M. Guy Fischer. Très bien !
M. Roland Courteau. À ceux qui doutent, à ceux qui dénigrent, je leur dis que les listes d’émargement sont à leur disposition.
M. Guy Fischer. Nous en avons aussi !
M. Roland Courteau. Mon collègue Marcel Rainaud ne me démentira pas.
Cette votation, plusieurs membres du Gouvernement ont voulu l’ignorer ou l’ont même dédaignée. Et c’est cette même volonté qui se serait affirmée très largement si le Gouvernement avait accepté d’organiser un référendum. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Plusieurs sénateurs de ces mêmes groupes brandissent de nouveau la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».)
Eh oui ! l’attachement des Français à La Poste est très fort, car La Poste n’est pas une entreprise comme une autre. Elle est bien plus qu’un réseau de transport et de distribution : c’est un vecteur de lien social, de développement économique et d’aménagement du territoire. C’est le symbole du service public à la française, c’est le symbole de l’égalité républicaine.
Admettez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que les sociétés de l’avenir ne sauraient être vouées totalement à la performance et à la réussite financière.
Admettez, comme d’autres l’ont écrit, que la solidarité et le dévouement au bien commun, ainsi qu’une organisation fondée sur l’intérêt collectif, c’est-à-dire le service public, puissent équilibrer la toute-puissante logique de la rentabilité.
Monsieur le ministre, votre projet de loi est néfaste pour le service postal et pour les personnels. Vous persistez à refuser un référendum. Pour notre part, nous persistons à considérer que le peuple a son mot à dire, car La Poste, c’est la propriété des Français !
M. Robert Tropeano. Tout à fait !
M. Roland Courteau. Pourquoi refusez-vous de consulter les Français sur un projet dont les enjeux sont particulièrement lourds, en termes de lien social, dans les zones rurales comme dans les quartiers populaires, et en matière d’aménagement du territoire ? Auriez-vous peur du résultat ?
M. Bernard Piras. Oui !
M. Roland Courteau. Si, plutôt que d’ignorer ou de dédaigner la votation citoyenne du 3 octobre le Gouvernement avait pris cette mobilisation en considération, il aurait pu constater que l’attachement des Français au service public de La Poste débordait largement les frontières partisanes. Sachez-le, des citoyens de gauche comme de droite ont exprimé leur attachement à ce service public. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
De toute manière, tôt ou tard, vous n’échapperez pas au référendum d’initiative populaire, car il faudra bien un jour inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement le projet de loi organique relatif à cette disposition constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Absolument !
M. Roland Courteau. Vous saurez alors ce que pense réellement le peuple !
Oui, votre projet est néfaste pour le service public. Nous considérons que le statut public de l’entreprise constitue une garantie dans le domaine de la préservation des missions de service public ou du contrôle de la stratégie du groupe. Le statut d’exploitant autonome public nous paraît tout à fait adapté à la modernisation de La Poste et à son développement.
Oui, nos craintes, avec le changement de statut de La Poste, sont très fortes. Non, nous ne voulons pas que La Poste devienne un vestige de notre modèle social.
Le projet de loi, en l’état, ne garantit pas un financement suffisant et pérenne des missions de service public : ni le Fonds de compensation du service universel ni le Fonds postal national de péréquation territoriale, même après les modifications apportées par la commission, ne disposent de ressources suffisantes et pérennes dans un temps de réforme de la fiscalité locale.
Nous proposerons donc des amendements sur cette question majeure à nos yeux. Car en l’absence d’un financement intégral, La Poste cherchera à diminuer encore ses coûts : suppression d’emplois, réduction de la présence postale, remise en cause de la distribution des courriers six jours sur sept et à j+1.
En conclusion, pour que La Poste poursuive son développement et sa modernisation, elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur l’ensemble de son personnel. Elle doit donc disposer d’un pacte social ambitieux afin de préserver l’emploi et offrir de bonnes garanties sociales aux postiers.
J’ai récemment reçu des lettres où il était écrit : « il vous appartient de choisir entre l’aventure et le bon sens, entre l’intérêt général et une orientation mercantile ».
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Courteau.
M. Roland Courteau. Eh bien ! monsieur le ministre, vous l’aurez compris, mon choix, qui est aussi celui du groupe socialiste, est fait : c’est celui du bon sens et de l’intérêt général. Voilà pourquoi nous nous opposerons à votre projet. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste occupe une place centrale dans la vie quotidienne de dizaines de millions de Français, aussi bien par les missions qu’elle assume partout sur le territoire que par sa mission sociale forte. Il est important de rappeler qu’elle est le premier employeur du pays après l’État.
Ces dernières décennies, La Poste a su évoluer et s’adapter aux mutations de l’économie et de la société. Il est vrai que, ces derniers mois, nous avons su, grâce aux textes proposés par la majorité, soutenir le projet de la Banque postale qui spécifiait que La Poste devait rester implantée au maximum dans les territoires.
La Banque postale est une réussite totale parce que ses dirigeants ont su gérer sans s’aventurer, contrairement à d’autres groupes financiers.
Pourtant, La Poste est aujourd’hui confrontée à un bouleversement majeur de son environnement qui pourrait rendre son avenir incertain. En particulier, l’insuffisance de ses fonds propres l’empêche de procéder aux investissements nécessaires pour affronter ses concurrents les plus directs.
Or son statut actuel d’établissement public ne l’autorise pas à accéder à des sources de financement élargies. Pour remédier à cette situation, il est nécessaire de modifier sa forme juridique.
M. Claude Bérit-Débat. C’est faux !
M. Alain Fouché. Tel est le sens du projet de loi qui nous est soumis.
Je tiens à insister sur deux points essentiels, sur lesquels le Gouvernement s’est engagé, et auxquels tout le monde semble attaché : la présence territoriale et le maintien du caractère entièrement public de l’entreprise.
La commission de l’économie, sur l’initiative de son rapporteur, Pierre Hérisson – qui effectue un travail remarquable sur le dossier de La Poste depuis des années –, et de plusieurs sénateurs, a tenu à apporter des garanties pour apaiser les inquiétudes liées à la présence postale. Ainsi a-t-elle décidé que le nombre de points de contact de l’opérateur sur le territoire national ne pourra être inférieur à 17 000. Cette disposition mérite d’être pleinement approuvée et le Gouvernement s’est d’ailleurs à son tour engagé sur ce point.
La Poste prendra la forme d’une société anonyme tout en demeurant une entreprise publique ; le ministre a été très précis hier. Le texte créé simplement le cadre juridique qui permet au groupe La Poste de procéder à une augmentation de capital par une souscription de l’État ou d’établissements publics dépendant directement de l’État.
La Poste a besoin d’un minimum de 2,7 milliards d’euros pour atteindre le même niveau de compétence et de compétitivité que les autres postes européennes. Cet apport sera exclusivement le fait de l’État ou d’entreprises publiques. Pas un seul euro ne devra provenir du secteur privé. La commission a précisé qu’en dehors de l’État seules des personnes morales de droit public pourraient détenir une part du capital de la future société anonyme.
Enfin, la transformation en SA ne changera en rien la situation des personnels, fonctionnaires et contractuels. Les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d’emploi et de retraite qui y sont associées.
Au fur et à mesure de la réflexion et après les réunions successives de la commission, le projet de loi évolue vers une rédaction plus satisfaisante, qui apporte davantage de sûreté à nos populations et à nos territoires. Il répond aujourd’hui à nos préoccupations, à celles des territoires et de leurs habitants. Nous saurons défendre ce projet et nous faire comprendre des populations qui savent que nous voterons un bon texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, reste-t-il encore quelque chose à ajouter (Non ! sur les travées de l’UMP.) après les excellentes et éminentes interventions de mes collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ?
M. Jacques Blanc. Et les nôtres ?
M. Jean Desessard. J’exprimerai donc une simple interrogation sur la présence de M. Estrosi au banc du Gouvernement.
Plutôt que de demander à M le ministre de l’industrie de présenter ce projet de loi, il aurait été plus symbolique, pour montrer que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, de mandater M. Éric Woerth : ministre du budget, il aurait pu nous parler de l’investissement de l’État ; ministre des comptes publics, il aurait pu nous parler du suivi de la Caisse des dépôts et consignations ; ministre de la fonction publique, il aurait pu nous parler de la mission de service publique de La Poste ; ministre de la réforme de l’État, il aurait pu nous parler de la modernisation nécessaire de cet établissement public.
Vous donnez un mauvais signe en demandant au ministre de l’industrie de défendre ce projet de loi.
M. Jacques Blanc. Pas du tout !
M. Jean Desessard. Je formulerai maintenant une remarque sur le second volet de ce texte, qui concerne la libéralisation ou, en termes plus académiques, la transposition de la troisième directive européenne concernant le secteur postal.
L’argument, souvent repris, est qu’il faut s’adapter à la législation européenne et, en conséquence, soumettre le secteur postal à la concurrence, libéraliser le marché. Certes ! Pour un peu, on percevrait des regrets de devoir aboutir à une telle situation.
MM. Jacques Blanc et Alain Gournac. Nullement !
M. Jean Desessard. Mais si ! Qui a voté cette directive européenne, si douloureuse à appliquer ? Pas les eurodéputés Verts, qui s’y sont opposés. Ce sont, bien sûr, les eurodéputés de l’UMP.
M. Jacques Blanc. Avec des élus de gauche !
M. Jean Desessard. Est-ce une erreur de manipulation des boutons de vote de tout un banc d’eurodéputés, à l’instar de Jean-François Lamour que l’on avait connu plus habile dans la maîtrise des touches ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Bien sûr que non, puisque cette directive a aussi reçu l’aval des ministres du Gouvernement.
Sur le plan européen, l’UMP est donc pour la libéralisation du marché postal, l’ouverture à la concurrence. Et l’on voudrait nous faire croire qu’il y a une coupure totale entre les parlementaires de l’UMP de Bruxelles et les parlementaires de l’UMP du Palais de Luxembourg ! Cela ferait désordre pour un parti aux commandes, qui joue un rôle important sur le plan européen et dont le chef incontesté se targue de moraliser le capitalisme et de supprimer l’ensemble des paradis fiscaux de la planète.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je croyais qu’ils n’existaient plus !
M. Jean Desessard. Alors, soyons sérieux et considérons que la ligne politique et idéologique de l’UMP c’est l’ouverture de la concurrence dans le secteur postal. Oui, mais voilà, il n’est pas si simple de mettre en œuvre une telle ligne politique dans un pays aussi attaché aux services publics à la française. Car le Gouvernement craint la mobilisation des salariés de La Poste, le rejet de la réforme par l’opinion, attachée aux voitures jaunes et à l’oiseau…
M. Jacques Blanc. Bleu !
M. Jean Desessard. …sillonnant les campagnes Cela a été confirmé, le 3 octobre, par la participation de plus de deux millions de personnes à la votation citoyenne.
Le Gouvernement craint également la rébellion d’élus ruraux, soucieux de maintenir la présence de services publics sur l’ensemble du territoire. Oui, mes chers collègues, la résistance d’élus de l’UMP à certaines réformes existe !
Enfin, le Gouvernement craint le rejet du projet de loi par le Conseil constitutionnel ; je fais référence au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
C’est pourquoi le Gouvernement avance masqué.
M. Jacques Blanc. Ah bon !
M. Jean Desessard. Pour étouffer les résistances, vous clamez avec des accents de sincérité, la main sur le cœur, que La Poste doit rester une entreprise publique, qu’il ne s’agit en aucun cas de la privatiser, et que vous voulez même la rendre « imprivatisable ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel concept !
M. Jean Desessard. Je ne reviendrai pas sur les précédents, mais la démarche est connue, habituelle : d’administration publique, on devient établissement public, puis SA à capitaux publics à 100 %, puis à 51 % pour garder la majorité, puis à 34 %, pour détenir une minorité de blocage, et on finit par une SA tout court, avec 26 % de capitaux publics pour France Télécom ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je prends acte de votre principal argument pour défendre le changement de statut.
Non pas l’argument, non dit, non avoué, qui motive le patron de La Poste, celui qui a été à l’origine de ce changement de statut. Je ne parlerai pas de l’avantage en termes de rémunérations, avec la multiplication par deux, trois, voire plus des revenus des cadres dirigeants. (M. le rapporteur fait un signe dubitatif.) Mais si, monsieur le rapporteur ! Vous savez bien que, dans ce cercle, les dirigeants jouent à qui aura la plus grosse (Rires.)… rémunération.
Non pas l’argument, non dit, non avoué, qui motive les dirigeants, multipliant les acquisitions, les cessions, les fusions, les liquidations.
Bref, le statut de société anonyme autorise le jeu favori des dirigeants prédateurs : le Monopoly boursier.
M. Jacques Blanc. C’est une insulte inacceptable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est plus acceptable que vos discours !
M. Jean Desessard. L’argument officiel est le besoin de financement, évalué à près de 2,7 milliards d’euros, pour moderniser La Poste. Comme les règles européennes, au nom du respect de la libre concurrence, ne permettent pas à l’État de faire cet investissement, il faut doter La Poste d’un statut de société anonyme pour que la Caisse des dépôts et consignations et l’État investissent cette somme sous forme de capital.
M. le président. Mon cher collègue, il vous reste une grosse minute ! (Rires.)
M. Jean Desessard. Comme je serai présent toute la semaine, ce que je ne dirai pas maintenant, vous aurez l’occasion de l’entendre plus tard ; à moins que vous ne soyez plus là !
Vous pensez que la Commission européenne sera dupe de cette grosse ficelle : l’État et un établissement financier contribueront à hauteur de 2,7 milliards d’euros, sans exiger un retour sur investissement, et cela passerait inaperçu auprès de la concurrence et de la Commission européenne…
Autant le dire tout de suite, vous lancez la privatisation de La Poste, avec un cadeau de 2,7 milliards d’euros.
Avant de conclure, j’adresserai une remarque à M. le ministre. (Plusieurs sénateurs de l’UMP constatent que le temps de parole de l’orateur est écoulé : « Zéro ! ».) Monsieur le président, il faut décompter le temps pendant lequel je suis interrompu par l’UMP !
Monsieur le ministre, vous avez dit hier, lors de la présentation du projet de loi, craindre que l’opposition ne vous pourrisse la semaine ! Eh bien ! je prends ce risque, car je considère que ce projet de loi va pourrir la vie de milliers de salariés et de millions d’usagers pour des années et des années ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts, à l’instar de l’ensemble de l’opposition, s’opposeront à ce texte, qui doit, selon eux, faire l’objet d’un débat au sein de la société et être soumis à un référendum national. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum » sont de nouveau brandies sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Organisation des débats
M. le président. Mes chers collègues, l’examen de la motion référendaire aura lieu demain matin, à neuf heures trente.
La discussion débutera par l’intervention de l’un des auteurs de la motion, M. Bel, qui disposera de vingt minutes.
Le rapporteur, M. Hérisson, et le président de la commission, M. Emorine, pourront ensuite s’exprimer pendant vingt minutes.
Le Gouvernement pourra, le cas échéant, répondre aux orateurs.
Le temps attribué aux groupes est de trente-neuf minutes pour le groupe UMP, de trente-deux minutes pour le groupe socialiste, de seize minutes pour le groupe Union centriste, de quinze minutes pour le groupe CRC-SPG, de treize minutes pour le groupe du RDSE et de cinq minutes pour les sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Après la réponse des ministres, nous examinerons trois motions de procédure. Puis nous entamerons l’examen du texte, avec vingt-sept amendements visant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er. Dix-huit orateurs sont inscrits sur l’article 1er. La séance devrait être levée ce soir vers minuit, afin de permettre l’examen de la motion référendaire demain matin à neuf heures trente.
L’accord des groupes ayant été obtenu sur cette organisation, vous pouvez ranger vos feuilles de papier jaunes, mes chers collègues. (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Discussion générale (suite)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum » sont de nouveau brandies.)
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que les Français aiment La Poste ; nous l’aimons tous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, vous ne pouvez pas douter de cet amour que nous avons tous pour La Poste.
M. Alain Gournac. Nous l’aimons autant que vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour !
M. Michel Mercier, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, si vous me laissez m’exprimer, je vous donnerai des preuves !
J’aborderai les questions relatives à l’aménagement du territoire et Christian Estrosi évoquera les autres aspects du texte.
Tout d’abord, nous sommes très attachés à La Poste en tant que symbole du service public, capable de s’adapter : on compte, en France, 17 000 points de contact de La Poste ; nous sommes le seul pays européen, avec le Portugal, me semble-t-il, a en avoir autant. C’est ce maillage de l’ensemble du territoire qui fait l’originalité de La Poste.
Un certain nombre de garanties sont apportées soit par le projet de loi lui-même, soit par les amendements qui ont été adoptés par la commission et acceptés par le Gouvernement.
Le texte rappelle tout d’abord les missions de service public exercées par La Poste : le service universel postal, la contribution à l’aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire.
Ces quatre missions essentielles, différentes les unes des autres, forment, aux yeux de nos concitoyens, un ensemble que l’on ne peut pas partager. Dans le plus petit des hameaux, le facteur apporte chaque jour le courrier et le journal ; ce service est à la base de notre vie sociale. Il est tout aussi primordial que chacun puisse trouver à moins de cinq kilomètres ou à moins de vingt minutes en voiture de son domicile un point de contact de La Poste.
L’existence d’une banque postale, où tout le monde peut ouvrir un compte, donne une perception de l’activité bancaire différente de celle que l’on a pu avoir au travers de la crise financière, et c’est très bien ainsi.
Le projet de loi tient compte à la fois de cet attachement aux missions de service public de La Poste et de l’évolution des technologies, avec la dématérialisation du courrier. Il serait vain, par exemple, de vouloir maintenir partout des bureaux de poste et de ne pas offrir aux zones rurales l’accès au très haut débit. Il faut au contraire conserver la présence postale sous un mode adapté et, dans le même temps, permettre à tous les territoires de notre pays d’accéder au très haut débit. Tel est l’objectif du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
J’aborderai maintenant les missions d’aménagement du territoire.
Près de 14 000 communes, sur les 36 000 que compte notre pays, ont un point poste et 60 % du réseau de La Poste est situé dans des communes de moins de 2 000 habitants. Cette présence postale, à laquelle nous sommes tous attachés, est remarquable.
Le projet de loi maintient ces quatre missions de service public, alors que rien n’obligeait le Gouvernement à les rappeler. Le texte obéit à une obligation constitutionnelle de transcription des directives, et le Gouvernement a choisi de graver de nouveau ces missions dans le marbre législatif et de donner un certain nombre de garanties supplémentaires.
M. Roland Courteau. C’était bien le minimum !
M. Daniel Raoul. Le marbre peut fondre !
M. Michel Mercier, ministre. Vous avez une relation lointaine avec la pierre, monsieur Raoul : le marbre fond rarement !
M. Daniel Raoul. Il suffit de le chauffer avec du gaz de France !
M. Michel Mercier, ministre. Quelles garanties supplémentaires figureront dans la loi grâce au travail de la commission et de son rapporteur ?
Tout d’abord, pour la première fois seront inscrits dans un texte législatif les 17 000 points de contact de La Poste. Des discussions ont lieu entre la commission et le Gouvernement pour en assurer le financement ; nous aurons l’occasion de discuter de cette question primordiale lors de l’examen des articles.
Le coût de cette mission de la présence postale doit être établi clairement. La Poste avance un chiffre ; une expertise indépendante doit être menée au préalable, et nous sommes prêts à accepter les amendements qui iront dans ce sens. Nous mettrons au point un mode de financement qui assure le maintien de ces 17 000 points de contact, qui sont essentiels à notre politique d’aménagement du territoire, notamment rural.
Je souhaite, pour ma part, pouvoir utiliser La Poste pour d’autres services publics. On pourrait, par exemple, installer dans les points de contact des bornes de visioconférence pour la Mutualité sociale agricole, la sécurité sociale ou tout autre service social. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Il faut à la fois moderniser La Poste et apporter un plus dans les points poste. Il ne s’agit pas de se contenter de ce qui existe déjà : il faut aller plus loin et conduire une politique qui assure la présence des services publics sur l’ensemble des territoires, notamment ruraux. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors des Assises des territoires ruraux.
La Poste, service public, service au public, présent de façon exceptionnelle sur l’ensemble des territoires : tel est l’objectif du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent une nouvelle fois les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum ».)
M. Alain Fouché. Ce n’est pas utile !
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais répondre à chacun des dix-sept orateurs.
Je connais certains d’entre vous depuis longtemps déjà.
M. Daniel Raoul. Hélas !
M. Christian Estrosi, ministre. Il ne sert à rien de brandir vos panneaux « référendum » : il est des moments où l’on doit pouvoir se parler en se regardant droit dans les yeux ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Yannick Bodin. Pas de cinéma !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, vous en connaissez un rayon !
M. Christian Estrosi, ministre. Je sais aussi, et je ne le conteste pas, que l’opposition est dans son rôle.
M. Yannick Bodin. Au fait !
M. Christian Estrosi, ministre. Depuis plusieurs années, mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d’entre vous, siégeant sur l’ensemble des travées, m’ont régulièrement rendu visite dans mon bureau, notamment lorsque j’étais ministre chargé de l’aménagement du territoire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
M. Christian Estrosi, ministre. Certains s’adressaient à moi en disant : « monsieur le ministre » ; d’autres, même parmi ceux qui siègent sur les travées gauches de l’hémicycle, m’appelaient plus familièrement par mon prénom.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est quoi son prénom ?
M. Christian Estrosi, ministre. D’aucuns déploraient d’être en zone blanche de téléphonie mobile, d’autres de ne pas avoir l’ADSL, d’autres encore de ne pas être inclus dans les pôles d’excellence rurale que nous venions d’inventer et qui auraient eu des effets positifs sur la santé, sur la culture, sur l’agriculture, sur le sport, sur le tourisme, sur les loisirs, sur la filière bois, sur l’élevage…
M. Roland Courteau. Cela n’a rien à voir avec La Poste !
M. Christian Estrosi, ministre. Au moment du grand débat sur les pôles de compétitivité, quand il s’est agi pour le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 12 juillet 2005 d’arbitrer s’il en fallait soixante ou seulement douze, combien sont venus plaider la cause des PME qui, sur leur territoire – leur canton, leur circonscription leur département… –, en se regroupant, en créant des partenariats avec l’université, pouvaient permettre de développer plus rapidement une nouvelle économie ?
Nous avons discuté avec l’Association des maires de France de la charte des services publics en milieu rural, afin de trouver des solutions.
Je sais très bien la tournure que prendra le débat : il y aura un soutien, il y aura une opposition ; c’est ainsi que va la vie démocratique. Dans l’immédiat, il est important de rappeler – mais vous le savez bien ! – que, y compris Michel Mercier et moi-même, nous sommes tous des élus locaux et que, depuis des années, quel que soit le territoire sur lequel nous exerçons nos responsabilités, nous sommes tous confrontés aux mêmes réalités. Certains d’entre vous m’ont invité à leur rendre visite dans leur circonscription ou leur département, parfois même pour inaugurer des bureaux de poste.
Un sénateur socialiste. C’était il y a longtemps !