Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Giraud. (M. Alain Gournac applaudit.)
M. Adrien Giraud. Madame la ministre, je suis heureux de vous saluer à l’occasion de ce premier budget sur l’outre-mer.
Nous avons été sensibles à vos visites à Mayotte, d’autant que vous connaissez la place des femmes dans notre combat pour une Mayotte française.
Vous le savez aussi, l’année qui s’achève aura été pour nous celle de l’aboutissement d’une très ancienne requête, à savoir la consultation des Mahorais et des Mahoraises sur le statut de notre territoire dans la République.
C’est la loi organique du 3 août 2009 qui a prévu l’accession de notre collectivité au statut de département français d’outre-mer, à compter du mois d’avril 2011.
Le résultat de la consultation statutaire du 29 mars 2009 est éloquent et se passe de commentaires : 95,2 % de votes positifs. Une telle situation nous crée, bien évidemment, des devoirs, et d’abord celui de mettre en œuvre une active politique de « rattrapage », afin de réaliser progressivement les promesses de cette « départementalisation » si longtemps souhaitée. La feuille de route du Gouvernement intitulée « Pacte pour la départementalisation de Mayotte », publiée en décembre 2008, énumère les principales étapes d’une telle transformation.
Nous attendons la loi ordinaire qui doit préciser les modalités concrètes de la mise en œuvre du droit commun et établir l’organisation administrative de Mayotte en prévoyant les moyens financiers et humains.
Madame la ministre, je souhaite appeler particulièrement votre attention sur les trois sujets très importants pour Mayotte que sont l’éducation, le foncier et le logement
L’éducation est le principal fondement de nos progrès. Actuellement, notre collectivité manque de classes dans le premier degré, cela en raison de la forte pression démographique, fâcheusement aggravée par les mouvements migratoires massifs et mal contrôlés d’enfants de tous âges, en provenance des îles voisines et aux niveaux scolaires très disparates.
Les moyens dégagés aujourd’hui en termes de constructions scolaires ne permettent pas d’atteindre l’objectif de scolariser tous les enfants vivant sur le sol de Mayotte, comme nous en avons l’obligation.
On peut aussi regretter la vétusté et le mauvais état de certains bâtiments existants. Ceux-ci accueillent deux fois plus d’élèves qu’ils ne le devraient ; les classes sont donc surchargées et l’enseignement dispensé dans de mauvaises conditions. C’est la raison pour laquelle nous attendons avec impatience que soit renforcée la dotation spéciale d’équipement scolaire pour les écoles et les collèges, afin de mieux répartir la charge financière de ces constructions entre les collectivités locales et l’État.
C’est d’ailleurs la suggestion du Président Nicolas Sarkozy, qui, dans son discours du 6 novembre dernier à l’Élysée, au terme du conseil interministériel de l’outre-mer, recommandait l’octroi de crédits supplémentaires pour remédier à cette situation très pénalisante pour nos jeunes mahorais.
En outre, l’insuffisance des solutions de scolarisation, notamment dans les filières techniques, et l’absence d’enseignement universitaire sur notre île induit une charge de plus en plus lourde, en termes de bourses scolaires, au profit des élèves devant continuer leurs études en métropole ou ailleurs. Le budget de la collectivité départementale n’est plus en mesure de faire face à cette situation, et il devient impératif d’envisager sérieusement, et de manière urgente, la création, même par étapes, d’un pôle universitaire à Mayotte ; les conclusions du dernier conseil interministériel de l’outre-mer sur ce point n’ont pas répondu à notre attente.
Pour ce qui est du foncier, deuxième volet de mon intervention, tous les rapports qui se sont succédé sur le développement de Mayotte depuis dix ans ont identifié la question foncière comme étant l’un des principaux blocages des politiques locales d’investissement.
Le rapport du Comité pour la départementalisation de Mayotte et l’atelier ayant pour thème le foncier, lors des états généraux de l’outre-mer, ont souligné la nécessité de conduire une nouvelle politique foncière sur l’île et de prévoir des moyens accrus pour constituer des réserves foncières et aménager les terrains et les villages.
Les acteurs du développement de Mayotte, quels qu’ils soient, attendent des mesures fortes et urgentes sur ce point. La création d’un établissement public foncier, annoncé lors du dernier comité interministériel de l’outre-mer, représente à nos yeux une véritable avancée.
La rigidité des règles de gestion de la zone des pas géométriques, telles qu’elles ont été actées dans le décret paru au Journal officiel du 11 septembre 2009, ne permet pas d’apporter une réponse aux problèmes du logement social pour les Mahorais les plus modestes : ce décret doit être révisé au plus vite.
Le troisième volet de mon intervention concerne le logement : les besoins annuels sont estimés à Mayotte à 2 750, répartis entre 2 200 logements neufs et 550 réhabilitations. La production effective est largement insuffisante depuis 2005.
S’agissant de la nouvelle politique de l’habitat aidé, les logements locatifs sociaux ou très sociaux, attendus depuis 2004, connaissent de nombreux freins, car ces programmes, mal cadrés et mal élaborés par rapport aux réalités mahoraises, ne sont pas adaptés aux besoins des familles.
Quant aux logements en accession très sociale, ils trouvent leurs limites dans le problème de la disponibilité de terrains. Le cadastre vient d’être réalisé à Mayotte, avec environ 20 000 dossiers en cours de régularisation par la collectivité départementale de Mayotte, et la zone des pas géométriques reste un problème entier pour la plupart des villages.
De nombreuses opérations d’aménagement devront être engagées pour les années à venir ; elles sont le gage d’une meilleure cohésion sociale. Elles supposent la mise à disposition de terrains à bâtir. À cet effet, le Pacte pour la départementalisation de Mayotte a prévu de créer le Fonds de développement économique et social, afin de remplacer l’actuel Fonds mahorais de développement. Or la mise en place de ce nouveau fonds, considéré comme « moteur » pour la mise en œuvre de la départementalisation, a été renvoyée à une date ultérieure, c’est-à-dire au mieux en 2013.
Dans ces conditions, quel sens donner au principe rappelé par le Premier ministre, lors de sa récente visite à Mayotte : développement d’abord, égalité sociale ensuite ?
Si la population de Mayotte a bien compris que la question sociale globale ne serait posée qu’après 2012, elle a également bien noté l’engagement de « revalorisation significative » de la situation des handicapés et des personnes âgées dès cette année. Dès lors, pouvez-vous m’indiquer clairement, madame la ministre, quel est le dispositif de rattrapage 2010-2012 prévu pour ces allocataires particulièrement défavorisés ?
Enfin, au moment où l’on va débattre de la réforme des collectivités territoriales et de leurs financements, je me permets de rappeler la nécessité absolue d’ouvrir le dossier des finances communales à Mayotte. Rappelons que l’extension du code général des impôts à Mayotte a été repoussée au 31 décembre 2013 par la loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, ou DSIOM.
Permettez-moi, madame la ministre, d’appeler sur ce point l’attention du Gouvernement : si rien n’est engagé dès à présent pour réaliser cette réforme, l’échéance de 2013 ne sera pas tenue. Or la situation difficile des finances des collectivités locales de Mayotte ne permet plus d’éluder un tel chantier ; il y a urgence à agir dans ce domaine.
Je me félicite en revanche que, parmi les mesures générales prises par le conseil interministériel de l’outre-mer, il ait été prévu que la représentation permanente de la France à Bruxelles se dote d’un pôle dédié à l’outre-mer. Nous comptons sur ce nouveau service pour instruire nos dossiers, notamment dans le domaine des « fonds structurels », et faciliter ainsi la demande de passage de Mayotte au statut de région ultrapériphérique de l’Europe, tant il est vrai que les aides financières et techniques de la Communauté sont indispensables à nos progrès.
Il faut redire que, en contrepartie de ces concours européens, l’outre-mer français n’arrive pas les mains vides : nos espaces maritimes comme nos ressources halieutiques tropicales contribuent au meilleur équilibre de nos échanges.
Surtout, nous sommes aujourd’hui porteurs, au nom de la France, d’un message de liberté et de fraternité, plus que jamais nécessaire au monde d’aujourd’hui et de demain. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a de cela quelques semaines, l’allocution prononcée par le Président de la République laissait entrevoir l’avènement d’une nouvelle ambition pour les outre-mer.
Une nouvelle ambition nourrie par la reconnaissance des apports séculaires de nos territoires et de nos populations à la nation.
Une nouvelle ambition porteuse d’espérance pour ces centaines de milliers d’ultramarins qui aspirent tout simplement à habiter un nouvel avenir au sein d’une République davantage ouverte à leur différence.
Une nouvelle ambition empreinte d’audace et de la profonde volonté de renouveler le pacte qui nous unit à la France.
Je suis, vous le savez, parmi ceux qui ont accueilli ce discours avec circonspection en attendant sa traduction dans les actes, et j’ose le dire, dans les chiffres.
Force est de constater à la lecture de votre projet de budget, madame la ministre, que les outre-mer sont au rendez-vous de la déception. En effet, le projet de budget pour 2010 ne connaît pas de modifications sensibles par rapport aux budgets des années précédentes.
La hausse affichée, d’un peu plus de 6 %, ne correspond en réalité qu’à la compensation des mesures de défiscalisation. Et même si l’ensemble des dotations budgétaires en faveur de l’outre-mer ne figure pas dans ce projet de budget, l’accroissement des crédits véritablement disponibles ne représente que la prise en compte de l’inflation. En effet, 80 % des 118 millions d’euros d’augmentation sont consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales.
En définitive, madame la ministre, cette analyse nous laisse la détestable sensation que, contrairement à ce qu’affirment les campagnes de communication, les populations des outre-mer n’ont pas été suffisamment entendues.
Le Gouvernement n’a pas entendu la demande de transparence des consommateurs sur la question cruciale du prix des carburants. Les outre-mer, la Guadeloupe tout particulièrement, attendent la mise en place d’une véritable réforme qui garantisse leur droit à payer un prix juste, établi sur des bases transparentes, équitables et garantes de l’emploi local.
Cette réforme de la transparence, nous l’appelons de nos vœux depuis maintenant plus d’un an. Elle n’est toujours pas mise en œuvre, alors que certaines sources autorisées annoncent déjà une prochaine hausse des tarifs.
Pire encore, la nouvelle scélérate d’un décret octroyant 50 millions d’euros de compensation aux compagnies pétrolières a provoqué des ravages sur nos opinions publiques, poussant nombre de Guadeloupéens à scander leur mécontentement dans les rues.
Madame la ministre, votre gouvernement n’a pas davantage entendu l’aspiration criante de l’outre-mer en termes d’emploi.
Certes, vous apportez un début de réponse, qui se traduit par un effort budgétaire d’augmentation des crédits dévolus au service militaire adapté. Je regrette néanmoins que, pour atteindre l’objectif affiché de doublement des effectifs, le Gouvernement ait prévu de réduire la durée du SMA de douze à dix, voire six mois, au détriment de la qualité de la formation, comme l’a remarqué à juste titre la mission d’information sénatoriale.
Quoi qu’il en soit, madame la ministre, le dispositif du SMA ne peut répondre à lui seul aux problématiques de l’ensemble des jeunes de l’outre-mer. Et la Guadeloupe a l’impression que le Gouvernement n’entend pas la détresse de ces 56 % de jeunes de 15-24 ans frappés par l’échec scolaire, la désocialisation et le chômage, détresse à laquelle il convient de répondre par la mobilisation de moyens financiers et humains importants dans le cadre d’un vrai plan d’urgence pour la formation et l’emploi.
De la même manière, madame la ministre, vous ne semblez pas entendre cette demande lancinante de centaines de milliers de foyers ultramarins qui aspirent à bénéficier du revenu de solidarité active, le RSA, avant janvier 2011. Et, comble de l’injustice, déjà privé de l’application du RSA par une comparaison intellectuellement peu honnête avec le revenu supplémentaire temporaire d’activité, l’outre-mer s’est également vu refuser l’expérimentation du « RSA jeunes » !
Madame la ministre, ce projet de budget ne traduit pas non plus l’ambition que vous affichez par ailleurs en faveur du logement. Dans le droit-fil de la LODEOM, votre projet de budget donne la priorité à la défiscalisation du logement social en y affectant 110 millions d’euros. Pour autant, la création de ce dispositif ne modifie pas significativement les crédits de la ligne budgétaire unique dans ce budget, et il y a fort à craindre que la complexité de sa mise en œuvre n’ait des incidences sur son efficacité.
Non, madame la ministre, ce projet de budget ne traduit pas la volonté affichée par le Président de la République de mettre enfin de côté une perception quelque peu passéiste et jacobine de l’outre-mer ! Il ne porte aucune rupture fondamentale avec la logique éculée du replâtrage systématique pour prendre toute la mesure des enjeux de nos territoires et des aspirations profondes de nos populations.
Oui, madame la ministre, nous aurions souhaité être entendus !
Nous aurions souhaité être entendus sur la question de la continuité territoriale, pour qu’il soit enfin tenu compte des spécificités d’un archipel comme le nôtre, confronté à la double insularité.
Nous aurions souhaité être entendus sur les difficultés auxquelles se heurtent nos collectivités, dont l’autonomie d’action est menacée par la suppression de la taxe professionnelle.
Nous aurions souhaité être entendus sur la relance de l’activité touristique, priorité d’action affichée par votre ministère et qui se traduit paradoxalement par une diminution de plus de 10 % des crédits consacrés au plan de relance.
Nous aurions souhaité être entendus sur l’abondement plus important du fonds exceptionnel d’investissement destiné au rattrapage des équipements structurants.
Nous aurions souhaité un véritable plan de développement des secteurs porteurs comme l’agro-nutrition, les énergies renouvelables et la biodiversité !
Madame la ministre, nous aurions tout simplement souhaité que ce projet de budget traduise l’ambition et l’audace nécessaires à cette réforme en profondeur des relations qui unissent les outre-mer à la République.
Mais une fois encore, et je le regrette, l’action n’est pas au rendez-vous de l’incantation. C’est pourquoi il ne m’est pas possible d’approuver en l’état le budget de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Madame la ministre, je voudrais en premier lieu me réjouir, au nom de mes collègues du groupe UMP, de votre promotion au rang de ministre.
En second lieu, je veux saluer les propos que vous avez tenus, le 24 septembre dernier, au salon du tourisme Top Resa.
Vous avez en effet appelé à un « électrochoc » pour que « le tourisme puisse enfin se développer outre-mer », affirmant que vous comptiez vous impliquer fortement aux côtés des collectivités. Par ces mots, vous avez assurément pris la mesure du problème actuel des Antilles françaises. Je crains en effet que, dans un futur proche, Cuba ne devienne la destination privilégiée, au détriment de nos destinations touristiques.
Inscrire le secteur touristique comme l’un des axes prioritaires de la politique de développement est un impératif dans tous nos départements et territoires d’outre-mer, où le chômage reste très élevé, en particulier chez les jeunes.
C’est d’abord des élus que dépend la volonté de faire du tourisme l’un des secteurs importants, si ce n’est, pour certains territoires, la priorité économique. L’adhésion la plus large possible de la population et des acteurs économiques est en effet indispensable à la réalisation de cet objectif, l’État accompagnant de son côté cette politique de développement, notamment par des mesures adaptées aux décisions locales.
Malgré d’apparentes similitudes – l’insularité et la situation en zone tropicale –, l’outre-mer français constitue un ensemble hétérogène du fait des disparités géographique, historique et culturelle, de la multiplicité des cadres institutionnels et de la diversité des situations. Cette diversité se retrouve dans la place occupée par le tourisme dans l’économie des départements et collectivités de l’outre-mer.
Si la Guadeloupe, la Martinique et la Polynésie française avaient réussi à se forger une notoriété touristique fondée sur l’exotisme et le balnéaire, le positionnement touristique de la Réunion, qui pourtant est dynamique, et de la Guyane se définit lentement. De même, alors que le tourisme occupe une place croissante dans l’activité économique de la Nouvelle-Calédonie, il demeure encore une activité marginale à Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon.
Une opération promotionnelle de grande ampleur a également été lancée. Des mesures immédiates ont été prises, notamment un soutien individualisé aux professionnels du tourisme. Puis des mesures de relance des destinations ultramarines ont été prises dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009. D’autres mesures de soutien ont suivi, notamment dans le cadre de la loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009.
Ces deux lois récentes ont consacré le secteur du tourisme comme secteur prioritaire pour les DOM. Une telle qualification a pour objet de permettre aux entreprises, y compris les entreprises de loisirs sportifs ou culturels travaillant dans le secteur du tourisme, de bénéficier d’aides au fonctionnement importantes.
Les aides au fonctionnement devront être complétées par des plans de formation du personnel à l’accueil, aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi qu’aux métiers du bâtiment. Par ailleurs, des partenariats pourraient être trouvés pour la réhabilitation et la remise à niveau des parcs hôteliers et résidentiels existants. De plus, il est indispensable d’inciter et d’accompagner les créateurs de nouveaux produits touristiques.
L’outre-mer a été sous les feux de l’actualité en 2009. Une grave crise sociale a affecté les départements d’outre-mer, essentiellement au sujet du pouvoir d’achat. Cette crise a eu, du point de vue budgétaire et fiscal, plusieurs conséquences dont le coût est encore mal évalué. C’est pourquoi le soutien au secteur du tourisme outre-mer me paraît essentiel.
Madame la ministre, mes collègues du groupe UMP et moi-même, nous soutenons l’action que vous menez avec le ministre du tourisme, Hervé Novelli. Nous voterons les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion sur ce projet de budget intervient vingt jours après le comité interministériel de l’outre-mer, qui a défini des mesures pour les DOM. Ce comité interministériel est la conclusion des états généraux organisés à la suite des événements qui ont secoué les DOM au début de cette année.
Ces événements ont révélé la gravité de la situation économique et sociale qui prévaut dans nos pays. En effet, et pour ne parler que de mon département, je rappellerai que la Réunion connaît un taux de chômage élevé, qui a augmenté de 21 % en un an. De plus, la crise dans le logement est telle que plus de 30 000 demandes restent sans réponse. Je rappelle également que la Réunion connaît un nombre élevé d’illettrés – plus de 120 000 – et que plus de 52 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté, tel que défini en métropole.
La déclaration du Président de la République rejoint le constat unanimement partagé, à savoir que les solutions appliquées jusqu’ici dans les DOM ont montré leurs limites et qu’il faut imaginer d’autres solutions pour « ouvrir un nouveau cycle historique marqué par une relation rénovée avec la Métropole », pour reprendre l’expression du Président de la République.
Le comité interministériel de l’outre-mer annonce cent trente-sept mesures pour sortir les territoires ultramarins de l’assistanat et aller vers un développement endogène créateur d’emplois et de richesses.
Toutefois, madame la ministre, la condition préalable à cette réalisation est de répondre aux exigences sociales immédiates de la population. On ne peut pas demander à tout un peuple de s’engager dans un effort de développement durable s’il compte 120 000 personnes qui ne savent ni lire ni écrire, si 30 % des hommes et des femmes sont au chômage, si les mauvaises conditions de logement contribuent à en marginaliser un grand nombre.
Il faut donc des solutions concrètes et immédiates pour redonner confiance aux plus défavorisés dont le nombre ne cesse d’augmenter. Des solutions existent !
Prenons l’illettrisme, par exemple. Des pays ont fait la démonstration qu’ils pouvaient l’éradiquer ; ils sont cités en exemple par l’UNESCO. C’est le cas des Seychelles. Là où nos amis seychellois ont réussi, pourquoi ne pourrions-nous pas réussir également ? C’est une question de volonté politique et de moyens qu’il convient d’envisager.
Cela est vrai aussi pour le logement social. La suggestion du Président de la République de céder aux collectivités locales des terrains de l’État pour la réalisation des logements sociaux est une mesure allant dans le bon sens. En revanche, la proposition de loi visant à réformer les droits de préemption constituerait, si elle était adoptée, une lourde menace pour les collectivités locales qui accomplissent des efforts pour maîtriser le foncier. Quoi qu’il en soit, c’est un véritable plan Marshall qu’il conviendrait de mettre en œuvre sur la base des préconisations des acteurs de la filière.
Concernant l’emploi, des propositions ont été formulées par certains participants aux états généraux. Ces propositions visent à pérenniser les activités dans les domaines d’aide à la personne et de l’environnement. Leur mise en œuvre assurerait des milliers d’emplois à ceux et à celles qui en sont privés actuellement. Pourquoi ne pas s’engager dans cette voie alors que le Président de la République préconise lui-même la mise en place d’un GERRI social ?
Dans la fonction publique, le chef de l’État a déploré le fait que de nombreux emplois ne soient pas exercés par les ultramarins vivant sur place. Il propose « d’assouplir considérablement certaines dispositions statutaires de la fonction publique » pour remédier à cette situation.
Je pense qu’il ne faut pas seulement s’en tenir aux catégories B et C ; les milliers de jeunes diplômés réunionnais attendent que l’on aille plus loin.
Madame la ministre, je vous propose de réfléchir ensemble à ces mesures le plus rapidement possible, pour que, dès l’année prochaine, nous ne soyons plus obligés de faire le même constat que notre collègue Éric Doligé, lors du débat sur la situation de l’outre-mer en octobre dernier : « chaque année, sur les mille personnes recrutées par l’Éducation nationale […] neuf cents venaient de métropole, alors que l’île compte suffisamment de diplômés de niveau bac + 5 qui souhaitent devenir enseignants ! » Le recteur l’affirme également, nous l’avons tous entendu.
Madame la ministre, certains n’ont pas cru aux états généraux et ont refusé d’y participer. D’autres ont voulu jouer le jeu en apportant leurs contributions. Le Président de la République a énoncé certains principes et a ouvert des voies. Le moment est venu de prendre des décisions concrètes, et d’abord dans les domaines sensibles que je viens d’évoquer : l’illettrisme, le logement, l’emploi dans l’aide à la personne et l’environnement, la place des jeunes diplômés dans la fonction publique. Car d’autres dangers sont à craindre pour l’avenir : des menaces sur l’octroi de mer, des incertitudes après 2013 quant au marché sucrier et aux crédits européens, les suites des accords de partenariat économique, les APE, etc.
À cela vient s’ajouter la menace sur des grands travaux déjà programmés : je pense au tram-train, qui constitue non seulement la réponse au grave problème des déplacements à la Réunion, mais aussi une véritable bouffée d’oxygène pour les entreprises et des milliers de travailleurs des travaux publics. La Réunion demande à être traitée comme les autres régions en matière d’aide de l’État aux réseaux ferrés. Une réponse de principe redonnerait confiance à tout le monde. Compte tenu de l’enjeu, tout doit être fait pour que ce projet voie le jour.
Madame la ministre, mes chers collègues, en plus de tout ce qui vient d’être dit, la Réunion doit résolument se tourner vers l’avenir et répondre aux défis du siècle : la démographie, la mondialisation des échanges, les changements climatiques, les avancées technologiques… Elle propose des solutions crédibles comme l’autonomie énergétique portée à la fois par la région, l’État et la Réunion économique, l’autosuffisance alimentaire, la coopération régionale renforcée, l’économie de la connaissance : CHU, pôles d’excellence, recherche et développement.
Ces solutions doivent être mises en œuvre sans tarder. Elles impliquent un engagement sans faille de toutes les Réunionnaises et de tous les Réunionnais et une volonté politique partagée à tous les niveaux.
Le comité interministériel de l’outre-mer a ouvert des voies. Il faut maintenant arrêter un programme concret, fixer les étapes et les moyens – ceux de ce budget devront certainement être abondés –, mais aussi répondre à l’urgence sociale. Tel est le sens que je donne aux relations rénovées de l’outre-mer avec la métropole.
Est-ce bien dans cette voie, madame la ministre que le Gouvernement compte s’engager ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut examiner le présent budget de la mission « Outre-mer » sans avoir bien conscience de la situation actuelle des collectivités ultramarines.
En ce qui concerne la Martinique, le tableau que je brossais le 20 octobre dernier n’a fait malheureusement que s’assombrir.
Le 1er novembre, on en était à 315 entreprises en redressement ou en liquidation, 40 000 chômeurs, soit 24 % de la population active, et les projections des organismes compétents font craindre un taux de 27 % en fin d’année et de 30 % à la fin du premier trimestre 2010, un niveau inconnu depuis plus de vingt ans et dont on imagine les conséquences, notamment pour un nombre croissant de jeunes.
Pratiquement tous les secteurs sont touchés. Parmi les plus sinistrés figurent, d’une part, le BTP, qui, en plus de nombreuses entreprises en voie de liquidation, a vu plus de 700 artisans arrêter leurs activités depuis le début de l’année, d’autre part, le secteur touristique, pour lequel on note une chute du nombre des croisiéristes – 45 % sur un an –, des touristes transitant par l’aéroport – près de 6 % – et des nuitées d’hôtels – 17 %.
À cela s’ajoutent les difficultés croissantes des collectivités territoriales, victimes du terrible effet ciseau entre une baisse de leurs ressources et une croissance des besoins à satisfaire, notamment en matière d’équipements publics ainsi qu’en matière sociale. Ces collectivités qui, depuis de nombreuses années, portaient 85 % de l’investissement public, ne peuvent plus jouer le rôle moteur qui était le leur dans les économies locales, de même que celui, indispensable, d’amortisseur social de la terrible crise économique qui sévit.
Alors, face à une telle situation, ce budget est décevant.
Croyez, madame la ministre, que j’aurais sincèrement préféré avoir à vous tenir un autre discours, car je ne sous-estime nullement la force de votre engagement en faveur des outre-mer. Je suis de ceux, vous le savez, qui se sont réjouis de la nomination d’une originaire de l’outre-mer à la tête de la rue Oudinot. Mais un constat s’impose : ce budget, malgré une conjoncture exceptionnelle, ressemble étrangement à ceux que nous avons eu à examiner depuis quelques années, jusques et y compris dans l’artifice utilisé pour le présenter en forte augmentation.
Il y a bien quelques hausses de crédits, mais de faible importance, et en tout état de cause sans rapport avec les besoins avérés ni avec les priorités mises en avant. C’est notamment le cas des crédits de la ligne budgétaire unique, même abondés en seconde lecture par l’Assemblée nationale. Que pèsent 6 millions d’euros en crédits de paiement pour l’ensemble de l’outre-mer, quand pour la seule Martinique et uniquement dans le domaine de la réhabilitation de logements vétustes de propriétaires occupants – souvent âgés –, il manque, pour 2010, 11 millions d’euros pour atteindre un objectif de 1500 logements ?
Les besoins dans ce domaine sont très importants. Plus de quatre cents entreprises sont concernées. Les crédits actuels de la LBU ne leur permettent de mobiliser que la moitié de leur capacité de réhabilitation, qui est en moyenne de 1 700 logements par an. Il est donc indispensable de consentir un effort beaucoup plus important sur la LBU.
S’agissant de la Martinique, j’entends souvent objecter que les opérateurs ne pourraient pas consommer davantage de crédits, faute de foncier. Mais cet argument ne tient pas compte – permettez-moi de le répéter une fois de plus – des besoins en matière tant de réhabilitation que de financement des surcharges foncières imposées par le relief et les risques sismiques.
Je veux encore évoquer un autre domaine pour lequel la traduction budgétaire est fort éloignée de l’affichage prioritaire : l’insertion régionale. Comment expliquer que les crédits qui y sont consacrés soient en réduction de 3,5 %, alors même qu’ils étaient déjà très insuffisants les années précédentes ?
Que les choses soient claires : je ne reproche pas à ce budget de ne pas être en mesure de traiter tous les problèmes des outre-mer. Ce que je critique, c’est le fait qu’il ne donne pas les signes que l’on était en droit d’attendre d’une réelle prise de conscience de la gravité de certaines situations, ainsi que les signes du véritable changement de politique annoncé par le Président de la République.
Madame la ministre, ces signes, nous ne les voyons pas non plus poindre ailleurs. Et pourtant le temps presse.
Je vous ai en particulier décrit la situation de la Martinique. Si l’on ne prend pas d’urgence les mesures nécessaires, sachez que l’on se dirige vers une catastrophe économique et sociale.
Je vous demande donc d’user de votre position au sein du Gouvernement pour obtenir la mise en œuvre d’un vrai plan de relance, ou plutôt d’un plan de sauvetage, élaboré en étroite concertation avec les acteurs économiques et sociaux et les élus. Un tel plan ne peut faire l’impasse sur la nécessité de redonner aux collectivités territoriales la capacité de jouer pleinement leur rôle économique et social.
Par ailleurs, il faut que sortent très rapidement les décrets de la LODEOM, notamment ceux qui concernent la défiscalisation dans le domaine du logement social, l’aide à la rénovation hôtelière et l’aide aux intrants et aux extrants, sans oublier le décret concernant l’article 32, qui peut permettre le sauvetage d’un très grand nombre de petites entreprises.
Je veux enfin vous demander d’intervenir auprès du ministère du travail et des relations sociales pour qu’avant la mise en œuvre du contrat unique d’insertion dans les DOM des dispositions soient prises afin d’éviter qu’il n’en résulte une aggravation des difficultés budgétaires des conseils généraux.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes, vous le savez, à la veille d’importantes consultations qui vont permettre aux citoyens de Guyane et de Martinique de se prononcer sur le degré de responsabilité qu’ils entendent assumer localement. Il importe que le Gouvernement, pour sa part, donne réellement le signe de sa volonté d’assumer ses propres responsabilités à leur égard. Il doit le faire en veillant aux conditions d’objectivité dans lesquelles doivent se dérouler les campagnes électorales, mais également en donnant des preuves de sa volonté de voir les atouts de leurs territoires transformés en véritable levier de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)