M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Le Sénat veillera toutefois à ce qu’il soit pleinement traité.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il y aura d’autres conseils interministériels !
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. En effet, et il fallait donc bien garder quelques sujets à aborder …
En conclusion, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après une année très difficile sur le plan social et économique outre-mer, c’est avec satisfaction que la commission des affaires sociales a constaté une progression des crédits de la mission – elle est notable dans le contexte budgétaire que nous connaissons –, qui répond aux besoins et aux déficits structurels de nos territoires.
Des points sont très positifs. Je pense, notamment, au développement économique soutenu par plusieurs mesures telles que la nouvelle aide au fret pour réduire les coûts d’importation, les dispositions en faveur de l’agriculture ou les prêts à taux bonifiés distribués aux petites et moyennes entreprises et aux collectivités locales.
D’autres points peuvent encore être améliorés ; j’en retiendrai trois.
Premièrement, j’observe la montée en charge du service militaire adapté, dont les crédits augmentent de 24 % afin de prendre en compte l’engagement du Président de la République de doubler le nombre de volontaires en trois ans au vu des résultats exemplaires de ce dispositif.
Cela étant, le nombre de stagiaires n’augmentera que de 1,9 % en 2010, ce qui paraît faible. De plus, sans doute pour des raisons budgétaires, le Gouvernement a décidé de réduire la durée de formation, qui sera ramenée de douze à dix mois pour le public « cible » actuel, c’est-à-dire les jeunes particulièrement marginalisés. Or il est à craindre que ces formations brèves n’affectent la qualité du service rendu, sachant que le service militaire adapté joue aussi un rôle de réinsertion dans la société, ce qui prend du temps.
La commission des affaires sociales souhaite donc que le Gouvernement puisse revenir sur ses intentions.
Deuxièmement, la politique du logement nécessite à l’évidence l’adoption d’un « plan Marshall ». Cette expression, souvent galvaudée, est ici pleinement adaptée à l’ampleur de la crise : 26 % des logements sont insalubres outre-mer, contre 8 % en métropole ; les prix du secteur libre y sont élevés, parfois autant que dans l’Île-de-France ou les grandes villes de province ; 80 % de la population en Guyane ou à la Réunion sont éligibles à un logement social.
Troisièmement, un sujet me paraît insuffisamment traité, celui de la santé.
Le Gouvernement a bien annoncé, le 22 juillet dernier, un Plan santé outre-mer, mais on n’en voit aucune traduction sur le plan budgétaire à ce jour et on n’enregistre aucun encouragement de la part du ministère de la santé. Pourtant, les statistiques sont inquiétantes : l’espérance de vie est nettement plus faible outre-mer, surtout à la Réunion et en Guyane ; le taux de mortalité infantile y est en moyenne deux fois plus élevé ; certaines pathologies, qui n’existent pas en métropole, sont peu combattues et d’autres, qui ont des prévalences différentes telles que le sida, le diabète ou l’hypertension, ne le sont pas assez. De plus, comme je le répète régulièrement, les phénomènes d’addiction au tabac, à l’alcool ou aux drogues sont beaucoup plus répandus outre-mer.
La commission des affaires sociales demande donc la mise en œuvre rapide du Plan santé outre-mer, conformément aux conclusions de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des DOM.
Avant de conclure, permettez-moi de vous poser une question et de formuler une remarque, madame la ministre.
Ma question concerne la mise en place outre-mer du RSA, ou d’un dispositif équivalent, au plus tard le 1er janvier 2011.
M. Jean-Paul Virapoullé. Très bien !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Le Gouvernement doit prendre une ordonnance en ce sens avant la fin du mois de juin prochain. Où en est « l’expertise complémentaire » qui justifiait ce décalage avec la métropole ?
À cet égard, je souhaite qu’une attention particulière soit accordée à Mayotte, qui deviendra, en 2011, le cent unième département français. Je précise que je me réjouis de l’adoption d’un amendement du Gouvernement prévoyant de ne pas minorer la prime pour l’emploi, les sommes versées au titre du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, et d’exonérer ce dernier de l’impôt sur le revenu.
Ma remarque a trait au problème persistant des niveaux de prix très élevés outre-mer, ce qu’ont confirmé les travaux de la mission commune d’information du Sénat.
Le Président de la République a pris un certain nombre d’engagements lors de la première réunion du conseil interministériel de l’outre-mer. Si la mise en œuvre de cet ensemble de mesures nécessite naturellement une expertise et une évaluation, il me semble important que des calendriers et des procédures précises soient fixés rapidement pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.
Même si de nombreuses questions restent posées, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget dont nous discutons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte très particulier, l’année 2009 ayant été à bien des égards exceptionnelle.
L’année 2009 a été marquée par une crise d’une gravité historique dans nos départements d’outre-mer, notamment dans les deux départements antillais.
L’année 2009 a également été marquée par l’adoption de la loi pour le développement économique des outre-mer. Cette dernière a instauré les zones franches d’activité et réorienté la défiscalisation en matière de logement vers le logement social, tout en intégrant des mesures destinées à répondre aux revendications exprimées lors du conflit social. Nous attendons toujours, malheureusement, les décrets d’application.
L’année 2009 a enfin été marquée par les réflexions sur l’avenir de l’outre-mer. Les états généraux, lancés par le Président de la République, ont ainsi associé la population ultramarine aux réflexions autour de huit thématiques. Le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre dernier s’est appuyé sur leurs travaux pour présenter cent trente-sept mesures à destination des outre-mer.
La Haute Assemblée s’est engagée dans une démarche parallèle, avec la constitution de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer. La mission a formulé des analyses et cent propositions très pertinentes, dont plusieurs ont d’ailleurs été reprises par le conseil interministériel de l’outre-mer.
Le projet de budget pour 2010 pour l’outre-mer était donc très attendu, et je ne peux que faire part de ma déception : il n’est pas à la hauteur de l’enjeu !
Le projet de loi de finances initial prévoyait une augmentation de plus de 6 % des crédits budgétaires de la mission. À la suite du vote en seconde délibération d’un amendement par nos collègues députés, les crédits de la mission augmentent de plus de 10 % en autorisations d’engagement et de plus de 8 % en crédits de paiement.
Au vu du contexte général de rigueur budgétaire, cette évolution peut paraître positive, mais plusieurs éléments ternissent ce tableau.
Tout d’abord, la hausse des crédits budgétaires est liée notamment à l’accroissement des crédits destinés au remboursement des exonérations de charges sociales patronales aux organismes de sécurité sociale. Leur financement est majoré de plus de 90 millions d’euros en 2010, sans que la dette de l’État à l’égard de ces organismes, qui devrait atteindre plus de 600 millions d’euros au 31 décembre prochain, puisse être réduite.
Ensuite, le logement, qui est une problématique centrale outre-mer, reste une priorité budgétaire. Je me réjouis donc que l’amendement adopté par les députés ait abondé les crédits de la ligne budgétaire unique de 20 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement. Au regard des retards existant en matière de logement, le compte n’y est cependant pas et j’estime que davantage de moyens devraient être consacrés à la réhabilitation de logements.
Enfin, je ne peux que regretter le manque de moyens destinés au renforcement de l’insertion régionale de nos collectivités ultramarines dans leur environnement régional, sujet qui me tient particulièrement à cœur ; la mission commune d’information sénatoriale ainsi que le conseil interministériel de l’outre-mer en ont souligné l’importance. Les crédits destinés à l’insertion régionale, déjà très faibles habituellement, diminuent de 3,5 % dans le projet de budget pour 2010.
J’ai souhaité souligner dans mon rapport le rôle central des collectivités territoriales dans les départements d’outre-mer en matière de soutien à l’activité économique.
Les collectivités territoriales d’outre-mer sont dans une situation financière très difficile. Elles mènent cependant une action soutenue en matière économique, notamment les conseils généraux et les conseils régionaux. Si on analyse le niveau des dépenses d’investissement par habitant, on remarque que les collectivités départementales des DOM y consacrent près de 350 euros, contre 290 euros pour les départements de l’Hexagone, tandis que les collectivités régionales y consacrent, quant à elles, 370 euros par habitant, contre 130 euros pour les régions de l’Hexagone.
Je regrette donc que l’État n’assure pas un véritable soutien aux collectivités territoriales d’outre-mer en la matière.
En conclusion, j’estime que ce projet de budget n’est à la hauteur ni des attentes exprimées au cours de l’année 2009 par les populations d’outre-mer ni des annonces faites par le Président de la République. Je veux toutefois espérer qu’il s’agit d’un budget d’attente.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, évoquer l’ensemble des problèmes budgétaires rencontrés par l’outre-mer dans un délai maximal de cinq minutes serait une pure vue de l’esprit ; je me limiterai donc à quelques points essentiels. Cela me sera d’autant plus facile que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances se sont déjà penchés sur les aspects financiers et que ce projet de budget présente aux yeux de la commission des lois de nombreux aspects satisfaisants. Certes, tout n’est pas parfait, mais de réels progrès peuvent être notés ; c’est un point de divergence que j’ai avec M. Lise.
Le périmètre de la mission s’est enfin stabilisé, ce que nous demandions depuis longtemps.
Les crédits dévolus à la mission « Outre-mer » sont en augmentation : 6,4 % en autorisations d’engagement et 6,3 % en crédits de paiement. L’accroissement des moyens que cela représente est loin d’être négligeable, surtout dans une période difficile où la crise fait encore sentir ses effets.
Mais l’élément le plus important qui caractérise ce budget, au-delà des seuls crédits, se trouve dans la nouvelle approche retenue. Nous assistons, en effet, à une réelle prise de conscience, dont l’objectif affirmé consiste à rénover en profondeur les politiques destinées à l’outre-mer.
La loi pour le développement économique des outre-mer a été adoptée. Les états généraux de l’outre-mer ont été mis en place, ainsi qu’un conseil interministériel de l’outre-mer, dont les récentes décisions, annoncées par le Président de la République lui-même, sont particulièrement audacieuses et prometteuses.
Nous pouvons tous nous féliciter de la volonté de transparence, de concurrence, de vérité des prix, de proximité et de responsabilité qui a ainsi été affirmée. Ces mesures vont donner un coup de fouet salutaire au développement économique et social de l’outre-mer. Faire baisser des prix anormalement élevés, améliorer les circuits de distribution, favoriser la production locale à qualité et à coût compétitifs, inciter au développement de grands projets structurants, rénover le dialogue social, comme soutenir une plus grande insertion des départements et des collectivités ultramarines dans leur environnement régional : de telles actions ne pourront qu’entraîner des avancées substantielles, créatrices d’emplois et améliorant le niveau de vie.
En définitive, avec la position nouvelle prise par le Gouvernement et le Président de la République, on assiste au passage d’une logique de rattrapage par rapport à la métropole à une logique de valorisation des atouts de l’outre-mer. Cette nouvelle vision comme la nature repensée de l’effort de l’État doivent être considérées comme la reconnaissance explicite de la richesse que représente l’outre-mer pour la République.
Or, nous le savons bien, toute richesse, pour perdurer, doit non seulement être entretenue, mais également valorisée. C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, tout doit être mis en œuvre pour le plus grand succès de cette nouvelle politique. Aussi est-il essentiel de lever toutes les entraves qui bloquent encore cette marche en avant.
Par exemple, il serait grand temps de finaliser et de publier l’ensemble des décrets nécessaires à l’application pleine et entière de la LODEOM. Il serait aussi particulièrement utile de donner une dimension plus large à la continuité territoriale, à laquelle le Gouvernement est attaché, nous le savons. Celle-ci doit pouvoir couvrir l’ensemble des aspects de la vie quotidienne pour prendre tout son sens. Pourquoi, par exemple, faut-il encore aujourd’hui près de dix jours pour envoyer une simple lettre dans des territoires d’outre-mer, qui sont pourtant desservis pratiquement tous les jours par des avions en provenance de Paris ? Même en comptant vingt-quatre heures de voyage, cela représente tout de même huit jours de plus que pour Toulouse, Nancy ou Marseille !
De même, l’optimisation de l’organisation institutionnelle des collectivités et des départements mérite toute l’attention de l’État. La prochaine consultation populaire en Martinique et en Guyane va dans ce sens, et l’on peut s’en réjouir. De nombreuses questions restent toutefois encore en suspens, en particulier l’état civil de Mayotte, qui est un élément incontournable de la départementalisation, les ressources financières des communes de Polynésie pour davantage de responsabilité et de proximité, ou l’organisation institutionnelle de Wallis-et-Futuna, qui n’est pas encore conforme à la révision constitutionnelle de 2003, sans parler de l’immense source de connaissances sur notre planète qui mérite d’être explorée au sein des Terres australes et antarctiques françaises.
Quoi qu’il en soit, les orientations fixées par le conseil interministériel de l’outre-mer à la suite des états généraux vont dans la bonne direction, madame la ministre. Elles reprennent d’ailleurs, pour une large part, les mesures préconisées par la mission commune d’information du Sénat, présidée par notre collègue Serge Larcher et dont le rapporteur est notre collègue Éric Doligé.
Nous pouvons ainsi nous féliciter de voir reconnues non seulement la qualité des travaux de notre Haute Assemblée, mais également sa clairvoyance concernant l’avenir. Je puis vous assurer, madame la ministre, que nous serons vigilants quant à la mise en œuvre concrète de ces mesures auxquelles nous sommes très attachés.
Comme l’a fort justement écrit dans son livre Un pouvoir nommé désir la journaliste Catherine Nay : « Dans toute vie, il existe un moment où une porte s’ouvre pour laisser entrer l’avenir ». Eh bien ! madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour l’outre-mer, cette porte vient de s’ouvrir ! C’est pourquoi la commission des lois vous recommande de voter les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose, au total, de quarante minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’examen de la loi de finances pour 2009, la situation de l’outre-mer français a connu un certain nombre d’évolutions significatives.
Il s’agit, d’abord, d’évolutions institutionnelles, avec le référendum mahorais, qui ouvre à la fois le champ des espoirs, celui des illusions, et sans doute aussi celui des déceptions à venir pour les habitants de la Grande-Terre et de la Petite-Terre.
Il s’agit, ensuite, d’évolutions institutionnelles, qui ont consacré, dans des textes discutés en procédure accélérée, la séparation des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de la collectivité guadeloupéenne.
Ainsi, contre l’avis de la majorité des Guadeloupéens, nous venons de boucler un processus conduisant à faire apparaître, au sein de la collectivité nationale, d’une part, une collectivité installée dans le moins-disant social et fiscal permanent, faisant de l’inégalité sociale l’un des éléments de son développement économique potentiel et, d’autre part, une collectivité conçue comme un domaine privé réservé à quelques personnes fortunées.
L’évolution institutionnelle est encore à l’ordre du jour, puisque la Martinique et la Guyane vont se prononcer prochainement sur la mono-départementalisation et, de fait, sur une éventuelle fusion du conseil régional et du conseil général en une seule collectivité. La différence des modes d’élection de ces deux institutions constitue, selon nous, un point qu’il conviendra de résoudre au mieux des intérêts de la population, mais aussi du pluralisme des idées et des opinions.
Cela dit, tout ce débat institutionnel a assez peu de poids devant l’important mouvement social que l’outre-mer a connu au début de l’année et qui a conduit le Gouvernement à reculer au sujet de l’accord Bino, du nom du syndicaliste de la CGT-Impôts de Guadeloupe assassiné dans des conditions au demeurant encore inexpliquées. Cet accord prévoyait notamment l’attribution d’une prime aux salariés, singulièrement aux plus mal rémunérés, appelée revenu supplémentaire temporaire d’activité, ou RSTA.
Habilement, dans un premier temps, les mesures liées à la mise en œuvre de l’accord Bino avaient été positivement présentées, mais on avait passé sous silence le fait que les sommes perçues au titre du RSTA seraient imputables sur le montant de la prime pour l’emploi et, modifiant le revenu fiscal de référence, viendraient réduire le montant des allégements de la taxe d’habitation.
Sachant que les trois quarts des contribuables de l’outre-mer ne sont pas imposables, un tel dispositif conduisait à donner 3 millions d’euros aux salariés en exonérations d’impôt sur le revenu et à leur reprendre 108 millions d’euros sur le montant de la prime pour l’emploi, conformément au vieux principe consistant à donner d’une main ce que l’on reprend de l’autre…
Parlementaires responsables et vigilants, les membres de mon groupe ont déposé, en première partie du projet de loi de finances, un amendement tendant à supprimer la mesure conduisant à reprendre aux salariés modestes et très modestes de l’outre-mer le « plus » qui leur avait été accordé aux termes de l’accord Bino.
Rejoints par nos collègues du groupe socialiste, à la demande de l’un des parlementaires de l’outre-mer, nous sommes satisfaits que le Gouvernement soit revenu sur le « montage initial », afin de supprimer l’imputation du RSTA sur la prime pour l’emploi. Il faut dire que, depuis, le mouvement social reprend du côté de Pointe-à-Pitre et que le collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon appelle, depuis quelques jours, les salariés de Guadeloupe à faire valoir leurs droits et leurs attentes. Ces attentes, force est de constater qu’elles peinent à trouver des suites concrètes dans les dispositions de la LODEOM et à être transcrites dans le budget de l’outre-mer.
Sur le plan strictement législatif, notons d’emblée les difficultés à appliquer la loi puisqu’aucune des dispositions réglementaires prévues n’a encore été prise. À moins, madame la ministre, que vous ne nous annonciez quelques publications en instance…
Sur le plan budgétaire, il n’y a pas de bouleversement sensible pour 2010. Les crédits de la mission « Outre-mer » sont fixés à moins de 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 113 millions d’euros par rapport à 2009, dont la plus grande part est consacrée à la progression de la prise en charge d’exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, à hauteur de 92 millions d’euros.
Au demeurant, parallèlement aux 113 millions de crédits de paiement complémentaires, il convient de souligner que l’on crée 252 millions d’euros de dépenses fiscales, un montant à revoir à la hausse compte tenu de l’adoption de l’article de la première partie.
Sur le fond, les choix sont les mêmes qu’auparavant : avant de répondre aux besoins sociaux des habitants de l’outre-mer, dont chacun ici mesure la prégnance et l’importance, on privilégie l’aide fiscale, qui ne s’adresse qu’à quelques ménages, en général assez fortunés et ne résidant pas toujours outre-mer.
Ce n’est pas ainsi que l’on pourra faciliter un développement harmonieux et équilibré de l’outre-mer. La situation est fort regrettable, surtout au regard des potentiels des différents territoires, compte tenu notamment de la jeunesse de la population, mais aussi de l’insuffisante et inefficace utilisation des ressources naturelles.
Ainsi, l’outre-mer pourrait fort bien, grâce à une politique volontariste et déterminée menée par l’État ou soutenant les efforts des collectivités territoriales, parvenir à une indépendance énergétique réelle, rendant les coûts de production locaux moins dépendants de l’importation de produits pétroliers, aux cours toujours volatils.
Nous devons et nous pouvons trouver une solution sur cette question comme sur bien d’autres.
La prise en compte de la situation dramatique des collectivités territoriales ultramarines, largement victimes de difficultés structurelles et qui vont subir de plein fouet les effets de la suppression de la taxe professionnelle, n’est pas non plus au rendez-vous dans ce budget de l’outre-mer.
En effet, l’état du cadastre outre-mer risque fort de rendre difficile la juste appréciation de la matière imposable au titre de la future cotisation locale d’activité et plus encore celle des retombées de la cotisation complémentaire, pour laquelle il faudra sans doute prévoir qu’elle intègre une forme de quote-part outre-mer.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Outre-mer », qui sont loin de répondre aux enjeux et aux préoccupations exprimées par nos concitoyens ultramarins, et loin aussi des annonces faites par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 2009 aura été pour l’outre-mer une année de crise et de rupture ; 2010 devrait être l’année de la relance, de la refondation, ou encore de la réconciliation des citoyens ultramarins avec les décideurs locaux et nationaux.
La crise domienne, semble-t-il, aura surpris tout le monde, alors que tous les signes avant-coureurs étaient là, bien enracinés dans nos terres. Et, nous, parlementaires, n’avions cessé de les pointer.
Cette crise a nécessité des mesures d’urgence dans le cadre de protocoles visant à accroître les revenus des personnes disposant de bas salaires, à combattre la vie chère et, plus généralement, à agir dans de multiples domaines pour arrêter ce que d’aucuns appellent la « pwofitation » ambiante. Notre Haute Assemblée a elle-même exprimé sa détermination à contribuer au règlement de cette situation, notamment en votant des dispositions légales permettant la maîtrise des prix et la mise en place du RSTA. La mise en œuvre de ces mesures décidées dans l’urgence pose certains problèmes.
Je me réjouis que notre assemblée ait voté, mardi dernier, une disposition visant à lever un malentendu, aux dires mêmes de M. le ministre du budget, en supprimant l’imputation du RSTA sur la prime pour l’emploi et en exonérant de l’impôt sur le revenu les primes complémentaires versées par les collectivités territoriales, ce qui devrait permettre au RSTA d’avoir son plein effet sur le pouvoir d’achat des bénéficiaires.
Mais sur les autres mesures, concernant en particulier le suivi et la maîtrise des prix, ainsi que le coût du carburant, pouvez-vous nous dire, madame la ministre, au lendemain de deux jours de mobilisation en Guadeloupe, où nous en sommes vraiment et où le bât blesse ? Prenons-nous en tout cas le chemin de l’apaisement ?
J’ai parlé de crise et de solutions d’urgence ; je veux aussi parler de refondation. Car, on le sait, au-delà de ces mesures d’urgence, une démarche plus profonde a été engagée au travers des états généraux de l’outre-mer lancés par le Président de la République et de la mission d’information diligentée par notre Haute Assemblée, dont le rapport constitue, de l’avis de tous, une mine d’informations exceptionnelles et un vivier inestimable de propositions pouvant contribuer à refonder l’avenir.
Ces travaux de grande qualité ont alimenté les décisions du premier conseil interministériel de l’outre-mer, qui s’est tenu le 6 novembre dernier, malheureusement bien après l’élaboration du projet de budget que nous sommes en train d’examiner. Dès lors, madame la ministre, ce projet de budget ne peut retracer l’ensemble des crédits que vont impliquer les décisions de ce conseil.
Le projet de budget pour 2010, même s’il présente une hausse de plus de 6 %, ne peut être que provisoire, puisqu’il ne contient ni les crédits impliqués par les décisions du conseil interministériel évoqué, ni même ceux qui sont nécessaires à la mise en œuvre de la LODEOM adoptée en mai dernier, dont les décrets d’application ne sont pas encore pris !
Alors, madame la ministre, je voudrais, au fil des actions et programmes de la mission « Outre-mer », attirer votre attention sur quelques sujets épineux et toujours sources de tensions ou d’insatisfactions en outre-mer.
En premier lieu, je souhaite évoquer la question de l’emploi, sujet délicat lorsque l’on sait que le chômage en outre-mer bat tous les records, avec des taux allant de 22 % à 30 % selon les territoires.
Madame la ministre, le dispositif d’exonérations de charges sociales prévu dans la LODEOM doit permettre la relance de l’emploi. Mais je m’interroge, car, malgré la hausse des crédits, le compte n’y est pas. Les 92,4 millions d’euros supplémentaires ne suffiront pas à couvrir l’ensemble des besoins pour 2010 ; il manquera 55 millions d’euros, et la dette de l’État envers les organismes de sécurité sociale va encore s’accroître. Comment cette mesure, fort judicieuse, peut-elle avoir son plein effet si les crédits ne sont pas au rendez-vous ?
Quant à l’insertion et à la qualification professionnelle, vous connaissez la détresse de nos jeunes et vous savez combien la formation et l’insertion sont cruciales, surtout quand 55 % d’entre eux sont au chômage. Là encore, il y a matière à interrogations.
Le service militaire adapté connaît un véritable succès en outre-mer. Ce dispositif sert de modèle, mais l’objectif du doublement du nombre de ses bénéficiaires ne pourra pas être obtenu si les crédits ne sont pas au rendez-vous. Il faudra agir pour qu’il en soit autrement.
Par ailleurs, s’agissant du plan en faveur des jeunes annoncé le 29 septembre dernier, le Président de la République a affirmé qu’« aucun jeune en difficulté ne sera laissé seul à son sort, aucun jeune ne sera laissé sans emploi, sans formation, sans accompagnement ». Je m’interroge encore sur l’application de ce plan en outre-mer : les mesures seront-elles adaptées au contexte ultramarin ?
En deuxième lieu, je tiens à aborder la question du logement.
Les besoins en outre-mer sont énormes et largement insatisfaits. En Guadeloupe, par exemple, pour l’année 2008, il y a eu plus de 14 500 demandes pour seulement 1 367 logements construits ! À ce rythme, il faudrait onze ans pour répondre à la demande.
Madame la ministre, je vous sais attachée à cette problématique, et j’ai noté que, lors du dernier Congrès de l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, vous avez déclaré que la capacité à produire des logements importait davantage que l’abondement des budgets. Je vous rejoins sur ce point dans une large mesure.
La production de logements est fortement entravée par une série de blocages, notamment le coût moyen des emprunts consentis aux opérateurs sociaux, sans la garantie des collectivités locales ; l’impossibilité objective des communes à attribuer des subventions pour faire face à la surcharge foncière ; ou encore des Fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain, ou FRAFU, qui ne sont pas opérationnels. Dans ce domaine, je compte sur vous, madame la ministre, pour lever le plus rapidement possible ces blocages, afin que la production puisse repartir.
De même, si j’ai noté que les crédits dédiés à la ligne budgétaire unique étaient plutôt stables, je m’interroge sur la mise en œuvre de la défiscalisation des opérations de logements sociaux, quand on sait que, à ce jour, le décret et l’arrêté prévus par l’article 35 de la LODEOM ne sont toujours pas publiés.
Et puisque j’évoquais à l’instant l’incapacité financière des collectivités locales à intervenir dans les programmes de logements sociaux, je voudrais insister sur une mesure proposée par notre mission d’information : la nécessité de recapitaliser les collectivités locales, particulièrement les communes, pour leur redonner la capacité d’agir tant pour répondre aux besoins de nos concitoyens en matière d’équipements publics que pour la relance de l’activité économique.
D’ailleurs, à cet égard, il serait intéressant que vous nous disiez quel est le bilan du plan de relance en outre-mer et s’il n’y a pas lieu de réaffecter sur d’autres projets les crédits non utilisés et qui ne pourront être rapidement mobilisés dans leur affectation initiale.
En dernier lieu, je voudrais aborder le problème de la continuité territoriale, thème très important sur lequel j’insiste régulièrement.
J’avais déjà souhaité, lors de l’examen de la LODEOM, qu’un rapport sur la question soit fourni par le Gouvernement. L’Assemblée nationale avait préféré graver dans le marbre, à l’article 49, les principes de la continuité territoriale : « les pouvoirs publics mettent en œuvre outre-mer […] une politique nationale de continuité territoriale, [reposant] sur les principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République ».
Ce message fort suppose que l’on ouvre sans délai ce chantier de la continuité territoriale et que l’on considère très sérieusement l’idée d’un « tarif résident » pour les liaisons aériennes. Je compte sur vous, madame la ministre, pour vous saisir de ce dossier, afin qu’il connaisse une évolution favorable.
Dans le même esprit, la vérité et la transparence devront être assurées dans le transport des biens entre l’Hexagone et l’outre-mer, qu’il s’agisse de produits de consommation, d’intrants ou de biens d’équipements.
Madame la ministre, après la prise de conscience qu’a suscitée une situation sociale tendue, après la réflexion, vient le temps de l’action ! Le Gouvernement doit donc se donner sans hésiter les moyens de sa politique dans les outre-mer ; sinon, nous irions au-devant d’autres malentendus, d’autres déceptions, d’autres crises.
Or, j’en suis persuadé, nos concitoyens aspirent à l’apaisement et à la sérénité, nécessaires à la correction de l’image de nos territoires et indispensables pour un développement économique et social pérenne.
D’autres conseils interministériels seront nécessaires pour traiter rapidement les sujets restés en suspens, et le budget pour 2010 devra inévitablement être réajusté afin que les choses bougent réellement. Attendre 2011 serait une grave erreur ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)