Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour l’outre-mer constitue un moment fort de la discussion budgétaire, puisqu’il traduit l’attachement de la nation à ces territoires, certes géographiquement lointains, mais proches par le cœur et la force des liens qui nous unit à eux depuis plusieurs siècles.
Ce projet de budget nous est présenté après une année 2009 exceptionnelle à bien des égards outre-mer, ne serait-ce que par l’ampleur de la crise sociale qu’ont connue les deux départements des Antilles, et qu’ont analysée nos collègues rapporteurs.
Le projet de budget pour 2010 est le premier depuis le vote de la loi pour le développement économique des outre-mer. Il intervient alors même que le conseil interministériel de l’outre-mer, créé en février dernier, a traduit les conclusions des états généraux de l’outre-mer, qui viennent de s’achever, et après que la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, constituée sur l’initiative du président Larcher, a formulé une centaine de propositions qu’il convient maintenant de traduire en actes. Il en découle un suivi plus attentif que d’habitude, puisque ces propositions comportent un certain nombre d’innovations en matière fiscale.
Est-ce tout cela qui confère à ce projet de budget un aspect de transition, les décrets d’application prévus par la LODEOM n’étant pas encore parus ? Sans doute !
S’agit-il d’une nouvelle approche de l’outre-mer qui, nous dit-on, sera plus optimale que l’ancienne, et ce dans l’intérêt tant des DOM-TOM que de la métropole ? Peut-être !
Enfin, est-ce dû au fait que la plus grande majorité des crédits budgétaires en faveur de l’outre-mer ne se trouvent pas dans la mission « Outre-mer » ? Assurément !
Toutefois, malgré l’impact très positif que constitue la politique d’exonération des charges sociales, ce budget ne semble pas à la hauteur des enjeux et des annonces faites par le Gouvernement. Si les crédits budgétaires augmentent, ce n’est que de 6,4 % en autorisations d’engagement et de 6,3 % en crédits de paiement, ce qui sera probablement insuffisant pour permettre une bonne application de ce que l’on connaît déjà de la loi pour le développement économique des outre-mer.
Je ne le conteste pas, le Gouvernement semble avoir bien mesuré l’ampleur des problèmes que rencontre la France d’outre-mer. J’aurais cependant préféré, avec d’autres de mes collègues, une ambition un peu plus affirmée, notamment en matière de lutte contre le chômage, de formation professionnelle, de construction de logements et d’infrastructures de transport, des questions auxquelles on apporte une réponse insuffisante et qui mériteraient que l’on y consacre un effort supplémentaire.
En effet, les DOM-TOM sont encore bien fragiles, et les ultramarins sont légitimement inquiets de leur avenir, à l’heure où la crise mondiale les frappe sans doute plus durement que leurs concitoyens de métropole, qui plus est dans l’extrême diversité de territoires différents.
Rappelons que la situation économique et sociale de l’outre-mer est extrêmement tendue, avec un taux de chômage de 25 % en moyenne, frappant un jeune sur deux, un taux d’illettrisme encore trop élevé, des infrastructures publiques insuffisantes, sans compter un coût de la vie prohibitif, avec des produits de consommation aux prix infiniment trop élevés comparés à ceux de la métropole.
Comme l’a souligné mon collègue et ami Daniel Marsin, les ultramarins attendent donc beaucoup de la France. Veillons donc, madame la ministre, à ne pas les décevoir. C’est le vœu que je forme à l’heure où la représentation nationale se penche sur cette importante partie de la loi de finances pour 2010, dans laquelle elle réaffirme solennellement son attachement à l’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010 se situe dans un contexte différent de celui des nombreux budgets que nous avons eu à voter.
Après les événements économiques et sociaux qui sont survenus dans les quatre départements d’outre-mer, les états généraux de l’outre-mer, et l’excellent rapport d’information de notre collègue Eric Doligé, au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, présidée par notre collègue Serge Larcher, une feuille de route a été tracée par le Président de la République.
Concernant le budget lui-même, je serai bref. Tout le monde le sait, nous sommes actuellement dans un contexte de crise. Or, malgré tout, le budget de l’outre-mer augmente de 6,4 % en autorisations d’engagement et de 6,3 % en crédits de paiement. C’est dire l’effort soutenu que consent l’État !
Au-delà de ce budget, une feuille de route nous a donc été présentée il y a quelque temps par celui qui a la légitimité suprême, le Président de la République, pour les années à venir. M. le préfet Richard Samuel, coordonnateur national des états généraux de l’outre-mer, à qui je rends hommage, a engagé une concertation avec les populations et les élus, et le Président de la République a pris un certain nombre de décisions.
Madame la ministre, ces décisions sont au cœur de nos préoccupations. J’aborderai trois questions : la décolonisation économique, les décrets liés à l’application de la LODEOM, que nous avons votée ici grâce à la solidarité de nos collègues, et l’égalité des chances, évoquée par le chef de l’État.
Je ferai tout d’abord allusion à la décolonisation économique.
On peut adresser des reproches à ce gouvernement, comme à tous les gouvernements d’ailleurs, mais on ne peut pas l’accuser de ne pas avoir eu le courage de demander à l’Autorité de la concurrence de faire une radioscopie des prix pratiqués outre-mer. Celle-ci a montré des excès : le coût de la vie est majoré à la Réunion de 56 %. Or rien, surtout pas le transport, ne justifie un tel différentiel !
Cette tare coloniale est une chance pour nous ! Si, grâce à la volonté partagée des élus locaux, du Gouvernement et du chef de l’État, nous en avons le courage, nous pouvons augmenter le pouvoir d’achat de toute la population, notamment des plus pauvres, en baissant le coût de la vie.
Tel est le premier objectif qui nous est assigné, et le chef de l’État nous a donné les moyens d’y parvenir, puisque la feuille de route prévoit de renforcer le droit à la concurrence, de mettre en place un groupe d’intervention régional de la concurrence dans chaque DOM, de contrôler les accords volontaires concernant les prix, c'est-à-dire les ententes illicites qui font florès outre-mer, de donner aux observatoires des prix un pouvoir réel et la capacité de saisir l’Autorité de la concurrence, enfin de créer des centres uniques d’approvisionnement. Mais nous pourrons, bien sûr, y ajouter d’autres mesures qui nous viendront à l’esprit lorsque nous déverrouillerons l’économie des DOM.
Ce budget s’élève à quelque 16 milliards d’euros, issus de la solidarité nationale, sans compter les milliards d’euros perçus au titre de l’égalité sociale !
Aujourd'hui, grâce à la décentralisation, c'est-à-dire à un partage du pouvoir entre l’État et les collectivités locales, nous sommes au pied du mur, mes chers collègues ! Après le rapport qui a fait état des excès des oligopoles dans les quatre départements d’outre-mer, le Président de la République a fixé une feuille de route pour rendre le niveau du coût de la vie acceptable, afin d’améliorer les conditions de vie de nos populations.
À nous, madame la ministre, d’avoir le courage, dans les mois à venir, de faire ce pourquoi nous avons été élus : supprimer les excès ! C’est ce que j’appelle la « décolonisation économique » : passer d’une économie de rente fermée, repliée sur elle-même, à une économie d’expansion.
Concernant la LODEOM, je voudrais vous poser, madame la ministre, un certain nombre de questions.
Tous mes collègues qui se sont succédé à la tribune ont parlé du logement social. Ici, grâce à la solidarité de l’ensemble des groupes politiques, a été voté un amendement, que j’ai eu l’honneur de présenter, visant à adapter à l’outre-mer le dispositif Scellier qui s’applique en métropole.
Sur place, les socioprofessionnels ont émis plusieurs demandes : remonter le plafond au niveau du dispositif Borloo populaire, augmenter la surface prise en compte dans la défiscalisation, et céder gratuitement les terrains que possède l’État.
Par ailleurs – et je rejoins là ma collègue Gélita Hoarau –, j’estime qu’il ne faut pas appliquer outre-mer la mesure qui enlèverait aux collectivités locales le droit de préemption, car cela paralyserait l’aménagement de notre territoire.
Madame la ministre, si vous faites l’effort de conclure avec nous, cette année, un accord gagnant-gagnant sur ces questions, vous n’entendrez plus parler de cette revendication l’année prochaine, parce que nous aurons relancé la machine du logement social et nous pourrons afficher des résultats intéressants.
Le deuxième secteur qui pleure, c’est celui du tourisme, en raison des décisions prises à l’égard des agences de voyages en matière d’exonérations de charges sociales et de défiscalisation. À cet égard, je vous ai adressé une lettre. J’aimerais savoir si vous avez décidé de corriger cette erreur dans le décret.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou NTIC, sont une branche d’avenir pour l’économie des départements d’outre-mer, qu’il s’agisse des Caraïbes, de la Guyane ou de la Réunion. Elles permettent de rompre l’isolement, de s’ouvrir au monde, de lutter contre l’illettrisme, d’instruire la jeunesse et de valoriser l’atout que représente celle-ci. Madame la ministre, il faut rallonger, dans le décret relatif à la défiscalisation, la liste des activités économiques liées aux NTIC.
J’en viens maintenant à l’égalité des chances.
Je remercie le Président de la République d’avoir brisé le tabou de la régionalisation des emplois de cadres B et C dans la fonction publique, qu’il s’agisse de l’enseignement, de la police ou de la gendarmerie, par exemple. Il s’agit là d’une demande très forte de l’opinion.
Cette mesure permettra, en outre, d’ouvrir des perspectives sur place à de nombreux jeunes. Je propose, madame la ministre, la constitution d’un groupe d’étude, composé de juristes et de parlementaires, afin d’examiner cette problématique sous tous ses aspects, notamment humains et juridiques, et l’efficacité du système. Tous les ministères pourraient ainsi mettre en place les mesures, circulaires, décrets et arrêtés – peut-être serons-nous même conduits à légiférer ! –, susceptibles de faire droit aux prescriptions du chef de l’État, conformes au souhait de bon nombre d’élus de tous bords des quatre départements d’outre-mer.
Madame la ministre, je veux également vous interroger sur l’article 349 du traité de Lisbonne qui est maintenant entré en application.
Le chef de l’État a annoncé qu’une cellule d’instruction serait créée pour adapter les directives communautaires et piloter l’intégration des DOM depuis Bruxelles. Quand envisagez-vous de mettre en place cette structure ? Il doit s’agir non pas d’un fonctionnaire, mais d’une véritable structure en liaison avec les élus issus de la représentation nationale. Les présidents des conseils généraux ou régionaux, par exemple, doivent en être les hôtes réguliers, parce que de l’adaptation des directives communautaires naîtra une nouvelle dynamique pour le développement de l’outre-mer. Cette adaptation, qui a d’ailleurs été soulignée par mes collègues Serge Larcher et Eric Doligé, est non pas une nécessité, mais une obligation, afin que l’outre-mer devienne une chance pour l’Europe, ce qui n’est pas rien !
Par ailleurs, la fracture numérique est aussi une tare de notre économie coloniale. À chaque fois qu’un secteur se développe, surgissent monopoles, oligopoles, ententes illicites, et nous voilà asphyxiés ! Le triple play coûte 29 euros en métropole ; le chef de l’État a dit vouloir l’étendre outre-mer aux familles pauvres. Moi aussi ! Tout le monde ici est d’ailleurs d’accord, mais que fait-on, madame la ministre ? Il faut casser les ententes illicites, car, demain, il sera trop tard.
S’agissant du développement endogène, un commissaire par DOM sera nommé. Mais je me demande s’il ne faudrait pas créer une cellule de coordination auprès de vos services, à laquelle les parlementaires pourraient s’adresser pour booster l’opération et faire en sorte que les souhaits deviennent réalité.
Enfin, lors du conseil interministériel de l’outre-mer, a été décidée la création du Fonds d’investissement de proximité, le FIP, défiscalisé à 50 % et destiné à financer les PME innovantes. J’aimerais bien que cette décision soit concrétisée par un amendement que vous pourriez déposer à l’occasion de la loi de finances rectificative que nous examinerons prochainement.
J’étais présent lorsque cet engagement a été pris à l’Élysée ; je l’ai donc noté comme tout le monde. Mon collègue Georges Patient et moi travaillions hier encore sur cette question. Nous permettre de bénéficier de l’intervention du FIP pour l’exercice 2010 serait faire œuvre utile, car cela permettrait de développer l’économie de l’outre-mer, en particulier les secteurs innovants, qui ont besoin de sang neuf, c’est-à-dire d’argent frais, à l’actif de leur bilan.
J’en viens à ma conclusion.
Ma collègue Anne-Marie Payet, à juste titre, a fait voter un amendement concernant les débits de tabac dans les galeries marchandes des supermarchés.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Il n’y en a pas beaucoup !
M. Jean-Paul Virapoullé. À mon avis, on a eu la main un peu trop lourde, car on a interdit de délivrer une nouvelle licence aux débits de tabac qui sont présents dans les grandes surfaces. Si cet amendement est appliqué brutalement, les pères et les mères de famille qui y vendent des cigarettes vont devoir fermer leur entreprise et donc licencier.
À l’avenir, il ne faudra pas installer de nouveaux débits de tabac dans les galeries marchandes des grandes surfaces.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Ils sont seulement quelques-uns !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je comprends votre position, mais je vous demande de comprendre également la mienne : cela revient à faire perdre leur travail à des personnes, sans pour autant faire baisser la consommation de tabac ! Par conséquent, je souhaite que ma revendication soit prise en compte dans la rédaction du décret.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire. Personnellement, j’ai confiance en l’avenir malgré les difficultés qui sont les nôtres. Conscient des bassins de misère qui nous entourent outre-mer, je sais que nous avons la chance de bénéficier de la solidarité nationale, de la solidarité européenne, de la solidarité locale et de la décentralisation. À nous, maintenant, à la place où la population nous a mis, de travailler main dans la main avec l’État pour faire réussir le développement endogène outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis les événements de Guyane de novembre 2008, les outre-mer sont en état quasi permanent de crise. Ils sont devenus, encore plus qu’auparavant, un sujet de très grande préoccupation pour le Gouvernement, qui ne peut plus rester indifférent.
Celui-ci, il faut le reconnaître, a fait des annonces, a pris ou tenté de prendre des mesures pour répondre aux revendications légitimes des populations ultramarines.
Cela a été le cas avec la LODEOM, qui a été votée en mai 2009 et dont l’objectif avoué est de renforcer les capacités des outre-mer à produire un développement économique endogène, afin de résorber le chômage.
Cela a été le cas quand le chef de l’État a accepté d’organiser des consultations visant à recueillir le consentement des électeurs de Martinique et de Guyane pour la transformation de ces deux départements d’outre-mer en collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, et ce à la demande de leurs congrès respectifs.
Cela a aussi été le cas avec les annonces faites par le chef de l’État à la suite du conseil interministériel de l’outre-mer qui s’est tenu le 6 novembre dernier à l’Élysée.
Il s’agit là de nombreuses initiatives, certes, d’une nouvelle approche des outre-mer, mais, pour l’heure, on demeure au stade des bonnes ou des grandes intentions ! En effet, en dehors de la date des consultations populaires qui est bien arrêtée, peu de dispositions sont appliquées, voire applicables ! On est loin des plans de relance à l’intention de la métropole qui, dès le départ bien chiffrés et bien fléchés, sont donc immédiatement mis en œuvre.
Dois-je rappeler, comme l’ont fait les collègues qui m’ont précédé, que de nombreuses mesures réglementaires d’application de la LODEOM n’ont, à ce jour, pas encore été prises, alors que cette loi a été votée en urgence ? Quand ces décrets d’application seront-ils publiés, madame la ministre ?
J’espérais beaucoup de la loi de finances pour 2010. Mais force est de constater, à la lumière du document de politique transversale, que les chiffres pour les outre-mer n’ont pas varié par rapport à l’année dernière. À vrai dire, ils n’augmentent que du montant de l’inflation, soit 1,2 %.
Madame la ministre, j’accordais un grand d’intérêt à l’examen de votre budget. Même s’il ne représente que 12 % de la totalité des crédits consacrés par l’État aux outre-mer, il se devait de traduire, dans les programmes que vous gérez, des priorités pour répondre aux fortes inquiétudes exprimées par nos concitoyens.
Certes, les crédits de votre mission augmentent de 6,4 % en autorisations d’engagement et de 6,3 % en crédits de paiement, augmentation qui profite principalement au programme « Emploi outre-mer ».
Cela aurait pu être un signe très fort à destination de nos populations, quand on sait que la résorption du chômage est l’une de leurs préoccupations majeures : il est trois fois plus élevé qu’en métropole. Un véritable séisme social !
Mais cette hausse des crédits du programme « Emploi outre-mer » ne porte principalement que sur un meilleur remboursement aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales.
De plus, d’après les informations dont je dispose, cette dotation ne devrait toujours pas suffire à financer l’ensemble des besoins identifiés pour l’année 2010, qui s’élèvent à 1 159 millions d’euros, soit 55 millions d’euros de plus que les montants inscrits au projet de loi de finances.
Dois-je rappeler que ces exonérations de cotisations sociales sont le dispositif central de soutien à l’emploi, qu’elles ont été revues, corrigées, confortées par la LODEOM ?
De même, méritent d’être consolidées toutes les actions en faveur des ultramarins de moins de trente ans, qui sont les plus durement frappés par la précarité de l’emploi. Le chômage touche, en effet, plus de 50 % de nos jeunes, qui représentent plus de 34 % de la population, contre 25 % en métropole.
D’ailleurs, à ce titre, il convient de rappeler que les crédits relatifs aux contrats aidés, auparavant supportés par ce programme, le sont désormais par la mission « Travail et emploi », qui subit, elle, une baisse significative de plus de 748 millions d’euros pour 2010. Même si ces emplois ne relèvent plus de votre mission, madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur le fait qu’ils seront maintenus pour nos concitoyens ?
Dans le même ordre d’idée, il faudra, pour nos jeunes, veiller à ce que les efforts budgétaires en faveur du SMA soient amplifiés dans les années à venir. Le SMA joue un rôle essentiel en termes d’insertion et de qualification professionnelle. Ses résultats sont bons, mais, selon les informations fournies par votre ministère, ni l’augmentation des crédits budgétaires ni celle des effectifs d’encadrement du programme ne connaîtront une hausse équivalente à celle du nombre de bénéficiaires du dispositif.
Enfin, pour terminer sur ce programme, l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer, dont la mission est de favoriser l’insertion professionnelle des ressortissants d’outre-mer, voit sa subvention demeurer stable. N’aurait-il pas fallu revoir son montant, quand on sait que de nouvelles missions, notamment la gestion de nouveaux dispositifs de continuité territoriale, vont lui être confiées et qu’elles auront des conséquences sur le budget ?
Quant au programme « Conditions de vie outre-mer », il m’interpelle sur un certain nombre de points, principalement le logement social, deuxième grand volet de la problématique ultramarine. Comment endiguer le phénomène de l’habitat insalubre avec des crédits en baisse, quand on sait que les logements insalubres représentent de 7 % à 10 % du patrimoine bâti dans les DOM, contre 2,5 % en métropole ?
Mon département, la Guyane, est le plus touché. Plus de 30 000 personnes vivent dans ce type d’habitat. Des études récentes ont estimé à 30 % le taux de constructions illicites existantes, mais, en flux, ce taux représenterait aujourd’hui près de 50 % du nombre de constructions nouvelles.
Comment réhabiliter les logements quand les crédits consacrés à ces aides sont en baisse depuis 2009, à la suite de la réduction des objectifs ? Pourquoi les constructions de logements en accession très sociale rencontrent-elles des difficultés qui se traduisent par une production très inférieure aux ambitions initiales ? Madame la ministre, il faut vite revoir ce dispositif, car il bénéficiait d’un grand succès outre-mer, notamment en Guyane.
Comment répondre aux 62 000 demandes de logements d’une population domienne éligible à 80 % au logement social quand la production annuelle n’excède pas 4 000 unités ? Pour 2010, le Gouvernement s’est fixé un objectif de 5 443 logements, mais grâce au nouveau dispositif de défiscalisation qui ne semble pas faire l’unanimité.
N’aurait-il pas été préférable d’accroître la LBU plutôt que d’instaurer une nouvelle dépense fiscale, pour un coût estimé à 110 millions d’euros en 2010 et dont l’efficacité sera, selon toute vraisemblance, plus faible ?
Madame la ministre, j’aurais voulu intervenir sur d’autres points qui méritent notre attention. Mais le temps qui m’est imparti ne le permet pas ! Je dirai juste quelques mots sur le fonds exceptionnel d’investissement créé par la LODEOM.
Si ce fonds a pu bénéficier en 2009 de 165 millions d’euros d’engagements, il est regrettable que, pour 2010, il soit ramené à 40 millions d’euros d’engagements. On aurait pu s’attendre à une somme plus importante à destination des collectivités locales qui, on le sait, représentent en moyenne 72 % des investissements du secteur public local.
Le conseil interministériel de l’outre-mer s’est montré très discret sur la question des finances des collectivités locales, malgré les nombreuses remontées des états généraux de l’outre-mer et de la mission sénatoriale. Est-ce un signe manifeste de la raréfaction des crédits de l’État vis-à-vis des outre-mer ?
Devrons-nous nous attendre à ce genre de mauvaises surprises quand il faudra chiffrer les mesures annoncées le 6 novembre dernier par le chef de l’État ? Oui, si l’on tient compte des premiers crédits relatifs aux cent trente-sept mesures votés en dernière minute en seconde délibération à l’Assemblée nationale : seulement 33 millions d’euros de crédits de paiement, dont 15 millions d’euros pour une dotation spéciale d’équipement scolaire pour les écoles et collèges de Guyane, pour la prise en considération d’un problème récurrent, spécifique aux collectivités de Guyane, dont je vous ai entretenu à plusieurs reprises. Maintenant, il nous appartient d’être fixés sur la permanence et les critères d’attribution de cette dotation.
Nonobstant, il est regrettable que le déplafonnement de la dotation globale superficiaire pour les communes de Guyane n’ait pas été pris en compte. Pourtant, il me semblait que vous n’étiez pas défavorable, madame la ministre, à ce que l’on revienne sur ce plafonnement qui frappe uniquement les communes de Guyane. J’ai déposé un amendement dans ce sens sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». J’espère qu’il sera examiné favorablement pour mettre fin à cette injustice.
Aussi, en l’état, madame la ministre, il m’est difficile de voter votre budget. Je préfère attendre un tout prochain collectif budgétaire qui, je l’espère, nous apportera de réels moyens à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Odette Terrade. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au-delà d’une appréciation des crédits de la mission « Outre-mer », que vous nous présentez aujourd’hui, cette discussion budgétaire m’offre également l’occasion de vous exposer les problématiques propres à Saint-Barthélemy, même si elles ne sont pas toutes d’ordre budgétaire.
D’abord, en ce qui concerne la mission elle-même, je ne peux que me féliciter de l’augmentation de ses crédits, tant les attentes de l’outre-mer se sont exprimées fortement tout au long de cette année. Il convenait aussi de renforcer l’existant budgétaire, qui s’est manifestement révélé insuffisant pour répondre au surcroît de la demande. Pour ma part, c’est en ce sens que j’interprète non seulement l’augmentation de vos crédits, mais aussi la répartition de leur utilisation.
Je suis convaincu que, dans le contexte économique que nous connaissons tous, l’État fait de son mieux pour l’outre-mer. Mais encore fallait-il qu’il le fasse bien et, dès lors, seule l’optimisation de l’utilisation des ressources permettra d’atteindre l’efficacité, à savoir faire de la dépense publique un levier de création de richesses et de bien-être outre-mer.
Je note, en effet, avec satisfaction une réduction des écarts entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, qui favorise la lisibilité de l’action de l’État et évite l’accumulation des retards de paiements pouvant être déstabilisants, voire paralysants, comme cela a été le cas dans le domaine du logement social.
Certes, le niveau des crédits est important, mais je veux insister sur le fait que les résultats ne pourront être atteints qu’à la condition que les actions soient ciblées, j’ajouterai même de manière pertinente, pour souligner combien je conçois l’action de l’État comme un levier.
Je ne peux m’empêcher, en outre, d’aller au bout de ma pensée en considérant que cette action est complétée par le cadre institutionnel ; mais je ferme là la parenthèse, car c’est un autre débat. Néanmoins, madame la ministre, si Saint-Barthélemy n’est pas concernée à proprement parler par la mission « Outre-mer », l’efficacité pour laquelle je plaidais suppose une action conduite dans un cadre institutionnel, donc normatif. À cet égard, je compte sur vous pour que les délais de parution des décrets soient davantage respectés.
Vous le savez, la mise en place d’une nouvelle collectivité impose de nombreux ajustements et une collaboration étroite avec l’État dans l’exercice des compétences partagées.
J’attire donc votre attention sur le décret attendu par la collectivité afin de mettre en place le centre de formalités des entreprises. Elle a en effet souhaité que les acteurs économiques de l’île disposent, sur place, d’une forme de guichet unique destiné à fluidifier et à faciliter l’ensemble des démarches liées à leur activité.
De même, en ce qui concerne les décrets de ratification des sanctions pénales prévues au code des contributions directes et au code de l’urbanisme, nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation de vide juridique, puisque les sanctions pénales en vigueur dans les codes nationaux restent applicables à Saint-Barthélemy. Toutefois, la collectivité a usé de son droit d’en édicter, pour les adapter aux dispositions prévues par ses codes locaux. L’exemple de la vignette automobile montre d’ailleurs la nécessité de l’adéquation de la règle à la sanction. En effet, alors qu’elle a été supprimée en métropole, le code des contributions directes de Saint-Barthélemy l’a maintenue et prévoit que les automobilistes s’en acquittent chaque année.
C’est dans ce souci d’une bonne collaboration que j’ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à ratifier les sanctions pénales directement par la voie parlementaire, ce qui pose une question juridique sur laquelle j’aimerais connaître votre position, madame la ministre. Considérant en effet que les actes ne peuvent entrer en vigueur sans ratification du Parlement, pouvons-nous estimer que la voie parlementaire est suffisante ? Le dépôt d’une proposition de loi revenait en réalité à considérer que la procédure prévue par la loi organique n’exclut pas une intervention directe du législateur.
Je suis bien conscient du fait que, par cette interrogation, je vous mets en situation d’écarter, le cas échéant, l’étape réglementaire. Mais, soyez-en assurée, je ne me propose d’« escamoter » l’étape gouvernementale que dans un objectif de réduction des délais.
Par ailleurs, il m’importe de vous alerter sur une disposition qui me tient particulièrement à cœur. Lors de l’examen de la LODEOM, j’avais en effet déposé des amendements visant à étendre le dispositif de continuité territoriale aux déplacements des sportifs, dans le cadre régional et vers la métropole, par symétrie avec le dispositif instauré en faveur de la mobilité des étudiants.
De ce point de vue, comme dans d’autres domaines, Saint-Barthélemy est inéluctablement dépendante de l’extérieur. L’exiguïté du territoire fait qu’il est impossible de disposer de tous les services ou de satisfaire tous les besoins sur l’île. S’agissant en particulier du sport, la collectivité mène une politique volontariste pour développer la pratique sportive chez les jeunes, en mettant notamment des infrastructures performantes à leur disposition, dans toutes les disciplines. Vous comprendrez donc aisément que lorsqu’on veut amener des sportifs au meilleur niveau, il est nécessaire de leur offrir la possibilité de se confronter à des adversaires variés. Or, avec une population de 8 450 habitants, il est mathématiquement impossible de diversifier les compétiteurs. Cette politique étant donc source de fréquents déplacements, je souhaiterais, madame la ministre, que cet impératif puisse trouver une traduction budgétaire, éventuellement par le biais du Fonds d’échange à buts éducatif, culturel et sportif.
Pour conclure, permettez-moi de vous exposer brièvement les motivations qui ont conduit la collectivité de Saint-Barthélemy à demander au Gouvernement d’enclencher le processus de changement de son statut européen.
En premier lieu, il s’agit d’une position de cohérence, qui vise à harmoniser le régime de spécialité législative en droit français avec celui du droit européen. Il serait en effet curieux que Saint-Barthélemy soit soumise au régime de l’identité législative en droit européen, mais, pour l’essentiel, au régime de spécialité législative en droit français.
En deuxième lieu, la compétence douanière est l’un des enjeux fondamentaux de ce processus pour la collectivité, qui souhaite conserver son statut de territoire extra-douanier. Avant d’être une collectivité, Saint-Barthélemy exerçait la compétence douanière par dérogation ; aujourd’hui, il nous paraît fondamental de pouvoir en disposer pleinement.
En troisième lieu, un tel choix s’impose également parce que, en raison du niveau de son PIB par habitant, Saint-Barthélemy ne peut attendre de l’Europe le même niveau de financement que les RUP, les régions ultrapériphériques.
En dernier lieu, cette position est pragmatique. Les contraintes qui nous sont imposées par l’Europe sont souvent exorbitantes pour un territoire de 24 kilomètres carrés, et constituent en outre un frein aux relations commerciales avec les pays voisins, particulièrement avec les États-Unis d’Amérique.
En résumé, tout en étant attachée à la citoyenneté européenne, la collectivité a estimé que le statut d’association était le mieux adapté à Saint-Barthélemy. Je ne doute pas, madame la ministre, que nous pourrons compter sur le Gouvernement pour nous accompagner dans notre volonté de faire aboutir le processus dans les meilleurs délais.
Tels sont, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques points qu’il me semblait utile de développer. Il va sans dire que j’adopterai les crédits de la mission « Outre-mer ».