M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yves Krattinger. Monsieur le secrétaire d'État, le Président de la République, recevant vendredi dernier à l’Élysée des maires sélectionnés, …
M. Didier Boulaud. Moi, j’étais invité ! (Sourires.)
M. Yves Krattinger. … a poursuivi sans surprise sa rhétorique contre les collectivités. Une nouvelle fois, les fonctionnaires publics territoriaux ont été attaqués, et, à travers eux, le service public de proximité qui est au service de tous nos concitoyens.
Le Gouvernement, qui a créé pas moins de onze taxes depuis 2007 quand les collectivités n’en ont pas institué une seule, peut-il dénoncer la « folie fiscale » de celles-ci ?
M. Yannick Bodin. Très bien !
M. Yves Krattinger. Après avoir diminué leurs finances avec la suppression de la taxe professionnelle, toucherez-vous demain à leur liberté d’administration en vous ingérant dans les affaires locales ?
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Yves Krattinger. Le Président de la République a annoncé, à cette occasion, la création d’une conférence nationale « pour parler du déficit de la France », oubliant que cette conférence existe déjà ! C’est la « conférence nationale des finances publiques », qui ne s’est pas réunie depuis plus d’an et demi, malgré les demandes répétées des collectivités.
M. Didier Boulaud. Elle ne sert à rien !
M. Yves Krattinger. Monsieur le secrétaire d'État, les collectivités veulent ce débat pour qu’enfin les Français connaissent votre responsabilité dans la dégradation des comptes de notre pays.
En 2009, pour équilibrer votre budget, vous empruntez 140 milliards d’euros, soit la moitié de ce que vous dépensez. La dette totale de l’État dépasse désormais 1 500 milliards d’euros,…
M. Didier Boulaud. Au diable l’avarice !
M. Yves Krattinger. … quand l’encours de dette des collectivités est onze fois moindre !
Vous empruntez pour payer vos fonctionnaires et pour vous chauffer.
Les collectivités autofinancent 60 % du montant de leurs investissements et en empruntent seulement 15 %.
M. Yannick Bodin. Oui !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Yves Krattinger. En 2009, elles ont investi, à votre demande, pour soutenir l’économie, malgré les transferts mal compensés, malgré les accusations inadmissibles, malgré les propos parfois méprisants.
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Yves Krattinger. De son côté, le Gouvernement s’est privé de recettes en créant le bouclier fiscal, en fixant sans contrepartie la TVA à 5,5 % dans la restauration, en diminuant massivement la contribution locale payée par les entreprises au détriment du budget de l’État et de ceux des collectivités.
Monsieur le secrétaire d'État, les élus locaux sont les fantassins de la République, ils méritent le respect ; quand donc cesserez-vous de les accuser ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. La révolte gronde !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Guy Fischer. Il n’a rien à voir avec cette question !
M. Didier Boulaud. Que va-t-il pouvoir répondre ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur Krattinger, comme tous les élus de la République, les maires, qui sont nombreux au Sénat, ont, bien entendu, le respect et l’estime du Gouvernement.
M. Guy Fischer. Prouvez-le !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça n’en a pas l’air !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le débat qui a eu lieu très récemment dans le cadre du projet de loi de finances sur la taxe professionnelle a d’ailleurs montré combien était notable l’apport du Sénat sur ces questions, …
M. Jean-Pierre Bel. De la majorité du Sénat !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. … contribuant ainsi à tracer le bon équilibre entre la volonté de favoriser nos entreprises et l’emploi et le respect qui est dû aux élus locaux que nous sommes tous.
Le but de cette réforme, vous le connaissez bien, monsieur Krattinger, c’est de faire en sorte qu’une imposition, la taxe professionnelle, qui pèse sur la compétitivité de nos entreprises (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) …
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. … et détruit les emplois sur nos territoires, puisse être allégée.
M. Didier Boulaud. Vous n’y croyez pas vous-même ! Pas un maire de France ne le croit !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je vous rappelle que la part de l’industrie française sur le marché intérieur s’est dégradée au cours des dix dernières années de 15 %, alors qu’elle s’est maintenue en Allemagne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait dix ans que l’on diminue la taxe professionnelle !
Mme Nicole Bricq. Avec les résultats que l’on connaît !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. La taxe professionnelle est un impôt que nous avons tous critiqué, de Pierre Mauroy à Dominique Strauss-Kahn, jusqu’aux élus locaux, comme François Fillon.
Tous ont souligné les ravages dus à cette imposition sur nos territoires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il fallait la réformer pour qu’elle soit mieux répartie !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Par conséquent, je pense que nous pouvons tous être d’accord sur le sens de cette réforme.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En tout cas, nous devons, les uns et les autres, assumer nos choix, …
M. Guy Fischer. C’est vous qui devrez assumer !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. … selon que nous voulons ou non favoriser l’emploi et les industries sur nos territoires.
M. Didier Boulaud. Vous êtes aux ordres de Mme Parisot !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. S’agissant des compensations pour les collectivités locales, il est normal que les collectivités locales aient de la visibilité sur leurs ressources.
C’est ce point que le Sénat a contribué à améliorer lors du débat sur la première partie du projet de loi de finances.
M. Alain Dufaut. Très bien ! !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. La discussion sur la deuxième partie nous permettra d’apporter des garanties…
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. … sur un autre sujet fondamental : la répartition des ressources entre collectivités locales, et la visibilité au-delà de 2010.
Enfin, vous avez évoqué l’imposition des ménages. L’allégement sur la taxe professionnelle va-t-il aboutir à une augmentation de l’imposition des ménages ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu !
M. Guy Fischer. Elle va exploser !
M. Didier Boulaud. Sauf pour M. Proglio !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Les mécanismes de compensation qui ont été prévus par le Gouvernement permettent de garantir qu’il n’y aura pas d’augmentation sur l’imposition des ménages.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf pour les ménages pauvres !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En revanche, je comprends très bien que vous vous en inquiétiez parce que, au cours des dernières années, le seul matraquage en termes d’imposition qu’aient subi les ménages – et, de ce point de vue, les élus locaux dans leur autonomie devront l’assumer – provient des exécutifs régionaux (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), qui, là encore, ont augmenté les impôts locaux de 50 à 80 %. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Scandaleux !
M. Guy Fischer. Tout pour les riches !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Etienne. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Nos concitoyens se posent beaucoup de questions à propos de la grippe A/H1N1. Faut-il ou non se faire vacciner ? À mon avis, il n’y a pas à hésiter. Quoi qu’il en soit, les cas de grippe amenant à consulter un médecin généraliste viennent d’augmenter de 50 % en quatre jours.
Nous assistons à une hausse exponentielle de l’affluence dans les centres de vaccination que vous avez fort heureusement mis en place, madame la ministre.
La fréquentation dans les douze centres parisiens est ainsi passée de 1 000 à 3 000 personnes par jour depuis vendredi dernier.
On peut, dès maintenant, s’interroger sur l’encombrement qui pourrait se produire dans quinze jours si l’afflux – comme on le souhaite d’ailleurs – des candidats à la vaccination continue d’augmenter. Déjà, des files d’attente commencent à apparaître et les personnels tant administratifs que soignants risquent d’être débordés. Nous allons notamment manquer de médecins.
M. René-Pierre Signé. Alors, ça va aller mieux !
M. Jean-Claude Etienne. Les internes et les externes des services hospitaliers, relayant religieusement votre message « lavez-vous les mains souvent », qu’ils complètent, en facétieux carabins qu’ils sont, par « embrassez-vous seulement si vous ne pouvez pas faire autrement » (Rires.), …
M. le président. Veuillez poser votre question, je vous prie !
M. Jean-Claude Etienne. … se sont tous portés volontaires dans ma région, en Champagne-Ardenne, à l’incitation du conseil de gestion de la faculté, pour venir étoffer l’équipe médicale présente dans les centres de vaccination.
Ils forment ainsi un renfort considérable de 496 soignants prêts à accueillir la vague de nouveaux candidats à la vaccination.
Toutefois, les personnels administratifs n’ont, quant à eux, pas encore été renforcés.
M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Jean-Claude Etienne. En pratique, que comptez-vous faire, madame la ministre, pour éviter que les centres de vaccination ne soient dépassés par l’importance de la demande ? Comment rassurer nos concitoyens à propos de la mutation virale, qui n’est pas automatiquement suivie d’une aggravation des symptômes, mais peut donner à l’adjuvant une place singulière justifiant la mise en place de deux types de vaccins : l’un avec adjuvant, l’autre sans, au choix du médecin ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Etienne, vous avez noté comme moi l’adhésion croissante de nos concitoyens à la vaccination contre la grippe A/H1N1 ; il faut nous en réjouir, car la vaccination est la meilleure politique de prévention.
Je me rappelle d’ailleurs, avec un certain amusement, les commentaires formulés au début de la campagne sur le « flop », le « bide » d’une telle action. Alors même que des files d’attente étaient en train de se constituer dans les centres de vaccination, certains journaux titraient encore sur le vide de ces centres !
Néanmoins, devant cette adhésion de nos compatriotes, le besoin de certains réglages s’est fait sentir. Il n’est pas admissible de devoir attendre trois heures dans un centre pour se faire vacciner…
Mme Catherine Tasca. Voilà !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … ni que des centres dont l’ouverture est annoncée soient fermés. Il est inadmissible que des professionnels de santé, qui ont annoncé leur venue à des heures bien précises, ne tiennent pas leurs engagements. Nous voyons bien que les dysfonctionnements trouvent leur origine dans cette absence de réglages.
C'est la raison pour laquelle, avec mon collègue Brice Hortefeux, nous avons pris un certain nombre de dispositions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. D’abord, il a été décidé d’élargir les horaires d’ouverture des centres, en particulier sur des journées sensibles comme le mercredi ou le samedi, où l’affluence est forte.
M. Christian Poncelet. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par ailleurs, nous en appelons à la responsabilité des professionnels de santé qui ont pris des engagements afin d’étoffer les équipes médicales, paramédicales et administratives qui sont dans les centres.
Nous appelons également au respect de l’ordre de priorité qui a été établi, car les vaccins ne seront pas tous reçus en même temps, les livraisons s’étalant jusqu’au mois de février. Il ne faut se présenter dans un centre de vaccination que muni de son bon, et j’invite chacun à vérifier les horaires des centres de vaccination sur le site internet de leur préfecture, dans les pharmacies, dans les mairies ou en téléphonant au 0825 302 302, où toutes les explications leur seront fournies.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La vaccination, c’est la meilleure politique de prévention pour soi et pour les autres. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
seconde partie
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et article 54 quater).
La parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances présentera en deux temps les crédits de la mission « Outre-mer » : j’évoquerai, pour ma part, le cadrage global du budget de la mission, tandis que mon collègue Éric Doligé vous détaillera l’évolution des crédits de ses deux programmes.
Ce projet de budget intervient cinq mois après la promulgation de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODÉOM. Le « coût » global de cette loi peut être évalué à 300 millions d’euros, mais son impact financier sur le budget de la mission « Outre-mer » est assez limité. En effet, un très grand nombre des mesures d’application ne sont pas encore parues – la commission des finances en a compté vingt-trois, soit la quasi-totalité – et certaines dispositions restent donc inapplicables.
Il vous reviendra, madame la ministre, de nous indiquer l’état d’avancement de ces mesures d’application qui, vous le savez, sont attendues avec beaucoup d’impatience en outre-mer. Elles sont d’autant plus urgentes qu’il n’est pas souhaitable de laisser les acteurs économiques trop longtemps dans l’incertitude quant aux modalités précises de mise en œuvre des mesures de la LODÉOM.
Par ailleurs, plus des deux tiers du coût de 300 millions d’euros de la LODÉOM correspondent à des dépenses fiscales et non à des crédits budgétaires.
De manière générale, les dépenses fiscales tiennent une place importante dans la politique en faveur de l’outre-mer. La mission « Outre-mer » regroupe 2,17 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,02 milliards d’euros en crédits de paiement dans le projet de budget pour 2010, si l’on prend en compte les augmentations votées à l’Assemblée nationale ; Éric Doligé vous les présentera tout à l’heure. Les dépenses fiscales sont évaluées, pour l’année 2010, à 3,46 milliards d’euros ; elles s’accroissent de 6,6 % par rapport à 2009, sous l’effet des dispositifs votés dans la LODÉOM. Cette hausse est toutefois moins forte que celle de 2009, qui s’élevait à 17,4 %.
Enfin, la très grande majorité des crédits budgétaires en faveur de l’outre-mer ne se trouve pas dans la mission « Outre-mer ». Le document de politique transversale, qui retrace l’ensemble de l’effort financier de l’État en direction de l’outre-mer, fait apparaître, pour 2010, 13,56 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 13,37 milliards d’euros en crédits de paiement. La mission représente donc moins de 15 % des crédits de la politique transversale.
J’en profite pour relever que le document de politique transversale n’est toujours pas complet, puisque deux programmes manquent encore pour appréhender l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer. Nous attendons, madame la ministre, que vous vous rapprochiez de vos collègues des autres ministères pour aboutir, dès l’année prochaine, à un document exhaustif.
Outre la LODÉOM, l’examen de ce budget intervient trois semaines après le premier conseil interministériel de l’outre-mer, présidé par le Président de la République. Cette réunion a été l’occasion d’annoncer un plan de modernisation, à la suite du vaste débat qui a eu lieu dans le cadre des états généraux de l’outre-mer.
Il serait trop laborieux ici de développer l’ensemble des décisions prises par le conseil interministériel. Composé de cent trente-sept mesures, le plan annoncé par le Président de la République s’article autour de cinq grands axes : favoriser la concurrence pour faire baisser les prix, faciliter le développement économique endogène, rénover les relations entre la métropole et ses outre-mer, développer les responsabilités locales et renforcer l’égalité des chances. À la lecture de ces mesures, je me réjouis de constater que les propositions formulées par la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer aient été largement reprises.
Nous ne savons pas encore quelles seront les modalités concrètes d’application de ces propositions, mais nous souhaitons qu’elles ne restent pas un vœu pieux. À ce sujet, madame la ministre, vous pourrez peut-être nous indiquer le calendrier de mise en place de ce plan et, le cas échéant, si certaines de ces dispositions feront l’objet d’un projet de loi.
La mise en œuvre des mesures du conseil interministériel sera pour nous l’occasion de concrétiser, autant qu’il sera possible, les propositions de la mission commune d’information du Sénat, présidée par notre collègue Serge Larcher. Éric Doligé, rapporteur de la mission, pourra évoquer plus en détail les conclusions de celle-ci.
Parmi les propositions formulées, j’en retiendrai une, en lien avec le cadrage global de la mission « Outre-mer » : la nécessité de transformer le ministère de l’outre-mer – et non plus le secrétariat d’État – en une structure interministérielle, éventuellement rattachée au Premier ministre, qui ne serait pas placée sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Nous avions déjà formulé cette proposition les années précédentes.
Comme nous l’avons souligné, les crédits de la mission « Outre-mer » sont très limités au regard de ceux de l’ensemble de la politique en faveur de l’outre-mer. Par ailleurs, la tutelle du ministère de l’intérieur ne nous semble pas adaptée à la diversité des statuts de l’outre-mer. Enfin, la collaboration entre le ministère de l’outre-mer et les autres ministères est rendue très difficile par, reconnaissons-le, l’importance trop souvent limitée que ces ministères accordent aux problématiques ultramarines.
Il semblerait toutefois que vous ayez maintenant un droit de regard et de suivi sur les crédits outre-mer inscrits puis réalisés dans les autres missions. Le moment venu, une évaluation de ces nouvelles dispositions sera certainement utile.
Dans ce contexte, le projet de budget pour 2010 de la mission « Outre-mer » apparaît comme un budget de transition avec la mise en œuvre de la LODÉOM et des mesures du conseil interministériel. Comme je l’ai indiqué au début de mon propos, mon collègue Éric Doligé va maintenant détailler le budget de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la ministre, je souhaite, tout comme Marc Massion, que votre ministère devienne une structure interministérielle, rattachée au Premier ministre. Comme nous ne cessons de formuler cette demande, nous espérons qu’elle finira par être entendue ! La situation a déjà évolué, mais elle peut encore progresser.
Les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent, pour la seconde année consécutive, une augmentation sensible. Cette hausse était déjà, dans le projet présenté par le Gouvernement, de 6,4 % en autorisations d’engagement et de 6,3 % en crédits de paiement. Elle a été majorée à hauteur de 83 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 33 millions d’euros en crédits de paiement, à la suite du vote à l’Assemblée nationale de nouveaux crédits destinés à commencer à mettre en œuvre les 137 mesures décidées par le conseil interministériel de l’outre-mer.
La hausse prévue dans le projet initial présenté par le Gouvernement porte principalement sur le premier des deux programmes de la mission. Le programme « Emploi outre-mer » voit en effet ses crédits augmenter de près de 10 %. Cet accroissement correspond principalement à un meilleur remboursement aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales spécifiques à certains territoires d’outre-mer. Ces compensations s’élèvent à 1,1 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010, ce qui, je le relève au passage, représente plus de la moitié des crédits de l’ensemble de la mission.
Si l’on peut se réjouir de cette hausse, nous ne pouvons que regretter qu’elle ne soit pas suffisante pour compenser à l’euro près les pertes subies par les organismes de sécurité sociale. La dette accumulée auprès d’eux s’élèvera à plus de 600 millions d’euros à la fin de l’année.
Une deuxième mesure bénéficie, au sein du programme, d’une hausse de ses crédits : le service militaire adapté, le fameux SMA. Notre collègue François Trucy avait montré l’efficacité de ce dispositif dans un récent rapport de la commission des finances. Conscient de cette efficacité, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs qui en bénéficient : ils passeront progressivement de 3 000 à 6 000.
Toutefois, d’après les informations que nous avons recueillies, l’augmentation des crédits et des personnels d’encadrement ne sera pas proportionnelle à ce doublement. Nous craignons que la qualité de la formation n’en pâtisse. Ce serait regrettable, puisque 80 % des jeunes qui sortent aujourd’hui du SMA trouvent ensuite un emploi ou une formation qualifiante. Madame la ministre, vous pourrez probablement lever nos inquiétudes sur ce sujet, car je sais que vous avez des réponses précises à nous apporter.
Le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », est très hétérogène. Il comporte, notamment, les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, dédiée au logement en outre-mer. Ces crédits connaissent tout particulièrement une année de transition. En effet, nous avons voté dans la LODÉOM le recentrage, sur le logement social, du dispositif de défiscalisation du logement en outre-mer.
La défiscalisation pourra, en outre, s’articuler avec une utilisation des crédits de la LBU. Ce nouveau mécanisme ne pourra entrer en application que très progressivement et devra, pour être efficace, faire l’objet d’un travail concerté avec les bailleurs sociaux. Nous relevons que les crédits de la LBU ne diminuent pas et espérons que, sur ce point, les craintes de nos collègues ultramarins, exprimées lors du débat sur la LODÉOM, seront apaisées.
Enfin, il faut se réjouir, au regard des besoins des populations locales, de la hausse des crédits consacrés à la résorption de l’habitat insalubre, qui augmentent de 6 %.
En revanche, l’instauration du groupement d’intérêt public censé régler les problèmes d’indivision dans les DOM est repoussée à 2011, ce qui est regrettable compte tenu de la situation particulière en matière de logement et de foncier.
Madame la ministre, de nombreuses voix s’étaient élevées lors du vote de la LODEOM pour demander une mise en œuvre rapide de ce GIP. Pensez-vous qu’il soit possible d’accélérer les choses dans ce domaine ?
Les mesures en faveur de la continuité territoriale connaissent également une année de transition. En effet, le Fonds de continuité territoriale, adopté dans le cadre de la LODEOM, doit être mis en place pour regrouper et rationaliser les différents types d’aides existantes. Ces aides seront désormais sous condition de ressources, ce dont il convient de se réjouir.
À ces augmentations prévues dans le projet de budget initial sont venus s’ajouter les crédits supplémentaires votés à l’Assemblée nationale à la suite des conclusions du conseil interministériel de l’outre-mer.
Tout d’abord, 20 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 6 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés au logement social en outre-mer. Cette augmentation supplémentaire de la LBU permettra notamment de renforcer les actions menées en termes de résorption de l’habitat insalubre et de favoriser la construction de nouveaux logements sociaux.
Ensuite, 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5 millions d’euros en crédits de paiement viendront soutenir et dynamiser la création de PME outre-mer grâce à la création d’un fonds de garantie pour l’agriculture et la pêche. Cette mesure, en favorisant l’accès des entrepreneurs ultramarins du secteur agricole, de la filière du bois et du secteur de la pêche aux financements bancaires, facilitera leur projet d’installation ou de modernisation et, par conséquent, le développement et l’emploi en outre-mer.
En outre, 38 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 7 millions d’euros de crédits de paiement conforteront le rôle de facilitateur des politiques publiques locales de l’Agence française de développement dans l’outre-mer par l’accroissement de l’accès à des financements à taux bonifiés, accordés à la fois aux PME et aux collectivités territoriales.
Enfin, 15 millions d’euros seront destinés à instaurer une dotation spéciale d’équipement scolaire pour les écoles et les collèges en Guyane, afin de répondre aux besoins en matière de construction et d’extension d’établissements scolaires du fait d’une évolution très positive de la démographie.
Pour finir, je souhaite aborder deux sujets qui ne figurent pas strictement au sein de la mission « Outre-mer », mais qui nous importent particulièrement.
Le premier concerne le dispositif de l’indemnité temporaire de retraite, le fameux ITR, en outre-mer. Il a enfin été réformé, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat, dans le collectif budgétaire de décembre dernier. Les économies budgétaires espérées mettront toutefois du temps à apparaître. En effet, la fin des entrées dans le dispositif de l’ITR n’est prévue que pour 2028.
Le second sujet a trait aux majorations de traitement dans la fonction publique de l’État et dans la fonction publique territoriale : elles coûtent plus de 1,3 milliard d’euros rien que pour l’État. Aucun chiffrage précis concernant leur coût pour les collectivités territoriales n’est disponible. Or, à l’évidence, elles ne sont pas adaptées aux écarts de prix entre l’outre-mer et la métropole. Par ailleurs, elles ont d’importants effets pervers sur le niveau des prix et sur la situation financière des collectivités territoriales. L’INSEE doit rendre une étude comparative exhaustive des prix en 2010 et nous veillerons, sur cette base, à mettre en œuvre les préconisations de la mission commune d’information. Je regrette d’ailleurs de constater que ce sujet majeur n’a pas été repris par le conseil interministériel de l’outre-mer.