions en bas de cycle. Nous attendons que le marché soit meilleur. D’ailleurs, il est en train de remonter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.
état B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion des finances publiques et des ressources humaines |
11 552 559 961 |
11 564 292 731 |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
8 423 966 394 |
8 419 691 157 |
Dont titre 2 |
6 885 449 631 |
6 885 449 631 |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local : expérimentations Chorus |
16 611 621 |
16 646 779 |
Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État |
184 235 789 |
309 574 014 |
Dont titre 2 |
86 184 177 |
86 184 177 |
Conduite et pilotage des politiques économique et financière |
883 244 198 |
799 318 821 |
Dont titre 2 |
367 675 628 |
367 675 628 |
Conduite et pilotage des politiques économique et financière (hors Chorus) |
84 528 962 |
84 631 140 |
Dont titre 2 |
29 385 646 |
29 385 646 |
Facilitation et sécurisation des échanges |
1 547 349 516 |
1 544 104 710 |
Dont titre 2 |
1 028 938 926 |
1 028 938 926 |
Fonction publique |
243 934 876 |
221 324 585 |
Dont titre 2 |
350 000 |
350 000 |
Entretien des bâtiments de l’État |
168 688 605 |
169 001 525 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
110 770 000 |
110 770 000 |
Prêts et avances à des particuliers ou à des associations |
770 000 |
770 000 |
Prêts pour le développement économique et social |
10 000 000 |
10 000 000 |
Prêts à la filière automobile |
100 000 000 |
100 000 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics |
7 850 744 588 |
7 850 744 588 |
Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune |
7 500 000 000 |
7 500 000 000 |
Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics |
100 000 000 |
100 000 000 |
Avances à des services de l’État |
250 744 588 |
250 744 588 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’état
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion du patrimoine immobilier de l’État |
900 000 000 |
900 000 000 |
Contribution au désendettement de l’État |
30 000 000 |
30 000 000 |
Contribution aux dépenses immobilières |
140 000 000 |
140 000 000 |
Contribution aux dépenses immobilières : expérimentations Chorus |
730 000 000 |
730 000 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
(Ces crédits sont adoptés.)
Article additionnel après l’article 54 ter
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 54 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
L’amendement n° II-9, présenté par M. Angels, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I.- Après l’article 54 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement joint au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion une annexe présentant, pour l’année, l’état d’avancement des mesures décidées en conseil de modernisation des politiques publiques depuis 2007. Cette présentation fait apparaître et justifie, pour chaque mesure, la date de réalisation effective ou les délais d’exécution prévus, en indiquant les échéances initialement fixées, et les économies nettes constatées ou attendues en conséquence, en précisant le montant initialement prévu et après révision éventuelle.
II.- En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Gestion des finances publiques et des ressources humaines.
La parole est à M. Bernard Angels, rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial. Cet amendement tend à permettre au Parlement de disposer d’une information de qualité sur la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques.
Actuellement, le suivi des quelque 374 mesures adoptées par les trois premiers conseils de modernisation des politiques publiques n’est retracé, pour l’essentiel, que par deux rapports d’étape remis au Président de la République, en décembre 2008 et en mai 2009. Or ces documents ne font apparaître aucun chiffre au-delà de l’estimation globale de réduction des coûts au terme du processus.
Notre amendement vise donc à créer, sous la forme d’une annexe au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion, un « tableau de bord » de la RGPP. Ce document doit permettre au Parlement de suivre avec précision l’état d’avancement des réformes conduites.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-196, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° II-9, alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
présentant, pour l’année, l’état d’avancement des mesures décidées en conseil de modernisation des politiques publiques depuis 2007
par les mots :
présentant, pour l’année, un bilan des mesures décidées en conseil de modernisation des politiques publiques depuis 2007 et arrivées à leur terme
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° II-196 et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-9.
M. Éric Woerth, ministre. Pour mieux coller à la réalité de la RGPP, dont l’objet est vaste, ce sous-amendement vise à préciser que le Gouvernement pourrait être conduit à faire figurer en annexe du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion les seules mesures décidées en conseil de modernisation des politiques publiques et qui sont arrivées à leur terme.
Les économies sont souvent dues à un ensemble de mesures. Estimer avec exactitude laquelle permet de réaliser ces économies est parfois très difficile, d’autant que celles-ci ne sont pas toujours immédiates. En la matière, les exemples sont multiples.
Le fait de pouvoir tirer des enseignements annuels des mesures qui sont mises en œuvre concrètement et de dire quel niveau d’économie celles-ci peuvent atteindre serait utile au Parlement dans le cadre de sa mission de contrôle. C’est pourquoi, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° II-9.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Angels, rapporteur spécial. En présentant ce sous-amendement, le Gouvernement reconnaît implicitement la pertinence de notre amendement. Je l’en remercie.
Cependant, la commission n’a pas pu se prononcer sur ce sous-amendement dans la mesure où il vient d’être déposé. Après en avoir discuté avec le président de la commission des finances, il me semble que le dispositif proposé correspond à l’état d’esprit qui a présidé au dépôt de notre amendement. Il s’agit donc d’une avancée importante à laquelle je suis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 54 ter.
Articles additionnels après l’article 63
Mme la présidente. J’appelle en discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 63, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
L’amendement n° II-10, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I.- Après l’article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement joint au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion une annexe récapitulant, pour l’année, les acquisitions immobilières de l’État de plus de 0,5 million d’euros hors taxes et les prises à bail de l’État dont le loyer est supérieur à un million d’euros hors taxes dans la région Île-de-France et à 0,5 million d’euros hors taxe dans les autres régions.
II.- En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Gestion du patrimoine immobilier de l’État.
La parole est à Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial.
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Cet amendement vise en quelque sorte à exercer un droit de suite à la séance du 1er avril dernier consacrée à l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009. À cette occasion, Mme Goulet avait présenté un amendement concernant la salle Pleyel.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. À la suite des commentaires du président de la commission des finances et du rapporteur général, vous nous aviez alors garanti, monsieur le ministre, que les engagements immobiliers de l’État les plus importants se trouveraient retracés dans une nouvelle annexe au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion de chaque année.
Or rien ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2010. Il faut pourtant que le Parlement soit pleinement informé sur les opérations en cause. Nous insistons donc pour que cette annexe figure dans le projet de loi de règlement que nous examinerons prochainement.
Je rappelle que cet amendement vise les engagements immobiliers de l’État portant sur des acquisitions de plus de 0,5 million d’euros et des prises à bail dont le loyer est supérieur à 1 million d’euros dans la région d’Île-de-France et à 0,5 million d’euros dans les autres régions.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne les baux supportés par l’État, nous considérons que la mesure contribuera à accélérer la mise en place, actuellement en cours, de la centralisation du suivi à laquelle vous êtes attaché.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat concernant la salle Pleyel est bien évidemment resté gravé dans ma mémoire ! Comment ne pas se souvenir d’une telle musique ? (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Il s’est terminé sur une fausse note !
M. Éric Woerth, ministre. J’avais pris l’engagement de dresser un état des baux en fonction des seuils et des cessions en 2009. Vous l’aurez, l’année n’est pas terminée !
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Belle pirouette !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et respectera les engagements pris au printemps dernier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Voilà une petite consolation après l’échec cuisant qu’avait subi mon amendement. Abandonnée par mes collègues au moment du vote, j’avais totalement oublié cette malheureuse affaire ! Je suis donc ravie de la voir resurgir. J’en remercie vivement Mme Bricq et je félicite la commission des finances de sa vigilance dans le suivi des engagements du Gouvernement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 63.
Je constate d’ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° II-154, présenté par M. de Montgolfier, est ainsi libellé :
A. - Après l’article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 112-2 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Dans la seconde phrase du premier alinéa, après les mots : « activités commerciales », sont insérés les mots : « ou artisanales » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est également réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble toute clause prévoyant, pour les activités autres que celles visées à l’alinéa précédent et les activités exercées dans le cadre de professions libérales, une indexation sur la variation de l’indice des loyers d’activités tertiaires publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques dans les conditions fixées par décret. » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « du précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « des précédents alinéas ».
II. - L’article L. 112-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa (9°), après les mots : « activités commerciales » sont insérés les mots : « ou artisanales » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 10° Les loyers prévus par les conventions portant sur le local à usage des activités prévues au deuxième alinéa de l’article L. 112-2. »
III. - L’article L. 145-34 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « s’il est applicable, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas » ;
2° Dans la seconde phrase du même alinéa, les mots : « s’il est applicable, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux » sont remplacés par les mots : « s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires ».
IV. - Au troisième alinéa de l’article L. 145-38 du code de commerce, les mots : « s’il est applicable, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas ».
B. - En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. L’adoption de cet amendement pourrait contribuer à la baisse des charges publiques, en particulier pour les administrations publiques qui louent dans le secteur privé.
Il s’agit en effet de rendre possible le recours à un nouvel indice de référence pour l’indexation des loyers de bureaux et des locaux professionnels, baptisé « indice des loyers d’activités tertiaires », ou ILAT, qui serait en fait composé d’un panier de trois indices : l’indice des prix à la consommation hors tabacs et hors loyers, l’indice du coût de la construction et l’indice du produit intérieur brut en valeur.
L’intérêt est d’éviter d’avoir à subir l’évolution pour le moins erratique de l’indice du coût de la construction, qui, cela s’est vérifié, peut augmenter très fortement à certaines périodes et baisser par la suite. Plus stable compte tenu de sa composition tripartite, ce nouvel indice favoriserait la stabilisation du niveau des loyers d’activités tertiaires et sans doute la baisse des dépenses immobilières des administrations publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Votre amendement, mon cher collègue, vise probablement à appliquer la recommandation d’une organisation professionnelle. (M. Albéric de Montgolfier opine.) Je ne vous en fais pas le reproche, car j’avais moi-même mis en évidence, lors de mon contrôle budgétaire sur les baux de l’État et de ses opérateurs, que l’indice de la construction, la seule référence à l’époque, avait affecté les loyers indexés de manière considérable compte tenu de la bulle immobilière. Depuis lors, il a régressé.
D’une certaine manière, votre proposition se rattache à l’une des dispositions de la loi LME du 4 août 2008, qui a créé un nouvel indice pour les loyers commerciaux en supprimant la référence à l’indice du coût de la construction. Cependant, celle-ci ne s’applique pas aux locaux à usage exclusif de bureaux.
La commission n’ayant pas examiné cet amendement, elle aimerait connaître l’avis du Gouvernement, au regard notamment des éventuelles conséquences d’une telle mesure sur les baux de l’État. J’ai déjà signalé dans mon rapport que ceux-ci se situaient souvent au-dessus des prix du marché. Ce dernier étant plutôt baissier en ce moment, il serait intéressant que M. le ministre nous éclaire sur ce point.
En attendant, j’émets a priori un avis plutôt favorable, car ce nouvel indice pourrait contribuer à faire baisser les dépenses immobilières des administrations publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à créer un nouvel indice de référence pour le secteur tertiaire, l’ILAT, élaboré par l’INSEE et le ministère de l’économie, en liaison avec les professionnels du secteur. Le recours à cet indice permettrait d’éviter les fluctuations erratiques de l’indice du coût de la construction.
Madame Bricq, en 2010 – l’ILAT se situant à 1,27 % –, l’adoption de cet amendement aurait un impact sur les loyers budgétaires, donc les loyers intra-administration, de 8,4 millions d’euros, car l’État se référerait alors à cet indice pour ses bureaux. Hors administration, j’imagine que l’effet serait également important. En tout cas, je sais qu’un tel dispositif, de nature à mieux lisser les augmentations de loyer, est attendu par la profession.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 63.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ainsi que des comptes spéciaux « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » et « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Régimes sociaux et de retraite
Compte spécial : Pensions
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », ainsi que du compte spécial « Pensions ».
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte spécial « Pensions » au nom de la commission des finances, en remplacement de notre collègue Bertrand Auban, actuellement en mission à l’étranger.
Dans le temps, court, qui m’est imparti, je me limiterai à vous présenter les chiffres clés des retraites des fonctionnaires de l’État qui relèvent du compte spécial « Pensions » et de certains régimes spéciaux qui bénéficient d’une subvention d’équilibre de l’État au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Pour 2010, le coût global du compte spécial « Pensions » s’élèvera à 51,1 milliards d’euros, contre 50,1 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2009, soit une progression de 2 %.
Le nombre prévisionnel de pensionnés civils et militaires sera de 2,3 millions fin 2010, soit une augmentation de 2,8 % par rapport à 2009, comparable à l’évolution des crédits.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe le financement d’un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique. Pour 2010, la contribution de l’État s’élèvera à 5,72 milliards d’euros, soit une hausse importante de 10 % par rapport aux 5,2 milliards d’euros prévus en 2009.
Ce budget soutient principalement les régimes sociaux et de retraite de la SNCF à raison de 3,12 milliards d’euros, le régime des mineurs pour 971 millions d’euros, celui des marins pour 792 millions d’euros, de la RATP pour 526,7 millions d’euros et de la SEITA pour 132,3 millions d’euros.
Au total, près de 56,8 milliards d’euros seront donc consacrés en 2010 au financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux dont l’État assure l’équilibre financier, soit 20 % de l’ensemble des dépenses budgétaires.
J’en viens maintenant à des considérations plus particulières sur la justification des crédits.
La subvention d’équilibre de l’État au régime des retraites des mines augmentera de 65 % en 2010. Il s’agit non pas d’une modification d’un équilibre démographique de cette caisse mais d’un contrecoup de la crise. En effet, le Gouvernement avait souhaité que la caisse des mines valorise son patrimoine immobilier. Je rappelle par exemple que la vente de l’hôtel Prince de Galles a « rapporté » 141 millions d’euros. Or, en 2010, les cessions immobilières seront réduites, entraînant à la hausse l’ajustement de la subvention de l’État.
S’agissant du régime de retraite des personnels de la RATP, l’adossement de la caisse autonome de la RATP au régime général est en sommeil depuis 2007,…
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Heureusement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … en attente d’une décision de la Commission européenne. Celle-ci a enfin décidé, le 13 juillet dernier, que la création de la caisse constituait une aide compatible avec les règles de l’Union européenne, à la condition que la réforme du régime spécial soit entièrement mise en œuvre.
Dans ces conditions, il faudra que le Gouvernement nous éclaire sur les modalités de reprise du projet d’adossement et d’actualisation de la soulte que l’État aura à verser, laquelle, je le rappelle, était estimée entre 500 millions et 700 millions d’euros. Sur ce point, nous serons intéressés par votre réponse, monsieur le ministre.
Avant de conclure, je voudrais souligner la mise en œuvre de deux avancées notables dans la gestion des pensions.
En premier lieu, une norme commune à l’ensemble des caisses de retraites pour l’évaluation du coût de gestion des pensions a été adoptée, ce qui répond à une recommandation formulée l’année dernière par la commission des finances.
En second lieu, un service des retraites de l’État ayant pour objet d’optimiser l’organisation des services gestionnaires de la chaîne des pensions de l’État a été créé, ce qui correspond à une recommandation que la commission des finances avait formulée, dès 2007, dans le cadre du suivi de l’enquête sur la réforme de la gestion des pensions que nous avions demandée à la Cour des comptes.
Au final, le paiement des droits à pension constitue pour l’État une obligation de service public sur laquelle peu de marges de manœuvre se dégagent. Ce constat est d’autant plus vrai que le rituel législatif auquel nous nous livrions année après année pour réformer le régime des indemnités temporaires de retraite outre-mer a pris fin (M. le rapporteur pour avis rit.), ou, plutôt, a amorcé un reflux…
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … grâce à l’adoption d’un amendement d’extinction progressive de ce dispositif porté par M. Dominique Leclerc.
À cet égard, monsieur le ministre, il serait intéressant de nous présenter les premiers effets de cette réforme. Ce dispositif est-il de nature à vous aider à réduire le déficit budgétaire, et dans quelles proportions ? Nous sommes conscients de la faiblesse de son incidence en 2010, mais une petite piqûre de rappel sur ce point particulier répondrait à notre légitime vigilance.
Mes chers collègues, je vous propose, au nom de la commission des finances, d’adopter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette mission retrace les principales subventions versées par l’État pour équilibrer les comptes de plusieurs régimes spéciaux de retraite. Elle met en évidence le caractère structurellement déficitaire d’un ensemble de régimes, maintenus sous perfusion depuis des décennies grâce à la solidarité nationale.
Quelque 5,7 milliards d’euros y seront consacrés l’an prochain, soit 10 % de plus qu’en 2009. Inévitablement, le besoin de financement de ces régimes spéciaux va continuer à progresser dans les prochaines années, car l’évolution à la hausse de leurs dépenses sous l’effet du papy-boom et le mouvement à la baisse de leurs ressources créent un effet de ciseau.
Les dotations de l’État, qui jouent le rôle de variable d’ajustement, sont donc appelées à augmenter. Or rien ne garantit qu’elles seront en mesure de suivre l’évolution des besoins. C’est pourquoi la commission des affaires sociales s’interroge sur la pérennité de ces subventions : ne peut-on pas craindre, monsieur le ministre, que le contexte budgétaire contraint et les arbitrages financiers qui en découlent ne conduisent, à terme, à un abondement insuffisant de la mission ?
En attendant, l’évolution des crédits pour 2010 met en lumière quatre éléments principaux.
Premièrement, la dotation à la caisse autonome de retraite de la SNCF est en hausse relativement contenue de 2,5% et s’établit à 3,12 milliards d’euros, dans la continuité de la tendance observée ces dernières années.
Deuxièmement, la dotation à la caisse autonome de retraite de la RATP est plus conforme à la sincérité budgétaire. Après avoir été largement sous-budgétisée dans les exercices précédents, elle s’élève aujourd'hui à 527 millions d’euros, en augmentation de 5,1 % par rapport à 2009.
Troisièmement, la subvention d’équilibre accordée au régime des marins – 792,5 millions d’euros en 2010 – connaît une croissance de 6 % en raison de l’érosion continue de la masse salariale.
Quatrièmement, enfin, la subvention versée au régime des mines est en progression de 65 %, pour atteindre 971,6 millions d’euros. Cette évolution est la conséquence, d’une part, de la diminution des transferts au titre de la surcompensation dont ce régime était l’un des principaux bénéficiaires et, d’autre part, du moindre rendement de ses actifs immobiliers.
Ce débat m’amène surtout à dresser un premier bilan de la réforme des régimes spéciaux engagée en 2007 par les pouvoirs publics et entrée en vigueur le 1er juillet 2008.
En harmonisant progressivement les règles en vigueur dans les régimes spéciaux avec celles qui sont applicables dans les régimes de la fonction publique, cette réforme se fixe deux objectifs : rétablir plus d’équité entre les assurés sociaux et garantir la viabilité financière de ces régimes sur le long terme.
Je rappelle également que l’adoption de cette réforme a été subordonnée à l’instauration de mesures salariales de compensation qui ont été actées dans des négociations d’entreprise. À la SNCF comme à la RATP ont été décidés notamment la création d’échelons supplémentaires d’ancienneté, le déblocage de la grille des salaires, la possibilité de rachat d’années d’études et la suppression de la condition d’âge pour l’affiliation au régime spécial. J’en tire la conclusion que le principe de la spécificité des droits des assurés de ces régimes a été préservé.
Bien sûr, ce dialogue social approfondi était nécessaire, mais je crains qu’il n’ait abouti à des contreparties qui pourraient, à terme, vider la réforme de sa substance. L’an dernier déjà, la commission des affaires sociales avait souligné le fort potentiel de dépenses supplémentaires que représentait l’octroi de ces mesures de compensation aux salariés. Au début de mon propos, je faisais remarquer que ces régimes étaient maintenus sous perfusion grâce à la solidarité nationale.
Mme Nathalie Goulet. C’est grave !
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. Nous confortons des régimes à prestations définies avec un taux de remplacement garanti, alors que le régime général des salariés est soumis à des cotisations fixes, de surcroît nettement supérieures, pour des pensions dont le taux de remplacement baisse régulièrement et des salariés soumis aux aléas du chômage. Sincèrement, j’estime que la solidarité des usagers et des contribuables a des limites. Nous aurons sans doute un débat sur ce point l’an prochain.
Les nouvelles estimations dont nous disposons nous permettent de confirmer ces analyses. Ainsi, la SNCF a revu à la hausse le coût des mesures d’accompagnement. En 2010, ce dernier serait supérieur de 30 millions d’euros aux prévisions initiales. En 2012, il atteindrait 50 millions d’euros de plus.
Ces dépenses supplémentaires viennent grever les économies attendues de la réforme : à la SNCF, les gains engrangés jusqu’en 2020 chuteraient à partir de cette date à un niveau inférieur au coût des mesures d’accompagnement ; à la RATP, la réforme engendrerait un surcoût jusqu’en 2015 en raison des contreparties accordées, puis ne dégagerait que de très faibles économies.
Aussi notre commission estime-t-elle que les gains résultant de cette réforme pourraient s’avérer beaucoup plus faibles pour la collectivité que ce que les prévisions initiales, optimistes, ne le laissaient penser. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre sentiment sur ce sujet.
Cela étant, la commission des affaires sociales ne peut que se déclarer favorable à l’adoption des crédits de la mission pour 2010, car ils sont indispensables à la survie de tous ces régimes de retraite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi que le compte spécial « Pensions » sont révélateurs, de manière pour le moins intéressante, des choix politiques de long terme mis en œuvre par les différents gouvernements.
Les régimes sociaux pris en charge par la mission, nul ne l’ignore, sont ceux dont le déséquilibre démographique est avéré et résulte de choix politiques antérieurs, qu’il s’agisse de la liquidation de Charbonnages de France ou de la réduction de la desserte ferroviaire, notamment.
Quant au compte spécial « Pensions », dont les crédits progressent de près de 5 % cette année, il est de plus en plus obéré par le mouvement de réduction du nombre de fonctionnaires en activité et par la progression du nombre de ceux qui ont fait valoir leurs droits à la retraite.
Les dépenses liées aux régimes sociaux s’élèvent aujourd’hui à plus de 5 milliards d’euros, tandis que le compte spécial vient d’atteindre le montant de 51,2 milliards d’euros, et ce malgré tous les artifices comptables en vogue, notamment depuis l’adoption de la loi portant réforme des retraites de 2003, utilisés pour comprimer autant que possible le montant des retraites et des pensions. La tendance qui se dessine pour les prochaines années – elle est d’ailleurs déjà engagée – est un écrasement de l’évolution des salaires et des retraites. Cette tendance se confirmera d’année en année.
Lorsqu’un droit est acquis, et c’est le cas ici, la solidarité nationale doit jouer.
Il faut cesser de considérer que les pensions et les retraites sont des charges qu’il faut réduire. En effet, 55 milliards d’euros de pensions versées, c’est aussi 55 milliards d’euros destinés pour partie à l’épargne, monsieur le ministre, et à la consommation ; c’est aussi 55 milliards de bases d’imposition. De manière générale, c’est de l’argent qui circule et qui fait tourner l’économie.
Depuis quelques années, nous assistons à une évolution dramatique pour les retraités. On voit en effet apparaître ce que l’on appelle des retraités pauvres – il s’agit d’ailleurs surtout de femmes – qui ne peuvent plus vivre de leur maigre pension. Réduire le pouvoir d’achat des retraités, c’est créer les conditions d’une récession économique.
Finalement, 55 milliards d’euros pour les retraités de la fonction publique et leurs ayants droit, c’est assez peu, surtout quand on sait que l’État a émis en juin 2009 l’équivalent de cette somme en bons du Trésor pour faire face à ses difficultés de trésorerie !
Tout est utilisé aujourd’hui pour comprimer la dépense. Ainsi la Caisse des mines a-t-elle réalisé cette année un certain nombre de cessions immobilières afin d’équilibrer ses comptes. Et les biens immobiliers qu’elle cède ne sont pas des maisons de mineurs dans les corons, croyez-moi ! L’État attend des cessions réalisables en 2010 qu’elles lui permettent d’économiser plus de 200 millions d’euros sur la subvention d’équilibre.
Nous contestons évidemment cette manière de procéder, qui en annonce de belles ! Nous en reparlerons lorsqu’il s’agira, notamment, de prévoir le financement des retraites des agents de La Poste par les crédits de cette mission. Les cessions immobilières viendront-elles, là encore, au secours de l’équilibre budgétaire global ?
Enfin, je dirai quelques mots sur les rendez-vous en souffrance, puisqu’il y en a.
Six ans après la loi portant réforme des retraites, le régime général de la sécurité sociale est en situation de déficit, lequel devrait s’élever à 33,6 milliards d’euros en 2010. Quant au régime agricole, il est sous perfusion – la majorité en parle peu – depuis plusieurs années. Enfin, les régimes publics ne doivent leur équilibre qu’à l’accroissement continu du taux de cotisation. Cela remet en cause le dogme de la réduction des effectifs – le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux –, qui, on le voit, est inopérant.
Quant à la réforme des régimes spéciaux, même le rapport de notre collègue Dominique Leclerc confirme qu’elle n’aura pratiquement aucune incidence budgétaire réelle.
Les pensions et les retraites ne doivent plus être considérées comme un poids mort, une charge à réduire coûte que coûte. Commençons plutôt par mettre en œuvre des mesures de simple justice : prenons en compte la pénibilité, les carrières longues, ainsi que l’ensemble des états de service. Nous avons les moyens d’une telle justice : utilisons à cet effet les 120 milliards ou 130 milliards d’euros que l’État consacre aujourd’hui à la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’impôt des plus riches, ou des cotisations sociales des entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons ni les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ni ceux du compte spécial « Pensions ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, concernant les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je commencerai par évoquer quelques points généraux.
Les crédits de cette mission, comme l’ont dit MM. Arthuis et Leclerc, s’élèvent à 5,72 milliards d’euros, soit une augmentation de 10 % entre 2009 et 2010. Cette progression s’explique par une augmentation des dépenses, à la suite du relèvement des subventions de l’État en faveur des régimes spéciaux, comme l’a noté M. le président de la commission des finances. Ce transfert vise à compenser la disparition progressive du mécanisme de compensation entre les régimes spéciaux.
Enfin, l’arrivée à terme du programme de cessions immobilières de la Caisse des mines nécessite d’augmenter la subvention d’équilibre de l’État de 400 millions d’euros.
Concernant le compte spécial « Pensions », deux points sont à souligner : d’une part, la poursuite de la hausse des prestations de 1,1 milliard d’euros du fait des revalorisations des retraites et du nombre de départs à la retraite, d’autre part, la mise en place du service des retraites de l’État.
Le service des retraites de l’État, service à compétence nationale, réunit l’ancien service des pensions et les centres régionaux des pensions. Il sera l’opérateur unique de la liquidation des pensions et du versement de ces dernières pour l’État. La réforme s’étendra jusqu’en 2012 et conduira à une réforme de fond en comble du processus de gestion des retraites afin de l’industrialiser et d’alimenter chaque année le compte retraite individuel de chaque fonctionnaire. C’est assez compliqué à faire. À cet égard, j’ai récemment réuni l’ensemble des gestionnaires au niveau des ministères. Chaque ministère devra alimenter le système. Le but est de pouvoir renseigner les fonctionnaires sur leur carrière, longtemps avant leur départ en retraite, ce qui n’est pas toujours possible aujourd'hui.
Le service des retraites de l’État mettra en œuvre un guichet unique afin d’améliorer l’accueil des usagers et expérimentera des centres d’appels téléphoniques.
À terme, monsieur le président de la commission des finances, les gains de productivité sont estimés à environ 1 200 emplois, soit 40 % des effectifs chargés, à un titre ou à un autre, des pensions.
Cette réforme est donc un exemple très concret de notre capacité « à faire mieux avec moins de moyens » en réformant les processus de gestion. De tels changements se font d’ailleurs souvent au bénéfice des usagers. Cette réforme s’étendra jusqu’en 2012.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est long !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, c’est long, mais beaucoup de gens sont concernés. Tous les ans, vous serez tenus au courant de l’évolution du service de retraite des pensions de l’État.
J’évoquerai maintenant l’adossement du régime de la RATP au régime général.
Comme vous le savez, cet adossement est prévu par les textes réglementaires. Sa mise en œuvre a été suspendue pour deux raisons. La première, c’est que la priorité a été donnée à la réforme des droits, la seconde, c’est qu’un accord de la Commission européenne est nécessaire.
La Commission européenne a validé la réforme du financement par décision du 14 juillet de cette année. Elle a accepté la possibilité de réaliser un adossement. Pour autant, cet adossement n’est pas encore tout à fait d’actualité, des travaux techniques devant être effectués au préalable tout en prenant en compte la priorité donnée au rendez-vous des retraites en 2010. Le projet de budget pour 2010 n’intègre donc pas une hypothèse d’adossement, eu égard au délai nécessaire à sa mise en œuvre.
J’en viens à l’indemnité temporaire de retraite. L’extinction totale de ce dispositif est prévue sur un temps long, …
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très long !
M. Éric Woerth, ministre. … puisqu’elle devrait intervenir en 2028. La réforme consiste en le gel du montant des indemnités déjà octroyées et en un écrêtement progressif des sur-pensions les plus élevées. Les choses se feront en douceur, afin de ne vexer personne !
Le bénéfice des sur-pensions est réservé à compter du 1er janvier 2009 aux fonctionnaires ayant un lien avec le territoire, disposition très critiquée. L’incidence de ces mesures sera très progressif, compte tenu du dispositif retenu et du stock existant.
Au 5 novembre 2009, 34 100 pensions avec indemnité temporaire de retraite ont été payées, contre 35 612 en 2008. La forte augmentation constatée en 2008 a donc été enrayée, ce qui est un premier succès. Alors que cette hausse était de 6 % à la fin de 2008, elle n’était plus que d’un peu plus de 3 % à la fin octobre 2009. Nous assistons donc à l’extinction progressive de cet avantage.
Concernant le compte d’affectation spéciale « Pensions », monsieur Leclerc, et les évolutions envisageables pour réduire les besoins de financement du régime de l’État, attendons le rendez-vous sur ce sujet prévu en 2010. À cette occasion, j’ai bien l’intention de jouer tout mon rôle de ministre de la fonction publique, en liaison avec mon collègue Xavier Darcos. Permettez-moi de ne pas répéter ce que j’ai déjà dit sur ce rendez-vous, qui est évidemment très important.
La réforme des régimes spéciaux de retraite a permis de réaliser des économies d’impact qui sont loin d’être négligeables. Elles sont en tout cas beaucoup plus importantes qu’on ne le laisse entendre aujourd'hui. Une longue négociation avec les organisations syndicales est nécessaire à cet égard.
On peut estimer à 500 millions d’euros cumulés d’ici à 2012 les économies qui seront réalisées à la suite de la réforme des régimes spéciaux, puis à 500 millions d’euros annuellement ensuite. Je sais bien que la crise nous fait perdre nos repères, mais 500 millions d’euros, c’est tout de même loin d’être négligeable !
À long terme, ce rendement diminuera du fait de l’acquisition de pensions d’un niveau plus élevé compte tenu de la prolongation de l’activité ; mais il faut savoir ce que l’on veut : ou les gens partent en retraite à trente ans et ils ont une petite pension, ou ils partent à soixante ans et ils ont une pension plus importante. Il me semble toutefois qu’il vaut mieux qu’ils partent plus tard…
Notons que la réforme des régimes spéciaux a entraîné un changement des comportements. Par exemple, à la SNCF, qui est au cœur du dispositif, on assiste à un recul des âges de départ en retraite. Ainsi, entre la mi-2006 et la mi-2007, de 80 % à 84 % des roulants de cinquante ans et des sédentaires de cinquante-cinq ans partaient en retraite à ces âges.
M. Guy Fischer. Oui.
M. Éric Woerth, ministre. Entre la mi-2008 et la mi-2009, soit trois ans après la réforme, seuls 49 % des roulants et des sédentaires sont partis à la retraite respectivement à cinquante ans et à cinquante-cinq ans.
L’incitation à poursuivre le travail fonctionne. À cet égard, le fait de ne pas être mis à la retraite d’office à un certain âge est évidemment très important.
Cette tendance, je le pense, va s’amplifier. On la constate dans toute la fonction publique. Pour cette raison, nous aurons évidemment moins besoin du compte d’affectation spéciale « Pensions » : les gens partant moins tôt à la retraite, leur pension sera évidemment plus importante quand le moment de la retraite sera venu.
M. Guy Fischer. Et les jeunes alors ?
Mme Annie David. Ils pointent à Pôle emploi !
M. Éric Woerth, ministre. L’impact de cette réforme n’est donc pas négligeable du tout. Il est positif pour les agents de la fonction publique, qui prennent leur retraite un peu plus tard – au fond, c’est leur choix – et pour les finances de l’État.
M. Fischer a évoqué les retraités pauvres. Je vous indique, monsieur le sénateur, que nous avons augmenté le minimum vieillesse garanti de 5 % par an. Ainsi, l’engagement du Président de la République, qui prévoyait une hausse de 25 % sur l’ensemble du quinquennat, sera respecté.
Comme vous le savez, en termes de niveaux de vie, le ratio entre actifs et retraités est aujourd'hui plutôt favorable à ces derniers.
M. Guy Fischer. Pas pour les nouvelles générations !
M. Éric Woerth, ministre. C’est tout de même un élément qu’il faut avoir à l’esprit. C’est pourquoi je souhaitais vous le rappeler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Régimes sociaux et de retraite
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Régimes sociaux et de retraite |
5 726 800 000 |
5 726 800 000 |
Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres |
3 824 250 000 |
3 824 250 000 |
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins |
792 500 000 |
792 500 000 |
Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers |
1 110 050 000 |
1 110 050 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
Compte spécial : pensions
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Pensions », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pensions |
51 123 993 529 |
51 123 993 529 |
Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité |
46 682 000 000 |
46 682 000 000 |
Dont titre 2 |
46 681 500 000 |
46 681 500 000 |
Ouvriers des établissements industriels de l'État |
1 810 785 929 |
1 810 785 929 |
Dont titre 2 |
1 801 907 589 |
1 801 907 589 |
Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions |
2 631 207 600 |
2 631 207 600 |
Dont titre 2 |
15 100 000 |
15 100 000 |
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi que du compte spécial « Pensions ».
Remboursements et dégrèvements
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant juste cinq minutes pour présenter la mission « Remboursements et dégrèvements », qui est tout de même la plus importante du budget de l’État en volume, avec des crédits s’élevant à 95 milliards d’euros, j’irai à l’essentiel.
Tout d’abord, et contrairement à mon habitude – mais il faut dire ce qui est –, je souhaite vous faire part d’une bonne nouvelle : les efforts menés par la commission des finances du Sénat depuis l’examen du projet de loi de finances pour 2006 ont finalement trouvé, au moins partiellement, une réponse.
Après avoir demandé une enquête à la Cour des comptes sur le fondement du 2° de l’article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, et après avoir obtenu un groupe de travail associant le Parlement et l’administration, nous constatons que la maquette budgétaire a finalement commencé à évoluer, du moins s’agissant des remboursements et dégrèvements des impôts d’État.
La présentation des crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2010 isole, d’une part, les dépenses que l’on pourrait qualifier de « techniques » – elles représentent tout de même plus de 80 % du total – et, d’autre part, les dépenses concourant à la mise en œuvre de politiques publiques.
La LOLF n’a pas que des vertus, loin s’en faut, mais elle en a au moins une : elle peut permettre de faire émerger les enjeux politiques derrière la « cuisine » budgétaire. Nous en avons ici un cas d’école. Maintenant qu’il est possible d’identifier les remboursements et dégrèvements concourant à des politiques publiques, quelles conséquences politiques en tirons-nous ? Allons-nous pouvoir analyser l’adéquation entre les choix ayant motivé ces remboursements et dégrèvements et l’effet réel de ces mesures ?
Cela nous renvoie au débat sur les dépenses fiscales en général et sur les crédits d’impôt en particulier, dont les remboursements ne sont que la partie dite « restituée ». Les crédits d’impôt ressemblent tout de même beaucoup à des subventions. En commission, nous avons été plusieurs sénateurs à faire le lien entre l’augmentation du coût des crédits d’impôt et la stabilisation du montant des dépenses budgétaires.
Je vous donnerai deux chiffres. D’une part, les dépenses de l’État sont stables en volume. En 2010, elles augmenteront au même rythme que l’inflation, soit 1,2 %, ce qui équivaut à 4,3 milliards d’euros. D’autre part, les crédits d’impôt progresseront dans le même temps de 6 milliards d’euros. Il y a manifestement là un jeu de vases communicants.
La Cour des comptes demande que les dépenses fiscales pouvant faire l’objet d’une restitution soient incluses dans la norme de dépenses de l’État. Le rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale a proposé de n’inclure dans la norme de dépenses que la partie restituée. Le Gouvernement préférerait, semble-t-il, traiter cette question dans le cadre des dispositions de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, notamment celles qui concernent les niches fiscales. Or leur diversité risque de poser problème.
À ce stade, la commission des finances n’a pas arrêté sa position. Pour ma part, je ne considère pas que la norme budgétaire soit obligatoirement le plus important. En revanche, ce qui me semble nécessaire, c’est que nous poursuivions le travail pour réintégrer le poids financier des remboursements et dégrèvements dans les domaines concernés.
Sur les crédits proprement dits, je me contenterai de quatre remarques.
Premièrement, la diminution de 20 % environ des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État par rapport à la prévision 2009 s’explique surtout par la non-reconduction de certaines mesures du plan de relance, notamment le remboursement mensuel de la TVA.
Deuxièmement, le montant des restitutions de la prime pour l’emploi devrait atteindre 2,45 milliards d’euros, sous le double effet de la reconduction de la non-indexation des seuils du barème et de l’imputation du revenu de solidarité active, le RSA, versé en 2009, mesure dont les résultats seront ressentis en 2010.
Troisièmement, la diminution de 9 % des dégrèvements d’impôts locaux s’explique surtout par la suppression de la taxe professionnelle. L’effet est encore limité en 2010, car les dégrèvements sont versés pour une large part avec une année de décalage. Mais les élus notent que cette réforme marque la volonté de l’État de se désengager du financement des impôts locaux.
Quatrièmement, je souhaite évoquer le bouclier fiscal, car c’est sur les crédits de cette mission que s’impute ce qui s’appelle techniquement le « plafonnement des impositions directes ». En 2010, tout comme en 2009, 700 millions d’euros sont prévus. J’ai observé avec intérêt que les contribuables relevant du premier décile de revenu fiscal de référence représentaient 60 % des 18 000 bénéficiaires, mais seulement 3,5 % des restitutions. À l’inverse, les contribuables du dernier décile représentent 30 % des bénéficiaires, mais plus de 90 % des restitutions.
En 2010, j’ai l’intention, en ma qualité de rapporteur spécial, de m’intéresser de manière plus précise au dispositif du bouclier fiscal. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, du concours que vos services voudront bien nous apporter.
Pour le reste, les crédits de la mission traduisent les conséquences de décisions qu’on peut ne pas approuver, mais qui ont été prises ailleurs, notamment lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Pour cette raison, la commission des finances vous propose de les adopter. À titre personnel, je ne les approuve pas. Vous ne serez donc pas surpris de mon vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. La mission « Remboursements et dégrèvements » est une mission importante, puisqu’elle correspond à un volume total de crédits de près de 100 milliards d’euros.
Madame le rapporteur, vous avez noté que des axes d’amélioration avaient été bien identifiés et s’étaient concrétisés. Je vous remercie de votre objectivité, indépendamment de votre vote.
Tout d’abord, nous améliorons l’information sur la dépense fiscale. Les améliorations sont de deux types ; elles concernent la gouvernance et la transparence des informations.
Ainsi, la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 met en place deux principes essentiels pour encadrer l’évolution du coût des dépenses fiscales.
D’une part, elle définit un objectif de dépenses fiscales. Certes, ce n’est pas dans la norme de dépenses. Il est assez compliqué de faire entrer un tel objectif dans une norme, même d’un point de vue conceptuel. À cet objectif de dépenses fiscales correspond un objectif de compensations des dépenses fiscales, notamment des niches. La décision a été prise en 2009 et l’objectif sera atteint non pas sur un, mais sur deux ou trois exercices. Nous aurons l’occasion de le redire devant le Parlement.
D’autre part, nous avons fixé une règle de gage. C’est celle que j’ai évoquée.
Nous avons également un principe d’information sur les dépenses fiscales, au travers d’un certain nombre de tableaux de synthèse, qui sont dans le document consacré aux voies et moyens.
Un des tableaux retrace le montant total des dépenses fiscales par mission et par impôt. Un autre récapitule le coût des dépenses fiscales adoptées depuis le dépôt du précédent projet de loi de finances ou proposées dans le projet de loi de finances de l’année. Un troisième détaille le coût des dix-huit dépenses fiscales les plus importantes, qui représentent plus de la moitié du coût total des dépenses fiscales.
Comme vous l’avez souligné, le débat doit effectivement porter sur les dépenses fiscales, plutôt que sur les restitutions. En d’autres termes, il doit porter non pas uniquement sur la « partie émergée de l’iceberg », mais sur l’ensemble de la dépense fiscale.
L’architecture du programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État » a été profondément rénovée à l’occasion de ce projet de loi de finances. C’est une réponse à une demande de la Cour des comptes et des parlementaires. Comme je l’avais indiqué l’année dernière, cette refonte avait été différée d’un an. Nous la mettons donc en œuvre.
Cette nouvelle architecture repose sur la création de trois actions au sein du programme. L’action « Remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l’impôt » représente environ 75 % des crédits prévus pour 2010, et les actions « Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques » et « Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l’État » correspondent chacune à un peu plus de 10 % des dépenses.
Cette nouvelle nomenclature offre une vision plus claire, plus détaillée et plus construite de la nature des crédits du programme. Elle permet de mieux distinguer, d’une part, les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique ou à la gestion de l’impôt – 90 % des dépenses –, sur lesquels le Gouvernement n’a strictement aucun levier d’action et, d’autre part, les remboursements liés à des politiques publiques, c'est-à-dire essentiellement des crédits d’impôt, soit environ 10 % des restitutions retracées sur le programme qui constituent la partie visible des dépenses fiscales.
Au sein de chacune de ces catégories, les remboursements et dégrèvements sont ventilés par impôt – vous l’avez indiqué tout à l’heure – pour plus de lisibilité.
Au total, cette nouvelle nomenclature enrichit la qualité de l’information portée à la connaissance du Parlement et vous permet évidemment de mieux débattre, tout au long de l’examen du projet de loi de finances – d’ailleurs, vous ne vous en privez pas, et vous avez bien raison –, des décisions qui sont prises sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Remboursements et dégrèvements |
94 538 850 000 |
94 538 850 000 |
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) |
78 158 550 000 |
78 158 550 000 |
Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) |
16 380 300 000 |
16 380 300 000 |
Mme la présidente. L'amendement n° II-176, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) |
109 000 000 |
|
109 000 000 |
|
Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) |
|
440 000 000 |
|
440 000 000 |
TOTAL |
109 000 000 |
440 000 000 |
109 000 000 |
440 000 000 |
SOLDE |
- 331 000 000 |
- 331 000 000 |
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement de coordination vise à ajuster les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », à la suite des votes intervenus lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.
Il tire principalement les conséquences de la suppression de l’imputation du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, sur la prime pour l’emploi, sujet qui a provoqué beaucoup de débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, et de la suppression du dégrèvement de taxe foncière relatif à l’abattement de 15 % des bases du foncier industriel. Cette suppression est compensée par un abattement de 35 % des bases du foncier industriel pour le calcul de la cotisation foncière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. La commission ne peut émettre qu’un avis favorable sur cet amendement, qui vise à tirer les conséquences de votes émis précédemment.
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Santé
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé » (et articles 59, 59 bis et 59 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » s’élèveront, en 2010, à 1,2 milliard d’euros.
Depuis le dernier budget, cette mission recouvre l’ensemble des crédits « sanitaires » relevant du ministère de la santé, mais ne comprend toujours pas de crédits de personnels, ceux-ci restant inscrits sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Comme je le répète chaque année, cette mission demeure modeste eu égard aux dépenses d’assurance maladie, voire aux dépenses fiscales qui lui sont rattachées, ce qui nous conduit à analyser sous un autre jour les enjeux qui lui sont liés.
Le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » comprend trois éléments principaux.
Tout d’abord, la pandémie grippale a bien sûr nécessité, dès cette année, d’importants mouvements de crédits. La commission des finances a eu l’occasion de se prononcer à ce sujet lors de l’examen du décret d’avance de juillet dernier et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Ensuite, d’un point de vue organisationnel, on note la mise en place des agences régionales de santé, les ARS, ainsi que la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET.
Enfin, a été lancé le deuxième plan de lutte contre le cancer.
S’agissant de la gestion de la pandémie, outre la question de la dotation versée à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, que j’aborderai lors de la présentation de l’amendement que je proposerai à l’article 59 ter, je souhaiterais connaître, madame la ministre, l’état d’avancement de vos réflexions, d’une part, sur le projet de construction d’un ensemble de hangars de stockage sur le site de ravitaillement sanitaire des armées de Vitry-le-François, projet qui vise à permettre une centralisation accrue des sites relevant de l’EPRUS, et, d’autre part, sur l’élaboration d’un statut particulier pour les médicaments relevant du « stock national santé », qui permettrait de faire figurer non pas une date de péremption, mais une date de fabrication, en contrepartie de tests réguliers et encadrés de leur stabilité.
Ces deux questions que j’avais abordées lors de la mission de contrôle que j’avais menée sur l’EPRUS me semblent essentielles. À défaut, se reproduiront les mêmes difficultés que celles qui ont été rencontrées au moment de la grippe aviaire, à savoir dispersion des sites de stockage et péremption des masques et des vaccins.
Par ailleurs, la mission « Santé » sera marquée en 2010 par la mise en œuvre de deux préconisations de la révision générale des politiques publique, la RGPP : la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, d’une part, et la création des ARS, d’autre part.
J’accueille favorablement cette rationalisation, tout en regrettant que ces mesures, qui constituent pourtant de puissants leviers en termes d’efficience, soient mises en place à moyens constants, voire croissants.
Si je peux comprendre qu’il est difficile, la première année, de prévoir une réduction des crédits et des effectifs destinés à ces structures, il serait incompréhensible qu’un tel rapprochement ne permette pas, à terme, une optimisation des moyens, et j’y veillerai.
Enfin, j’aborderai le lancement du deuxième plan de lutte contre le cancer, présenté par le Président de la République, le 2 novembre dernier.
J’approuve le choix du Gouvernement de continuer de faire de la lutte contre le cancer une priorité nationale. Toutefois, je souhaiterais en connaître la traduction précise en termes budgétaires pour l’année 2010. Par ailleurs, quelles leçons avez-vous tirées, madame la ministre, des lacunes du premier plan qui ont été soulignées dans de nombreux rapports ?
Concernant le programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins », j’observe, pour la deuxième année consécutive, une progression des crédits consacrés à la formation médicale, conformément à ce que vous aviez annoncé devant la commission des finances en juillet 2008, madame la ministre.
Ces dépenses avaient fait l’objet de sous-budgétisations les années passées. Si j’approuve les efforts menés en la matière, je souhaiterais cependant connaître le montant exact de la dette qui demeure aujourd’hui à ce titre.
Le ministère de la santé détient également des dettes à l’égard des établissements de santé au titre de certains contentieux. Les services de votre ministère m’ont indiqué avoir adopté « une politique de règlement transactionnel pour alléger le poids de la dette de l’État », qui aurait permis de verser 24,9 millions d’euros à ce titre en 2008.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser l’état exact de la situation actuelle, compte tenu notamment de la hausse de certains contentieux en 2009 ?
Enfin, la principale dépense du dernier programme de la mission est l’aide médicale d’État, l’AME, dont les crédits prévus progressent, là aussi, pour la deuxième année consécutive, pour atteindre 535 millions d’euros en 2010.
Ces crédits ont également longtemps été sous-évalués et, malgré un assainissement de la situation intervenu en octobre 2007, la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale devrait représenter environ 318 millions d’euros à la fin de l’année 2009.
Dans ce contexte, la réévaluation de la dotation prévue pour 2010 représente un effort bienvenu, qui devrait limiter la formation de nouvelles dettes. Mais, compte tenu des évolutions passées, on ne peut l’affirmer, et ce d’autant que les réponses au questionnaire budgétaire que je vous ai adressé indiquent que « la dette de l’État vis-à-vis de la CNAMTS devrait continuer d’augmenter et atteindre près de 443 millions d’euros en 2011 ».
J’ai noté les efforts qui devraient être réalisés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009. Cependant, j’observe que la mise en œuvre d’une participation forfaitaire des bénéficiaires de l’AME, qui pourrait être une solution à l’augmentation de ce poste de dépenses, n’est plus évoquée. J’ai compris que cette solution pose des difficultés techniques. Est-elle totalement abandonnée, madame la ministre ?
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution budgétaire des crédits consacrés à la mission « Santé » ayant été excellemment retracée par mon collègue Jean-Jacques Jégou, je concentrerai mon intervention sur trois points qui devraient faire, en 2010, l’essentiel de l’actualité de celle-ci : la rationalisation du système des agences sanitaires, la mise en œuvre du Plan cancer II et la nécessité de préparer une loi de santé mentale.
Le système des agences sanitaires regroupe une dizaine d’organismes de natures diverses qui auront à se positionner, à l’avenir, par rapport aux agences régionales de santé que nous avons créées dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
En effet, de nombreuses agences sanitaires disposent à la fois d’une compétence nationale et de réseaux territoriaux, et il convient de s’assurer qu’elles parviendront à travailler avec les ARS.
Parmi ces agences, deux d’entre elles seront confrontées à un défi supplémentaire : l’AFSSA et l’AFSSET, dont la fusion est imminente.
À la demande du Gouvernement, cette fusion sera opérée par voie d’ordonnance, et le délai qui lui a été accordé par le Parlement s’achève le 21 janvier prochain. Le moment me semble donc bien choisi pour faire le point.
L’intérêt de cette fusion est évident du point de vue de la rationalisation des structures : l’AFSSA et l’AFSSET traitent de sujets très proches ; surtout, la future organisation aura une taille critique suffisante pour compter au niveau européen, et donc espérer peser sur la détermination des normes sanitaires communautaires.
Pour autant, le rapprochement des deux agences ne doit pas se faire à n’importe quel prix.
L’AFSSET, qui est une structure légère comprenant 150 agents, est tournée vers la société et les ressources scientifiques externes, et elle s’attache à faire émerger des points de consensus entre experts.
L’AFSSA, pour sa part, est une entité beaucoup plus importante, puisque 1 200 agents, dont 800 scientifiques, travaillent dans ses laboratoires. Elle est donc, par nature, plus tournée vers son expertise interne.
Il existe par conséquent un double risque : d’une part, celui de voir les moyens consacrés par l’AFSSET à sa mission propre sur la santé au travail absorbés par les besoins de financement des laboratoires qui se consacrent principalement aux questions de qualité des produits agricoles ; d’autre part, sachant que l’AFSSA comporte, en son sein, l’Agence nationale du médicament vétérinaire, celui de mélanger compétences de gestion et compétences d’expertise, ce qui présenterait un danger en matière d’éthique et même de crédibilité.
Il faudrait donc que la future entité fusionnée se consacre à l’expertise. Cela signifie qu’il faudrait rattacher l’Agence nationale du médicament vétérinaire à l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et intégrer les laboratoires de l’AFSSA à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA. Le mandat d’expertise de la future agence serait ainsi clair et incontestable. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, ce que vous pensez de ce schéma et nous préciser vos intentions en la matière ?
Le second sujet qui me tient à cœur concerne le lancement du Plan cancer II, présenté à Marseille, le 2 novembre dernier, par le Président de la République.
Nous soutenons tout particulièrement l’effort engagé en faveur de la prise en charge spécifique des jeunes atteints d’un cancer. Chaque année, 1 700 enfants âgés de moins de quinze ans sont diagnostiqués.
Le dépistage progresse aussi, puisque plus de 50 % des femmes participent au dépistage annuel du cancer du sein ; l’objectif de parvenir à un taux de 100 % en 2013 n’est donc atteint qu’à moitié.
Se pose alors la question de l’évaluation. En effet, on se contente trop souvent d’attendre l’échéance d’un plan pour procéder à une évaluation avant d’élaborer le plan qui lui succédera. Il peut en résulter un manque de continuité dans l’action publique. Il serait donc préférable de disposer d’indicateurs qualitatifs pérennes permettant d’avoir une vision de l’action entreprise sur la durée.
Je tiens également à souligner l’intérêt que présente un organisme tel que l’Institut national du cancer, l’INCa, qui a fait ses preuves en permettant une articulation dynamique entre recherche et qualité des soins. Peut-être pourrions-nous nous en inspirer pour faire progresser d’autres sujets de santé publique...
Enfin, j’estime particulièrement important d’aborder la question de la santé mentale.
L’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, l’OPEPS, a souligné, l’année dernière, la nécessité pour l’État de prendre un véritable engagement dans ce domaine.
Lors de l’examen de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Sénat avait également conclu à la nécessité d’élaborer une loi de santé mentale. Je regrette donc qu’on en reste à une « politique des petits pas » et à une focalisation excessive sur la question des malades dangereux. Quelle est, madame la ministre, votre position sur ce point ?
Le programme de mise en place des unités hospitalières spécialement aménagées, destinées à fournir des soins aux prisonniers atteints de troubles mentaux, est une excellente idée, mais cela pose de nombreuses questions en termes de coûts et de relations entre personnels de santé et administration pénitentiaire.
Il est à mon avis nécessaire d’aborder la question de la santé mentale de manière large. La prise en charge des troubles mentaux dans notre pays est encore trop faible et impose de réfléchir à l’adaptation des structures existantes aux besoins.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. J’espère que nous pourrons progresser dans cette voie, et peut-être nous apporterez-vous, madame la ministre, des informations de nature à nous apaiser.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Cela étant, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Santé » sous réserve, bien sûr, de l’adoption de l’amendement qu’elle a déposé pour compléter le financement des missions de l’AFSSAPS, ainsi que de l’amendement de suppression de l’article 59 ter, incompatible avec les dispositions que nous venons d’adopter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France consacre près de 9 % de sa richesse nationale aux dépenses publiques de santé, soit 210 milliards d’euros tous domaines confondus : sécurité sociale, interventions de l’État et des collectivités territoriales.
Selon plusieurs études récentes, les particuliers dépenseraient pour se soigner entre 40 % et 50 % de plus qu’en 2001. Les cotisations aux organismes complémentaires additionnées « du reste à charge » représenteraient une moyenne de 5,4 % du revenu disponible et de 11 % du budget des personnes âgées.
Madame la ministre, vous nous demandez aujourd’hui de voter les crédits de la mission « Santé », qui s’élèvent à 1,2 milliard d’euros. Voilà presque une semaine, nous avons adopté le budget de la sécurité sociale, dans lequel les prévisions de dépenses de l’assurance maladie pour 2010 sont fixées à 162 milliards d’euros.
La mission « Santé » regroupe des crédits essentiels pour mener à bien la politique de santé publique, qui comprend la prévention, la sécurité sanitaire, la protection maladie et l’offre de soins. Des crédits permettent également de financer les opérateurs essentiels que sont l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, les agences régionales de l’hospitalisation, les futures agences régionales de la santé, les ARS, et les agences françaises de sécurité sanitaire.
Dans le contexte actuel de pandémie grippale, tous ces organismes prouvent leur utilité et rappellent que la santé publique est bel et bien une mission régalienne de l’État.
Le budget de la santé pour 2010 s’inscrit dans une certaine continuité, alors même qu’il doit faire face à une conjoncture particulière.
D’abord, il se situe dans un contexte financier difficile. Outre l’ampleur du déficit budgétaire, l’État a pris, en matière de santé publique, l’habitude de se décharger sur l’assurance maladie, soit purement et simplement par des transferts, soit de façon plus pernicieuse par des reconductions de dette, soit encore par des partages de financement.
Ensuite, il s’agit d’un budget de transition avant l’application totale de la réforme de l’hôpital public et notamment la création des agences régionale de santé ou la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail.
De plus, nous nous situons dans une période de pandémie grippale.
Mais tous ces éléments ne se traduisent pas dans la mission budgétaire que nous devons examiner.
Le 2 novembre dernier, le Président de la République a annoncé, promotion médiatique à l’appui – nous y sommes habitués ! –, un nouveau plan cancer 2009-2013, qui comprend trente mesures.
La Cour des comptes, le Haut Conseil de la santé publique puis l’Inspection générale des affaires sociales ont évalué le premier plan cancer. Selon le Haut Conseil de la santé publique, un tiers des soixante-dix mesures inscrites dans le plan de 2003-2007 ont été mises en place. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur l’utilité d’un nouveau plan, quand nous savons que le précédent n’a pas été appliqué dans son intégralité ! Même s’il est cofinancé inégalement par la mission « Santé » et l’assurance maladie, il mérite que nous nous y attardions.
Reprenant les préconisations du professeur Jean-Pierre Grünfeld et du Haut Conseil de la santé publique, ce plan doit permettre de lutter contre les inégalités d’accès à la prévention et aux soins, et de favoriser la recherche sur les déterminants du cancer, notamment environnementaux et comportementaux.
Seuls les crédits concernant le dépistage et la prévention sont inscrits dans la mission budgétaire. Nous pouvons constater que ces deux postes se trouvent, encore une fois, sous-financés. Mais nous aurons, je l’espère, l’occasion d’aborder de nouveau le sujet lors des prochains mois.
La naissance des agences régionales de santé va profondément modifier les contours et les modalités de la mise en œuvre des politiques de santé publique.
Vous avez ouvert 271 millions d’euros de crédits dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Mais nous pouvons constater, une fois encore, que le Gouvernement trompe la représentation nationale. En effet, ces 271 millions sont non pas une création de nouveaux crédits, mais le redéploiement de crédits depuis des services déconcentrés au titre des emplois, des crédits de masse salariale et des crédits de fonctionnement du ministère. Visiblement, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 comblera ce manque de financement pour les ARS.
J’en viens au financement de la lutte contre la pandémie grippale.
La propagation du virus A/H1N1 a fortement perturbé le financement de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS. Alors que la programmation initiale des dépenses était de 290 millions d’euros, cet établissement a dû engager plus de 1 milliard d’euros au cours de l’année 2009, notamment pour l’acquisition des vaccins. Au total, les dépenses approcheront 1,5 milliard d’euros.
Mais aucun signe de ces dépenses n’est visible dans le budget de 2010. Nous serons obligés de procéder à des ajustements dans les prochains textes budgétaires, car nous devons respecter l’obligation inscrite dans les textes fondateurs de l’EPRUS, à savoir la parité de financement entre l’État et l’assurance maladie.
Toujours sur la pandémie grippale, dans le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire », les actions 11 « Pilotage de la politique de santé publique » et 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » enregistrent une baisse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement.
L’Institut de veille sanitaire consacre en ce moment une part importante de ses moyens et de ses effectifs à la surveillance du virus A/H1N1. Mais nous constatons une timide augmentation de ses crédits. Cela paraît étonnant vu les besoins constatés en 2009.
Nous pouvons en déduire que l’Institut de veille sanitaire a dû procéder à des réallocations et différer certaines actions. Si vous l’aviez doté convenablement lors des précédents budgets, cet Institut aurait pu surveiller la survenue de cas de grippe A, tout en poursuivant d’autres actions.
De plus, vous n’avez prévu que cinq emplois équivalents temps plein supplémentaires, alors que trente-cinq seraient nécessaires pour consolider les cellules interrégionales d’épidémiologie existantes et créer les nouvelles antennes nécessaires pour assurer une action de veille et d’alerte dans les régions.
Avant de conclure, je voudrais attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un problème qui va croissant, celui de la part du budget des ménages consacrée à la santé. Certes, la crise a augmenté les difficultés que rencontrent ces derniers pour faire face aux dépenses de santé, mais le Gouvernement et la majorité sont responsables de ce problème de santé publique.
Lors du débat sur la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, en refusant de vous attaquer avec toutes les armes possibles à la désertification médicale et aux dépassements d’honoraires – pour ne citer que ces points-là –, vous avez choisi de faire supporter le coût de l’accès aux soins à nos concitoyens, notamment aux plus défavorisés.
L’amendement qui a été adopté lors du débat à l’Assemblée nationale et qui vise à doubler l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire, passant ainsi de 100 euros à 200 euros pour les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, est une mesure certes positive, mais insuffisante. Il n’empêche que les études réalisées montrent que la sécurité sociale a moins remboursé en 2008 et que le transfert de charges s’effectue vers les organisations complémentaires, d’une part, et vers les ménages, d’autre part. Or vous refusez de vous attaquer à ce problème, mettant la santé de nombre de nos concitoyens en danger.
Encore cette année, les faibles augmentations de certains crédits masquent la baisse importante d’autres. Mais les conséquences sur la santé des Français se ressentent malheureusement tous les jours.
Face à un système devenu illisible, le sentiment qui domine est celui d’une solidarité en recul. Ce système de santé tourne peu à peu le dos à l’idéal d’un égal accès de tous à des soins de qualité tel qu’il avait été défini lors de la création de la sécurité sociale dans le contrat élaboré en 1945, à la Libération, l’objectif étant alors d’éradiquer l’une des inégalités les plus intolérables de toutes : l’inégalité devant la souffrance et la maladie.
Cette évolution n’est pas le fruit du hasard et ne résulte pas uniquement des difficultés économiques. Elle est bien la conséquence d’un choix politique qui ne dit pas son nom, un système de santé privatisé dans lequel on est remboursé en fonction de la qualité de sa convention de santé privée. Se refusant à toute augmentation des cotisations sociales, le Gouvernement opère ainsi progressivement le transfert de la gestion et du remboursement des soins courants vers les mutuelles et les assurances privées.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles, madame la ministre, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » s’élèvent, pour 2010, à 1,2 milliard d’euros. Cette quasi-stabilité par rapport à la loi de finances pour 2009 peut paraître étonnante eu égard aux grands changements qui affecteront la gestion de la mission l’an prochain.
Qu’il s’agisse de la réorganisation territoriale de la politique de santé, avec l’installation des agences régionales de santé, ou bien des moyens exceptionnels débloqués pour lutter contre la pandémie de grippe A ou encore du lancement du nouveau plan Cancer, qui doit mobiliser 730 millions d’euros pendant la période 2009-2013, toutes ces mesures auront évidemment une incidence.
Or, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, ces dispositions ne se traduisent pas de façon évidente dans la programmation budgétaire pour 2010. Certes, une grande part des dépenses correspondantes est financée par d’autres missions ou par l’assurance maladie, mais un effort de clarification de la part du Gouvernement serait à mon avis nécessaire.
Quoi qu’il en soit, plusieurs orientations de ce budget méritent d’être saluées, comme l’a signalé, entre autres, le rapporteur pour avis, M. Alain Milon.
C’est tout d’abord le cas des crédits consacrés à la formation initiale des internes au sein du programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins ». En hausse pour la deuxième année consécutive, ils devraient permettre de revaloriser la filière de médecine générale et d’ouvrir de nouveaux stages de formation des médecins, disposition parfaitement cohérente avec celle de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui fait du médecin généraliste le pivot de notre système de santé. (M. Bernard Cazeau proteste.)
Par ailleurs, ce programme prévoit aussi une subvention de 770 000 euros au groupement d’intérêt public « Carte de professionnel de santé ». Madame le ministre, qu’en est-il de la fusion de cette structure avec le groupement d’intérêt public en charge du dossier médical personnel et avec une partie du Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier, le GMSIH, au sein de l’Agence pour les systèmes d’information de santé partagés, l’ASIP ?
Selon l’excellent rapport de M. Rémi Delatte, cette fusion « ferait de notre pays un leader de la télémédecine et du développement des systèmes d’information médicale partagée. ». Il est donc important de la mener à bien rapidement.
En outre, le renforcement substantiel de l’aide médicale d’État au sein du programme 183 « Protection maladie » traduit aussi, à l’évidence, l’effort de solidarité souhaité par le Gouvernement.
S’agissant du programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire », j’approuve pleinement le choix du Gouvernement de continuer à faire de la lutte contre le cancer une priorité nationale.
Comme l’a souligné, entre autres, le rapporteur, l’enjeu est d’importance, le cancer étant devenu la première cause de mortalité en France, devant les maladies cardiovasculaires. C’est le premier risque d’affection de longue durée, avec 1,5 million de patients et environ 320 000 nouveaux cas par an. On le sait, de fortes inégalités demeurent face au cancer, notamment en termes de qualité des soins prodigués. Ce point est extrêmement important.
Le précédent plan Cancer, lancé en 2002, avait de grandes ambitions. Des progrès importants ont été réalisés en matière de prévention, de dépistages organisés, de prise en charge, notamment avec la création d’un dispositif d’agrément en cancérologie des établissements hospitaliers.
Mais la Cour des comptes a relevé de nombreuses anomalies : défauts de pilotage comme de contrôles interne et externe à tous niveaux, faiblesse persistante des données épidémiologiques concernant la maladie, retards en matière de formation des personnels, carences en matière de cancers professionnels.
Espérons que, dans le nouveau plan, seront tirés les enseignements du premier ! D’une manière générale, on ne voit pas toujours les résultats concrets des plans annoncés à grand renfort de communication. Je pense notamment au plan Alzheimer. Madame le ministre, pouvez-vous nous dire ce qui a été fait depuis son lancement ?
Au-delà de ces maladies, je voudrais insister sur le sida, que l’on a un peu tendance à oublier. La Journée mondiale de lutte contre le sida a été l’occasion, pour un certain nombre d’associations, de rappeler l’engagement des pays riches à financer l’accès universel aux traitements.
Pour ma part, je souhaite mettre l’accent sur la politique de dépistage dans notre pays. Le Conseil national du sida, dont je suis le membre nommé par le président du Sénat et qui fait depuis plusieurs années le constat de son inadaptation, a défini une série d’orientations pour sa réforme.
Conçu et mis en place à une époque où les risques de stigmatisation et de discrimination à l’encontre des personnes vivant avec le VIH étaient particulièrement importants et où les bénéfices individuels du dépistage étaient limités en l’absence de traitement efficace, le dispositif n’a jamais été significativement modifié.
L’évolution de l’épidémie et le développement de nouveaux moyens thérapeutiques et prophylactiques ont radicalement changé les enjeux, tant individuels que collectifs, du dépistage.
On estime aujourd’hui le nombre de personnes ignorant leur séropositivité à quelque 40 000, et plus de la moitié des personnes nouvellement diagnostiquées le sont trop tardivement. (Mme la ministre acquiesce.) Ce retard au dépistage est non seulement une perte de chances thérapeutiques pour ces personnes, mais également une opportunité manquée de limiter la transmission du virus.
Le rapport de la Haute Autorité de santé rendu public en octobre dernier préconise, au-delà du maintien et du renforcement d’un dépistage ciblé et régulier pour les populations à risque, de proposer systématiquement un test de dépistage à l’ensemble de la population âgée de quinze ans à soixante-dix ans.
Loin de remettre en cause le principe du consentement libre et éclairé, cette évolution, qui devra faire l’objet d’une évaluation au bout de cinq ans, peut contribuer à la banalisation du dépistage, qui doit devenir un acte courant du suivi de santé.
Madame la ministre, quelles suites entendez-vous donner à ces recommandations, d’ailleurs convergentes avec celles qui ont été formulées par le Conseil national du sida en 2006 ?
Enfin, permettez-moi un dernier mot sur la grippe A/H1NI. Avec 22 morts et 730 000 consultations recensés la semaine dernière, l’épidémie s’est brutalement accélérée. Les centres de vaccination ne désemplissent plus. Certains attendent des heures pour finalement repartir sans être vaccinés. Quelques « réglages », notamment des horaires élargis les jours d’affluence ou des équipes plus étoffées, ne suffiront pas à désengorger les centres. Il est temps d’autoriser les généralistes et les pédiatres à réaliser les vaccinations dans leurs cabinets.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Gilbert Barbier. Ces derniers forment un maillage dense sur notre territoire et disposent de la confiance des patients, deux gages de réussite de la vaccination à grande échelle que vous souhaitez !
Sous réserve de ces observations, je voterai bien entendu ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd’hui est en demi-teinte : sa hausse, estimée entre 1 % et 2 % par rapport au budget de l’année précédente, dissimule mal ses carences.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’aide médicale d’État, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas pris, comme en octobre 2007, les mesures permettant l’apurement de la dette de l’État envers l’assurance maladie. Ce dispositif souffrant d’une sous-dotation chronique, le remboursement effectué en 2007 est naturellement sans effet sur les difficultés rencontrées pour l’exercice en cours : cette année encore, la totalité des besoins qui se sont exprimés n’est pas couverte financièrement.
Nous avons cru comprendre que le Gouvernement s’était engagé à apurer une nouvelle fois cette dette à l’occasion de la prochaine loi de finances rectificative pour 2009. Une sous-estimation récurrente des besoins n’est pas satisfaisante. Nous souhaiterions que le Gouvernement en tire toutes les conséquences, en majorant le montant de la dotation relative à l’aide médicale d’État.
Par ailleurs, nous ne pouvons nous satisfaire de la faible hausse dont bénéficie l’action 15 « Préventions des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation ». Vous le savez, l’AFSSET et l’AFSSA doivent prochainement fusionner. Certains acteurs, très impliqués dans le domaine de la santé au travail, nous ont fait part de leurs craintes : ils redoutent en effet que cette fusion n’entraîne la dissolution de la spécificité de l’AFSSET en matière de santé au travail.
S’il est vrai que le financement du ministère de la santé ne représente que 20 % du budget de l’AFFSET, les récents drames et accidents survenus au travail doivent inciter le Gouvernement à éviter que, à la faveur de cette fusion, le champ de la mission de l’AFSSET en matière de santé au travail ne soit réduit. Nous considérons donc que des financements complémentaires doivent lui être apportés, notamment pour lui permettre de renforcer les personnels de la future agence, spécialement ceux qui se consacrent aux problèmes de santé au travail, et ce d’autant plus que la mise en œuvre du plan santé au travail rend indispensable la création d’au moins cinq équivalents temps plein.
De même, nous nous étonnons d’une diminution d’environ 1,9 % par rapport à 2009 des crédits affectés à l’action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », et ce alors même qu’une grande majorité de cette dotation sera affectée aux agences régionales de santé.
Si nous saluons le deuxième plan cancer, nous nous interrogeons sur les conséquences que pourrait avoir la diminution des crédits alloués au dépistage, qui passent de 19,2 millions d’euros en 2009 à 18,5 millions en 2010. Cette diminution s’explique d’autant moins que le dépistage organisé du cancer du sein est progressivement monté en puissance. D’après les projections dont nous disposons, le taux de participation au dépistage devrait s’établir à 55 % en 2009 et atteindre plus de 62 % en 2011. La diminution programmée des dotations issues de l’État fait donc peser un véritable risque sur le dépistage primaire, dont on connaît pourtant l’importance dans le traitement des affections qui en font l’objet. À cet égard, nous partageons le constat formulé dans le rapport spécial du député Gérard Bapt, selon lequel « l’ensemble des travaux d’évaluation du plan cancer 2003-2007 ont mis en évidence la nécessité de poursuivre les programmes de dépistage organisé, et en particulier de renforcer le taux de participation de la population cible, qui demeure insuffisant ».
Enfin, nous regrettons que la lutte contre le saturnisme n’apparaisse pas clairement comme une priorité du Gouvernement. Selon une étude de l’INSERM, qui remonte à 2006 mais semble d’actualité, il y aurait en France, au bas mot, 84 000 enfants victimes de saturnisme. Cette maladie – il est important de le préciser – est liée à la pauvreté. Elle exige des pouvoirs publics qu’ils coordonnent leurs moyens pour lutter contre l’insalubrité, tant il est vrai que cette affection est trop souvent la conséquence de l’exposition à certains matériaux ou peintures essentiellement présents dans les habitats anciens et insalubres. On le sait, la contamination par le plomb peut avoir des conséquences très graves, particulièrement pour les femmes enceintes et les enfants.
Contrairement aux apparences, cette maladie, dont chacun constate la recrudescence, n’est pas une fatalité, puisque nous avons les moyens de la circonscrire par un traitement social d’urgence. Aucun traitement curatif n’existant à l’heure actuelle, nous sommes convaincus que la véritable solution passe par la suppression des logements insalubres.
Dans le même temps, un volet santé, reposant principalement sur le dépistage, doit être mis en œuvre, en organisant notamment l’information des populations concernées. Il exige une démarche volontariste, d’autant que, selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2004, « l’activité de dépistage sur le territoire apparaît notoirement insuffisante », sauf à m’indiquer que la situation a radicalement changé depuis cette date. Dans ce domaine, madame la ministre, il y a donc beaucoup à faire !
L’activité de dépistage n’est soumise à aucune obligation, ce qui provoque des disparités importantes d’un département à l’autre. Ainsi peut-on établir que 84 % des dépistages sont concentrés sur Paris et le département de Seine-Saint-Denis.
Nous considérons par ailleurs qu’il faut aider au développement de la recherche médicale dans ce domaine.
Enfin, en matière d’accès aux soins, nous ne pouvons que constater le caractère inopérant du système mis en place par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, autorisant les patients et leurs associations à saisir les ordres professionnels lorsqu’ils s’estiment victimes d’un refus de soins en raison de leur assujettissement à la couverture maladie universelle. Si ce mécanisme n’a été que peu utilisé à ce jour, c’est sans doute en raison de l’absence d’information des patients quant à leurs droits et obligations, en raison de leur vulnérabilité.
C’est pourquoi, compte tenu des difficultés grandissantes d’accès aux soins pour les personnes les plus défavorisées bénéficiant de la CMU, il aurait été souhaitable de renforcer les obligations pesant sur les professionnels de santé, notamment en autorisant le testing ou l’inversion de la charge de la preuve, d’autant que la loi HPST apporte la précision suivante : un praticien peut toujours opposer un refus de soins « fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins ». Cette nouvelle disposition, introduite par notre assemblée, risque de limiter la portée du principe de l’obligation de soins.
Nous regrettons d’autant plus cette situation que rien n’a été fait, ni dans la loi HPST ni à l’occasion du PLFSS pour 2010 dont nous venons de débattre, pour garantir l’accès de tous à des soins de qualité et à des tarifs opposables. Il est désormais reconnu que la part du budget des ménages consacrée à la santé a augmenté de 50 % depuis 2001. Cette situation résulte naturellement des mesures de déremboursement, mais aussi et surtout de l’explosion des dépassements d’honoraires qui pèsent sur l’ensemble des patients, et plus particulièrement sur les plus défavorisés d’entre eux.
Au regard des besoins et des populations, ce budget apparaît donc insuffisant. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes à la veille de plusieurs échéances cruciales pour notre politique de santé. En 2010, nous élaborerons une nouvelle loi de santé publique, nous réviserons les lois de bioéthique et veillerons à la mise en place des agences régionales de santé. Ces projets ambitieux auront une incidence majeure, nous l’espérons tous, sur notre système de soins.
La mission « Santé » regroupe – les différents orateurs l’ont rappelé – trois programmes budgétaires : « Offre de soins et qualité du système de soins », dont les crédits atteignent 491 millions d’euros ; « Protection maladie », doté de 585 millions d’euros ; et « Prévention et sécurité sanitaire », qui bénéficie de 124 millions d’euros. Ainsi, l’ensemble des crédits alloués à cette mission représente 1,2 milliard d’euros, montant quelque peu dérisoire par rapport aux 179 milliards d’euros octroyés à la branche maladie de la sécurité sociale. Mais, ne nous y trompons pas, ces crédits jouent un rôle essentiel eu égard au caractère sensible des secteurs qu’ils financent : prévention, sécurité sanitaire, formation professionnelle et solidarité.
Ces crédits sont tout d’abord destinés à la politique de prévention ; ils sont ainsi affectés aux programmes destinés à faire évoluer les comportements, notamment dans le cadre de la lutte contre les pratiques addictives et à risque, en particulier chez les jeunes. L’importance de ces programmes n’est plus à démontrer lorsque l’on songe à l’augmentation de l’alcoolisation expresse des jeunes, appelée binge drinking. Cet usage destructeur, apparu voilà quelques années, aurait progressé de plus de 10 % en France entre 2005 et 2008, selon les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. En 2008, près de 20 % des jeunes de dix-sept ans interrogés s’y seraient livrés.
Cette évolution de la consommation alcoolique est forcément inquiétante : la dépendance précoce à l’alcool et ce type d’alcoolisation massive peuvent entraîner des actes de violence et des accidents graves pour ces mineurs.
Il est nécessaire d’orienter davantage la prévention contre l’alcoolisme en direction des jeunes de moins de seize ans, pour éviter la dépendance des jeunes âgés de dix-sept à dix-neuf ans.
Dans cette optique, madame la ministre, nous aimerions savoir quelles mesures spécifiques vous avez prévues en direction de ce public, et, plus généralement, comment vous comptez mettre en œuvre les dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires tendant à lutter contre ces comportements à risque.
Par ailleurs, des crédits de la mission « Santé » sont consacrés à la veille et à la sécurité sanitaires. Mes collègues ont parlé du rapprochement entre l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, dont le principe a été inscrit dans la loi HPST. Cette unification de la prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation était particulièrement nécessaire.
Je citerai un exemple que je connais bien, et que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises à cette tribune, celui du chlordécone aux Antilles. Il démontre bien la pertinence de ce rapprochement, car seule une approche globale permettra de lutter à la fois contre l’exposition de nos concitoyens aux polluants persistants et contre les contaminations des populations par voie alimentaire, comme c’est le cas aux Antilles.
En outre, la formation des professionnels constitue l’une des priorités du programme « Offre de soins et qualité du système de soins ». La médecine générale doit être au cœur de cette formation. Les crédits correspondants du programme assureront essentiellement le financement des stages extra-hospitaliers destinés aux futurs médecins, les généralistes devant constituer le pivot de l’offre de soins, comme le prévoit la loi HPST.
Ces stages permettront d’offrir à ces futurs médecins une formation clinique diversifiée qui, j’en suis sûre, concourra au développement de l’offre de soins de premier recours, à laquelle nous sommes attachés, et qui s’avère indispensable.
La mission « Santé » a aussi un rôle essentiel à jouer en matière de solidarité nationale, puisqu’elle finance l’indemnisation des personnes victimes de l’amiante et l’accès aux soins des personnes défavorisées. L’augmentation de 45 millions d’euros des crédits correspondants, qui permet de rapprocher les crédits alloués du montant effectivement dépensé, traduit la continuité de l’effort du Gouvernement pour améliorer la sincérité budgétaire quant aux sommes destinées à financer l’aide médicale d’État.
La mission « Santé » est marquée par les réformes structurelles, toujours issues de la loi HPST, sur laquelle nous avons travaillé de nombreuses semaines au printemps et au début de l’été 2009. Je pense naturellement, comme mes collègues, à la création des agences régionales de santé, lesquelles doivent permettre de renforcer l’efficacité du système de soins en regroupant, dans chaque région, l’ensemble des compétences nécessaires à la coordination de la politique nationale de santé et à son adaptation au plus près des besoins de nos concitoyens. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les agences régionales de santé seront bien opérationnelles au premier semestre 2010 ? Leur mise en place à cette échéance nous paraît essentielle.
Je souhaite conclure en rendant hommage au Président de la République et au Gouvernement pour les dernières mesures qu’ils ont prises dans le domaine de la santé.
Je pense tout d’abord au plan cancer II, présenté le mois dernier, qui couvrira la période 2009-2013. Inspiré par le rapport du professeur Jean-Pierre Grünfeld, ce plan fondamental à nos yeux va consolider les acquis du plan 2003-2007 dans le domaine du dépistage et de la qualité des soins. Notre collègue François Autain a d’ailleurs souligné que ce premier plan portait enfin ses fruits en matière de prévention du cancer du sein.
Le plan cancer II se fixe également pour objectif plus ambitieux de réduire les inégalités face au cancer et de faire de la vie après le cancer, aspect qui n’avait pas été véritablement abordé jusqu’à présent, un axe à part entière de la lutte contre cette maladie.
Au-delà de la recherche, de l’observation, de la prévention et du dépistage, ce plan comprend également un volet relatif aux soins apportés aux malades, et à la vie pendant et après le cancer.
Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, quel sera le montant des crédits alloués à ce plan cancer II ?
Tous les jeunes, et tous les parents que nous sommes, se réjouissent également de la mesure qui vise à doubler l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire de santé pour les moins de vingt-cinq ans, en la faisant passer de 100 euros à 200 euros. Cette décision est conforme à l’engagement pris par le Président de la République le 29 septembre dernier, lors de la présentation du « Plan Jeunes ». Mais cette mesure, pour être efficace, doit être identifiée, c’est-à-dire que les jeunes doivent être au courant de ces aides. J’aimerais donc, madame la ministre, connaître les moyens d’information que vous comptez mettre en œuvre pour porter cette mesure à la connaissance des intéressés.
Étant donné l’importance et la pertinence des actions prévues par la mission « Santé », le groupe UMP votera les crédits qui lui sont destinés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec 1,2 milliard d’euros de crédits, la mission « Santé » fait figure de parent pauvre au regard de l’ensemble des crédits de notre système de santé. La part de la santé est d’ailleurs de plus en plus importante dans le budget des ménages depuis une décennie, comme l’a très justement fait remarquer notre collègue René Teulade, en raison des déremboursements et des charges nouvelles transférées au fil des années vers les assurés sociaux.
Dès 2010, nous allons connaître simultanément une réorganisation territoriale majeure de la politique de santé, avec l’installation des ARS, le lancement d’un nouveau plan de lutte contre le cancer et, bien-sûr, le dispositif de vaccination généralisé contre la pandémie de grippe A/H1N1.
En revanche, la traduction budgétaire de ces mesures semble tarder à se concrétiser. En effet, avec une augmentation des crédits de 50 millions d’euros l’année prochaine, le budget de la mission « Santé » incite au mieux à la « modestie », pour reprendre le terme gentiment employé par M. Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il apparaît en tout état de cause dérisoire eu égard aux grands changements qui affecteront cette mission en 2010.
Ainsi, le financement sur trois ans de la mise en place opérationnelle des ARS, qui verront progressivement le jour au cours du premier semestre 2010, se chiffrerait à 40 millions d’euros. Pour leur première année de fonctionnement, le besoin net de financement devrait être couvert par une ouverture de crédits dans le collectif budgétaire pour 2009 de l’ordre de 12 millions d’euros. Pour l’avenir, vous pariez sur les fruits d’un travail de redéploiement des crédits, permettant de dégager un autofinancement de 30 millions d’euros. L’espoir fait vivre !
Les ARS réuniront à terme près de 10 000 agents, dont, pour l’État, 7 810 équivalents temps plein. Qu’est-il prévu pour harmoniser les statuts des personnels provenant de divers horizons : Caisse nationale d’assurance maladie, directions régionales des affaires sanitaires et sociales, secteur privé ? L’harmonisation se fera-t-elle vers le haut ou vers le bas ? Va-t-on instaurer différents types de statuts pour les agents ? Nous n’avons pour l’heure reçu aucune réponse à ces questions.
Ensuite, le deuxième plan cancer, s’il a le mérite de placer cette maladie grave au cœur des préoccupations, nous amène à douter de l’avenir. Je voudrais, comme d’autres orateurs l’ont fait avant moi, rappeler les conclusions auxquelles la Cour des comptes était parvenue l’année dernière dans un rapport consacré à la mise en place du plan cancer 2003-2007. Un tiers des soixante-dix mesures de ce plan ont été complètement réalisées, un tiers inégalement et un tiers peu ou pas du tout, faute de financements pérennes. Pourquoi faire un deuxième plan cancer si le premier n’a pas abouti ?
Le combat contre cette maladie, qui cause annuellement le décès de plus de 150 000 de nos concitoyens, va-t-il connaître ainsi le même sort que le plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer, qui avait été déclarée autre grande cause nationale l’année dernière ? Pour ce plan, évoqué par Gilbert Barbier, nous constatons une baisse de 5 % des crédits dans l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades ». Il est vrai que la politique des effets d’annonce est une constante de ce gouvernement.
Ma troisième remarque concerne le traitement de la pandémie de grippe A/H1N1. Ce dernier est financé non par les crédits affectés à la mission « Santé », mais par une avance de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Là encore, je ne reviendrai pas sur les amendements scélérats présentés par le Gouvernement lors du dernier PLFSS, adopté jeudi dernier par le Sénat.
M. Bernard Cazeau. Le terme vaut ce qu’il vaut, mais il dit bien ce qu’il veut dire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme d’habitude, vous faites preuve d’une grande mesure, monsieur Cazeau ! Gardez donc la scélératesse pour d’autres dossiers !
M. Bernard Cazeau. Les assurés sociaux n’ont pas, selon nous, à se substituer à l’État pour régler les problèmes liés à la prise en charge exceptionnelle de cette mesure sanitaire.
À ce sujet, vous avez très certainement voulu démontrer que, en matière de vaccination de masse, vous pouviez vous passer des professionnels libéraux. Les files d’attente vous prouvent le contraire, comme Gilbert Barbier vous l’a déjà fait remarquer. Attendre des heures pour se faire piquer ! Jusqu’à quand demanderez-vous aux Français de s’appliquer ce masochisme républicain ?
Pour le reste, force est de constater que, en matière de crédits destinés à la santé publique, les années se suivent et se ressemblent.
Pour le programme « Prévention et sécurité sanitaire », les autorisations d’engagement pour 2010 s’élèvent à 471,8 millions d’euros, soit une progression de 1,74 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Le montant des crédits de paiement est, quant à lui, de 491,3 millions d’euros.
Cette augmentation recouvre des évolutions contrastées selon les actions du programme. Sur les sept actions auxquelles des crédits ont été attribués, trois enregistrent une diminution importante de leurs moyens, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Il s’agit des actions 11 « pilotage de la politique de santé publique », 14 « prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » et 16 « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires ». On peut s’étonner de ces choix.
En effet, les mesures d’urgence prises dans le cadre de la préparation à une pandémie grippale ont été financées par une ouverture de crédits de l’ACOSS en faveur de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, afin de compléter les crédits nécessaires.
La régularisation de la part prise en charge par l’État devra intervenir dans la loi de finances rectificative, si bien que les prévisions budgétaires incluses dans le projet annuel de performances pour 2010 ne permettent nullement de prendre la mesure, du moins à ce jour, de l’effort financier consenti par l’État pour lutter contre la grippe A.
En ce qui concerne le deuxième programme de la mission « Santé », il est constitué de la participation de l’État à l’organisation d’une offre de soins de qualité. Bien que marginaux par rapport au financement apporté dans ce domaine par l’assurance maladie dans le cadre du PLFSS, les crédits de ce programme n’en devraient pas moins avoir un rôle très important.
En effet, ils assurent principalement le financement des stages extra-hospitaliers effectués par les futurs médecins dans le cadre des formations médicales. Pour autant, comme la réflexion menée en matière d’organisation médicale dans le cadre de la loi HPST a vraiment été minimale, il est permis de s’interroger sur la crédibilité de ce programme.
Enfin, le dernier programme de la mission, celui qui concerne la protection maladie, sera doté en 2010 de 585 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une hausse des crédits de 8,3 % par rapport à 2009, à mettre au compte de la seule aide médicale d’État, ou AME, dont la sous-dotation structurelle est toujours d’actualité.
À cet égard, je tenais à souligner l’étrangeté de vos mesures visant à faciliter l’aide à l’acquisition de couvertures complémentaires de santé pour les assurés couverts par des contrats collectifs, lesquels profitent avant tout aux cadres des grandes entreprises. Elles permettront notamment de mieux leur rembourser leurs dépassements d’honoraires. Le coût de cette niche sociale est évalué à 2,2 milliards d’euros pour 2010 ! Là encore, quel paradoxe ! C’est donc en quelque sorte aux contribuables, ou aux cotisants sociaux, et principalement aux bas revenus, qu’il revient d’entretenir le mécanisme pervers des dépassements d’honoraires pour les hauts revenus !
Il en est de même de la fiscalisation des indemnités journalières accordées aux victimes d’accidents du travail, sur laquelle nous souhaiterions connaître votre point de vue.
Sur tous ces sujets, comme sur d’autres, le décalage entre les bonnes intentions annoncées et les actes concrets saute aux yeux. Alors que ces crédits devraient traduire l’implication de l’État en matière de santé publique, ils démontrent en réalité la tendance de l’État à s’en décharger, soit sur l’assurance maladie, par le biais de transferts, purement et simplement, soit de façon plus détournée, par des reconductions de dettes – la dette au titre de l’AME, qui commence tout juste à être apurée depuis l’an dernier, en constitue un bon exemple –, ou encore par des cessions partielles de financement aux collectivités territoriales, qui constituent souvent les prémices d’un désengagement.
L’État se voit, ici ou là, obligé de saupoudrer des actions de rattrapage qui n’auraient plus lieu d’être si un travail de réflexion globale était mené en amont.
Les difficultés d’accès aux soins ne vont donc pas être réglées par ce budget. C’est moins une question d’argent qu’une question de volonté politique. Il serait temps de mettre les intérêts des assurés sociaux au cœur de vos préoccupations, avant de satisfaire tels ou tels lobbies. Je me dois ainsi d’insister sur le fait que de trois à quatre millions de nos compatriotes ne bénéficient toujours pas de couverture complémentaire de santé.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles, madame la ministre, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aussi exhaustivement que possible aux différents orateurs qui se sont exprimés, je reviendrai brièvement sur les grandes orientations budgétaires de cette mission « Santé » et aborderai quelques points spécifiques de cette programmation pour 2010.
L’augmentation de 4,4 % des moyens de cette mission vise plusieurs objectifs.
Tout d’abord, nous voulons prolonger en 2010 les priorités de l’État en matière de santé publique.
Le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » sera doté de 471 millions d’euros en autorisations d'engagement et de 491 millions d’euros en crédits de paiement, soit des moyens stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
L’année 2010 s’inscrira toutefois dans un contexte marqué par de nouvelles avancées : la politique de santé publique sera territorialisée avec la mise en place des ARS ; notre action sur les comportements individuels « à risque » – l’alcool et le tabac –, mais aussi en matière de nutrition sera également renforcée par la mise en œuvre des mesures adoptées dans le cadre de la loi HPST ; enfin, nous entrerons dans la phase active de la mise en œuvre du deuxième plan cancer, qui vient d’être annoncé par le Président de la République.
Par rapport à la base 2009, la mise en œuvre de ce plan nécessitera d’inscrire progressivement, jusqu’en 2013, 750 millions d’euros de mesures nouvelles, principalement portées par l’assurance maladie. Ces efforts représenteront 102,8 millions d’euros pour le budget de l’État en 2010, dont 79,1 millions d’euros pour le programme 204 de la mission « Santé », soit une progression de 12,5 millions d’euros par rapport à 2009.
Les crédits de la mission « Santé » participeront ensuite à l’effort de solidarité nationale à travers l’AME et la CMUC.
Beaucoup d’entre vous l’ont signalé, une mesure nouvelle à l’article 59 bis, proposée par le Gouvernement à travers un amendement déposé à l’Assemblée nationale, permettra de doubler le montant de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans.
Cette mesure prolonge nos efforts pour favoriser l’accès aux soins des jeunes dont le taux de couverture complémentaire est moins élevé que celui du reste de la population. Son coût annuel est estimé à 30 millions d’euros, et elle sera financée à partir des excédents du fonds CMU.
En outre, le dispositif de l’AME est consolidé à travers un rebasage de 45 millions d’euros des crédits du programme 183 « Protection maladie ».
Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, cette augmentation traduit un effort de sincérité budgétaire dans la mesure où, depuis l’apurement des dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale qu’Éric Woerth avait mené à bien en 2007, à hauteur de 920 millions d’euros – ce n’était pas rien ! –, les insuffisances budgétaires par rapport aux besoins réellement constatés ont entraîné la reconstitution d’une dette vis-à-vis de la CNAMTS, qui s’élèvera à 380,5 millions d’euros à la fin de 2009.
Monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit donc pas d’une « explosion » des dépenses de l’AME de droit commun ; nous voulons juste poursuivre l’effort entrepris depuis 2008 de doter correctement ce dispositif.
Ces dépenses font l’objet d’un pilotage étroit, qui a conduit à étendre progressivement aux bénéficiaires de l’AME les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux assurés de droit commun. Certains s’en sont choqués ; or, ce qui aurait été choquant, c’est de ne pas procéder de la sorte.
Les bénéficiaires de l’AME sont ainsi soumis au contrôle médical pour la mise en affection de longue durée, ou ALD. Le contrôle médical a été systématisé pour ces bénéficiaires en cas d’accès aux soins urgents.
Autres exemples, la substitution de médicaments génériques conditionne la prise en charge à 100 % des médicaments pour les personnes relevant du régime général, tandis que l’attestation d’un titre sécurisé par bénéficiaire du dispositif, demande qui a été souvent formulée par la Haute Assemblée, a été généralisée cette année.
La bonne gestion de ce dispositif est le gage de sa pérennité et de son acceptabilité par notre société. Soyez donc assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma détermination à poursuivre la maîtrise des dépenses induites par ce système de prise en charge.
Par ailleurs, les crédits budgétaires de la mission « Santé » traduisent la volonté d’améliorer le pilotage stratégique des dépenses hospitalières.
Les 124,5 millions d’euros de crédits du programme correspondent pour l’essentiel à la formation initiale des médecins. À ce titre, 104 millions d’euros seront consacrés à la formation médicale initiale extrahospitalière des étudiants de deuxième cycle, des internes et de l’année de recherche suivie par certains d’entre eux. Cette augmentation est liée au numerus clausus et à l’extension des stages du deuxième cycle des études médicales chez les médecins généralistes. Il nous faut renforcer la médecine de premier recours.
Conformément aux demandes réitérées du Parlement, ces crédits ont donc bénéficié d’une augmentation de presque 20 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
J’en viens maintenant à certains aspects spécifiques de ce projet de loi de finances pour 2010 qui méritent un éclairage particulier.
Le premier point concerne le financement de la campagne vaccinale contre la pandémie grippale.
Les dépenses approcheront au final 1,5 milliard d’euros, dont 1,04 milliard d’euros d’achats de produits de santé, de dispositifs médicaux et de coûts logistiques pris en charge par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
Nous avons fait le choix de la prévention, avec une campagne de vaccination généralisée. Nous avons commandé 94 millions de doses, ce qui nous a conduits à prévoir des ajustements en partie rectificative de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et en loi de finances rectificative pour 2009.
Une fois encore, je salue les organismes d’assurance maladie complémentaire qui ont apporté leur contribution à cette campagne. Celle-ci est la traduction de leur mission de prévention vis-à-vis de leurs affiliés, mais elle constitue aussi un geste de solidarité nationale.
L’UNOCAM souhaite apporter son concours sous la forme et selon les modalités proposées par le Gouvernement à l’article 59 ter de ce projet de loi.
S’agissant d’une contribution volontaire, je souhaite que nous respections ainsi la volonté de la partie versante.
M. François Autain. Ils n’étaient pas volontaires !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous demanderai donc de maintenir l’article 59 ter du projet de loi de finances pour 2010, qui affecte le produit de cette contribution exceptionnelle à l’EPRUS.
En outre, et par cohérence, le Gouvernement a déposé un amendement qui vise à la fois à supprimer les dispositions miroir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et à réviser à la baisse le taux de cette contribution pour tenir compte de l’application d’un taux de TVA réduit sur les achats de doses de vaccin. Cette action était impossible tant que nous ne disposions pas de l’autorisation de mise sur le marché.
La mise en place des agences régionales de santé a également été évoquée. Effectivement, madame Procaccia, les agences verront le jour progressivement, au cours du premier semestre 2010. Leur création aura dès l’année prochaine une traduction budgétaire, puisque j’ai tenu à regrouper l’ensemble des moyens de fonctionnement des vingt-six agences sur un seul programme, afin d’accroître la lisibilité de ce dispositif.
Les moyens de fonctionnement des agences régionales d’hospitalisation jusque-là inscrits au sein du programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » et prévus à hauteur de 21,1 millions d’euros en 2009, seront réunis au sein de ce nouveau programme. Ce regroupement permettra d’abonder les ARS sous la forme d’une subvention globale, à partir des crédits des anciennes DDASS-DRASS. Les moyens des ARS seront ainsi globalisés dans les budgets des établissements, qui recevront une subvention de fonctionnement courant de l’État et de l’assurance maladie. Toutefois, cette subvention ne comprendra pas les crédits d’intervention de santé publique, qui seront délégués globalement et en cours d’année aux ARS, à partir du programme 204.
Ce programme contiendra d’ailleurs une nouvelle sous-action intitulée « Politique territoriale de santé », sur laquelle seront progressivement versés les crédits que les ARS auront à gérer en fonction des priorités régionales de santé publique.
Sans doute faudra-t-il faire évoluer la maquette budgétaire pour mieux rendre compte de cette réforme importante et des moyens qui y sont consacrés.
J’ajoute enfin que les coûts non pérennes de la mise en place des agences régionales de santé, estimés à 68 millions d’euros sur trois ans, feront l’objet d’un traitement spécifique. Ces dépenses seront autofinancées à hauteur de 40 % par redéploiement au sein des crédits du ministère de la santé et des sports, et des moyens supplémentaires seront prévus à hauteur de 12 millions d’euros en collectif budgétaire pour 2009.
Enfin, le Gouvernement a prévu que les régimes d’assurance maladie participeront à hauteur de 40 % du coût total d’installation des ARS, soit 28 millions d’euros, via l’abondement d’un fonds de concours.
Un troisième et dernier élément, important pour les comptes sociaux, n’apparaît pas dans les comptes de la mission « Santé » pour 2010 : c’est celui qui concerne les arbitrages récents visant à apurer les dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale. Des ouvertures exceptionnelles seront en effet prévues par le collectif de fin d’année pour éviter la reconstitution d’une dette sur l’exercice 2009, dette à laquelle fait la chasse M. le rapporteur spécial.
Il s’agira, dans ce cadre, d’apurer la dette antérieure au titre de l’AME, pour laquelle 278,5 millions d’euros de crédits seront ouverts. Ces moyens seront bien entendu fléchés avec précision. C’est une demande bien légitime des partenaires sociaux et de vous-mêmes qui sera ainsi satisfaite.
Cet apurement traduira un effort de sincérité budgétaire, qui s’ajoute à notre décision de faire supporter intégralement par l’État le financement des 9,4 millions de doses de vaccin destinées à l’Organisation mondiale de la santé, dans le cadre des actions de solidarité internationale, ainsi qu’à la révision de plus de 45 millions d’euros en projet de loi de finances pour 2010 des crédits au titre de l’AME.
J’en viens maintenant aux questions soulevées par les différents orateurs.
M. le rapporteur spécial, M. le rapporteur pour avis et Catherine Procaccia m’ont interrogée sur les conséquences de la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET. Cette opération a pour objectif de rendre plus efficaces les missions de service public actuellement confiées aux deux établissements et de tirer les conséquences du Grenelle de l’environnement en matière de gestion des risques et de gouvernance. L’indépendance de ces agences était au cœur de mes préoccupations ; elle sera préservée. Au final, leur fusion permettra de faire émerger des problématiques nouvelles, sans que les problématiques actuelles soient pour autant négligées.
Les cultures propres des agences constituent une richesse et sont l’une des raisons qui expliquent, d’une part, les bonnes relations qu’elles entretiennent avec leurs partenaires, d’autre part, la satisfaction de leurs commanditaires. L’organisation interne du futur établissement devra bien entendu intégrer cette problématique de la visibilité des grands dossiers en se structurant autour de pôles bien identifiés.
J’ai demandé au conseiller d’État Thierry Tuot de mener un travail de concertation aussi large que possible avec l’ensemble des parties prenantes. Les engagements issus de cette concertation trouveront une traduction dans un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, que je soumettrai au Parlement en janvier prochain. Celle-ci sera prise avant le 21 janvier 2010. Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens pourra être renouvelé et prolongé pour 2011.
S’agissant du plan cancer II, je crois avoir répondu assez largement à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis, ainsi qu’à MM. Barbier et Teulade. Son financement, qui augmentera progressivement au cours des cinq prochaines années, sera assuré à la fois par l’État et l’assurance maladie. Monsieur le rapporteur spécial, 242 millions d’euros lui seront consacrés en 2009, et 314 millions d’euros en 2010.
M. le rapporteur pour avis m’a interrogée sur la santé mentale. Au total, le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 prévoyait une délégation pluriannuelle de crédits de fonctionnement de 287,5 millions d’euros, complétés par 188,5 millions d’euros provenant du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, et un financement spécifique pour la création du HSA.
Nous dressons actuellement le bilan de ce plan. Dès après, nous verrons comment le prolonger. Si le calendrier parlementaire n’est pas trop chargé, je présenterai un projet de loi relatif à l’hospitalisation sous contrainte afin d’y apporter les améliorations nécessaires.
M. Teulade a évoqué la répartition des dépenses liées à la grippe A H1N1. Nous avons déjà longuement évoqué ce sujet, je ne m’y attarderai donc pas.
M. Jean-Jacques Jégou a regretté l’absence d’optimisation des stocks de l’EPRUS avec l’arrivée à péremption des produits. Je partage pleinement cette préoccupation qui doit nous amener à nous interroger sur la sécurité des produits, mais aussi sur la bonne gestion des finances publiques.
J’ai donc donné instruction au directeur général de l’EPRUS de définir une stratégie de réduction des coûts de possession et d’entretien des stocks nationaux. Je transmettrai toutes les informations utiles sur ce sujet à M. Jean-Jacques Jégou, qui a accompli un travail remarquable dont j’ai tenu le plus grand compte pour améliorer la gestion de l’EPRUS.
M. Alain Vasselle. M. Jégou a de la chance !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, je tiens toujours le plus grand compte des travaux du Parlement, et tout particulièrement de ceux du Sénat. Ils ne sont jamais complaisants, mais ils constituent une aide précieuse à la décision publique. (Sourires.- Mme la présidente de la commission des affaires sociales fait un signe d’approbation.) Je vous remercie de cette approbation, madame Dini.
Plusieurs intervenants m’ont demandé, et c’est une question d’actualité, pourquoi nous n’avions pas encore associé les médecins généralistes à la vaccination contre la grippe.
Les raisons en sont simples. Tout d’abord, il faut préserver la capacité soignante de nos médecins généralistes qui doivent faire face à un nombre croissant de consultations supplémentaires liées à la grippe A H1N1 : 410 000 voilà quinze jours, 730 000 la semaine dernière et nous devrions atteindre le nombre de 950 000. Il nous faut impérativement préserver la capacité soignante des médecins généralistes.
Les cabinets de médecine générale sont soumis à de très fortes tensions. Toutes les informations qui me reviennent vont dans ce sens. Et la situation ne va pas s’améliorer. Nous approchons de la période de Noël, pendant laquelle se développent différentes épidémies saisonnières, gastroentérites et bronchiolites notamment. Il est donc crucial d’assurer la permanence des soins alors que certains médecins aspirent bien évidemment à prendre quelques jours de congés à l’occasion de fêtes qui sont essentiellement familiales.
Hier, un généraliste, médecin traitant de 1 100 patients, me déclarait que, selon ses calculs, s’il devait vacciner ces 1 100 patients avant le 15 janvier, à raison de vingt-cinq jours de consultation et de vingt minutes bon poids par consultation, il lui faudrait vacciner quarante-quatre patients par jour, ce qui l’amènerait à faire des journées de quatorze heures.
Nous n’avons donc pas associé les médecins aux opérations d’abord pour préserver les capacités de soins, mais aussi pour des raisons de logistique.
La Fédération française des médecins généralistes, MG France, qui est le principal syndicat de médecins généralistes, a clairement été dans le sens du Gouvernement. Elle considère que la vaccination par des généralistes ne serait possible qu’avec des doses unitaires. Or, la majorité des stocks disponibles est composée de vaccins multidoses.
La Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, veut donner un coup de main. Mais que doit-on entendre par « coup de main » ? Les médecins prendront-ils en charge 5 %, 25 %, 50 % des vaccinations ?
Comment organiser la logistique d’une campagne de vaccination dont on ignore complètement le format ? Notre pays compte 22 000 pharmacies, 57 000 généralistes et 6 000 pédiatres. Comment puis-je organiser la diffusion des stocks de vaccins dans des conditions de sécurité sur la base d’un format que je ne connais pas et qui peut en outre varier d’un endroit à l’autre. C’est notamment le cas si une pharmacie sert un cabinet de médecins généralistes qui a décidé de ne pas vacciner. Dois-je rappeler que selon un sondage réalisé par Le Quotidien du médecin, la moitié des généralistes refuse de vacciner. La moitié ! Une union régionale du syndicat des médecins libéraux a même fait savoir au Gouvernement qu’elle ne voulait pas vacciner.
Comment pourrais-je organiser la logistique de la vaccination avec de telles distorsions ? C’est évidemment tout à fait impossible.
Nous n’excluons pas les médecins généralistes. Si certains d’entre eux ont du temps, s’ils souhaitent consacrer deux ou trois heures par jour à la vaccination, qu’ils viennent nous aider ! On a besoin d’eux dans les centres, dans les équipes mobiles ! On ne les exclut pas ! Ils ont toute leur place dans le dispositif. Mais il faut qu’ils comprennent les problèmes de logistique auxquels se heurtent le Gouvernement et la puissance publique. Il va nous falloir vacciner 300 000 personnes par jour. Nous aurons donc vraiment besoin des forces de la médecine générale.
Oui, je fais confiance aux médecins généralistes, mais je souhaite qu’ils prennent en compte les difficultés d’organisation d’une campagne de santé publique d’une ampleur sans précédent dans notre pays.
J’ai déjà répondu sur l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, l’ASIP santé, qui fonctionne depuis le 15 septembre.
Monsieur Barbier, le dépistage du sida reste capital, et je vous remercie de l’avoir évoqué, au lendemain d’ailleurs de la Journée mondiale de lutte contre le sida. La France maintient ses efforts en ce domaine sur le plan tant national qu’international. Nous ne devons pas relâcher nos efforts. Certes, le taux de contamination a baissé de 22 % en cinq ans, mais certaines catégories de la population, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, restent particulièrement exposées puisque le taux annuel de contamination est de un pour cent personnes, soit deux cents fois plus que la moyenne de la population.
Nous voulons agir sur tous les fronts : la prévention, la réduction des risques, le dépistage, la prise en compte du soin, la prise en charge médicosociale et, bien entendu, la recherche.
Vous avez évoqué le rapport du Conseil national du sida. Je citerai pour ma part les conclusions du groupe d’experts dirigé par le professeur Yeni et, tout récemment, les conclusions de la Haute Autorité de santé ainsi que l’excellent rapport de Mme Lert et de M. Pialoux. Je tiendrai bien entendu le plus grand compte des conclusions de ces rapports. Je présenterai, au mois de janvier, un cinquième plan qui réservera une place toute particulière au dépistage, comme vous le souhaitez, monsieur Gilbert Barbier.
Monsieur Autain, comme vous l’avez souligné, insalubrité et saturnisme sont étroitement liés. Nous consacrerons 0,5 million d’euros à la lutte contre l’insalubrité et 0,65 million d’euros à la lutte contre le saturnisme. Il s’agit de normaliser les protocoles et mettre en œuvre les recommandations de l’INSERM en matière de dépistage, de financer une enquête sur les sources d’exposition au plomb à domicile.
Une proposition de loi, présentée par M. Jean-Luc Warsmann, a été déposée à l’Assemblée nationale. J’ai proposé un durcissement des dispositions prévues à l’article 19 en matière de réglementation et de procédures d’accréditation. J’ai également souhaité permettre aux préfets, en cas d’urgence, d’accélérer les procédures de mise en conformité. Le Gouvernement est donc mobilisé sur ce sujet.
Je remercie Mme Catherine Procaccia, militante convaincue de la prévention dans la lutte des comportements à risques, de son soutien dans les campagnes que nous menons contre l’alcool et le tabac. Soyez assurée, madame, de notre détermination à lutter de manière résolue, comme vous le souhaitez, contre toutes les conduites addictives.
Je n’insisterai pas sur les ARS afin de ne pas allonger encore un propos déjà bien long, mais je reviendrai sur ce sujet si vous le souhaitez.
MM. Autain, Teulade et Cazeau sont de trop fins observateurs des projets de loi de finances pour me reprocher d’avoir laissé fondre les crédits de l’action no 14 de 1,9 %. Je suis persuadée qu’ils auront parfaitement entendu, de leur oreille acérée, que cette baisse était due à un rebasage et au transfert de 3,5 millions d’euros des crédits du GIP Datis, drogues, alcool, tabac info-service vers l’INPES dans le cadre de la reconfiguration de la téléphonie sociale. Je considère qu’il ne pouvait donc s’agir que d’une argumentation purement polémique de la part d’observateurs et de connaisseurs aussi fins des programmes dédiés à la santé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
(M. Roland du Luart remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Santé |
1 177 671 290 |
1 197 948 773 |
Prévention et sécurité sanitaire |
468 908 311 |
488 989 773 |
Offre de soins et qualité du système de soins |
123 757 979 |
123 954 000 |
Protection maladie |
585 005 000 |
585 005 000 |
M. le président. L'amendement n° II-46, présenté par MM. P. Dominati et Milon, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention et sécurité sanitaire |
|
|
|
|
Offre de soins et qualité du système de soins |
|
|
|
|
Protection maladie |
|
45.000.000 |
|
45.000.000 |
TOTAL |
|
45.000.000 |
|
45.000.000 |
SOLDE |
- 45.000.000 |
- 45.000.000 |
Cet amendement a été retiré par son auteur.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Santé ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 59, 59 bis et 59 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Santé », ainsi que l’amendement portant article additionnel également rattaché.
santé
Article 59
Au dernier alinéa de l’article 23 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, l’année : « 2008 » est remplacée par l’année : « 2009 ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le présent article prévoit en effet de proroger d’un an la taxe additionnelle à la taxe sur les médicaments et les produits bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché destinée à financer le centre national de gestion des essais de produits de santé, le CeNGEPS.
Ce centre est un groupement d’intérêt public, un GIP, qui a été institué au mois de mars 2007 pour quatre ans. Or, la période du recouvrement de la taxe additionnelle qui lui est affectée est fixée sur les ventes réalisées au titre des exercices 2005 à 2008.
Le présent article institue la prorogation d’un an de la perception de la taxe additionnelle afin de mettre en concordance la durée de financement du CeNGEPS avec celle de sa durée d’existence, et ainsi assurer le maintien du financement du GIP pour sa dernière année d’activité.
J’avoue m’interroger sur la création initiale de cette taxe additionnelle provisoire destinée à financer une structure qui n’existait pas encore à l’époque.
Je m’interroge également sur l’utilité même de ce centre. Peut-être pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques éléments d’information sur ce sujet. S’il paraît difficile de ne pas assurer le financement du CeNGEPS jusqu’à la fin de son mandat, je souhaite néanmoins qu’un bilan du soutien effectif apporté par le groupement à l’organisation des essais cliniques industriels en France soit réalisé. Il doit en tout cas être un préalable à une éventuelle décision quant au renouvellement du mandat du GIP en 2011.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le centre national de gestion des essais de produits de santé est un GIP destiné à faciliter la coordination et la gestion des essais clinique à promotion industrielle qui sont réalisés dans les établissements de santé ou dans le cadre de réseaux de soins.
Son extinction est prévue pour mars 2011. En application de la loi de finances rectificative pour 2005, le financement du CeNGEPS est assuré par une taxe additionnelle à la taxe annuelle sur les spécialités pharmaceutiques qui est perçue par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS. La dernière perception de cette taxe est prévue en 2009 au titre des ventes de 2008. Le financement de la dernière année d’exercice du CeNGEPS n’est donc pas assuré puisque le financement du centre s’éteint un an avant l’arrêt de son activité.
L’article 59 du projet de loi de finances pour 2010 prévoit de modifier l’article 23 de la loi de finances rectificative pour 2005 afin de proroger d’une année la perception de la taxe additionnelle sur les spécialités pharmaceutiques.
Outre l’article 59 du projet de loi de finances pour 2010, d’autres mesures ont des conséquences sur les taxes affectées à l’AFSSAPS. M. Alain Milon a déposé un amendement, no II-75, visant à insérer, après l’article 59 bis, un article additionnel qui prévoit la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises responsables de la mise sur le marché de produits cosmétiques.
La proposition de loi de simplification du droit du député Jean-Luc Warsmann, contient également plusieurs dispositions relatives à la clarification des taxes liées à l’autorisation de mise sur le marché et prévoit un nouveau calendrier de paiement de la taxe sur le chiffre d’affaires des spécialités pharmaceutiques.
Ces taxes sont finalement assez complexes, mais il existe en tout cas une sorte de parallélisme des formes entre l’extinction de la structure et la collecte de la taxe nécessaire à son fonctionnement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 59.
(L'article 59 est adopté.)
Article 59 bis
I. – Au troisième alinéa de l’article L. 863-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « vingt-cinq ans, à 200 € par personne âgée de vingt-cinq » sont remplacés par les mots : « seize ans, à 200 € par personne âgée de seize ».
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2010 et s’applique aux droits annuels prononcés à compter de cette date.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Les membres du groupe CRC-SPG ont accueilli favorablement cet article 59 bis, qui a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
En effet, comment s’opposer à une mesure qui permet aux jeunes de disposer d’une aide à l’acquisition d’une mutuelle complémentaire ?
Cette mesure était attendue, tant le nombre de jeunes et d’étudiants qui renonçaient aux soins pour des raisons financières était important. Ce renoncement se focalise principalement sur les soins qui sont dispensés par les spécialistes, plus particulièrement les psychologues et les gynécologues.
Si cette mesure constitue une avancée, nous craignons qu’elle ne suffise pas. Nous voterons donc en faveur de cet article 59 bis, tout en exhortant le Gouvernement à prendre prochainement les mesures nécessaires pour soutenir la médecine scolaire et universitaire, qui connaît d’importantes difficultés.
Nous ne devons pas perdre de vue que la deuxième cause de décès des jeunes, après les accidents de la route, est le suicide. Il est donc nécessaire de renforcer l’accès aux psychologues et aux psychiatres.
Enfin, nous ne voudrions pas que cet article soit un argument pour permettre au Gouvernement d’éluder la question de l’origine de ces difficultés d’accès aux soins, qui résulte d’un mouvement de paupérisation de la jeunesse.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 bis.
(L'article 59 bis est adopté à l'unanimité.)
Article additionnel après l'article 59 bis
M. le président. L'amendement n° II-75, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 59 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 5131-7-3 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-7-4. - Les produits cosmétiques définis à l'article L. 5131-1, mis sur le marché français, sont frappés d'une taxe annuelle perçue par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à son profit. Elle est exigible des fabricants, ou pour les produits importés hors de la Communauté européenne, de leurs mandataires.
« Le taux de cette taxe est fixé à 0,25 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. La taxe n'est pas exigible lorsque les ventes n'ont pas atteint, au cours de l'année civile précédente, un montant hors taxes de 763 000 euros.
« Une obligation de déclaration est instituée selon les mêmes conditions et les mêmes pénalités que celles fixées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 5121-18 pour les médicaments et produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché.
« La déclaration est accompagnée du versement du montant de la taxe.
« À défaut de versement, la fraction non acquittée de la taxe, éventuellement assortie des pénalités applicables, est majorée de 10 %.
« La taxe est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'État.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Depuis 2007 et en application des directives communautaires, l’AFSSAPS encadre l’évaluation de la qualité et de la sécurité d’emploi des produits cosmétiques. Pour ces missions, elle dispose d’experts internes et externes, d’équipes d’inspecteurs, de laboratoires d’analyse, et peut prendre des mesures de police sanitaire en cas de risque pour la santé publique.
Par ailleurs, l’Agence organise un système de vigilance afin de surveiller les effets indésirables résultant de l’utilisation de produits cosmétiques. Elle offre donc un service qui garantit la sécurité de ces produits.
Or elle ne reçoit à ce titre aucun revenu, alors que les médicaments et dispositifs médicaux sur lesquels elle exerce le même contrôle sont imposés à son profit.
Cet amendement vise donc à remédier à ce qui paraît comme une iniquité, tout en exonérant les plus petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 763 000 euros. Il n’y a aucune raison que les médicaments et les dispositifs médicaux paient pour la cosmétovigilance.
Le dispositif que vous propose la commission des affaires sociales est calqué sur celui qui existe déjà pour les dispositifs médicaux et ne devrait poser aucune difficulté de mise en œuvre.
J’estime enfin important que le produit de la taxe puisse servir à augmenter le plafond des emplois de l’AFSSAPS, qui a atteint les limites en termes de gains d’efficacité et qui risque de se trouver empêchée de mener à bien les missions qui lui sont confiées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de créer une taxe sur les produits cosmétiques, qui serait affectée à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, un régime de simplification des taxes affectées à l’AFSSAPS a été adopté. Trois des treize taxes affectées à cette agence ont été supprimées, et d’autres ont vu leur assiette simplifiée. Il semblerait a priori peu opportun, un an seulement après cette réforme, de recréer une nouvelle taxe.
Par ailleurs, comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de ma mission de contrôle sur la taxation de l’industrie du médicament, la complexité et l’instabilité de la fiscalité nuit à la compétitivité de notre pays.
Enfin, l’affectation de taxes à un établissement public pose la question de l’indépendance de l’AFSSAPS, eu égard au poids déjà important des ressources fiscales dans ses recettes globales.
La commission des finances s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La sagesse du Gouvernement l’incite à demander à M. le rapporteur pour avis de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le rapporteur spécial ayant déjà évoqué la question, je rappellerai que le produit des différentes contributions à l’AFSSAPS représente d’ores et déjà 80 % de ses ressources.
M. François Autain. C’est beaucoup trop !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En outre, la subvention pour charges de service public du ministère de la santé à cette agence a augmenté de 4 millions d’euros entre 2007 et 2010.
Ce niveau de ressources est tout à fait suffisant pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé assure ces missions de pharmacovigilance dans de bonnes conditions, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter ses ressources propres.
Il n’est sans doute pas opportun de créer une taxe nouvelle sans avoir établi au préalable, et précisément, les conséquences de cette mesure sur une partie de l’industrie. Sans porter de jugement de fond sur les arguments de M. Milon, j’estime que cette question mériterait au moins une concertation préalable avec les industriels concernés.
C’est la raison pour laquelle, à la suite de l’excellente argumentation de Jean-Jacques Jégou, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. L’indépendance de l’AFSSAPS à l’égard de l’industrie pharmaceutique et cosmétologique est fondamentale, car les décisions qu’elle prend ne doivent pas pouvoir être suspectées de complaisance ou de connivence à l’égard de ses financeurs. La suppression de tout lien financier entre l’Agence et l’industrie est, à notre sens, la condition de cette indépendance.
Or, actuellement, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, 80 % des sources de financement de l’AFSSAPS proviennent de l’industrie des produits de santé, et la subvention du Gouvernement est si faible qu’elle ne parvient même pas à financer les missions régaliennes que l’Agence exerce pour le compte de l’État, notamment en matière de police sanitaire.
C’est pourquoi nous ne pouvons être favorables à un amendement qui procède de cette politique. L’AFSSAPS doit être à l’abri de tout soupçon et financièrement indépendante de l’industrie pharmaceutique et cosmétologique.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-75 est-il maintenu ?
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Dans la mesure où j’ai présenté cet amendement au nom de la commission des affaires sociales, je ne le retirerai pas.
Je souhaiterais ajouter quelques observations.
D’abord, actuellement, 80 % des financements de l’AFSSAPS proviennent de l’industrie pharmaceutique, dont les médicaments sont remboursés par la sécurité sociale.
La proposition qui est faite par la commission des affaires sociales consiste à rémunérer l’AFSSAPS pour un service considérable rendu à l’industrie du cosmétique.
Chacun se rend bien compte que les produits que nous consommons ne sont utilisés que si l’AFSSAPS donne son accord. Donc, il est normal que le travail rendu par les différents scientifiques de l’AFSSAPS soit reconnu et rétribué d’une façon ou d’une autre.
Même si la Haute Assemblée adopte notre proposition concernant l’instauration d’une taxe, je sais, pour avoir vécu avec certains de mes collègues l’expérience d’un vote bloqué à l’issue d’une commission mixte paritaire, que tout cela peut disparaître.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 59 bis.
Article 59 ter
Il est institué, au titre de l’année 2010, une contribution exceptionnelle à la charge des organismes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur participation à la mobilisation nationale contre la pandémie grippale.
Cette contribution est assise sur les sommes assujetties au titre de l’année 2010 à la contribution mentionnée au I du même article. Elle est recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que cette dernière. Son taux est fixé à 0,94 %.
Le produit de cette contribution est versé à l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires mentionné à l’article L. 3135-1 du code de la santé publique.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-24 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-76 est présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-24.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le président, avec votre autorisation, je souhaiterais revenir un peu plus longuement sur l’origine du dispositif prévu par l’article 59 ter.
Dans son texte initial, l’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoyait également la création d’une contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la grippe A H1N1.
Cependant, à la différence de l’article 59 ter, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyait d’affecter le produit de cette nouvelle contribution à l’assurance maladie.
Le Gouvernement, souhaitant par la suite affecter le produit de cette taxe à l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, qui a été chargé de l’achat des vaccins, a déposé deux amendements miroirs.
Le premier, visant à prévoir l’affectation de cette taxe à l’EPRUS, a été adopté par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 et est devenu le présent article.
Le second, tendant à supprimer la disposition initiale du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui affectait le produit de cette taxe à l’assurance maladie, a été rejeté par le Sénat pour des raisons que je développerai un peu plus loin. Ce vote, mes chers collègues, a ensuite été confirmé en commission mixte paritaire.
Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 qui vient d’être adopté la semaine dernière prévoit l’affectation de la contribution des complémentaires santé à l’assurance maladie.
Reste donc toujours en discussion cet article 59 ter, dont nous avons à débattre aujourd’hui et qui prévoit, lui, l’affectation de cette taxe à l’EPRUS.
Par coordination avec les dispositions adoptées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale voilà à peine une semaine, je vous propose comme notre collègue Alain Milon, qui a déposé un amendement identique, de supprimer cet article.
Le Gouvernement souhaite en revanche, dans le I de son amendement, revenir une nouvelle fois sur le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors qu’il n’a pas souhaité intervenir sur ce point, comme il l’a fait malheureusement pour d’autres dispositions, lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire.
Sur le fond, je souhaiterais évoquer de nouveau les arguments que la commission des finances et la commission des affaires sociales ont développés, pour justifier l’affectation à l’assurance maladie de la contribution des complémentaires santé.
Affecter cette contribution à l’EPRUS aurait tout d’abord pour conséquence de réduire mécaniquement la dotation de l’État à cet établissement, qui, je le rappelle, est financé à parité par l’État et par l’assurance maladie, s’agissant de l’achat de produits de santé.
Or ces dépenses supportées par l’EPRUS relèvent du domaine régalien de l’État. Il n’y a pas de raison de diminuer la participation de l’État.
Ensuite, l’assurance maladie constitue un tout. Elle se compose de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance maladie complémentaire.
S’il est décidé de faire contribuer les organismes d’assurance maladie complémentaire à la vaccination contre la grippe A H1N1, ce doit être au titre de la participation de l’assurance maladie dans son ensemble. En effet, la part des organismes d’assurance maladie complémentaire est l’équivalent du ticket modérateur pratiqué dans le cas d’une vaccination ordinaire.
Vous allez très certainement nous dire, madame la ministre, comme vous l’aviez déjà indiqué lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nombre de dépenses, notamment la logistique, sont déjà supportées par l’État.
Or, comme l’avait signalé notre collègue Alain Vasselle, il est logique que l’État assure le financement de ces dépenses, qui relèvent, je le répète, de ses missions régaliennes. La participation de l’assurance maladie n’est justifiée que pour l’achat des produits de santé.
Je précise par ailleurs que certaines dépenses seront également prises en charge par l’assurance maladie sans que cela soit pleinement justifié. Ainsi, les frais d’information et de convocation des vaccinés sont financés par l’assurance maladie par le biais du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information pour la santé, le FNPEIS.
De même la campagne de communication – ces messages que l’on voit quotidiennement à la télévision – est financée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, qui reçoit une dotation de l’État, mais aussi de l’assurance maladie.
Quant à l’argument selon lequel le Gouvernement s’est engagé auprès des assurances complémentaires de santé à ce que leur contribution soit utilisée au financement des vaccins, et donc affectée à l’EPRUS, je rappellerai simplement que, lorsque le PLFSS pour 2010 a été soumis pour avis au Conseil d’État, le Gouvernement n’a pas éprouvé le besoin d’y apporter de rectification. Ainsi, la disposition qui prévoyait que la part de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, serait versée directement à la CNAM et non à l’EPRUS a été maintenue.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 59 ter, et je me permets d’indiquer à la Haute Assemblée qu’il s’agit de la seule initiative prise par le Sénat dans le PLFSS qui, pour l’instant, a pu être maintenue.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement no II-76.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Mon collègue Jean-Jacques Jégou ayant tout dit, je me contenterai d’ajouter que la commission des affaires sociales craint un problème de constitutionnalité si est supprimée, dans le cadre du projet de loi de finances, une dotation à l’assurance maladie votée définitivement dans la loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, si vous le permettez, et parce que je crains qu’il ne tombe, je présenterai mon amendement no II-177, dans une dernière tentative pour convaincre la Haute Assemblée, en même temps que je donnerai l’avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques nos II-24 et II-76.
M. le président. Pour la clarté des débats, je donne lecture des trois amendements portant également sur l’article 59 ter, qui devaient faire l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-177, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La contribution exceptionnelle instituée au titre de l'année 2010 à la charge des organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur participation à la mobilisation nationale contre la pandémie grippale versée à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, est supprimée.
II. - Alinéa 2, dernière phrase
À la fin de cette phrase, remplacer le pourcentage :
0,94 %
par le pourcentage :
0,77 %
L'amendement n° II-97 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bout et Rozier, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer le taux :
0,94 %
par le taux :
0,73 %
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du taux de l'alinéa 2 est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° II-96 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Rozier et Bout, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les sommes prélevées au-delà d'un montant de 231,756 millions d'euros, ainsi que les sommes correspondant au coût des produits vaccinaux non utilisés dans le cadre de la campagne ou cédés à titre onéreux, sont déduites du montant du premier appel de la contribution visée au I de l'article L. 862-4 précité de l'année 2011. Le fonds visé à l'article L. 862-1 du code de la sécurité sociale informe les organismes concernés des modalités de cette déduction. L'établissement mentionné à l'article L. 3135-1 du code de la santé publique transmet les informations nécessaires au calcul de ladite déduction au fonds visé à l'article L. 862-1 du code de la sécurité sociale, au plus tard le 31 décembre 2010.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les deux amendements identiques nos II-24 et II-76 visent donc à supprimer l’article 59 ter, par coordination avec les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Je ne peux évidemment pas donner d’avis favorable, pour des raisons que M. Jégou m’a fait la grâce d’indiquer à ma place.
Il me paraît important de rappeler que les membres de l’UNOCAM ont souhaité apporter leur concours sous cette forme, aux côtés de l’assurance maladie obligatoire et de l’État, à l’effort de solidarité nationale. Ainsi, le versement de la contribution volontaire de ces organismes à l’EPRUS respecte la volonté des parties versantes et leur souhait d’inscrire leur action à la fois dans la droite ligne de leur mission de prévention à l’égard de leurs affiliés, mais aussi dans un souci de solidarité nationale. Cette affectation à l’EPRUS permettra en outre de garantir la bonne traçabilité du produit de cette contribution.
De plus, l’affectation du produit de la contribution des organismes d’assurance complémentaire à l’EPRUS ouvre la possibilité de préserver le principe de la parité entre l’État et l’assurance maladie pour le financement des dépenses de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Je n’y reviendrai pas puisque je vous ai présenté des tableaux très complets permettant de constater cette parité.
Le vote dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 d’une dotation rectificative de l’assurance maladie à l’EPRUS pour l’année 2009, d’un montant de 338 millions d’euros, ne conduira pas à une surdotation de 123 millions d’euros de l’établissement, car, comme vous avez pu le noter dans votre rapport spécial de juillet dernier, monsieur Jégou, une convention signée par l’EPRUS, la CNAMTS et l’ACOSS permet d’ajuster les versements aux besoins réellement constatés de l’établissement.
J’ajoute que l’adoption de ces amendements identiques entraînerait une aggravation des charges publiques. Ils doivent donc être considérés comme non recevables au sens de l’article 40 de la Constitution.
Pour toutes ces raisons, il est légitime de maintenir la contribution en question en l’affectant à l’EPRUS dans le cadre de ce projet de loi de finances. C’est pourquoi je vous saurais gré, messieurs les rapporteurs, de retirer vos amendements. Cependant, n’espérant guère que vous le ferez, j’indique qu’à défaut j’y serai défavorable.
J’ai donc déposé à l’article 59 ter un amendement ayant pour objet de supprimer la disposition, prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui affecte le produit de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires à l’assurance maladie. Cette disposition miroir est importante, je viens de le rappeler, car elle permettra d’éviter que les organismes d’assurance complémentaire n’aient à s’acquitter deux fois du montant de la taxe au titre de l’exercice 2010.
Par ailleurs, il convient de tenir compte de la diminution du coût des vaccins en raison de l’application d’un taux de TVA réduit à 5,5 % , au lieu du taux de 19,6 % initialement envisagé. L’économie de 96 millions d’euros ainsi réalisée doit être prise en compte dans le calcul du taux de la contribution sur le chiffre d’affaires des organismes d’assurance complémentaire.
L’attribution du produit de cette contribution à l’EPRUS entrera en compte dans le calcul de la parité du financement de cet établissement entre l’État et l’assurance maladie. Les dotations rectificatives pour assurer le bouclage de financement de l’EPRUS se répartiront selon des critères détaillés dans un tableau un peu complexe que je tiens évidemment à votre disposition, mais dont je vais peut-être vous épargner la lecture dans l’immédiat. Il montre que cette situation aboutirait à une surdotation de l’assurance maladie de 123 millions d’euros. Toutefois, le mécanisme de la convention passée entre l’EPRUS, la CNAMTS et l’ACOSS, fondée sur le besoin réel de l’établissement, permettrait de ne pas verser cette somme à l’établissement. En outre, une mesure modificative interviendra dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter les amendements identiques de suppression de l’article et d’adopter mon amendement. Cela vous permettrait de préserver au mieux la justice du traitement des organismes d’assurance complémentaire et de tenir compte du fait que cette demande avait été établie sur la base d’un taux de TVA à 19,6 % alors que celui-ci, après l’obtention de l’AMM, est en réalité de 5,5 %.
M. le président. Madame la ministre, je suis très embarrassé et au regret de vous contredire, mais l’article 40 de la Constitution ne peut s’appliquer à des amendements de suppression !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Comme vous le savez, madame la ministre, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG sont opposés à la contribution exceptionnelle des complémentaires santé au titre de ce que le Gouvernement présente comme une participation des organismes d’assurance complémentaire à la pandémie de grippe A et que nous considérons quant à nous comme la continuation cette année de la contribution exceptionnelle imposée l’année dernière à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Cela nous donne une nouvelle fois l’occasion de souligner à quel point il est tout de même étonnant – à moins que ce ne soit simplement révélateur – que la première mesure contenue dans la partie recettes du PLFSS pour 2010 soit précisément une mesure prétendument temporaire et correspondant à une dépense ciblée : la politique vaccinale contre la grippe A.
Autre curiosité : bien qu’il s’agisse d’une contribution théoriquement très ciblée, les financements qui en résultent sont orientés vers l’assurance maladie, alors que, on y a insisté, c’est l’EPRUS qui a acheté les doses de vaccins. Le faisceau d’indices tend à conforter notre conviction : la contribution vise à financer moins l’EPRUS que l’assurance maladie elle-même ! C’est ce qui lui donne un tout autre sens.
Madame la ministre, les membres de l’UNOCAM, en particulier les assurances complémentaires privées – je le tiens du président de la Fédération française des sociétés d'assurances –, indiquent avoir été, pour cette contribution, « mis au pied du mur ». Contrairement à ce que vous affirmez, elle n’est pas le résultat de la volonté des organismes d’assurance complémentaire, elle leur a bien été imposée !
Enfin, je ne voudrais pas embarrasser le Gouvernement, mais il me semble que la rédaction de cet article 59 ter témoigne d’un léger flottement, à moins que ce ne soit un manque de concertation entre les différents ministres. Car, au moment où M. Woerth, ministre chargé du budget, demandait à l’Assemblée nationale d’adopter le principe de cette contribution en précisant qu’elle serait destinée à l’EPRUS, Mme Bachelot-Narquin, ministre chargée de la santé, faisait voter de son côté contre les amendements qui allaient dans ce sens. Tout cela nous semble être le signe d’une mauvaise coordination, peut-être même d’une mauvaise gestion. C’est à l’image de la politique du Gouvernement en matière de financement de la protection sociale.
On comprendra, compte tenu de cette situation, que nous préférions laisser le Gouvernement et la majorité régler entre eux leur désaccord quant à l’affectation d’une taxe que nous dénonçons par ailleurs, notamment au regard du risque de répercussions sur les mutualistes. Nous ne participerons donc pas au vote de ces amendements identiques et, le cas échéant, nous nous abstiendrons sur l’article 59 ter.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je continue, comme lors de l’examen du PLFSS, à soutenir votre proposition de verser la contribution en question à l’EPRUS.
La logique de la situation m’échappe : pourquoi avoir voté la création de l’EPRUS si c’est pour ne pas donner à celui-ci les moyens dont il a besoin ? Sa vocation est pourtant, me semble-t-il, de faire face au risque de pandémie par l’achat de vaccins ! Malgré toutes les explications du rapporteur spécial, je ne comprends toujours pas. En revanche, j’ai bien compris que le rapporteur général de la commission des affaires sociales voulait essayer de combler le trou de la Sécu ! C’est la seule explication que je vois au fait que l’on nie l’existence de l’EPRUS. Mais alors, pourquoi l’avoir instauré ?
Par ailleurs, si nous adoptons les amendements de suppression de l’article, l’amendement de la ministre ne sera pas soumis au vote, non plus que le mien, qui va dans le même sens bien qu’étant légèrement différent. L’UNOCAM, c’est-à-dire les assurances complémentaires, devra alors verser 280 millions d’euros alors que sa contribution aurait dû s’établir, selon ses calculs, entre 231 millions et, aux termes de l’amendement de Mme la ministre, 240 millions d’euros. M. Autain s’est à juste titre interrogé : qui paiera ces 40 millions d’euros supplémentaires ? Croyez-vous vraiment que ce seront les assureurs ? Vous allez voir vos cotisations d’assurance maladie !
De plus, le procédé est malhonnête puisqu’un engagement avait été pris. Moi aussi j’ai consulté les représentants de l’UNOCAM et d’un certain nombre d’assurances complémentaires. Ils sont d’accord pour payer, mais sur les bases qui ont été fixées. Or, supprimer l’article 59 ter, ce serait revenir sur cet engagement. Je le répète : si nous votons ces amendements de suppression, comme d’habitude, ce sont les assurés qui paieront. Je ne vois pas comment on peut vouloir mener de grands combats contre les pandémies et faire payer toujours les mêmes, c’est-à-dire les assurés.
Enfin, M. Jégou a mentionné le ticket modérateur. Certes, mais il porte sur 35 % des frais, quand 93 % de la population a une complémentaire maladie : d’habitude, ce n’est pas 93 % de la population qui se fait vacciner ! Or, dans le cas qui nous occupe, ce sont 94 millions de doses de vaccin qui doivent être financées. Cela représente donc beaucoup plus de 40 millions d’euros, et c’est nous, les assurés, qui allons les payer à travers la contribution de l’UNOCAM.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je commencerai par un petit point d’histoire à l’intention de notre collègue Catherine Procaccia.
La demande qu’elle formule en ce qui concerne la juste contribution des complémentaires est légitime. Sur cette question, j’adhère tout à fait à son argumentation, qui, à mon avis, mérite d’être prise en considération.
Pour ce qui est du transfert de la dépense à l’EPRUS, en revanche, je ne la suivrai pas. Mme Procaccia ne siégeait pas encore parmi nous à l’époque où le Gouvernement a mis en place le plan Biotox. Le Sénat avait alors dénoncé cette initiative, parce qu’elle tendait en réalité à faire supporter en totalité à la CNAM le financement de ce plan, qui relevait de la compétence régalienne de l’État. Le Gouvernement avait passé outre, nous donnant à comprendre qu’il n’avait pas d’autre solution dans le moment où nous en débattions.
Lorsque nous avons eu, par la suite, à débattre de la création de l’EPRUS, le Sénat a obtenu qu’il y ait au minimum une parité de financement entre la CNAM et l’État, et ce exclusivement pour les produits de santé. Mais la réquisition des personnels et toute la logistique relative aux menaces sanitaires devaient relever du budget de l’État et non pas de l’assurance maladie.
Nous sommes toujours sur cette ligne et nous demandons ni plus ni moins que le respect d’une décision du Parlement confirmée par l’Assemblée nationale et par le Sénat lors de l’examen des différents PLFSS. Nous ne demandons rien d’autre.
Aujourd’hui, nous constatons que le Gouvernement, qui au moment de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le PLFSS pour 2010 en séance publique, a admis l’argumentation puisqu’il n’a pas déposé d’amendement, a changé d’avis. La dotation de la CNAM à l’EPRUS n’a été modifiée que pour tenir compte du changement de taux de TVA sur l’achat des vaccins et du don à l’OMS d’une partie de ces vaccins.
Autre élément : lors de l’examen du PLFSS, le Gouvernement avait également justifié le dépôt de son amendement en prétendant vouloir donner une meilleure traçabilité à la contribution des complémentaires en transférant celle-ci à l’EPRUS plutôt qu’à la CNAM. C’est effectivement une demande exprimée par les complémentaires – elle est tout à fait justifiée – mais ce n’est pas en transférant cette somme à l’EPRUS que l’on obtiendra une meilleure traçabilité. C’est une question de clairvoyance et de suivi de la part de la Haute Assemblée, de l’Assemblée nationale et du Gouvernement sur la part exceptionnelle des complémentaires au financement de la pandémie.
En fait, cette opération est un tour de passe-passe qui consiste à permettre à l’État de faire l’économie d’une partie de sa contribution en la faisant financer par les complémentaires, alors que la contribution de celles-ci doit s’imputer sur la part de la CNAM. Ce n’est rien d’autre que cela.
Il me paraissait donc utile de faire ce point d’histoire à l’intention de notre collègue Catherine Procaccia, dont je partage les préoccupations, mais il ne faut pas mélanger, d’une part, la juste contribution des complémentaires et, d’autre part, les modalités de financement du dispositif entre la CNAM et l’EPRUS.
Le Gouvernement avait proposé de créer une contribution exceptionnelle. Je rappelle qu’aucun amendement n’a été déposé à l’Assemblée nationale et au Sénat, et le Parlement dans son ensemble a approuvé l’affectation à la CNAM de la contribution des complémentaires. Pour nous, ce débat était clos.
Mais, alors que l’encre du PLFSS est encore à peine sèche et que le texte est soumis au Conseil constitutionnel, le Gouvernement veut revenir dessus une semaine après son adoption pour prévoir l’affectation de la contribution à l’EPRUS.
Après avoir fait voter à l’Assemblée nationale un amendement en ce sens, alors même que le Sénat adoptait sans modification l’article du PLFSS qui affectait la taxe à la CNAM, le Gouvernement se rend compte maintenant que le résultat de ses manœuvres risque d’aboutir à la création de deux taxes, l’une dans le PLFSS et l’autre dans le projet de loi de finances. Il vient donc nous demander de nous déjuger en effaçant nos décisions de la semaine dernière.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ces méthodes ne sont pas acceptables. Le Parlement s’est prononcé sur ce sujet de manière particulièrement claire et nous ne pouvons pas y revenir sous le simple prétexte que notre vote ne convient pas au Gouvernement. Je rappelle que le Gouvernement a fait adopter quatre amendements lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le PLFSS, amendements qui remettaient en cause les équilibres de la CMP.
M. le président. Monsieur Vasselle, je vous demande de respecter la règle : il faut conclure !
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je suis désolé, mais ce sujet est suffisamment important pour que vous me permettiez de terminer. J’ai dépassé mon temps de vingt-neuf secondes, j’en ai encore pour trente secondes.
Le Gouvernement veut parachever son œuvre en revenant aujourd’hui sur l’une des rares modifications que le Parlement a apportées à son texte. Accepter cela, c’est admettre que nous ne servons à rien et que les budgets de l’État et de la sécurité sociale pourraient aussi bien être adoptés par ordonnances.
Je soutiens donc sans réserve les amendements de suppression de l’article 59 ter présentés par nos collègues Jean-Jacques Jégou et Alain Milon.
J’ajoute qu’une modification de l’affectation de la taxe en loi de finances risquerait de se révéler inconstitutionnelle, comme l’a rappelé notre collègue Alain Milon.
En effet, l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale donne un monopole aux lois de financement pour l’affectation des recettes de la sécurité sociale. Il n’est pas possible de revenir en loi de finances sur une telle affectation.
J’ajoute que le PLFSS est en cours d’examen par le Conseil constitutionnel et que si nous supprimons aujourd’hui une recette très importante à la CNAM, nous porterons atteinte à l’équilibre du PLFSS, ce qui pourrait entraîner sa non-conformité à la Constitution.
Je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long, monsieur le président, mais ne nous ridiculisons pas en ne suivant pas la position de nos collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, il doit être possible de concilier toutes les préoccupations.
Madame la ministre, chronologiquement, nos collègues députés ont d’abord voté l’article 59 ter. La commission mixte paritaire s’est ensuite réunie et elle a confirmé le vote du Sénat visant à affecter cette contribution exceptionnelle à la CNAM.
Cette contribution est remise en cause ce soir, parce que nous devons nous prononcer sur l’article 59 ter.
S’agissant de la dévolution du produit de cette contribution exceptionnelle à la CNAM ou à l’EPRUS, je pense franchement, madame la ministre, que la cause est entendue, en tout cas ici au Sénat. D’ailleurs, lorsque vous avez donné l’avis du Gouvernement, vous avez semblé exprimer un doute sur la possibilité de défendre votre amendement n° II-177, parce que vous aviez sans doute l’intuition que les amendements de suppression de nos collègues Jean-Jacques Jégou et Alain Milon seraient votés par notre assemblée.
Donc, si tel est le cas et pour ce qui est du solde des finances publiques – je parle sous le contrôle d’Alain Vasselle –que l’argent aille à l’EPRUS ou à la CNAM, c’est parfaitement équivalent : il n’y a en aucune façon une aggravation du déficit public.
M. Alain Vasselle. C’est exact !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut toujours discuter sur le point de savoir s’il faut améliorer la situation de la protection sociale…
M. Guy Fischer. Surtout en ce moment !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … en aggravant celle de l’État, mais c’est toujours le contribuable qui paie, d’une manière ou d’une autre.
Reste le niveau de la cotisation. Mme Catherine Procaccia nous dit qu’il n’est pas question de payer plus parce que c’est un prélèvement excessif. La commission des finances est, bien sûr, solidaire de cette préoccupation.
Par conséquent, sur le plan constitutionnel, rien ne s’oppose, me semble-t-il, à ce que nous puissions dans une loi de finances – fût-ce une loi de finances rectificative – modifier un taux qui a été fixé en projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Donc, je propose que, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative les 17 et 18 décembre, nous déposions un amendement visant à porter le taux que vous aviez fixé de 0,94 % à 0,77 %. Il me semble alors que nous aurons satisfait aux préoccupations des uns et des autres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-24 et II-76.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 59 ter est supprimé et les amendements nos II-177, II-97 rectifié et II-96 rectifié n’ont plus d’objet.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Santé ».
Modification du calendrier budgétaire
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, mes chers collègues, l’ordre du jour prévoyait que nous examinions, ce soir, les crédits de la mission « Plan de relance de l’économie ».
Malheureusement, nous avons terminé nos travaux cette nuit à une heure trente, et ce matin nous avons dû décaler la reprise de la séance à dix heures trente. Or, nous ne pourrons manifestement pas commencer l’examen des crédits de la mission « Plan de relance de l’économie » avant minuit.
Dans ces conditions, l’examen des crédits de cette mission sera reporté soit demain soit vendredi. J’étudie les différentes possibilités avec M. le ministre chargé du plan de relance.
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 61, 62 et 63).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » présente des crédits de 11,4 milliards d’euros destinés en principe à réduire le chômage en créant des emplois.
En réalité, le montant total des crédits affectés par le Gouvernement à la réduction du chômage s’élève à 55 milliards d’euros, ce qui est considérable. Ils sont répartis dans différents budgets.
Premièrement, 25 milliards d’euros sont destinés à payer les allègements de charges des entreprises jusqu’à 1,6 SMIC. Il est à noter qu’ils sont récurrents, sans limite de durée, et que personne apparemment ne veut commencer à les réduire. Ces crédits sont plutôt destinés à des maintiens qu’à des créations d’emploi, ils ne créent aucun emploi nouveau. Ainsi, depuis 2003, l’État aura dépensé pour cette opération 160 milliards d’euros, sans créer un seul emploi, ce qui n’est pas extrêmement efficace,…
M. Guy Fischer. La vérité sort enfin !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. … et cela va continuer encore longtemps si on n’arrête pas cette opération.
Deuxièmement, 10,9 milliards d’euros sont prévus pour des dépenses fiscales, dont 3,2 milliards d’euros de prime pour l’emploi, que l’on ne veut pas réduire. Ils servent, dit-on, à motiver les chômeurs pour qu’ils veuillent bien travailler. D’ailleurs, on ne sait pas combien de chômeurs ont repris le travail avec cette subvention, mais c’est un chiffre considérable.
Troisièmement, 6,45 milliards d’euros sont consacrés aux allégements ciblés de charges, en particulier sur les heures supplémentaires des 35 heures dont le coût global avoisine 3 milliards d’euros. Nous ne savons pas non plus combien d’heures supplémentaires ont été engendrées, mais aucun emploi nouveau n’a été créé.
Quatrièmement, 1,8 milliard d’euros sont prévus au titre du plan de relance pour les contrats aidés et l’apprentissage. J’aimerais bien savoir de quoi il s’agit exactement.
Enfin, à ces crédits, viennent s’ajouter les 11,4 milliards d’euros de notre mission.
En tout, cela représente donc 55 milliards d’euros. C’est quasiment le montant du budget total de l’éducation nationale, qui s’élève à 60 milliards d’euros, et 1,5 fois et demi le budget de la défense, qui s’élève à 37 milliards d’euros.
Je regrette de constater que ce budget considérable comporte beaucoup d’allégements de charges sans créer d’emplois.
Le financement de création d’entreprises n’existe pas, ni la modernisation des outils de production, ni la réalisation de produits nouveaux, ni le développement des exportations. Rien de tel n’est prévu dans le budget de l’emploi alors qu’il s’agit de la seule façon de créer réellement de nouveaux emplois et d’aboutir à la croissance tant attendue !
Je constate aussi que ce budget est financé par des emprunts récurrents et sans limite de durée. Combien de temps cela va-t-il durer ? Ils concernent uniquement des dépenses de fonctionnement et pas d’investissement. Ils ne préparent donc pas l’avenir.
Ce budget aggrave ainsi considérablement les déficits budgétaires et la dette sans limite de durée. On ne reviendra jamais à l’équilibre budgétaire tant que l’on ne se résoudra pas à réduire ces allégements et ces aides. Il serait préférable de faciliter les investissements des entreprises plutôt que de les aider à financer leur personnel.
J’en viens à mon budget, qui se décompose en quatre programmes.
Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » s’élève à 5,9 milliards d’euros.
Sur cette somme, 1,36 milliard d’euros sont versés à Pôle emploi au titre d’une subvention pour charge de service public, et 1,5 milliard d’euros au Fonds de solidarité pour indemniser les demandeurs d’emploi en fin de droit. Nous constatons que ces 2,8 milliards d’euros n’ont rien à voir avec des créations d’emploi.
Par ailleurs, 1,7 milliard d’euros sont consacrés aux contrats aidés, seuls créateurs d’emploi, dont 156 millions d’euros seulement iront aux contrats marchands et 1,4 milliard d’euros aux contrats non marchands. Il serait préférable que les budgets soient un peu mieux répartis vers les contrats marchands, qui créent de véritables emplois, même si les contrats non marchands permettent tout de même aux chômeurs de retrouver un travail.
Notons, également, le financement des missions locales pour 175 millions d’euros et des maisons de l’emploi pour 90 millions d’euros, ce qui est dérisoire par rapport à l’excellent travail qu’elles font à l’égard des jeunes en difficulté.
C'est la raison pour laquelle je souhaite vous proposer une augmentation de crédits de 150 millions d’euros pour les missions locales et peut-être pour les maisons de l’emploi.
Nous pourrions les financer en supprimant les aides pour les repas du personnel des restaurants, qui bénéficient de la baisse de la TVA, soit 2 milliards d’euros, ou par tout autre moyen. Le principal est que nous trouvions 150 millions ou 200 millions d’euros sur 55 milliards d’euros.
Je rappelle que les missions locales ont permis l’accès au CIVIS à 830 000 personnes et à des emplois classiques à 220 000 personnes en cinq ans.
Nous constatons que le plus grand nombre d’emplois a finalement été obtenu en dépensant 175 millions d’euros sur les 55 milliards d’euros affectés à l’emploi. À quoi ont servi tous ces crédits ? N’y a-t-il pas du gâchis ?
Nous ne connaissons pas, en revanche, le rendement de Pôle emploi, qui coûte 5 milliards d’euros, ce qui me paraît très élevé. Ne pourrions-nous réaliser ici des économies ?
Voilà pourquoi je tiens absolument à augmenter les subventions pour les missions locales, quel que soit le financement. Si le financement par la restauration est refusé, le programme 103 pourrait y subvenir.
Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » absorbera 4,6 milliards d’euros dont l’utilisation principale sera, une fois de plus, des dispositifs d’exonération de charges, associés aux contrats en alternance pour faciliter l’apprentissage – 1 milliard d’euros – et à la compensation aux régions du coût financier des compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. En quoi cela concerne la création d’emplois ? Ces allégements de charges sont encore une fois sans emplois à la clef !
Par ailleurs, 900 millions d’euros seront utilisés pour les zones de revitalisation rurale et les services à la personne. Peut-être pourrions-nous prélever un peu d’argent dans les crédits consacrés aux services à la personne pour financer les missions locales et les maisons de l’emploi ?
Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » est doté de 80 millions d’euros destinés à l’amélioration des conditions de travail et à l’application du droit du travail par l’administration. Ici aussi, il n’y a aucune création d’emploi en vue !
Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » comprend 810 millions d’euros dévolus à l’ensemble des moyens humains et matériels mis en œuvre par les autres programmes de la mission « Travail et emploi ». Celle-ci emploie 10 680 équivalents temps pleins travaillés au sein de l’administration. Ne pourrait-on pas réaliser dans ce secteur également des économies ?
En outre, près de 60 000 personnes sont employées par les opérateurs chargés de la politique de l’emploi, principalement Pôle emploi, qui regroupe 46 000 personnes. Cette opération de grande ampleur fera l’objet d’un bilan d’étape que je souhaite mener en 2010, un an après la création de cette institution. Il s’agira de savoir quel est le véritable coût de la fusion et quelle est son efficacité dans la lutte contre le chômage.
Ainsi, en baisse de 6 % par rapport à 2009, le périmètre budgétaire de la mission « Travail et emploi » de 11 ,4 milliards d’euros ne représente, en réalité, qu’un peu plus d’un cinquième des dépenses globales de l’État au titre de la politique de l’emploi, qui se monte, je le répète, à 55 milliards d’euros, le tout pour ne pas créer d’emplois !
C’est pourquoi l’évaluation de l’efficacité au regard de la lutte contre le chômage de l’ensemble de la politique de l’emploi demeure le vrai problème et nécessite de profondes modifications.
J’ai, dès leur création, considéré que la prime pour l’emploi, qui représente 3,3 milliards d’euros, et l’exonération d’impôt sur le revenu d’heures supplémentaires, qui représente 1,2 milliard d’euros, s’apparentaient davantage à des dépenses d’ordre social qu’à une politique de l’emploi.
À cet égard, je suis frappé qu’année après année l’indicateur de performance relatif à la prime pour l’emploi ne soit toujours pas renseigné et que nous ignorons l’effet de cette dépense sur la situation du chômage. Nous continuons quand même à l’appliquer.
Quelle est l’efficacité des allégements de charges sociales ?
J’avais proposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation de l’efficacité au regard de l’emploi des allégements généraux de charges et des cotisations sociales avant le 15 juin 2009.
Je constate que, malgré mes demandes, ce rapport n’a toujours pas été remis. Or il convient que les parlementaires, qui votent le budget, soient informés de l’emploi des crédits adoptés et de leur efficacité.
Je proposerai dans d’autres débats que le Gouvernement allège les salaires des charges de financement de la sécurité sociale. En les faisant payer autrement par les entreprises, notamment en les asseyant sur le chiffre d’affaires ou sur la TVA, il n’aurait plus à les rembourser et économiserait une dizaine de milliards d’euros.
Par ailleurs, une telle mesure diminuerait les coûts de production et faciliterait les ventes et la croissance.
Les charges sur salaires sont si importantes que le Gouvernement dépense beaucoup d’argent pour les réduire. Pourquoi ne pas les supprimer et les faire porter sur le chiffre d’affaires ou la TVA ? Cela ferait gagner beaucoup d’argent à l’État et limiterait les conséquences des emprunts et de la dette.
Dans l’immédiat, je vous proposerai, comme je l’ai annoncé, un amendement de suppression de l’exonération ciblée de cotisations sociales sur l’avantage en nature dans les hôtels, cafés et restaurants, dont le coût est de 150 millions d’euros.
Cet avantage consenti en 1998 ne se justifie plus depuis l’abaissement à 5,5 % du taux de TVA dans la restauration.
S’agissant de l’évaluation des crédits budgétaires de la mission « Travail et emploi », plusieurs sujets me tiennent à cœur comme la formation et l’accès à l’emploi des jeunes.
Les dispositifs de formation en alternance – contrats d’apprentissage ou de professionnalisation – offrent les meilleurs taux d’insertion dans l’emploi, soit plus de 60 %.
C’est pourquoi la formation professionnelle des jeunes, en particulier l’apprentissage, doit devenir une priorité nationale afin que les jeunes ne sortent pas du système éducatif sans aucune qualification. Il faudrait donc supprimer le collège unique, source principale du chômage des jeunes et de la délinquance.
Au lieu de dépenser des sommes énormes de l’ordre de 20 milliards d’euros pour remettre les jeunes au travail après formation, il serait préférable de bien les former dès le collège à des métiers. Ce débat concerne d’autres budgets.
Je vous proposerai donc que les 150 millions d’euros de crédits de l’exonération de l’aide en nature dans la restauration soient redirigés vers les missions locales pour un montant de 100 millions d’euros et vers le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes, qui finance les actions de prise en charges des jeunes – aide au permis de conduire, prospection d’entreprises, prêt de scooter –, pour un montant de 50 millions d’euros. Il s’agit d’une des actions les plus efficaces pour remettre les jeunes au travail. C’est fondamental et très apprécié. J’en sais quelque chose à titre personnel.
Il faut absolument que vous acceptiez, monsieur le ministre, chers collègues, d’augmenter les crédits des missions locales et des maisons de l’emploi pour favoriser l’insertion des jeunes, car le manque d’intégration est source d’insécurité et de délinquance ! Ça ne coûterait que 150 millions d’euros sur un budget de 55 milliards d’euros …
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. … où il y a tout de même un certain nombre d’économies à réaliser ! Ces sommes seraient beaucoup mieux utilisées si elles étaient investies dans les missions locales et les maisons de l’emploi.
Enfin, au lieu de maintenir le cloisonnement entre l’éducation nationale et le monde de l’entreprise, il conviendrait de renforcer les filières de formation en alternance.
Je vous proposerai donc un amendement tendant à inciter les entreprises à partir de 50 salariés à embaucher 4 % d’apprentis parmi leurs effectifs, à condition, évidemment, qu’elles aient reçu les demandes correspondantes. Il faut absolument que les apprentis trouvent les moyens d’avoir un patron d’apprentissage.
M. le président. Monsieur Dassault, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Veuillez conclure !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Ainsi, mes chers collègues, après vous avoir exposé mon point de vue de chef d’entreprise sur ce budget et regretté son manque d’efficacité au regard des sommes dépensées pour créer des emplois, je vous invite, pour ne pas retarder sa mise en œuvre et en espérant une profonde modification pour 2011, à voter les crédits de la mission « Travail et emploi », assortis des amendements que j’ai déposés. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’exprime en remplacement d’Alain Gournac, rapporteur pour avis de cette mission, qui est en déplacement à l’étranger. Je présenterai donc en son nom la position de la commission des affaires sociales sur les crédits du travail et de l’emploi.
L’année 2009 a été marquée par une augmentation du chômage de 25 % dont nous avons tous pu mesurer les conséquences dans nos départements : de nombreux contrats d’intérim n’ont pas été renouvelés, les plans sociaux se sont succédé, ce qui a plongé des familles dans la peur du lendemain.
Face à cette situation difficile, qui s’explique naturellement par la grave crise que traverse l’économie mondiale, le Gouvernement a su mobiliser tous les outils de la politique de l’emploi pour atténuer la hausse du chômage.
Le recours au chômage partiel a ainsi été facilité, permettant d’éviter de nombreux licenciements. Les contrats aidés ont été multipliés, avec pour effet de maintenir dans l’emploi des personnes qui s’en seraient, autrement, éloignées. Un plan d’urgence pour l’emploi des jeunes a été lancé dès le mois d’avril, dans le but, notamment, de soutenir les formations en alternance. Le recours au contrat de transition professionnelle a été élargi : ce contrat peut désormais être signé dans quarante bassins d’emploi durement touchés par la crise, alors qu’il ne s’appliquait initialement que dans six d’entre eux. Je ne veux pas oublier non plus la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui contribuera, dès l’an prochain, à lutter contre le chômage en permettant de former les personnes les plus éloignées de l’emploi.
Toutes ces mesures ont produit des résultats : les comparaisons internationales montrent que la France a été l’un des pays les plus volontaristes et que la hausse du chômage a été moins forte chez nous que dans la plupart des pays voisins.
Mme Raymonde Le Texier. Grâce à la protection sociale !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Nous n’y voyons aucun motif de triomphalisme, mais simplement la confirmation que les pouvoirs publics ont trouvé des réponses appropriées à une crise économique particulièrement violente.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Dassault !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. À l’avenir, M. Gournac souhaite que de nouvelles pistes soient explorées, par exemple, dans le domaine du télétravail, …
Mme Raymonde Le Texier. C’est bon pour les entreprises !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. … des groupements d’employeurs ou du prêt de main-d’œuvre, afin qu’aucun gisement d’emplois ne soit négligé. Pour ma part, j’estime que le droit du travail devra être adapté pour accompagner ces nouveaux dispositifs.
Pour l’année 2010, la commission des affaires sociales a deux convictions.
Tout d’abord, il lui paraît indispensable de maintenir des politiques vigoureuses de soutien à l’emploi : même si l’on observe quelques signes encourageants de reprise, nous savons que le chômage risque d’augmenter encore pendant plusieurs trimestres. Il serait donc imprudent de baisser la garde !
Ensuite, la mise en œuvre de mesures d’urgence contre le chômage ne doit pas nous conduire à négliger la préparation de l’après-crise : les réformes de structure doivent se poursuivre et nous devons éviter d’adopter des mesures qui paraîtraient bénéfiques dans l’immédiat, mais nous pénaliseraient à moyen terme – je pense en particulier aux préretraites, fidèle en cela à la position constante de notre commission.
La commission des affaires sociales estime que le projet de budget pour 2010 répond à ces deux exigences.
Les crédits de la mission « Travail et emploi » se maintiennent en effet à un niveau élevé, surtout si l’on intègre ceux qui figurent dans la mission « Plan de relance de l’économie ». Ils permettront de prolonger plusieurs mesures qui ont porté leurs fruits, par exemple, l’aide à l’embauche dans les très petites entreprises ou le dispositif « zéro charge » pour le recrutement d’un apprenti.
Notre commission s’interroge cependant sur le montant de la dotation prévue pour le chômage partiel, très en retrait par rapport aux dépenses constatées en 2009 : monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer comment cette dotation a été évaluée et ce que fera le Gouvernement si elle devait se révéler insuffisante dans le courant de l’année prochaine ?
Par ailleurs, la volonté de réforme du Gouvernement ne se dément pas. Ainsi, la fusion des anciens services de l’ANPE et des ASSEDIC dans Pôle emploi se poursuit à un rythme soutenu – nous sommes un certain nombre, dans cet hémicycle, à avoir suivi cette réforme. Par ailleurs, les psychologues de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, chargés de l’orientation des demandeurs d’emploi, vont être rattachés à Pôle emploi, conformément aux préconisations de la première mission d’information sénatoriale sur la formation professionnelle – le Conseil constitutionnel a d’ailleurs validé ce transfert récemment. Le nouveau contrat unique d’insertion va également entrer en vigueur le 1er janvier 2010. Enfin, le régime des aides à la création d’entreprise a été modernisé.
Ce projet de budget répond donc, selon nous, aux deux critères qui permettent de définir un bon budget, à savoir la poursuite du soutien à l’emploi et la préparation de l’avenir.
Pour conclure, j’évoquerai brièvement la baisse de la TVA dans la restauration, en indiquant que notre commission s’inquiète des créations d’emploi effectives qui résulteront de cette mesure.
Au total, la commission des affaires sociales s’est déclarée favorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi qu’à celle des articles rattachés, sous réserve de l’adoption d’un amendement qui sera présenté dans la suite des débats.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays va devoir prendre en compte 600 000 chômeurs supplémentaires cette année.
Ce choc social est la conséquence de la crise économique mondiale et, il faut le rappeler, sans la mobilisation du chef de l’État et du Gouvernement en faveur du soutien à l’économie, exprimée notamment par le plan de relance, l’augmentation du nombre de chômeurs constatée n’aurait pas été de 20 %, mais sans doute du double ou du triple ! Il m’est facile, en tant que sénateur d’un département limitrophe de l’Espagne, de rappeler que notre voisin du sud, hier cité en modèle, fait face à un choc sans commune mesure avec le nôtre : le chômage y a augmenté de 150 % !
M. Guy Fischer. C’est le résultat de la spéculation immobilière !
M. Jean-Paul Alduy. L’Espagne approche des 5 millions de chômeurs, pour une population de 46 millions d’habitants ! Nous ne devons donc pas relâcher notre effort, car le pire pourrait être encore devant nous si notre mobilisation faiblissait.
Les crédits qui nous sont présentés s’élèvent à 11,4 milliards d’euros, auxquels il faudrait sans doute ajouter 1,4 milliard d’euros inscrits, pour 2010, dans la mission « Plan de relance de l’économie », ce qui porte le total à 12,8 milliards d’euros, soit deux milliards d’euros de plus que le plafond prévu l’an dernier dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Voilà une nouvelle illustration de la volonté du Gouvernement de faire face !
Pour ne pas reprendre les interventions très complètes des rapporteurs, je centrerai mon intervention sur les jeunes.
La jeunesse française, c’est-à-dire la tranche d’âge de 16 à 25 ans, connaît un des taux d’activité les plus faibles d’Europe, soit 30 %, alors que la moyenne européenne s’élève à 60 %, et elle est en outre frappée par un chômage massif. Nous devons donc agir sur ces deux plans : relever le taux d’activité et réduire le taux de chômage. En outre, les dispositifs d’aide et d’accompagnement doivent continuer à s’appliquer au-delà de 25 ans, car leur rupture a des effets souvent dramatiques à cet âge.
Le plan d’urgence pour l’emploi des jeunes, présenté par le Président de la République en avril dernier, s’attaque au sujet. J’en rappelle les principales mesures : une prime de 3 000 euros pour l’embauche en contrat à durée indéterminée, le dispositif « zéro charge » pour les embauches d’apprentis dans les entreprises de onze salariés et plus, ou encore les contrats d’autonomie, dont l’objectif est d’insérer 45 000 jeunes dans l’emploi dans les trois prochaines années.
Le développement de l’apprentissage, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial, est assurément une voie à privilégier et je voterai l’amendement qu’il a déposé, tendant à inciter toutes les entreprises de 50 salariés et plus à accueillir au moins 5 % d’apprentis parmi leurs effectifs.
De même, je crois nécessaire de développer les formations en alternance et je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre : parmi les nombreuses mesures d’urgence qui seront applicables jusqu’à la mi-2010, le Gouvernement envisage-t-il d’étendre la formation en alternance chez les employeurs publics ? Des mesures d’urgence en faveur des collectivités locales ont déjà été étudiées par votre ministère, me semble-t-il, pour donner suite aux conclusions d’un rapport de l’Assemblée nationale, mais qu’en est-il exactement aujourd’hui ?
J’évoquerai maintenant les missions locales « jeunes » et les maisons de l’emploi.
La « boîte à outils » des aides directes et incitations fiscales est, aujourd’hui, diversifiée et renforcée. Encore faut-il que nous disposions de services publics associant tous les acteurs de terrain pour conférer à ces outils leur pleine efficacité !
Les missions locales « jeunes » constituent un service de proximité associant les collectivités locales pour faciliter l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ces organismes, après quinze années d’existence, ont prouvé leur efficacité et, en 2009, Pôle emploi leur a confié l’accompagnement de 230 000 jeunes. Comme M. le rapporteur spécial, je crois nécessaire d’accroître le soutien financier de l’État à ces missions, car, je le rappelle, les collectivités locales assument aujourd’hui l’essentiel de la charge du développement de leurs activités.
M. Guy Fischer. C’est vrai ! (M. Jean-Pierre Plancade renchérit.)
M. Jean-Paul Alduy. Concernant les maisons de l’emploi, je me permettrai d’être un peu plus long, car je sais que les avis sont partagés. Les premières ont été créées, il y a tout juste quatre ans, par Jean-Louis Borloo, dans le cadre du plan de cohésion sociale. Elles prouvent leur pertinence territoriale dans les actions mobilisant les secteurs professionnels et les entreprises en faveur de l’emploi local ou de la lutte contre les exclusions.
Dans les secteurs émergents, elles ont par exemple contribué à l’organisation, à la professionnalisation et au développement des services à la personne. Plus récemment, elles ont engagé une réflexion avec les secteurs professionnels concernés par les nouvelles lois liées au développement durable, comme par exemple le secteur du bâtiment. Je rappelle que les maisons de l’emploi sont les premières structures locales à s’emparer nationalement de la problématique des emplois liés au « plan climat », en partenariat avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME. Ce type d’actions illustre l’un des rôles des maisons de l’emploi : innover dans l’action, créer des synergies entre les acteurs locaux pour participer au développement de l’emploi sur nos territoires.
Les maisons de l’emploi ont su aussi répondre à l’une des demandes du plan de cohésion sociale, consistant à permettre à certaines populations en rupture de renouer avec le service public de l’emploi pour favoriser leur insertion, en proposant, notamment dans les quartiers sensibles ou en zone rurale, des services de proximité, sans condition d’accès, adaptés à chacun. Je citerai également la gestion des clauses d’insertion des marchés publics, qui exige un vrai travail de proximité et une vraie capacité à coordonner entreprises et maître d’ouvrage public, pour encourager l’embauche durable des demandeurs d’emploi des quartiers fragile. Permettez-moi de citer l’exemple de Perpignan : 300 jeunes ont pu bénéficier d’une expérience professionnelle significative, grâce aux clauses d’insertion prévues pour les marchés publics. Citons enfin les dispositifs permettant de créer son propre emploi, ou encore les cyber-bases emploi qui, en luttant contre la fracture numérique, travaillent à l’accès de tous à la même information et donc à la lutte contre les exclusions.
Je ne développerai pas davantage l’utilité sociale, que je crois démontrée, des maisons de l’emploi : en effet, elles mettent en mouvement la responsabilité sociale des entreprises sur leur territoire.
Mais si missions locales et maisons de l’emploi ont prouvé leur utilité, je crois devoir insister sur la nécessité d’une meilleure coordination de leurs actions. La qualité de l’action des maisons de l’emploi dépend, pour beaucoup, de la qualité des relations et de la synergie qu’elles ont su – qu’elles ont pu – instaurer, d’une part, avec les services de l’État et Pôle emploi et, d’autre part, avec les différents échelons territoriaux, conseil régional, conseil général, groupements de communes et communes.
Monsieur le ministre, vous avez élaboré un cahier des charges de ces maisons de l’emploi qui permettra de continuer, dans les cinq années à venir, le travail accompli dans les bassins d’emplois concernés. Je crois, pour ma part, que la fusion des outils territoriaux – missions locales pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, maisons de l’emploi mobilisant la responsabilité sociale des entreprises pour l’emploi local et luttant contre l’exclusion, mais aussi permanences d’accueil, d’information et d’orientation et plans locaux d’insertion par l’économie –, déjà réalisée sur certains territoires, doit être aujourd’hui clairement demandée par l’État. Cette fusion se heurte souvent à des particularismes locaux qui n’ont pas lieu d’être, tant le rassemblement de tous les partenaires de la formation, de l’emploi et de la création d’entreprises est une ardente obligation dans nos territoires.
Je souhaite, monsieur le ministre, qu’une action vigoureuse de l’État permette cette fusion, par exemple au sein d’une agence partenariale réunissant l’État, les collectivités locales, Pôle emploi, les partenaires privés, les chambres consulaires et les syndicats professionnels. Après la réforme qui a créé Pôle emploi, le temps est venu de simplifier et de rassembler les différents outils territoriaux créés et additionnés au fil des années. L’efficacité de Pôle emploi et des collectivités locales en serait renforcée, pour le plus grand bénéfice de nos politiques de la ville et de lutte contre les exclusions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous faire part de notre mécontentement face au manque, cette année, d’auditions préparatoires en commission.
Pour ses travaux, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales – je regrette qu’il ne soit pas présent ce soir – a peut-être entendu à huis clos certains des acteurs concernés, mais nous déplorons l’absence d’auditions en commission, notamment celle des ministres.
Ce n’est pas reconnaître, loin s’en faut, le rôle accru du Parlement, ambition pourtant affichée dans la dernière réforme constitutionnelle ! À ce titre, mes chers collègues de la commission des affaires sociales, je vous rappelle la parodie d’audition à laquelle nous avons assisté pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale…
M. Guy Fischer. C’est bien vrai !
Mme Annie David. La campagne de communication sur le renforcement de nos institutions n’est en réalité qu’un leurre qui cache mal le mépris du Gouvernement envers le parlement. Il y a les discours et il y a la réalité ! Cette précipitation est une illustration supplémentaire de la marche forcée dans laquelle ce gouvernement veut nous faire travailler.
J’en viens au budget de la mission « Travail et emploi ».
Nous ne pouvons que constater qu’il n’est vraiment pas à la hauteur des besoins. Alors que notre économie connaît une grave crise et que les destructions d’emplois se chiffrent par milliers chaque jour, sans signe d’amélioration avant le second semestre de 2010, il affiche des crédits en baisse de 6 %. Ce ne sont pas les quelques hausses sur tel ou tel programme, ni le « raccrochage » du plan de relance, ni les exonérations de cotisations sociales, ni certaines dépenses fiscales qui pourront nous tromper !
Je rejoins, une fois n’est pas coutume, M. le rapporteur spécial de la commission des finances : ce budget ne contient aucune mesure forte en faveur de la création ou du maintien d’emplois sur notre territoire. Tout au plus est-il constitué d’un catalogue de mesures « rustines », posées ici et là pour cacher l’ampleur des dégâts.
Ainsi, le travail précaire et le travail à temps partiel subi sont institutionnalisés par l’entrée en vigueur du contrat unique d’insertion. Les destructions d’emplois non seulement ne sont pas combattues, mais ne coûtent pratiquement rien aux employeurs, grâce aux contrats de transition professionnelle, les CTP, et aux conventions de reclassement personnalisé, les CRP, alors que seule une minorité des titulaires d’une CRP parvient à se réinsérer dans l’emploi au terme de la convention – M. le rapporteur pour avis l’écrit lui-même dans son rapport. Enfin, les exonérations de cotisations sociales en tout genre, qui sont offertes aux employeurs, semblent être la seule réponse du Gouvernement aux énormes problèmes à résoudre.
Ce budget permet, au mieux, un simple accompagnement social du chômage et il banalise une triste réalité, celle des travailleurs pauvres. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, 9,9 % des travailleurs salariés ont aujourd’hui un revenu mensuel inférieur au seuil de pauvreté, soit 910 euros.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pourrais résumer en quelques mots votre politique : casse des droits des salariés et cadeaux fiscaux aux patrons !
Un autre fait marquant, non jugulé avec ce budget, est la forte hausse du chômage qui touche les jeunes, en particulier les jeunes peu qualifiés. Entre mai 2008 et mai 2009, le nombre de jeunes de moins de 25 ans inscrits à Pôle emploi a augmenté de 32,6 %, alors que la hausse générale du chômage était de 18,4 %.
Par ailleurs, on peut s’alarmer de la situation des 120 000 jeunes sortis en 2009 du système scolaire sans diplôme et sans qualification, lorsque l’on sait que, parmi celles et ceux qui sont sortis de l’école en 2004 dans la même situation, 32 % n’ont toujours pas trouvé d’emploi en 2009, soit cinq ans plus tard ! Il est donc urgent de mettre en place de vraies mesures destinées à leur permettre de trouver un emploi dans des conditions acceptables.
C’est pourquoi nous soutiendrons – de nouveau, c’est inhabituel ! – les amendements proposés par M. le rapporteur spécial Serge Dassault, quant à la suppression de l’exonération dont bénéficient les restaurateurs sur les paniers repas de leurs salariés et, surtout, quant à l’affectation des fonds ainsi économisés.
En effet, cette exonération de charges, justifiée par le taux de TVA appliqué jusqu’ici dans ce secteur – 19,6 % –, n’a plus lieu d’être après le passage à 5,5 % de ce taux et son maintien à ce niveau, malgré les nombreux effets d’annonce sur un éventuel retour à 19,6 %. Je vous rappelle, mes chers collègues, que cette baisse engendre un manque à gagner pour le budget de 2,8 milliards d’euros.
Cette suppression rapporterait 150 millions d’euros de recettes nouvelles. Toujours dans l’idée de donner un emploi à nos jeunes et pour ne citer qu’un exemple, je pense que les missions locales, qui ont déjà prouvé leur efficacité, seraient ravies – c’est le moins qu’on puisse dire ! – de voir leur budget augmenter d’autant.
S’agissant de l’amendement sur l’apprentissage, nous ne sommes pas convaincus qu’il permettra une amélioration de la situation des jeunes. Dans ce domaine, nous savons que tout dépend du contenu de l’apprentissage et de l’état d’esprit de l’employeur. Nous en reparlerons lors de l’examen de cet amendement.
Dans la même logique, nous souhaitions la reconduction de l’allocation équivalent retraite, l’AER, pour l’année 2010. Cette mesure, qui permet à des personnes proches de la retraite de partir dans des conditions dignes, après une vie salariée bien remplie, libère, par la même occasion, des emplois pour les jeunes arrivant sur le marché du travail.
Face aux très mauvais chiffres du chômage d’octobre, monsieur Wauquiez, vous aviez annoncé des « mesures plus offensives » à partir de 2010. Pourquoi ne pas les inscrire dès aujourd’hui dans le présent budget ? À moins que ce ne soit qu’une déclaration de plus…
À propos, justement, de distorsion entre les déclarations et la réalité du terrain, je souhaite m’attarder sur la situation extrêmement préoccupante de Pôle emploi, qui illustre parfaitement cette distorsion. Non, contrairement à la communication gouvernementale, que semble relayer M. le rapporteur pour avis, Alain Gournac, Pôle emploi n’a pas surmonté ses difficultés !
Certes, la fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi et les ASSEDIC fut concomitante à l’arrivée de la crise et cette donnée ne peut être niée. Néanmoins, au vu de la manière dont cette réforme a été engagée, avec un total manque d’anticipation – résultat du caprice idéologique d’un gouvernement décrétant une priorité, sans se soucier de l’intendance qui n’avait qu’à suivre, mais qui ne le pouvait pas tant les difficultés à régler étaient énormes –, tout laissait présager qu’elle serait très douloureuse.
Ainsi nous sommes allés de renoncements en renoncements en termes de suivi des demandeurs d’emploi, le contingent suivi par un conseiller passant de 30 à 60, puis aujourd’hui, en moyenne, à 94 demandeurs d’emplois, sachant que, dans certaines agences, ce ratio peut monter jusqu’à 130, voire 180 demandeurs d’emplois !
M. Guy Fischer. On se moque des chômeurs !
Mme Annie David. Ces changements ne sont pas des détails. Ils modifient l’essence même de ce travail.
Ainsi, la personnalisation des prestations et le renforcement de l’accompagnement, principal objectif de la fusion, sont tout simplement impossibles à réaliser. Et ne parlons même pas de l’activité de prospection des entreprises, que les salariés de Pôle emploi devaient aussi prendre en charge...
M. Guy Fischer. Elle n’existe plus !
Mme Annie David. D’un prétendu service personnalisé, on en est arrivé à un véritable travail à la chaîne. Ni le transfert à la hâte de 320 000 dossiers vers de coûteuses structures privées ni les recrutements opérés ne vont suffire à remédier à cette situation, d’autant qu’on nous annonce déjà, avec le reflux du chômage, une diminution des effectifs de Pôle emploi. Donnons-lui déjà le personnel qu’il faut, avant de penser à le réduire !
Le plus grave est que cette fusion, bâclée et encore inachevée, va créer deux types de sacrifiés : les salariés de Pôle emploi, confrontés à des conditions difficiles de travail, et les demandeurs d’emploi eux-mêmes, encore plus mal accompagnés.
Prétendre que les difficultés sont derrière Pôle emploi est faux ! Vos discours, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, se heurtent, là encore, aux réalités.
Évidemment, comme M. le rapporteur pour avis le dit, nous ne prétendons pas avoir la solution miracle pour faire refluer le chômage. Mais, sachant que l’argent est le nerf de la guerre, nous déplorons que le Gouvernement refuse d’aller le chercher là où il est, en abrogeant le bouclier fiscal et en taxant les stock-options, les jetons de présence et les parachutes dorés.
Il préfère au contraire mettre en place la fiscalisation des indemnités journalières en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Nous voterons évidemment contre cette mesure particulièrement choquante et indécente, mais nous y reviendrons le moment venu.
La situation de l’emploi est aujourd’hui très préoccupante et elle est loin de s’améliorer. Comment, dans un tel contexte, justifier une politique drastique de réduction de fonctionnaires, quand, entre 2008 et 2009, les conseillers ministériels ont vu leur nombre augmenter de 17 % et leurs salaires progresser très substantiellement ? Comment imposer la rigueur salariale à toutes et à tous quand le Gouvernement ne cesse d’augmenter son train de vie ?
Nous estimons donc que le budget de la mission « Travail et emploi » n’est pas à la hauteur des besoins de notre pays. J’aurais souhaité aborder d’autres thèmes, par exemple le travail au noir ou l’égalité professionnelle, tous ces dossiers que le Gouvernement prétend vouloir ouvrir, mais qui sont tout juste évoqués et ne font même pas l’ombre d’une mesure dans ce budget !
Ce dernier répond à un « plan com », un plan de communication, qui est un véritable écran de fumée, mais ne permettra en rien d’apporter les réponses concrètes dont notre pays a besoin pour combattre la crise et ses conséquences en matière d’emploi.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré les récentes déclarations gouvernementales, la sortie de crise n’est pas tangible !
Les chiffres du chômage du mois dernier sont là pour en attester : ils progressent de 1,3 % sur un mois et de près de 17 % sur une année. Nous sommes bien dans une situation extrêmement difficile.
D’ailleurs, le discours gouvernemental laissant penser que la situation nationale serait meilleure que celle de nos voisins européens est certes vrai pour certains, mais pas pour d’autres. Ainsi, l’Italie et l’Allemagne font mieux que nous : leur taux de chômage est inférieur à 8 %, alors que le nôtre flirte avec le niveau de 10 %.
Cette crise sans précédent a des effets catastrophiques sur l’ensemble de notre économie.
Elle est d’autant plus inquiétante qu’elle frappe très durement le secteur industriel. Or, tous les économistes le reconnaissent, c’est un secteur particulier et essentiel. II est le lieu principal des innovations technologiques et des gains de productivité. Un rapport récemment remis au Premier ministre, intitulé « Pour une nouvelle politique industrielle », considère que « même si la part des services dans l’économie s’accroît, une industrie solide est nécessaire à un équilibre vertueux de la balance commerciale et à la croissance ».
Ce secteur industriel a perdu plus de 125 000 emplois en un an, des disparitions qui enclenchent mécaniquement un effet domino. Les sous-traitants et les entreprises partenaires sont, à leur tour, touchés de plein fouet et, parfois – en tant qu’élus locaux, nous ne le savons que trop bien –, ce sont des territoires entiers qui sont déstructurés économiquement et socialement. Il suffit de considérer le secteur automobile pour s’en rendre compte.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre budget permettra-t-il de relever les défis qui sont les nôtres ? Saura-t-il apporter des réponses aux légitimes angoisses de nos concitoyens et de leur famille ? J’en doute !
Ma première remarque concerne l’évolution des crédits de cette mission. À périmètre constant, ils sont en baisse de 1,73 %, soit 410 millions d’euros. Dans le contexte actuel de hausse du chômage et de précarité, comment justifiez-vous cette contraction ? À nos yeux, elle traduit parfaitement la priorité que vous accordez au travail et à sa revalorisation... une priorité faite de discours, mais certainement pas d’actes !
Ainsi le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » est doté d’une enveloppe de 5,886 milliards d’euros, soit une baisse des crédits de 2,9 % par rapport à 2009. En réduisant les possibilités de financement, vous remettez en cause le potentiel des hommes et des femmes concernés à intégrer ou réintégrer l’emploi. Aujourd’hui, nous le savons bien, la croissance n’atteint que 0,3 % et ne permet pas le retour à l’emploi et la baisse du chômage.
En outre, ce sont particulièrement les jeunes qui sont concernés par cette situation. Le taux de chômage des 16-25 ans est passé de 18 % à 24 % et je ne parle pas des quartiers en difficulté et des banlieues. Dans les faits, un jeune sur quatre est au chômage : un quart de notre avenir collectif n’a pas sa place dans notre économie !
Quant aux femmes, les données parues dans le dernier rapport du Secours catholique laissent transparaître une situation dramatique : 42 % des femmes seules vivent uniquement de transferts sociaux, cette proportion passant à 60 % quand elles ont des enfants. La pauvreté et la précarité sont leur lot quotidien.
Dans un contexte où les plans sociaux se multiplient, les seniors qui éprouvent les plus grandes difficultés à retrouver un emploi ne sont pas épargnés. On aurait pu penser que le dispositif AER – allocations équivalent retraite, allait être reconduit en 2010. Ce n’est pas le cas, le Gouvernement se contentant tout juste de prolonger les entrées de 2009.
Le Comité national des entreprises d’insertion demande une juste revalorisation de « l’aide au poste ». Stable depuis de trop nombreuses années, cette aide est d’un montant de 9 650 euros et il est demandé de la réévaluer à hauteur de 12 500 euros, ce qui permettrait aux entreprises d’insertion de poursuivre leurs actions d’accès et de retour à l’emploi pour ceux qui en ont le plus besoin.
Bien sûr – Mme Procaccia l’a tout à l’heure souligné –, le Gouvernement a enfin compris que les contrats aidés pouvaient être, dans certaines situations, tout à fait utiles. Il est donc heureux – et nous l’apprécions – que le taux de subvention passe de 70 % à 90 %. Cela dit, le « contrat aidé » doit faire l’objet de politiques d’accompagnement et de formations, et c’est bien souvent là que le bât blesse.
Je veux indiquer également que les collectivités territoriales, que vous ne cessez de stigmatiser, investissent dans ces contrats aidés, auxquels elles croient. Elles prennent toute leur part dans le soutien à l’économie et aux populations victimes de la crise. Toutefois, cette dynamique ne doit pas être brutalement rompue lorsqu’il y a passage d’un dispositif à l’autre ; je pense en particulier au contrat unique d’insertion qui devrait voir le jour en janvier prochain.
Je voudrais une nouvelle fois attirer votre attention sur la situation de Pôle emploi.
Le Gouvernement avait promis – on en a déjà parlé, en particulier lors de l’examen du projet de loi sur la formation professionnelle – qu’un conseiller aurait à suivre au plus une soixantaine de personnes. Or, aujourd’hui, un conseiller a, en moyenne, la charge de 150 à 160 demandeurs d’emploi. Comment comptez-vous obtenir une amélioration du service rendu alors que les moyens font défaut ?
Que dire des contrats d’autonomie ? J’observe qu’en un peu plus d’un an et pour la somme faramineuse de 30 millions d’euros, seuls 1 000 contrats ont été signés.
Mme Christiane Demontès. La presse a récemment titré « La faillite du plan banlieue ». C’est dire !
Alors que l’économie mondiale est en pleine transformation, les entreprises sont confrontées à des choix multiples et doivent anticiper.
À cet égard, le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » revêt une grande importance. Vous diminuez, monsieur le ministre, les crédits de près de 12 %.
Cette logique qui sacrifie nos lendemains se retrouve aussi dans les programmes concernant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, mise en place dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale de M. Borloo. La GPEC est un facteur déterminant pour éviter les restructurations brutales. Là aussi, vous passez de 11 millions d’euros à 7 millions d’euros.
Vous mécontentez tout le monde, les entreprises, comme la population active. Ce budget n’est pas à la hauteur, compte tenu de la situation que connaît notre pays. Il hypothèque notre avenir, pénalise les plus fragiles, les jeunes et ne constitue pas l’instrument adéquat pour faire face aux bouleversements importants de notre économie. Nous n’adopterons pas un budget qui nie la gravité de la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, très sincèrement, dans le contexte actuel, je reconnais que la tâche du Gouvernement n’est pas facile.
La première des difficultés est bien entendu liée à la situation économique particulièrement dégradée de notre pays.
Si la France résiste mieux que d’autres à la crise – mais elle n’est pas la seule –, il n’en reste pas moins que le chômage a progressé de 25 % en un an Avec une hausse de 52 400 inscrits, le nombre de demandeurs d’emploi a, le mois dernier, dépassé 2,6 millions, sans compter que la reprise qui semble s’annoncer ne produira sans doute pas ses premiers effets sur l’emploi avant neuf mois – aux dires des plus optimistes – et plus vraisemblablement pas avant un an.
Je suis bien sûr conscient que le Gouvernement n’est pas responsable de tout, notamment de l’ensemble de l’activité économique, et que sa marge de manœuvre est contrainte avec un tel déficit budgétaire.
Nous saluons les points positifs de ce budget : le financement en 2010 de 360 000 contrats uniques d’insertion dans le secteur non marchand et de 50 000 dans le secteur marchand ; les mesures de soutien à la formation en alternance ; la limitation au recours des préretraites.
Nous avons bien noté également que vous souhaitiez renforcer la politique de santé – il y a eu cette année quelques exemples dramatiques – et de sécurité. Cette politique voit ses crédits augmenter de 30 millions d’euros, ce qui représente une progression de 20 %.
Nous nous félicitons aussi de la volonté du Gouvernement de promouvoir l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, de maintenir l’emploi des seniors, dont un sur quatre seulement travaille encore à l’âge de soixante ans, taux qui est l’un des plus bas d’Europe.
Cependant, monsieur le ministre, malgré ce que je viens de rappeler, plusieurs éléments importants me semblent insuffisants dans le budget que vous proposez.
Les moyens financiers de la mission « Travail et emploi », dont les crédits diminuent à périmètre constant, ne sont pas à la hauteur des besoins : sur un total de 52 milliards d’euros dévolus au travail et à l’emploi, seuls 11,2 milliards d’euros sont directement affectés à la mission « Travail et emploi ». Onze autres milliards d’euros sont en fait des dépenses fiscales, et les trente milliards restants correspondent à des exonérations de cotisations sociales.
Je voudrais également souligner la très préoccupante situation de Pôle emploi. La fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC avait été faite – je l’avais dit en son temps – de manière précipitée. On voit le résultat aujourd’hui. Mme Lagarde s’était engagée à ce que chaque conseiller de Pôle emploi soit, à terme, en charge de 60 demandeurs d’emploi.
M. Guy Fischer. Mensonge !
M. Jean-Pierre Plancade. Or le ratio est aujourd’hui supérieur à 100. Je pense même qu’elle avait cité le chiffre de 30 pour les publics les plus en difficulté.
Autant vous dire qu’on est loin du compte et que les recrutements auxquels a procédé Pôle emploi cette année ne seront vraisemblablement pas suffisants.
En outre – et c’est là que le bât blesse le plus à mon sens –, l’accompagnement social prévu pour les personnes privées d’emploi est loin d’être suffisant, car de nombreuses études nous montrent que le nombre de personnes en situation précaire, celles qui précisément ont absolument besoin de ces aides spécifiques, ne cesse d’augmenter.
Nous pensons notamment que les crédits affectés à l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, ou à l’allocation équivalent retraite, l’AER, sont insuffisants parce qu’ils ne prennent pas en compte les nombreux chômeurs victimes de la crise qui arriveront en fin de droit et se retrouveront sans aucune couverture à la fin du deuxième semestre de 2010 et au début de 2011.
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. Jean-Pierre Plancade. Enfin, je note que le programme « Accès et retour à l’emploi » voit ses crédits diminuer de 145 millions d’euros tandis que ceux du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » accusent une baisse de 11 %.
Tout cela va à l’encontre du renforcement absolument nécessaire de l’accompagnement social des personnes privées d’emploi, dont le nombre s’accroît et qui voient leur situation se dégrader. Cette dimension n’est pas assez valorisée dans votre budget. Vous comprendrez que, dans ces conditions, monsieur le ministre, notre groupe soit extrêmement réservé sur ce budget.
M. Guy Fischer. Bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'état, mes chers collègues, quel que soit l’endroit où je porte mon attention en matière de politique de l’emploi menée par le Gouvernement, je ne vois aucune bonne raison – et je m’en désole – de souscrire à l’optimisme souriant de Mme Lagarde, pas plus qu’à la vigueur auto-satisfaite du Président de la République.
Comme garde-corps en politique, je me remémore, aussi souvent que nécessaire, cet adage minimal : n’est pas devin qui veut. Il ne suffit pas de décréter que le pire est derrière nous pour que les Français y croient, surtout s’il s’agit d’un pari sur un avenir aussi incertain aujourd’hui qu’il l’était hier.
Il ne suffit pas que le Président de la République aille féliciter les salariés de Pôle Emploi pour que nous soyons dupes du succès de cette structure, quand nous savons que chaque agent a la charge de plus de 120 demandeurs d’emploi. Que le Président de la République en soit fier, c’est une chose. Qu’il croit, comme il l’a dit, que « le climat social est aussi apaisé qu’on pouvait l’imaginer », alors que les syndicats – même les plus modérés – dénoncent les difficultés croissantes des salariés, confine à l’aveuglement.
Les chiffres du chômage que vous nous servez ne reflètent pas la réalité puisque sont exclus : les salariés victimes de licenciements économiques bénéficiant d’un contrat de transition professionnelle ou d’une convention de reclassement personnalisé ; les radiations par défaut d’actualisation, soit 42,2 % en octobre dernier, de ceux qui se désespèrent et renoncent à chercher du travail face à la conjoncture actuelle ; les personnes en chômage partiel ; enfin, les demandeurs d’emploi des autres catégories de classement.
Il convient néanmoins de ne pas oublier que, derrière les promesses, les programmes, le marketing politique, il y a une réalité que vivent plus de quatre millions de Français et leurs familles.
Dans la vraie vie, monsieur le ministre – et tous mes collègues de bonne foi qui connaissent le quotidien de leurs concitoyens peuvent en attester – la réalité de l’emploi et ses conséquences partout en France sont une vraie catastrophe.
Alors, bien sûr, la crise a bon dos. Mais pendant ce temps, que faites-vous ?
En étudiant les chiffres, j’ai constaté que 580 000 destructions d’emplois marchands étaient intervenues en 2009, sans marge d’action puisque les outils de traitement conjoncturels sont déjà sollicités.
Vous pariez sur une normalisation progressive de l’activité économique pour 2010 ramenant ce chiffre à 190 000 destructions d’emplois. Une normalisation à 190 000, c’est ce que l’on appelle un oxymore !
Malgré ces chiffres, les dotations de la mission « Travail et emploi » pour 2010 sont en régression de 6,2 %.
Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » subit une coupe de 2,4 %.
Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » est en diminution de 11,8 %. C’est ce que l’on appelle une anticipation joyeuse et optimiste, sans doute.
La mission « Plan de relance » a déjà absorbé 170 millions d’euros en autorisations d’engagement et 142 millions d’euros en crédits de paiement.
L’AER n’est pas reconduite en 2010, alors que le Gouvernement s’était engagé, lors du sommet social de février dernier, à prolonger l’ouverture de ce dispositif.
De même, aucune nouvelle entrée n’est prévue pour l’allocation de fin de formation. L’« aide au poste » dans les entreprises d’insertion n’a pas été revalorisée depuis huit ans. Le resserrement est à l’œuvre dans le cadre des dispositifs censés permettre le relèvement du taux d’emploi des salariés de plus de cinquante ans, prévu par le Plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors 2006-2010. Attention, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, 2010, c’est demain !
Le nombre de journées de chômage partiel a atteint 4,1 millions d’heures en 2008 et pas moins de 6,9 millions d’heures en 2009. Pour ce qui est de la « glandouille » que Fadela Amara promettait d’éradiquer, je m’en tiendrai à la remarque suivante : en la matière, il conviendrait de donner l’exemple en nous occupant en priorité des habitants des zones urbaines sensibles, les ZUS, qui, pour 33 % d’entre eux, vivent en dessous du seuil de pauvreté, cette proportion atteignant plus de 44 % pour les moins de dix-huit ans, qui sont les premiers touchés par les inégalités de revenus.
Je vous mets au défi d’emmener une délégation expliquer à ces personnes que, si elles sont pauvres et sans emploi, c’est parce qu’elles « glandouillent » !
Je finirai par les dépenses fiscales.
À l’instar du duo comique qui sévit sur Internet en décernant les « Satanas d’or », je propose de décerner au Président de la République le titre d’« Homme qui valait trois milliards », puisque c’est le prix que coûtera le cadeau fiscal consenti à la restauration.
On s’abstiendra de rappeler que les effets d’aubaine escomptés n’ont pas vraiment profité à ceux qui auraient dû en bénéficier. On n’a pas réellement assisté à une explosion de l’embauche dans ce secteur.
Pendant ce temps, à l’instar du Président de la République, qui affectionne les diversions, au lieu de vous soucier réellement de mettre en œuvre les moyens que requiert une situation économique frappant de plein fouet les plus fragiles, vous aidez les banques à réitérer leurs exploits. Vous aidez les grands patrons – saluons au passage l’immense courage qu’il a fallu à M. Estrosi pour doubler le salaire d’un patron d’entreprise publique –, vous baissez la TVA dans la restauration. Enfin, j’en viens à la fameuse diversion, vous vous achetez une morale en menaçant de punir les méchants employeurs qui font travailler depuis des années les vilains sans-papiers dans les secteurs dits « en tension ».
Soit dit en passant, expliquez-nous comment résoudre cette contradiction qui voudrait que ces méchants employeurs assument le risque d’une garde à vue en fournissant aux sans-papiers les fiches de paie requises pour fonder une demande de régularisation ?
Pour nous faire oublier vos choix en matière de fiscalité, vous attirez notre attention sur des problèmes qu’il nous faudra certes résoudre, mais qui ne pèsent pas lourd comparés aux 30 milliards d'euros d’exonérations sociales et aux 11 milliards d'euros d’exonérations fiscales que coûtent vos cadeaux hasardeux, parmi lesquels on peut citer les exonérations sur les heures supplémentaires, contre-productives en termes de création d’emplois.
Si nous ne pouvons souscrire aux orientations de cette mission du projet de loi de finances, c’est simplement par pur bon sens, celui-là même qu’une promenade sur le terrain vous ferait recouvrer ! Mais il vous faudrait vous éloigner des sentiers battus par les équipes de communication, des castings de figurants dociles et des caméras complaisantes. Il vous faudrait aller là où la fameuse valeur travail dont vous nous avez rebattu les oreilles pendant vos campagnes s’est terriblement désagrégée, jusque dans les rangs de ceux qui ont cru dans vos promesses, là où le chômage n’est pas une variable d’ajustement macro-économique, là où plus de 100 demandeurs d’emploi par conseiller de Pôle Emploi n’est pas seulement une donnée moyenne qui n’atteint pas son objectif, mais une source de découragement pour tous !
Ce n’est que sous réserve de la prise en compte de quelques suggestions auxquelles vous restez sourds, comme le prolongement de six mois de la durée d’indemnisation des chômeurs à 80 % des salaires, l’extension des contrats de transition professionnelle à l’ensemble des bassins d’emploi avec une durée d’indemnisation de deux ans, ou l’augmentation des coûts des licenciements pour les entreprises qui reversent des dividendes ou rachètent leurs propres actions, que nous pourrions prendre au sérieux la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul besoin de dépenser 3 millions d’euros en sondage pour savoir que le chômage est la première préoccupation des Français. Avec la plus grave récession qu’ait connue notre pays depuis l’après-guerre, un chômage en augmentation de 30 % en un an et demi, un recours au chômage partiel plus que décuplé, il n’est pas difficile de comprendre que la véritable sortie de crise dépend de la reprise de l’emploi.
Les politiques en faveur de l’emploi sont donc au cœur des défis que nous a lancés cette crise sans précédent. C’est dire si nous nous attendions à voir le Gouvernement proposer des politiques innovantes, se mobiliser pour les victimes de la récession, lancer des pistes de réflexion, bref, investir massivement pour l’avenir.
Les crédits de la mission « Travail et emploi » aurait dû connaître une augmentation aussi exceptionnelle que le sont les circonstances. Or, ils sont en diminution !
D’après notre rapporteur, cette diminution est factice. Le plan de relance, les dépenses fiscales et les exonérations de cotisations sociales concentrent, d’après lui, la réalité des efforts réalisés en matière d’emploi. Toutefois, même en tenant compte de cet argument, la pertinence des choix économiques et politiques du Gouvernement est douteuse.
Rappelons d’abord que, selon la Cour des comptes, l’impact des exonérations de cotisations sociales en matière de création d’emplois est très marginal, alors même que le coût de ces dispositifs est évalué à 30 milliards d’euros. Ces cadeaux pèsent sur le budget de la sécurité sociale, la couverture de nos risques se réduisant face à l’ampleur des déficits.
Avec de tels résultats, faire de la politique d’exonération des charges le dispositif le plus important en matière d’emploi augure mal de la suite, d’autant qu’un des reproches adressé à ce dispositif, outre celui d’être une trappe à bas salaires, est de ne financer que les emplois les moins qualifiés, donc les plus précaires. Aucune mesure n’est prévue pour soutenir et donner la priorité aux emplois à forte valeur ajoutée.
Quant aux dépenses fiscales, et donc au financement des heures supplémentaires, elles permettent justement d’éviter des embauches en jouant sur l’augmentation du temps de travail. Cherchez l’erreur !
Enfin, le plan de relance concentre les actions en faveur du reclassement des salariés licenciés économiques avec des crédits totalement prélevés sur la mission « Travail et emploi ». Or, il ne devrait prendre en charge que des mesures exceptionnelles et temporaires pour 2010. En gonflant artificiellement ses crédits avec des transferts provenant d’autres missions, le Gouvernement se borne à faire du recyclage pour justifier ses effets d’annonce.
Selon notre rapporteur, le Gouvernement aurait mobilisé une grande variété d’outils de lutte contre le chômage. M. Gournac a notamment cité en commission le recours au chômage partiel et les conventions de reclassement.
Monsieur le ministre, lutter contre le chômage en favorisant le chômage, et présenter cela comme un progrès et le fruit des efforts du Gouvernement, il fallait le faire. Vous l’avez osé ! Dans la catégorie des perles, on peut également mentionner l’affirmation de notre rapporteur selon laquelle « le Gouvernement a résisté à la tentation d’avoir recours aux dispositifs de préretraite ».
En réalité, au dispositif de préretraite s’est substituée l’utilisation par les entreprises de la rupture conventionnelle, c’est-à-dire le licenciement. Bref, le seul constat qui peut être dressé est que le taux d’activité des personnes de plus de 55 ans est toujours aussi bas.
Et ce n’est pas l’affirmation incantatoire du Gouvernement sur cette question qui devrait faire bouger les lignes, puisque la seule mesure concrète en la matière est l’instauration d’une pénalité de 1 % de la masse salariale à l’encontre des entreprises qui n’auraient pas signé le plan senior au 1er janvier 2010. Les entreprises concernées ayant une obligation de moyens, mais pas de résultats, on peut considérer qu’il s’agit d’un dispositif chargé à blanc.
Enfin, alors que la situation des jeunes ne cesse de s’aggraver, que leur taux de chômage en 2009 est d’un peu plus de 25 %, avec des pointes à 42 % dans les banlieues, les mesures qui leur sont destinées se résument à l’apprentissage.
Or, on le sait bien, de nombreux jeunes en qualification ne trouvent ni contrats ni lieux de stage, ce qui explique qu’une baisse de 10 % des contrats d’apprentissage et de professionnalisation ait été prévue en 2010. Si telle est la mesure phare du Gouvernement, elle se révèle peu porteuse pour les jeunes.
J’ajouterai que, lorsqu’on sait que plus de 62 % des diplômés de 2008 n’avaient toujours pas trouvé d’emploi un an après, on voit à quel point la question de l’insertion sur le marché du travail concerne tous les jeunes au-delà de leur niveau de formation. Face à ce constat, le Gouvernement ne propose rien.
Le temps m’étant compté, j’en terminerai là. Proposer au Parlement un budget si indigent alors que le chômage ne cesse d’augmenter et l’avenir de s’obscurcir est inquiétant.
Tout le monde l’admet : si la crise financière est peut-être derrière nous, la crise économique est toujours là et la crise sociale, encore devant nous. À l’examen de ce budget, le groupe socialiste ne peut que constater la démission du Gouvernement sur le front de l’emploi. Les Français apprécieront. Quant à nous, bien évidemment, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les chiffres du chômage en octobre sont mauvais, comme l’a reconnu avec franchise Mme Lagarde.
À l’évidence, le Gouvernement a été surpris par cette nouvelle et franche dégradation. Le directeur général de Pôle emploi lui-même s’est dit dans l’incapacité d’éclairer cette évolution. Quelques jours plus tôt, en réponse à une question d’actualité que je lui avais posée sur la situation de l’emploi observée en septembre, Mme Lagarde tentait, avec sincérité, de nous rassurer en évoquant une « décélération de la dégradation ».
Monsieur le ministre, alors que vous vouliez voir dans ce ralentissement de la hausse les premiers signes précurseurs d’une sortie de crise, vous voilà brutalement replongés dans le réel ! Cela a d’ailleurs conduit, il y a quelques jours, Mme Lagarde à reconnaître que « la tendance à la dégradation de l’emploi devrait se poursuivre quelques trimestres ».
À l’appui de votre analyse, l’OCDE estime que la hausse du taux de chômage pourrait bien ne pas s’achever avant le début de 2011, date à laquelle il pourrait dépasser le taux de 10 % en métropole. Le Premier ministre lui-même reconnaît que l’économie française ne recommencera à créer des emplois que lorsqu’elle retrouvera un niveau de croissance de 2 %.
Dans ce contexte, comment comprendre, et accepter, que les dotations de la mission « Travail et emploi » pour 2010, affichent, hors mesures du plan de relance, une diminution de l’ordre de 5 % ? Comment comprendre les réductions des dispositifs d’accompagnement comme le chômage partiel et l’allocation équivalent retraite ? Comment comprendre que la subvention que l’État accorde à Pôle emploi, qui est maintenue au même niveau que l’an passé, n’augmente pas ? Comme mes collègues l’ont fait remarquer, devant l’accroissement du nombre mécanique des demandeurs d’emploi, on peut craindre une nouvelle dégradation des conditions de fonctionnement de ce service public, qui est déjà particulièrement mis à mal.
Dans ce contexte de crise, la formation professionnelle aurait dû, vous en conviendrez, monsieur le ministre, trouver une place privilégiée dans le budget.
Or, pour ne prendre qu’un seul exemple, qui a également été évoqué par mes collègues, les contrats d’apprentissage sont en baisse d’une année sur l’autre, et dans des proportions très significatives. De même, la baisse des crédits pour 2010 concernant les contrats de professionnalisation est surprenante.
J’en viens à l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dont la subvention est réduite de 20 millions d’euros. Cette diminution semble correspondre à une réduction de sa dotation d’investissement. Or, monsieur le ministre, jamais autant qu’aujourd’hui sans doute, cet organisme n’a eu besoin de budget pour entretenir le patrimoine que vous venez ou que vous allez lui transférer.
J’observe par ailleurs que l’AFPA se trouve, et j’ai déjà eu l’occasion de vous exprimer toutes mes craintes sur ce sujet, engagée dans un processus malthusien. Les embauches sont désormais gelées, alors même qu’elle devrait être au plein de sa capacité pour assurer l’accompagnement sur le marché de l’emploi et la sortie de crise.
Alors, non seulement je ne vous fais pas de procès d’intention, mais je vous donne pleinement raison lorsque vous déclariez il y a quelques jours dans Le Monde qu’il fallait des mesures plus offensives pour l’emploi. Or, ce projet de budget n’est, me semble-t-il, ni à la mesure du contexte observé, que j’ai décrit tout à l’heure, ni en phase avec vos propres déclarations. Comment expliquer ce décalage ? Je propose une hypothèse. Vous avez élaboré ce projet de budget sur un pari, celui de la sortie de crise dans les prochains mois. J’observe d’ailleurs que la tonalité du rapport de notre rapporteur Alain Gournac, sans doute rédigé avant que nous ayons connaissance des chiffres du mois d’octobre, le confirme : « En cette fin d’année 2009, plusieurs signes positifs permettent d’espérer que la période la plus difficile est maintenant derrière nous ».
Ce pari, on le constate aujourd’hui, est en fait une erreur d’analyse, qui rend caduque et dépassé ce projet de budget, avant même son début d’exécution.
(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Travail et emploi » que j’ai l’honneur de vous présenter a fait l’objet d’une discussion constructive à l’Assemblée nationale. Sans doute nos débats permettront-ils de l’enrichir encore, et je veux d’ores et déjà saluer le travail réalisé par les commissions des finances et des affaires sociales et leurs présidents respectifs, Jean Arthuis et Muguette Dini. Je veux également remercier les rapporteurs, MM. Serge Dassault et Catherine Procaccia, qui a aujourd'hui prêté sa voix à Alain Gournac.
Le volet « travail » de la mission « Travail et emploi » a une importance fondamentale, car il est au cœur de la politique de revalorisation du travail que mène le Gouvernement, et j’entends bien, à la tête de ce ministère, le replacer au centre de nos politiques sociales. Le travail est en effet la source de l’innovation, le moteur de la création de richesses dans notre pays. C’est sur lui que reposent l’équilibre de nos modèles de solidarité intergénérationnelle et la solidité de notre cohésion sociale.
Voilà pourquoi toute notre action doit tendre à le promouvoir et à le garantir.
Afin nous donner les moyens de cette ambition, au sein de la mission « Travail et emploi » le projet de budget porte inscription de 891 millions d’euros de crédits pour les programmes qui correspondent au champ « travail », à savoir les programmes 111 et 155, conformément au à la programmation triennale 2009-2011.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit les crédits nécessaires pour répondre aux nouveaux défis que doit relever le ministère du travail, et l’activité de mon ministère s’est organisée autour de quatre grands chantiers.
Le premier consiste à renforcer la politique de santé et de sécurité au travail, afin de permettre à tous ceux qui travaillent de le faire dans de bonnes conditions, quel que soit leur âge. La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est une nécessité si nous voulons que notre société connaisse à la fois le progrès économique et le progrès social. Le projet de loi de finances consacre 30 millions d’euros à cette politique, ce qui représente une progression de plus de 20 % par rapport aux crédits que vous aviez votés l’an dernier.
Poursuivant l’effort engagé par le premier plan santé au travail pour réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles, le deuxième plan santé au travail pour 2010-2014, qui sera mis en place à partir du début de l’année prochaine, aura pour objectif de mieux prendre en compte les nouveaux risques professionnels, dont il est, à juste titre, beaucoup question aujourd'hui : les risques psycho-sociaux et les pathologies plus classiques liées au travail, c'est-à-dire les troubles musculo-squelettiques et les risques liés à l’utilisation de produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques.
Afin de mieux connaître ces nouveaux risques professionnels, le programme 111 finance l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, à hauteur de 9,7 millions d’euros et l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, à hauteur de 12,5 millions d’euros. J’espère d’ailleurs que le dispositif de prévention des risques sera encore plus performant une fois réalisée la fusion de l’AFSSET et de l’AFSSA.
De façon complémentaire, je poursuis la réforme des services de santé au travail, qui fera l’objet d’un projet de loi au début de 2010. À cet effet, je réunirai après-demain le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, et j’ai adressé aux partenaires sociaux un document présentant les principaux axes de cette réforme : développer sur le terrain les équipes pluridisciplinaires de santé au travail ; instaurer la transparence en matière de gestion financière des services de santé au travail, avec publication et certification des comptes ; réformer la gouvernance. Je me suis d’ailleurs rendu, pas plus tard que la semaine dernière, dans un service de santé au travail interentreprises, à Bordeaux, afin d’étudier avec les différents acteurs la manière dont cette action est conduite.
L’ANACT joue un rôle important dans la politique d’amélioration des conditions de travail. Sa subvention a été fixée à 12,49 millions d’euros, ce qui représente un retour au niveau de la loi de finances initiale pour 2008, après la réduction opérée en 2009.
Dans le cadre du plan d’urgence pour la prévention du stress au travail, que j’ai lancé en anticipation du deuxième plan santé au travail, j’ai décidé que l’ensemble de ces actions seraient menées en direction des PME et des TPE.
L’ANACT joue aussi un rôle décisif à travers la gestion du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail, le FACT, qui finance des investissements immatériels ou des études préalables afin de permettre aux entreprises d’améliorer les conditions de travail de leurs salariés. Ce fonds a vocation à monter en puissance, comme en témoigne la progression de ses crédits, qui passeront de 1,9 million d’euros en 2009 à 3 millions d’euros en 2010.
Le deuxième chantier concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, sujet qui a été souvent évoqué ici.
Mme Annie David. Très souvent !
M. Xavier Darcos, ministre. Dans un pays où 83 % des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans travaillent, les femmes sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Xavier Darcos, ministre. … et leur rémunération est inférieure en moyenne de 27 % à celle des hommes. C’est un scandale !
Mme Annie David. Absolument !
M. Xavier Darcos, ministre. Il faudra non seulement veiller à l’application des lois existantes, mais également aller plus loin. C’est la raison pour laquelle le programme 111 financera, à hauteur de 11 millions d’euros, les actions développées en faveur de la qualité et de l’effectivité du droit dans ce domaine.
Par ailleurs, à la suite du rapport que m’a remis Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, j’ai invité les partenaires sociaux à négocier, en vue de préparer un projet de loi pour le début de 2010 sur l’ensemble de ces questions.
Promouvoir le travail, c’est aussi mettre un terme à l’immense gâchis que représente la mise à l’écart des travailleurs dès qu’ils ont plus de cinquante ans, et cela constitue notre troisième chantier.
De fait, cette mise à l’écart ne satisfait personne, ni les salariés, ni les entreprises, et elle nuit à notre modèle social. C’est pourquoi le ministère du travail poursuit la politique engagée par le Gouvernement en faveur de l’emploi des seniors, en incitant les entreprises à prendre leurs responsabilités. J’ai d’ailleurs observé que M. Plancade, Mme Le Texier et Mme Demontès ont indirectement évoqué ce sujet.
Le plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors 2006-2010 a pour objectif de relever le taux d’emploi des 55-64 ans au-dessus des 50 % à l’horizon 2010. Nous en sommes à peine à plus de 38% aujourd’hui…
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 fait obligation aux entreprises de plus de 50 salariés d’être couvertes par un accord de branche. À défaut d’en avoir signé un avant le 1er janvier 2010, une pénalité de 1 % de la masse salariale est prévue en cas de manquement à cette obligation. Je tiens à dire à la Haute Assemblée que je suis déterminé à mettre en œuvre cette disposition.
Mme Annie David. Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. Le quatrième chantier est celui du renforcement du dialogue social.
À cet égard, nous consacrons 26,6 millions d’euros à la formation des personnels syndicaux. Nous le faisons aussi pour la formation des conseillers prud’homaux.
Pour accompagner la mise en place de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, nous développons aussi un programme de mesure de l’audience de la représentativité syndicale : c’est le projet MARS, auquel nous consacrons 11 millions d’euros en autorisations d’engagement. Pour ce faire, nous avons lancé un appel d’offres dont l’échéance est fixée à 2013.
Pour terminer, je dirai que le ministère du travail se donne les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ces objectifs, tout en veillant à l’efficacité de la dépense et de l’action publiques.
Nous poursuivons en premier lieu le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail : 60 agents supplémentaires seront recrutés en 2010 – 50 inspecteurs, 10 médecins et ingénieurs et 100 contrôleurs. Au total, l’inspection du travail aura bénéficié du renfort de près de 700 agents sur une période de cinq ans. C’est considérable !
Cette progression s’inscrit dans le cadre du programme de fusion des services de l’inspection du travail des ministères de l’agriculture, des transports et du travail, qui est entrée en vigueur au début de cette année ; l’année 2009 est donc une année de transition. Cette fusion ayant montré son efficacité, nous poursuivrons la mobilisation de l’ensemble de ces personnels.
D’ailleurs, en 2010, nous allons généraliser les nouvelles directions régionales communes aux ministères du travail et de l’économie, les DIRECCTE – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi -, en tenant compte de l’expérimentation menée dans cinq régions préfiguratrices : Aquitaine, Languedoc, PACA, Franche-Comté et Rhône-Alpes. Ces nouvelles structures constitueront un interlocuteur unique pour les entreprises et seront ainsi susceptibles d’apporter des réponses beaucoup plus appropriées à leurs besoins.
Ces changements décisifs pour accompagner l’évolution des missions du ministère du travail sont conduits dans un cadre budgétaire respectant les engagements du plan triennal, en particulier celui du non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux. Au total, ce sont 163 emplois qui seront supprimés, étant entendu que 160 agents supplémentaires seront recrutés dans le cadre du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail. Ce retour catégoriel explique notamment la stabilité de la masse salariale de mon ministère, qui s’établit, comme l’an dernier, aux alentours de 439 millions d’euros.
Les moyens consacrés au programme 155, soit 823 millions d’euros en autorisations d’engagement, permettront d’améliorer significativement la qualité du service rendu aux usagers, comme en témoigne la forte augmentation des crédits d’intervention destinés au financement des maisons départementales des personnes handicapées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits prévus pour le champ « travail » de la mission « Travail et emploi » devraient nous permettre de mener à bien les missions qui sont les nôtres : promouvoir le travail, renforcer le dialogue social, respecter les engagements budgétaires. C’est en mettant en œuvre ces objectifs dans un souci d’efficacité et de justice que nous pourrons contribuer au renforcement du lien social dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de souligner le remarquable travail de M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, dont certains points ont même été salués par Mme Annie David, et son examen détaillé des crédits de la mission. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements qu’il a déposés, ce qui nous permettra d’ailleurs d’apporter un éclairage précieux sur la politique de l’emploi.
Je veux ensuite remercier Mme le rapporteur pour avis, Catherine Procaccia, de son intervention. Qu’elle soit assurée qu’il n’est pas question pour nous, dans cette période particulièrement complexe et délicate, de baisser la garde en matière de politique de l’emploi.
Je veux dire à Annie David et à Claude Jeannerot, dont les interventions se rejoignent sur ce point, que nous continuerons bien entendu à mener une politique offensive dans ce domaine au cours de l’année 2010. Comme en 2009, nous concentrerons notamment nos efforts pour dégager de nouveaux gisements d’emplois sur l’« économie verte ».
À ce sujet, j’indique à M. Plancade, toujours attentif à la question des personnes les plus éloignées de l’emploi, que plusieurs lignes de la mission concernent ces dispositifs. Il est vrai que ces personnes doivent faire l’objet de notre constante préoccupation dans cette période difficile, où le risque est élevé de s’enfermer dans le piège du chômage de longue durée.
Je remercie Mme Demontès de son objectivité. Elle a en effet reconnu que la France faisait partie, avec l’Allemagne et l’Italie, des pays qui ont le mieux amorti le choc de la crise en termes d’emploi, même si, à l’évidence, la situation sur le terrain est terriblement douloureuse pour ceux qui ont perdu leur emploi dans cette période.
Je me permets de saluer l’intervention de M. Jeannerot concernant l’AFPA, sujet qu’il connaît bien. Je tiens à le rassurer, car les mesures que nous avons prises en faveur des jeunes ont permis de redresser la situation dans le domaine de la formation en alternance et des contrats de professionnalisation.
Au début de l’année, les contrats de professionnalisation et les contrats d’apprentissage enregistraient une chute de 20 %, ce qui était catastrophique. Depuis septembre, nous avons nettement redressé la barre. Tous les jeunes ne décrochent pas un contrat, tant s’en faut. En revanche, nous faisons mieux pendant la crise qu’avant. Je tiens à votre disposition tous les chiffres, qui ont été validés par les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers. Les retours budgétaires que nous avons nous le prouvent également.
Concernant le reste de la politique de l’emploi, permettez-moi de souligner l’importance des moyens d’intervention.
Les programmes 102 et 103 sont dotés d’un montant de 10,5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 1,4 milliard d’euros pour abonder le Fonds d’investissement social, inscrits dans le plan de relance, ainsi que 410 millions d’euros au titre de la prolongation pour six mois du dispositif « zéro charge » pour les TPE, les très petites entreprises. Au total, cela représente 12,3 milliards d’euros, soit 2,4 milliards d’euros de plus que ce qui était prévu dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Mme Annie David. Et combien d’emplois créés ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je souligne que les crédits sont en augmentation de plus de 20 %, ce qui montre l’ampleur de l’investissement de l’État dans cette période pour l’ensemble des outils de la politique de l’emploi.
Le fil rouge de toutes les mesures du plan de relance, c’est l’emploi, rien que l’emploi, toujours l’emploi. Des moyens exceptionnels ont donc été mobilisés.
Je reviendrai sur la question des allégements de charges au cours de l’examen des amendements et des échanges que j’aurai avec vous, monsieur le rapporteur spécial. En attendant, je me permets de préciser, avant la remise du rapport que vous appelez de vos vœux, que les allégements de charges permettent sans doute aujourd’hui de préserver l’équivalent de 800 000 emplois. Il ne faudrait donc pas les remettre en cause dans cette période. Vous êtes d’ailleurs le premier à défendre l’abaissement des charges pour les entreprises, considérant que c’est la meilleure manière de renforcer l’emploi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de souligner l’importance du dispositif « zéro charge », qui a permis plus de 650 000 embauches dans les TPE. C’est un dispositif auquel je tenais. La réalité de l’emploi est en effet le fait de ces entreprises-là, qui sont trop souvent oubliées.
Pour finir, je voudrais revenir sur quelques idées simples.
Tout d’abord, nous avons essayé de mettre en place des mesures concrètes, directement applicables et, surtout, négociées avec les partenaires sociaux. Je veux ici souligner leur esprit de responsabilité dans la crise, car la plupart des dispositifs dont nous discutons ont été conçus et améliorés par eux.
Ensuite, toutes ces mesures sont « débranchables ». Je n’ai voulu aucune mesure structurelle, ce qui aurait été irresponsable en termes de gestion du déficit. Dès que la situation sera meilleure, toutes pourront être interrompues. Nous reviendrons alors à un étiage raisonnable en matière de dépenses et en termes de bonne gestion.
Enfin, je tiens à dire que la politique de l’emploi nécessite du sang-froid. Si certains mois sont difficiles, comme ce fut le cas d’octobre, d’autres sont meilleurs. À ces moments-là, ne déduisons pas que nous sommes sortis de la crise. Comme vous l’avez dit les uns et les autres, des mois difficiles sont encore devant nous. C’est pourquoi nous devons tenir le cap et faire tourner à plein régime les mesures qui nous sont nécessaires.
La politique de l’emploi n’a besoin ni de marketing ni de coups de barre à gauche ou à droite. Il lui faut plutôt des acteurs de terrain équipés d’outils fiables pouvant être utilisés le plus vite possible. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Travail et emploi |
11 349 968 981 |
11 402 468 761 |
Accès et retour à l’emploi |
5 833 653 500 |
5 878 413 500 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
4 634 417 006 |
4 634 417 006 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
60 570 409 |
78 265 000 |
Dont titre 2 |
50 000 |
50 000 |
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail |
821 328 066 |
811 373 255 |
Dont titre 2 |
595 491 971 |
595 491 971 |
M. le président. L'amendement n° II-21, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Accès et retour à l'emploi |
150 000 000 |
|
150 000 000 |
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
|
150 000 000 |
|
150 000 000 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L'abaissement du taux de TVA dans la restauration, dont le coût pour 2010 est estimé à 3 milliards d'euros, ne justifie plus le maintien de l'exonération spécifique de cotisations sociales sur l'avantage en nature que constituent, dans les hôtels, cafés et restaurants, les repas servis aux salariés et qui sont à la charge de l'employeur.
Il convient en effet de mobiliser ces fonds, soit 150 millions d'euros, pour les publics qui en ont le plus besoin, en particulier les jeunes et les plus défavorisés.
Cet amendement vise donc à transférer 150 millions d'euros de crédits prévus au titre de l'exonération de l'avantage en nature dans les hôtels, cafés et restaurants, de l'action 3 « Développement de l'emploi », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », vers le programme 102, « Accès et retour à l'emploi ».
Ces crédits seront affectés à la sous-action 2, « Accompagnement des publics les plus en difficulté », de l'action 2, « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail », selon la répartition suivante : 100 millions d'euros pour le réseau des missions locales et des PAIO, ou permanences d'accueil, d'information et d'orientation ; 50 millions d'euros en faveur du Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes, le FIPJ, afin de financer les actions de prise en charge et de sécurisation des parcours des jeunes, qu’il s’agisse d’aide au permis de conduire, de prêt de scooter, de prospection des entreprises, de préparation aux concours, de transports, d’achat de vêtements de travail, de garde d'enfant, etc.
Toutes ces opérations rencontrent un succès considérable. Grâce à ces 50 millions d’euros supplémentaires, l’efficacité des missions locales sera renforcée. Les jeunes qui traînent, au risque de devenir délinquants, retrouveront du travail plus facilement. Or l’objectif de cette mission est précisément de faciliter l’accès ou le retour à l’emploi, en particulier pour les jeunes défavorisés qui traînent dans les rues, sans formation, sans métier, sans emploi.
Par rapport aux 50 et quelques milliards d’euros que l’État consacre au travail et à l’emploi, ces opérations ne pèsent que modestement, alors qu’elles permettent de faciliter l’accès immédiat à l’emploi d’un certain nombre de jeunes. Par exemple, je peux le constater tous les jours, des emplois de conducteur d’autobus, de chauffeur de taxi, de chauffeur de poids lourd sont disponibles, mais les jeunes ne peuvent y accéder parce qu’ils n’ont pas les moyens de passer le permis correspondant.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que cet amendement a été voté à l’unanimité par la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je comprends et je respecte la position exprimée par le rapporteur spécial. Cependant, ce qui est ici en question n’a absolument rien à voir avec la diminution de la TVA dans la restauration. Tous les employeurs sont exonérés de charges sociales en contrepartie des tickets restaurant qu’ils délivrent à leurs salariés : c’est une obligation. Dès lors, il est équitable que les restaurateurs qui servent des repas à leurs salariés bénéficient de la même exonération. Du reste, cette disposition est bien antérieure à la diminution de la TVA dans la restauration
En vous attaquant à la restauration, monsieur Dassault, dans un mouvement d’humeur que l’on peut comprendre, vous touchez en réalité les salariés sur un point qui n’est pas lié à la baisse de la TVA et vous revenez sur une disposition qui correspond strictement à l’équité entre l’ensemble des employeurs.
Voilà quelques jours, le Sénat, dans sa sagesse, a décidé de ne pas remettre en cause l’application du taux réduit de TVA à la restauration. Il serait paradoxal de priver aujourd'hui cette filière de l’aide qui est sans doute la plus légitime, qui concerne de surcroît un avantage offert aux salariés, et cela sous prétexte d’exercer une pression sur les professionnels afin qu’ils respectent au plus vite le contrat qui a été passé avec eux. Or, je le rappelle, le taux réduit de TVA n’est appliqué à la restauration que depuis cinq mois. Connaissez-vous beaucoup de secteurs économiques capables de s’adapter aussi vite ?
En contrepartie de cette baisse de la TVA, c’est vrai, les restaurateurs ont pris trois engagements.
Le premier, c’est la baisse des prix, qui a sans doute été insuffisante, je le reconnais, mais sur laquelle nous continuons à travailler.
Le deuxième, c’est le lancement de négociations salariales. Une dynamique de négociation est enclenchée, soutenue par le secrétaire d’État en charge de ce secteur, Hervé Novelli, qui réalise un travail remarquable.
Le troisième, qui relève de mon champ d’action, est trop souvent oublié : je veux parler de l’engagement qui a été pris en matière d’emploi et d’apprentissage, élément ô combien important en période de crise. Or, sur ce dernier point, la feuille de route commence à être remplie. La restauration est l’un des seuls secteurs économiques où, malgré la conjoncture très défavorable, le nombre d’emplois se maintient, voire augmente légèrement. (Mmes Christiane Demontès et Raymonde Le Texier manifestent leur désaccord.) .
En ce qui concerne l’apprentissage et les contrats de professionnalisation, la situation s’est considérablement améliorée. M. Dassault se préoccupe fort justement des jeunes sans emploi, mais, pour ma part, je préfère de très loin qu’ils s’orientent vers des secteurs créateurs d’emplois plutôt que vers les missions locales.
Enfin, monsieur le rapporteur spécial, je m’engage solennellement à ce que les missions locales soient dotées de moyens supplémentaires, notamment pour les aides à la mobilité : 40 millions d’euros supplémentaires y sont affectés dans ce budget.
Le groupe UMP s’est clairement prononcé sur ce sujet en considérant que ce n’était pas le bon terrain de bataille. Il convient de garder son sang-froid et de ne pas revenir sur la décision que nous avons prise. En revanche, soyons stricts et exigeants sur les engagements pris par les restaurateurs ! (M. Jacques Blanc applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cet amendement avait été annoncé lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, à l’occasion de l’examen d’un autre amendement de la commission des finances destiné à adresser un « coup de semonce » à la profession des restaurateurs, à la veille de son congrès de Nantes.
Il faut veiller à ce que les restaurateurs tiennent leurs engagements, dans un contexte de tension des finances publiques et de déficit préoccupant.
Le passage de la TVA de 19,6 % à 5,5 % représente une dépense fiscale de 3 milliards d’euros par an. Dans l’esprit du Gouvernement, un tiers de cette somme est destiné à faire baisser les prix payés par les consommateurs, un tiers à créer de 20 000 à 40 000 emplois et un tiers à améliorer la rémunération des collaborateurs. Un milliard d’euros, cela représente 25 000 euros par emploi pour créer 40 000 emplois, et 50 000 euros par emploi pour en créer 20 000. C’est bien cher ! (M. le secrétaire d'État fait la moue.)
Cette réduction de TVA justifie l’effacement des avantages particuliers qui étaient consentis depuis quelques années. L’avantage spécifique qu’est l’exonération de cotisations sociales sur l’avantage en nature représenté par les repas des collaborateurs subsiste.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons clairement annoncé, lors des discussions auquel ce sujet a donné lieu lors de l’examen de la première partie, que nous avions adopté un amendement sur ce point. L’amendement n° II-21 que vient de présenter Serge Dassault nous permet de faire l’économie de 150 millions d’euros ; il est complété par l’amendement n° II-22, qui sera appelé tout à l'heure et qui vise à supprimer cet avantage dérogatoire.
Avec 3 milliards d’un côté et 150 millions de l’autre, il nous semble que c’est une bonne pesée dans la situation où se trouvent nos finances publiques : 117,5 milliards d’euros de déficit prévisionnel pour l’État, 33 milliards à 35 milliards d’euros pour la sécurité sociale, sans compter un éventuel emprunt…
C’est dans ces conditions que la commission des finances a pensé qu’elle faisait une judicieuse proposition en présentant cet amendement. Pour ma part, je le voterai.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous soutiendrons cet amendement présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances. En effet, s’il y a un point sur lequel nous pouvons tous être d’accord ici, c’est bien la priorité qui doit être donnée, dans notre pays, à l’accompagnement des jeunes dans la recherche d’un emploi.
À cet égard, la répartition proposée par le rapporteur spécial nous semble aller dans le bon sens, à savoir 100 millions d’euros destinés aux missions locales et 50 millions d’euros affectés au Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes.
Certes, cet argent proviendra de la suppression de l’exonération de cotisations sociales sur un avantage en nature consenti aux salariés. Mais, monsieur le secrétaire d’État, rien ne s’oppose à ce que cet avantage soit maintenu dans les faits. Après tout, une négociation est en cours, qui peut aussi porter sur ce point-là.
Car c’est trop facile de faire du chantage à l’emploi et d’expliquer que cela revient à mettre en cause un avantage dont bénéficient les salariés ! C’est toujours le même refrain : dès que nous proposons une mesure qui va dans le bon sens, vous prétendez qu’il ne faut pas l’adopter parce que cela reviendrait à diminuer les droits des salariés. Or qui diminue les droits des salariés, sinon les entreprises ? C’est bien la politique que ce gouvernement met en œuvre qui organise la casse des droits des salariés tout en consentant sans cesse des cadeaux fiscaux aux employeurs !
Je rappelle tout de même que, ces cinq dernières années, la stagnation des financements en faveur du secteur de l’accompagnement des jeunes a fragilisé les structures concernées. Ces financements ont tout juste permis le maintien des services proposés. En revanche, la subvention qu’il nous est proposé d’adopter permettrait aux missions locales de mettre en place de nouveaux accompagnements et d’être un véritable pivot dans ce domaine.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que, en cas de crise, ce sont les jeunes, notamment les moins qualifiés d’entre eux, qui sont les premières victimes et que, lorsque la situation s’améliore, ils sont les derniers à trouver ou à retrouver un emploi. Si vous voulez traduire vos discours en actes, il faut soutenir nos jeunes dans leur recherche d’emploi.
Aujourd'hui, chacun le reconnaît – y compris M. Gournac, dans son rapport –, les missions locales ont fait la preuve qu’elles étaient en mesure de proposer un accompagnement de qualité à nos jeunes. Nous ne pouvons donc pas leur refuser les 100 millions d’euros qu’il est ici proposé de leur octroyer.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai évidemment l’amendement de la commission des finances.
J’ai peine à croire que cet amendement puisse constituer une petite revanche après le rejet d’un certain amendement en première partie du projet de loi de finances. C’est faire un mauvais procès à la commission des finances que de penser qu’elle tente d’obtenir aujourd’hui ce qu’elle n’a pu avoir hier !
La baisse de la TVA dans la restauration était une promesse électorale faite par Jacques Chirac voilà une bonne dizaine d’années. Dans l’attente de l’octroi de cette baisse par l’Europe, l’histoire en témoigne, il avait consenti une exonération spécifique de cotisations sociales sur cet avantage en nature. La promesse ayant maintenant été honorée, la baisse de TVA étant devenue une réalité, l’avantage ainsi consenti n’a absolument plus aucune raison d’être.
C’est pourquoi la commission des finances, qui avait annoncé cet amendement, nous propose aujourd'hui de supprimer cet avantage à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Il faut voir dans cet amendement non pas une soif de revanche de la part de la commission des finances, mais le souhait de s’en tenir à la stricte application de la rigueur budgétaire dont elle est coutumière.
M. Claude Jeannerot. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous avons tous suivi les négociations qui sont actuellement menées entre le secteur de la restauration et les syndicats. En fin de matinée, la CGT, la CFTC et FO ont fait savoir qu’elles exerceraient en commun leur droit d’opposition contre le projet d’accord de branche portant sur l’emploi et les salaires dans ledit secteur.
À moins qu’une procédure d’extension ne soit imposée par le Gouvernement, donc par vous, monsieur le secrétaire d’État, ce qui est très peu probable, le projet d’accord est donc caduc. Ce rejet signe l’échec du contrat d’avenir que M. Hervé Novelli a voulu mettre en place en contrepartie de l’abaissement à 5,5 % du taux de la TVA.
Il apparaît clairement que les organisations représentant les employeurs de la branche ne sont pas en mesure de tenir ou de faire tenir par leurs mandants les engagements qu’elles prennent imprudemment. Les baisses de prix pour les consommateurs ne sont pas conformes, loin de là, aux annonces des organisations patronales – la baisse ne serait en moyenne que de 1,46 % – et seuls 6 000 emplois auraient été créés, dont un grand nombre de CDD et de postes à temps partiel, alors que 40 000 créations d’emplois étaient attendues.
Le groupe socialiste votera donc l’amendement de M. Dassault, qui vise à orienter les sommes consacrées aux exonérations sur les paniers dans la restauration vers les publics qui en ont le plus besoin, en particulier les jeunes. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Pour respecter les cinq minutes de temps de parole qui m’étaient imparties tout à l’heure, j’ai renoncé à lire l’un des paragraphes de l’intervention d’Alain Gournac, celui qui concernait précisément l’abaissement à 5,5 % du taux de la TVA dans la restauration. Alain Gournac, que je ne fais que remplacer dans ce débat puisque c’est bien lui qui est le rapporteur pour avis de la commission de l’économie pour la mission « Travail et emploi », indiquait clairement que, comme la commission des finances, il souhaitait suivre de très près les incidences de la baisse de la TVA dans ce secteur sur les prix, mais également sur les créations d’emplois. Toutefois, en tant que rapporteur, Alain Gournac n’a pas donné consigne de voter cet amendement.
Certes, les missions locales sont importantes, mais, pour ma part, en tant que membre de la commission des affaires sociales, j’estime qu’il ne faut pas supprimer les avantages dont bénéficient les salariés non seulement du secteur de la restauration au même titre que ceux d’autres secteurs.
L’amendement qui nous est proposé vise non pas à nous faire faire des économies, comme nous y invite d’habitude la commission des finances, mais à répartir les crédits de la mission de manière différente.
Selon moi, l’avantage dont bénéficient les salariés n’est pas lié à l’abaissement à 5,5 % du taux de TVA dans la restauration, même s’il y a un problème dans ce secteur, comme en conviennent par ailleurs à la fois M. le secrétaire d’État et le Sénat.
Pour sa part, le groupe UMP, au nom duquel je m’exprime, ne votera pas cet amendement.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. C’est indécent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il me semble qu’il faut tout d’abord voir quel est l’intérêt des salariés. Dans ma commune, à Corbeil-Essonnes, les jeunes demandent à passer leur permis de conduire, car c’est pour eux une ouverture vers l’emploi. C’est fondamental. Certains savent qu’il y a des emplois de conducteur d’autobus ou d’autocar, mais il leur faut le permis adéquat. De même, bien souvent, pour postuler à un emploi de manutentionnaire ou de magasinier, le permis de cariste est nécessaire parce que, maintenant, tout se fait avec des chariots élévateurs. Or c’est cela que veulent les gosses qui traînent dans la rue !
Si vous tenez tellement, monsieur le secrétaire d'État, à ce que les salariés de la restauration continuent de bénéficier de leur avantage en nature, laissez-le leur !
Mme Annie David. Voilà !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Vous avez de l’argent par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État. Utilisez donc le plan de relance ! Vous êtes prêt à dépenser 50 milliards d’euros pour rien,…
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. … alors que, là, nous vous proposons de mettre 150 millions d’euros pour quelque chose !
M. Claude Jeannerot. C’est le bon sens !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Notre rôle est bien de favoriser l’emploi des jeunes ! N’est-ce pas l’objet essentiel de cette mission ?
Il s’agit tout de même d’une somme minime comparée aux milliards d’euros qui sont par ailleurs dépensés pour rien, en tout cas pas pour créer des emplois.
Nous vous proposons de créer des emplois et vous hésitez parce que vous ne voulez pas brusquer les professionnels de la restauration…
En tout cas, je me réjouis de la qualité des soutiens que je reçois ce soir. (Rires.) J’applique les consignes du Président de la République : je pratique l’ouverture ! (Nouveaux rires.)
Je remercie ceux qui m’apportent leur soutien et que je ne veux pas décevoir : je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
Mme Annie David. On verra ensuite en CMP !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Tous les maires le disent : ils reçoivent tous les jours des demandes de jeunes désireux de passer leur permis de conduire, mais les municipalités n’ont pas de budget pour cela. Permettons donc à ces jeunes de passer leur permis et de mettre fin à leurs difficultés. Des emplois seraient ainsi créés par centaines.
Pour le bien de tout le monde, en particulier pour celui des jeunes chômeurs, que nous aiderions à trouver un emploi, je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Premièrement, nous devons être conscients que l’amendement qui vous est soumis ne vise pas à faire des économies. S’il était adopté, cela ne changerait rien au montant de notre déficit. Il vous est simplement proposé de déplacer 150 millions d’euros de crédits et de les affecter aux missions locales.
Deuxièmement, l’avantage en nature que vise à supprimer cet amendement n’est pas consenti aux seuls salariés de la restauration. Tous les secteurs de l’économie bénéficient du même dispositif, et celui-ci profite avant tout aux salariés. (Mme Raymonde Le Texier s’indigne de ce que M. le secrétaire d'État, restant tourné vers les travées de l’UMP, paraît ne s’adresser qu’aux sénateurs de ce groupe.)
Troisièmement, M. Dassault, à qui j’indique que je suis disponible pour travailler avec lui sur ce sujet, nous dit qu’il a besoin de mesures d’aide à la mobilité, notamment en faveur des jeunes. Il est vrai que le financement, au bénéfice des jeunes, du permis de conduire, du certificat d’aptitude à la conduite en sécurité ou du permis poids lourds, se traduit par des débouchés en termes d’emploi. Mais les crédits que je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, comprennent précisément 80 millions d’euros supplémentaires en faveur de Pôle emploi afin de financer des dispositifs d’aide à la mobilité. En outre, le budget des missions locales est en hausse de 40 millions d’euros pour permettre également de financer de telles aides.
Alors, ne remettons pas en cause un dispositif qui est commun à tous les secteurs de l’économie, d’autant qu’une telle remise en cause ne permettrait pas de réaliser des économies. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Les jeunes s’en souviendront !
M. le président. L'amendement n° II-143, présenté par Mmes Printz, Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Jeannerot, Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mmes Schillinger, Campion, Alquier, Chevé, Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Accès et retour à l'emploi |
50 000 000 |
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50 000 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
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50 000 000 |
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50 000 000 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2 |
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TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je crains, monsieur le président, que cet amendement, dont l’objet est assez proche de celui de l’amendement que nous venons d’examiner, ne connaisse le même sort que lui !
Nous proposons en effet d’augmenter de 50 millions d'euros les crédits de l'action 2, « Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail », du programme 102, « Accès et retour à l'emploi ». Il s’agit des crédits de l'aide au poste pour les entreprises d'insertion et les entreprises de travail temporaire d'insertion. Nous entendons leur permettre de maintenir et de développer leurs offres dans la période économique et sociale particulièrement difficile que nous traversons.
L'article L. 5132-2 du code du travail prévoit que l'État peut conclure des conventions prévoyant, le cas échéant, des aides financières avec les employeurs dont l'activité a spécifiquement pour objet l'insertion par l'activité économique. L'article L. 5132-16 dispose qu'il revient à l'exécutif de déterminer les modalités de l'aide de l'État.
Or l'aide au poste, fixée à 9 682 euros, n'a pas été revalorisée depuis huit ans.
Afin d'éviter la disparition des entreprises d'insertion et de remettre à plat le financement de l'insertion par l'activité économique, conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, il est donc proposé que l'aide au poste soit portée en 2010 au niveau de son coût effectif, soit 12 500 euros par poste.
Parallèlement, il est proposé de supprimer 50 millions d’euros de crédits destinés au financement de l'exonération de cotisations sociales patronales sur l'avantage en nature accordé aux salariés des hôtels, cafés et restaurants, prévue dans le cadre de l'action 3, « Développement de l'emploi », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». En effet, cette aide ne se justifie plus dans la mesure où ce secteur bénéficie, comme nous venons de le voir, d'un taux de TVA réduit.
Il convient enfin de rappeler que l’abaissement à 5,5 % du taux de la TVA dans le secteur de la restauration devait conduire, conformément à l'engagement signé par les représentants de la profession, à une baisse significative des prix et à l'embauche de 40 000 salariés. Dans chacun de ces domaines, les engagements sont loin d'être tenus, à tel point que la commission des finances avait proposé le retour à une TVA à 19,6 %.
Cet amendement est donc doublement opportun, en ce qu'il permettra à la fois la survie de l’insertion par l'économique, dans une période cruciale pour nombre de nos concitoyens, et l'économie d'une dépense fiscale superflue pour l'État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas délibéré sur cet amendement. Mais, à titre personnel, je n’y suis pas forcément opposé… (Rires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. La position de M. le rapporteur spécial sur cet amendement est relativement logique et vous comprendrez que la mienne le soit tout autant.
Pour les raisons que j’ai indiquées lors de l’examen de l’amendement n° II-21, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
Par ailleurs, nous travaillons beaucoup avec le Conseil national de l’insertion par l’activité économique, dont les moyens ont été renforcés au cours des dernières années.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je serai très brève puisque nous avons déjà débattu sur le sujet.
L’amendement n° II-21 visait à améliorer l’insertion, le retour à l’emploi ou l’obtention d’un premier emploi des jeunes, l’amendement n° II-143 concerne les personnes les plus éloignées de l’emploi. À nos yeux, cela se justifie tout autant et nous voterons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-146, présenté par Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier et Printz, MM. Jeannerot, Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mmes Schillinger, Campion, Alquier, Chevé, Ghali et San Vicente-Baudrin, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Accès et retour à l'emploi |
100 000 000 |
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100 000 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
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100 000 000 |
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100 000 000 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2 |
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TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
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0 |
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement va nous permettre de passer des jeunes aux seniors…
L'allocation équivalent retraite, l’AER, qui est destinée aux demandeurs d'emploi ayant commencé à travailler très jeune et justifiant avant l'âge de soixante ans de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse nécessaire pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, a été abrogée par la loi de finances pour 2008, à compter du 1er janvier 2009.
Dans la présente mission, les crédits relatifs à l'AER sont destinés à financer celle-ci pour les bénéficiaires constatés au 31 décembre 2008
En raison de la situation économique et sociale, le Gouvernement a pourtant dû rétablir l'AER, mais seulement à titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 2009, par un décret du 29 mai 2009. Le coût de cette disposition est pris en charge par le Fonds d'investissement social, le FISO, dont les crédits sont inscrits dans l'action 5, « Politiques actives de l'emploi », du programme 316, « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi », de la mission « Plan de relance de l'économie ».
Cet amendement vise à augmenter les crédits de la sous-action 1, « Indemnisation des demandeurs d'emploi », de l'action 1, « Amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi », du programme 102, « Accès et retour à l'emploi », pour abonder de 100 millions d'euros la dotation destinée à financer l'AER et prévoir ainsi de nouvelles entrées dans le dispositif en 2010.
Le décret du 29 mai 2009 instituant à titre exceptionnel une allocation équivalent retraite pour certains demandeurs d’emploi devrait être modifié en conséquence.
Pour cela, il est proposé de supprimer 100 millions d’euros de crédits relatifs à l'exonération de cotisations patronales liées aux services à la personne pour les particuliers employeurs, dans le cadre de l'action 3, « Développement de l'emploi », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».
En effet, l'augmentation pour 2010 de cette dotation ne tient pas compte du repli du nombre de particuliers employeurs constaté par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, à la suite de la diminution de la demande solvable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas délibéré sur cet amendement. Par conséquent, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. L’AER avait été supprimée par la loi de finances pour 2008. Comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, nous l’avons rétablie par un décret du 29 mai 2009, afin de prendre en compte les effets de la crise économique et sociale.
Nous sommes actuellement en train d’engager des négociations avec les partenaires sociaux pour recueillir l’avis des uns et des autres. Par exemple, le syndicat Force ouvrière est très mobilisé sur ce dossier.
Il est trop tôt pour prendre une telle décision, car les discussions n’ont pas encore abouti. Or le sujet doit être traité avec les partenaires sociaux.
Aussi, madame la sénatrice, si vous le souhaitez, je vous tiendrai informée de l’évolution des négociations avec les partenaires sociaux au fur et à mesure.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai un tout petit peu de mal à vous faire confiance sur la question des négociations avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Pourquoi ?
Mme Christiane Demontès. Parce que, mon cher collègue, on a déjà vu par le passé – M. le secrétaire d’État sait très bien à quoi je fais allusion – un texte législatif qui était censé transcrire dans le droit un accord national interprofessionnel n’en reprendre qu’une partie, en mettant de côté le reste de l’accord et en ajoutant d’autres dispositions ! On peut donc comprendre que je n’aie pas entièrement confiance...
Cela étant, monsieur Wauquiez, vous nous dites que vous avez engagé des négociations pour l’année 2010. Nous sommes dans une situation sensiblement identique à celle que nous avons connue en 2009. J’espère que ces négociations aboutiront et que vous nous tiendrez informés de leur évolution. Dans ces conditions, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° II-146 est retiré.
L'amendement n° II-147, présenté par Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier et Printz, MM. Jeannerot, Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mmes Schillinger, Campion, Alquier, Chevé, Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l'emploi |
100 000 000 |
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100 000 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
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100 000 000 |
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100 000 000 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2 |
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TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à augmenter les crédits du programme 102, « Accès et retour à l'emploi », pour abonder de 100 millions d'euros la dotation destinée à l'allocation de solidarité spécifique, l’ASS, des chômeurs en fin de droits, qui est financée par le fonds de solidarité.
La situation économique a pour effet d'augmenter la durée moyenne du chômage et le nombre d'allocataires de l'ASS. On en compte actuellement 375 740, avec une allocation d'un montant de 598,40 euros pour une personne seule et de 1 196,80 euros pour un couple. Le revenu de solidarité active, le RSA, n'est que de 454,63 euros pour une personne seule et 681,95 euros pour un couple. Il y a là une source d’économie non négligeable compte tenu du nombre d'allocataires potentiels de l'ASS basculant dans le RSA.
Par conséquent, il est proposé de supprimer 100 millions de crédits relatifs à l'exonération de cotisations patronales liées aux services à la personne pour les particuliers employeurs dans le cadre de l'action 3, « Développement de l'emploi », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». En effet, l'augmentation pour 2010 de cette dotation ne tient pas compte du repli du nombre de particuliers employeurs constaté par l'ACOSS à la suite de la diminution de la demande solvable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission n’a pas délibéré sur cet amendement. Toutefois, comme il n’est pas destiné à créer des emplois, je n’y suis pas favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. J’aimerais tout d’abord saluer le geste élégant de Mme Demontès et je prends l’engagement solennel de la tenir informée de l’évolution des négociations que j’ai évoquées précédemment.
Cet amendement-ci concerne l’ASS. L’art de la prévision est toujours délicat, surtout en matière d’emploi. Mais, en l’occurrence, nous avons prévu d’augmenter le nombre d’allocataires de l’ASS pour le porter à 375 000. En outre, le montant de l’allocation sera revalorisé entre 2009 et 2010.
Il faut le savoir, le « retard » entre le moment où la crise augmente le nombre de chômeurs et celui où des chômeurs en fin de droits se trouvent dans des situations très douloureuses peut être important ; la durée moyenne est de deux ans. Nous avons donc essayé de procéder à une évaluation que nous estimons loyale.
Bien entendu, si des tensions devaient apparaître dans la mise en œuvre du dispositif, nous abonderions le fond à due proportion.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Compte tenu des informations qui viennent de nous être apportées par M. le secrétaire d’État et de son engagement quant à une clause de revoyure, nous retirons l’amendement n° II-147.
M. le président. L'amendement n° II-147 est retiré.
L'amendement n° II-144, présenté par Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier et Printz, MM. Jeannerot, Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mmes Schillinger, Campion, Alquier, Chevé, Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l'emploi |
60 000 000 |
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60 000 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
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60 000 000 |
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60 000 000 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2 |
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TOTAL |
60 000 000 |
60 000 000 |
60 000 000 |
60 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Par un décret du 22 avril 2009, le Gouvernement a instauré l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation, l’ADFEF, qui prend le relais de l'assurance chômage pour les demandeurs d'emploi en formation jusqu'à l'achèvement de celle-ci. Cette allocation se substitue en 2009, mais de manière temporaire, à l'allocation de fin de formation, AFF, financée par le fonds de solidarité et supprimée au 31 décembre 2008.
Le coût de l'ADFEF est pris en charge par le FISO, dont les crédits sont inscrits dans l'action 5, « Politiques actives de l'emploi », du programme 316 de la mission « Plan de relance de l'économie », qui couvre uniquement les entrées en formation au cours de l'année 2009.
L'allocation de fin de formation est un dispositif indispensable, notamment dans le secteur médico-social, pour assurer l'insertion dans un emploi qualifié.
Cet amendement vise à augmenter les crédits de la sous-action 1, « Indemnisation des demandeurs d'emploi », de l'action 1, « Amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi », du programme 102 pour abonder de 60 millions d'euros la dotation destinée à l'allocation de fin de formation, afin de financer de nouvelles entrées en 2010. Le décret du 22 avril 2009 devrait donc être modifié en conséquence.
Il est donc proposé de supprimer 60 millions d’euros de crédits relatifs à l'exonération de cotisations patronales liées aux services à la personne pour les particuliers employeurs dans le cadre de l'action 3, « Développement de l'emploi », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». En effet, l'augmentation pour 2010 de cette dotation ne tient pas compte du repli du nombre de particuliers employeurs constaté par l'ACOSS à la suite de la diminution de la demande solvable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances.
Personnellement, je trouve que le fait de permettre aux jeunes en fin d’indemnisation de pouvoir financer leur formation n’est pas une mauvaise idée. Autrement, ils resteraient chômeurs… Avec un tel dispositif, ils pourront au moins terminer leur formation.
Donc, je ne suis pas défavorable à cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je suis très impressionné par les positions de M. le rapporteur spécial ! (Nouveaux sourires.)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur spécial. Très spécial !
Mme Annie David. C’est simplement du bon sens !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Plus sérieusement, il s’agit là d’un vrai sujet.
L’AFDEF est notamment destinée à permettre à des demandeurs d’emplois en fin d’indemnisation de pouvoir mener leur formation à son terme.
J’avais beaucoup pesé pour que ce dispositif soit mis en place sur l’année 2009, et même se prolonge un peu au-delà. Il peut être utile pour les professions – je pense, par exemple, aux aides-soignants – dont la formation est longue.
Cela étant, l’ADFEF fait l’objet, plus encore que l’AER, d’un cofinancement. Mme Jarraud-Vergnolle le sait très bien, l’allocation est financée pour moitié par l’État et pour moitié par le fonds alimenté par les partenaires sociaux.
Nous avons saisi les partenaires sociaux pour savoir s’il leur semblait opportun de prolonger l’AFDEF et s’ils étaient d'accord pour compléter le financement.
En déposant cet amendement, vous prenez clairement position en faveur d’une telle option, ce qui marquera votre engagement dans ce débat.
Madame Jarraud-Vergnolle, je vous ferai donc la même réponse qu’à Mme Demontès, mais il ne s’agit pas d’une manière pour moi de « botter en touche ». Vous pourrez le vérifier en considérant les résultats l’année prochaine.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le secrétaire d’État, si vous nous certifiez que vous êtes en train de mener de négociations… (Exclamations amusées.)
M. Claude Jeannerot. Quel charme, monsieur le secrétaire d'État ! (Sourires.)
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je sais bien qu’avec des « si », on refait le monde, mais enfin… Et pourtant, nous étions soutenus par M. Dassault ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. C’est le monde à l’envers, ce soir !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous sommes confrontés à véritable problème. Monsieur le secrétaire d’État, je compte sur vous pour venir en aide aux professions médico-sociales. Vous avez fait référence aux aides-soignants. On pourrait également mentionner les moniteurs-éducateurs, dont la formation dure deux ans et se trouve souvent brutalement interrompue parce qu’elle n’est pas financée jusqu’à son terme.
Je compte donc sur vous, monsieur le secrétaire d’État. Je retire l’amendement n° II-144, mais nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet.
Mme Christiane Demontès. Nous ne vous lâcherons pas comme ça, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° II-144 est retiré.
L'amendement n° II-145, présenté par M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier et Printz, MM. Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mmes Schillinger, Campion, Alquier, Chevé, Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l'emploi |
|
30 000 000 |
|
30 000 000 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
30 000 000 |
|
30 000 000 |
|
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le secrétaire d’État, nous venons de manifester notre esprit de conciliation et de dialogue. Nous comptons donc beaucoup sur vous pour nous entendre sur cette proposition.
Il s’agit d’augmenter de 30 millions d'euros les crédits de l'action 2, « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et de la reconnaissance des compétences », du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».
En effet, nous souhaitons abonder de cette somme les crédits d'investissement de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, qui sont réduits de 10 millions d'euros pour 2010. Or cette diminution drastique est en contradiction avec le transfert en pleine propriété à l'AFPA du patrimoine immobilier, transfert dont vous avez pris l’initiative dans le cadre du récent projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Vous le savez, l’état du patrimoine immobilier de l’AFPA est plutôt contrasté, et nous avions clairement indiqué, lors de la discussion de ce projet de loi, que son transfert risquait fort d’être, par certains aspects, un cadeau empoisonné.
Aujourd'hui, nos craintes sont vérifiées, d’autant que vous avez décidé de diminuer la subvention de l’AFPA, amputant d’autant la capacité financière de cette institution pour intervenir dans le domaine de la rénovation du patrimoine. Or, aujourd'hui plus que jamais, l’AFPA a besoin d’une dotation d’investissement significative.
Monsieur le secrétaire d'État, on peut comprendre que vous diminuiez une subvention en période de difficultés économiques, mais à une seule condition : que cette diminution ne porte pas sur un secteur emblématique, à propos duquel le Gouvernement n’a eu de cesse de répéter qu’il est essentiel pour l’avenir de notre pays !
Apportez-nous la preuve que vous souhaitez garantir, comme vous l’avez indiqué, la pérennisation de l’AFPA en renforçant cette dotation d’investissement !
Actuellement, le risque est grand que le patrimoine de l’AFPA ne soit vendu « par appartements » : le libéralisme est à l’œuvre… Certes, ce n’est pas vous qui en porterez la responsabilité, car ce n’est pas vous qui prendrez ces décisions sur le terrain. Mais il est à craindre que certaines formations, notamment les plus longues et les plus coûteuses, c'est-à-dire celles qui sont à forte valeur ajoutée, ne soient abandonnées par cette institution. Or ce sont précisément celles-là qui sont souvent les plus efficaces pour le développement économique d’un territoire et pour la promotion sociale des salariés ou pour le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi. Le danger est que l’AFPA ne retienne que les formations dites « vaches à lait ».
Mme Nathalie Goulet. La référence n’est pas bonne par les temps qui courent…
M. Claude Jeannerot. J’en conviens !
Monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez parer à ce danger, donnez à l’AFPA les moyens financiers de mettre à niveau son patrimoine immobilier, car c’est une nécessité ! Un geste de votre part serait très fortement apprécié.
Pour respecter la procédure budgétaire, nous proposons de supprimer 30 millions d’euros de crédits de la dotation allouée au contrat d’autonomie inscrite dans l’action 2, « Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail », du programme 102, « Accès et retour à l’emploi », un dispositif qui ne fonctionne pas et dont le coût est prohibitif puisqu’il atteint 30 000 euros par jeune ! II convient donc de ne pas y prévoir de nouvelles entrées en 2010.
Monsieur le rapporteur spécial, si vous avez encore quelques doutes sur la pertinence de cet amendement, j’ajoute que celui-ci est de nature à créer des emplois : en stimulant l’investissement, il renforcera l’activité, notamment dans le secteur du bâtiment, tout en permettant de réaliser des formations à très forte valeur ajoutée, servant ainsi directement la cause des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances, mais je tiens à vous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de mon sentiment profond.
Nous avons voté 30 milliards d’euros d’allégements de charges, 30 milliards qui n’ont aucune incidence sur les créations d’emplois ; ils ne font que pérenniser des emplois. (M. le secrétaire d’État rit.) Et là, monsieur le secrétaire d'État, vous « mégoteriez » sur 30 millions d’euros, susceptibles de permettre à des adultes de trouver un emploi ?... Pourtant, ces deux sommes ne sont absolument pas comparables ! Il faut accepter cet amendement !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Allez, monsieur le secrétaire d'État ! (Sourires.)
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Trente millions, ce n’est rien ! Si vous enlevez 1 milliard d’euros sur les 30 milliards d’allégements de charges, vous avez tout l’argent nécessaire pour lancer des opérations vraiment intéressantes !
En conséquence, je ne saurais m’opposer à cet amendement. Mais je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement…
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Certes, j’entends bien votre appel, monsieur Jeannerot, mais, avec beaucoup de regret, je ne puis être favorable à cet amendement.
M. Guy Fischer. C’est le double langage !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je sais l’importance que vous attachez à l’AFPA et je reconnais qu’il faudra suivre attentivement l’évolution de ce dossier.
M. Guy Fischer. Venez donc à Vénissieux !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Vous avez raison, le transfert du patrimoine doit être équitable : l’État ne doit pas conserver le bon patrimoine et transférer le mauvais à l’AFPA. Ce transfert doit donner à l’AFPA tous les moyens de faire face à l’avenir.
Cela étant dit, honnêtement, j’ai du mal à comprendre votre raisonnement, monsieur le rapporteur spécial. Vous défendez les mesures en faveur des jeunes. Or il ne vous aura pas échappé que cet amendement vise précisément à amputer de 30 millions d’euros les crédits consacrés aux jeunes, et c’est ce qui me gêne.
M. Jeannerot est cohérent dans sa démarche puisqu’il considère que les contrats d’autonomie sont une mauvaise mesure pour les jeunes. Mais, monsieur Dassault, vous les utilisez dans vos entreprises, et vous savez qu’ils donnent des résultats très intéressants.
À cet égard, je veux répondre maintenant à Mme Demontès, parce que je n’ai pas eu la courtoisie de le faire précédemment. Ce dispositif connaît une vraie montée en puissance. Certes, les débuts ont été difficiles, mais le nombre de contrats signés s’élève à 19 000, non à 1 000 ! Si vous le voulez, madame la sénatrice, je tiens ces chiffres à votre disposition.
Quelles que soient les réserves que l’on peut émettre sur ce dispositif, je ne peux malheureusement pas souscrire à la démarche consistant à prélever des crédits destinés aux jeunes pour abonder les crédits dévolus à l’immobilier.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Pour ma part, je suis en total désaccord avec la position de M. le secrétaire d’État et je soutiens vivement l’amendement de Claude Jeannerot.
Ma commune, Vénissieux, abrite l’un des plus grands centres de l’AFPA,…
M. Guy Fischer. … un centre réputé, qui comprend également des installations d’hébergement.
Il est clair que l’état de l’immobilier est déterminant à la fois sur les conditions d’accueil des personnes en formation, mais aussi sur les résultats mêmes des formations dispensées. Vous ne pouvez pas savoir, monsieur le secrétaire d'État, à quel point ce centre d’hébergement a été un facteur de promotion sociale. Croyez-moi, les personnes les plus éloignées du lieu de leur formation et qui souhaitaient se recycler pour retrouver un emploi ou s’adapter à un cursus professionnel ont beaucoup apprécié la très grande qualité des conditions d’accueil offertes par ce centre.
Or vous voulez tout brader, ce qui revient finalement à démanteler l’AFPA ! Vous êtes vraiment en train de vendre les bijoux de famille !
M. Alain Vasselle. Encore !
M. Guy Fischer. Mais oui, vous êtes en train de vendre l’un des acteurs essentiels de la formation professionnelle ! Depuis des décennies, l’histoire de l’AFPA est liée à la promotion des travailleurs. Nous nous devions de vous le dire !
C’est pourquoi nous voterons l’amendement n° II-145.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Je maintiendrai, bien entendu, mon amendement, car je ne peux accepter le raccourci établi par M. le secrétaire d'État, qui consiste à dire que nous voulons transférer vers l’immobilier des crédits consacrés à l’emploi des jeunes.
Comme vient de le souligner de manière très éloquente mon collègue Guy Fischer, ces crédits ont, très directement, un effet de levier décisif sur la formation professionnelle et, par voie de conséquence, sur la valeur ajoutée apportée aux demandeurs d’emploi et aux salariés en matière de promotion sociale.
Notre proposition constitue également – c’est le sens même de la formation professionnelle ! – une réponse aux besoins exprimés aujourd’hui par les entreprises.
Je regrette que le Gouvernement n’y adhère pas.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je rejoins totalement les propos de mes collègues Guy Fischer et Claude Jeannerot concernant l’AFPA. Évidemment, je soutiendrai cet amendement.
Par ailleurs, je tiens à dire que nous soutenions l’ensemble des amendements proposés par nos collègues socialistes, qu’ils concernent l’AER, l’ASS ou l’ADFEF. J’ai pris acte de leur retrait et j’ai bien entendu vos explications, monsieur le secrétaire d’État. Mais sachez que nous serons très vigilants quant à ce qui résultera des négociations avec les partenaires sociaux, notamment en ce qui concerne l’AER et l’ASS.
Permettez-moi de vous poser une question, à laquelle M. le président de la commission des finances pourra peut-être aussi me répondre s’il est décidé à être, ce soir, un peu plus courtois et agréable à mon égard ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne comprends pas !
Mme Annie David. Les petites messes basses que je perçois ne sont pas toujours plaisantes !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De quoi parlez-vous ?
Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit que vous alliez peut-être, au terme d’une négociation, prolonger ces allocations. Mais nous sommes en train de voter le budget ! Alors, comment le Gouvernement pourrait-il, dans le respect de la LOLF, modifier les budgets votés, alors même que les crédits d’une mission sont affectés à un programme bien défini ?
Si vous décidez, par décret sans doute, d’augmenter les crédits, vous aggraverez plus encore le déficit, et donc la dette de l’État, ce que les propositions de nos collègues socialistes auraient permis d’éviter, ainsi que vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu !
J’aimerais avoir une réponse sur ce point.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Travail et emploi » figurant à l’état B.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite. Je ne puis donc vous donner la parole, mon cher collègue !
M. Alain Vasselle. Ah ? Voilà qui est nouveau !
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 61, 62 et 63 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
travail et emploi
Article 61
I. – L’article L. 5134-30-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 22 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, jusqu’au 31 décembre 2010, pour les ateliers et chantiers d’insertion conventionnés par l’État au titre de l’article L. 5132-2, le montant de l’aide financière versée au titre de la convention individuelle prévue à la sous-section 2 de la présente section peut être porté jusqu’à 105 % du montant brut du salaire minimum de croissance par heure travaillée, dans la limite de la durée légale hebdomadaire du travail. »
II. – À compter du 1er janvier 2010, le 2° de l’article L. 5423-24 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 24 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Adopté à l’unanimité par nos collègues de l’Assemblée nationale, l’article 61 prévoit de maintenir, pour l’année 2010, le taux d’aide majoré dont bénéficient les ateliers et chantiers d’insertion, les ACI, qui est actuellement de 105 %, contrairement à ce que prévoit la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, mais conformément aux souhaits des sénateurs de mon groupe.
Aussi ne pouvons-nous que vous féliciter de ce retour en arrière. En effet, l’article 22 de ladite loi dispose que « le montant de l’aide financière versée au titre de la convention individuelle prévue à la sous-section 2 de la présente section ne peut excéder 95 % du montant brut du salaire minimum de croissance par heure travaillée, dans la limite de la durée légale hebdomadaire du travail ».
Ainsi, sans prévoir d’exception pour les ateliers et chantiers d’insertion, dans le contexte actuel de crise économique, cette mesure mettait en grande difficulté ces structures alors que celles-ci ont, de l’avis même de M. le rapporteur spécial, un rôle crucial en cette période de crise. En effet, le nombre de personnes accompagnées dans leur recherche d’emploi est appelé à croître, notamment les populations très éloignées de l’emploi.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous livrer des informations sur les montants et les procédures de réévaluation de l’aide à l’accompagnement, qui ne nous semblent pas être à la hauteur des besoins ?
Je profite de cette intervention pour regretter le gel des crédits dédiés aux structures de l’IAE, l’insertion par l’activité économique. Ces structures, qui ont pour finalité de permettre aux personnes les plus éloignées du marché du travail de retrouver un emploi par le biais d’un parcours d’insertion adapté, seront naturellement beaucoup mises à contribution dans l’année à venir.
Malgré cette déception, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront cet article, espérant que celui-ci permettra aux publics visés de bénéficier de tous les outils susceptibles de retrouver durablement un emploi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 61.
(L'article 61 est adopté.)
Article 62
Le premier alinéa de l’article L. 5141-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« L’État peut, par convention, participer au financement d’actions d’accompagnement et de conseil organisées avant la création ou la reprise d’entreprise, et pendant les trois années suivantes, en faveur des personnes éloignées de l’emploi pour lesquelles la création et la reprise d’entreprise sont des moyens d’accès, de maintien et de retour à l’emploi. Les conditions d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L'amendement n° II-61, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'État peut, par convention, participer au financement d'actions d'accompagnement et de conseil organisées avant la création ou la reprise d'une entreprise et pendant les trois années suivantes. Ces actions peuvent bénéficier à des personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés pour s'insérer durablement dans l'emploi, pour lesquelles la création ou la reprise d'entreprise est un moyen d'accès, de maintien ou de retour à l'emploi. »
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Le Gouvernement veut élargir le champ des bénéficiaires des aides à la création d’entreprise. Actuellement, ces aides ne sont accordées qu’à des demandeurs d’emploi inscrits au chômage depuis au moins six mois au cours des dix-huit derniers mois. L’idée est d’assouplir les critères pour que tous les demandeurs d’emploi puissent bénéficier de ce dispositif.
Toutefois, la rédaction de l’Assemblée nationale nous est apparue, au sein de la commission des affaires sociales, quelque peu restrictive et susceptible de soulever des controverses. C’est pourquoi nous vous proposons une formulation permettant, selon nous, de sécuriser juridiquement le dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis d’autant plus heureux d’être resté dans l’hémicycle jusqu’à cette heure tardive que cela m’a permis de découvrir une nouvelle disposition du règlement, selon laquelle il faut s’inscrire dans un certain délai pour pouvoir expliquer son vote sur un article !
M. le président. C’est spécifique à la discussion du projet loi de finances, mon cher collègue !
M. Alain Vasselle. Alors, il faudra, au nom du parallélisme des formes, étendre cette règle à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale ! (Exclamations.)
On consacre pratiquement trois semaines à l’examen de la loi de finances, qui représente 240 milliards d’euros, mais on bâcle en une semaine l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, qui représente plus de 400 milliards d’euros !
Mme Évelyne Didier. Je suis d’accord avec vous !
M. Alain Vasselle. Il y a des budgets auxquels on ne pourrait consacrer qu’une heure de travail !
M. Guy Fischer. Bravo, Vasselle !
M. Alain Vasselle. Si l’on veut vraiment gagner du temps, on opte pour un parallélisme des formes sur l’ensemble des textes financiers !
Monsieur le président, je voterai, bien entendu, l’amendement n° II-61, mais je voudrais surtout revenir sur les crédits figurant à l’état B pour appeler l’attention de M. le secrétaire d’État sur la situation préoccupante dans laquelle se trouvent les entreprises d’insertion.
Je pensais qu’il aurait été possible de leur donner satisfaction grâce à l’amendement qu’a présenté tout à l'heure M. Dassault.
Mme Christiane Demontès. Pourquoi, alors, ne l’avez-vous pas voté ?
M. Alain Vasselle. Aujourd’hui, elles bénéficient d’une aide de 9 680 euros par emploi au titre du suivi socioprofessionnel, du surencadrement et du manque de productivité. Elles demandent que ce montant, qui n’a pas été réactualisé depuis plus de dix ans, soit porté à 12 500 euros, ce qui représenterait une dépense de 43 millions d’euros.
M. Guy Fischer. Il fallait voter avec nous !
M. Alain Vasselle. Dans ce budget, on aurait pu financer cette mesure sans aucune difficulté par un redéploiement du financement des contrats aidés, car ceux qui ont été votés l’année dernière n’ont pas été consommés dans leur totalité. Cela signifie que nous avions « surdoté » le budget de ces contrats aidés.
Monsieur le secrétaire d’État, chaque fois que l’on investit un euro dans une entreprise d’insertion, trois euros reviennent dans le budget de l’État et celui de la sécurité sociale.
Mme Évelyne Didier. C’est fait exprès !
M. Alain Vasselle. Il y a donc un effet de levier extrêmement important, au premier chef sur la création d’emplois. De plus, c’est une mesure sociale qui est très appréciée sur le terrain.
J’aimerais que le Gouvernement se penche sur cette question et trouve des solutions qui répondent à l’attente des entreprises d’insertion, faute de quoi ces dernières rencontreront de plus en plus de difficultés, au point d’arrêter leur activité les unes après les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, j’ai défendu le même point de vue que M. Vasselle en présentant l’amendement n° II-143 et en demandant notamment que l’aide au poste dans les entreprises d’insertion passe de 9 685 euros à 12 500 euros, qui est le coût réel.
Je suis d’accord avec M. Vasselle : effectivement, à l’heure actuelle, dans le contexte difficile que nous connaissons, beaucoup d’entreprises d’insertion ferment alors qu’elles jouent un rôle essentiel dans l’insertion des publics qui sont le plus éloignés de l’emploi.
Monsieur Vasselle, pourquoi donc, dans ces conditions, n’avez-vous pas voté notre amendement ?
M. Alain Vasselle. Il n’« impactait » pas la bonne ligne budgétaire ! (Rires.)
M. Guy Fischer. Voilà bien une position purement idéologique ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 62, modifié.
(L'article 62 est adopté.)
Article 63
Après le a du 1° de l’article L. 7232-4 du code du travail, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Les régies de quartiers ; ».
M. le président. L'amendement n° II-175, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« a bis) Les régies des quartiers. Un décret définit les conditions de leur agrément et de la dérogation à la clause d'activité exclusive dont elles bénéficient ; ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Il s’agit de permettre aux régies des quartiers de bénéficier de l’exercice d’activités de services à la personne. C’est un nouveau secteur sur lequel ces régies peuvent se développer et qui permet aussi de trouver des nouveaux débouchés dans une situation de crise économique particulièrement difficile pour elles ; je le constate dans ma propre commune. Je crois donc que cet amendement sera très utile.
Si vous le permettez, monsieur le président, je saisis cette occasion pour répondre aux interventions de Mme David, vis-à-vis de laquelle je crois observer toujours la plus grande courtoisie, de M. Vasselle et de Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Madame David, dans le projet de budget pour 2010 sont d’ores et déjà prévus les crédits destinés à l’ADFEF et à l’AER puisque ces dispositifs doivent être prolongés au-delà du 31 décembre. Si une décision est prise en ce sens, on commencera par puiser dans ces crédits-là. Ensuite, s’il faut aller plus loin, on fonctionnera classiquement, avec un décret d’avance, puis une régularisation dans le cadre d’une loi de finances rectificative. S’agissant de l’AFDEF, qui fait l’objet d’un financement conjoint avec les partenaires sociaux, il serait recouru au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP.
L’insertion par l’activité économique, monsieur Vasselle, est un sujet qui me tient très à cœur, et pour une raison simple : je me suis moi-même investi, avant d’être élu, dans une entreprise d’insertion. Par conséquent, je connais très bien ce secteur.
Les moyens de l’insertion par l’activité économique ont été renforcés. En effet, ils sont passés dans le budget de moins de 130 millions d’euros voilà cinq ans à plus de 200 millions d’euros aujourd’hui.
Par ailleurs, j’ai demandé que, dans le plan de relance, un volet soit consacré à l’insertion par l’activité économique, ce qui nous a permis de financer des postes supplémentaires.
Comme l’a souligné Mme David, que je remercie de son honnêteté, on prévoit également que les secteurs de l’insertion par l’activité économique – c’était l’objet de l’article précédent – puissent bénéficier des contrats aidés.
Enfin, nous sommes en train d’étudier avec le Conseil national de l’insertion par l’activité économique, satisfait jusqu’à présent du travail mené, des dispositifs destinés à améliorer les modalités de financement.
En effet, un chantier d’insertion ou une entreprise d’insertion qui embauche des personnes en grande difficulté n’est pas plus aidé qu’un chantier ou une entreprise qui embauche des personnes en situation de moindre difficulté. Par conséquent, quand on gère un chantier d’insertion, on a plutôt intérêt à prendre des gens qui sont en moins grande difficulté.
L’objectif est de prendre en compte, en mettant plus d’argent sur la table, les personnes qui sont en plus grande difficulté et qui ont besoin de davantage d’accompagnement. Nous accomplissons vraiment un travail de fond sur ce sujet.
Sur le terrain, il faut rassurer les entreprises d’insertion qui, je le sais, sont inquiètes. Lors du dernier Conseil national, j’ai demandé aux structures d’insertion de relayer auprès de leurs adhérents la démarche conjointe que nous promouvons pour qu’elles soient rassurées sur leur avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 63, modifié.
(L'article 63 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 63
M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-22 est présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-148 est présenté par Mmes Printz, Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Jeannerot, Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mmes Schillinger, Campion, Alquier, Chevé, Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° du V de l'article L. 241-13 est abrogé ;
2° L'article L. 241-14 est abrogé.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’amendement n° II-22 de la commission des finances vise à mettre un terme à l’exonération de cotisations sociales sur l’avantage en nature accordé par les hôtels, cafés et restaurants. J’insiste bien sur le fait que cela ne concerne pas les autres entreprises ni les autres employeurs : c’est une disposition spécifique.
Tout à l’heure, M. le secrétaire d’État semblait avoir des réserves sur la réallocation immédiate à d’autres actions des 150 millions d’euros d’économie. Mais ce n’est pas parce que le Parlement vote des crédits que le Gouvernement est obligé de les dépenser !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est une limite qui est fixée par le Parlement. En l’occurrence, si le Sénat votait cette disposition, il y aurait une économie immédiate, monsieur le secrétaire d’État, et cela répondrait à votre souhait.
J’ai noté aussi que M. Vasselle regrettait que l’on n’ait pas mis à votre disposition les 150 millions nécessaires pour l’insertion.
Cela étant, le débat a eu lieu et a été sanctionné par un vote. Dans ces conditions, la commission des finances retire son amendement.
M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-148 est retiré.
L'amendement n° II-23 rectifié, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l'article 230 H du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « deux cent cinquante salariés » sont remplacés par les mots : « cinquante salariés » ;
2° Dans le dernier alinéa, le pourcentage : « 3 % » est remplacé par le pourcentage : « 4 % ».
II. - La perte de recette résultant pour les organismes de sécurité sociale d'une augmentation du nombre de contrats d'apprentissage exonérés de cotisations et de contributions sociales dans les conditions prévues aux articles L. 6243-2 et suivants du code du travail est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recette résultant pour l'État d'une augmentation du nombre de contrats d'apprentissage exonérés d'impôt sur le revenu est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Les apprentis ou ceux qui veulent le devenir doivent avant tout trouver une entreprise susceptible de les accueillir. Or il s’avère qu’ils ont aujourd’hui beaucoup de mal à en trouver. La situation est la même pour ceux qui doivent effectuer un stage de fin d’études en entreprise en vue d’obtenir leur diplôme.
Pour faciliter la tâche des uns et des autres, il s’agirait d’obliger les entreprises à les prendre, puisque les chefs d’entreprise ne le font pas de bonne grâce ! Cela contribuerait surtout à la réalisation de notre objectif consistant à développer l’apprentissage.
Il existe déjà une majoration de la taxe d’apprentissage dans les entreprises de 250 salariés qui n’emploient pas plus de 3 % de salariés en alternance. Pour accroître les offres de stage, nous proposons d’abaisser ce seuil à 50 salariés et de faire passer cette proportion de 3 % à 4 %.
Les entreprises qui refuseraient d’embaucher plus de 4 % d’apprentis seraient pénalisées. Mais il est évident qu’il ne peut en être de même pour celles qui n’ont aucune demande ! C’est ce à quoi tend cet amendement auquel je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, chers amis, chers collègues de tous bords, de faire, pour une fois, bon accueil ! (Rires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. S’il y a un sujet sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, c’est bien celui du développement de l’apprentissage !
Reconnaissons-le honnêtement, dans notre pays, les difficultés d’insertion des jeunes dans l’emploi ne datent pas de la crise. Elles ont des causes structurelles, en particulier l’insuffisant développement de l’apprentissage, les formations qui ne sont pas ancrées dans les réalités pratiques, l’insuffisance des contacts avec les futurs employeurs. Voilà pourquoi notre pays a plus de mal à permettre à ses étudiants de trouver un emploi. Et si quelqu’un en est convaincu, c’est bien moi !
Personnellement, je ne crois pas du tout aux dispositifs du type « prime contre l’absentéisme » qui ont récemment agité les esprits. En revanche, pour aider nos étudiants à trouver un emploi, il faut absolument développer l’apprentissage.
J’en reviens à l’amendement n° II-23 rectifié. Je tiens à le rappeler, nous avons œuvré ensemble : avec l’aide du Sénat, nous avons étendu le dispositif « zéro charge » pour les entreprises qui emploient un apprenti ; nous avons également mis en place une prime exceptionnelle pour l’embauche d’un deuxième apprenti. Ces aides exceptionnelles nous ont permis de redresser la situation au moment même où, pourtant, nous traversions une période de crise. Alors que, en début d’année, nous enregistrions une diminution de 20 % du nombre des apprentis, nous aurons remonté la pente à la fin de l’année.
Le Sénat a également apporté un précieux concours à la réforme de la formation professionnelle, notamment en facilitant la mise en place de contrats d’apprentissage pour certains métiers dangereux – je pense, par exemple, aux grutiers –, pour lesquels les règles administratives excluaient de fait le recrutement d’apprentis. Les travaux du Sénat ont permis d’introduire une plus grande souplesse en la matière.
Une autre étape va maintenant s’ouvrir. Après avoir paré au plus urgent, dans un contexte de crise, nous allons agir structurellement sur le développement de l’apprentissage, grâce à la mise en place, avant la fin du mois de décembre, des ateliers de l’apprentissage et de l’alternance, qui réuniront tous les professionnels concernés. L’objectif est de développer l’apprentissage dans toutes les formations, qu’il s’agisse de métiers manuels, d’emplois de la fonction publique ou de fonctions d’encadrement ou de haut niveau technique, du type cadre commercial ou ingénieur.
Nous nous apprêtons à ouvrir ce vaste champ de négociations. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai déjà eu l’occasion de vous montrer ma détermination dans ce domaine. Je peux vous l’affirmer : nous n’abandonnerons pas ce chantier !
J’aurai d’ailleurs besoin, monsieur Dassault, dans le cadre de ces ateliers de l’apprentissage et de l’alternance, de votre vaste expérience en la matière et de votre grande force de conviction. Je sais en effet combien vous vous êtes impliqué dans ce domaine et je connais les dispositifs que vous avez mis en œuvre dans votre entreprise.
Sans doute aboutirons-nous, après un mois et demi d’une intense concertation, à la disposition que vous venez de proposer. Mais il ne peut s’agir en aucun cas d’un préalable à la discussion.
Car cette disposition, qui risque de ne pas avoir les effets escomptés, est lourde : elle consiste à faire le choix de la contrainte législative. Or, plutôt que d’offrir à nos jeunes des places en apprentissage, les entreprises pourront très bien choisir, comme aujourd’hui, avec un taux d’apprentis fixé à 3 %, de payer la majoration de taxe d’apprentissage ! Avant de prévoir un taux minimal de 4 % de salariés en alternance, il convient donc de s’assurer qu’elles feront réellement le choix de l’apprentissage, ne se contentant pas de s’exonérer, en payant, de leurs obligations en matière de formation.
Monsieur Dassault, j’adhère complètement à votre volonté de développer l’apprentissage, qui constitue un sujet de fond, et c’est pourquoi je souhaite très sincèrement que vous vouliez bien accepter de participer aux ateliers de l’apprentissage et de l’alternance que nous allons mettre en place, pour nous aider à convaincre les entreprises d’évoluer en la matière, car il ne sera pas nécessairement facile de les faire bouger.
Je considère donc cet amendement comme un amendement d’appel.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je souhaite simplement vous rappeler que nous avons voté en 2007 la loi de modernisation sociale.
Le président Gérard Larcher a entamé une réflexion sur ce sujet. En tout cas, le Sénat ne saurait engager les entreprises et les partenaires sociaux sans que soit au préalable organisée une concertation.
Rejoignant l’avis de M. le secrétaire d’État, j’estime donc que nous ne pouvons adopter cette mesure en l’état.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. L’amendement n° II-23 rectifié me semble parfaitement légitime. En effet, sur le terrain, nous rencontrons très souvent des jeunes qui recherchent vainement un contrat d’apprentissage. Une telle situation pose un véritable problème.
Toutefois, la solution consiste-t-elle à abaisser à 50 salariés le seuil à partir duquel les entreprises s’exposeront à une majoration de la taxe d’apprentissage, tout en relevant la proportion de leurs apprentis à 4 % des effectifs ?
Sans doute faut-il d’abord mener des actions de sensibilisation. En effet, depuis de nombreuses années, nous incitons les entreprises à embaucher des apprentis, mais sans obtenir de réels résultats. Nous devons donc trouver une formule plus motivante en la matière.
J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, que la difficulté est encore plus grande lorsque ces jeunes se trouvent en milieu rural, où les entreprises de 250 salariés, c'est-à-dire celles qui sont théoriquement contraintes d’accueillir des apprentis, ne sont pas forcément installées à leur porte ! Il leur faut alors se tourner vers les petites et moyennes entreprises, la plupart du temps des artisans, qui n’ont que quelques salariés. Une nouvelle taxation de ces derniers serait totalement contre-productive !
Dans ces conditions, que faire ? Trouver de nouvelles mesures incitatives ? Assouplir le droit du travail ? Force est de constater que les différentes solutions mises en œuvre n’ont pas donné les résultats attendus. Monsieur Dassault, êtes-vous prêt à suivre la proposition de M. le secrétaire d'État ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Me ralliant à l’avis du Gouvernement, je retire cet amendement. Je suis bien entendu à votre disposition, monsieur le secrétaire d'État, pour faire en sorte que tout cela puisse fonctionner aussi bien que possible.
M. Alain Vasselle. Bravo !
M. le président. L’amendement n° II-23 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Politique des territoires
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » est placée, pour 2010, sous le signe de la continuité avec 2009.
Dans ce projet de budget, l’organisation est quasiment inchangée par rapport au précédent budget, la mission conservant ses deux programmes dans un périmètre stable. Le premier programme correspond aux moyens mis à la disposition de la DIACT, la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, appelée à retrouver prochainement son ancienne appellation de DATAR, délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale. Le second est consacré aux « interventions territoriales de l’État », de portée régionale et interministérielle.
La mission se trouve ainsi au cœur de l’aménagement du territoire.
Il faut le souligner, cette politique se situe naturellement au carrefour de nombreuses interventions publiques. L’effort budgétaire global en la matière est évalué pour 2010 à 4,9 milliards d’euros. Ces crédits sont affectés, pour tout ou partie, à 34 programmes au total, relevant de 16 missions, dont les deux programmes de la mission « Politique des territoires ». Ils représentent plus de dix fois les crédits de celle-ci.
La continuité que j’évoquais s’observe également pour ce qui concerne les crédits de la mission. Avec, pour 2010, 385 millions d’euros en autorisations d’engagement et 378 millions d’euros en crédits de paiement, cette mission constitue la plus petite des missions du budget général dotées d’objectifs de performance.
Sur le fond, les actions prévues pour 2010 assureront la poursuite des actions engagées en 2009.
Ainsi, le programme géré par la DATAR, doté de 346 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 342 millions d’euros en crédits de paiement, sera employé au financement de dispositifs très divers, tels que : les contrats de projets État-région 2007-2013, lesquels entreront en 2010 dans leur quatrième année d’exécution, avec des taux d’avancement satisfaisants ; la prime d’aménagement du territoire, dont le bilan récent, en termes d’emplois aidés, est relativement satisfaisant ; le plan d’accompagnement du redéploiement des armées, qui se met progressivement en place ; les pôles de compétitivité, ainsi que les « grappes d’entreprises », qui constituent une sorte de variante des premiers pour des réseaux de petite taille ; les pôles d’excellence rurale.
Quant au programme « Interventions territoriales de l’État », il est doté de 39 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 36 millions d’euros en crédits de paiement. Il regroupe les mêmes actions qu’en 2009, à savoir : la « reconquête » de la qualité de l’eau en Bretagne, notamment par le biais du plan d’urgence nitrates, mis en place dans le cadre du contentieux européen sur la qualité des « eaux brutes » ; le plan exceptionnel d’investissements en faveur des établissements publics de la Corse ; l’écologie du Marais poitevin ; enfin, le programme de santé mis en œuvre à la Guadeloupe et à la Martinique en raison de la présence dans les sols de chlordécone.
Dans ce contexte de continuité, il convient de distinguer les points positifs et ceux qui appellent une amélioration.
Concernant les aspects positifs, je retiendrai à titre principal le souci de « soutenabilité » des engagements pris sur les deux programmes de la mission.
C’est particulièrement vrai pour le budget confié à la DATAR puisqu’une importante action de désendettement est mise en œuvre depuis 2007, notamment en ce qui concerne le FNADT, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, dont les moyens sont mobilisés par le programme. Cet effort est passé par des autorisations d’engagement contenues et des crédits de paiement de nature à permettre la couverture des engagements antérieurs. La situation est aujourd’hui assainie : à la fin du premier semestre 2009, la dette exigible sur le FNADT était nulle.
Toutefois, les encours d’autorisations d’engagement sont encore évalués à hauteur de 560 millions d’euros. J’attire donc votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur la nécessité de ne pas relâcher l’effort de « soutenabilité », pour éviter de renouer avec les tensions financières que nous avons connues avant 2007.
Quant aux améliorations souhaitables, elles concernent essentiellement des enjeux d’évaluation.
En premier lieu, une évaluation renforcée de la politique des pôles me semble nécessaire, en commençant par les pôles de compétitivité, dont le dispositif vient de faire l’objet d’un référé assez critique de la Cour des comptes. On attend également une évaluation des pôles d’excellence rurale, dont le Sénat a débattu lors de sa séance du 21 octobre dernier.
En second lieu, je préconise l’évaluation des dépenses fiscales rattachées au programme géré par la DATAR. Pour 2010, celles-ci devraient représenter quelque 622 millions d’euros, soit 1,8 fois le montant des crédits du programme lui-même. L’évaluation est indispensable, d’autant qu’il convient de s’interroger sur le saupoudrage mis en œuvre en ce domaine.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Politique des territoires » pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur le banc des commissions. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Politique des territoires » pour 2010 se place dans le prolongement de celui qui avait été adopté pour 2009, dont les autorisations d’engagement s’élevaient à 382 millions d’euros.
Le programme 162 concerne les moyens de la DIACT, ou de la DATAR, puisque celle-ci doit retrouver son nom historique, cher à nombre d’entre nous. Ces ressources sont stables, alors que la programmation pluriannuelle prévoyait une diminution de 12 % ; il faut s’en réjouir, car cela permettra de lancer plus rapidement les actions prévues.
Je me félicite également de la situation financière saine retrouvée depuis l’an dernier par le FNADT.
L’autre programme de cette mission concerne les « Interventions territoriales de l’État » et regroupe quatre actions destinées à des territoires particuliers : la reconquête de la qualité des eaux en Bretagne, le programme exceptionnel d’investissements en faveur de la Corse, le plan gouvernemental sur le Marais poitevin et, enfin, le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, pour un montant de 36 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Je regrette toutefois que cette mission se limite à ces deux programmes, alors que les moyens réellement consacrés à la politique d’aménagement du territoire s’élèvent à 5 milliards d’euros environ. L’objectif de clarification de la LOLF n’est, ici, pas atteint.
Il faut également considérer les nombreuses dépenses fiscales comportant une dimension d’aménagement du territoire : celles-ci représentent un montant estimé à 800 millions d’euros.
S’agissant du contenu des politiques menées, je voudrais évoquer trois thèmes : la politique des pôles, la réponse à la crise et les nouveaux chantiers du ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.
Les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale sont prolongés pour une nouvelle période de trois ans ; il faut s’en féliciter, car ces deux dispositifs ont un effet très dynamisant sur l’activité économique des territoires.
S’agissant des pôles d’excellence rurale – PER –, le nouveau cahier des charges prévoit avec raison que l’enveloppe attribuée à chacun d’entre eux pourra aller jusqu’à 1,5 million d’euros. Je regrette toutefois qu’aucun nouveau soutien financier à l’ingénierie ne soit prévu, alors que celle-ci représente une charge importante pour les acteurs locaux, qui nous avaient d’ailleurs alertés sur ce point lors du rapport que nous avions réalisé. D’autre part, les délais pour le dépôt des dossiers du premier appel à projets, fixés au 20 janvier 2010, sont encore plus courts que ceux de la première vague des PER, compte tenu de la période de Noël. Nous préconisions un délai un peu plus long, et il serait peut-être judicieux de reporter l’échéance au 20 février 2010.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. On a jusqu’au mois de juin !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Je veux enfin faire observer que notre commission a critiqué, pour ces deux dispositifs, la complexité du système de financement. Une ligne budgétaire unique devrait mieux retracer les crédits consacrés aux pôles d’excellence rurale, qui restent toujours aussi peu lisibles dans le budget de l’État.
En ce qui concerne la crise, il faut souligner que le plan de relance a été marqué par une forte composante territoriale. Il a permis une accélération notable de la mise en œuvre des contrats de projets État-région. Ces crédits sont consacrés à des projets d’investissements porteurs d’avenir : voilà un signal positif pour les territoires.
Au-delà de la crise, vous avez lancé, monsieur le ministre, les assises de la ruralité, pour que l’avenir du monde rural dans toutes ses dimensions soit mis en débat. Je me réjouis de cette initiative et j’espère qu’elle permettra notamment de desserrer certains freins administratifs qui entravent la mise en œuvre des dispositifs existants. Je pense notamment aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui seraient un excellent dispositif s’ils faisaient l’objet d’une application plus souple par les services administratifs et d’une même lecture dans l’ensemble de nos départements.
Je voudrais, pour conclure, signaler le sujet de préoccupation croissant que constitue le déploiement de la télévision numérique terrestre. Il est essentiel qu’aucun écran ne reste noir à l’arrêt du signal analogique, le 1er décembre 2011 ; cela doit passer par la « numérisation » du plus grand nombre possible de réémetteurs et par l’aide à l’installation de paraboles pour tous, qui a été annoncée par le Premier ministre.
Cette mission m’a fait aborder des sujets divers, car elle est située au carrefour des politiques de soutien aux territoires. Je crois que ce projet de budget va dans la bonne direction. C’est pourquoi la commission de l’économie a émis un avis favorable quant à l’adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un enfant né dans le Gers a-t-il aujourd’hui les mêmes chances de réussir sa vie professionnelle que de jeunes Parisiens, Lyonnais ou Toulousains ? Élu rural, je considère que l’égalité des chances est consubstantielle à la République.
Véritable obligation nationale, la politique des territoires constitue le cœur d’un aménagement du territoire conçu de façon « offensive » par le Président de la République.
Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », contient les outils stratégiques pour mener à bien cette politique. Ainsi, l’essentiel des 385 millions d’euros d’autorisations d’engagement et des 378 millions d’euros de crédits de paiement est affecté à la DIACT, qui redevient enfin la DATAR, sigle dont le développement traduit clairement la vocation : délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale.
L’action 1, « Attractivité économique et compétitivité des territoires », concerne la prime d’aménagement du territoire, qui permet de créer des emplois durables dans les zones fragiles et défavorisées, comme les ZRR, qui sont essentielles pour créer des opportunités d’implantation de TPE ou de PME. Elle regroupe également les financements octroyés par l’Agence française pour les investissements internationaux, dont l’action prospective pourrait être plus efficace sur l’ensemble du territoire si elle communiquait mieux ; en effet, les élus en ignorent souvent l’existence.
L’action 2 donne priorité au « développement solidaire et équilibré des territoires », grâce au FNADT, aux contrats de projets État-région, dont l’exécution est accélérée par le plan de relance, et aux pôles d’excellence rurale. Ceux-ci, bâtis sur des partenariats public-privé, constituent une très heureuse initiative, car ils valorisent les productions et savoir-faire locaux, et suscitent des emplois. Ils ont insufflé une véritable dynamique rurale.
Monsieur le ministre, vous avez dit, avec réalisme, mais aussi avec prudence et habileté, que vous aviez « toujours pensé qu’un bon budget n’était pas forcément un budget en augmentation ». Avec une hausse de 12 %, vous disposez vraiment de marges pour mener à bien vos actions.
Je m’interroge sur la réalité de la couverture numérique et en téléphonie mobile : si l’aménagement numérique à haut débit couvre 98,9 % de la population, ce qui est un excellent pourcentage théorique, sur le terrain, il en est autrement. Mon département du Gers doit faire partie du 1,1 % restant… Et qu’en sera-t-il du très haut débit ? Où en sont l’application du plan de couverture des zones blanches et la mise en place de la TNT ? Ce sont des éléments essentiels pour donner à ce département, comme à tout département rural, une chance d’équilibrer son économie.
M. Yvon Collin. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Le lancement d’un nouveau cycle de PER, dont l’un des champs est la démographie médicale, dynamisera nos territoires.
Les assises des territoires ruraux ouvrent des perspectives pour des zones rurales en mutation et déboucheront sur une nouvelle charte des services publics et au public. Cela est très positif pour le présent et le futur.
Grâce à toutes ces actions, vous donnez vie à la phrase de l’académicien Jacques de Lacretelle : « La ville a une figure, la campagne a une âme. » Je voterai donc ce budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’UMP, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en quelques mots, saluer le retour de l’État dans la mise en œuvre du plan gouvernemental pour le Marais poitevin, et l’effort financier consenti, qui offre des moyens nouveaux à ce territoire présentant un intérêt écologique, touristique et économique considérable.
Le Marais poitevin intéresse trois départements – la Vendée, pour plus des deux tiers de sa surface, les Deux-Sèvres et la Charente-Maritime – et deux régions – les Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Composé de marais asséchés et humides, il présente l’originalité, contrairement à certaines idées reçues, d’avoir été façonné par la main de l’homme, qui en a fait une richesse pour son élevage et sa culture, mais aussi une défense contre les crues et les inondations. En retour, la survie du Marais poitevin dépend de cette même main de l’homme, indispensable à l’entretien de ses berges et fossés, qui permettent à l’eau d’irriguer les canaux sans engloutir cet espace remarquable.
C’est un espace peuplé qui n’est donc pas figé. Il est primordial de respecter son environnement, mais les activités humaines qui s’y développent doivent pouvoir coexister de manière harmonieuse.
Le présent projet de loi de finances fait bénéficier le plan gouvernemental sur le marais poitevin d’un niveau de crédits de paiement très supérieur à celui de la loi de finances pour 2009 : 5,1 millions d’euros, soit un accroissement de 81,6 %, qui traduit les autorisations d’engagement précédentes.
Trois objectifs essentiels sont poursuivis.
Le premier concerne la gestion de la ressource en eau, qui fait figure de question centrale. On sait aujourd’hui que les prélèvements d’eau effectués dans le milieu naturel en période estivale peuvent avoir des incidences dommageables sur le marais. La substitution de ces prélèvements par des prélèvements réalisés durant l’hiver ou pendant une période excédentaire en eau préserve le milieu et la ressource.
Je me réjouis tout particulièrement, et avec moi tous les élus du département de la Vendée, de l’engagement de l’État de contribuer financièrement à la réalisation de réserves de substitution.
Le deuxième objectif de cet effort financier est d’avoir une agriculture d’excellence, conforme aux enjeux environnementaux du marais, c’est-à-dire respectueuse des milieux herbagers. L’augmentation des crédits de paiement est, là aussi, nécessaire : il faut des aides à la reconversion agricole et des acquisitions foncières pour reconquérir l’espace qui a été gagné par la nature et qui, faute d’intervention de l’homme, pourrait disparaître.
Enfin, et c’est le troisième objectif de cet effort financier, il faut gérer et aménager le patrimoine du marais pour que ce dernier soit aussi un lieu de tourisme, de loisirs et de découverte de la nature.
Tout cela doit s’effectuer en concertation avec toutes les collectivités présentes sur ce territoire, en associant les élus locaux, qui connaissent très bien ce milieu et qui sont les meilleurs experts pour l’élaboration d’une nouvelle charte en vue d’obtenir la labellisation.
Je voudrais rappeler à ce propos qu’en l’absence de pilotage de l’État depuis le plan de 2006, le conseil général de la Vendée, signataire du protocole en 2003, a poursuivi sa forte implication sur ce territoire, en consacrant plus de 30 millions d’euros de crédits aux différentes rubriques qui le concernent dans le cadre de ce plan.
Pour conclure, je constaterai avec satisfaction que le Gouvernement est décidé à agir, qu’il renforce les moyens que nous réclamons depuis longtemps pour protéger et développer le Marais poitevin.
Il est temps aujourd’hui de retrouver la vocation originelle du Marais poitevin : un espace où l’homme et la nature se servent mutuellement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons à examiner aujourd’hui les crédits de la mission « Politique des territoires », qui reste, comme le souligne le rapporteur, la plus petite mission du budget général assortie d’objectifs de performance.
En effet, il s’agit d’une mission transversale qui touche l’ensemble des secteurs d’intervention de l’État. Par conséquent, les crédits inscrits dans cette mission ne recouvrent pas l’ensemble des actions menées.
Les documents budgétaires qui nous sont soumis concernent principalement le budget affecté à la DIACT, ex et future DATAR, et les actions spécifiques territoriales au sein du programme « Interventions territoriales de l’État ».
Il est intéressant de noter que les exonérations fiscales prévues au titre de l’aménagement des territoires représentent presque le double de l’enveloppe globale affectée à cette mission, puisqu’elles atteignent 622 millions d’euros.
À cet égard, nous nous associons à la demande du rapporteur, qui souhaite la mise en place d’une évaluation de cette dépense fiscale. Je pense notamment à l’utilisation du crédit d’impôt « anti-délocalisation », qui représente un coût total estimé à 140 millions d’euros pour cette année. L’examen de ces crédits devrait donc être l’occasion de faire un bilan sur la désertification des territoires, notamment pour ce qui est des activités industrielles.
En ce qui concerne plus particulièrement les actions menées grâce à ces investissements, nous notons également que la Cour des comptes émet une analyse critique sur la mise en place des pôles de compétitivité lancés depuis 2004. Là encore, la réalisation d’un bilan est nécessaire.
Ces pôles de compétitivité traduisent au fond conception qu’a le Gouvernement de l’aménagement : d’un côté, des zones attractives où se concentrent l’essentiel des richesses et des moyens, de l’autre, des zones laissées à l’abandon. Il s’agit en quelque sorte d’un développement territorial à double vitesse, qui ne correspond nullement à notre conception de l’aménagement du territoire.
Nous déplorons également que le taux de réalisation des nouveaux contrats de projet État-région soit seulement de 38 %, ce qui se situe largement en deçà des attentes.
Comme je le disais, nous sommes donc confrontés à un exercice difficile dans l’examen de ces crédits puisque l’essence même de la politique des territoires ne peut s’appréhender à la lecture des bleus budgétaires. Je vais donc m’efforcer de situer cette mission dans un contexte plus global, afin d’étudier concrètement l’action de ce gouvernement en faveur des territoires.
Nous nous réjouissons de la création d’un ministère de plein exercice de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Cette décision est la traduction de la prise en considération, par le Gouvernement, de ces thématiques de l’action publique. Dans le même esprit, des assises des territoires ruraux et du service public sont annoncées.
Pour autant, la politique de la rentabilité économique appliquée aux services publics et aux territoires conduit à la suppression de nombreux services publics dans nos campagnes et dans nos villes : hôpitaux, écoles, bureaux de poste, gares ; toutes ces fermetures aggravent les disparités entre territoires et l’accès aux services publics n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire national.
Néanmoins, vous poursuivez avec beaucoup de constance le désengagement de l’État. Je citerai trois exemples.
Premièrement, la suppression de la taxe professionnelle privera les collectivités locales de ressources pérennes, des ressources pourtant nécessaires pour financer les services publics locaux. (Marques de dénégation de M. le ministre.) Vous allez contraindre les collectivités à un choix douloureux : maintenir des services publics de qualité, et donc augmenter les impôts, ou bien diminuer l’offre, alors que la crise devrait inciter bien au contraire à renforcer les solidarités. C’est un choix impossible auquel nombre d’élus vont être très vite confrontés.
Deuxièmement, la réforme des collectivités, dont nous devons débattre prochainement, va conduire à la suppression de nombreuses fonctions électives, notamment dans les territoires ruraux. Ce sont autant d’espaces de démocratie qui vont disparaître.
Troisièmement, je citerai bien évidemment le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, dont nous venons de débattre, qui concerne directement l’aménagement du territoire. Ce texte, en changeant le statut de La Poste, condamne celle-ci à se plier aux règles du marché et de la rentabilité économique.
La présence de 17 000 points de contact est garantie, mais l’expression « points de contact » recouvre des réalités bien différentes. Je pense notamment à la mission d’accessibilité bancaire, qui ne pourra plus se faire dans nombre de communes rurales.
La création d’agences postales communales est plus ou moins imposée aux communes.
M. Pierre Hérisson. Comment cela ?
Mme Évelyne Didier. Les collectivités qui font ce choix sont obligées de participer au financement et la compensation accordée par le fonds postal national de péréquation territoriale n’est pas à la hauteur.
Que dire également de la pérennité de ce fonds de péréquation, alors même que celui-ci est financé par l’exonération de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste ? Connaissant l’avenir de cette taxe, nous avons les plus grands doutes sur l’avenir de ce fonds.
Pour toutes ces raisons, nous avons combattu le changement de statut de La Poste.
Bien d’autres sujets pourraient être évoqués ici.
Ainsi, le plan fret porte en germe l’abandon de l’activité de wagons isolés. Ce plan va porter atteinte à l’attractivité des territoires en privant les entreprises de ce service de proximité.
Par ailleurs, les territoires ruraux sont confrontés à des problèmes sanitaires. À ce titre, les premières mesures de démographie médicale prises dans le cadre de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux n’ont pas apporté de réelles solutions. Celles qui figurent dans la loi « hôpital, patients, santé et territoires », notamment celles qui concernent les maisons de la santé, ne sont pas inintéressantes, mais, si l’on veut mettre en place une véritable couverture médicale et inciter les médecins à s’installer en milieu rural, il faut avant tout raisonner en termes de « bassins d’urgence ». À cet égard, le décret annoncé par Roselyne Bachelot-Narquin, qui supprimera encore des centaines de blocs chirurgicaux, nous inspire les plus grandes inquiétudes.
Il en est de même pour l’aménagement numérique. Au-delà des 4,5 millions d’euros prévus dans cette mission, on y voit une parfaite illustration du modèle de développement que vous proposez : concurrence sur les territoires rentables et intervention publique lorsque les conditions de rentabilité du service ne sont pas réunies. Le schéma est très clair : socialiser les pertes et privatiser les profits.
La logique qui prévaut aujourd’hui est, de notre point de vue, contraire à l’impératif d’un aménagement du territoire solidaire et équilibré. La RGPP en est la traduction la plus évidente.
Pour ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, reconnaissons ensemble que c’est la première fois depuis longtemps que l’espace rural et l’aménagement du territoire sont identifiés dans l’action gouvernementale : un ministre pour faire entendre sa voix, un ministère pour appuyer des actions et une nouvelle ambition pour les territoires ruraux.
En effet, la France, mes chers collègues, c’est celle des villes, mais c’est aussi celle des champs, celle de l’espace où des clochers et des frontons de mairie rappellent une vie communale. Voilà donc tout un programme !
Après le lancement des assises pour le développement des territoires ruraux, qui connaissent un succès certain – j’ai eu l’occasion de le mesurer –, et la mise en place d’une nouvelle génération de pôles d’excellence rurale, voilà maintenant venu le moment d’examiner la mission consacrée aux territoires.
Il convient de le rappeler, l’aménagement du territoire est au carrefour de multiples missions permettant d’exprimer un certain nombre de compétences transversales et complémentaires.
La nouvelle génération de pôles d’excellence rurale est très appréciée, car c’est la France d’en bas qui s’exprime par des projets, ce qui est, reconnaissons-le, aussi bien, sinon mieux, qu’une opération « guichets », qui ne trouve pas toujours, localement, une traduction concrète.
Nous le savons, le pouvoir des collectivités en matière d’investissement est déterminant ; celles-ci assurent près de 75 % de l’investissement public. Il nous faut continuer dans cette direction. Il y va de la cohésion de nos territoires et de la compétitivité économique de nos espaces ruraux.
Cela est normal, car nos petites communes comptent des dizaines de kilomètres de chemins ruraux, de voirie, de réseaux, sans parler des équipements à réaliser afin de satisfaire à une certaine parité sociale ou simplement humaine en ce début de troisième millénaire.
Cette France rurale mérite la parité, y compris dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La couverture numérique est loin d’être généralisée à ce jour et, en matière de téléphonie mobile, des zones blanches subsistent.
Le haut débit permettra un développement local indispensable pour permettre le maintien au pays. C’est pourquoi les élus veulent la parité non seulement sociale, mais aussi technique et technologique, afin de pouvoir être compétitifs.
Monsieur le ministre, il faut continuer à simplifier et à clarifier si l’on veut être efficace. Les financements croisés sont appréciables, car plus importants, mais ils sont souvent difficiles à intégrer dans une chronologie efficace et réaliste.
Oui, ces complexités sont souvent décourageantes, voire bloquantes ! Dire la vérité, c’est dire qu’une partie, fût-elle très réduite, de notre administration ne doit pas chercher des parapluies, mais doit nous aider à trouver des solutions légales, réalistes et de bon sens, afin de lever les obstacles.
Toutes ces actions complémentaires constituent la politique d’offensive de nos territoires. Cependant, monsieur le ministre, les territoires ruraux ont aussi besoin de soutien. Il faut un SAMU collectif, par exemple dans les zones de revitalisation rurale. Ces zones sont défavorisées et il est normal qu’on les soutienne.
Oui, la France rurale existe, elle ne veut pas rester passive, être assistée ou devenir un « établissement d’accueil généralisé », mais elle veut garder toute sa vitalité.
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes déterminé à nous comprendre et à nous aider. (Vifs applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au moment où la France démontre qu’elle est capable de prendre le virage du développement durable, elle rate celui de l’aménagement du territoire
La fracture territoriale est en place. Demain, nous aurons deux France : la France du Grand Paris, des grandes métropoles, des TGV et des autoroutes, d’une part, et la France enclavée de la ruralité profonde, d’autre part, une catégorie résiduelle, avec des salaires inférieurs à la moyenne, des emplois saisonniers et l’expatriation forcée des jeunes diplômés, des refuges pour retraités, des services publics fragilisés, des vitrines écologiques, des sanctuaires de biodiversité et des trames vertes.
Obsédés par la compétition entre grandes villes européennes et mondiales, l’État et les élus des métropoles font tout pour entasser autour d’elles encore plus de populations, créant ainsi de nouvelles banlieues, de nouveaux problèmes insurmontables de transports, d’insécurité, de délinquance et de mal-vivre, qui appelleront à leur tour de nouveaux aménagements, qui produiront de nouveaux entassements, créant ainsi un processus cumulatif sans fin que nous ne maîtriserons plus.
Que 70 % de Français vivent en milieu urbain, n’est-ce pas suffisant ? Il faudrait à l’aménagement du territoire une révolution aussi ample que celle de l’écologie, mais ce n’est pas encore à la mode.
Vous pensez certainement que ce langage est ringard (Marques de dénégation de M. le ministre.), qu’il fleure bon la nostalgie, vous me croyez persuadé que le « bonheur est dans le pré » ! Eh bien non, je ne suis pas le « dernier des Mohicans » ! Je sais simplement que nous regretterons un jour de ne pas avoir construit une France plus juste et plus équilibrée dans son territoire.
Déjà, 100 000 personnes, chaque année, le disent avec leurs pieds en quittant les grandes agglomérations pour s’installer dans la France rurale ou dans les villes petites ou moyennes, à taille humaine, en acceptant une baisse très sensible de leur niveau de vie.
Il ne s’agit pas de bloquer autoritairement le développement urbain, il ne s’agit pas de nier que certaines activités ne peuvent éclore et se développer que dans de grandes villes ; il s’agit de donner aussi de vraies chances aux zones rurales. Tous les Français ne sont pas obligés de passer quatre heures par jour dans les transports pour gagner leur barre d’HLM, alors que nombre d’entre eux seraient heureux de goûter la paix et la convivialité de villes moyennes ou de villages.
Mais, pour accomplir cette révolution, il faudrait s’affranchir du seul calcul de rentabilité qui dicte aujourd’hui les décisions en matière de transports et de communications, pour avoir le courage d’ouvrir les espaces ruraux enclavés, afin de rééquilibrer la répartition spatiale des activités et des hommes sur notre territoire.
Je voudrais vous citer deux exemples qui concernent ma région, Provence–Alpes–Côte d’Azur, et le massif des Alpes du sud.
Dans cette région, 90 % de la population s’entasse sur 10 % du territoire, le long du littoral. En choisissant le tracé des villes pour le TGV Paris-Toulon-Nice, monsieur le ministre, vous attirez encore davantage de populations là où il y en a déjà trop et vous désertifiez encore un peu plus l’arrière-pays.
Autre exemple : dans trente ans, le massif des Alpes du sud sera bordé, au nord, par le TGV Paris-Lyon-Turin, qui circulera à plus de 300 kilomètres par heure, et, au sud, par le Paris-Nice, qui devrait filer à la même vitesse. Dans le même temps, on roulera toujours à 60 ou à 80 kilomètres par heure sur l’épine dorsale ferroviaire des Alpes du sud, entre Marseille et Briançon, à la frontière italienne.
Aujourd’hui, en TGV, il faut trois heures et deux minutes pour aller de Marseille à Paris, distantes de 776 kilomètres ; en restant dans la région Provence–Alpes–Côte d’Azur, il faut quatre heures et trente minutes pour aller de Marseille à Briançon en empruntant 300 kilomètres de voie unique.
Dernier exemple, que je vous réserve pour la fin, monsieur le ministre : le projet d’autoroute A51 entre Grenoble et Gap, que vous avez condamné et brocardé à l’occasion du congrès de la montagne, dans les Hautes-Alpes.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Brocardé, sûrement pas !
M. Pierre Bernard-Reymond. D’abord, monsieur le ministre, ce n’est pas seulement le projet des Hautes-Alpes, c’est un des deux derniers chaînons manquants de la liaison mer du Nord–mer Méditerranée qui évite le bassin parisien et la vallée du Rhône. C’est une relation entre la péninsule ibérique et l’Europe de l’Est. C’est la liaison entre deux régions : Rhône–Alpes et Provence–Alpes–Côte d’Azur.
Si, monsieur le ministre, vous vous êtes moqué de ce projet en disant qu’on en parle depuis trente ans – en fait, depuis vingt-cinq ans. Mais à qui la faute, sinon à l’État ? Ce n’est pas parce que ce dernier n’a pas tenu ses engagements que c’est un mauvais projet !
En outre, contrairement à ce que vous dites, nous n’avons pas attendu que l’A51 se réalise pour prendre d’autres initiatives : la création du pôle universitaire, le technopôle de Gap, la modernisation des stations de sports d’hiver en témoignent. Mais nous sentons bien les limites que nous impose l’enclavement, qui nous condamne au bricolage. Pourquoi l’amélioration des communications serait-elle bonne dans les régions prospères et inutile dans les autres ?
Non, ce projet ne pose pas de problème technique ni même financier au regard des investissements que vous vous apprêtez à faire par ailleurs. Vous n’en voulez pas parce que les Verts en ont fait une question de principe et, dans les circonstances actuelles, vous ne voulez pas passer outre.
Cette autoroute arrive du Nord jusqu’à Grenoble et du Sud jusqu’à Gap. Qu’allez-vous faire entre ces deux villes ? Le relief ne permet pas d’alternative sérieuse et les Hautes-Alpes ne sont pas à vendre. Elles ne demandent pas la charité. Elles veulent qu’on leur propose une autre forme de développement que celle dans laquelle on veut les spécialiser.
Elles souhaitent que l’on cesse de les discriminer et qu’on leur donne, comme on le fait pour d’autres régions, les moyens de participer, dans toutes ses dimensions, au développement durable de la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les avances ou les retards dans le déroulement des missions, les reports parfois, s’ils arrangent quelquefois certains ministres, n’aident pas les sénateurs à gérer leur agenda. Je suis donc amenée à remplacer mon collègue Martial Bourquin, qui regrette beaucoup de ne pouvoir être présent ce soir. Je tâcherai d’être fidèle à ses idées et à ses propos.
Le budget « politique des territoires » dont nous discutons aujourd’hui réserve un certain nombre de surprises et de contradictions majeures, tant sur la forme que sur le fond.
Monsieur le rapporteur, vous avez-vous-même reconnu que les chiffres de ce budget – 385 millions d’euros en autorisations d’engagement et 378 millions d’euros en crédits de paiement – ne reflètent pas la réalité des sommes consacrées à l’aménagement du territoire. Vous estimiez même que la somme totale de ces crédits serait plus proche de 5,1 milliards en autorisations d’engagement et 4,9 milliards en crédits de paiement, soit dix fois plus que le budget réel que nous sommes amenés à examiner.
Je suis sûre que vous reconnaîtrez avec moi que nous pourrions améliorer cette présentation.
Plus que jamais, nous avons besoin de lisibilité, de rigueur budgétaire et de lignes politiques claires. Or, comment peut-on évaluer correctement la cohérence et la sincérité d’une mission dont 90% des crédits figurent dans d’autres missions ? La tâche est très difficile.
Dans un premier temps, j’évoquerai les observations qu’appellent les actions qui sont financées dans le cadre strict des programmes. Je consacrerai la seconde partie de mon exposé à examiner plus largement la politique territoriale que nous appelons de nos vœux.
Ce projet de budget prévoit tout d’abord le financement des nouvelles générations de pôles d’excellence rurale alors que nous ne disposons pas d’une complète évaluation du dispositif précédent, sur lequel quelques critiques ont pourtant été formulées.
Les travaux de la commission de l’économie, au mois d’octobre, avaient pourtant permis de mettre en avant, notamment, le manque de lisibilité du montage financier. Plusieurs de nos collègues avaient également souligné que ces pôles d’excellence rurale gagneraient à financer, dans certains cas, des dépenses de fonctionnement et, surtout, d’ingénierie.
Monsieur le ministre, avez-vous l’intention de tirer des enseignements budgétaires des travaux du Sénat ?
Ce projet de budget prévoit également le passage prochain, le 30 novembre 2011, de l’analogique au numérique, sujet sur lequel nombre de mes collègues sont intervenus.
Nous avons très peu de lisibilité sur les financements du fonds destinés à lutter contre la fracture numérique. Il me paraît utile de nous y intéresser encore plus sérieusement désormais, afin de lisser les coûts et les temps d’intervention. Monsieur le ministre, pourriez-vous, là encore, nous éclairer sur un calendrier budgétaire et détailler l’abondement du fonds consacré à la réduction de la fracture numérique ?
J’en viens au second volet de mon intervention, relatif à la politique territoriale dans son ensemble.
J’ai évoqué dans la première partie de mon propos, la trop grande dispersion des crédits consacrés à la politique des territoires. Pour cerner la politique qui est engagée, nous devons aussi prendre en compte en miroir les effets de la totalité de la politique économique et sociale du Gouvernement en faveur des territoires. Combien de crédits en moins et dans quelle mesure feront-ils défaut à la solidarité territoriale ?
Nous avons le douloureux sentiment – partagé par de nombreux maires et élus – que nous remplissons tous ensemble, avec beaucoup d’énergie, un tonneau sans fond, comme les Danaïdes de la légende grecque.
Pour 380 millions d’euros consacrés aux territoires, combien d’euros d’apparentes économies déstructurent profondément nos espaces et vont à rebours des objectifs initiaux ? Car le Gouvernement n’a cessé, depuis deux ans, de prendre des mesures qui contribuent malheureusement plus à déménager les territoires qu’à en assurer la nécessaire cohésion.
Selon moi, nous ne défendons pas la même conception de la solidarité territoriale. Nous sommes attachés à préserver toutes les spécificités de l’espace français et nous n’acceptons pas qu’un territoire puisse être ou se sentir abandonné par l’État, déserté par des entreprises. Nous défendons une organisation de la France où nos concitoyens, libres et égaux, sont à même de trouver chez eux, dans la ville, le quartier ou le village de leur choix, tous les services qu’ils attendent, y compris les services publics.
Notre conception de la solidarité territoriale passe par le maintien physique de services publics, la préservation d’activités économiques, l’emploi et la péréquation territoriale. Elle implique donc des collectivités locales fortes, soutenues par l’État.
Or la solidarité territoriale telle que nous l’entendons est quelque peu malmenée. Nous avons parfois l’impression que vous entendez privilégier une France qui gagne – je salue tout ce qui a trait aux pôles d’excellence rurale ou aux pôles de compétitivité –, en passant sous silence des territoires qui peinent à survivre.
Trois exemples me viennent spontanément à l’esprit.
Premier exemple : les PER sont certes des vitrines d’excellence rurale mais, dans le même temps, combien de communes se battent au quotidien pour garantir les services nécessaires à leur population, pour préserver et financer la présence de leur bureau de poste ou de leur agence postale communale ?
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que vous entendiez, à travers les assises de la ruralité, promouvoir un socle de services au public. Mais, dans ce contexte, que vont devenir les services publics proprement dits ? Je considère pour ma part que le combat pour des services publics correctement répartis sur l’ensemble des territoires, avec des moyens suffisants, est déterminant.
Deuxième exemple : comment ne pas interpréter la mise en œuvre aveugle de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, le regroupement à marche forcée d’administrations et la fin d’administrations structurantes pour les territoires comme des attaques en règle contre des territoires ?
Je pourrais citer d’autres exemples comme la construction désordonnée de grandes surfaces au détriment des cœurs de villes ou l’insuffisance de la lutte contre les déserts médicaux.
Un territoire ou, pour reprendre un vocabulaire à la mode, une identité locale ne peut se résumer à une ville-dortoir adossée à son centre commercial ou à un village dépeuplé.
Le troisième et dernier exemple, et non le moindre, tient aux effets pervers de la réforme de la taxe professionnelle. Bien sûr, cette taxe doit être réformée. Mes collègues de la commission des finances ont présenté un grand nombre de propositions afin de rendre cet impôt plus juste, moins pénalisant pour les investissements et d’accroître la péréquation. Mais ils n’ont pas été écoutés.
Comme mon collègue Bourquin, je suis élue d’une région où la crise automobile se fait durement sentir. Aux états généraux de l’automobile, il est ressorti que toute politique industrielle digne de ce nom passait nécessairement par la suppression de la taxe professionnelle.
C’est une idée reçue qu’il faut combattre. La réforme qui nous est proposée est en passe de mettre gravement en difficulté les territoires industriels, les bassins d’emploi.
Le nouveau scénario financier proposé par le Sénat substituera une dotation statique à une ressource dynamique essentielle, soit un manque à gagner crucial pour nos territoires.
À cela, il faut ajouter des dépenses nouvelles, bien évidemment non compensées. Vous obtiendrez ainsi tous les ingrédients d’une fragilisation supplémentaire des bassins d’emploi.
Ainsi, les activités industrielles du département du Doubs, dont M. Bourquin est le sénateur, qui sont déjà durement touchées par la crise se verront octroyer des recettes se réduisant comme peau de chagrin : c’est la double peine budgétaire !
Vous pourrez envoyer sur le terrain tous les commissaires à la réindustrialisation du monde. Je leur souhaite bien du courage lorsqu’il s’agira de convaincre des entreprises de reprendre des sites, alors que les collectivités, qui assurent 73% de l’investissement public, n’auront plus les moyens de les faire travailler et de leur fournir les infrastructures nécessaires à leur installation.
Il leur faudra déployer des trésors d’énergie pour convaincre des collectivités d’accueillir des industries parfois bruyantes ou polluantes.
Le manque de perspectives budgétaires au-delà de 2010 contraindra les collectivités à la prudence, à une gestion raisonnée pour assurer des recettes plus pérennes et réelles. Les collectivités, aux ressources fragiles, devront privilégier le logement à l’activité économique – mais pour combien de temps ? – et seront obligées de limiter leur offre de services, qui sont pourtant nécessaires à l’ensemble de la population.
La réforme de la taxe professionnelle ne contribuera pas, loin s’en faut, au développement harmonieux et équilibré de nos territoires. Cette situation nous désole.
Monsieur le ministre, vous ne serez donc pas étonné que nous ne votions pas les crédits de votre mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le ministre, je ne peux qu’être en accord avec les propos de M. Aymeri de Montesquiou sur le Gers. Néanmoins, le Gers ne saurait à lui seul représenter la diversité de la ruralité.
Monsieur le ministre, vous venez d’organiser les assises des territoires ruraux, dont vous nous rendrez compte en janvier 2010. Nous y travaillons. Si les territoires ruraux ont besoin d’aides, ils ont surtout besoin – cela a été dit à de nombreuses reprises – de considération et de solidarité.
Nous reconnaissons l’ampleur de votre tâche. Il n’est certes pas aisé d’impulser des politiques de correction des disparités et de péréquation, de préserver la notion d’équité chère à tous les élus, surtout ruraux.
Les crédits de cette mission sont insuffisants. Toutefois, depuis votre prise de fonction, vous avez envoyé des signaux très forts. Je veux parler des pôles d’excellence rurale, que de nombreux intervenants ont évoqués avant moi. Je remercie MM. Jean-Paul Emorine et Rémy Pointereau qui ont, comme moi, apporté leur contribution au groupe de travail du Sénat.
Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir retenu au moins deux thèmes essentiels de la contribution de ce groupe de travail.
Tout d’abord, vous avez accepté d’intégrer la notion de contractualisation, de labellisation des territoires pour des projets de sauvegarde des services au public. L’État pourra passer une convention avec les territoires labellisés pour assurer le maintien d’une offre minimale de service public. Il me paraît intéressant de le souligner.
Ensuite, vous avez intégré la volonté d’encourager des filières courtes de productions locales, agricoles en particulier. Cela suscite dans nos territoires, en particulier dans le Gers, espoir et mobilisation.
Toutefois, ces thèmes nouveaux vont vous amener à rechercher le soutien financier d’autres ministères, ce qui n’ira pas sans difficultés. Il est vrai que certaines observations sur les pôles d’excellence rurale de précédente génération n’ont peut-être pas été intégrées dans votre nouveau cahier des charges.
Les pôles de nouvelle génération auront la possibilité, pour réaliser leurs projets d’ingénierie, d’utiliser les fonds du programme Leader. Il s’agit certes d’une avancée, mais il faut aller plus loin.
Les thèmes que vous avez retenus, l’encouragement aux productions locales en particulier, peuvent et doivent s’inscrire dans le cadre du FEADER. Monsieur le ministre, allez-vous demander à M. Bruno Le Maire d’abonder ces projets ? Leur nombre sera sans doute très élevé, il faut donc s’y préparer.
À défaut de trouver tous les financements nécessaires, il reviendra aux préfets de région d’arbitrer, de décider in fine de l’éligibilité des dossiers. Nous devrons alors les défendre en nous engageant dans des processus qui sont difficilement accessibles pour ne pas dire inaccessibles à la ruralité.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le fait que les précédents programmes Leader disposaient d’une enveloppe dédiée aux opérations de coopération et aux actions transfrontalières.
Nous avons, faute de mobilisation de ces crédits d’ingénierie, rétrocédé environ 30 millions d’euros, ce qui est regrettable.
Or, vous le savez, la nouvelle génération des programmes Leader nous obligera, pour financer des actions de coopération, à puiser dans l’enveloppe initiale qui est prévue pour le développement rural.
S’agissant des territoires, je rappellerai que la nouvelle génération de PER ou la première, s’ils ont atteint le niveau requis, peuvent engager des coopérations européennes. À cet égard, je souhaite que vous puissiez accompagner ces démarches difficiles d’accès à des fonds INTERREG ou transfrontaliers susceptibles de financer ces coopérations. Sinon, ces projets de coopération ne verront pas le jour.
Concernant la problématique de la ruralité, qui a été évoquée, les collectivités territoriales devront faire des efforts pour accompagner les projets, que ce soit à travers les pôles d’excellence rurale ou, conformément à la volonté que vous avez intégrée dans le nouveau cahier des charges, la contractualisation avec ces pôles de compétitivité, laquelle a également été évoquée.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vall.
M. Raymond Vall. Vous connaissez ma tristesse devant le traitement qui est infligé aux pays. J’espère, à l’issue de la commission qui s’est réunie cet après-midi, que nous pourrons au moins sauver ceux qui existent, car ils sont indispensables au conventionnement avec les pôles de compétitivité.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je voudrais simplement vous remercier de l’écoute dont vous avez fait preuve concernant les suggestions du groupe de travail du Sénat. Même si nous estimons que ces crédits ne sont pas suffisants, la majorité de notre groupe s’interroge. Et si vous voulez bien entendre certaines de nos propositions, nous ferons certainement un effort concernant votre budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Mayet.
M. Jean-François Mayet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Indre, mon département, est un département rural, qui a vu disparaître avec la confection, la SEITA, la sous-traitance automobile, entre autres domaines, des pans entiers de son industrie.
Après avoir battu des records de chômage – 11% en 2001 – et de perte de population, la situation a été redressée entre 2001 et 2007. Le chômage est tombé à 5,6 % et le nombre d’habitants a cessé de diminuer. Telle était la situation de l’Indre en juin 2008.
Depuis, comme partout ailleurs, le ciel nous est tombé sur la tête, et nous allons en plus devoir amortir dans les prochains trente-six mois le plus grand choc économique et social des quarante-cinq dernières années : le départ de 1 100 militaires et des civils employés par le 517e régiment du train. À cela s’ajoutent, bien sûr, les salaires des fournisseurs et des sous-traitants. Au total, 1 000 familles vont partir et 1 500 emplois vont disparaître. Nous allons nous battre, mais nous n’avons pas les mêmes outils que les autres pour le faire.
L’Indre, monsieur le ministre, c’est le sud de la région Centre et le nord de la région Limousin. Il y a une vingtaine d’années, les politiques et les dirigeants de la SNCF lui avaient attribué un joli nom, très technique, « la patate vide », autrement dit un territoire sans projet ni perspectives ferroviaires.
Je passe sur l’épisode du « pendulaire » permettant d’augmenter sensiblement la vitesse sur la ligne actuelle Paris-Toulouse. Ce fut un projet mort-né.
Lassé de cette situation, le Limousin a répondu au chant des sirènes du Poitou, croyant trouver son salut dans le raccordement grande vitesse de Limoges à Poitiers, c’est-à-dire au TGV Ouest Paris-Poitiers-Bordeaux-Espagne.
La patate vide serait amputée de sa partie sud, mais à quel prix ? Tout d’abord, l’isolement définitif de la partie nord que nous sommes avec le nord du Limousin et la Creuse, mais aussi le pompage injustifié vers Poitiers des clients SNCF du centre et du sud de la France, avec pour conséquence la saturation de la ligne à grande vitesse Paris-Ouest-Espagne, déjà encombrée, et de la Gare Montparnasse, aujourd’hui surchargée.
Il y a un espoir : le futur Paris-Lyon incurvé vers le Centre, qui concerne officiellement Orléans, Vierzon, Bourges et Clermont-Ferrand. Mais l’Indre et Châteauroux ne figurent pas à ce jour dans le projet.
Plutôt qu’un Limoges-Poitiers, considéré aujourd’hui comme une faute technique, économique et financière, y compris par les responsables SNCF qui osent s’exprimer à ce sujet – vous pouvez vérifier ! –, pourquoi pas un Limoges-Bourges ou un Limoges-Vierzon, connecté au nouveau Paris-Lyon et desservant naturellement l’Indre, Châteauroux et la Creuse ?
Cette solution permettrait aux voyageurs du sud du Massif central d’être plus rapidement à Paris, et de ne pas avoir à s’y rendre pour aller vers Clermont-Ferrand, Lyon et le sud-est de la France, ce qui est très important pour éviter la saturation des gares parisiennes. Cela éviterait aussi une faute grave d’aménagement du territoire dont nous serons définitivement victimes.
Monsieur le ministre, je vous affirme qu’il est très difficile de vendre un territoire à des investisseurs créateurs d’emplois sans leur assurer la perspective d’une ligne à grande vitesse à quinze ans. Et tant que ce projet de liaison « monovoie » Limoges-Poitiers existera, même si beaucoup pensent qu’il n’ira pas jusqu’à son terme, nous nous trouverons déclassés. Ce n’est pas acceptable !
Mon statut de maire de Châteauroux et de parlementaire de l’Indre me commande de vous demander, à vous, monsieur le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, de corriger cette grave erreur qui se traduira par une injustice flagrante. Et le plus tôt serait bien sûr le mieux. Pourquoi pas en 2010 ? Cela ne coûterait rien et permettrait même de faire l’économie des études de ce funeste projet.
Monsieur le ministre, je vous le dis respectueusement mais solennellement, c’est une bataille que nous, élus de l’Indre, de la Creuse et d’une partie de la Haute-Vienne, devons mener jusqu’au bout, car il y va de notre redressement, de notre développement et de notre équilibre.
L’intérêt général peut et doit l’emporter, avec une connexion à la future ligne Paris-Lyon plus directe, plus rapide et plus efficace pour tous les territoires concernés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Jean-Jacques Lozach applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les 385 millions d’euros que comporte votre budget et qui sont, pour l’essentiel, les crédits de la DATAR ne reflètent bien évidemment pas l’effort financier complet que réalise l’État en faveur de l’aménagement du territoire, tant il est vrai qu’il reste encore beaucoup à faire afin de réduire les criantes inégalités entre les territoires privilégiés et ceux qui manquent encore de l’essentiel.
J’ai souvent fait le parallèle avec l’effort tout à fait méritoire réalisé par l’État en faveur des pôles de compétitivité, qui mobilise sur la durée plus de 1,5 milliard d’euros, dont 831 millions d’euros de crédits d’État. En regard, les 235 millions d’euros affectés aux pôles d’excellence rurale font un peu pâle figure, mais nous sommes heureux d’avoir pu en profiter et prêts à ouvrir les bras à un nouveau dispositif. Les différences sont là, et nous nous devons de les souligner, mais l’expérience des PER mérite d’être renouvelée.
Permettez-moi à nouveau d’insister sur la disparité entre les crédits de la DSU et ceux de la DSR, qui sont inférieurs de 30 %. Vous savez bien que la DSU est versée seulement à quelques dizaines de villes, alors que la DSR concerne plus de 20 000 communes. Une telle dispersion n’est sans doute pas un gage de très grande efficacité.
Il convient également de citer les zones franches urbaines et les zones de revitalisation rurale. Les premières s’en sortent plutôt bien et créent des emplois ; les ZRR, de leur côté, ne connaissent pas le même dynamisme.
J’ai demandé, dans une proposition de loi, que l’on autorise les élus de communes situées en ZRR à créer des zones franches rurales. J’ai d’ailleurs renouvelé récemment cette démarche, car ce serait une solution satisfaisante.
Mais l’aménagement du territoire passe aussi par des infrastructures de transports qui irriguent l’ensemble du territoire, y compris les territoires ruraux. Vous savez que le Sénat a publié deux rapports sur ce sujet, l’un sur les infrastructures de transport, l’autre sur le désenclavement rural. J’ai été associé à l’un d’entre eux ; espérons que le débat s’instaurera à l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous vous êtes inspiré de la démarche entreprise depuis plusieurs années entre les élus et le groupe La Poste, et vous avez établi un certain nombre de parallèles qui pourraient, selon nous, ouvrir des voies nouvelles. Vous avez notamment cité l’accès aux soins, l’éducation, l’emploi, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les NTIC.
S’agissant des NTIC, un indéniable effort a été réalisé dans nos départements pour développer la téléphonie mobile, mais nous sommes toujours très en retard, et des secteurs entiers ne sont pas couverts, y compris mon bureau personnel.
À peine voit-on le bout du tunnel en ce qui concerne le haut débit, qu’est déjà évoqué le très haut débit. Le développement de celui-ci coûtant, nous le savons, quinze fois plus cher en milieu rural qu’en milieu urbain, il faudra peut-être prévoir une mutualisation des moyens. Une proposition de loi a été votée en ce sens par le Sénat.
Je sais que vous avez décidé, monsieur le ministre, de lancer des assises des territoires ruraux, et j’aurai le plaisir de vous recevoir tout à l’heure dans mon département de la Meuse. Des voies nouvelles ne manqueront certainement pas d’apparaître.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Claude Biwer. Je n’oublie pas le laboratoire de Bure, dans mon département, et la question des déchets nucléaires. J’ose espérer que tout cela permettra un bon emploi des crédits qui nous seront affectés.
Enfin, compte tenu de ces réflexions que je me suis permis de livrer à votre sagacité, je considère que nous devons soutenir vos efforts, monsieur le ministre, en faveur de l’aménagement du territoire et vous suivre dans la voie que vous avez commencé à tracer. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos concernera essentiellement la notion de péréquation, et plus encore l’application de cette notion.
La mission « Politique des territoires » s’inscrit dans une continuité avec la loi de finances initiale de 2009, que ce soit en termes d’organisation de ses deux programmes, par rapport à la nature des actions engagées ou au regard du niveau de ses crédits.
Cette mission, située au cœur de l’aménagement du territoire, représente une fraction de la politique menée dans un domaine par essence transversal.
Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » est géré par la DATAR. Ses crédits doivent être employés au financement de dispositifs divers : contrats de projets État-régions, prime d’aménagement du territoire, plan d’accompagnement du redéploiement des armées, pôles de compétitivité et pôles d’excellence rurale.
Le 21 octobre dernier, le Sénat a débattu des PER. Ainsi une nouvelle génération de pôles est-elle envisagée. Mais les collectivités territoriales pourront-elles continuer à les financer ? Sans cette contrepartie locale, sans leur concours, l’application de cette nouvelle série de pôles s’avérera très compromise, sans oublier les faiblesses d’ingénierie de certains territoires qui ne peuvent participer à ces appels à projets, ou y participent avec beaucoup de difficulté.
Qu’entendons-nous par cohésion territoriale ?
Son principe est simple : sur un territoire donné, il ne faut pas qu’un élément soit oublié. La France ne doit pas être un archipel de pôles d’excellence qui s’organiseraient sur des espaces abandonnés. « En Limousin, on ne peut pas se contenter de dire : "les villes de Brive et Limoges vont bien, tant pis pour l’est de la région". » Cette phrase est de Robert Savy, l’un des pères de la péréquation nationale et de la prise en compte de la cohésion territoriale comme priorité communautaire. À l’évidence, cette citation traduit une réalité transposable à toutes les régions de France.
Depuis l’adoption de la loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République, la Constitution précise : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation, destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
Le rapport d’information sénatorial élaboré au printemps dernier au nom de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Claude Belot, mettait en avant la nécessité de « passer à l’acte » en la matière, d’améliorer la péréquation tant verticale – par un renforcement des dotations péréquatrices de l’État – qu’horizontale – avec une péréquation forte et mieux ciblée –, permettant non seulement d’éviter le creusement des inégalités, mais aussi de corriger les déséquilibres entre les territoires.
Nous connaissons tous l’ampleur de ces inégalités. Si l’on prend en compte l’ensemble des communes de métropole, le potentiel fiscal par habitant grimpe jusqu’à plus de 30 000 euros, alors que la moyenne est de l’ordre de 500 euros par habitant.
En ce qui concerne les départements, le potentiel fiscal par habitant s’échelonne de 232 euros pour le département de la Creuse à 991 euros pour celui des Hauts-de-Seine, la moyenne s’établissant à environ 400 euros par habitant.
Dans le cas des régions, le potentiel fiscal va de 67 euros en Corse à 111 euros pour la Haute-Normandie. Bref, les moyens de rendre le service public local sont très inégalement répartis ; les écarts à la moyenne sont considérables.
Les critères actuels de la péréquation nous paraissent totalement inadaptés. C’est à vos décisions visant à les modifier ou non que nous jugerons, monsieur le ministre, votre volonté de réduire des injustices territoriales dont l’aggravation nuit profondément à la cohésion nationale.
Par ailleurs, dans les territoires ruraux, le département était jusqu’à présent un acteur essentiel du développement et du soutien à la ruralité par son rôle de péréquation financière et sa connaissance fine du territoire. Le projet de réforme territoriale le fragilise considérablement en l’appauvrissant et en créant la confusion des responsabilités via l’instauration des futurs conseillers territoriaux.
Je rappelle ici que, devant l’augmentation constante de leurs dépenses sociales obligatoires et face au désengagement financier continu de l’État, les départements revendiquent le financement par la solidarité nationale des prestations sociales universelles – allocation personnalisée d’autonomie, revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap – qu’ils mettent en œuvre au nom de cette même solidarité nationale.
La lutte contre les inégalités des territoires est-elle au cœur de la politique du Gouvernement ?
Du fait de la réduction d’impôt au profit des entreprises – la fin de la taxe professionnelle –, les collectivités territoriales auront de grandes difficultés à poursuivre l’investissement pourtant nécessaire à l’équipement de la nation. Des dotations de compensation seront attribuées ; or, aujourd’hui, rien n’est envisagé pour garantir une péréquation plus efficace. L’État fige les inégalités financières et, dans le même temps, met en difficulté les collectivités, à commencer par les plus démunies.
Avec l’autonomie des collectivités et la compensation intégrale des transferts de charges, la péréquation doit constituer le troisième pilier de toute réforme de l’organisation territoriale de la République.
Demain, l’ensemble des ressources publiques disponibles sera sérieusement amoindri par la suppression de la TP. On appellera abusivement « péréquation » des mécanismes baroques dans lesquels ce ne sont pas les plus riches qui seront appelés à être solidaires. S’instaurera un véritable « bouclier territorial » dont bénéficieront les espaces qui sont déjà les plus prospères. Dans ces conditions, la péréquation deviendra mécaniquement une question annexe, voire l’expression dérisoire de la simple mauvaise conscience.
Renforcer l’attractivité économique et la compétitivité des territoires tout en veillant à assurer leur cohésion, tel est l’objectif assigné à la politique des territoires. Pour citer un article récent du rapporteur spécial François Marc, il faut « envisager de ventiler la péréquation sur la masse de la DGF et plus seulement sur son reliquat ».
La création d’un ministère de plein exercice dédié à l’espace rural et à l’aménagement du territoire doit évidemment être saluée. Les assises des territoires ruraux, au succès bien mitigé, ne seront utiles que si le Gouvernement consent à remettre les espaces fragiles au cœur des politiques publiques. Cependant, après les cartes judiciaire et militaire, la carte scolaire et la carte hospitalière sont aujourd’hui gravement menacées. La RGPP fait des ravages et traduit la recentralisation infrarégionale de nombreuses fonctions. Par ailleurs, l’avenir du monde agricole reste très aléatoire.
Ce n’est qu’à terme que nous mesurerons les incidences du grand emprunt national sur la ruralité. Ainsi, n’est-il pas urgent de créer effectivement un fonds national de solidarité numérique pour l’espace rural, à l’image de celui qui fut créé dans les années trente pour l’électrification ?
La décision de rendre à la DIACT son appellation de DATAR pourrait annoncer de grandes ambitions, de grands desseins pour les territoires. Or, la dynamisation de la ruralité et le maintien des services publics de proximité se trouvent fortement compromis par les décisions et projets abrupts du chef de l’État en matière de services déconcentrés, d’organisation territoriale, de « révision générale » des ressources des collectivités et du nombre d’élus. La proximité, chère à nos concitoyens, en sera profondément affectée.
Une reprise ambitieuse de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux…
M. Jean-Paul Emorine. Voilà une bonne loi !
M. Jean-Jacques Lozach. … se révèle particulièrement nécessaire aujourd’hui, à un moment où jamais le « désir de campagne » n’a été aussi élevé chez les urbains, selon toutes les études d’opinion.
La première mission de l’État aménageur est d’instaurer une solidarité réelle à l’égard des territoires. Cette mission d’équité est de plus en plus défaillante. Les territoires sont ainsi précipités dans une course à handicap déstructurante, bien peu conforme à la Constitution de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’aménagement du territoire est la préoccupation constante de tous les élus que nous sommes, on peut le constater ce soir. Bien conduit, il est le gage du maintien de l’emploi et de bonnes conditions de vie, propres à animer nos territoires ruraux.
Les orateurs qui m’ont précédé ont exposé leur foi dans la vie de nos territoires ruraux, mais aussi leur inquiétude pour ces territoires.
Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur trois points : les ZRR, le haut débit et la péréquation.
Une évaluation du dispositif des zones de revitalisation rurale, les ZRR, est actuellement menée par la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité du territoire. Je crois savoir que les résultats en seront connus au début de 2010.
Cette évaluation sera vraiment utile, car nous pouvons tous citer des exemples d’interprétation très restrictive des textes. Ainsi, il suffit qu’un recensement établisse qu’un canton a gagné quelques dizaines d’habitants pour que celui-ci se voie immédiatement exclu de la liste des ZRR : c’est ce qui vient de se produire pour le canton d’Arinthod, dans le Jura. C’est extrêmement pénalisant pour les entreprises déjà installées, et plus encore pour celles qui s’apprêtaient à s’y installer. N’y aurait-il pas lieu d’introduire un peu plus de souplesse dans l’application des seuils ? Au demeurant, quel est l’avenir des ZRR ?
Plusieurs de mes collègues ont déjà évoqué la question du haut débit, deuxième point que je voulais aborder.
Nous connaissons tous l’importance du haut débit, voire du très haut débit, pour les territoires ruraux, pour les entreprises comme pour les habitants. Mais les opérateurs, nous le savons également tous, ne s’y pressent pas. L’extension du réseau ne sera pas possible sans crédits extérieurs. Une péréquation est donc nécessaire. Les territoires ruraux peuvent-ils espérer que le haut débit – qui est attendu partout – bénéficiera d’une péréquation identique à celle qui a été réalisée, par exemple, lors de l’électrification du pays ? Monsieur le ministre, vous avez récemment affirmé, lors d’une réunion qui s’est tenue à l’Assemblée nationale, votre attachement à ce fonds de péréquation. Nous serions sans doute nombreux à apprécier que, ce soir, vous vous engagiez à le mettre en place.
J’en viens enfin à mon troisième point, qui porte également sur une péréquation. Même si cela ne se rapporte pas strictement au projet de budget qui nous est aujourd’hui soumis, je ne peux m’empêcher, comme l’orateur qui m’a précédé à cette tribune, de souligner une fois encore à quel point la différence entre les crédits attribués aux communes rurales et ceux qui sont alloués aux communes urbaines au titre de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, est injuste. Les écarts qui existent entre les dotations des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines sont trop importants. Les communes rurales, les petites communes, reçoivent en moyenne environ 20 euros par habitant, alors que les villes en perçoivent 80, soit quatre fois plus. Comment expliquer une si grande différence ? Si ces chiffres n’étaient pas exacts, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de les corriger !
Vous connaissez les petites communes, monsieur le ministre, puisque votre propre département comporte certes une grande ville, mais aussi un secteur rural. Aussi, vous savez qu’elles doivent faire face à d’importants travaux concernant la voirie ou les réseaux d’eau potable et d’assainissement, et satisfaire dans le même temps la demande croissante de leurs habitants en matière de crèches, d’équipements sportifs, de médiathèques, et ce, bien sûr, en participant non seulement à leur construction mais aussi à leur fonctionnement. Qui plus est, ces équipements sont souvent implantés dans les bourgs : les villages, outre leurs investissements propres, doivent donc contribuer à ceux des bourgs pour répondre aux attentes de la population en termes de services publics.
Monsieur le ministre, il faut trouver les moyens permettant d’assurer une plus grande péréquation entre nos territoires. Il y va de l’avenir des territoires ruraux, qui, sinon, se trouveront pris dans la spirale de la désertification. J’aimerais connaître vos intentions à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, je voterai, bien sûr, les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Pinton.
M. Louis Pinton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat de ce soir sera pour moi l’occasion d’insister sur une idée à la fois simple et essentielle, à savoir le lien fondamental qui unit l’agriculture et l’aménagement du territoire.
C’est à dessein que j’ai voulu m’exprimer sur ce thème dans la discussion des crédits de la politique des territoires plutôt que dans celle du budget de l’agriculture proprement dite.
Pour l’élu d’un département profondément rural, il est facile de constater l’évidente place centrale de l’agriculture dans l’aménagement du territoire. J’irai jusqu’à dire que le second ne se conçoit pas sans la première, dont il est foncièrement tributaire. De fait, agriculture et territoires ne font qu’un.
Presque partout, l’agriculture a imprimé une marque profonde dans l’espace français. Évident, me direz-vous. Pourtant, en avons-nous toujours bien conscience, habitués que nous sommes à trouver « normal », voire « naturel » de traverser sans encombres, lors de nos déplacements, des espaces naturels ouverts, accessibles, harmonieux, entretenus et accueillants ? Cela ne va cependant pas de soi !
L’agriculture façonne et entretient depuis toujours les territoires ruraux. Un document officiel de 2007 consacré à la révision générale des politiques publiques rappelle les sept grandes missions budgétaires assignées au ministère de l’agriculture. Trois d’entre elles mettent en évidence ce lien essentiel, presque organique, entre agriculture et territoires : « assurer la gestion durable des ressources et des territoires et l’adaptation des exploitations et des modes de production », « gérer et préserver la forêt », « coordonner l’évolution et le développement équilibré des territoires ruraux ».
Outre sa fonction de base, la production en quantités suffisantes de denrées alimentaires de qualité, et son rôle éminent dans l’entretien, l’aménagement et l’animation de l’espace, l’agriculture remplit également une fonction essentielle de régulation naturelle et biologique de nos territoires, autrement dit de notre espace vital.
Nos sociétés industrielles, vouées à la modernité technologique, sont marquées par un univers urbain dense et envahissant, souvent oppressant. Cependant, nos territoires agricoles et l’activité naturelle qui en découle remplissent des fonctions biologiques vitales : la fonction chlorophyllienne des végétaux, indispensable piège à gaz carbonique en première ligne dans la lutte contre le changement climatique ; la survie des écosystèmes ; enfin, l’inscription dans l’espace de limites physiques indispensables à une urbanisation galopante.
Une conclusion s’impose ici d’elle-même : une agriculture solide et de bon sens est un agent irremplaçable de vitalité et de qualité pour nos territoires.
Située par définition en amont des filières économiques qu’elle anime, une agriculture dynamique entraîne dans son sillage une multitude d’activités secondaires : transformation et conditionnement sur place des produits agricoles ainsi que leur expédition, qu’ils soient bruts ou transformés ; accueil des citadins en milieu rural, conception, structuration et offre de multiples activités de loisirs et de découverte ; formation et recherche scientifiques liées à l’agronomie.
Autrement dit, à travers l’ensemble de ses activités connexes, l’agriculture peut offrir à des campagnes souvent menacées de désertification des chances immenses de reconversion et de revitalisation – pour peu qu’une politique des territoires éclairée et audacieuse aide à tirer le meilleur parti de ces atouts.
Dans le même ordre d’idée, ceux des citadins, je les ai évoqués, qui sont séduits par l’idée d’aller vivre et travailler en milieu rural ne franchissent le pas que s’ils ont la certitude d’y avoir accès à des services et des infrastructures adéquats. Là encore, la politique des territoires porte une part de responsabilité dans le succès ou l’échec de ces démarches.
En inversant la perspective, on peut même considérer que cette omniprésence de l’agriculture dans la problématique des territoires a pour conséquence immédiate que, au cœur de toute politique des territoires judicieuse et digne de ce nom, il sera nécessaire de trouver une agriculture adaptée. Or, aujourd’hui, elle est en grand danger, et il y a urgence à la sauver.
Deux pistes peuvent être suggérées pour donner corps à cette idée, dont une ne dépend pas de votre ministère, bien entendu.
La première serait une sorte de serment d’Hippocrate agricole : « avant tout ne pas nuire », ce qui signifie en l’occurrence cesser de « pondre de la norme » dans tous les domaines, qu’il s’agisse de normes administratives ou de normes environnementales, qui pénalisent les budgets des agriculteurs.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Louis Pinton. La seconde piste consiste à s’efforcer d’organiser la transformation sur place de la matière première agricole, en liant physiquement la transformation au territoire de production. Ce sera le plus sûr moyen d’en empêcher la délocalisation.
Aujourd’hui, c’est l’existence même du monde rural qui est en jeu. Et quand il n’y aura plus d’agriculture ni de paysans, nous n’aurons même plus à nous poser la question de la politique des territoires, car ils seront vidés de leur substance.
Si nous décidons, pour assurer la survie de nos territoires, d’agir en priorité au cœur même de la difficulté, la politique de l’aménagement du territoire s’établira ensuite très facilement, sur des bases solides et reconstituées, mais qui sont aujourd'hui en très grave danger, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres du budget, qui ont été largement commentés par les différents rapporteurs, je me contenterai, dans le temps qui m’est imparti, de formuler plusieurs observations.
Tout d’abord, en tant qu’élu et président de l’Union des communes rurales de mon département, je me félicite de la création d’un ministère de l’espace rural et de votre nomination, monsieur le ministre. Nous sommes voisins et je sais depuis longtemps à quel point vous vous intéressez à l’aménagement du territoire et à la défense de nos territoires ruraux.
Il y a dans notre pays un attachement particulier à nos terroirs et à l’aménagement de nos territoires. Pour moi, il est indispensable de continuer à raisonner en termes de territoires, d’espaces, et non toujours en regardant les chiffres de la démographie. C’est primordial, si nous ne voulons pas créer des déséquilibres très forts, source d’inégalités.
Les politiques menées ces dernières années ont été très dynamiques, avec notamment la création des pôles de compétitivité et des pôles d’excellence rurale.
Je crois utile la décision que vous avez prise de lancer un peu partout en France les assises des territoires ruraux, même si les délais impartis sont assez courts. Les thèmes choisis permettront de faire un large tour d’horizon des problèmes que nous rencontrons. En ce moment même, ils donnent l’opportunité aux élus de terrain de s’exprimer sur un sujet qui leur tient à cœur. Je souhaite que des propositions concrètes puissent voir le jour à la suite de la synthèse nationale qui vous sera remise en janvier 2010.
Sur la Charte des services publics, qui avait été annoncée ici même par M. Christian Estrosi en juin 2006, un bilan était nécessaire. En effet, de nombreux élus estiment encore que le dialogue et l’information avec les opérateurs de services publics ne sont pas toujours au rendez-vous. En ce sens, vous avez réuni il y a quelques jours l’ensemble des signataires de la Charte pour que celle-ci soit plus contraignante et je vous en félicite.
Je souhaite m’attarder un peu plus sur la désertification médicale. À l’heure où nos concitoyens sont de plus en plus attachés à leur santé, leurs dépenses dans ce domaine augmentant considérablement, beaucoup de problèmes découlent de notre réussite ou non sur cette question.
Les différentes raisons du déficit de professionnels de santé dans les zones rurales, en particulier de médecins généralistes, sont connues : l’isolement, la disponibilité, les horaires à rallonge...
D’ores et déjà, de nombreuses mesures ont été prises pour les aider financièrement à s’installer et la loi Hôpital, patients, santé et territoires apporte des avancées substantielles.
Lors de nombreuses réunions que j’ai pu avoir avec des élus et des professionnels sur ce sujet, l’idée de la création de maisons de santé pluridisciplinaires a toujours fait l’objet d’un consensus. Ces maisons, qui doivent permettre d’accueillir différents professionnels de santé pour un exercice collectif, avec plusieurs médecins généralistes mais également des infirmières, des kinésithérapeutes, des dentistes, constituent des structures adaptées permettant de satisfaire les usagers et les professionnels eux-mêmes.
À ce sujet, le lancement officiel de l’appel à projets de sélection de la deuxième génération de pôles d’excellence rurale est une très bonne nouvelle. En effet, j’ai cru comprendre que fort de l’expérience que vous aviez pu accumuler et des remarques du groupe de travail sénatorial sur ce dossier, des propositions pertinentes avaient été formulées. En outre, le soutien aux services au public, comme le développement de maisons médicales, sera une des grandes thématiques. Pouvez-vous me le confirmer, monsieur le ministre ?
S’agissant du désenclavement numérique, un effort considérable a été fait, en quelques années, aussi bien par le Gouvernement que par les collectivités. Toutes les enquêtes nous le montrent : la desserte ADSL est d’une importance cruciale pour l’attractivité d’un territoire. Il faut continuer sur cette voie en accélérant maintenant l’installation de l’internet très haut débit dans notre pays.
Je mets beaucoup d’espoir dans les propositions qui ont été formulées par la commission chargée de réfléchir aux priorités stratégiques qui seront financées par le grand emprunt national, puisque l’un des chantiers concerne le développement de l’internet. Nous comprenons tous à quel point cela est primordial pour la compétitivité et la croissance future de notre pays.
Je tiens ici à saluer l’excellente proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
M. Charles Revet. Tout à fait ! Très bonne proposition !
M. Bernard Fournier. Elle prévoit notamment la création de syndicats mixtes d’aménagement numérique afin de mettre en cohérence les actions des collectivités locales et d’associer les opérateurs du secteur de l’électricité.
En tant que président d’un syndicat d’électricité, cette dernière proposition me paraît tout à fait intéressante puisque, en milieu rural, la réalisation de tranchées communes à l’électricité et au numérique fait économiser 50 % à 80 % du coût d’opérations séparées.
Dans le même domaine, l’initiative prise par le ministère de l’éducation nationale en partenariat avec l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, le plan « Écoles numériques rurales », a remporté un succès immédiat dans mon département.
Monsieur le ministre, je ne peux pas terminer mon intervention sans rappeler l’importance du maintien des emplois dans nos cantons, dans nos communes.
Vous connaissez l’ampleur de la crise économique qui touche la vallée du Gier et les salariés de l’Ondaine. Il y a moins de quinze jours, avec un certain nombre de parlementaires et de maires, nous avons été reçus par le cabinet de Christian Estrosi et par le vôtre. Nous avons formulé des propositions et nous attendons que vous nous fassiez part des différentes mesures économiques incitatives qui peuvent aider nos départements.
Je pourrais parler de la même manière des agriculteurs, qui traversent une crise très grave dans tous les secteurs et qui concourent de façon très importante à l’identité de nos territoires.
Pour conclure, vous l’avez compris, monsieur le ministre, je voterai ce budget sans état d’âme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier toutes et tous d’avoir été nombreux à une heure qui n’est pas la plus favorable pour un débat et je m’efforcerai, tout en répondant à chacun d’entre vous, d’être le plus bref possible. Je vous remercie de la qualité de vos interventions et des apports qui s’y trouvaient.
Je remercie également les deux rapporteurs, non seulement pour leur travail d’analyse des propositions budgétaires – c’est la mission d’un rapporteur –, mais aussi pour leur implication dans le domaine de l’aménagement du territoire et des territoires ruraux tout au long de l’année, dans des missions spécifiques ou par un travail approfondi.
Je remercie le Sénat pour l’aide qu’il nous apporte dans tous ces domaines, qu’il s’agisse des pôles d’excellence rurale – j’y reviendrai –, des pôles de compétitivité ou de l’ensemble des instruments dont dispose le ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. J’ai bien compris, en vous écoutant, qu’il y avait un grand besoin d’un retour clair d’une politique d’aménagement du territoire – cela ressort de l’ensemble des interventions.
La création d’un ministère dédié à l’aménagement du territoire et aux territoires ruraux est un premier pas très symbolique vers le retour d’une ambition politique constituée par l’aménagement du territoire. Mais, c’est évident, le titre d’un ministère ne fait pas tout. Il y a bien d’autres choses à construire ensemble. Les assises des territoires ruraux ont d’ailleurs vocation à construire cette politique d’aménagement du territoire pour les territoires ruraux.
Lors du Congrès du Parlement, le 22 juin dernier, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a rappelé l’attention qu’il entendait porter à la ruralité.
Je ne reviendrai pas longuement sur le budget lui-même, les rapporteurs l’ont largement évoqué et je les en remercie.
Ce budget est contenu dans une mission de 345 millions d’euros. C’est à la fois beaucoup et peu, je le concède, mais il ne faut pas seulement considérer cette somme. Il y a également les dépenses fiscales, et même si la commission des finances ne les aime pas trop, elles existent néanmoins. Et en entendant les membres du Sénat évoquer les zones de revitalisation rurale, il me semblait qu’ils étaient finalement assez favorables à ces dépenses, puisque, pour l’essentiel, les zones de revitalisation rurale représentent de la dépense fiscale.
Mais il faut aussi regarder l’ensemble des autres ministères et des autres missions relatives à l’aménagement du territoire. Mon ministère n’a pas d’exclusivité en la matière, je reconnais volontiers qu’il a peut-être la plus petite part des crédits budgétaires, puisque les crédits relatifs à l’aménagement du territoire s’élèvent à plus de 5 milliards d’euros.
Néanmoins, si l’on peut avoir l’ambition de réunir un jour dans un grand ministère de l’aménagement du territoire tous les crédits qui y concourent, les choses ne peuvent probablement pas se faire du jour au lendemain.
Cependant, en rétablissant la DATAR dans son titre, il ne s’agit pas simplement d’un titre, il s’agit aussi de lui donner de nouveaux pouvoirs, notamment la capacité à veiller à la cohérence de l’ensemble des crédits d’aménagement du territoire, chaque ministère concerné devant l’informer de l’utilisation de ces crédits, qui figureront désormais dans leur budget.
Ce rôle d’ensemblier de la DATAR sera probablement renforcé par le décret qui devrait être pris lors du conseil des ministres du 9 décembre prochain.
De nombreux instruments d’aménagement du territoire existent, j’en dirai simplement quelques mots.
Tout d’abord, il y avait un retard dans les contrats de projets État-région. Un rattrapage extrêmement important est intervenu, madame Didier, vous avez oublié de le souligner, mais comme je pense que c’est une simple omission (Mme Évelyne Didier sourit), je le rappelle au Sénat. Le plan de relance a permis d’atteindre un taux de réalisation tout à fait normal. Si on compare ce taux à leur durée, il est proche de 40 %, ce qui est tout à fait satisfaisant. C’est le plan de relance, j’y insiste, qui nous a permis d’avancer avec beaucoup de volonté dans cette affaire.
Quant aux fonds structurels européens, je rappelle qu’ils sont importants pour notre pays. La France doit exprimer très clairement la volonté de maintenir au niveau européen la politique de cohésion entre toutes les régions et elle a besoin de ces crédits européens.
Avec mon collègue Pierre Lellouche, nous avons confié au député Pierre Lequiller une mission portant sur l’avenir de la politique de cohésion après 2013 ; nous aurons l’occasion de reparler de cette question l’année prochaine.
Après un départ plutôt lent dans l’utilisation de ces crédits, on peut désormais considérer que la majorité des programmes avancent normalement.
Un certain nombre de retards doivent encore être rattrapés. Sur ce point, dès ma prise de fonction, j’ai réuni les préfets de région pour leur demander de veiller à éviter la procédure de dégagement d’office des crédits européens.
Je veux dire un mot de l’accompagnement des restructurations de la défense, sujet extrêmement important pour le ministère de l’aménagement du territoire.
Cinq sites ont d’ores et déjà été libérés par le ministère de la défense et font l’objet de contrats de revitalisation : Givet, Arras, Barcelonnette, Provins et Briançon. D’autres sites feront l’objet de tels contrats l’année prochaine : il s’agira probablement de Metz, Mondeville, Noyon et Langres.
Ces contrats comprennent pour deux tiers des crédits du Fonds des restructurations économiques de la défense, le FRED, et pour un tiers des crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Nous sommes au tout début de la consommation de ces crédits, qui est relativement lente. Mais nous avons essayé de concentrer les moyens sur les villes concernées par les restructurations de la défense, notamment grâce à la cession à l’euro symbolique des terrains et à la modification du zonage des aides à finalité régionale, les AFR, ce qui permet de maximiser toutes les aides pouvant être accordées à ces sites.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité, qui relèvent d’une politique interministérielle, ils fonctionnent bien. Pour la première fois, des entreprises industrielles, des universités, des centres de recherche, des laboratoires travaillent ensemble, valorisent la recherche et développent les emplois industriels.
Nous sommes en phase d’évaluation. Un certain nombre de pôles de compétitivité font l’objet d’études approfondies pour vérifier leur état réel et s’assurer qu’ils peuvent conserver ce titre.
Un nouvel appel à projet a été lancé pour les écotechnologies. À la fin du printemps, nous ferons probablement le point sur les labellisations de nouveaux projets de pôles de compétitivité et sur les délabellisations.
Je souhaite dire un mot sur les pôles d’excellence rurale, les PER, car la plupart des interventions de ce soir ont concerné les territoires ruraux.
Ces pôles ont été une réussite dans leur première phase de mise en œuvre. Ils ont permis à des personnes qui se côtoyaient sans se voir de parler, de travailler ensemble et de produire des choses qu’on n’aurait pas imaginées au départ.
L’État n’a pas été le seul à financer ces pôles d’excellence rurale. Les collectivités y ont contribué pour une large part.
Devant ce succès, et après analyse de la commission de l’économie et du groupe de travail présidé par M. Pointereau, le Premier ministre a annoncé une nouvelle vague de pôles d’excellence rurale.
Selon M. Pointereau, nous irions trop vite. S’il le faut, nous freinerons, monsieur le sénateur. Si vous considérez que Noël peut gêner l’arrivée des pôles d’excellence rurale, nous attendrons quinze jours ou trois semaines. Il n’y a aucun problème.
J’ai bien compris votre demande concernant l’ingénierie. Nous souhaitons très fortement une offre d’ingénierie publique. Les sous-préfets, qui seront dégagés d’un certain nombre de missions grâce à la réforme des préfectures, pourraient offrir leurs services aux territoires candidats à un pôle d’excellence rurale qui le souhaitent. Il ne s’agit pas d’une obligation. Je tiens particulièrement à cette offre d’ingénierie publique, qu’elle soit de nature administrative, financière ou technique. Nous ne pouvons priver les territoires ruraux de toute ingénierie publique.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Michel Mercier, ministre. S’il faut aller plus loin, nous examinerons la situation au cas par cas. Mais il ne faut pas que la totalité des crédits qui pourraient être alloués aux PER soient consacrés à l’ingénierie, et non à l’investissement. On peut sans doute imaginer qu’un pourcentage de cette somme soit attribué à autre chose que de l’investissement. Nous pourrons en rediscuter.
En ce qui concerne les assises des territoires ruraux, je souhaite d’abord remercier toutes celles et ceux d’entre vous qui y ont participé.
La mobilisation a été forte même s’il existe des différences entre les départements en termes de participation, ce qui est normal. Quoi qu’il en soit, ces assises ont connu un grand succès. La synthèse hebdomadaire qui a été transmise la semaine dernière par les préfets montre ce succès sur l’ensemble du territoire et les attentes des habitants de ces territoires ruraux.
Je souhaite le redire de la façon la plus claire et la plus forte possible, les territoires ruraux sont un atout pour notre pays et ne constituent en aucun cas un poids à porter.
Nous souhaitons écouter les demandes et les réactions des habitants de ces territoires afin de construire avec leurs représentants des politiques de développement adaptées.
Nous vivons dans une République décentralisée. Nous l’avons voulu et nous l’avons inscrit dans la Constitution. L’État ne fera pas tout, il veut faire avec, il veut être un ensemblier, il portera les ambitions avec les territoires afin que ceux-ci puissent réussir.
La consultation se poursuivra notamment grâce à la mise en place d’un site internet qui fonctionnera jusqu’à la fin du mois de janvier.
Puis nous tirerons les conclusions de ces assises et nous définirons une politique pour les habitants des territoires ruraux.
M. François Marc a évoqué, à juste titre, le lancement de la procédure des grappes d’entreprises. Elle a précisément pour objet de répondre aux attentes des PME qui ne peuvent aller dans des pôles de compétitivité, mais dont la présence sur notre territoire est absolument nécessaire pour donner à notre machine industrielle toute sa puissance et tout son sens.
Ces grappes d’entreprises aideront essentiellement des PME, qui mettront en commun un certain nombre de questions. L’État, une fois la labellisation accordée, leur apportera son aide pour y répondre.
J’en viens maintenant plus spécifiquement aux questions qui m’ont été posées.
J’ai indiqué à Mme Évelyne Didier que le taux de réalisation des CPER s’était beaucoup amélioré, même nous pouvons faire mieux. Pour le ferroviaire, par exemple, le taux de réalisation des contrats de plan s’établit à 42 %
Mme Annie David. Nous sommes en décembre ! Il vous faudra faire 60 % en quelques jours !
M. Michel Mercier, ministre. En ce qui concerne les PER, je crois avoir répondu à M. Rémy Pointereau et à l’ensemble de ses collègues qui ont posé des questions sur l’ingénierie et sur le financement.
J’ai bien compris que M. Rémy Pointereau souhaitait une ligne unique budgétaire, à l’instar de ce que nous avons mis en place pour OSEO avec le Fonds unique interministériel, le FUI. C’est très compliqué, mais pourquoi pas ? Nous pourrions essayer d’ouvrir ce chantier ensemble.
Je souhaite dire à Mme Odette Herviaux, qui a également posé cette question, que nous pourrions mener à bien ce projet ensemble tout au long de l’année.
MM. Rémy Pointereau et Gérard Bailly, comme beaucoup d’autres, ont posé la question des ZRR. Nous achevons une mission d’évaluation. Nous pourrons en parler dès le début de l’année prochaine, bien sûr dans les assises des territoires ruraux. Cependant, je me tiens à la disposition de la commission compétente du Sénat, si le président Emorine souhaite m’auditionner.
Il est vrai que le dispositif des ZRR a essentiellement profité aux établissements sociaux et médicaux, et non aux associations. Il nous faudra apporter quelques corrections de ce point de vue.
Beaucoup d’entre vous, notamment MM. Rémy Pointereau et Fournier, ont soulevé la question de la télévision numérique terrestre. Un certain nombre de décisions ont été prises par le Premier ministre depuis le mois d’octobre. Le 21 octobre dernier, a été annoncé un dispositif de soutien à tous les foyers en zone d’ombre non desservis par le système hertzien, et ce quelles que soient leurs ressources. Si les collectivités souhaitent s’impliquer, un soutien au cas par cas sera mis en place.
La proposition de loi de M. Pintat qui avait été adoptée par le Sénat a également été adoptée par l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier,…
M. Charles Revet. Tout à fait ! Très bonne proposition !
M. Michel Mercier, ministre. … avec le soutien du Gouvernement. Elle nous permet de mettre en place un fonds qui, comme l’a souligné M. Jean-Jacques Lozach, ressemble au Fonds d’amortissement des charges d’électrification créé juste avant la guerre. Nous ferons en sorte de l’utiliser à bon escient.
Le passage au tout-numérique va libérer ce que l’on appelle du dividende numérique, qui pourra sans doute être utilisé pour abonder ce fonds.
L’expérience du basculement de la TNT à Cherbourg semble s’être bien passée. Nous attendrons quelques jours pour en juger définitivement.
Le GIP France Télé numérique est dirigé par un ancien sénateur, M. Louis de Broissia, et l’État accordera plus de 300 millions d’euros de soutien pour la TNT.
MM. de Aymeri de Montesquiou et Raymond Vall ont parlé du haut débit et du très haut débit. Il est vrai qu’il y a de grandes disparités entre les territoires. Le désir du Gouvernement est d’y mettre fin.
Certaines collectivités sont intervenues très tôt et ont pris de l’avance. Force est également de constater que les opérateurs ne font pas de l’aménagement, ils réalisent des installations seulement quand il y a un bénéfice.
Mme Annie David. Ah ça !
M. Michel Mercier, ministre. Nous devons intervenir. Il faut une aide publique là où l’initiative privée est inexistante afin d’assurer une égalité entre tous les territoires. (Mme Annie David hoche la tête.) Je suis heureux de constater que cette politique du Gouvernement obtient votre soutien.
Mme Annie David. On verra si vous la mettez en œuvre !
M. Michel Mercier, ministre. Vous ne pouvez pas à la fois nous soutenir et vous prendre pour Saint Thomas ! Il faut choisir. Moi, je prends le soutien sans problème, et je vous en remercie. (Sourires.)
Voilà où nous en sommes. S’il y a une demande qui est formulée dans toutes les assises des territoires ruraux, c’est la mise en place d’une infrastructure de très haut débit sur l’ensemble du territoire.
Je rappelle que, concernant le haut débit, une procédure d’appel à projet, sur le FEADER, a été lancée conjointement avec le ministère de l’agriculture il y a quelques mois. Par ailleurs, le secrétariat d’État de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a mis en place une offre avec accès satellitaire à 35 euros par mois.
Quoi qu’il en soit, il reste encore à faire dans ce domaine. Comme l’ont souligné MM. Philippe Darniche, Aymeri de Montesquiou et Gérard Bailly, la couverture en téléphonie mobile n’est pas réalisée partout et il reste des zones blanches.
Je rappelle que le programme spécifique d’urgence, ciblé sur les centres bourgs et les communes privées de tous services, prendra fin en 2011 : 3 400 communes rurales en auront bénéficié et tous les engagements pris par l’État seront tenus.
Je réunirai dans quelques jours, au début de l’année prochaine, les opérateurs et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, pour faire le point sur l’ensemble de ces chantiers et voir s’il faut aller plus loin dans certains cas.
Je souhaite répondre spécifiquement à M. Pierre Bernard-Reymond, dont je comprends très bien la colère – disons les choses telles qu’elles sont. S’agissant de la construction de l’autoroute A 51, le soutien des élus du département du Rhône ne vous a jamais fait défaut, monsieur le sénateur, lorsque vous avez dû constituer des dossiers. Chaque fois qu’une intervention a été demandée au conseil général du Rhône, la réponse a été positive. Je ne renie pas ce soutien, mais je vous rappelle qu’il ne m’appartient pas, en qualité de ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, de décider de la construction de cette autoroute.
Mme Annie David. La décision est déjà prise !
M. Michel Mercier, ministre. Le fait que j’aie écrit des lettres de soutien dans le passé me donne malgré tout une certaine liberté. J’ai d’ailleurs rappelé, lorsque je me suis rendu à L’Argentière-la-Bessée, que cette décision incombait au ministre d’État, Jean-Louis Borloo. Mes propos ont été mal compris, peut-être me suis-je mal exprimé, mais je répète devant vous ce qui correspond à ma pensée profonde : ce projet est porté depuis longtemps par un certain nombre d’élus de votre département et par vous-même, monsieur le sénateur ; pour des raisons que vous connaissez mieux que moi, il n’est pas réalisé ; il faut donc élaborer d’autres projets : vous le faites d’ailleurs très bien !
Mon ministère vous apporte son entier soutien sur au moins deux de ces projets : il s’agit, d’une part, du contournement de Gap – c’est le minimum que l’on doit à votre département – et, d’autre part, de l’amélioration de la liaison ferroviaire entre Marseille et Briançon. Sur ce dernier point, je reconnais, en effet, qu’il est tout à fait anormal que le trajet dure quatre heures trente. Immédiatement après notre entretien, monsieur le sénateur, j’ai rencontré le président de la SNCF et lui ai demandé un rapport expliquant les raisons de cette situation. Dès que j’aurai reçu sa réponse, qui ne devrait pas tarder, je vous en communiquerai les éléments.
Pour le reste, je le répète, il ne m’appartient pas de décider de la construction de l’autoroute A 51 : vous pourrez poser la question au ministre d’État ou au Premier ministre, qui vous répondront. Aucune décision n’est prise à ce jour, et les propos que j’ai tenus à L’Argentière-la-Bessée ne contenaient pas le moindre brocard ! Beaucoup croient que mon ministère exerce une compétence générale, or ce n’est pas le cas, du moins pour les transports.
M. Raymond Vall a eu raison d’insister sur la nécessité de mobiliser les crédits du FEADER : je partage tout à fait son sentiment. Mais les problèmes agricoles sont tels aujourd’hui que le ministère de l’agriculture essaie de parer au plus pressé ! Nous comprenons tous, MM. Gérard Bailly et Louis Pinton l’ont d’ailleurs indiqué, qu’il ne peut y avoir d’espaces ruraux sans agriculteurs. Les crédits du ministère de l’agriculture sont utilisés en priorité pour l’agriculture et nous rencontrons beaucoup de difficultés à obtenir des crédits suffisants pour les pôles d’excellence rurale. Mais nous n’oublions pas les fonds structurels européens : avec Bruno Le Maire et Pierre Lellouche, nous veillons à maintenir, au niveau de l’Union européenne, une vraie politique de cohésion territoriale, qui sera la grande affaire de 2012 !
M. Biwer, que je retrouverai demain dans la Meuse – vu l’heure, je devrais dire : aujourd’hui ! – a souligné, avec raison, que le soutien de l’État arrivait par plusieurs canaux et qu’il était parfois difficile de s’en rendre compte. Vues de la Meuse, les aides de l’État paraissent insuffisantes, mais si l’on examine en détail les crédits qu’attire le laboratoire de Bure, la perspective change. Il convient donc d’adopter une approche globale. Ces réflexions me conduisent à évoquer le problème de l’aide en ingénierie à apporter aux collectivités locales, pour leur permettre de monter des projets et d’aider les entreprises locales à répondre à des projets du type de celui de Bure. L’ingénierie est tout à fait centrale dans les territoires ruraux, pour la simple raison que ceux-ci se sont dépeuplés pendant des années et ont perdu en substance ; ils connaissent aujourd’hui un essor démographique, mais ne disposent pas encore de tous les moyens ni de tous les services souhaitables. Après les assises des territoires ruraux, j’espère que nous pourrons apporter une réponse à ce besoin important.
Je remercie enfin M. Jean Boyer du soutien qu’il nous a apporté et de son indéfectible enthousiasme à défendre les territoires ruraux.
J’ai bien compris que beaucoup d’entre vous entendaient exprimer le malaise causé par les réformes en cours : péréquation, suppression de la taxe professionnelle, réforme territoriale, etc. J’évoquerai brièvement deux points.
La péréquation représente 6 milliards d’euros au sein des crédits consacrés à la dotation globale de fonctionnement, ce n’est pas négligeable, même si on l’oublie trop souvent. J’ai rencontré le Comité des finances locales au début de la semaine pour envisager les moyens d’introduire plus d’équité dans la répartition des dotations versées aux communes rurales et aux communes urbaines. Le Comité des finances locales a créé un groupe de travail sur cette question, avec lequel mon ministère travaillera : j’espère que nous pourrons vous présenter des propositions l’an prochain. La lettre de mission que j’ai reçue du Président de la République à l’occasion de ma nomination mentionnait expressément cette question : je n’ai donc absolument pas l’intention de la négliger, bien au contraire !
En ce qui concerne le projet de suppression de la taxe professionnelle, remplacée par un nouvel impôt économique, la contribution économique territoriale, j’insiste sur le fait que, pour la première fois, un projet du Gouvernement prévoit une véritable péréquation, en prélevant plus de 1 milliard d’euros sur les territoires les mieux dotés pour les affecter aux territoires les moins bien dotés. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’exprimer un vœu avant que le Sénat ne se détermine souverainement, samedi prochain, sur la réforme de la taxe professionnelle : n’oubliez pas la péréquation ! C’est vous qui détenez le pouvoir de décision, le Gouvernement, en procédant à la révision constitutionnelle, vous l’a confié ! Vous êtes en présence d’une proposition portant sur 1 milliard d’euros, ne laissez pas passer cette occasion, elle ne se représentera pas souvent !
M. François Marc, rapporteur spécial. Il faut en parler à Philippe Marini !
M. Michel Mercier, ministre. Vous le ferez fort bien à ma place, monsieur le rapporteur spécial !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai probablement été trop long, sans pour autant répondre à chacun des intervenants. Nous avons pu, malgré tout, procéder ensemble, ce soir, à un tour d’horizon assez large des questions relatives à l’aménagement du territoire et essayer d’esquisser un certain nombre de réponses. Je ne prétends pas apporter toutes les réponses, mais nous pourrons les construire ensemble dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Politique des territoires
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
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Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Politique des territoires |
382 364 961 |
376 166 043 |
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire |
343 383 483 |
340 142 944 |
Dont titre 2 |
10 000 482 |
10 000 482 |
Interventions territoriales de l’État |
38 981 478 |
36 023 099 |
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires » figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Politique des territoires ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires ».
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 3 décembre 2009, à onze heures, quatorze heures trente et le soir :
1. Proposition du président du Sénat tendant à la création d’une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010).
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
Examen des missions :
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte spécial : Développement agricole et rural
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 3) ;
MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor et François Fortassin, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 105, tome I).
Sécurité
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 28) ;
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (avis n° 106, tome XI) ;
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Sécurité – Gendarmerie nationale – avis n° 102, tome IX).
Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 55, 56, 56 bis, 57, 58 et 58 bis)
Compte spécial : avances aux collectivités territoriales
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 25) ;
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 106, tome IX).
Administration générale et territoriale de l’État
Mme Michèle André, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 2) ;
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 106, tome I).
Sécurité civile
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 29) ;
Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 106, tome X).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 3 décembre 2009, à une heure cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD