M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le discours présidentiel disserte depuis plus d’un an sur la « moralisation » et la « refondation » du capitalisme, voici qu’un quotidien économique du matin nous apprend que les patrons des entreprises, hors CAC 40, perçoivent en moyenne une rémunération de 500 000 euros, les rémunérations les plus élevées allant jusqu’à 1 million d’euros ! Les éléments variables de rémunération dans ces entreprises hors CAC 40 sont tellement importants qu’on peut se demander ce qu’est devenu le « pacte éthique » du MEDEF, sur lequel s’est appuyé le Gouvernement pour ne pas légiférer.
Le même jour, un journal proche de la majorité présidentielle nous indiquait, sous le titre « Les entreprises françaises paient beaucoup d’impôts..: mais facilement » que notre pays se positionnait particulièrement bien sur le plan de l’attractivité en occupant la cinquante-neuvième position sur cent quatre-vingt-trois pays pour ce qui est de la pression fiscale sur les entreprises.
Les éléments qui commencent à nous parvenir sur la réalité des inégalités de revenus sont de plus en plus éclairants : les plus aisés des ménages ont connu, ces derniers temps, une très sensible amélioration de leur situation, marquée par une progression spectaculaire de leurs revenus.
Ainsi, les quartiers parisiens les plus dynamiques en termes de revenus sont les Ier, VIe et VIIe arrondissements. L’écart de revenu moyen entre l’arrondissement le plus modeste et le plus aisé de la capitale est désormais de un à cinq. Les 5 % de Parisiens les plus riches capitalisent aujourd’hui 40 % des revenus fiscaux et ont capté 82 % de la progression des revenus imposables !
Ces quelques éléments montrent à quel point les choix opérés à travers le projet de loi de finances pour 2010, dans son volet recettes, tournent le dos à la plus élémentaire exigence d’équilibre.
On supprime la taxe professionnelle, en ressuscitant l’antique patente et en la doublant d’un succédané de TVA, et on invente la taxe carbone, tandis que l’impôt sur le revenu est encore une fois et toujours plus injuste, victime de la constitution de niches sans cesse plus nombreuses.
Pour les collectivités locales, c’est moins de recettes fiscales, moins de services publics et plus de charges, puisqu’elles aussi paieront la « contribution carbone ».
Les options retenues par le Gouvernement et amplifiées par la majorité sont particulièrement significatives de cette logique fiscale, qui, comme souvent, ne profite qu’aux riches. Les dernières années viennent pourtant de nous montrer à quel point ces cadeaux fiscaux étaient sans efficacité sur la situation réelle du pays.
À quoi a servi la défiscalisation des heures supplémentaires ? À remplacer des embauches, même à durée déterminée, par des heures de travail sans impôt ni cotisations sociales !
À quoi a servi l’allégement sur les droits de succession et les donations ? À permettre à quelques contribuables bien conseillés d’optimiser leur patrimoine, alors même que les inégalités croissantes de patrimoines sont au cœur de la mise en cause du pacte républicain dans notre pays !
À quoi a servi l’allégement de la fiscalité des plus-values des groupes, au point de la faire disparaître ? À donner de la trésorerie à des entreprises qui en étaient déjà pourvues, une trésorerie qui semble leur avoir permis de poursuivre leur croissance externe, comme des rachats d’entreprises, par exemple, et de financer parfois des plans de restructuration dans notre pays. N’est-ce pas PSA qui annonçait il y a peu 6 000 suppressions d’emplois dans ses unités en France et la poursuite de son développement dans d’autres pays ?
La fiscalité n’a pas vocation à neutraliser les conséquences des choix de gestion des entreprises, pas plus qu’elle ne doit valoriser tel ou tel placement, comme nous le voyons avec les incitations à l’épargne boursière ou à l’investissement locatif dans sa version Robien-Borloo-Scellier.
La fiscalité devrait servir à donner à l’État les moyens de mener les politiques publiques dont l’ensemble de la collectivité, particuliers comme entreprises ou collectivités locales, peut ensuite tirer parti pour son propre développement.
Cette première partie du projet de la loi de finances ne répondant aucunement à cette orientation, nous ne pourrons que voter contre.
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a moins d’une semaine, nous avons entamé l’examen d’un texte que nous ne pouvions voter. La mesure phare de ce projet de loi de finances, la suppression de la taxe professionnelle, faisait en effet peser une incertitude inacceptable sur les ressources futures des collectivités territoriales.
À l’Assemblée nationale, des modifications majeures ont été apportées au texte. Le lien indispensable entre collectivités et entreprises a été rétabli. Il est désormais acquis que la valeur ajoutée sera déterminée dans la commune où l’entreprise la produisant dispose de locaux.
Les sources de préoccupations demeuraient malgré tout trop grandes et les conditions d’un examen responsable n’étaient pas réunies.
Pourtant, il n’était pas envisageable de ne pas mener cette réforme à bien. La suppression de la taxe professionnelle est nécessaire, nous le croyons, car cet impôt a été altéré par plus de vingt réformes successives. À l’heure de la désindustrialisation, des délocalisations et alors que la crise frappe encore, un impôt que les entreprises paient lorsqu’elles investissent doit être supprimé au plus vite.
Dans une démarche constructive, nous avons donc exigé que la réforme soit examinée en deux temps. La commission des finances a proposé un amendement en ce sens, et je veux saluer le travail remarquable qu’elle a accompli.
Le groupe de l’Union centriste s’est investi dans les efforts qui ont permis de réunir les conditions de réussite de la réforme en 2010.
Parmi les amendements qui ont enrichi le texte, celui tendant à abaisser de 6 % à 5,5 % le prélèvement sur recettes auxquels sont soumis les titulaires de bénéfices non commerciaux est un pas raisonnable vers une imposition de droit commun pour ces entreprises.
L’exonération d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux pour les stations d’émission destinées à résorber les zones blanches du haut débit permettra de ne pas ruiner les efforts engagés par notre groupe et d’autres pour réduire les inégalités territoriales en matière d’accès au haut débit.
Par équité, et pour soutenir un secteur économique qui fait vivre de nombreux territoires, la réduction de la base de la cotisation locale d’activité s’appliquera à l’ensemble des chefs d’entreprise artisanale, qu’ils exercent sous forme individuelle ou sociétaire.
Le dialogue a donc bien eu lieu, le texte a été amélioré et nous croyons que les bases que nous avons posées ensemble permettront de mettre en œuvre la réforme dans des conditions favorables à la fois pour les entreprises, les citoyens et les collectivités territoriales.
Toutefois, mes chers collègues, nous n’avons fait que la moitié du chemin, sans doute pas la plus difficile.
Durant l’examen du second volet, il ne faudrait pas que l’adoption de dispositions trop précises vide le découplage de tout son intérêt. Nous pensons que ce sont des principes qu’il faut maintenant fixer. Ceux-ci devront être suffisamment clairs et fermement établis pour orienter les travaux qui permettront de finaliser la réforme dans un projet de loi de finances rectificative en 2010, et nous déposerons un amendement en ce sens.
Nous proposerons également une double clause de revoyure, non seulement en 2010 pour fixer la répartition des ressources, mais aussi, au lendemain de la réforme des compétences des collectivités, afin que les deux évolutions majeures de la fiscalité et des compétences soient cohérentes et bien articulées.
Comme l’a dit Jean Arthuis, la réforme de la taxe professionnelle a quelque peu vampirisé l’examen de cette première partie du projet de loi de finances. D’autres mesures importantes ont pourtant été adoptées.
Je pense à la création de la contribution carbone, bien sûr, dont nous approuvons à la fois la finalité et le caractère incitatif, et qui a été opportunément renommée sur proposition de plusieurs de nos collègues, dont Mme Morin-Desailly.
Grâce à l’initiative prise par notre collègue Jean-Jacques Jégou, le Sénat a lancé un signal fort en direction non seulement des restaurateurs, mais aussi, plus largement, du Gouvernement et de l’opinion publique.
Cette vigilance guidera nos efforts lors de l’examen de la seconde partie, tout particulièrement lorsque nous poursuivrons la discussion sur la réforme de la taxe professionnelle. C’est donc bien conscient du travail qu’il reste à accomplir que la grande majorité du groupe de l’Union centriste votera cette première partie du projet de loi de finances pour 2010. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les grandes lois de décentralisation de 1982 et celles de l’intercommunalité en 1992 et 1999, nous avons vécu un âge d’or. Ces lois ont été à la source d’un formidable développement de l’initiative économique locale dans une période de bouleversement mondial intense. Elles étaient assises sur un pacte de confiance avec l’État.
La loi de 2004, qui devait être l’acte II de la décentralisation, a abouti, elle, au transfert vers les collectivités locales de charges dynamiques, mais de recettes atones.
Le choix opéré alors en faveur de l’autonomie financière, au lieu de l’autonomie fiscale, permet aujourd’hui au Gouvernement d’ouvrir une nouvelle séquence où il choisit d’assécher les ressources des collectivités, dans un premier temps, avant de les étouffer avec les lois à venir de réorganisation territoriale.
L’ensemble repose sur la défiance, dans un cheminement régressif eu égard à la situation catastrophique des déficits de l’État et à une explosion dangereuse de la dette publique. Je rappelle que celle des collectivités locales n’en occupe qu’une très modeste part : en deux ans, de 2008 à 2010, l’explosion de la dette de l’État de plus de 25 % est nettement supérieure à la dette cumulée de l’ensemble des collectivités territoriales. Et le Président de la République de convoquer une conférence des déficits publics au motif que tout le monde doit faire un effort pendant et après la crise !
Qui ne souscrirait à l’impératif de solidarité nationale en un pareil moment ? Mais vous défendez cette position sans modifier l’architecture fiscale de votre projet de budget.
Il n’est pas jusqu’à l’introduction d’une fiscalité carbone qui ne participe à la consécration des inégalités ! Vous parvenez à réaliser la contre-performance qui consiste à gâcher une idée juste et partagée, celle du Grenelle de l’environnement, en créant un impôt de plus, qui pèsera d’abord sur les ménages les plus modestes, sans que le défi écologique soit résolument affronté.
Depuis cinq jours, vous refusez systématiquement le débat de fond sur les amendements du groupe socialiste visant à faire contribuer à la hauteur de leurs moyens ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, des niches fiscales les moins efficaces économiquement et les plus injustes socialement.
Les exonérations massives que vous faites voter à votre majorité à l’envi depuis des années n’ont fait qu’appauvrir l’État. Et il faut encore emprunter 20 milliards d’euros sur les marchés financiers pour financer les dépenses d’avenir, alors que la part réservée à l’investissement public dans le budget de l’État s’est réduite comme peau de chagrin depuis que vous avez pris en main la conduite du pays, en 2002.
Droit dans ses escarpins ou dans ses bottes, selon les moments, le Gouvernement n’a rien cédé sur l’essentiel, sur ce qui fonde la République : la liberté pour les collectivités locales, celle que vous venez de nous proposez d’échanger dans la deuxième délibération contre une très modeste obole ; l’égalité par une juste répartition de l’impôt entre nos concitoyens, et particulièrement à l’égard des plus modestes, socle de la fraternité.
Vos choix fiscaux aboutiront à faire supporter encore davantage la charge de l’impôt et local et national à ceux qui le paient sans rechigner, qui ne peuvent recourir à des mécanismes d’évasion ou d’optimisation fiscale, ceux qui appartiennent à ce qu’on appelle les « couches moyennes », à cette « France qui se lève tôt », comme disait un candidat à l’élection présidentielle.
Nous aurons ce rendez-vous, cette confrontation avec vous devant l’opinion. Pour l’heure, le groupe socialiste votera contre la première partie de ce budget, qui porte sur les recettes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Au terme de l’examen des articles relatifs aux recettes du projet de loi de finances prévu pour 2010 et des débats qui y ont été associés, je rappellerai que ce budget atteint un record historique en termes de niveau de la dépense publique puisque celle-ci qui devrait représenter 56% de la richesse nationale.
Le niveau du déficit public - 8,5 % du PIB - est devenu insoutenable à moyen terme. La seule reprise économique annoncée à partir de 2011, avec un taux réaliste de 1,5 % de croissance en volume, ne sera pas susceptible de résorber un déficit structurel compris, selon le gouvernement lui-même, entre 45 milliards et 50 milliards d’euros, sur un déficit total de 101 milliards d’euros, hors plan de relance.
Le taux de croissance de la dépense s’élève officiellement à 1,2 % mais, en réalité, il est de 2,7 % si l’on tient compte de trois facteurs : l’effet à moyen terme de la réforme de la taxe professionnelle, soit 4,2 milliards d’euros ; la hausse des remboursements et des dégrèvements, soit 1,8 milliard d’euros ; la hausse des dépenses fiscales hors plan de relance, soit 1,1 milliard d’euros.
Ce budget est l’occasion de rappeler l’impérieux besoin de justice dans notre système fiscal. Plus de justice signifie surtout la fin du « bouclier fiscal », qui profite principalement à une frange quantitativement minoritaire et économiquement privilégiée de la population, alors que notre pays a tant besoin de recettes fiscales pour que l’État puisse remplir tous ses devoirs régaliens.
Les membres de mon groupe prônent le retour aux fondamentaux en matière fiscale : que chacun contribue aux charges publiques en fonction de ses moyens. Il est grand temps que la progressivité de l’impôt redevienne la règle, redevienne la norme.
D’ailleurs, je regrette la timidité de la commission des finances de notre assemblée, et plus encore la rigidité des positions du Gouvernement, qui persiste à maintenir un système aussi inéquitable qu’inefficace. L’instauration d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés aurait pu être une simple mesure de justice fiscale.
Au moment où la BNP s’apprête à verser 1 milliard d’euros de bonus et de primes diverses, peut-on nous faire croire que les banques ne pourraient pas contribuer aux finances du pays à hauteur de 700 millions ou de 1 milliard d’euros ?
Pour obtenir davantage de justice fiscale - et donc sociale –, il convient de lutter contre les niches fiscales. Sur ce point, en dépit des efforts consentis cette année encore, nous ne sommes pas parvenus - par manque de volonté politique - à éradiquer l’ensemble de ces niches. Au lieu de faire un pas dans le sens d’une plus grande solidarité, laquelle manque cruellement à notre politique fiscale en ces temps de crise, le Gouvernement maintient le cap.
Je tiens ici à saluer la qualité des débats relatifs à la réforme de la taxe professionnelle, notamment dans la réécriture complète de l’article 2, même si, avec plusieurs collègues du groupe du RDSE, nous avons défendu un amendement de suppression de cet article, ultime tentative pour sauver la taxe professionnelle et, avec elle, le principe de l’autonomie fiscale des collectivités.
Cet article a été totalement récrit. La nouvelle contribution économique territoriale, dont les modalités ont été adaptées, permet le maintien d’un lien formel entre l’entreprise et la collectivité territoriale.
En dépit du caractère plus que contestable d’une réforme qui porte atteinte non seulement à l’autonomie fiscale des collectivités, mais aussi et surtout à leur équilibre financier, je me félicite que deux sous-amendements présentés par des membres de mon groupe et moi-même aient été adoptés afin d’atténuer les dommages collatéraux que ne manquera pas de provoquer la suppression de la taxe professionnelle.
Le premier a permis – avait permis, devrais-je dire – le maintien du plafonnement de la valeur ajoutée à 3,5 % et non à 3 %. Hélas ! le Gouvernement vient d’user de toutes ses prérogatives - et elles sont nombreuses - pour revenir sur ce vote acquis par le Sénat la semaine dernière. Décidément, révision de la Constitution ou pas, nous ne sommes toujours pas, mesdames et messieurs les ministres, à armes égales !
Le deuxième sous-amendement, auquel tenaient beaucoup les radicaux de gauche et dont le vote a été pour nous une réelle satisfaction, permet, d’une part, d’atténuer le renforcement du poids de l’imposition sur les entreprises de l’économie sociale que sont les mutuelles, unions, institutions de prévoyance et entreprises d’assurance, et, d’autre part, d’affirmer la reconnaissance des missions de solidarité et d’intérêt général qui sont remplies par l’économie sociale.
Enfin, concernant la nouvelle contribution carbone, je ne pense pas qu’elle favorisera la reprise de la croissance et une vraie sortie de crise.
Un impôt écologique intelligent aurait donné aux entreprises comme aux ménages le moyen d’adopter des comportements compatibles avec le développement durable. Il n’en sera rien. Ce n’est pas une centaine d’euros reversés aux familles avant les élections régionales qui leur permettra de changer de voiture ou de chaudière ! En réalité, il s’agit d’une taxe additionnelle à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, et donc d’une taxe de plus - la dix-septième créée depuis 2007 - qu’acquitteront d’abord les familles modestes éloignées des lieux de travail, des lieux de scolarisation des enfants et des centres-villes, et vivant dans des communes non desservies par des transports collectifs.
Pour toutes ces raisons et pour d’autres encore que je n’ai pas le temps de développer, la grande majorité des membres du groupe RDSE ne votera pas les dispositions de la première partie du projet de loi de finances pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à plusieurs reprises, le Gouvernement a mis en cause la gestion des communes et des autres collectivités territoriales. Or, si l’on observe l’évolution de la dette publique au cours des deux dernières années, on constate que la fuite en avant est surtout le fait de l’État. En réalité, depuis le début de la Ve République, on n’a jamais vu un accroissement aussi rapide de l’endettement national. Il est donc vraiment temps de mettre un terme à la démagogie fiscale qui consiste à distribuer l’argent public tout en réduisant parallèlement les impôts.
Trois exemples sont emblématiques : le bouclier fiscal, la réduction de la TVA acquittée par les restaurateurs et, bien entendu, la suppression de la taxe professionnelle.
En période de crise, il est profondément injuste de considérer le bouclier fiscal comme un dogme intangible. En effet, quand la CSG ou la taxe d’habitation augmentent, tous les Français en font les frais, y compris les plus modestes et les smicards. C’est quand même un comble que seules y échappent les grandes fortunes bénéficiant du bouclier fiscal !
S’agissant de la baisse de la TVA dans la restauration, des promesses mirifiques avaient été faites ; malheureusement, le bilan de cette mesure est totalement nul puisque les prix n’ont pas baissé et qu’il n’y a pas eu d’embauches.
J’en viens enfin à la taxe professionnelle. Là, on atteint le summum de la démagogie fiscale puisque l’État fait un cadeau aux entreprises avec l’argent des communes. Certes, en 2010, la suppression de la taxe professionnelle sera réellement compensée. Toutefois, personne ne se fait d’illusions pour la suite : chacun sait que les recettes de remplacement ne seront pas actualisées et qu’ainsi, année après année, les communes seront de plus en plus perdantes.
Les municipalités devront alors reporter ce manque à gagner sur les ménages, et notamment sur la taxe d’habitation. Une fois de plus, les familles, souvent très modestes, seront les victimes de cette affligeante opération de démagogie fiscale. La suppression de la taxe professionnelle se répercutera immédiatement sur les impôts locaux des ménages. Il y a en effet une différence entre l’État et les collectivités locales en matière de gestion : l’État peut voter un budget en déficit - et actuellement, hélas ! il ne s’en prive pas – alors que les communes doivent voter leur budget en équilibre.
Quoi qu’il en soit, je me suis toujours fixé pour ligne de conduite de dire ce que je pense et de faire ce que je dis. Il n’est pas question pour moi de jouer un double jeu, c’est-à-dire de voter au Sénat en faveur d’une mesure qui pénalise gravement les communes, puis d’aller hypocritement rencontrer les maires sur le terrain en faisant semblant de m’apitoyer sur la disparition de la taxe professionnelle.
Je suis clairement aux côtés des maires et des communes. Tout aussi clairement, je voterai donc contre cette première partie du budget et donc contre la suppression de la taxe professionnelle.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, par un vote unique, les articles de la première partie soumis à seconde délibération dans la rédaction issue des amendements du Gouvernement et l’ensemble de la première partie, ainsi modifiée, du projet de loi de finances pour 2010.
Je rappelle que, en application des articles 47 bis et 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, Christine Lagarde et moi-même souhaitons remercier le Sénat d’avoir adopté la première partie du projet de loi de finances.
Nous remercions en particulier les présidents de séance successifs qui ont toujours assuré un parfait déroulement des débats, le président et le rapporteur général de la commission des finances, qui, sans jamais ménager le Gouvernement, ont néanmoins manifesté un grand souci d’ouverture, nous ont aidés à trouver des solutions et à faire progresser le texte.
Tous les sénateurs qui ont suivi cette longue discussion, entamée jeudi dernier par la discussion générale, méritent aussi d’être remerciés.
Nous allons nous retrouver très prochainement, d’abord pour la deuxième partie du projet de loi de finances, puis pour la loi de finances rectificative. Nous n’en avons donc pas encore terminé, il s’en faut !
Je me permets également de remercier l’ensemble des collaborateurs du Sénat, ainsi que ceux du Gouvernement, pour l’excellent et harassant travail qu’ils ont fourni. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)