Sommaire
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine, M. Philippe Nachbar.
pratiques racistes et dégradantes dans la gendarmerie
Question de Mme Bariza Khiari. – M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Mme Bariza Khiari.
financement de la gratification des stages des étudiants en travail social
Question de M. François Patriat. – MM. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; François Patriat.
statut des personnels des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)
Question de Mme Maryvonne Blondin. – M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Mme Maryvonne Blondin.
Question de M. Alain Fouché. – MM. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; Alain Fouché.
inscription du thon rouge à l'annexe 1 de la cites
Question de M. René Vestri. – MM. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; René Vestri.
redéploiement de la police et de la gendarmerie à la réunion
Question de Mme Anne-Marie Payet. – Mmes Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer ; Nathalie Goulet, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet.
décentralisation et finances locales
Question de M. Marcel Rainaud. – Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer ; M. Marcel Rainaud.
transports sanitaires d'urgence dans le centre et le haut var
Question de M. Pierre-Yves Collombat. – Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer ; M. Pierre-Yves Collombat.
responsabilité de l'auto-entrepreneur
Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Mme Anne-Marie Escoffier.
réduction des horaires d'ouverture des bureaux de poste
Question de M. Claude Bérit-Débat. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Claude Bérit-Débat.
avenir de l'industrie des télécoms en france et plus précisément d'alcatel-lucent
Question de M. Bernard Vera. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Bernard Vera.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles
Question de M. Serge Lagauche. – M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
transfert d'agents de l'assurance maladie vers les agences régionales de santé
Question de M. Jacky Le Menn. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Jacky Le Menn.
projet d'implantation d'une usine traitant du méthylparathion
Question de M. Philippe Madrelle. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Philippe Madrelle.
aménagement de la rn 12 entre hauterive et le mêle-sur-sarthe
Question de M. Jean-Pierre Chauveau. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Jean-Pierre Chauveau.
publication d'un décret sur le report des travaux de rénovation des ascenseurs
Question de M. Dominique Braye. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Dominique Braye.
Question de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
abus des contestations des certificats de nationalité française délivrés par les tribunaux
Question de Mme Claudine Lepage. – M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Mme Claudine Lepage.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Entreprise publique La Poste et activités postales. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Dépôt d’une motion référendaire
M. le président.
M. Jacques Blanc, Mmes Évelyne Didier, Bariza Khiari, M. Christophe-André Frassa, Mme Annie David, MM. Roland Courteau, Alain Fouché, Jean Desessard.
M. le président.
MM. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
M. Michel Teston, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie ; Christian Estrosi, ministre ; Mme Odette Terrade, M. Michel Teston. – Rejet par scrutin public.
Motion no 540 de M. Martial Bourquin. – MM. Martial Bourquin, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Jean-Pierre Bel, Hervé Maurey, Mme Mireille Schurch. – Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 541 de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre. – Rejet par scrutin public.
MM. Guy Fischer, Patrice Gélard, Michel Teston, le président.
Amendements nos 3 et 4 de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Annie David, MM. Jean-Claude Danglot, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Michel Teston, Patrice Gélard. – Rejet des deux amendements.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement n° 5 rectifié de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Michel Teston, Patrice Gélard, Didier Guillaume. – Rejet par scrutin public.
Amendements nos 6, 7 de M. Jean-Claude Danglot, 362, 357, 358 et 363 de M. Michel Teston. – MM. Bernard Vera, Gérard Le Cam, Yannick Botrel, François Patriat, Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Bernard Vera, Michel Teston, Didier Guillaume, Patrice Gélard, Bernard Frimat. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 6.
Suspension et reprise de la séance
MM. Guy Fischer, le président.
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
M. le président. – Rejet des amendements nos 7, 362, 357, 358 et 363.
Amendements nos 8, 11 de M. Jean-Claude Danglot, 367, 429 et 452 rectifié de M. Michel Teston. – M. Jean-Claude Danglot, Mme Odette Terrade, MM. Jean-Jacques Mirassou, Jacques Berthou, Mme Odette Herviaux, MM. le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Didier Guillaume, Martial Bourquin, Mme Odette Terrade, MM. David Assouline, Michel Teston, Jean Desessard, Guy Fischer, Gérard Longuet, Philippe Richert, Jean-Pierre Bel, François Patriat, Mme Marie-France Beaufils, M. Bernard Frimat – Rejet, par scrutins publics, des amendements nos 8, 11, 367, 429 et 452 rectifié.
Amendement n° 9 de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Mme Isabelle Pasquet. – Rejet par scrutin public.
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion.
4. Dépôt d'une question orale avec débat
compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
pratiques racistes et dégradantes dans la gendarmerie
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question n° 664, adressée à M. le ministre de la défense.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, six gendarmes d’origine maghrébine ou africaine ont décidé de saisir la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, pour insultes à caractère raciste et pratiques discriminatoires de la part de leur supérieur.
À l’occasion d’une cérémonie officielle, un capitaine aurait trempé dans la bière les galons de sous-officier qu’il devait remettre à deux gendarmes de confession musulmane, puis leur aurait demandé d’ouvrir la bouche pour y accueillir les galons imbibés d’alcool.
Alors qu’il s’agissait d’une cérémonie importante pour ces gendarmes et pour leur famille, puisqu’elle marquait leur réussite, ce simulacre dégradant semble poser l’alcool comme condition de la méritocratie républicaine. On voudrait ainsi imposer le reniement et l’intégration par la bière ou par le cochon à ceux qui sont appelés à nous défendre jusqu’au péril de leur vie.
Monsieur le secrétaire d'État, nous abordons un débat sur l’identité nationale dans un contexte où même le temps n’a pas changé grand-chose. Arrière-petits-fils de tirailleurs sénégalais, petits-fils d’ouvriers algériens venus dans les années cinquante travailler pour la régie Renault, ils gardent le même nom que leurs aïeux. Ils restent l’« autre », l’étranger, celui que l’on appelle tantôt « arabe », « beur », « racaille », « sauvageon », tantôt « issu de l’immigration », « issu de la diversité »... Certes, tous ces termes n’auront plus cours avec les années, sauf qu’ils resteront musulmans, comme les quelque 6 millions d’autres, frères en religion.
La consommation d’alcool, comme celle du porc, étant contraire à leur pratique religieuse, je réclame pour ces gendarmes le respect de leur foi, tant que leur foi ne prétendra pas dire la loi. Ces pratiques discriminatoires et dégradantes, qui font honte aux armées, sont contraires aux valeurs républicaines, notamment à la laïcité, matrice qui surplombe nos identités multiples.
L’armée doit être à l’image de notre société dans toutes ses composantes. Elle doit être intégratrice et inclusive. La force, la crédibilité et l’image de notre armée exigent un comportement exemplaire, notamment de la part de ses cadres.
Je suis persuadée que la très grande majorité de notre armée est exemplaire de ce point de vue, mais la gravité de cet événement ne pouvait être laissé sous silence, d’autant qu’il semble que ces faits ne soient pas isolés, comme le rappellent les révélations du 17e régiment de génie parachutiste de Montauban.
L’islamophobie, comme la tenue de propos racistes ou toute conduite dégradante, ne peut avoir cours dans notre République, et certainement pas dans la gendarmerie nationale.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite connaître la nature des sanctions prévues dans ce cas de figure et les mesures pédagogiques envisagées pour lutter contre le racisme et les pratiques discriminatoires dans l’armée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Madame la sénatrice, il convient tout d’abord de réaffirmer que toute situation de discrimination constatée au sein de nos forces armées fait systématiquement l’objet d’un traitement disciplinaire sévère, dès que la hiérarchie en est informée.
Dans la réalité, nos armées sont un remarquable creuset d’intégration multiculturelle et pluriethnique. Toutes les confessions religieuses sont représentées sous les armes et les pratiques cultuelles et culturelles sont systématiquement respectées. Une simple visite dans les régiments, sur une base aérienne, sur un bâtiment de la marine nationale ou dans une brigade de la gendarmerie nationale permet de constater la diversité des recrutements, qui est le reflet de notre société d’aujourd’hui.
L’avenir aussi se décline selon cette diversité. Nos armées recrutent chaque année plus de 20 000 jeunes pour honorer l’ensemble des fonctions dont elles ont besoin. Ces jeunes sont bien évidemment issus de toutes les couches sociales et de tous les milieux qui composent notre société. Certains de ces jeunes viennent d’ailleurs dans nos armées, car ils savent qu’ils y trouveront un milieu professionnel où chacun a sa chance, car l’on s’y élève avant tout par l’effort et non du fait exclusif de son origine.
Peu d’agissements discriminatoires sont relevés au sein de ces communautés humaines, où les notions de frère d’armes, d’équipage, de cohésion transcendent les clivages.
Néanmoins, nos forces armées disposent d’un large éventail de mesures et de moyens de lutte contre les discriminations, qui ont montré leur efficacité face aux quelques malheureux cas survenus.
Les textes fondamentaux, comme la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, le décret n° 2005-796 du 15 juillet 2005 relatif à la discipline générale militaire ou l’instruction défense relative aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions, prennent en compte la notion de discrimination et prévoient des sanctions contre de tels agissements. Ils sont complétés par de nombreux documents propres à chaque armée, qui précisent ces notions. Je ne citerai que le code du soldat de l’armée de terre, qui prévoit, à l’article 9, que le soldat « est ouvert sur le monde et la société, et en respecte les différences » et, à l’article 10, qu’« il s’exprime avec réserve pour ne pas porter atteinte à la neutralité des armées en matière philosophique, politique et religieuse ».
Ainsi, à tous les échelons, le commandement militaire exerce une vigilance dans le domaine de la discrimination, car cela touche à l’individu et à la cohésion, qui font la force de ces communautés de femmes et d’hommes. Lorsque le commandement est saisi d’un agissement discriminatoire, il exerce pleinement ses responsabilités en instruisant, parallèlement à toute action de justice, ses propres enquêtes de commandement et porte systématiquement plainte. Tout militaire adoptant un comportement discriminatoire s’expose ainsi à des sanctions non seulement pénales mais aussi administratives : arrêt, retrait d’emploi, mise à pied...
En l’espèce, madame la sénatrice, les faits que vous décrivez ont été initialement dénoncés à la hiérarchie de la gendarmerie nationale au mois de février 2009. Une enquête administrative a permis, dès cette époque, de mettre en évidence la responsabilité du commandant d’unité et des mesures disciplinaires ont été prises à son encontre : il a été sanctionné et affecté dans un autre poste.
Le 1er octobre 2009, au regard de la gravité des faits dénoncés, le directeur général de la gendarmerie nationale a demandé au général inspecteur de la gendarmerie nationale de diligenter une enquête non seulement pour vérifier que l’instruction disciplinaire ayant conduit à la sanction du commandant d’unité avait bien pris en compte l’ensemble des faits, mais aussi pour évaluer la pertinence des décisions prises. À ce jour, l’enquête administrative visant à déceler d’éventuels autres faits ou auteurs se poursuit.
Sur le plan pédagogique, de nombreuses actions sont menées au quotidien pour former et prévenir la population militaire contre de tels agissements. Ainsi la gendarmerie s’est-elle rapprochée de la HALDE et a-t-elle signé une convention au mois de décembre 2007. Un guide élaboré par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a été adapté à la gendarmerie nationale. Il sert de référence pour la rédaction des procédures contre les discriminations.
De manière plus générale, dans chaque armée, une information particulière est menée auprès de toutes les catégories de personnel – militaires du rang, sous-officiers, officiers – et à tous les stades de la formation, dans les écoles ou au sein des unités.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
J’ai bien noté que l’armée était ouverte à la diversité et que les cas de discrimination étaient assez rares. Je m’en réjouis. Je me félicite également que des sanctions aient été prises et que des procédures de prévention soient mises en place dans les armées. Je tenais néanmoins à vous interroger sur le cas de ces six gendarmes.
Quoi de plus fort pour des gens venus d’ailleurs que de servir leur pays d’accueil en s’engageant dans ses forces armées ? C’est l’endroit où le sentiment d’appartenance devrait être fusionnel. Or nous découvrons que, là aussi, les discriminations existent. Que dirons-nous aux jeunes des quartiers qui vivent ces situations au quotidien ?
Monsieur le secrétaire d'État, le sentiment d’appartenance à la nation ne se décrète pas. C’est une construction au quotidien, un « plébiscite de tous les jours », pour reprendre l’expression de Renan. De ce point de vue, l’armée doit donner l’exemple.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
financement de la gratification des stages des étudiants en travail social
M. le président. La parole est à M. François Patriat, auteur de la question n° 661, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. François Patriat. Monsieur le secrétaire d’État, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et de la ville sur le financement de la gratification des stages dans les cursus de formation des travailleurs sociaux.
Cette question a déjà été posée la semaine dernière par Mme Demontès, qui n’a pas obtenu une réponse favorable. Je la pose une nouvelle fois, car elle concerne à l’évidence l’ensemble des régions et des départements.
L’application du décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009, qui oblige, conformément aux engagements du Président de la République, les administrations et les établissements publics de l’État à verser une gratification pour tous les stages de plus de deux mois se heurte à l’absence de crédits correspondants les conduisant à renoncer à l’accueil des stagiaires.
Ainsi, à titre d’exemple, la situation des étudiants stagiaires de l’Institut régional supérieur du travail éducatif et social de Bourgogne, l’IRTESS, se dégrade. Déjà près de vingt jeunes travailleurs sociaux en formation n’ont pas pu effectuer le stage indispensable à la préparation de leur diplôme d’État.
Il est inconcevable que l’État s’exonère de ses obligations et de ses engagements, alors que le Parlement vient de voter les dispositions de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie concernant précisément la gratification des stages.
En conséquence, je vous demande quelles mesures urgentes le Gouvernement compte prendre afin de remplir ses obligations qui, si elles ne sont pas assumées, portent atteinte aux missions de service public des centres de formation concernés et à la confiance de leurs jeunes étudiants dans les engagements des pouvoirs publics.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu avec beaucoup de gravité à la question précédente de Mme Bariza Khiari sur un sujet d’une haute importance.
J’espère que la présente question, qui concerne nombre de travailleurs sociaux dans nos régions, alors que la situation économique est de plus en plus difficile, recevra une réponse positive.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, qui m’a chargé de vous répondre.
Toutes les réponses sont faites avec sérieux et gravité. Reconnaissons, sur l’ensemble de ces travées, que la discrimination est un sujet grave et important.
Le magnifique pays dans lequel nous vivons, la France, pays des droits de l’homme et des libertés, tire sa richesse de sa diversité. Les exemples en sont nombreux. Si vous le permettez, madame la sénatrice, nous en sommes vous et moi issus.
Mme Nathalie Goulet. Moi aussi !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous pouvons grâce à elle accéder aux responsabilités qui sont les nôtres. Il faut lutter avec force contre toute discrimination, comme vous le faites, comme le Gouvernement le fait, en restant vigilant sur l’ensemble de ces problèmes.
Monsieur Patriat, s’agissant de votre question, je vous ferai la même réponse que celle que ma collègue Nora Berra a apportée la semaine dernière à Mme Demontès, sur le même sujet, dans cet hémicycle.
La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a prévu la gratification obligatoire des stages étudiants en entreprise d’une durée supérieure à trois mois et le décret du 31 janvier 2008 a fixé le montant de cette gratification.
Le Gouvernement a ainsi veillé à faciliter les stages des formations sociales dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux et dans les structures d’accueil collectif de la petite enfance afin de favoriser le bon déroulement de ces cursus de formation, qui est essentiel à la satisfaction des besoins d’accompagnement des personnes fragiles.
Le coût relatif à la gratification obligatoire constitue une dépense qui s’impose aux structures d’accueil et qui a vocation à être couverte par les tarifs.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris les dispositions nécessaires pour neutraliser, s’agissant des financements relevant de l’État, de l’assurance maladie ou de la branche famille, le coût de la gratification obligatoire à la charge des structures accueillant des étudiants en stage.
Il a également sensibilisé les conseils généraux à l’importance d’adopter une position similaire dans le cadre des financements qu’ils accordent aux structures qu’ils tarifent, pour que l’accueil de stagiaires ne se heurte pas à un obstacle financier, fût-il minime.
Il est de la responsabilité des départements, chefs de file de l’action sociale et médico-sociale et associés à l’élaboration des schémas régionaux des formations sociales, de faire en sorte que les formations conduisant à ces métiers puissent s’effectuer dans de bonnes conditions, en veillant à ce que les étudiants puissent réaliser les stages obligatoires de ces formations.
Telle est la réponse que je me devais de vous faire, monsieur Patriat, avec autant de gravité que l’exigeait la réponse précédente.
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le secrétaire d'État, la gravité n’est pas en cause sur ce sujet. Je constate simplement que vous me faites la même réponse que celle que vous avez donnée la semaine dernière à Mme Demontès, qui vous posait la même question.
Ce sujet est exemplaire, car il marque une volonté de mettre en difficulté les collectivités locales pour mieux les clouer ensuite au pilori en leur reprochant de ne pas assumer les transferts de compétences, car ils n’en ont pas les moyens.
Monsieur le secrétaire d'État, vous dites que le département doit financer la gratification de ces stages. Je ne suis pas président de conseil général, …
M. François Patriat. … je m’occupe de la formation à l’échelon de la région. Mais je vois que les départements ne peuvent pas financer ces formations à l’heure actuelle. Le président du conseil général de la Côte d’Or, par ailleurs président d’un groupe de la majorité à l’Assemblée nationale, m’a indiqué hier ne pas être en mesure de faire face à cette responsabilité financière.
Je salue l’arrivée dans cette enceinte de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Son domaine est également concerné par le fait que nous avons, dans notre pays, une capacité normative à élaborer des décrets ou des injonctions, mais nul ne sait qui va payer !
En l’occurrence, les stagiaires de l’IRTESS doivent être rémunérés. Les départements ne peuvent pas en assumer la charge, car l'État ne leur a pas transféré les ressources nécessaires. Le problème se posera donc pour tous ces stagiaires et, croyez-moi, ce sera demain une grande lacune pour les travailleurs sociaux.
statut des personnels des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 652, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le secrétaire d’État, dans un récent rapport sur les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, deux de nos collègues, Mme Annie Jarraud-Vergnolle et M. Paul Blanc, ont insisté sur la nécessaire évolution de ces structures, notamment en termes de personnels.
Elles sont dans une situation extrêmement complexe, liée à la fois à l’entité juridique – ce sont des groupements d’intérêt public, ou GIP – à la multiplicité des statuts des personnels et à la disparité des situations.
On retrouve, au sein de ces établissements, des fonctionnaires d’État mis à disposition, issus notamment des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, de l’éducation nationale, de la direction du travail, mais aussi des fonctionnaires hospitaliers, territoriaux, des agents contractuels de droit public, ainsi que des salariés de droit privé. Dans certaines MDPH, on ne compte pas moins de huit statuts qui cohabitent ! Quel beau millefeuille !
Vous comprendrez donc que cette multiplicité de personnels, donc de statuts, entraîne des difficultés et des inégalités en termes de gestion des ressources humaines, mais aussi de réponses apportées aux personnes en situation de handicap ou à leurs familles et, par voie de conséquence, des inégalités de traitement sur le territoire.
Cette situation ne cesse de s’aggraver au fil des années, avec le retour dans leur corps d’origine d’agents de l’État et le non-remplacement de leurs postes, le recrutement de personnes inexpérimentées, les manques criants de financement dus à la non-compensation par l’État et de places d’orientation pour les personnes en situation de handicap, l’accumulation des retards dans le traitement des dossiers, la pression des associations et des familles. Autrement dit, le cercle infernal est lancé avec son lot de souffrances, démissions des salariés, licenciements des directeurs, notamment dans les départements de l’Essonne et de l’Isère.
Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, clarification et stabilité s’imposent, en ce qui concerne tant les personnels que les financements. Ce sont des garanties nécessaires pour assurer un meilleur service aux usagers.
Lors de leur création, les MDPH devaient voir leur statut évoluer à moyen terme. Elles devaient laisser leur place aux maisons de l’autonomie, avec une prise en charge globale du handicap, dans le cadre de la convergence entre personnes âgées et personnes handicapées et de la création du cinquième risque.
Après quatre années de fonctionnement, où en sommes- nous de cette réflexion ? Pas bien loin, je le crains !
Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’en ces temps de simplification administrative vous ne pouvez qu’être sensible à ce problème important et que vous allez certainement nous apporter les éclaircissements nécessaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Madame Blondin, je vous prie d’excuser ma collègue Nadine Morano, qui m’a chargé de répondre à votre question.
C’est un sujet que je connais bien sur le terrain, pour avoir eu moi-même des responsabilités dans le domaine de la dépendance lorsque j’ai assumé la présidence d’un conseil général. C’est un secteur relevant des compétences du département.
Les maisons départementales des personnes handicapées sont, aux termes de la loi du 11 février 2005, des groupements d’intérêt public, dont les moyens de fonctionnement sont mis à disposition par les membres qui le constituent.
L’État s’est engagé, dès 2005, à mettre à disposition l’ensemble des moyens, humains et matériels, jusque-là affectés aux services de l’État qui remplissaient leurs missions : avec 1 300 équivalents temps plein de fonctionnaires mis à disposition ou compensés financièrement, il en est souvent le principal financeur.
Le rapport des sénateurs Annie Jarraud-Vergnolle et Paul Blanc met en lumière deux difficultés qui affectent le bon fonctionnement des MDPH : les mouvements des personnels mis à disposition et la diversité de leurs statuts.
S’agissant de la première difficulté, ma collègue a tenu l’engagement pris par Valérie Létard d’assurer financièrement la continuité du personnel au sein des MDPH. Elle a ainsi obtenu qu’un premier versement de 10 millions d’euros soit réparti entre les MDPH pour répondre à l’ensemble des besoins constatés. Un second versement de 6,5 millions d’euros est en cours de délégation dans les directions départementales.
Le Gouvernement tient à ce que cet engagement soit tenu également l’année prochaine. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2010 comporte les crédits nécessaires pour compenser les postes vacants, quelle qu’en soit la raison.
Cet effort du budget de l’État s’ajoute à l’augmentation de 15 millions d’euros de la participation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, au financement des MDPH pour 2009, afin de tenir compte des missions nouvelles sur l’allocation aux adultes handicapés et sur la prestation de compensation pour les enfants.
Les MDPH disposent et disposeront donc de moyens pour fonctionner dans de bonnes conditions, sachant que cet effort vient en complément, je le rappelle, de celui des conseils généraux qui intervient pour près de la moitié du financement global des maisons départementales.
Les maisons départementales pour handicapés disposent et disposeront donc de moyens pour fonctionner dans de bonnes conditions. Cet effort vient en complément, je le rappelle, de celui des conseils généraux qui intervient pour près de la moitié du financement global de ces maisons départementales.
Madame la sénatrice, pour aller au-delà, résoudre cette question de manière plus pérenne et répondre à la deuxième difficulté, le Gouvernement souhaite explorer les solutions possibles pour le personnel tout en maintenant le statut de GIP de la maison départementale pour handicapés. C’est ce qu’appellent de leurs vœux les conseils généraux, les associations représentant les personnes handicapées et le rapport de vos collègues.
La question de l’évolution du statut du GIP est liée à celle du personnel. Nous ne changerons le GIP que si c’est la condition sine qua non du traitement de la question des personnels de l’État. Une étude juridique en cours doit y apporter des réponses.
Si le statut des maisons départementales pour handicapés devait évoluer, le Gouvernement veillerait à respecter trois principes fondamentaux : d’abord, donner à l’État les moyens d’assurer son rôle de garant de l’équité territoriale ; ensuite, confirmer le département dans son rôle de responsable de la maison départementale pour handicapés et lui donner toute la souplesse de gestion nécessaire ; enfin, préserver l’innovation que constitue la participation des associations de personnes handicapées à la gouvernance des maisons départementales pour handicapés.
Qu’il y ait modification ou non du statut du GIP, nous nous attacherons aussi à mettre en œuvre les propositions du rapport de vos collègues visant à simplifier et à assouplir le fonctionnement des maisons départementales qui apportent une réponse de proximité à nos concitoyens handicapés.
Ainsi, madame la sénatrice, soyez-en assurée, conscient des difficultés que rencontrent les maisons départementales pour handicapés, des limites soulignées par les représentants des usagers et les parlementaires, mais aussi de l’important travail accompli par les maisons départementales, le Gouvernement s’attache à trouver des solutions de court et de moyen terme adaptées.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui va rassurer les maisons départementales et les usagers.
En mars dernier, je vous avais posé une question sur la non-compensation de l’État à laquelle vous aviez répondu que l’État fournirait un premier versement de 10 millions d’euros. Aujourd’hui, vous annoncez un versement de 6,5 millions d’euros en cours.
Ce premier versement de 10 millions d’euros pour les maisons départementales a été accordé au titre de l’année 2009. Or les conseils généraux du Finistère, de Seine-et-Marne et de Paris ont engagé des recours en contentieux contre l’État, car l’exercice 2008 n’a pas été pris en compte. L’État n’a effectué qu’un premier versement pour 2009.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Attendons le résultat des recours en contentieux !
Mme Maryvonne Blondin. Que va-t-il advenir de l’exercice 2008 ?
Pour ce qui concerne les personnels de l’État, vous avez été à la tête d’un département et savez que les conseils généraux assurent la bonne gestion de ces maisons départementales, alors que les transferts financiers correspondants ne sont pas intervenus. C’est bien dommage pour notre population !
nouvelles réglementations de mise en place des centrales photovoltaïques dans les exploitations agricoles de la vienne
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 648, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Alain Fouché. Ma question porte sur les nouvelles réglementations de mise en place de centrales photovoltaïques dans les exploitations agricoles du département de la Vienne où je suis élu.
La dynamique du plan de relance de l’économie a incité la chambre d’agriculture de ce département à engager des actions de promotion pour le développement de centrales photovoltaïques sur les bâtiments agricoles.
Il s’agit ici d’un double enjeu pour les exploitants agricoles du département : moderniser les exploitations agricoles tout en devenant producteurs d’électricité, la fonction agricole devant rester principale.
Une centaine de projets sont en cours à l’heure actuelle dans la Vienne, représentant 70 000 mètres carrés de panneaux pour 50 millions d’euros d’investissement, et une production d’électricité estimée à dix gigawatts par an.
Cependant, les exploitants agricoles de notre région constatent de nombreux freins à ces mises en place. Les banques sont frileuses à l’idée de financer ces projets – comme très souvent et pour de nombreux dossiers, malheureusement – et demandent des garanties considérables. De plus, le versement des subventions régionales est devenu incertain.
Par ailleurs, les évolutions de la réglementation au 1er janvier 2010 font craindre une baisse du prix de rachat de l’électricité par la mise en place de contraintes supplémentaires ; les bâtiments devront être fermés sur les quatre faces, ce qui exclura la plupart des bâtiments de notre région.
Par conséquent, monsieur le ministre, quelles évolutions de cette nouvelle réglementation prendront effet au 1er janvier 2010, notamment sur les conditions de rachat de l’électricité produite par les exploitants agricoles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, nous en convenons, le développement de l’énergie photovoltaïque est l’un des moyens d’atteindre les objectifs en matière d’énergie renouvelable à l’horizon 2020.
Le monde agricole doit prendre toute sa place dans le développement de l’énergie photovoltaïque.
Sur le terrain, la forte attractivité du tarif de rachat de l’électricité, produite à partir de panneaux photovoltaïques, a provoqué un certain engouement de la part des opérateurs spécialisés.
Les entreprises installatrices de panneaux solaires vont à la rencontre des agriculteurs et leur proposent des installations sur leurs bâtiments agricoles ou sur leurs parcelles et parfois même la construction de bâtiments avec des panneaux photovoltaïques sans que cela corresponde à une quelconque nécessité agricole.
Il est très important de concilier le développement de la production d’énergie photovoltaïque avec la préservation des terres agricoles et des intérêts des agriculteurs. Nous travaillons actuellement sur ce sujet, avec mon collègue en charge de l’énergie.
Ce n’est pas le cas dans la Vienne, mais cela l’est davantage dans le sud-est de la France, notamment dans les régions viticoles où l’on procède à un arrachage des plans de vigne, le développement de centrales voltaïques au sol peut créer des conflits d’usage des terres, et le développement de panneaux sur les toitures encourage parfois la construction de bâtiments qui ne répondent pas à un usage agricole spécifique.
L’objet de la révision de l’arrêté tarifaire sur lequel vous m’interrogez est d’encadrer ces implantations. Il s’agit non pas de limiter le développement de l’énergie photovoltaïque, je vous rassure, mais d’encadrer l’implantation de bâtiments équipés de panneaux solaires sur les terres agricoles pour que le tarif mis en place permette la production d’électricité par le monde agricole, notamment dans votre région, mais sans provoquer de mitage de l’espace rural par l’émergence de bâtiments qui ne seraient pas dimensionnés en fonction d’un usage rural, et en évitant les effets d’aubaine susceptibles d’apparaître à cette occasion.
Je suis associé aux travaux menés par mon collègue en charge de l’énergie sur ce sujet. Nous serons très attentifs à vos remarques sur les modalités pratiques de mise en place de ce tarif.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous venez de m’apporter. Si j’ai bien compris, vous avez parlé d’encadrement et non de limites. Je sais que vous serez très attentif à ce dossier.
inscription du thon rouge à l'annexe 1 de la cites
M. le président. La parole est à M. René Vestri, auteur de la question n° 657, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. René Vestri. Monsieur le ministre, au moment où la Commission européenne s’oriente vers un soutien à l’inscription du thon rouge à l’annexe 1 de la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, ou Convention de Washington, visant à interdire le commerce international du thon rouge, les gouvernements de l’Union européenne, notamment la France, ont pourtant rejeté cette proposition dont les dispositions sont renforcées par les prescriptions du règlement communautaire du Conseil du 9 décembre 1996 et des règlements de la Commission européenne associés et dans lesquels est spécifiée une des dispositions relatives au contrôle des activités commerciales de l’article 8.
Évidemment, le rejet de cette proposition a suscité un certain nombre d’interrogations et de vives réactions tant en France que dans la plupart des pays européens, ce d’autant plus que lors de son discours au Havre le 16 juillet 2009, en conclusion du Grenelle de la mer, le Président Nicolas Sarkozy s’était prononcé pour le soutien de la France à l’inscription du thon rouge à l’annexe 1 de la CITES, c’est-à-dire pour l’interdiction dans le commerce international de cette espèce en péril.
À mon grand regret, je constate que nous avons encore une fois cédé au puissant lobby de l’industrie de la pêche. Or, d’après le rapport de la FAO de 2008, 52 % de stocks halieutiques sont déjà exploités pleinement, 19 % sont surexploités, 8 % sont épuisés et seulement 1 % est en voie de reconstitution.
Aussi, faute de poissons, toutes les pêcheries fermeront d’ici à quarante ans et laisseront sur la touche plusieurs millions de professionnels.
D’ailleurs, les scientifiques de la CICTA, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, ont estimé, à l’issue de la réunion de Madrid le 23 octobre dernier, que l’actuelle capacité de reproduction du thon rouge se situe à moins de 15 % de ce qu’elle était avant le début de la pêche, ce qui correspond aux critères de la convention des Nations unies sur le commerce des espèces menacées d’extinction.
Ces experts ont considéré que l’interdiction de commercialisation du thon rouge jusqu’en 2019 était le seul moyen d’assurer le renouvellement d’un stock suffisant pour que l’espèce ne soit plus considérée comme en voie d’extinction.
Monsieur le ministre, la décision de la France de ne pas soutenir la proposition de la Commission européenne d’interdire la pêche au thon rouge est-elle un abandon, par le ministère, du plan d’action en quinze points en référence aux travaux du Grenelle de la mer, notamment des actions prévues pour la sauvegarde de la ressource halieutique et plus particulièrement du thon rouge en Méditerranée ?
Quelle sera la position du Gouvernement lors de la prochaine réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique prévue dans quelques jours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, sur ce sujet important et sensible, il ne doit y avoir aucune ambiguïté.
Je suis, comme ministre de la pêche, particulièrement attentif à la question de la gestion durable des ressources halieutiques, car il y va de l’intérêt des pêcheurs. Je veille également, bien entendu, à ce que les positions que nous prenions ne soulèvent pas de difficultés économiques majeures pour les pêcheries françaises.
À cet égard, je souhaite apporter trois précisions.
Premièrement, la France ne s’est jamais opposée à la proposition de la Commission européenne d’inscrire le thon rouge à l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, la CITES, c'est-à-dire à celle qui répertorie les espèces pour lesquelles toute pêche est interdite. La raison en est simple : la Commission a retiré sa proposition en constatant qu’elle ne recueillerait pas une majorité d’États membres pour la soutenir. Lors du conseil des ministres européens de l’agriculture et de la pêche qui s’est tenu les 19 et 20 octobre derniers à Luxembourg, nous n’avons donc pas eu à prendre formellement position.
Deuxièmement, la France a toujours soutenu l’inscription du thon rouge à l’annexe II de la CITES, en vue de soumettre son commerce international au respect des avis scientifiques.
Telle est d’ailleurs la position que défend le Président de la République depuis plusieurs mois. Dans son important discours du Havre sur l’avenir des ressources halieutiques et de la mer, s’il a effectivement évoqué l’inscription du thon rouge à l’annexe de la CITES, il n’a pas mentionné l’annexe I. La précision est venue ensuite, après une réunion interministérielle : la demande d’inscription porte en effet sur l’annexe II.
Monsieur Vestri, cette proposition, respectueuse de l’avis des scientifiques, nous semble donc équilibrée et va dans le sens que vous-même souhaitez.
Troisièmement, un certain nombre de personnes ont récemment affirmé que les derniers avis scientifiques rendus sur le thon rouge justifiaient son inscription à l’annexe I. Or, les membres de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, la CICTA, ont indiqué que cette affirmation ne reflétait ni leur propre avis ni celui des scientifiques travaillant en son sein. Fidèles à notre ligne de conduite, nous entendons privilégier l’avis de ces derniers.
Le sujet sera abordé dans le cadre de la réunion annuelle de la CICTA, qui se tiendra à partir de vendredi à Recife, au Brésil. La Commission européenne y défendra une proposition qui a fait l’objet d’un consensus parmi l’ensemble des États membres lors du conseil de Luxembourg. Convenant parfaitement à la France, elle porte sur trois points.
Il s’agit, tout d’abord, d’acter la révision pour 2010 du niveau du total admissible de capture – le fameux TAC –, afin de respecter les avis formulés par les scientifiques. Nous le savons déjà, cela conduira sans doute à ramener le TAC à un niveau inférieur à 15 000 tonnes, contre 18 500 tonnes aujourd’hui.
Il s’agit, ensuite, d’étudier des mesures de fermeture de pêche pendant les périodes et dans les zones de reproduction du thon rouge.
Il s’agit, enfin, d’engager la réduction de la capacité de la flotte de pêche du thon rouge. La France souhaite fermement que tous les États parties respectent strictement cet engagement, car il est de notoriété publique que tous n’ont pas conduit les mêmes efforts que nous dans ce domaine. Entre la France et d’autres pays que je ne citerai pas, les écarts en ce qui concerne les volumes de pêche vont de 1 à 10, voire de 1 à 20. Nous ne voulons donc plus être les seuls à agir.
Monsieur le sénateur, cette proposition, qui, je le répète, fait consensus dans l'Union européenne et sera défendue par la Commission à la conférence de Recife, permet, me semble-t-il, de répondre à vos inquiétudes et à vos interrogations légitimes sur le sujet et d’assurer la préservation de la ressource halieutique tout en respectant les avis des scientifiques formulés dans le cadre de la CICTA.
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Nous voilà entrés dans l’espérance !
redéploiement de la police et de la gendarmerie à la réunion
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 610, transmise à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d'État, retenue dans son département pour des motifs personnels, Mme Payet m’a demandé d’aborder devant vous la question de la dernière phase du redéploiement de la police et de la gendarmerie opéré à la Réunion, en particulier dans le sud de l’île.
Chaque année, un réajustement d’effectifs s’effectue en fonction du nombre des départs à la retraite et des retours en métropole pour cause de fin de contrat. Entre le 1er mai 2008 et le 31 décembre 2009, ce sont 50 départs à la retraite et 20 retours en métropole qui sont prévus.
Environ 90 personnels supplémentaires étaient donc attendus dans le département, dont 50 au 1er septembre et 40 en novembre. Or, la commission administrative paritaire nationale, qui s’est réunie le 25 juin dernier, n’a prévu que la mutation de 65 gradés et gardiens de la paix, dont 40 seraient affectés à la commune de Saint-Pierre. Dans la mesure où ces effectifs ne sauraient combler les postes déficitaires, il paraît donc difficile d’effectuer le redéploiement prévu dans de bonnes conditions, notamment en ce qui concerne le nouveau commissariat subdivisionnaire de la Ravine des Cabris : comment pourrait-il d’ailleurs fonctionner 24 heures sur 24 avec si peu d’hommes ?
Par ailleurs, Mme Payet me demande de préciser que, si on constate une augmentation globale de plus de 40 % des effectifs depuis 2002, à la suite du redéploiement de la police nationale sur les communes du Port, de Saint-Denis et de Saint-André, il existe de fortes disparités entre les différents corps.
Ainsi les administratifs ont-ils enregistré la plus forte progression d’effectifs – 156 % entre 2002 et 2009 –, mais celle-ci était nécessaire compte tenu de l’augmentation de leur charge de travail consécutive aux différents redéploiements. Sur la même période, le corps des gardiens et gradés a augmenté de 30 %, soit 148 personnels en plus.
En revanche, le corps de commandement, intégrant les lieutenants, capitaines et commandants, a diminué de 68 %, perdant 28 officiers.
Au final, ce sont toutes les zones de police de la Réunion qui risquent d’être touchées par ce manque de personnel, alors que la population ne cesse de croître sur l’île.
C’est pourquoi Mme Payet vous demande, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir lui faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin d’enrayer cette situation et de permettre à ce redéploiement de s’effectuer dans de bonnes conditions.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Madame le sénateur, comme vous le soulignez, les effectifs de la police nationale ont connu une forte augmentation à la Réunion depuis 2002, de près de 40 %.
Cette hausse concerne tant les personnels administratifs que les gradés et gardiens de la paix, et a donc profité à l’ensemble des services de police. Elle résulte, notamment pour la sécurité publique, des besoins engendrés par le redéploiement, engagé depuis 2003, des zones de compétence entre la police et la gendarmerie.
Au titre du mouvement général de mutations des gradés et gardiens de la paix du mois de septembre, le département de la Réunion a bénéficié d’un renfort significatif. En effet, plus de 60 fonctionnaires y ont été mutés, soit un nombre nettement supérieur à ce qu’aurait impliqué une stricte compensation des départs à la retraite et des retours en métropole.
L’objectif est notamment de renforcer les effectifs de la circonscription de sécurité publique de Saint-Pierre, dont l’extension au titre du redéploiement supposait la création d’un commissariat subdivisionnaire. Cette nouvelle structure, opérationnelle depuis hier, bénéficiera donc de l’ensemble des moyens humains nécessaires à son fonctionnement.
Certes, les effectifs du corps de commandement sont en diminution, mais il en est ainsi sur l’ensemble du territoire national. (Mme Nathalie Goulet déplore cet état de fait.) Une telle mesure résulte de la mise en œuvre du protocole du 17 juin 2004 sur la réforme des corps et carrières de la police nationale, destiné à confier aux officiers de réelles fonctions d’encadrement. Pour autant, le nombre d’officiers en poste à la Réunion demeure nettement supérieur à ce qui était initialement prévu.
Madame le sénateur, je peux vous assurer qu’une grande attention est portée à la situation des effectifs de police dans ce département, qui fera l’objet d’un nouvel examen lors de la préparation des futurs mouvements de mutations au premier semestre de 2010.
L’organisation de la police nationale à la Réunion et la mobilisation de ses fonctionnaires permettent d’obtenir des résultats satisfaisants dans la lutte contre la délinquance. Sur les neuf premiers mois de cette année, la délinquance générale y a baissé de 0,11 % et celle de proximité, qui affecte le plus la population, a connu une diminution significative de 9,9 %.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces explications, dont Mme Payet prendra bonne note, même si je ne suis pas certaine que votre réponse sur la diminution des effectifs du corps de commandement la satisfasse complètement.
À titre personnel, je ne peux que déplorer l’impact négatif du rapprochement de la police et de la gendarmerie sur les effectifs, notamment dans les territoires fragilisés qui en ont le plus besoin. J’avais déjà eu l’occasion de le souligner au moment du vote forcé de ce texte.
décentralisation et finances locales
M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 656, transmise à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Marcel Rainaud. Madame la secrétaire d'État, comme nombre de mes collègues parlementaires et membres d’exécutifs locaux, je suis inquiet après avoir entendu les déclarations du Chef de l’État sur l’avenir de l’organisation territoriale.
Jusqu’à présent, la décentralisation a représenté un formidable mouvement.
Elle a donné plus de liberté aux territoires pour s’administrer eux-mêmes.
Elle a permis l’éclosion d’une démocratie locale vivante, louée unanimement, y compris par ceux qui, au début, en étaient les détracteurs.
Elle a rendu possible l’instauration d’un dialogue, riche et constructif, entre des élus de proximité porteurs de projets et une population attachée à la souveraineté que la décentralisation lui a apportée.
Aujourd’hui, le contexte dans lequel se déroule le débat sur l’organisation territoriale et la fiscalité marque une rupture avec l’esprit de la décentralisation.
Ici même, il a été affirmé que le maintien de l’autonomie financière des collectivités territoriales constituait l’un des principes dont le Gouvernement garantirait le respect. Nous devons être inflexibles sur la question.
Or force est de constater que cet engagement est d'ores et déjà bafoué. Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner les sommes dues par l’État aux collectivités.
Pour le département de l’Aude, sur l’année 2008, les charges non compensées par l’État sont de 10 millions d’euros au titre du RMI, de 4,8 millions d’euros au titre de la prestation de compensation du handicap, de 24 millions d’euros pour l’APA, de 2,4 millions d’euros pour les personnels TOS des collèges ; et je n’évoque même pas la situation des personnels routiers ! Cela représente, au total, plus de 41 millions d’euros de charges non compensées sur 2008.
C’est autant d’argent qui ne sera pas injecté dans l’économie audoise, par le biais d’investissements directs ou d’aides aux collectivités. Ce sont autant de coupes qui seront opérées dans les programmes d’équipements, pourtant ô combien nécessaires, dans l’aide apportée aux communes et aux associations, notamment pour la culture et le sport.
Quand la commande privée marque le pas, l’économie de proximité a besoin d’une commande publique dynamique. C’est la raison pour laquelle nombre de collectivités territoriales ont contractualisé avec l’État pour bénéficier du remboursement anticipé de la TVA.
Est-il besoin de rappeler, ici, que 75 % de l’investissement public est réalisé par les collectivités territoriales ? Notre économie est trop dépendante de l’investissement public, en particulier en termes d’emplois, pour que nous assistions sans rien faire à cette lente asphyxie financière des collectivités locales.
La discussion, au Sénat, sur la réforme de l’organisation territoriale ou de la fiscalité locale ne saurait s’engager sans que l’État accepte de reconnaître ses dettes à l’égard des collectivités.
Au regard de la situation extrêmement délicate du budget de l’État, nous pourrions accepter de faire le deuil des années passées, et ce depuis 2004. Mais nous attendons que le Gouvernement prenne l'engagement qu’à compter de ce jour le remboursement des dépenses réelles devienne la règle, une fois pour toutes. Il s’agit d’une mesure vitale, pour rendre nos budgets locaux réalisables et pour sauvegarder le dynamisme économique de nos territoires.
Madame la secrétaire d'État, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette situation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, l’État compense chaque transfert de compétence dans le respect de l’article 72–2 de la Constitution, c’est-à-dire selon le coût historique de la compétence transférée.
S’agissant du revenu minimum d’insertion, le RMI, l’État a bien transféré le montant des dépenses qu’il consacrait en 2003 au RMI au niveau de chaque département.
Les difficultés constatées sont dues à une dynamique de la dépense plus importante que celle des recettes transférées. Ce constat, l’État le partage.
Ainsi, pour accompagner les départements, il est intervenu au-delà de ses obligations constitutionnelles en compensant le coût exact des dépenses de l’année 2004, puis en acceptant, en 2006, la création du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion, le FMDI, qu’il a doté de 500 millions d’euros par an pendant trois ans et reconduit en 2009.
Ce fonds est de nouveau reconduit en 2010 pour 500 millions d’euros supplémentaires.
Votre département a profité directement de ce fonds puisqu’il assure une couverture de vos dépenses à hauteur de 90 % pour la période 2005-2008.
En ce qui concerne l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, l’État soutient financièrement les départements par l’intermédiaire de deux concours gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.
Au titre de l’APA, qui constitue une extension de compétence, il n’existe pas d’obligation constitutionnelle de compensation « à l’euro-l’euro » par l’État.
Lors des négociations avec les départements, le gouvernement de l’époque a retenu le principe d’un financement partagé entre la solidarité nationale et les départements, à hauteur, respectivement, de un tiers et de deux tiers, sans que ce cofinancement soit consacré dans la loi. Votre département bénéficie des effets de ce concours puisqu’il vous assure une couverture des dépenses d’APA de 41 % pour la période 2006-2008.
Au titre de la PCH, vous avez bénéficié, en 2006 et en 2007, d’un concours très nettement supérieur aux dépenses supportées, générant un excédent de 4,5 millions d’euros, à peine entamé en 2008 par une dépense nette à votre charge de 400 000 euros.
Enfin, s’agissant du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service de l’éducation nationale, le calcul a été arrêté de manière concertée et consensuelle avec les élus au sein de la commission consultative sur l’évaluation des charges.
La compensation de ce transfert intègre le coût réel des agents au moment de leur transfert, mais aussi les indemnités accessoires. L’État a même pris en compte des coûts qu’il ne supportait pas lui-même, comme les taux de cotisations sociales acquittées par les départements, le 1 % formation, les dépenses de fonctionnement, les dépenses d’aide sociale et les comptes épargne temps.
L’État n’a donc pas de dette à l’égard des départements. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Pour autant, il demeure attentif à l’évolution des dépenses des conseils généraux ; il suit, en particulier, la progression des dépenses sociales.
C’est pourquoi le Gouvernement a veillé à ce que les ressources de substitution de la taxe professionnelle, comme la cotisation complémentaire, bénéficient d’un dynamisme réel, en lien avec la réalité de la vie économique de notre pays et adaptées aux départements.
Les discussions actuellement menées par le Parlement répondront, j’en suis convaincue, à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.
M. Marcel Rainaud. Madame la secrétaire d’État, à vous entendre, tout va bien pour les départements !
Votre réponse n’est malheureusement pas à la hauteur des véritables enjeux. Les difficultés financières touchent aujourd’hui toutes les collectivités départementales : quelle que soit leur étiquette politique, les présidents de conseils généraux témoignent de la précarité de leurs finances. La reconduction pour 2010 du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion, comme de la dotation de développement urbain, ne saurait être une réponse suffisante.
Il est temps de sortir de l’hypocrisie de l’annonce d’une compensation à l’euro près. Il y va de l’avenir de nos collectivités, de celui de nos territoires et des populations qui veulent continuer à y vivre dignement !
Si vous ne révisez pas votre position sur cette question, vous porterez, avec le chef de l’État, une lourde responsabilité dans l’aggravation à venir de la situation économique et sociale de mon département, mais aussi de notre pays.
transports sanitaires d'urgence dans le centre et le haut var
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 647, adressée à ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la secrétaire d’État, je voudrais d’abord vous remercier de vous être déplacée jusqu’à nous en lieu et place du ministre en charge de la sécurité civile. J’ignorais que le Var était devenu un département d’outre-mer – il est vrai que l’on ne peut pas tout savoir ! (Sourires.)
Depuis quelques années, les maires ruraux du Var attirent en vain l’attention des pouvoirs publics sur les dysfonctionnements de la permanence des soins et des transports sanitaires d’urgence dans la partie rurale du département, les tentatives préfectorales pour y remédier n’ayant prudemment connu aucune suite, compte tenu des intérêts antagonistes en cause.
Toutefois, depuis le mois de mai 2009, la présence d’un hélicoptère de la sécurité civile, d’abord de type Écureuil, puis EC 145, médicalisé en centre Var, au Cannet des Maures, a représenté, avec une moyenne de deux interventions par jour, une amélioration très sensible et appréciée de la situation.
Pour l’heure, il s’agit cependant seulement d’une expérimentation, prévue pour se terminer à la fin du mois d’octobre 2009.
Les maires ruraux du Var, réunis en assemblée générale le 3 octobre 2009 à Rians, ont demandé, par une motion unanime, au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales la pérennisation de la présence de cet hélicoptère EC 145 au Cannet des Maures et, à terme, l’installation d’une véritable base de sécurité civile en centre Var.
Cette motion, adressée au ministre de l’intérieur, à la ministre de la santé pour information et, bien sûr, au préfet du Var, n’a à ce jour reçu aucune réponse, pas même un accusé de réception.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cette question orale.
À l’appui de la demande des maires ruraux du Var, je voudrais vous faire observer les éléments suivants, madame la secrétaire d’État.
La population du Var, qui avoisine ordinairement un million d’habitants, double en période estivale, voire décuple dans certaines zones du haut Var – c’est le cas des environs du lac du Verdon et du lac de Sainte-Croix.
Le résultat très positif de l’expérimentation menée depuis mai 2009 place le Var au nombre des dix premiers départements de France quant au nombre de missions effectuées par hélicoptère médicalisé.
Les départements des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes bénéficient, eux, en permanence, chacun de deux hélicoptères médicalisés de la sécurité civile, alors que le Var n’en dispose d’aucun de manière permanente.
Par ailleurs, ce type d’intervention, qui met les victimes à moins de trente minutes d’un plateau technique médical de haut niveau, constitue la meilleure réponse aux accidents, en général, et aux accidents de santé graves, en particulier, notamment dans les zones rurales et le secteur urbain.
L’hélicoptère de type EC 145, susceptible d’emporter, outre le pilote et le patient, un médecin et un infirmier permet la mise en place d’un véritable service mobile d’urgence et de réanimation, SMUR, aérien, réglementaire.
Du fait du caractère très rural du centre et du haut Var et de son relief chahuté, de nombreuses communes s’y trouvent éloignées d’un centre hospitalier.
Enfin, dans l’espoir de vous convaincre définitivement, je vous rappelle, madame la secrétaire d'État, que le principe d’égal accès au service public a valeur constitutionnelle.
Beaucoup de Varois attendent votre réponse.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales m’a chargée de vous apporter la réponse suivante.
L’analyse des risques et des besoins relevés dans le Var a conduit le Gouvernement à décider, à titre expérimental, l’implantation, depuis le 4 mai 2009, sur la base militaire du Luc, d’un hélicoptère de la sécurité civile de type Écureuil, habituellement basé à Cannes.
Depuis sa mise en service, cet hélicoptère a été régulièrement employé pendant la période estivale pour des missions de secours aux personnes. C’est ainsi qu’en quatre mois il a secouru 209 personnes.
Parallèlement, les secours médicaux ont été assurés par un hélicoptère de type EC 135, loué par le SAMU – service d’aide médicale urgente – du Var pour la période de mai à fin octobre.
Compte tenu de la proximité géographique des deux appareils, le SDIS – service départemental d’incendie et de secours – et le SAMU ont coordonné l’activité de leurs hélicoptères selon une répartition géographique, la sécurité civile intervenant sur le sud du département et le SAMU sur le nord. Depuis la fin du mois de juin, l’Écureuil fonctionne avec les personnels médicaux du SDIS.
L’implantation d’un hélicoptère de la sécurité civile sur la base du Luc entraîne d’importantes charges techniques et opérationnelles.
Aussi, son maintien sur place ne sera décidé que si les perspectives de l’activité automnale et hivernale de l’appareil en justifient la nécessité. En effet, on a pu constater, depuis le mois de septembre, une forte diminution de l’activité de secours, qui se limite à une mission par jour.
Enfin, il convient de rappeler que la base du Luc appartient à l’armée de terre, qui doit procéder, à partir de mars 2010, pour ses propres besoins, à d’importants travaux d’infrastructures. La pérennisation de l’implantation d’un hélicoptère de la sécurité civile sur cette base suppose donc l’engagement d’une opération immobilière d’ampleur.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, il est nécessaire de mener une étude approfondie avant de prendre une décision définitive. Le ministre de l’intérieur tient toutefois à vous assurer que cette étude sera menée avec le souci constant de prendre en compte les intérêts des habitants du département du Var sur un sujet aussi important que les secours aux victimes.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas sûr d’avoir compris votre réponse. L’hélicoptère sera-t-il ou non maintenu en centre Var ?
Il va être procédé, dites-vous, à une étude. Ne serait-il pas préférable de prolonger l’expérimentation ? On aurait ainsi une étude en grandeur nature ! Conditionner au nombre de rotations la présence de cet hélicoptère, qui rend effectivement d’immenses services, c’est tout de même faire fi de la situation d’une partie de la population du département, qui se trouverait effectivement en difficulté puisqu’elle ne pourrait être secourue en cas d’accident grave !
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais bien que vous explicitiez votre propos. L’hélicoptère sera-t-il maintenu dans les prochains mois, ne serait-ce qu’à titre expérimental pour essayer d’étudier tous les aspects du problème ? Ou bien votre réponse constitue-t-elle une fin de non-recevoir ?
responsabilité de l'auto-entrepreneur
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 616, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis de votre présence, vous qui connaissez particulièrement bien le problème du statut de l’auto-entrepreneur. Ma question porte sur la responsabilité de l’auto-entrepreneur.
Avec le dispositif de l’auto-entrepreneur, qui est opérationnel depuis le 1er janvier 2009, la loi de modernisation de l’économie a créé un régime simplifié, dit de la « micro-entreprise ».
Très opportunément, – et je tiens à vous en remercier, monsieur le secrétaire d'État – il a été précisé que l’immatriculation au répertoire des métiers des auto-entrepreneurs serait obligatoire et que les chambres de métiers procéderaient aux vérifications préalables des qualifications professionnelles pour l’exercice de métiers liés à la sécurité et à la santé du consommateur.
Ces précisions, néanmoins, ne répondent pas aux interrogations sur la responsabilité incombant à l’auto-entrepreneur qui satisfait aux obligations de qualification et d’immatriculation des artisans, alors que l’artisan professionnel est soumis – faut-il le rappeler ? – à une obligation de conseil, de diligence et de prudence à l’égard du consommateur et est responsable de plein droit au sens de l’article 1792 du code civil.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous préciser si l’auto-entrepreneur sera assujetti au même régime de responsabilité que l’artisan professionnel ?
À titre d’exemple, sera-t-il soumis au régime des garanties biennale et décennale de l’article 1792 du code civil ou encore aux dispositions relatives aux responsabilités avec faute de l’article 1384 et aux responsabilités sans faute des articles 1384-5 et 1384-6 du même code ?
Aucune disposition relative aux auto-entrepreneurs ne paraît aujourd'hui faire référence à ces articles.
De même, il n’est pas fait référence dans le code de commerce, s’agissant des procédures de redressement ou de liquidation judiciaires, aux auto-entrepreneurs.
Au nom des professionnels et des consommateurs comme en mon nom propre, je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous pourrez apporter à ces questions qui préoccupent gravement les uns et les autres.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Madame le sénateur, votre question porte sur le régime de l’auto-entrepreneur, créé, vous l’avez rappelé, par la loi de modernisation de l’économie et applicable depuis le 1er janvier 2009.
Le succès rencontré par ce régime démontre qu’il répond à une aspiration profonde des Français : il représente, pour chacun, et a fortiori pour les salariés victimes de la crise économique, l’espoir de créer sa propre activité et d’expérimenter ce qui peut devenir à terme une entreprise créatrice d’emplois.
Avant d’en venir au fond des questions très importantes que vous avez soulevées, j’indiquerai quelques chiffres qui attestent de ce succès.
Ainsi, 56 548 entreprises ont été créées en septembre, soit un nouveau record historique en France !
Avec d’ores et déjà un acquis de 424 209 entreprises créées depuis le début de l’année, il est désormais certain que nous dépasserons largement notre objectif de 500 000 entreprises créées en 2009, contre seulement 327 000 en 2008 et l’on voit bien quel impact a eu le nouveau régime sur la création d’entreprises.
Avec plus de 230 000 auto-entreprises créées au 1er octobre, nous avons également largement dépassé l’objectif de 200 000 auto-entrepreneurs qu’au nom du Gouvernement je m’étais fixé pour l’année 2009 tout entière.
Je ne m’attarderai pas sur les recettes du succès de ce régime, me contentant de rappeler que l’auto-entreprise est une triple révolution.
C’est d’abord une révolution culturelle, puisque le régime de l’auto-entrepreneur s’adresse à tous, que l’on soit salarié, chômeur, fonctionnaire – sous certaines conditions – ou retraité.
C’est ensuite une révolution technologique, liée au développement d’internet, sur lequel se font les deux tiers des créations d’auto-entreprise.
C’est enfin une révolution fiscale, puisque l’auto-entrepreneur est assujetti à un prélèvement unique, fiscal et social, calculé en pourcentage du chiffre d’affaires.
Le régime de l’auto-entrepreneur est donc un régime simplifié de déclaration d’activité et de paiements des cotisations, mais, dans l’exercice de l’activité, l’auto-entrepreneur n’en est pas moins soumis aux mêmes règles que tout entrepreneur, quel que soit son régime ou son statut.
J’ai entendu les préoccupations exprimées depuis les débats que nous avons eus dans cet hémicycle et largement portées par les représentants du secteur de l’artisanat ; ensemble, nous avons créé un groupe de travail – il s’est réuni tout au long des mois de mai et juin – qui a abouti à la conclusion que des ajustements pouvaient être apportés, comme vous l’avez relevé, madame le sénateur, au régime de l’auto-entrepreneur afin de le rendre pleinement efficace en ce qui concerne les métiers de l’artisanat.
Ces ajustements portent sur la qualification professionnelle et l’accompagnement par les chambres de métiers et de l’artisanat via l’immatriculation.
Premièrement, avant toute création d’entreprise dans le domaine artisanal soumise à qualification professionnelle, l’entrepreneur devra attester de sa qualification en indiquant préalablement, le cas échéant par voie dématérialisée, la manière dont il remplit les critères de qualification professionnelle requis par la législation. Cette règle de déclaration préalable s’appliquera à tous les artisans, qu’ils soient ou non auto-entrepreneurs, donc y compris aux artisans s’inscrivant sous la forme classique qui auparavant n’y étaient pas assujettis.
Deuxièmement, les auto-entrepreneurs qui ont une activité artisanale à titre principal seront tenus de s’inscrire au répertoire des métiers dès leur inscription comme auto-entrepreneur. Pour ne pas renchérir le coût de la création d’entreprise, cette immatriculation sera gratuite pendant les trois premières années à compter de la création et ne s’accompagnera d’aucune formalité supplémentaire. Les auto-entrepreneurs concernés bénéficieront ainsi de l’accompagnement des chambres de métiers et de l’artisanat.
Ces ajustements propres au secteur de l’artisanat ne remettent nullement en cause le principe général selon lequel l’auto-entrepreneur reste soumis, comme tout entrepreneur, j’y insiste, aux règles de droit commun, que la loi de modernisation de l’économie n’a pas modifiées, notamment dans le domaine de la qualification ou encore d’assurance professionnelle.
Ainsi, tout auto-entrepreneur, qu’il soit immatriculé ou non, qu’il soit commerçant ou artisan, reste tenu de respecter les obligations de qualification professionnelle requises par la législation en fonction de l’activité qu’il souhaite exercer. En cela, l’auto-entrepreneur ne se singularise pas des autres entrepreneurs.
S’agissant de la responsabilité dans l’exercice de son activité, l’auto-entrepreneur est tenu de s’assurer pour couvrir les risques professionnels : par exemple, un artisan du bâtiment est tenu à la garantie biennale, voire décennale suivant les travaux effectués, selon les principes juridiques applicables à la généralité des professionnels.
À cet égard, le site internet dédié au régime de l’auto-entreprise comme les autres sites consacrés aux auto-entrepreneurs, y compris celui de l’Union des auto-entrepreneurs dont la création est récente, ainsi que les brochures d’information qui leur sont destinées rappellent aux créateurs qu’il est indispensable de se renseigner préalablement auprès des chambres consulaires, des ordres ou organisations professionnels, ou encore auprès des services de contrôle de l’État sur les règles applicables à leur futur secteur d’activité.
Comme vous le savez, la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, est habilitée à effectuer des visites sur place pour s’assurer que la personne qui effectue les travaux a la qualification adéquate, et cela afin notamment de protéger le client consommateur, aspect sur lequel vous avez avec raison insisté, madame le sénateur.
Ces deux amendements devraient être ajoutés au projet de loi portant réforme du réseau consulaire qui va venir en discussion devant le Parlement. Cependant, si, pour cause d’encombrement parlementaire, l’examen de ce projet de loi devait tarder, ils pourraient être intégrés à un autre texte se rapportant à l’économie, notamment à l’économie de proximité qu’incarnent de manière, je le crois, très satisfaisante les auto-entrepreneurs.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. J’avais donc raison de me réjouir au début de mon intervention de la présence de M. Novelli pour répondre très précisément à la question que je lui posais et pour apaiser l’inquiétude qui continuait à se manifester.
Les deux dispositions que vous avez évoquées manquent en effet, monsieur le secrétaire d'État. En effet, même si l’on peut trouver sur internet des informations, elles n’ont pas valeur réglementaire et je suis heureuse qu’un prochain texte permette de garantir au monde artisanal les conditions d’une concurrence loyale, car c’est l’un de ses points d’inquiétude.
réduction des horaires d'ouverture des bureaux de poste
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 654, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de suppléer à l’absence de Mme la ministre.
La discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales a débuté hier ici même. Le débat a porté essentiellement sur les nécessités qui justifient, selon le Gouvernement, le changement de statut.
Le moins que l’on puisse dire c’est que votre ambition est loin de rejoindre celle des Français !
Les 2 400 000 personnes qui ont participé à la votation citoyenne du 3 octobre dernier ont pourtant exprimé un vote sans appel. Cela montre bien que les Français sont farouchement opposés à une marchandisation de La Poste et sont viscéralement attachés à leurs services publics.
Or le changement de statut de La Poste annonce, quoi que vous en disiez, sa privatisation à terme.
Il pose, entre autres questions, celle du maintien de la présence postale, notamment en milieu rural.
Je suis élu d’un département rural, la Dordogne, et je constate que plusieurs maires de ce département sont confrontés à un véritable jeu de dupes de la part de la direction de La Poste : soit ils acceptent de passer en agence postale, voire en « points poste », en prenant donc en charge financièrement la gestion du service postal, soit ils voient leur bureau de poste diminuer leurs horaires d’ouverture.
C’est le cas notamment pour les communes, dont je tiens à citer le nom, de Bourdeilles, Saussignac, Saint-Antoine-de-Breuilh, Saint-Pierre-de-Côle ou Villars.
Pis, des communes importantes à la démographie stable ou dont la population est en croissance, comme Périgueux et Razac-sur-l’Isle, « perdent », elles aussi, des heures d’ouverture.
La première voit le bureau du Gour-de-l’Arche, quartier sensible qui fait l’objet d’un contrat urbain de cohésion sociale, désormais fermé le samedi matin.
La seconde voit son bureau de poste fermé le mercredi après-midi après qu’il a été question de supprimer une demi-heure d’ouverture par jour, et cela entre seize heures trente et dix-sept heures, moment de la sortie des classes pendant lequel il y a une très forte affluence du public !
Comme si cela ne suffisait pas, ce mouvement de réduction des horaires d’ouverture des guichets s’accompagne de la fin de la gestion du courrier départemental sur le site de Marsac-sur-l’Isle au profit de la plateforme industrielle du courrier de Cestas, en Gironde.
Dans la même logique, on assiste à la suppression de postes d’encadrement. Un cas a ainsi été porté tout dernièrement à ma connaissance, celui du bureau de poste de Sigoulès, la gestion de la distribution étant désormais centralisée à Bergerac.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : que comptez-vous faire pour remédier à cette situation et pouvez-vous nous dire en quoi le changement de statut de La Poste permettra de régler les graves problèmes existants ?
Allez-vous enfin entendre les habitants des communes rurales, qui en ont assez d’être abandonnés par l’État et, je le dis tout net, d’être considérés comme des citoyens de seconde zone ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, nous n’allons pas polémiquer ici sur les termes : vous le savez, le projet de loi que présente le Gouvernement ne traite absolument pas de la privatisation de La Poste, comme le disent à loisir certains. J’en viens donc à ce qui fait le fond de votre question, à savoir le problème de la présence postale territoriale, notamment dans votre département.
En ce qui concerne la présence postale à proprement parler, la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales fixe une règle précise pour permettre à La Poste d’assurer la couverture du territoire en services postaux de proximité.
Cette règle d’accessibilité prévoit que, « sauf circonstances exceptionnelles, 90 % de la population du département ne peut se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile dans les conditions de circulation du territoire concerné des plus proches points de contact de La Poste ».
Avec 17 000 points de contact, La Poste satisfait cette obligation dans la plupart des départements et aucune diminution du réseau n’est envisagée.
Le niveau d’accessibilité est de 92 % en Dordogne.
Il est d’ailleurs à signaler que dans le cadre du projet de loi en cours sur La Poste, la commission de l’économie du Sénat a adopté un amendement prévoyant le maintien dans la loi des 17 000 points de contact, ce qui est une garantie forte pour ceux qui craignent une moindre présence de La Poste en milieu rural notamment. On ne voit pas en effet comme ce nombre pourrait ensuite baisser.
S’agissant des horaires d’ouverture ensuite, La Poste répond aux exigences du service public en adaptant ses points de contact à l’évolution des modes de vie et de consommation des clients sous des formes diversifiées, par exemple sur la base de conventions de partenariat avec les collectivités locales sous la forme d’agence postale communale ou bien encore de partenariat avec les commerçants sous la forme des relais Poste.
Ces formules concourent au maintien de la présence postale en milieu rural. Une enquête effectuée par La Poste montre d’ailleurs que 90 % des clients et 87% des élus bénéficiant d’un point de contact en partenariat s’en déclarent satisfaits.
Toute évolution en partenariat ne se fait qu’avec l’accord des élus concernés. Les responsables locaux de La Poste présentent ainsi au maire des communes concernées un diagnostic de leur bureau. Cette concertation entre la municipalité et les représentants de La Poste permet de faire le point sur les évolutions de la population et des activités, et sur leurs conséquences quant à l’évolution prévisible de la demande postale.
Si toutefois la solution partenariale proposée ne reçoit pas l’accord du conseil municipal, La Poste peut adapter les horaires d’ouverture du bureau aux activités postales effectivement réalisées.
C’est en particulier dans les commissions départementales de présence postale territoriales, les CDPPT, où sont représentés les élus, l’État et La Poste, que s’effectue cette concertation. En Dordogne, en 2009, cette instance s’est déjà réunie deux fois, les 26 mars et 25 juin dernier. Une troisième réunion est prévue pour le 10 décembre prochain. Le président de cette commission est par ailleurs régulièrement tenu informé des évolutions envisagées dans le département.
En outre, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, un amendement du rapporteur Pierre Hérisson prévoyant que le contrat de présence postale territoriale fixe les conditions des points de contact, notamment en termes d’horaires d’ouverture, a été adopté.
Au final, grâce au projet de loi en cours d’adoption, la présence postale en milieu rural sera confortée, avec l’inscription des 17 000 points de contact dans la loi et parce que le contrat de présence postale territoriale, signé entre l’État, La Poste et l’Association des maires de France, prévoira les conditions minimales d’ouverture des points de contact.
L’ensemble de ces évolutions sont, je crois, de nature à vous rassurer.
Mme Nathalie Goulet. Inch Allah ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Vous ne me rassurez pas du tout, monsieur le secrétaire d’État !
La question que je vous pose, au-delà du débat sur le statut de La Poste, porte en effet sur la réalité de la présence postale en milieu rural.
Vous avez décrit le dispositif. Je tiens à faire quelques remarques à cet égard.
Tout d’abord, la création des agences postales ou des points de contact revient à transférer une partie des charges et de l’exercice du service public postal aux collectivités territoriales. Au moment où nous nous apprêtons à aborder le débat sur les collectivités territoriales, celles-ci seront donc encore davantage étranglées.
Ensuite, sur le terrain, nous observons qu’une pression est exercée sur les communes, en dépit de la présence des commissions départementales. On cherche en effet à démontrer, en mettant en place des horaires inadaptés, que la fréquentation des bureaux de poste est faible. Je pense à la commune de Razac-sur-l’Isle, qui compte 1 500 habitants, et dans laquelle on a décidé de fermer le bureau de poste, situé en plein centre du village, à l’heure de la sortie des classes, c’est-à-dire celle où ce guichet connaît la plus forte affluence. C’est aberrant !
Des décisions tout aussi aberrantes concernant les horaires d’ouverture des bureaux de poste sont prises dans plusieurs communes, dans le but de prouver que les clients ne sont pas assez nombreux. Ce dispositif est donc très dangereux.
Enfin, vous n’avez pas répondu à ma question portant sur la suppression du site de Marsac-sur-l’Isle, qui emploie actuellement plus d’une centaine de salariés, et qui perdra la moitié de ses effectifs lorsque la gestion du courrier départemental sera transférée vers la plate-forme industrielle de Cestas.
On assiste donc, de façon générale, à une régression du service public de La Poste et de sa présence sur le terrain, surtout en milieu rural ; la problématique est en effet tout à fait différente en milieu urbain.
Loin de m’avoir rassuré, monsieur le secrétaire d’État, vous m’avez convaincu de la justesse de notre combat pour La Poste, tout au moins sur ces travées. (L’orateur montre les travées de gauche.)
Mme Nathalie Goulet. Pas seulement !
avenir de l'industrie des télécoms en france et plus précisément d'alcatel-lucent
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 678, adressée à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur la politique industrielle de la France, et, plus largement, de l’Europe, en matière de télécommunications.
Jeudi 29 octobre, je me suis rendu sur le site de Villarceaux de l’entreprise Alcatel-Lucent, situé dans mon département de l’Essonne. À l’occasion de cette visite, j’ai discuté avec les représentants de la direction, et rencontré des salariés qui m’ont exprimé leurs inquiétudes à propos du quatrième plan de suppression d’emplois programmé par la direction du groupe depuis la fusion d’Alcatel et de Lucent en 2006.
En 2009, pour le dernier trimestre, 689 emplois sont menacés, dont 122 sur le site de Villarceaux, principalement dans les services du personnel et de la recherche et développement.
Ce quatrième plan de licenciements et la délocalisation du secteur de la recherche et développement sont les conséquences directes d’une politique draconienne de compression des coûts, que la direction justifie par la forte concurrence de pays offrant une protection sociale et des rémunérations faibles à leurs salariés, tels que les pays de l’Est, mais surtout les pays asiatiques comme la Chine et l’Inde.
Alcatel-Lucent opère dans le secteur stratégique des télécommunications, un secteur hautement sensible qu’il convient donc de protéger. Les salariés que j’ai rencontrés ont souligné, à juste titre, le danger que pourrait constituer le transfert dans des pays à bas coûts d’une industrie dont dépend la sécurité des réseaux français de télécommunications.
Monsieur le secrétaire d’État, la rentabilité financière ne peut tenir lieu de politique industrielle. Confronté à des évolutions technologiques de plus en plus rapides, le secteur des télécommunications doit relever de nouveaux défis, ce qui sera impossible sans que des choix stratégiques, clairs et offensifs, destinés à préparer l’avenir en faveur de la recherche et de l’innovation, soient formellement opérés.
La recherche est une des clés de la politique industrielle. Or, malgré l’importance du crédit d’impôt recherche dont bénéficie Alcatel-Lucent – le groupe recevrait 100 millions d’euros par an à ce titre ! –, les suppressions d’emplois et les délocalisations se poursuivent, au détriment d’une politique audacieuse de recherche et développement en France.
Ces crédits doivent faire l’objet de réelles contreparties en termes d’emploi, de recherche et développement et d’innovation. L’État a le devoir d’intervenir sur la stratégie du groupe, par exemple via le Fonds stratégique d’investissement, et doit s’assurer que les aides publiques ne se réduisent pas à des effets d’aubaine.
Un pays dont l’industrie numérique est développée attirera nécessairement d’autres industries. L’enjeu économique est donc de taille pour la France, mais aussi pour l’Europe.
Ma question sera double : quel rôle entend jouer le Gouvernement dans le soutien à l’industrie des télécommunications, et plus spécifiquement dans le cas d’Alcatel-Lucent ; quel sera son engagement en faveur de l’emploi et de la recherche et développement ?
Quelles propositions la France entend-elle porter au niveau européen afin de préserver un potentiel d’innovation et une politique industrielle offensive face à la concurrence des pays à bas coûts, ressentie comme déloyale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, le groupe Alcatel-Lucent connaît effectivement des difficultés depuis plusieurs années. Lors de leur rencontre avec M. le ministre chargé de l’industrie, en juillet dernier, les dirigeants de ce groupe ont pris l’engagement de ne pas fermer de sites dans notre pays. Mais cet engagement important, qui est aussi une bonne nouvelle pour les salariés du groupe, ne signifie pas que ce groupe s’interdira toute restructuration ; outre les problèmes qu’il rencontre, il est en effet confronté à la crise qui affecte l’ensemble des marchés.
Le Gouvernement a pris acte de cet engagement, qui concerne en particulier le secteur de la recherche et développement, mais également de la mise en place d’un plan social de qualité.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, l’incidence du crédit d’impôt recherche, et je vous remercie du jugement positif que vous avez bien voulu émettre sur cette mesure. L’État consacrera globalement 5,8 milliards d’euros au crédit d’impôt recherche en 2009. En triplant le taux de ce crédit, le Gouvernement en a fait le dispositif fiscal le plus incitatif en Europe en matière de recherche et développement du secteur privé, ce qui a été interprété par les entreprises comme un geste fort. Ce dispositif n’est ainsi pas étranger à la décision d’Alcatel-Lucent de maintenir ses activités en France.
Le Gouvernement a par ailleurs fait le choix de renforcer les pôles de compétitivité. Au cours de l’été 2008, le Président de la République a réaffirmé l’engagement de l’État en prenant la décision d’y investir 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Le secteur des technologies de l’information, au travers notamment de l’investissement public massif sur le site de Crolles, à hauteur de 115 millions d’euros en 2009, est au cœur de cette politique de promotion et de soutien de ces pôles.
L’ensemble de ces mesures crée en France un environnement favorable à la recherche et développement, auquel sont sensibles les entreprises qui veulent consacrer des moyens à ces activités.
Dans ce contexte, le Gouvernement veillera, bien sûr, à ce qu’Alcatel-Lucent respecte ses engagements et se mobilisera pour que cette entreprise préserve un maximum d’emplois dans notre pays. Nous serons très vigilants sur ce dossier, qui concerne le dernier grand équipementier de télécommunications présent dans notre pays.
Vous m’avez aussi interrogé, monsieur le sénateur, sur la politique industrielle française dans le domaine des télécommunications.
Le Gouvernement mène une politique active, dont témoignent l’instauration de la quatrième licence de téléphonie mobile 3G, le dividende numérique et les expérimentations innovantes en matière de services mobiles sans contact. De toutes ces initiatives, nous attendons une dynamisation de ce secteur, qui devrait faire de la France un pays pionnier.
Par ailleurs, la loi de modernisation de l’économie a établi un cadre destiné à faciliter le déploiement de la fibre optique, comprenant plusieurs mesures phares : le pré-équipement des bâtiments neufs à compter de 2010, la création d’un droit au très haut débit, ou encore la mutualisation des câblages établis dans les immeubles.
La loi de modernisation de l’économie comporte également une disposition très importante pour les collectivités territoriales : l’obligation pour les opérateurs de communiquer leurs informations sur les infrastructures et les réseaux établis sur leur territoire.
Par ailleurs, les états généraux de l’industrie, lancés par le Gouvernement le 15 octobre dernier, doivent contribuer à maintenir sur le sol français des pans entiers de ce secteur. À l’occasion de leur ouverture, Christian Estrosi a d’ailleurs fait plusieurs propositions concernant l’augmentation de la part des produits innovants dans nos productions industrielles, le renforcement de l’effort vers la recherche et développement, et la mutation vers le développement durable. Ces propositions seront discutées dans le cadre de ces états généraux, qui devraient s’achever en février 2010 à l’issue d’un travail national et régional participatif au travers d’un site internet dédié.
Les technologies de l’information et de la communication sont particulièrement concernées par ces débats qui doivent conduire à une nouvelle politique industrielle française ; les équipementiers en télécommunications devraient y trouver toute leur place.
Vous le constatez, le Gouvernement mène une politique cohérente et ambitieuse, qui permettra de développer le potentiel des entreprises françaises et profitera à l’ensemble de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces explications que j’ai écoutées avec attention. J’ai bien entendu que le Gouvernement entendait faire respecter les engagements pris par Alcatel-Lucent. Pour ma part, je serai attentif à la traduction concrète de ces engagements.
Je ne sais pas si les salariés d’Alcatel-Lucent seront rassurés par vos propos. Je sais, en revanche, qu’ils expriment de fortes attentes en ce qui concerne la mise en œuvre, par les pouvoirs publics, de moyens permettant de soutenir l’emploi et la recherche et développement dans leur entreprise. L’ensemble des salariés du groupe manifestera d’ailleurs, dans toute l’Europe, le 10 novembre prochain et, en France, devant le siège de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, dont il convient de relativiser l’indépendance.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que plusieurs pays, notamment la Chine, lancent de vastes programmes d’investissement, de recherche et développement, il est préjudiciable que l’Europe et la France abandonnent progressivement le secteur des télécommunications, dont dépendent pourtant notre indépendance et notre sécurité nationale.
Je considère, avec les sénateurs du groupe CRC-SPG, que l’État doit intervenir fortement pour soutenir une véritable politique industrielle publique permettant d’intégrer le capital d’entreprises hautement stratégiques comme Alcatel-Lucent et de donner de nouveaux droits aux salariés afin qu’ils puissent intervenir dans les choix stratégiques de ces entreprises.
Pour ma part, je vais déposer de nouveau une proposition de résolution tendant à instituer une commission d’enquête, afin d’examiner les causes et les conséquences des différents plans sociaux chez Alcatel-Lucent, car je crains que, parmi les licenciements concernés, beaucoup ne s’apparentent à des licenciements boursiers.
(Mme Monique Papon remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la question n° 650, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ensemble des moyens de diffusion, qu’il s’agisse des salles de cinéma, de la télévision ou d’internet, entrent dans l’ère de la numérisation. Ce fait entraîne une très forte croissance du nombre d’œuvres et soulève donc la question de leur conservation et de leur accès par le public le plus large.
Plus d’un siècle après la naissance de la pellicule cinématographique et à l’heure du numérique, les cinémathèques du monde entier se trouvent aujourd’hui à un tournant crucial et inéluctable. Les défis en termes de formation, de diffusion et de conservation liés à cette nouvelle technologie s’annoncent considérables.
Par ailleurs, nous le savons, la lutte contre le piratage des œuvres cinématographiques et audiovisuelles ne pourra produire ses effets à l’égard des professionnels de la culture que si, parallèlement, l’offre légale de ces œuvres se développe dans de bonnes conditions, notamment en termes de qualité, de coût et d’accessibilité. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le Sénat a adopté les deux lois dites « HADOPI 1 » et « HADOPI 2 ».
Grâce à son héritage culturel, à la qualité des nombreux professionnels agissant dans ces secteurs et à la vigueur de la politique publique conduite sans faille depuis des décennies, notre pays dispose d’un patrimoine très riche d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Il appartient aux pouvoirs publics de veiller à ce qu’il fasse l’objet d’un plan de numérisation à la hauteur des enjeux.
M. le ministre de la culture et de la communication connaît les inquiétudes de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication dans ces domaines. Nous avons évoqué la semaine dernière avec lui le dossier essentiel de la numérisation du livre et de l’imprimé. Je souhaite aujourd’hui attirer l’attention du Gouvernement sur l’importance, tout aussi cruciale, de la numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Je pense aux œuvres patrimoniales, mais aussi, bien entendu, à la production récente.
Dans ce domaine, un soutien public semble nécessaire, si l’on veut que le plan de numérisation se déroule sur une durée qui ne soit pas trop longue. Sur cinq ans, le coût global d’un tel plan est évalué à 35 millions d’euros.
Dans ces conditions, pouvez-vous m’assurer, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement consacrera les moyens adéquats au développement d’un partenariat entre l’État et les partenaires privés, afin de mobiliser les fonds nécessaires à un tel plan de numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles ?
Ce projet étant stratégique pour l’avenir de l’ensemble des filières culturelles concernées, pouvez-vous me préciser si le Gouvernement compte inscrire cet objectif au titre des investissements financés au moyen du grand emprunt qui sera prochainement lancé, et, dans l’affirmative, quel est le niveau de l’engagement financier envisagé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Frédéric Mitterrand, qui m’a demandé de répondre à sa place à votre question relative à la numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
À l’heure où les enjeux culturels, désormais reconnus comme stratégiques à l’échelon mondial, sont confrontés à la numérisation de la diffusion, la question que vous posez – les voies et moyens de la présence des œuvres françaises sur les réseaux de diffusion numérique, dans un double objectif économique et culturel – est fondamentale.
Cette ambition concerne non seulement la création contemporaine, mais aussi le patrimoine exceptionnel de la France en la matière.
Pour ce qui concerne le cinéma, le basculement vers le numérique du parc français des salles cinématographiques oblige à la numérisation de la production selon des normes de diffusion adaptées.
L’industrie audiovisuelle, quant à elle, doit répondre aux évolutions des marchés qui partout dans le monde doivent satisfaire à la demande croissante de programmes numérisés, notamment depuis le développement de la télévision numérique terrestre, ou TNT.
Enfin, sur les réseaux internet, les besoins d’images, qui s’accroissent sans cesse, requièrent une offre attractive et abondante pour assurer une présence culturelle forte sur ce média de masse.
Au moment où se manifestent les intérêts privés commerciaux d’entreprises multinationales pour la numérisation massive de l’ensemble des biens culturels, il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’apporter sans tarder une réponse adaptée dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel, pour favoriser une offre légale riche et de qualité sur tous les réseaux.
Pour réussir à affirmer la présence de notre création sur les nouveaux réseaux, le ministre de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, a donc proposé un vaste plan de numérisation dans le cadre du grand emprunt, afin d’accompagner les opérateurs privés dans ce chantier stratégique.
Ce plan doit être suffisamment attractif pour mobiliser massivement les détenteurs privés des catalogues – producteurs, éditeurs, distributeurs –, qui seront les moteurs de l’initiative et des choix de la numérisation. Ce partenariat aura la double vertu de permettre l’exploitation des films et des programmes aujourd’hui inexploités et d’apporter une offre commerciale rapide et efficace sur l’ensemble des supports de diffusion.
Monsieur Lagauche, afin de répondre à votre question, je vous précise que le projet du Gouvernement repose sur une prise en charge publique, évaluée à 35 millions d'euros par an pendant cinq ans, des deux tiers des dépenses liées à la numérisation des œuvres, un tiers de ces dépenses restant à la charge des détenteurs de droits, soit un plan total de 255 millions d'euros, dont 175 millions d'euros proviendront de financements publics.
Outre son enjeu culturel, ce plan aura un impact économique déterminant pour le secteur, en facilitant l’exportation des programmes numérisés – en particulier en haute définition pour la télévision –, en permettant l’accélération de la numérisation du parc des salles de cinéma, en soutenant la modernisation des industries techniques. C’est ainsi toute une filière professionnelle qui se trouvera directement placée au cœur du XXIe siècle.
transfert d'agents de l'assurance maladie vers les agences régionales de santé
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, auteur de la question n° 670 rectifié, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de suppléer Mme la ministre de la santé et des sports à laquelle s’adresse ma question.
La loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dite « loi HPST », qui a fait l’objet d’un long débat au Sénat, prévoit, dans son article 129, le transfert d’agents de l’assurance maladie lors de la mise en place des nouvelles agences régionales de santé, les ARS. Ce texte indique que ces agents conserveront le bénéfice des stipulations de leur contrat et le maintien, au sein des organismes recruteurs, du contenu des accords collectifs. Pourtant, le personnel concerné est inquiet pour son avenir.
En effet, les négociations en cours à l’Union des caisses nationales de sécurité sociale laissent entrevoir que les activités impliquées dans ces transferts ne sont pas clairement explicitées, que les profils de poste ne sont pas évoqués et que les localisations des emplois sont occultées.
Selon les syndicats, les nouveaux décrets concernant le transfert des praticiens-conseils aux ARS, en cours de négociation, contiendraient des dispositions dignes de la mobilité forcée en vigueur à France Télécom. Il en serait du reste de même s’agissant des décrets sur le statut des praticiens hospitaliers, qui seraient aussi en cours de négociation. Cela n’est pas rassurant.
Pour les agents de l’assurance maladie, les propositions qui leur sont faites tendent à limiter les dispositions des conventions collectives et non à les assurer. Le maintien des accords liés à la réduction du temps de travail ainsi que les avantages spécifiques aux comités d’entreprise ou aux comités des œuvres sociales ne semblent pas non plus acquis.
Dans le contexte actuel nécessitant une forte prise en compte du climat social qui se détériore beaucoup, plus particulièrement au sein des grandes entreprises où la question des transferts et des mutations est tragiquement d’actualité, une inquiétude apparaît quant à la façon dont sont mises en place les dispositions visant les agents de l’assurance maladie devant rejoindre les ARS.
La manière autoritaire des modes de transfert, les dérogations aux termes des conventions collectives, les pertes ou l’incertitude relatives aux avantages acquis, ainsi que la sous-information actuelle de ces personnels nous amènent à nous interroger, car ces faits ne sont pas de nature à apporter de la sérénité dans cette réorganisation. La voie de transferts autoritaires, source de conflits et de stress, doit, selon nous, être prohibée.
Compte tenu de ces observations, monsieur le secrétaire d'État, ma question est la suivante : le Gouvernement peut-il garantir au personnel en cause que tous les avantages obtenus par accord collectif national, régional ou local seront reconduits directement ou par équivalence, plus particulièrement ceux qui sont assurés aux comités d’entreprise et aux comités des œuvres sociales ? Va-t-on solliciter directement les personnes concernées par les activités transférées dès lors que ces activités auront été clairement déterminées ? Le Gouvernement a-t-il l’intention d’afficher un dispositif de bourse d’emploi, afin d’identifier les personnels qui sont prêts à rejoindre les ARS et de permettre aux autres de faire valoir l’expression de « contraintes impérieuses liées à la vie familiale », propositions évoquées au sein de l’Union des caisses nationales de sécurité sociale ?
En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement entend-il suivre les dispositions de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » et prendre les mesures nécessaires qui s’imposent, en donnant aux agents de l’assurance maladie impliqués dans ces transferts des garanties et une information complète, afin de promouvoir un dialogue apaisé au sein de l’Union des caisses nationales de sécurité sociale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous vous interrogez sur les conditions dans lesquelles s’effectuera le transfert des personnels de l’assurance maladie vers les agences régionales de santé. Vous souhaitez donc savoir quelles garanties seront apportées aux personnels concernés. Roselyne Bachelot-Narquin aurait souhaité apaiser vos inquiétudes, mais elle en est ce matin empêchée. Je vais, par conséquent, tenter de le faire.
À juste raison, vous avez évoqué la loi HPST, votée par la représentation nationale et promulguée le 21 juillet 2009. Vous avez fait référence à l’article 129 de ce texte, qui apporte des garanties aux personnels en cause et aux termes duquel ces derniers « conservent à titre individuel le bénéfice des stipulations de leur contrat » de droit privé. Elle dispose également que « les accords collectifs nationaux agréés […] ainsi que leurs avenants sont applicables aux personnels régis par les conventions collectives nationales des organismes de sécurité sociale ».
Les inquiétudes dont vous vous êtes fait l’écho concernent les conditions du transfert. Je vous demande, monsieur le sénateur, de faire preuve d’un peu de patience. En effet, ces conditions vont être très prochainement définies par un protocole d’accord, actuellement en cours de négociation entre l’Union des caisses nationales de sécurité sociale et les organisations syndicales représentatives, point que vous avez vous-même rappelé.
Les propositions qui vont être mises sur la table des négociations apporteront des réponses concrètes aux questions que se posent les personnels de l’assurance maladie et traduiront les engagements que le Gouvernement a pris envers eux. Je rappelle ces engagements : il n’y aura pas de mobilité géographique contrainte et des mesures d’accompagnement de cette mobilité choisie ou acceptée seront prises ; les agences régionales de santé seront assimilées à des organismes de sécurité sociale, afin de faciliter les mobilités ; les éléments constitutifs du cadre social d’exercice de leur activité seront maintenus, qu’il s’agisse des accords sur les complémentaires santé ou prévoyance.
Quand ces acquis sociaux ne sont pas transférables à l’identique, comme le niveau des prestations sociales du comité d’entreprise, ou ne sont pas transférables immédiatement, par exemple, l’intéressement, des mesures compensatrices seront naturellement proposées.
J’espère que ces éléments sont de nature à apaiser vos inquiétudes, monsieur le sénateur, l’objectif du Gouvernement étant de faciliter la mobilité des personnels et de s’assurer que ces derniers ne seront pas perdants.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Merci, monsieur le secrétaire d'État, de vos efforts pour tenter de me rassurer. Cependant, votre réponse n’est pas de nature à me rasséréner complètement, pas plus, je le suppose, que les personnels concernés.
Les propositions faites aux agents de l’assurance maladie, je le rappelle, tendent à limiter les dispositions des conventions collectives et non à en garantir le maintien. Il en est notamment ainsi de celles de l’article 16 de la convention collective des agents des organismes de sécurité sociale qui prévoit le droit au retour et de celles des articles 14 et 28 de la convention collective spéciale des praticiens-conseils qui déterminent les modalités de transfert vers d’autres organismes de ces personnels, ainsi que les conditions de dédommagement en cas de changement d’affectation, dans l’intérêt du service, sur l’initiative de l’employeur. Je pourrais multiplier les exemples, mais ce serait beaucoup trop long.
Lors de la discussion de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires, que j’ai suivie de très près, j’avais bien raison d’exprimer des réserves quant aux conditions équitables – j’insiste sur cet adjectif – de mise en œuvre des réformes et des transferts de personnel.
Je forme donc toujours le vœu que le personnel, médical ou non, concerné par ces transferts, plus généralement par la réorganisation opérée par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires, soit entendu, au cours d’un dialogue apaisé, ce qui, semble-t-il, n’est pas, loin de là, le cas actuellement, et je le regrette.
projet d'implantation d'une usine traitant du méthylparathion
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 659, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Philippe Madrelle. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais attirer votre attention sur un projet d’implantation, sur le site industriel de l’usine Cerexagri de Bassens – une commune portuaire de la rive droite de la Garonne, située face à Bordeaux –, d’une unité de conditionnement de micro-encapsulation de méthylparathion.
Cette usine Cerexagri est la propriété du groupe indien United Phosphorus Limited. Elle fabrique aujourd'hui des produits agro-pharmaceutiques phytosanitaires.
Le méthylparathion est un insecticide organophosphoré systémique, fabriqué au Danemark ; il s’agit d’un produit particulièrement toxique, qui est inscrit sur la liste des trente molécules chimiques les plus dangereuses au monde. Interdite d’utilisation en Europe, en application de la directive communautaire du 10 mars 2003, cette substance est destinée aux marchés américain, australien et turc, sur lesquels un tel insecticide n’est pas soumis à interdiction. On peut néanmoins imaginer son retour en Europe via les fruits et légumes traités, car ce produit étant systémique, il pénètre toutes les parties de la plante traitée.
Ce projet d’implantation suscite l’inquiétude légitime de très nombreux riverains déjà fortement concernés par les risques de pollution industrielle de cette zone urbaine ; en effet, sur la presqu’île d’Ambès se trouvent concentrées un certain nombre d’entreprises industrielles et chimiques, qui font peser des risques élevés. Ces entreprises sont d’ailleurs pour la plupart soumises à la contrainte « Seveso II, seuil haut », ce qui implique des exigences de sécurité spécifiques.
Le méthylparathion est un poison dangereux, soumis à une réglementation très stricte en ce qui concerne les conditions tant de son stockage que de sa manipulation.
Vous comprenez donc, madame la secrétaire d'État, l’inquiétude de toute une population qui s’interroge sur les risques sanitaires et environnementaux d’un tel produit. Qu’adviendra-t-il, par exemple, du rejet des matières organiques volatiles ou de l’évacuation des eaux météoriques collectées sur le site ?
Ce projet d’implantation fait peser des risques graves sur les populations avoisinantes habitant des lotissements situés à moins de cinquante mètres. Par ailleurs, il ne faut pas négliger les dangers liés au transport du produit.
Vous le savez, madame la secrétaire d'État, ce dossier est loin d’être réglé : malgré l’avis du commissaire-enquêteur, il est toujours en cours d’instruction au sein de vos services.
Le préfet, sur proposition de la DRIRE, la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, a demandé au pétitionnaire de faire réaliser une analyse critique de l’étude de dangers par un tiers expert. L’instruction, me semble-t-il, est suspendue dans l’attente des conclusions de ce spécialiste, dont le conseil départemental des risques sanitaires et technologiques sera également saisi.
Tous les conseils municipaux des communes situées dans le périmètre des risques ont délibéré contre ce projet.
Le conseil municipal de la ville de Bassens, avant qu’il ne procède à une seconde délibération, a émis un premier vote favorable dont on peut imaginer qu’il a été dicté par le souci de défendre l’emploi. Toutefois, la sauvegarde de trente-sept emplois constitue-t-elle un argument suffisant face aux risques que fait peser cette implantation ? Nous ne pouvons oublier les conséquences dramatiques des activités de l’usine Everitube, dans la même commune, et les trop nombreux décès dus à l’amiante...
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous aujourd’hui m’apporter des précisions quant à l’instruction de ce dossier ? Les populations inquiètes attendent des informations précises. Par ailleurs, qu’en est-il, dans cette zone classée à haut risque, de l’actualisation du plan particulier d’intervention et de l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques ?
Madame la secrétaire d'État, vous qui suivez avec attention la mise en place du Grenelle de l’environnement, pensez-vous qu’il soit opportun de multiplier ainsi les risques industriels sur une zone urbaine déjà fortement éprouvée par une concentration d’usines très dangereuses ?
Pour ma part, j’estime qu’il est amoral, voire immoral, de permettre la fabrication et le commerce d’un produit qui est interdit en Europe et d’une effroyable toxicité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, le méthylparathion est un liquide utilisé dans la fabrication d’insecticides à destination de pays extracommunautaires, puisque, en Europe, il n’est pas homologué et se trouve donc interdit à la vente.
Cette substance est considérée comme très toxique dans la nomenclature des installations classées. Il est prévu qu’une quantité de 96 tonnes sera utilisée pour être conditionnée sur le site de Bassens, qui est déjà classé « Seveso » pour l’utilisation d’autres produits très toxiques.
Une telle activité de micro-encapsulation a déjà été mise en œuvre pendant plusieurs dizaines d’années à Vaas dans la Sarthe, sans qu’il y ait eu à déplorer d’incident. Son déplacement vers Bassens résulte de la décision du groupe de fermer son usine de Vaas. Ce projet de transfert d’activité est suivi par le préfet de la Gironde depuis 2007, date à laquelle il a été envisagé.
Bien que le site de Bassens soit déjà autorisé pour des activités similaires, il a été demandé à la société Cerexagri de constituer un dossier de demande d’autorisation d’exploiter cette usine au titre des ICPE, c'est-à-dire des installations classées pour la protection de l’environnement, et donc d’engager une procédure complète, avec enquête publique et consultation des différents services de l’État et des communes concernées.
C’est ainsi que l’inspection des installations classées a eu l’occasion d’analyser un premier dossier, qui a suscité de nombreux échanges techniques, puis d’instruire le dossier final. Celui-ci, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, a été soumis à une enquête publique, qui s’est déroulée du 16 février au 18 mars 2009 et qui s’est conclue par un avis favorable du commissaire-enquêteur.
Néanmoins, le préfet a souhaité que soit réalisée par un acteur indépendant une tierce expertise de l’étude de dangers, qui est en cours d’instruction.
J'ajoute que les phénomènes dangereux associés à cette substance seront bien entendu tous scrupuleusement étudiés. Toutes les mesures nécessaires de réduction et de prévention du risque seront retenues. Ces prescriptions spécifiques seront proposées par l’inspection des installations classées et soumises pour avis au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, saisi par le préfet.
Si elle constate que toutes les mesures nécessaires concernant cette substance ne sont pas prises, l’inspection proposera le refus de la demande ; le préfet ne statuera sur cette dernière qu’à l’issue de la procédure.
Enfin, le comité local d’information et de concertation, le CLIC, qui est présidé par le maire de Bassens et qui regroupe, notamment, les collectivités, l’exploitant, les services de l’État et les associations, s’est déjà réuni à ce sujet le 2 juin dernier. Une nouvelle réunion est prévue prochainement pour que soit présentée l’analyse de l’inspection des installations classées.
Tel est, monsieur le sénateur, l’état de cette procédure.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je sais que vous avez pris conscience de la dangerosité de ce projet, qui doit retenir l’attention de toutes les autorités de notre pays.
Nous savons les conséquences désastreuses entraînées par certaines installations insuffisamment sécurisées, telles que l’usine AZF, entre autres établissements, et nous n’avons pas oublié le drame de l’amiante. C'est pourquoi il faut rejeter ce projet, me semble-t-il.
J'ajoute que je suis envahi de scepticisme à la pensée que c’est le pétitionnaire lui-même qui fait réaliser l’analyse critique de l’étude de dangers par un tiers expert, même s’il est vrai qu’il agit ainsi à la demande du préfet…
Plus que jamais, il est temps que le concept de développement durable, dont on se gargarise beaucoup trop à mon goût, trouve sa traduction dans la réalité quotidienne de nos concitoyens.
aménagement de la rn 12 entre hauterive et le mêle-sur-sarthe
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 640, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Jean-Pierre Chauveau. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la route nationale 12 ; j’associe d'ailleurs à ma question Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne.
Il s’agit d’un axe routier important puisqu’il relie Paris à Brest en désenclavant les territoires qu’il traverse, en particulier le sud de la Normandie et le nord de la Sarthe. Chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître que la qualité des infrastructures routières constitue un atout important pour nos territoires.
En ce qui concerne la RN 12, depuis des décennies, des travaux d’amélioration se succèdent entre Paris et Alençon, à l’exemple de l’échangeur du Ménil-Broût, situé à la frontière de la Sarthe et de l’Orne, dont la réalisation était un préalable indispensable pour desservir, notamment, le canton sarthois de La Fresnaye-sur-Chédouet.
Or ce nouvel équipement n’a de sens que s’il est accompagné d’une ouverture rapide de la voie express à deux fois deux voies entre Hauterive et Le Mêle-sur-Sarthe.
Les travaux routiers sont maintenant terminés. Toutefois, les élus de la région et la population s’impatientent et s’inquiètent désormais des lenteurs constatées dans la mise en œuvre définitive de l’ouvrage, notamment au regard de la finition de la bande médiane. Nous attendons avec hâte l’ouverture de ce tronçon !
Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de bien vouloir me préciser le calendrier de mise en service de cette route à quatre voies.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, l’aménagement de la RN 12 entre Paris et Alençon figure parmi les priorités du Gouvernement.
La RN 12, dans sa traversée de l’Orne, est aménagée à deux fois deux voies, excepté sur les sections Mortagne-Tourouvre et Sainte-Anne-Saint-Maurice.
Afin d’homogénéiser les caractéristiques de cette route en Basse-Normandie, il est prévu dans le PDMI – programme de développement et de modernisation d’itinéraire – 2009-2014 de cette région d’investir 30 millions d'euros pour le tronçon Mortagne-Tourouvre.
Les études préalables à l’enquête publique seront donc lancées avant la fin de l’année et permettront d’organiser l’enquête publique à la fin 2012.
En outre 8,33 millions d'euros ont été inscrits au PDMI pour la déviation de Sainte-Anne-Saint-Maurice, afin de permettre l’engagement de cette opération au titre de cette génération de programmes de développement et de modernisation d’itinéraire.
Par ailleurs, une étude a été commandée dans la région Pays-de-la-Loire afin de définir un aménagement de la RN 12 entre Alençon et Fougères, en tenant compte, bien sûr, à la fois des besoins locaux et des exigences environnementales.
La mise à deux fois deux voies de la section Hauterive-Le Mêle-sur-Sarthe avait été programmée et financée dans le cadre de l’ancien contrat de plan État-région.
Il est vrai que des conditions climatiques difficiles ont entraîné le report de l’opération. Toutefois, l’objectif d’une mise en service de cette route avant l’été 2010 est maintenu, ce qui permettra également d’améliorer la desserte du canton de La Fresnaye-sur-Chédouet, comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.
M. Jean-Pierre Chauveau. La voierie est terminée et les accès autoroutiers ont été réalisés. Très peu de travaux supplémentaires seraient nécessaires pour mettre en service cette route nouvelle ! Cela dit, si elle ouverte à la mi-2010, nous nous en contenterons…
publication d'un décret sur le report des travaux de rénovation des ascenseurs
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, auteur de la question n° 644, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
M. Dominique Braye. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les dispositions inscrites dans le plan de modernisation des ascenseurs.
La loi du 2 juillet 2003 et son décret d’application du 9 septembre 2004 font obligation aux responsables de copropriété d’effectuer des travaux de mise aux normes du parc ancien, d’entretien par un prestataire qualifié et de contrôle technique périodique.
Ces mises aux normes, vous le savez, doivent être effectives à échéance de trois dates butoirs : 2008, 2013 et 2018.
Afin de donner aux copropriétaires la possibilité de mieux planifier les travaux et d’étaler les dépenses générées, mais surtout afin de diminuer la tension de ce marché liée au nombre insuffisant des professionnels par rapport à la demande, la loi de mobilisation pour le logement, votée en mars 2009, a autorisé le report de ces échéances à 2010, 2015 et 2021.
Madame la secrétaire d'État, ces reports – je le répète avec insistance – ont été décidés essentiellement pour entraîner une détente du marché visant à permettre aux ascensoristes de répondre aux appels d’offres dans de meilleures conditions de concurrence, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui, mais aussi pour assurer une meilleure qualité des prestations effectuées.
Or, si la première échéance, celle du 3 juillet 2008, a été effectivement reportée au 31 décembre 2010, il semblerait que le secrétariat d’État au logement et à l’urbanisme ne souhaite pas modifier le décret permettant l’ajournement des deuxième et troisième échéances, et cela sur la base d’une étude présentée par ses services le 4 juin dernier, selon laquelle 94 % des appareils gérés par les syndics seront mis en conformité dans les délais impartis.
L’Association des responsables de copropriété conteste ce chiffre, et à juste titre selon moi. En effet, sur les 1 400 syndics consultés, seuls 16 % ont répondu. La majorité des réponses émane des plus gros syndics, qui naturellement ont eu plus de facilités pour réaliser les travaux ; les plus petits, qui n’ont pu les effectuer et qui représentent 80 % de la profession, n’ont pas répondu !
Néanmoins, sur la base de cette enquête, les services du secrétariat d’État ont précisé qu’une évaluation serait réalisée au moment de la première échéance, à la fin 2010, et que ses conclusions leur permettraient de prendre une décision concernant le report du deuxième terme, de 2013 à la fin 2015.
Il est évident que cette situation renforce – nous le constatons actuellement sur le terrain – la pression des ascensoristes et des syndics sur les copropriétaires, afin d’inciter ces derniers à réaliser en même temps les travaux des deux ultimes tranches.
Ce calendrier resserré force les propriétaires à agir dans l’urgence, sans permettre – je n’insisterai jamais assez sur ce point ! – la mise en concurrence des professionnels concernés, qui sont surchargés de travail, avec le risque de négliger les prestations de maintenance et la qualité des travaux.
En conséquence, madame la secrétaire d'État, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement au sujet du report des deuxième et troisième échéances relatives à la mise en conformité des ascenseurs, afin, d’une part, de respecter la volonté de la représentation nationale, qui, je le répète, s’est exprimée en ce sens en 2009, et, d’autre part, de permettre la rénovation de notre parc national d’ascenseurs dans de bonnes conditions concurrentielles, techniques et financières.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, la loi du 2 juillet 2003 portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction a prévu qu’un décret en Conseil d’État établisse la liste des dispositifs de sécurité à installer dans les ascenseurs et détermine les délais impartis aux propriétaires pour la réalisation des travaux. En outre, elle a précisé que les délais déterminés par décret ne devaient pas excéder quinze ans à compter de la publication de la loi, soit à partir du 3 juillet 2003.
Ainsi, le décret du 9 septembre 2004 a prévu, vous l’avez rappelé, un échelonnement de ces travaux en trois phases se terminant respectivement le 3 juillet 2008, le 3 juillet 2013 et le 3 juillet 2018.
Un premier bilan réalisé en 2006 par les services du ministère chargé du logement a montré la nécessité de reporter le délai du 3 juillet 2008. Un décret modificatif de mars 2008 a donc reporté ce délai au 31 décembre 2010. Les propriétaires ont ainsi bénéficié d’un délai supplémentaire de deux ans et demi pour prendre les dispositions appropriées.
Par la suite, vous l’avez également rappelé, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a modifié le code de la construction et de l’habitation en ouvrant la possibilité d’augmenter de trois ans le délai maximal octroyé par décret aux propriétaires d’ascenseurs pour effectuer les travaux de sécurité.
Or, un second bilan communiqué en mai 2009 a montré que le degré d’avancement des travaux de sécurité était satisfaisant et que le rythme de réalisation observé était compatible avec le respect des délais réglementaires mis en place par décret.
Il ne paraît donc pas opportun de changer le délai de la première phase, le 31 décembre 2010, qui pourra à l’évidence être respecté pour près de 100 % des ascenseurs.
En ce qui concerne les délais de réalisation des phases suivantes, le Gouvernement réalisera en 2010 une nouvelle étude qui permettra de mesurer l’avancement du plan de mise en conformité des ascenseurs, notamment de la deuxième tranche de travaux.
C’est au vu de ces éléments que le Gouvernement décidera s’il convient de repousser les délais de réalisation des deuxième et troisième phases du plan de mise en conformité des ascenseurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, dont les termes étaient pratiquement compris dans ma question. Celle-ci visait essentiellement à rappeler que, – je n’insisterai jamais assez sur ce point – dans la première phase, comme le prouvent des devis que nous ont montrés un grand nombre de responsables de copropriétés, il n’y avait pas de mise en concurrence des ascensoristes.
Les ascensoristes ont naturellement beaucoup profité de cette situation, à tel point, d’ailleurs, que lorsque nous avons voulu repousser les délais, lors de l’examen du texte qui est devenu la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ils se sont fortement manifestés en disant qu’ils étaient tout à fait défavorables à ce report de délai, qui allait diminuer la tension du marché et les obliger à faire des prix plus adaptés à la réalité de leurs prestations.
Madame la secrétaire d’État, le législateur a demandé ce report dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Dès lors, il serait souhaitable que le vote de la représentation nationale soit respecté.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que les professionnels ont tendance à détourner la loi en laissant entendre aux copropriétaires qu’il vaut mieux faire les deux ou les trois phases en même temps car cela leur reviendra moins cher.
J’ai moi-même été invité par des syndics pour constater les propositions de prix des ascensoristes. Ces derniers, c’est normal, défendent leur profession, moyennant quoi le législateur est là pour faire en sorte que la justice et l’équité soient respectées sur tout le territoire et que les syndics soient amenés à payer les prestations à leur juste valeur, et non pas plus cher sous prétexte d’une tension du marché.
J’attire votre attention car le problème n’est pas réglé et, en tout cas, je le répète, les résultats de l’étude réalisée par les services du ministère ne sont pas satisfaisants car très peu de syndics, appartenant tous à la même catégorie, ont répondu.
suppression des crédits affectés au financement de l'assurance maladie des français à l'étranger aux revenus modestes
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, auteur de la question n° 655, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le secrétaire d’État, au moment où le gouvernement auquel vous appartenez jette l’identité de notre nation en pâture à l’opinion à des fins électoralistes, il en bafoue lui-même deux fondements au détriment des Français établis à l’étranger : d’une part, l’égalité de traitement entre les citoyens et, d’autre part, l’état de droit, qui repose sur le respect de la loi.
La baisse des crédits d’aide sociale aux Français démunis inscrits dans les consulats aura deux conséquences en 2010.
Premièrement, l’allocation de solidarité, qui tient lieu de minimum vieillesse et d’allocation aux adultes handicapés, sera abaissée de 10 % au moment où, fort justement, ce minimum est réévalué de 4,7 % en France.
Deuxièmement, les crédits nécessaires à l’application de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ne sont pas inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010. Ce sont 3 800 adhérents de la Caisse des Français de l’étranger qui sont menacés de devoir renoncer à s’assurer contre la maladie, soit, en comptant leurs ayants droit, près de 8 000 Français qui seront privés de soins médicaux à l’étranger.
Les crédits d’aide sociale aux Français de l’étranger n’ont cessé de baisser depuis que la droite est revenue au pouvoir en 2002.
De 17,4 millions d’euros pour 900 000 Français inscrits dans les consulats en 2001, ces crédits tombent à 14,8 millions d’euros pour 1 400 000 Français inscrits en 2010. En euros constants, nous sommes très au-dessous du niveau de 1996, qui avait pourtant été une année noire pour le dispositif d’aide sociale consulaire.
Comme l’écrivent Mme Bérengère El Anbassi, conseillère élue du Maroc à l’Assemblée des Français de l’étranger et l’Association Français du monde-ADFE installée au Maroc, « les Français de l’étranger ne sont pas des Français de second ordre mais des Français à part entière. Comment peuvent-ils accepter que le Gouvernement accorde une augmentation de 4,7 % du minimum vieillesse au 1er avril 2010, alors qu’il le baisse de 10 % pour les Français de l’étranger ? »
C’est une situation intolérable. Je demande que le Gouvernement propose lui-même au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, un amendement visant à rendre au ministère des affaires étrangères les 2 millions d’euros nécessaires pour que les allocations consulaires soient maintenues à leur niveau de 2009, voire augmentées dans certains pays, et indexées sur le taux d’inflation des pays de résidence.
De même, je demande que le dispositif d’aide à l’accès à l’assurance maladie des Français dont les revenus sont inférieurs à la moitié du plafond de la sécurité sociale, créé par la loi du 17 janvier 2002, soit financé. Cela suppose que le ministère des affaires étrangères étudie avec la Caisse des Français de l’étranger le coût réel de la mesure au cours des dernières années et que les crédits que l’État doit y affecter soient inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010.
Il est encore temps de corriger une iniquité qui prive des citoyens français de ressources décentes dans leurs vieux jours et d’assurance maladie à tous les âges de la vie.
Mme Claudine Lepage. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, le gouvernement français est particulièrement attaché à une couverture maladie de qualité pour l’ensemble des Français de l’étranger, à l’image du dispositif mis en place sur le territoire national.
La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, que vous avez citée, a été votée sur l’initiative de Bernard Kouchner (Mme Monique Cerisier-ben Guiga fait un signe de dénégation), alors ministre de la santé du gouvernement Jospin, et vise à garantir à nos compatriotes expatriés aux revenus modestes un accès à l’assurance maladie, comme c’est d’ailleurs le cas en France avec la couverture maladie universelle, ou CMU.
Je tiens à vous assurer que, contrairement à ce qui vous a été indiqué, la suppression de la participation du ministère des affaires étrangères et européennes au financement de l’assurance maladie des Français de l’étranger aux revenus modestes n’a jamais été à l’ordre du jour.
Le projet de loi de finances pour 2010, actuellement en discussion devant le Parlement, prévoit que, sur la période 2010-2011, la participation annuelle du Quai d’Orsay au financement de la troisième catégorie de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, s’élève à 500 000 euros. En complément de cette ligne budgétaire, le ministère des affaires étrangères et européennes consacre chaque année une part de son budget à l’action sociale des ambassades.
Enfin, la mise en place d’un plan de financement complet de cette branche d’assurance maladie de la CFE, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, est en cours d’examen.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il faut rendre à César ce qui est à César : c’est moi qui ai entièrement préparé cette mesure avec le cabinet de Martine Aubry, et Bernard Kouchner ne s’y est jamais intéressé !
Le Gouvernement s’y est toujours beaucoup intéressé, dites-vous. Il n’y a que 500 000 euros inscrits dans le projet de loi de finances alors que, on le sait bien, il en faut 2,5 millions !
En ne finançant pas la mesure, on abroge indirectement la loi. Or cette loi n’a pas été abrogée, le décret d’application relatif à la troisième catégorie sociale n’a pas été rapporté. Décidément, ce gouvernement met systématiquement la charrue avant les bœufs. Quand il aura abrogé la loi et quand il aura rapporté le décret d’application, on verra alors très clairement ce qu’il en est. Mais pour l’instant, on est dans la même situation qu’avec la taxe professionnelle, le Gouvernement réforme un système fiscal local avant d’avoir modifié les instances et les attributions qui déterminent la fiscalité.
Ce gouvernement oublie quasiment en permanence l’identité de notre pays, une identité fondée sur le respect de la loi, sur l’égalité, sur la solidarité sociale et nous, les Français de l’étranger, nous connaissons d’autant mieux cette identité que nous savons bien qu’elle est différente de celle des sociétés qui nous accueillent.
Le Président de la République lance ce débat, mais il est le premier à mettre très concrètement cette identité en danger, en particulier pour nos compatriotes de l’étranger.
abus des contestations des certificats de nationalité française délivrés par les tribunaux
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 673, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le secrétaire d’État, j’interviens non pas pour sauver le soldat Ryan, mais pour m’élever contre le traitement infligé au brigadier Ounoussou Guissé, né français de père français, à qui est contesté aujourd’hui le droit à la nationalité française.
En effet, Ounoussou Guissé, né français de père français le 13 octobre 1982 au Sénégal, se voit, à plusieurs reprises alors qu’il est mineur, attribuer un certificat de nationalité française : à sept ans le 20 février 1990, à dix-sept ans le 15 novembre 1999, chaque fois par le tribunal d’instance de Rouen. À l’époque, la nationalité française d’Ounoussou Guissé ne souffre pas de discussion : il est né français d’un père français qui a vécu des années en France, sur le territoire métropolitain, où il est arrivé avant l’indépendance du Sénégal proclamée en juin 1960.
Pourtant, le parquet de Rouen, suivant en cela les instructions de la Chancellerie, va contester en 2007 la nationalité française d’Ounoussou Guissé au motif que son père avait certes son domicile civil en France à la date de l’indépendance du Sénégal, mais pas le domicile de nationalité, c’est-à-dire « la résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles ».
Le concept de « domicile de nationalité » est d’ailleurs intéressant pour les 2 500 000 Français de l’étranger qui peuvent dorénavant légitimement se poser la question de la concordance de leurs attaches familiales et de leurs occupations professionnelles.
Mais revenons à Ounoussou Guissé. Arrivé en France en 1998 à l’âge de seize ans, engagé en 2002 dans l’armée française, il a participé aux campagnes du Tchad et d’Afghanistan en 2007 et 2008. Son comportement ne lui vaut que des louanges et il est nommé brigadier-chef. Mais rien n’y fait, la Chancellerie s’acharne à vouloir lui retirer la nationalité française. Tout au plus pourrait-elle lui être concédée comme une aumône par le biais de la naturalisation, au détriment du droit qui est le sien : un droit de naissance, un droit du sang, le droit de sa filiation et le droit de son père. L’offense à sa dignité est d’autant plus cuisante que lorsqu’il risquait sa vie pour la France, personne ne lui contestait son appartenance à la nation.
Monsieur le secrétaire d'État, quelle est cette justice qui se déjuge elle-même pour contester, des années après l’avoir reconnue par deux fois, le droit d’un homme à la nationalité française ? Quelle est cette justice qui remet en question la dignité et l’honneur de cet homme et qui pourrait même le radier de l’armée en lui retirant la nationalité française ? Sur combien de cas anonymes, des humbles et des « sans-grade » dont nous n’avons pas connaissance, la Chancellerie va-t-elle encore s’acharner ? (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame le sénateur, en tant qu’ancien représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan, je tiens à vous dire, en préambule, que je suis particulièrement sensible à l’aspect humain que recouvre votre question et, naturellement, au sort de nos soldats.
Cela étant dit, au nom de Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, je vais vous donner lecture des éléments de droit de cette affaire, qui revêt maintenant un caractère juridique.
Je tiens tout d’abord à vous rappeler, madame le sénateur, que le certificat de nationalité française n’est pas en soi un jugement ; il est simplement un mode de preuve de la nationalité française.
Il ne fait foi de la nationalité française que jusqu’à preuve du contraire.
Il est exact que M. Ounoussou Guissé s’est estimé Français depuis de nombreuses années, et il a fait la preuve de son attachement à la nation française en s’engageant dans son armée pour la servir.
M. Ounoussou Guissé peut obtenir la nationalité française simplement en déclarant auprès du tribunal d’instance sa possession d’état de Français détenue depuis plus de dix ans, l’enregistrement de cette déclaration se faisant rapidement.
C’est d’ailleurs l’option qui a été choisie par l’un de ses frères, M. Mamadou Guissé, qui a souscrit en 1998 une déclaration de nationalité française au titre de l’article 21-13 du code civil, car il était détenteur de bonne foi de documents qui le considéraient comme Français depuis plus de dix ans, cas que vous avez-vous-même rappelé tout à l'heure.
Mais, dans l’affaire qui nous occupe, la situation se complique car M. Ounoussou Guissé se prévaut d’une nationalité par filiation. Or le certificat de nationalité française de son père a été remis en cause par la découverte d’une situation qu’il avait cachée.
Un certificat de nationalité peut toujours être contesté s’il apparaît, après sa délivrance, que les documents qui ont été remis lors de son obtention se révèlent être des faux ou qu’un événement a fait perdre sa nationalité française à son détenteur.
En l’espèce, pour obtenir des certificats de nationalité, le père de M. Ounoussou Guissé avait affirmé que son domicile était fixé en France après l’indépendance du Sénégal, alors que toutes ses attaches familiales étaient en réalité restées au Sénégal ; il était polygame, et plusieurs enfants sont nés au Sénégal de ses différentes unions. Sa demande de réintégration dans la nationalité française, refusée en raison de sa situation familiale incompatible avec les valeurs de la République, laisse d’ailleurs penser qu’il a lui-même reconnu qu’il avait perdu la nationalité française au moment de l’indépendance.
La question de savoir si, dans ces conditions, M. Ounoussou Guissé peut être Français comme né d’un père français est l’une de celles qui sont posées à la cour d’appel. L’affaire étant en délibéré, il ne m’appartient pas d’en dire plus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous venez de m’apporter. À un moment ou à un autre, je pense que la situation s’arrangera pour M. Ounoussou Guissé, qui pourra sans doute obtenir la nationalité française par naturalisation.
Toutefois, je m’inquiète de la multiplication des cas – Mme Monique Cerisier-ben Guiga peut en témoigner ! – de personnes placées dans des situations extrêmement délicates parce que leur est contestée, cinquante ans après, la nationalité française qui leur avait été accordée lors de l’indépendance de leur pays d’origine.
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Entreprise publique La Poste et activités postales
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié (2008 2009), texte de la commission n° 51, rapport n° 50).
Dépôt d’une motion référendaire
M. le président. J’informe le Sénat qu’en application de l’article 11 de la Constitution et de l’article 67 du règlement MM. les présidents Jean-Pierre Bel, Nicole Borvo Cohen-Seat, Yvon Collin et plusieurs de nos collègues présentent une motion tendant à proposer au président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
En application de l’alinéa 1 de l’article 67 du règlement, cette motion doit être signée par au moins trente sénateurs,…
Mme Nicole Bricq. Ils sont là !
M. le président. … dont la présence est constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
Huissier, veuillez procéder à l’appel nominal.
(L’appel nominal a lieu.)
M. le président. Acte est donné du dépôt de cette motion.
Ont déposé cette motion : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Serge Andreoni, Bernard Angels, David Assouline, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jacques Berthou, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mmes Nicole Bricq, Françoise Cartron, MM. Bernard Cazeau, Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Jean Desessard, Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Jean-Pierre Godefroy, Didier Guillaume, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Jacky Le Menn, Mmes Raymonde Le Texier, Claudine Lepage, MM. Jean-Jacques Lozach, François Marc, Marc Massion, Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Mme Renée Nicoux, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, François Rebsamen, Michel Sergent, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Richard Yung, Yvon Collin, Robert Tropeano, Michel Charasse, Jean-Michel Baylet, Jacques Mézard, François Fortassin, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean Milhau, Jean-Pierre Chevènement, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, M. Michel Billout, Mme Isabelle Pasquet, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Odette Terrade, Josiane Mathon-Poinat, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Mireille Schurch, MM. Bernard Vera, Jean-François Voguet et François Autain.
(Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG se lèvent et brandissent une feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit en lettres capitales le mot « référendum ». – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Après cette annonce spontanée par reprographie pour la photographie (Sourires), je vous indique que cette motion sera envoyée à la commission de l’économie.
La discussion de cette motion pourra avoir lieu demain, mercredi 4 novembre, de neuf heures trente à douze heures trente. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG scandent : « Nous voulons un référendum ! » – Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
Par analogie avec les propositions de loi, la discussion de la motion débutera par l’intervention de l’un des auteurs de la motion, vingt minutes maximum.
Qui d’entre vous la présentera ?
M. Jean-Pierre Bel. Moi, monsieur le président.
M. le président. La commission pourra ensuite exprimer son avis sur le texte de la motion, de même que le Gouvernement.
En accord avec les groupes, le temps des groupes sera réparti à la proportionnelle. Afin que nous ayons un débat ordonné et non reprographié, les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant aujourd’hui, dix-huit heures.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. Le Gouvernement pourra, le cas échéant, répondre aux orateurs.
Le Sénat se prononcera par un seul vote sur le texte de la motion et par un scrutin public ordinaire.
Pour l’heure, nous allons poursuivre la discussion du projet de loi sur La Poste.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Blanc. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Bruno Retailleau et Daniel Dubois applaudissent également.)
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce débat passionné, ouvert par des consultations par la voie d’urnes dans les rues et qui se prolonge à l’instant par le dépôt d’une motion référendaire, le travail exceptionnel mené par la commission de l’économie – je salue tout particulièrement son président, M. Emorine, et le rapporteur, M. Hérisson –, avec l’accord du Gouvernement, nous permet, me semble-t-il, de prendre un peu de hauteur,…
M. Alain Gournac. Cela va nous faire du bien !
M. David Assouline. Attention à ne pas s’envoler !
M. Jacques Blanc. … suivant ainsi l’appel de La Poste, dont l’emblème, ne l’oublions pas, est un oiseau bleu,…
M. Yannick Bodin. Il bat de l’aile !
M. Jacques Blanc. … que l’on retrouve sur les vélos, les casquettes ou les Renault jaunes des postiers. Cet oiseau bleu fait partie de l’histoire commune des Français, de leur vie quotidienne, et même, j’ose le dire, de leur identité nationale.
M. Daniel Raoul. Oh !
M. Jacques Blanc. Il est le fleuron du bloc non négociable des services publics de proximité permettant d’assurer le lien entre nous tous. (Mme Catherine Tasca s’exclame.)
Mme Raymonde Le Texier. « Non négociable » est le mot !
M. Jacques Blanc. Le médecin de Lozère que je suis, qui a accompagné des postiers dans la neige (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. Adrien Gouteyron. Ils ne savent pas ce que c’est !
M. Jacques Blanc. … sait ce que cet oiseau bleu représente dans le tissu social de notre pays.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jacques Blanc. Cet oiseau a servi de messager,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez nous faire pleurer !
M. Jacques Blanc. … en portant dans son bec les missives, lettres ou cartes postales, annonçant de bonnes ou de mauvaises nouvelles. (Mmes Christiane Hummel et Sylvie Goy-Chavent applaudissent.) Pendant la guerre, il a réchauffé le cœur de nos combattants et de leurs familles, mais il a aussi annoncé des drames au sein de ces familles. Dans les hameaux isolés, l’arrivée du facteur représente un moment important.
Concernant les postières et les postiers, personne n’a le monopole du cœur ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas une question de cœur !
M. Jacques Blanc. Oui, notre cœur bat avec le leur !
M. François Patriat. Ce n’est pas ce qu’ils disent !
M. Jacques Blanc. Nous n’avons pas le droit de les tromper ou de les utiliser à des fins politiciennes ! (Applaudissements sur les mêmes travées. – Ouh ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis. Comme les gaziers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible ! Les postiers vous le diront !
M. Jacques Blanc. De quoi s’agit-il aujourd’hui ? Le projet de loi vise non pas à plomber l’oiseau bleu, mais, au contraire, à lui permettre d’aller de l’avant, en traçant un cap.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible !
M. Jacques Blanc. Ce texte tend à l’alléger, pour qu’il vole plus haut, plus loin et plus vite, au service de l’ensemble de la population. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Sarcasmes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Comme nous tous, mesdames, messieurs de l’opposition, vous êtes responsables de certains faits.
M. Jean-Pierre Bel. On connaît ça, on l’a déjà entendu !
M. Jacques Blanc. L’ouverture à la concurrence au 1er janvier 2011 a été voulue par tous les gouvernements de droite comme de gauche, en France, en Europe et dans le monde entier. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Qui peut prétendre que l’activité postale ne doit pas s’ouvrir à l’Europe et au monde ? (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Ce sont des faits. Ou bien on cultive le passé, en trompant les postières et les postiers, les femmes et les hommes de notre pays, ou bien on prend le taureau par les cornes et on essaie de trouver des solutions – c’est ce que vous avez fait, monsieur le ministre ! (M. Christian Demuynck applaudit.)
Chacun le sait, face à l’ouverture à la concurrence, qui est incontournable, à l’évolution du haut débit et de l’internet et à la baisse de l’activité postale – que personne ne peut contester –, on peut se croiser les bras et ne rien faire…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible !
M. Jacques Blanc. … ou, au contraire, oser dire qu’il faut donner à La Poste les armes nécessaires pour se défendre. (Mme Christiane Hummel ainsi que MM. Christian Demuynck et Jackie Pierre applaudissent.)
Le changement de statut, qui permettra d’augmenter le capital de l’entreprise des 2,7 milliards d’euros nécessaires, se fera dans le respect d’une double ambition : permettre à La Poste de rester ce qu’elle est, à savoir une très grande entreprise qui compte dans le monde…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle doit compter en France !
M. Jacques Blanc. … et dont nous pouvons être fiers, même si quelques problèmes se posent de temps en temps, et satisfaire aux exigences d’une entreprise de service public. (M. David Assouline s’exclame.) Grâce au travail de la commission et à la volonté du Gouvernement,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible !
M. Jacques Blanc. … nous allons inscrire dans la loi – c’est une garantie supplémentaire – que le capital de La Poste restera public. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un mensonge éhonté !
M. Jacques Blanc. Grâce à la volonté et à l’action de la commission, nous allons pouvoir faire en sorte que La Poste maintienne les objectifs d’un service au public.
M. Daniel Raoul. On a déjà donné !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et GDF ?
M. Jacques Blanc. Ce service au public sera défini dans la loi. Par conséquent, nous modernisons l’entreprise tout en conservant ses racines, à savoir une forte présence territoriale, gage d’universalité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. On a vu cela avec GDF !
M. Jean-Pierre Bel. Parlez-en à Guaino !
M. Yannick Bodin. C’est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne vous croit !
M. Jacques Blanc. Personne ne nous croit ? Regardez ce qui se passe dans le monde entier !
M. David Assouline. Bla, bla, bla !
M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, nous voulons, je l’affirme ici clairement, sauver ce service public (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG)…
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Daniel Raoul. Menteur !
M. Yannick Bodin. Mensonge !
M. Jacques Blanc. … tout en garantissant son caractère universel, son capital public et une exigence de présence territoriale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Yannick Bodin. GDF !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne vous croit !
M. Jacques Blanc. Oui, l’existence des 17 000 points de contact sera désormais inscrite dans la loi ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. Il vous reste trois minutes, mon cher collègue.
M. Jacques Blanc. Comme je suis souvent interrompu, il faut arrêter la pendule, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La capacité de nouer des partenariats doit être conservée. Les agences municipales postales constituent une bonne réponse. Encore faudra-t-il sans doute examiner de plus près le statut de leurs agents.
Par parallélisme, il faudra, comme je l’ai proposé samedi dernier, à La Canourgue, quand j’ai reçu des représentants des postiers, que les bureaux de poste dont l’activité est quelque peu limite…
M. David Assouline. C’est vous, qui êtes limite !
M. Jacques Blanc. … puissent nouer des partenariats avec ERDF ou France Télécom, notamment, pour assurer des activités commerciales. (Mme Christiane Hummel applaudit. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On vendra des pommes et des cacahouètes !
M. Yannick Bodin. Ils ne vous ont pas cru ! D’ailleurs, personne ne vous croit !
M. Jacques Blanc. J’ai dit aux postiers de la Lozère que je porterai ce message au Sénat. J’en suis sûr, au-delà des vociférations et du jeu politique, chacun est bien conscient que l’inaction condamnera l’avenir même de La Poste. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. David Assouline. C’est le cirque !
M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, vous avez obtenu des crédits importants pour le fonds de compensation du service universel postal, ce qui sécurise les 17 000 points de contact. Par ailleurs, la règle des vingt minutes et des cinq kilomètres sera maintenue.
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour l’oiseau ? (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Toutefois, j’ose le dire, des exceptions devront être prévues dans certains endroits, les solutions retenues devant alors faire l’objet d’accords adoptés à l’unanimité des élus.
Sur le terrain, que nous soyons de droite ou gauche, nous défendons tous La Poste ! (Mme Christiane Hummel applaudit. – Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Voilà la vérité ! Je le répète : vous n’avez pas le monopole du cœur ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Yannick Bodin. Comédie !
M. Jacques Blanc. Chers collègues de l’opposition, prenez de la hauteur, à l’image de l’oiseau bleu (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), et sortez d’une attitude qui n’est pas très digne. (Vives protestations sur les mêmes travées.) Car les fausses consultations peuvent mettre en cause les vraies ! Vous allez discréditer le référendum. Il est tout de même facile d’interroger les gens alors que vous savez que personne ne veut la privatisation de La Poste ! (Mêmes mouvements.) Qui défend ici la privatisation de La Poste ? Aussi, en tant que représentants des territoires ruraux, montrons ce que nous voulons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Dans un brouhaha, l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG brandissent de nouveau la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum » et scandent ce mot.)
M. Ivan Renar. Il nous provoque !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il parle trop !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Blanc. Il me faudrait encore quelques minutes pour achever mon intervention, monsieur le président.
M. le président. Non, je vous accorde trente secondes.
M. Jacques Blanc. Nous voulons un service universel, une unicité tarifaire sur le territoire, une distribution six jours sur sept, une livraison de la presse sur tout le territoire, une présence territoriale assurée par 17 000 points de poste et une accessibilité bancaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il s’agit d’un dossier passionné et difficile. C’est pourquoi nous sommes fiers, grâce au travail mené par la commission en accord avec le Gouvernement, de sauver ici, au Sénat, le service public de La Poste. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, où Mmes et MM. les sénateurs brandissent une nouvelle fois la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».)
M. le président. Mes chers collègues, rangeons les « cartons jaunes ». (Sourires.)
La parole est à Mme Évelyne Didier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vas-y Évelyne !
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur le « défi du maintien de la présence postale », selon les termes mêmes de l’étude d’impact sur ce projet de loi.
Le Gouvernement se trouve en effet dans une situation paradoxale : comment faire croire que la présence postale va se trouver renforcée alors même que la transformation de La Poste en société anonyme va la contraindre à une plus grande rentabilité économique, indépendamment de son utilité sociale ?
Rappelons qu’un bureau de poste n’est pas forcément rentable, il est avant tout utile. À l’aune de la seule rentabilité, ce sont donc des milliers de bureaux qui seraient voués à la disparition. À ce titre, la présence postale dans les territoires ruraux a déjà reculé depuis plusieurs années, les obligations de La Poste en termes d’aménagement du territoire s’étant trouvées allégées par les lois successives et les contrats de service public qui préparent l’ouverture à la concurrence.
Un rapport de la Commission européenne au Conseil soulignait déjà en 2006 que « l’accès aux services postaux dans les régions isolées risquait de pâtir » de la mise en œuvre des directives de libéralisation.
Il ne s’agit donc pas d’une inquiétude nouvelle pour les élus et les citoyens, qui vous interpellent régulièrement sur cette question. J’ai moi-même, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, été sollicitée par de nombreuses communes et autres collectifs de défense qui ne supportent plus la lente agonie de leurs services postaux.
Bien avant que la réforme ne soit annoncée, tout était déjà mis en œuvre pour tuer à petit feu les agences locales dites « non rentables » et inciter les usagers à se rendre dans des centres plus importants. Ainsi, à Onville et à Leyr, la réduction de l’amplitude horaire d’ouverture des bureaux se poursuit, posant le problème de l’accessibilité des usagers, renvoyés vers d’autres bureaux de poste. À Leyr, la prise d’activité des facteurs a été transférée au centre voisin, situé à vingt kilomètres du périmètre de leurs tournées ! À Onville, l’unique agent du guichet n’est remplacé que de façon aléatoire lors de ses absences. Les usagers sont avertis le jour même, par un écriteau sur la porte, de la fermeture ou, le cas échéant, des horaires du jour ! À cela, La Poste répond que les clients peuvent, désormais, traiter la plupart de leurs opérations sur internet ! C’est oublier que, souvent, ces personnes sont aussi confrontées à l’isolement en termes de réseaux de télécommunication. Je pense particulièrement aux personnes âgées.
Comment ne pas s’émouvoir, alors, des conclusions de la commission Ailleret, qui souhaite que les surcoûts liés aux missions de service public, notamment en termes d’aménagement du territoire, diminuent, pour arriver à l’équilibre.
Si l’État maintient sa participation au capital, parallèlement, il se désengage du financement des missions de service public, au titre desquelles il doit un milliard d’euros à La Poste. La priorité est donc le remboursement des charges indues.
En outre, le changement de statut fait peser un risque sur ces missions, qu’il s’agisse de l’accessibilité bancaire, de la distribution de la presse, du service universel postal et de l’aménagement du territoire. Vous nous direz que celles-ci sont confortées par la loi, monsieur le ministre. Mais comment faire sans financement ?
L’article 2 bis affirme vouloir graver dans la loi la présence de plus de 17 000 points de contact. Mais de quoi parlons-nous ? Depuis que le processus de libéralisation est entamé, le nombre de bureaux de plein exercice a chuté, passant de 14 147 en 1999 à 11 422 au terme de l’année 2008. Parallèlement, le nombre d’agences postales communales et de relais poste n’a fait qu’augmenter. Pourtant, on ne fait pas les mêmes choses dans un simple relais poste ou dans un bureau de plein exercice. (Marques d’approbation sur les travées des groupes socialistes et CRC.) Quant aux agences postales, elles sont le résultat d’un chantage à la présence postale. Les collectivités qui font ce choix pour leurs concitoyens supportent une charge indue et mal compensée,…
M. Jacques Blanc. Ce n’est pas vrai !
Mme Évelyne Didier. …l’aide apportée atteignant péniblement 900 euros.
Ce que vous nommez donc pudiquement « partenariat », nous appelons cela du racket ! Cette logique est assumée par la direction de La Poste, qui estime que la transformation de cinq cents bureaux de poste par an en agences communales ou en relais poste pourrait permettre de ramener le surcoût généré par cette mission d’aménagement du territoire à 260 millions d’euros en 2011. Il s’agit donc bien de réduire la présence postale.
Une telle logique fait craindre le pire pour la mission de service public liée à l’accessibilité bancaire, qui n’est pour sa part assortie d’aucune obligation territoriale.
Pour remplir les obligations en termes d’aménagement du territoire, la loi relative à la régulation des activités postales a instauré un fonds de péréquation de la présence postale. La Commission supérieure du service public des postes et télécommunications a regretté que les modalités de financement de ce dernier n’aient pas été précisées. Quant à ses moyens, ils restent à la fois insuffisants et incertains, ce fonds étant en effet abondé par l’exonération de la taxe professionnelle – cela vous dit quelque chose, mes chers collègues ? (Sourires.) –, dont La Poste bénéficie à hauteur de 85 %, et même à 100 % désormais, grâce au travail de la commission.
M. le président. Veuillez conclure, madame Didier.
Mme Évelyne Didier. Alors que cette taxe est appelée à disparaître dans la prochaine loi de finances, on ne sait toujours pas comment ce fonds sera alimenté à l’avenir. Les directives européennes n’interdisaient pas de faire supporter aux opérateurs une obligation de desserte de l’ensemble du territoire. Pourquoi ne pas avoir choisi cette voie ?
Par ailleurs, les directives n’imposaient nullement un changement de statut. La définition des normes de qualité de service et des règles d’accessibilité des bureaux demeure également une prérogative nationale.
Nous ne voulons pas d’une telle « modernisation ». Les exemples montrant que l’ouverture à la concurrence, cumulée au changement de statut, se traduit par une dégradation des services sont aujourd’hui trop nombreux en Europe. En Suède, notamment, on parle couramment de la « règle du tiers », la libéralisation ayant en effet entraîné la suppression d’un tiers du personnel et d’un tiers des bureaux de poste, sans parler du prix du timbre, qui a augmenté de 40 % pour l’usager, et diminué de 30 % pour les entreprises. Voilà la « modernisation » que vous nous proposez ! La logique est donc toujours la même : le désengagement de l’État.
Pour toutes ces raisons, nous serons des opposants déterminés à ce texte, qui sonne le glas des missions de service public confiées à La Poste, mettant de fait en péril la cohésion nationale et le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement présente ce projet de loi dans un contexte particulier. L’inquiétude de la société française est palpable : inquiétude face aux politiques de libéralisation menées tambour battant par votre gouvernement, inquiétude en raison de la précarité montante, inquiétude liée au sentiment de déclassement, inquiétude pour l’avenir de la nouvelle génération, inquiétude pour le devenir du territoire. Ce qui était assuré hier est aujourd’hui susceptible d’être remis en cause à tout moment.
On peut voir dans le délitement du lien social l’émergence de l’individualisme et le recul des solidarités traditionnelles ; pour ma part, j’impute plutôt cette dissolution au libéralisme non tempéré que vous appliquez à tous les pans de notre économie : la généralisation et la banalisation du travail dominical fragilisent les familles ; le paquet fiscal, contesté jusque dans vos rangs, privilégie les plus aisés et reporte la fiscalité sur les ménages de la classe moyenne.
Parallèlement à ces dérégulations qui précarisent chaque jour davantage nos concitoyens, brouillent leurs repères et dégradent leur vie quotidienne, vous menez une politique qui se résume à l’affaiblissement des solidarités collectives issues du programme du Conseil national de la Résistance, que vous détricotez avec constance. Votre cible principale, c’est notre système de protection sociale et le service public. Non seulement le périmètre de ce dernier s’est réduit comme peau de chagrin, mais, là où il est irremplaçable, indispensable, comme dans les domaines de la santé et de l’éducation, vous ne lui donnez plus les moyens d’être un service de qualité.
Pour dissiper ce climat anxiogène et occulter les vraies difficultés sociales et économiques, votre gouvernement nous propose comme remède un débat sur l’identité nationale. Les Français ont bien compris que le tempo était choisi à dessein : il s’agit, d’une part, d’une manœuvre de diversion face aux problèmes quotidiens, notamment la dégradation de l’emploi, et, d’autre part, de visées électoralistes qui ne trompent personne.
Dans ce débat sur l’identité, il apparaîtra sans doute que l’attachement au service public, notamment à La Poste, est l’une des composantes forte de cette identité. Le lien affectif des Français avec La Poste et son personnel excède en effet largement son rôle économique, tant son rôle social est important. Vous avez les yeux rivés sur un tableau de bord, vous contentant de mesurer les performances financières, les coûts et les surcoûts, sans vraiment prendre la mesure de l’attachement de nos concitoyens à leur Poste.
C’est pourquoi la votation citoyenne a rencontré un si fort écho dans la population. Sur ce plan, vous avez commis une erreur d’appréciation, suivie d’une faute : votre erreur d’appréciation est de ne pas avoir anticipé une telle mobilisation ; votre faute est de l’avoir discréditée en l’assimilant à une mascarade et en la dénonçant comme une manipulation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Hervé Maurey. Une mascarade, c’est le mot !
Mme Bariza Khiari. Comment un gouvernement issu d’un mouvement dit populaire peut-il à ce point mépriser une expression populaire d’une telle ampleur ? À la lecture de l’ouvrage Facteurs en France, on s’aperçoit que les 100 000 facteurs qui sillonnent la France six jours sur sept contribuent à tisser un lien social fort, que leur passage quotidien représente un rythme important pour nombre de nos concitoyens et qu’ils contribuent à incarner, chaque jour, l’égalité républicaine et l’unité du territoire. À l’instar des « hussards noirs de la République », le postier est l’image de la République.
Le titre Ier de ce projet de loi, consacré au changement de statut, tout comme son titre II, qui transcrit la dernière directive postale, représentent une menace forte sur les missions de service public dévolues à La Poste. Le Gouvernement nous assure qu’il n’est pas question d’ouvrir à des actionnaires privés le capital de l’entreprise. Les expériences récentes nous montrent qu’un changement de statut est bien l’antichambre de la privatisation.
M. Roland Courteau. C’est évident !
Mme Bariza Khiari. D’ailleurs, un proche conseiller du Président de la République déclarait ce matin, au sujet de La Poste, que le verrou du service public à caractère national ne constituait pas une garantie éternelle.
Le financement des missions de service public de La Poste est compromis, notamment celui de la présence postale. Même en portant à 100 % l’abattement de la taxe professionnelle et la future cotisation complémentaire, comme l’a proposé M. le rapporteur, le fonds de péréquation assurant la présence postale demeurerait sous-alimenté.
Le titre II de ce projet de loi, en entérinant la fin du secteur réservé, fragilise le principe de péréquation tarifaire, instrument essentiel de l’égalité républicaine. La création d’un fonds de compensation, abondé par les nouveaux entrants sur la base du volume d’activité ou du chiffre d’affaires, n’y changera rien. À court terme, l’un des derniers services publics de proximité est voué à disparaître de nos territoires les plus fragiles, c’est-à-dire les moins rentables.
Mes collègues ont évoqué le rôle essentiel de la présence postale dans les zones rurales ; pour ma part, j’aimerais insister sur la présence postale à Paris et dans les zones urbaines sensibles. En 1998, dans un rapport baptisé Demain, la ville, notre collègue Jean-Pierre Sueur s’alarmait déjà. Alors que les 315 000 employés de La Poste permettaient à l’époque d’assurer un ratio d’un employé postal pour 180 habitants, les habitants des zones urbaines sensibles voyaient ce ratio passer à un pour 670 habitants. De surcroît, 40 % des zones urbaines sensibles ne comportaient aucun bureau de poste, alors qu’elles représentaient une population de plus de 4 millions de personnes. Aujourd’hui, on compte un bureau de poste pour 15 000 habitants en Seine-Saint-Denis. C’est catastrophique !
Les effectifs sont également faibles, ce qui explique que le moindre incident vienne perturber l’ensemble du trafic. Les non-remplacements de personnels absents se traduisent ainsi par une ou plusieurs journées sans distribution dans certains secteurs de la première couronne, laquelle compte pourtant un grand nombre d’entreprises contribuant à la vitalité économique de l’Île-de-France. Certains courriers, considérés comme non prioritaires, sont distribués de manière aléatoire et différée, et les temps d’attente aux guichets sont de plus en plus importants.
Alors que les quartiers sensibles souffrent déjà de malaises économiques et sociaux et d’une relégation par rapport à d’autres territoires de la République, va-t-on leur imposer un recul supplémentaire en limitant leur accès aux services postaux ?
C’est bien la question, car en prenant le chemin d’une limitation progressive de l’implication de l’État dans l’entreprise « Poste », on se prive d’un outil fondamental et nécessaire pour aider certaines zones, et l’on renonce à vouloir reconquérir les territoires « perdus » de la République. La convention signée en 2007 entre l’Agence nationale pour le renouvellement urbain, l’ANRU, et La Poste soulignait pourtant le rôle de cette dernière vis-à-vis des zones urbaines sensibles : elle améliorait l’accessibilité des services postaux aux populations de ces quartiers et favorisait une desserte de qualité et un travail de proximité.
Lorsque des logiques de rentabilité seront au cœur du fonctionnement de l’entreprise, comment pourra-t-on envisager des politiques d’aménagement du territoire vraiment efficaces ? Cela aura-t-il un sens ? Ne nous privons pas d’un instrument efficace pour aller vers ces quartiers.
Le service public est consubstantiel à notre modèle social, modèle auquel nous sommes attachés, d’une part, parce qu’il est porteur de valeurs de solidarité, d’autre part, parce qu’il constitue un amortisseur social en temps de crise pour les plus défavorisés. Par conséquent, le groupe socialiste s’opposera résolument à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous avons entamé hier la discussion a déjà fait couler beaucoup d’encre et a subi un travail de sape constant de la part de certains syndicats et partis politiques d’opposition.
Au regard des enjeux auxquels La Poste devra faire face à compter du 1er janvier 2011, il faudrait être aveuglé par je ne sais quel dogme, ou tout simplement inconscient, pour ne pas comprendre qu’il faille lui faire bénéficier d’une plus grande liberté de manœuvre. Aussi, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de votre implication personnelle dans cette réforme. Vous avez souhaité un débat parlementaire le plus ouvert possible, et je tiens à vous renouveler tout mon soutien pour faire aboutir cette nécessaire réforme de La Poste, afin de garantir sa compétitivité face aux nouveaux défis.
À la lecture du compte rendu de l’audition de Christian Estrosi devant la commission de l’économie, je souhaite attirer votre attention sur deux problématiques figurant dans le projet de loi : d’une part, la détention du capital de La Poste ; d’autre part, le rôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
L’article 1er du projet de loi tend à faire évoluer le statut juridique de La Poste en la transformant à compter du 1er janvier 2010 en société anonyme. Suivant la volonté exprimée par la Président de la République en décembre 2008, le Gouvernement s’était engagé à ce que le capital de La Poste reste détenu à 100 % par l’État ou par d’autres personnes morales appartenant au secteur public. Je me félicite que les débats en commission aient substantiellement amélioré la rédaction de l’article 1er, et je tiens ici à saluer l’initiative de notre rapporteur, Pierre Hérisson, qui a souhaité que le capital soit détenu à 100 % par l’État « et » par d’autres personnes morales de droit public.
Cependant, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer que le capital de La Poste soit détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, plutôt que par d’autres acteurs institutionnels publics dont les intérêts pourraient fluctuer en fonction des desiderata de leurs actionnaires privés.
Souhaitant donc aller plus loin, l’amendement que je présenterai visera à garantir qu’au-delà de l’État seules des institutions financières publiques françaises exerçant des activités d’intérêt général pour le compte de l’État puissent entrer au capital de La Poste.
À ce jour, seule la Caisse des dépôts et consignations répond à ces critères.
Cela permettrait de ne pas fermer les portes du capital de La Poste à des institutions similaires à la CDC et de maintenir la vigilance à l’égard de ceux qui souhaiteraient y entrer à l’avenir.
Répondant au courrier que je lui ai adressé à ce sujet, Christian Estrosi m’a écrit qu’il partageait mes observations sur le fait que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations doivent pouvoir détenir le capital de La Poste. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion des articles.
Le titre II du projet de loi élargit les missions de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et définit les obligations de La Poste vis-à-vis de celle-ci.
Selon la lecture que l’on pourrait faire des articles de ce titre II, l’Autorité de régulation semblerait n’imposer des contraintes qu’à La Poste, sans que cela concerne les futurs concurrents de cette dernière.
Même s’il est évident, à mes yeux, que les futurs prestataires, titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et des communications électroniques, seront soumis aux mêmes obligations que celles qui sont mentionnées à l’article 20 du projet de loi, j’estime nécessaire que le Gouvernement le précise noir sur blanc afin de dissiper tout doute sur ce point.
Dans un contexte où, sur un sujet de cette importance, l’opinion publique a été abreuvée quotidiennement de contrevérités, cela éviterait de faire accroire à un traitement différencié entre La Poste et ses futurs concurrents.
Aussi, monsieur le ministre, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir me confirmer que La Poste et l’ensemble des opérateurs qui officieront sur le territoire national seront traités sur un pied d’égalité par l’Autorité de régulation.
Enfin, monsieur le ministre, le Gouvernement s’est engagé à maintenir et à préserver la présence de La Poste sur l’ensemble du territoire, que ce soit en zone rurale et de montagne ou sur les territoires les plus éloignés.
M. François Patriat. Il croit au père Noël !
M. Christophe-André Frassa. Votre projet de loi garantit pour la première fois les quatre missions de La Poste.
Ainsi, les critères actuels d’accessibilité au réseau des points de contact au titre du service universel seront maintenus et les articles 2 et 3 consacrent et assurent la mission d’aménagement du territoire de La Poste, ce dont je me réjouis.
Vous avez même proposé d’aller au-delà en prenant des engagements en matière de maintien du périmètre de la mission d’aménagement du territoire ou de pérennité de son financement.
Partout où ils sont présents, les agences postales communales et les points-relais commerçants compensent en partie les carences et remplissent particulièrement bien leurs rôles. Leurs premiers résultats sont d’ailleurs significatifs.
Monsieur le ministre, vous avez marqué votre volonté de poursuivre leur développement et je m’en félicite. Cependant, comme l’a si bien souligné notre collègue Jacques Blanc, il serait judicieux de réfléchir dès aujourd’hui à la possibilité de mutualiser les services publics et d’étendre les missions purement postales de ces bureaux très retirés.
Il m’apparaît nécessaire de sortir du schéma classique où seules La Poste et les collectivités territoriales auraient leur mot à dire, schéma qui conduit inéluctablement à ne raisonner qu’en termes de coût financier, avec une Poste qui se désengage de ses bureaux non rentables et des collectivités territoriales qui refusent d’accroître leurs charges et la fiscalité locale.
Offrir sous un même toit une gamme élargie de services débordant largement de ceux qui sont traditionnellement assurés par La Poste et répondant soit à des activités reconnues socialement nécessaires, soit à des services d’intérêt général indispensables aux besoins de nos concitoyens, pourrait être une solution. Ces points d’accueil pourraient assurer la prestation des services publics aujourd’hui absents ou disparus. Ils pourraient offrir par ailleurs toutes formes de conseils, d’expertises et de services dans des domaines aussi variés que l’aide à la personne, la garde d’enfants ou les services à domicile. Ils pourraient enfin aider à la création d’emplois et à l’insertion professionnelle durable.
Même si cette réflexion sort quelque peu des débats que nous engageons aujourd’hui, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne pourrons aider La Poste à se développer face à ses concurrents sans réfléchir à l’évolution de ces points d’accueil dans les zones les plus retirées de notre pays, et ce dans le cadre de la mission de service public, à laquelle tous nos compatriotes sont très attachés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne le sait que trop, toute réforme structurelle d’une entreprise s’accompagne de casse, tant sociale que des conditions de travail. Aussi, je souhaite vous faire part des craintes importantes des personnels à l’égard de votre réforme.
La Poste, aujourd’hui, tous métiers confondus, ce sont 287 000 salariés, dont 142 000 fonctionnaires et 145 000 salariés de droit privés dits « contractuels », en contrat à durée soit indéterminée, soit déterminée. Ce sont aussi plus de 200 filiales en France et à l’étranger.
On constate la diversité de structures et de situations des salariés, regroupés en de nombreux métiers, parfois très différents, mais tous complémentaires, pour accomplir leurs missions de service public.
Résultat de l’histoire, cette diversité est aussi la conséquence de choix délibérés et constants des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste d’aller à marche forcée vers une société commerciale filialisée.
Déconstruire et diviser par activités, c’est finalement classique, monsieur le ministre ; c’est diviser pour mieux réformer !
L’une des conséquences de la transformation des PTT en deux entités, France Télécom et La Poste, fut le choix donné aux salariés d’être « reclassifiés » ou « reclassés ». Traduisez par « demeurer fonctionnaire ou intégrer la nouvelle structure et devenir un contractuel soumis au droit privé ».
A ainsi été créée une catégorie de salariés que l’on pourrait nommer les « ni ni » : ni tout à fait des salariés de droit privé, car ils n’en ont pas tous les droits, ni tout à fait des fonctionnaires.
Après des années de lutte, ils sont toujours dans une situation de discrimination, dont votre propre rapport, monsieur le président, en soulignait, déjà en 2002, le caractère anormal.
Ainsi coexistent aujourd’hui une multitude de situations salariales et de régimes juridiques hétérogènes et inégalitaires, un « ornithorynque juridique », selon les dires des personnels. Cette superposition de régimes laisse perdurer de nombreuses zones de non-droit.
Après un moins-disant salarial et une aggravation des conditions de travail, votre énième réforme, si elle était adoptée, représenterait en outre un nivellement par le bas des retraites, car elle entraînerait pour ses salariés un passage de l’IRCANTEC vers l’AGIRC, conduisant à une augmentation des cotisations et à une baisse des retraites.
M. Guy Fischer. C’est tout à fait vrai !
Mme Annie David. De même, l’IRCANTEC n’y survivrait pas à terme.
Alerté sur cette question, le ministre Christian Estrosi s’est engagé en commission à trouver une solution qui satisfasse toutes les parties. Sachez que nous serons très vigilants quant aux suites données à ce dossier primordial.
Il en est de même de la proposition d’actions gratuites à destination des salariées. Seuls les cadres pourraient y prétendre. Aussi, nous ne pouvons y souscrire, d’autant qu’un tel dispositif, associé à celui des primes, autre proposition de ce projet de loi que nous contestons, favorise une politique de bas salaire. En outre, cette option n’étant valable que deux ans, cela aboutira, à terme, à des reventes de la part des salariés, avec les risques d’une privatisation indirecte et rampante.
Et vous voudriez nous faire croire que, jamais, La Poste ne sera privatisée ! Avec cette réforme, celle-ci deviendrait une société anonyme, comme France Télécom, toutes deux issues des PTT. L’on ne peut s’empêcher de regarder leur destin parallèle. Ainsi, à France Télécom, nous sommes face à de dramatiques situations humaines et il faut savoir que, à La Poste, énormément de salariés souffrent déjà de cette gestion du personnel pathogène.
Nous ne prônons pas le statu quo en refusant que La Poste devienne une société anonyme. Au contraire, nous appelons de nos vœux une réforme d’envergure qui se traduirait, pour les usagers, par la pérennisation d’un véritable service public de La Poste, et, pour les salariés, par l’acquisition d’un statut juridique unifié, notamment grâce à la convention collective unique comportant des droits pour toutes et tous au moins équivalents à ceux qui sont inscrits dans le code du travail.
Pour conclure, à l’heure où l’on commence à mesurer l’étendue et la gravité de la souffrance au travail, ainsi qu’en témoigne la mission parlementaire de la commission des affaires sociales sur le mal-être au travail, à l’heure où certaines entreprises commencent à revenir en arrière et où l’actualité nous rappelle chaque jour les dégâts humains que l’ultralibéralisme engendre, cette réforme est déjà dépassée et n’est plus en phase avec les besoins des populations en ce début de XXIe siècle.
Voilà pourquoi nous voterons contre la transformation de La Poste en société anonyme, laquelle n’est justifiée par aucune nécessité économique, structurelle, salariale, si ce n’est une future privatisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je formulerai une première remarque, si vous le voulez bien : ce sont les gouvernements de droite qui ont conduit la négociation de la troisième directive postale. Nous sommes d’accord ?...
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Roland Courteau. C’est bien le ministre François Loos qui avait averti que, si la France estimait insuffisantes les garanties concernant le financement du service universel, elle demanderait le maintien du secteur réservé. Nous sommes toujours d’accord ?... (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Cependant, la proposition de directive n’a pas été fondamentalement modifiée. Et pourtant, la France n’a rien demandé et a approuvé le texte européen. Seuls les eurodéputés de gauche s’y sont opposés, et pour une bonne raison : en fait, tout le discours ultralibéral de la Commission européenne se retrouve dans cette directive que le Gouvernement a avalisée.
Deuxième remarque : franchement, monsieur le ministre, à qui voulez-vous faire croire que, pour affronter la concurrence et se moderniser, La Poste est dans l’obligation de changer de statut ? Tout le monde est persuadé qu’il y a véritablement anguille sous roche et que la transformation en société anonyme constitue le premier pas vers la privatisation. Mais oui ! Le précédent de GDF rôde encore ici au-dessus de nos têtes. Nul n’a oublié, dans le pays, que le ministre Nicolas Sarkozy avait promis urbi et orbi de ne pas privatiser Gaz de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Nous n’avons pas oublié !
M. Roland Courteau. D’ailleurs, instruits par ce précédent et quelques autres, les Français peuvent vous écrire la suite de l’histoire de La Poste si celle-ci devient demain une société anonyme, surtout après les propos qu’a tenus ce matin le conseiller de l’Élysée.
Ainsi, un à un, les piliers du service public à la française tomberont au champ d’honneur.
Quoi que vous nous disiez, vous avez choisi de vous attaquer à l’un des seuls symboles du service public encore debout. Et ce ne sont pas les faux remparts que vous faites mine d’ériger contre la dérive de privatisation ainsi engagée qui rassureront les Français.
Monsieur Teston s’est largement exprimé…
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie. Ça, c’est vrai ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. …sur cette digue de papier que pourrait être l’amendement visant à faire de La Poste un service public national.
En vérité, le sort de l’entreprise a été décidé et ficelé depuis longtemps. Le Gouvernement a pioché dans le rapport Ailleret, l’habillage du moment, pour préparer ce qui a toujours été envisagé par la droite, à savoir la privatisation future de La Poste.
C’est votre choix. Assumez-le ! Inutile d’invoquer l’Europe ou des questions de techniques de financement. En fait, ce changement de statut est surtout dogmatique et vous avez décidé d’engager une bataille idéologique contre les services publics. Vous nous trouverez en face de vous, car notre volonté est de sauvegarder une entreprise publique dont l’utilité sociale et économique est reconnue de tous. Ce choix-là, nous l’assumons !
Notez bien que c’est cette même volonté qui s’est affirmée lors de la votation citoyenne, une votation que certains, ici, ont tenté de disqualifier. Je rappelle que cette forme de référendum fut inspirée par celui qui a été mis en œuvre par la Ligue des droits de l’homme.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Roland Courteau. Il fallait être majeur, présent physiquement et signer une liste d’émargement !
Dans l’Aude, par exemple, 45 000 votants, sur une population de 320 000 habitants, se sont déplacés pour montrer leur attachement à La Poste.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Roland Courteau. À ceux qui doutent, à ceux qui dénigrent, je leur dis que les listes d’émargement sont à leur disposition.
M. Guy Fischer. Nous en avons aussi !
M. Roland Courteau. Mon collègue Marcel Rainaud ne me démentira pas.
Cette votation, plusieurs membres du Gouvernement ont voulu l’ignorer ou l’ont même dédaignée. Et c’est cette même volonté qui se serait affirmée très largement si le Gouvernement avait accepté d’organiser un référendum. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Plusieurs sénateurs de ces mêmes groupes brandissent de nouveau la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».)
Eh oui ! l’attachement des Français à La Poste est très fort, car La Poste n’est pas une entreprise comme une autre. Elle est bien plus qu’un réseau de transport et de distribution : c’est un vecteur de lien social, de développement économique et d’aménagement du territoire. C’est le symbole du service public à la française, c’est le symbole de l’égalité républicaine.
Admettez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que les sociétés de l’avenir ne sauraient être vouées totalement à la performance et à la réussite financière.
Admettez, comme d’autres l’ont écrit, que la solidarité et le dévouement au bien commun, ainsi qu’une organisation fondée sur l’intérêt collectif, c’est-à-dire le service public, puissent équilibrer la toute-puissante logique de la rentabilité.
Monsieur le ministre, votre projet de loi est néfaste pour le service postal et pour les personnels. Vous persistez à refuser un référendum. Pour notre part, nous persistons à considérer que le peuple a son mot à dire, car La Poste, c’est la propriété des Français !
M. Robert Tropeano. Tout à fait !
M. Roland Courteau. Pourquoi refusez-vous de consulter les Français sur un projet dont les enjeux sont particulièrement lourds, en termes de lien social, dans les zones rurales comme dans les quartiers populaires, et en matière d’aménagement du territoire ? Auriez-vous peur du résultat ?
M. Bernard Piras. Oui !
M. Roland Courteau. Si, plutôt que d’ignorer ou de dédaigner la votation citoyenne du 3 octobre le Gouvernement avait pris cette mobilisation en considération, il aurait pu constater que l’attachement des Français au service public de La Poste débordait largement les frontières partisanes. Sachez-le, des citoyens de gauche comme de droite ont exprimé leur attachement à ce service public. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
De toute manière, tôt ou tard, vous n’échapperez pas au référendum d’initiative populaire, car il faudra bien un jour inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement le projet de loi organique relatif à cette disposition constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Absolument !
M. Roland Courteau. Vous saurez alors ce que pense réellement le peuple !
Oui, votre projet est néfaste pour le service public. Nous considérons que le statut public de l’entreprise constitue une garantie dans le domaine de la préservation des missions de service public ou du contrôle de la stratégie du groupe. Le statut d’exploitant autonome public nous paraît tout à fait adapté à la modernisation de La Poste et à son développement.
Oui, nos craintes, avec le changement de statut de La Poste, sont très fortes. Non, nous ne voulons pas que La Poste devienne un vestige de notre modèle social.
Le projet de loi, en l’état, ne garantit pas un financement suffisant et pérenne des missions de service public : ni le Fonds de compensation du service universel ni le Fonds postal national de péréquation territoriale, même après les modifications apportées par la commission, ne disposent de ressources suffisantes et pérennes dans un temps de réforme de la fiscalité locale.
Nous proposerons donc des amendements sur cette question majeure à nos yeux. Car en l’absence d’un financement intégral, La Poste cherchera à diminuer encore ses coûts : suppression d’emplois, réduction de la présence postale, remise en cause de la distribution des courriers six jours sur sept et à j+1.
En conclusion, pour que La Poste poursuive son développement et sa modernisation, elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur l’ensemble de son personnel. Elle doit donc disposer d’un pacte social ambitieux afin de préserver l’emploi et offrir de bonnes garanties sociales aux postiers.
J’ai récemment reçu des lettres où il était écrit : « il vous appartient de choisir entre l’aventure et le bon sens, entre l’intérêt général et une orientation mercantile ».
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Courteau.
M. Roland Courteau. Eh bien ! monsieur le ministre, vous l’aurez compris, mon choix, qui est aussi celui du groupe socialiste, est fait : c’est celui du bon sens et de l’intérêt général. Voilà pourquoi nous nous opposerons à votre projet. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste occupe une place centrale dans la vie quotidienne de dizaines de millions de Français, aussi bien par les missions qu’elle assume partout sur le territoire que par sa mission sociale forte. Il est important de rappeler qu’elle est le premier employeur du pays après l’État.
Ces dernières décennies, La Poste a su évoluer et s’adapter aux mutations de l’économie et de la société. Il est vrai que, ces derniers mois, nous avons su, grâce aux textes proposés par la majorité, soutenir le projet de la Banque postale qui spécifiait que La Poste devait rester implantée au maximum dans les territoires.
La Banque postale est une réussite totale parce que ses dirigeants ont su gérer sans s’aventurer, contrairement à d’autres groupes financiers.
Pourtant, La Poste est aujourd’hui confrontée à un bouleversement majeur de son environnement qui pourrait rendre son avenir incertain. En particulier, l’insuffisance de ses fonds propres l’empêche de procéder aux investissements nécessaires pour affronter ses concurrents les plus directs.
Or son statut actuel d’établissement public ne l’autorise pas à accéder à des sources de financement élargies. Pour remédier à cette situation, il est nécessaire de modifier sa forme juridique.
M. Claude Bérit-Débat. C’est faux !
M. Alain Fouché. Tel est le sens du projet de loi qui nous est soumis.
Je tiens à insister sur deux points essentiels, sur lesquels le Gouvernement s’est engagé, et auxquels tout le monde semble attaché : la présence territoriale et le maintien du caractère entièrement public de l’entreprise.
La commission de l’économie, sur l’initiative de son rapporteur, Pierre Hérisson – qui effectue un travail remarquable sur le dossier de La Poste depuis des années –, et de plusieurs sénateurs, a tenu à apporter des garanties pour apaiser les inquiétudes liées à la présence postale. Ainsi a-t-elle décidé que le nombre de points de contact de l’opérateur sur le territoire national ne pourra être inférieur à 17 000. Cette disposition mérite d’être pleinement approuvée et le Gouvernement s’est d’ailleurs à son tour engagé sur ce point.
La Poste prendra la forme d’une société anonyme tout en demeurant une entreprise publique ; le ministre a été très précis hier. Le texte créé simplement le cadre juridique qui permet au groupe La Poste de procéder à une augmentation de capital par une souscription de l’État ou d’établissements publics dépendant directement de l’État.
La Poste a besoin d’un minimum de 2,7 milliards d’euros pour atteindre le même niveau de compétence et de compétitivité que les autres postes européennes. Cet apport sera exclusivement le fait de l’État ou d’entreprises publiques. Pas un seul euro ne devra provenir du secteur privé. La commission a précisé qu’en dehors de l’État seules des personnes morales de droit public pourraient détenir une part du capital de la future société anonyme.
Enfin, la transformation en SA ne changera en rien la situation des personnels, fonctionnaires et contractuels. Les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d’emploi et de retraite qui y sont associées.
Au fur et à mesure de la réflexion et après les réunions successives de la commission, le projet de loi évolue vers une rédaction plus satisfaisante, qui apporte davantage de sûreté à nos populations et à nos territoires. Il répond aujourd’hui à nos préoccupations, à celles des territoires et de leurs habitants. Nous saurons défendre ce projet et nous faire comprendre des populations qui savent que nous voterons un bon texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, reste-t-il encore quelque chose à ajouter (Non ! sur les travées de l’UMP.) après les excellentes et éminentes interventions de mes collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ?
M. Jacques Blanc. Et les nôtres ?
M. Jean Desessard. J’exprimerai donc une simple interrogation sur la présence de M. Estrosi au banc du Gouvernement.
Plutôt que de demander à M le ministre de l’industrie de présenter ce projet de loi, il aurait été plus symbolique, pour montrer que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, de mandater M. Éric Woerth : ministre du budget, il aurait pu nous parler de l’investissement de l’État ; ministre des comptes publics, il aurait pu nous parler du suivi de la Caisse des dépôts et consignations ; ministre de la fonction publique, il aurait pu nous parler de la mission de service publique de La Poste ; ministre de la réforme de l’État, il aurait pu nous parler de la modernisation nécessaire de cet établissement public.
Vous donnez un mauvais signe en demandant au ministre de l’industrie de défendre ce projet de loi.
M. Jacques Blanc. Pas du tout !
M. Jean Desessard. Je formulerai maintenant une remarque sur le second volet de ce texte, qui concerne la libéralisation ou, en termes plus académiques, la transposition de la troisième directive européenne concernant le secteur postal.
L’argument, souvent repris, est qu’il faut s’adapter à la législation européenne et, en conséquence, soumettre le secteur postal à la concurrence, libéraliser le marché. Certes ! Pour un peu, on percevrait des regrets de devoir aboutir à une telle situation.
MM. Jacques Blanc et Alain Gournac. Nullement !
M. Jean Desessard. Mais si ! Qui a voté cette directive européenne, si douloureuse à appliquer ? Pas les eurodéputés Verts, qui s’y sont opposés. Ce sont, bien sûr, les eurodéputés de l’UMP.
M. Jacques Blanc. Avec des élus de gauche !
M. Jean Desessard. Est-ce une erreur de manipulation des boutons de vote de tout un banc d’eurodéputés, à l’instar de Jean-François Lamour que l’on avait connu plus habile dans la maîtrise des touches ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Bien sûr que non, puisque cette directive a aussi reçu l’aval des ministres du Gouvernement.
Sur le plan européen, l’UMP est donc pour la libéralisation du marché postal, l’ouverture à la concurrence. Et l’on voudrait nous faire croire qu’il y a une coupure totale entre les parlementaires de l’UMP de Bruxelles et les parlementaires de l’UMP du Palais de Luxembourg ! Cela ferait désordre pour un parti aux commandes, qui joue un rôle important sur le plan européen et dont le chef incontesté se targue de moraliser le capitalisme et de supprimer l’ensemble des paradis fiscaux de la planète.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je croyais qu’ils n’existaient plus !
M. Jean Desessard. Alors, soyons sérieux et considérons que la ligne politique et idéologique de l’UMP c’est l’ouverture de la concurrence dans le secteur postal. Oui, mais voilà, il n’est pas si simple de mettre en œuvre une telle ligne politique dans un pays aussi attaché aux services publics à la française. Car le Gouvernement craint la mobilisation des salariés de La Poste, le rejet de la réforme par l’opinion, attachée aux voitures jaunes et à l’oiseau…
M. Jacques Blanc. Bleu !
M. Jean Desessard. …sillonnant les campagnes Cela a été confirmé, le 3 octobre, par la participation de plus de deux millions de personnes à la votation citoyenne.
Le Gouvernement craint également la rébellion d’élus ruraux, soucieux de maintenir la présence de services publics sur l’ensemble du territoire. Oui, mes chers collègues, la résistance d’élus de l’UMP à certaines réformes existe !
Enfin, le Gouvernement craint le rejet du projet de loi par le Conseil constitutionnel ; je fais référence au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
C’est pourquoi le Gouvernement avance masqué.
M. Jacques Blanc. Ah bon !
M. Jean Desessard. Pour étouffer les résistances, vous clamez avec des accents de sincérité, la main sur le cœur, que La Poste doit rester une entreprise publique, qu’il ne s’agit en aucun cas de la privatiser, et que vous voulez même la rendre « imprivatisable ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel concept !
M. Jean Desessard. Je ne reviendrai pas sur les précédents, mais la démarche est connue, habituelle : d’administration publique, on devient établissement public, puis SA à capitaux publics à 100 %, puis à 51 % pour garder la majorité, puis à 34 %, pour détenir une minorité de blocage, et on finit par une SA tout court, avec 26 % de capitaux publics pour France Télécom ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je prends acte de votre principal argument pour défendre le changement de statut.
Non pas l’argument, non dit, non avoué, qui motive le patron de La Poste, celui qui a été à l’origine de ce changement de statut. Je ne parlerai pas de l’avantage en termes de rémunérations, avec la multiplication par deux, trois, voire plus des revenus des cadres dirigeants. (M. le rapporteur fait un signe dubitatif.) Mais si, monsieur le rapporteur ! Vous savez bien que, dans ce cercle, les dirigeants jouent à qui aura la plus grosse (Rires.)… rémunération.
Non pas l’argument, non dit, non avoué, qui motive les dirigeants, multipliant les acquisitions, les cessions, les fusions, les liquidations.
Bref, le statut de société anonyme autorise le jeu favori des dirigeants prédateurs : le Monopoly boursier.
M. Jacques Blanc. C’est une insulte inacceptable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est plus acceptable que vos discours !
M. Jean Desessard. L’argument officiel est le besoin de financement, évalué à près de 2,7 milliards d’euros, pour moderniser La Poste. Comme les règles européennes, au nom du respect de la libre concurrence, ne permettent pas à l’État de faire cet investissement, il faut doter La Poste d’un statut de société anonyme pour que la Caisse des dépôts et consignations et l’État investissent cette somme sous forme de capital.
M. le président. Mon cher collègue, il vous reste une grosse minute ! (Rires.)
M. Jean Desessard. Comme je serai présent toute la semaine, ce que je ne dirai pas maintenant, vous aurez l’occasion de l’entendre plus tard ; à moins que vous ne soyez plus là !
Vous pensez que la Commission européenne sera dupe de cette grosse ficelle : l’État et un établissement financier contribueront à hauteur de 2,7 milliards d’euros, sans exiger un retour sur investissement, et cela passerait inaperçu auprès de la concurrence et de la Commission européenne…
Autant le dire tout de suite, vous lancez la privatisation de La Poste, avec un cadeau de 2,7 milliards d’euros.
Avant de conclure, j’adresserai une remarque à M. le ministre. (Plusieurs sénateurs de l’UMP constatent que le temps de parole de l’orateur est écoulé : « Zéro ! ».) Monsieur le président, il faut décompter le temps pendant lequel je suis interrompu par l’UMP !
Monsieur le ministre, vous avez dit hier, lors de la présentation du projet de loi, craindre que l’opposition ne vous pourrisse la semaine ! Eh bien ! je prends ce risque, car je considère que ce projet de loi va pourrir la vie de milliers de salariés et de millions d’usagers pour des années et des années ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts, à l’instar de l’ensemble de l’opposition, s’opposeront à ce texte, qui doit, selon eux, faire l’objet d’un débat au sein de la société et être soumis à un référendum national. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum » sont de nouveau brandies sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Organisation des débats
M. le président. Mes chers collègues, l’examen de la motion référendaire aura lieu demain matin, à neuf heures trente.
La discussion débutera par l’intervention de l’un des auteurs de la motion, M. Bel, qui disposera de vingt minutes.
Le rapporteur, M. Hérisson, et le président de la commission, M. Emorine, pourront ensuite s’exprimer pendant vingt minutes.
Le Gouvernement pourra, le cas échéant, répondre aux orateurs.
Le temps attribué aux groupes est de trente-neuf minutes pour le groupe UMP, de trente-deux minutes pour le groupe socialiste, de seize minutes pour le groupe Union centriste, de quinze minutes pour le groupe CRC-SPG, de treize minutes pour le groupe du RDSE et de cinq minutes pour les sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Après la réponse des ministres, nous examinerons trois motions de procédure. Puis nous entamerons l’examen du texte, avec vingt-sept amendements visant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er. Dix-huit orateurs sont inscrits sur l’article 1er. La séance devrait être levée ce soir vers minuit, afin de permettre l’examen de la motion référendaire demain matin à neuf heures trente.
L’accord des groupes ayant été obtenu sur cette organisation, vous pouvez ranger vos feuilles de papier jaunes, mes chers collègues. (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Discussion générale (suite)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum » sont de nouveau brandies.)
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que les Français aiment La Poste ; nous l’aimons tous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, vous ne pouvez pas douter de cet amour que nous avons tous pour La Poste.
M. Alain Gournac. Nous l’aimons autant que vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour !
M. Michel Mercier, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, si vous me laissez m’exprimer, je vous donnerai des preuves !
J’aborderai les questions relatives à l’aménagement du territoire et Christian Estrosi évoquera les autres aspects du texte.
Tout d’abord, nous sommes très attachés à La Poste en tant que symbole du service public, capable de s’adapter : on compte, en France, 17 000 points de contact de La Poste ; nous sommes le seul pays européen, avec le Portugal, me semble-t-il, a en avoir autant. C’est ce maillage de l’ensemble du territoire qui fait l’originalité de La Poste.
Un certain nombre de garanties sont apportées soit par le projet de loi lui-même, soit par les amendements qui ont été adoptés par la commission et acceptés par le Gouvernement.
Le texte rappelle tout d’abord les missions de service public exercées par La Poste : le service universel postal, la contribution à l’aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire.
Ces quatre missions essentielles, différentes les unes des autres, forment, aux yeux de nos concitoyens, un ensemble que l’on ne peut pas partager. Dans le plus petit des hameaux, le facteur apporte chaque jour le courrier et le journal ; ce service est à la base de notre vie sociale. Il est tout aussi primordial que chacun puisse trouver à moins de cinq kilomètres ou à moins de vingt minutes en voiture de son domicile un point de contact de La Poste.
L’existence d’une banque postale, où tout le monde peut ouvrir un compte, donne une perception de l’activité bancaire différente de celle que l’on a pu avoir au travers de la crise financière, et c’est très bien ainsi.
Le projet de loi tient compte à la fois de cet attachement aux missions de service public de La Poste et de l’évolution des technologies, avec la dématérialisation du courrier. Il serait vain, par exemple, de vouloir maintenir partout des bureaux de poste et de ne pas offrir aux zones rurales l’accès au très haut débit. Il faut au contraire conserver la présence postale sous un mode adapté et, dans le même temps, permettre à tous les territoires de notre pays d’accéder au très haut débit. Tel est l’objectif du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
J’aborderai maintenant les missions d’aménagement du territoire.
Près de 14 000 communes, sur les 36 000 que compte notre pays, ont un point poste et 60 % du réseau de La Poste est situé dans des communes de moins de 2 000 habitants. Cette présence postale, à laquelle nous sommes tous attachés, est remarquable.
Le projet de loi maintient ces quatre missions de service public, alors que rien n’obligeait le Gouvernement à les rappeler. Le texte obéit à une obligation constitutionnelle de transcription des directives, et le Gouvernement a choisi de graver de nouveau ces missions dans le marbre législatif et de donner un certain nombre de garanties supplémentaires.
M. Roland Courteau. C’était bien le minimum !
M. Daniel Raoul. Le marbre peut fondre !
M. Michel Mercier, ministre. Vous avez une relation lointaine avec la pierre, monsieur Raoul : le marbre fond rarement !
M. Daniel Raoul. Il suffit de le chauffer avec du gaz de France !
M. Michel Mercier, ministre. Quelles garanties supplémentaires figureront dans la loi grâce au travail de la commission et de son rapporteur ?
Tout d’abord, pour la première fois seront inscrits dans un texte législatif les 17 000 points de contact de La Poste. Des discussions ont lieu entre la commission et le Gouvernement pour en assurer le financement ; nous aurons l’occasion de discuter de cette question primordiale lors de l’examen des articles.
Le coût de cette mission de la présence postale doit être établi clairement. La Poste avance un chiffre ; une expertise indépendante doit être menée au préalable, et nous sommes prêts à accepter les amendements qui iront dans ce sens. Nous mettrons au point un mode de financement qui assure le maintien de ces 17 000 points de contact, qui sont essentiels à notre politique d’aménagement du territoire, notamment rural.
Je souhaite, pour ma part, pouvoir utiliser La Poste pour d’autres services publics. On pourrait, par exemple, installer dans les points de contact des bornes de visioconférence pour la Mutualité sociale agricole, la sécurité sociale ou tout autre service social. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Il faut à la fois moderniser La Poste et apporter un plus dans les points poste. Il ne s’agit pas de se contenter de ce qui existe déjà : il faut aller plus loin et conduire une politique qui assure la présence des services publics sur l’ensemble des territoires, notamment ruraux. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors des Assises des territoires ruraux.
La Poste, service public, service au public, présent de façon exceptionnelle sur l’ensemble des territoires : tel est l’objectif du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent une nouvelle fois les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum ».)
M. Alain Fouché. Ce n’est pas utile !
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais répondre à chacun des dix-sept orateurs.
Je connais certains d’entre vous depuis longtemps déjà.
M. Daniel Raoul. Hélas !
M. Christian Estrosi, ministre. Il ne sert à rien de brandir vos panneaux « référendum » : il est des moments où l’on doit pouvoir se parler en se regardant droit dans les yeux ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Yannick Bodin. Pas de cinéma !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, vous en connaissez un rayon !
M. Christian Estrosi, ministre. Je sais aussi, et je ne le conteste pas, que l’opposition est dans son rôle.
M. Yannick Bodin. Au fait !
M. Christian Estrosi, ministre. Depuis plusieurs années, mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d’entre vous, siégeant sur l’ensemble des travées, m’ont régulièrement rendu visite dans mon bureau, notamment lorsque j’étais ministre chargé de l’aménagement du territoire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
M. Christian Estrosi, ministre. Certains s’adressaient à moi en disant : « monsieur le ministre » ; d’autres, même parmi ceux qui siègent sur les travées gauches de l’hémicycle, m’appelaient plus familièrement par mon prénom.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est quoi son prénom ?
M. Christian Estrosi, ministre. D’aucuns déploraient d’être en zone blanche de téléphonie mobile, d’autres de ne pas avoir l’ADSL, d’autres encore de ne pas être inclus dans les pôles d’excellence rurale que nous venions d’inventer et qui auraient eu des effets positifs sur la santé, sur la culture, sur l’agriculture, sur le sport, sur le tourisme, sur les loisirs, sur la filière bois, sur l’élevage…
M. Roland Courteau. Cela n’a rien à voir avec La Poste !
M. Christian Estrosi, ministre. Au moment du grand débat sur les pôles de compétitivité, quand il s’est agi pour le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 12 juillet 2005 d’arbitrer s’il en fallait soixante ou seulement douze, combien sont venus plaider la cause des PME qui, sur leur territoire – leur canton, leur circonscription leur département… –, en se regroupant, en créant des partenariats avec l’université, pouvaient permettre de développer plus rapidement une nouvelle économie ?
Nous avons discuté avec l’Association des maires de France de la charte des services publics en milieu rural, afin de trouver des solutions.
Je sais très bien la tournure que prendra le débat : il y aura un soutien, il y aura une opposition ; c’est ainsi que va la vie démocratique. Dans l’immédiat, il est important de rappeler – mais vous le savez bien ! – que, y compris Michel Mercier et moi-même, nous sommes tous des élus locaux et que, depuis des années, quel que soit le territoire sur lequel nous exerçons nos responsabilités, nous sommes tous confrontés aux mêmes réalités. Certains d’entre vous m’ont invité à leur rendre visite dans leur circonscription ou leur département, parfois même pour inaugurer des bureaux de poste.
Un sénateur socialiste. C’était il y a longtemps !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous savons tous la différence qui existe malheureusement entre le terrain, la réalité humaine, et le débat politique et politicien. Les choses sont ainsi faites ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez nous faire pleurer !
M. Christian Estrosi, ministre. Lorsque le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié, voilà quelques mois, ma mission actuelle,…
M. Yannick Bodin. Au fait !
M. Roland Courteau. Qui c’est, déjà, le Premier ministre ?
M. Christian Estrosi, ministre. … figurait dans mon décret d’attributions la charge de l’une des plus belles entreprises publiques de notre pays, La Poste.
Après tous les combats que j’ai menés dans les villages, dans les cantons, pour essayer de sauver ici le greffe d’un tribunal d’instance,…
M. Daniel Raoul. Parlons-en !
M. Christian Estrosi, ministre. … là une brigade de gendarmerie, une trésorerie, un bureau de poste, je connais tout cela par cœur. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Aussi, jamais je n’aurais accepté, dans le cadre de mes responsabilités actuelles, de venir présenter au Parlement cette réforme de La Poste si, au fond de moi-même, j’avais craint que, d’une manière ou d’une autre, elle ne remette un tant soit peu en cause le caractère et les missions de service public de La Poste ou le maintien intégral de son statut public : je peux l’affirmer avec toute la force de mes convictions et de ma détermination. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Nous ne vous croyons pas !
M. Didier Guillaume. C’est pour cela que l’on change de statut : cela marchait trop bien !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous entrons maintenant dans le débat et, bien évidemment, le besoin d’explications s’impose.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment voulez-vous qu’on vous croie ?
M. Christian Estrosi, ministre. Vous essayez d’utiliser le spectre de la privatisation. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Et GDF ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je regrette vivement – car j’ai pu constater à quel point nombre d’entre vous, quand il s’agit de l’intérêt général, adoptent une démarche constructive –…
M. Bertrand Auban. Qu’est-ce que cela signifie ?
M. Christian Estrosi, ministre. … que nous ne saisissions pas l’opportunité – il n’est pas trop tard ! – que nous offre cette semaine de débat pour que, de toutes les travées, fusent de vraies propositions pour donner sa chance à La Poste. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Vous pourrez dire tout ce que vous voudrez sur les postiers : si nous nous soucions vraiment d’eux, si nous nous préoccupons véritablement des dix millions de Françaises et de Français qui, toutes les semaines, franchissent la porte d’un bureau de poste, nous devons prendre en compte le fait qu’à partir du 1er janvier 2011 nous risquons de voir, semaine après semaine, mois après mois, année après année, des concurrents venir s’emparer de parts de marché.
Un sénateur socialiste. C’est chose faite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà l’expérience des centres de tri : vous les avez privatisés !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous voulons maintenir la spécificité de cette grande entreprise publique à la française, nous voulons conserver ce modèle, parce que c’est le nôtre, et parce que nous y restons profondément attachés. C’est là la seule préoccupation qui devrait nous guider, qui devrait vous guider !
M. Roland Courteau. Comment voudriez-vous qu’on vous croie ?
M. Christian Estrosi, ministre. Vous pouvez m’interrompre autant que vous le voudrez, cela ne changera rien ! Quand j’entends le dernier orateur reconnaître : « oui, nous avons décidé de vous pourrir la semaine », je m’étonne. De la part d’un grand démocrate, d’un représentant des élus du peuple, monter à cette tribune pour exprimer comme seule volonté celle de « nous pourrir la semaine », eh bien ! permettez-moi d’avoir le sentiment que ce n’est pas si digne que cela ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
L’honneur et la dignité d’un élu de la République, c’est de venir dans cette Haute Assemblée afin de formuler des propositions pour l’avenir de La Poste. Or, des propositions, je n’en ai entendu aucune, ou si peu, depuis hier ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Vous n’aviez qu’à être là !
Mme Annie David. Vous n’étiez pas là pour les entendre !
M. Christian Estrosi, ministre. La seule chose que j’entends de la part de l’ensemble des orateurs de ce côté gauche de l’hémicycle, c’est : « non à la privatisation » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non à votre réforme !
M. Christian Estrosi, ministre. Pourtant, nous avons apporté toutes les réponses nécessaires. D’ailleurs, pour reprendre les mots du sénateur Hervé Maurey, j’ai l’impression que « l’opposition joue à se faire peur en agitant le spectre d’une privatisation qui n’existe pas ». (Mêmes mouvements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui, c’est une référence, le sénateur Hervé Maurey !
M. Christian Estrosi, ministre. Je crois même que l’opposition va plus loin que se faire peur avec la privatisation.
M. Didier Guillaume. C’est vous qui nous faites peur !
M. Christian Estrosi, ministre. Elle utilise à dessein le spectre de la privatisation pour faire oublier qu’elle n’a pas de projet pour La Poste ! Telle est la réalité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Je réaffirme solennellement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) que nous allons rendre La Poste – et c’est volontairement que j’utilise ce mot, même si c’est un néologisme – « imprivatisable »…
M. Roland Courteau. C’est faux, et vous le savez ! Sarkozy avait dit la même chose pour GDF !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne figure pas dans le projet de loi, l’« imprivatisation » !
M. Christian Estrosi, ministre. … grâce à un amendement du sénateur Bruno Retailleau sur lequel le Gouvernement émettra un avis favorable. Bruno Retailleau a parfaitement expliqué hier de quoi il s’agissait.
M. François Rebsamen. Vous essayez de nous enfumer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut modifier la Constitution !
M. Christian Estrosi, ministre. Pas du tout, puisque, en application du préambule de la Constitution de 1946,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous trompez ! Vous ne connaissez pas la hiérarchie des normes !
M. Christian Estrosi, ministre. … il s’agit bien d’un service public à caractère national, ce qui, dès lors que cet amendement sera adopté par la Haute Assemblée, rendra La Poste imprivatisable. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Voyez la décision du Conseil constitutionnel !
M. Christian Estrosi, ministre. Effectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, il restera une possibilité de rendre La Poste privatisable après l’adoption de cet amendement. Mais, auparavant, il faudra supprimer plusieurs dispositions qu’un certain nombre d’entre vous ont décidé d’inscrire noir sur blanc dans le projet de loi : le livret A, la distribution du courrier six jours sur sept, l’aménagement du territoire, le transport de la presse. En d’autres termes, conformément au préambule de la Constitution de 1946, il faudra supprimer non pas un seul service public, mais ces quatre missions de service public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il suffira de modifier les missions !
M. Christian Estrosi, ministre. Qui pourrait souhaiter une telle suppression ? Certainement pas celles et ceux qui auront décidé de les inscrire dans la loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Un doute peut donc naître, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition : n’auriez-vous pas le dessein de réellement privatiser La Poste un jour, comme vous l’avez fait avec Air France, avec France Télécom, avec EADS, avec Thomson, avec les Autoroutes du sud de la France ? Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, je constate que, parmi les six cents amendements d’obstruction que vous avez déposés, certains visent à supprimer le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, la possibilité pour les salariés et les fonctionnaires de La Poste de devenir eux-mêmes actionnaires de leur entreprise !
M. Didier Guillaume. Vous l’avez déjà dit hier !
M. Guy Fischer. Et c’est un pur mensonge !
M. Christian Estrosi, ministre. Oui, nous pouvons nous demander qui souhaite privatiser La Poste si ce n’est de ce côté gauche de l’hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous méprisez le peuple et les parlementaires !
M. Christian Estrosi, ministre. Il a été question de statu quo, il a été question de revenir sur l’ouverture à la concurrence, il a été question de ne rien changer.
M. Didier Guillaume. Absolument ! Cela marchait mieux !
M. Christian Estrosi, ministre. Pour un peu, il faudrait revenir au temps où La Poste était une administration des PTT, voire au temps des diligences ! (Exclamations d’indignation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Est-ce là l’avenir de La Poste ? Est-ce lui refuser toute perspective de développement ? Est-ce surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, lui refuser les 2,7 milliards d’euros que veulent apporter l’État et la Caisse des dépôts et consignations en entrant à son capital ? Qui connaît un seul gouvernement au monde qui, ayant la volonté de privatiser une entreprise publique, commencerait par y injecter 2,7 milliards d’euros d’argent public ? (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez l’habitude de gaspiller l’argent public, ça, c’est sûr !
M. Christian Estrosi, ministre. Sincèrement, il n’y a qu’à Socialo-Fantasmaland que ce serait imaginable !
M. Jean-Pierre Bel. Il répète le même discours qu’hier ! C’est scandaleux !
M. Christian Estrosi, ministre. En réalité, de tous les intervenants que j’ai entendus hier soir, un seul proposait un projet : le sénateur Jean-Claude Danglot suggérait la création d’un grand pôle public réunissant la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, Oséo, La Poste… Eh bien ! monsieur Danglot, je veux vous remercier, car sincèrement, de toute la soirée, vous avez été le seul sur ces travées à formuler une proposition intéressante, le seul à avoir ouvert une perspective d’avenir. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Je note dans le même temps que, malheureusement, le groupe CRC-SPG n’a pas déposé d’amendement pour reprendre cette proposition.
Mme Annie David. On nous aurait opposé l’article 40 !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui nous refusez cet amendement ! Reprenez-le, ne vous en privez pas !
M. Christian Estrosi, ministre. Sans doute s’est-il rendu compte qu’elle serait difficile à mettre en œuvre et n’apporterait pas forcément grand-chose aux Français pour des missions et services que remplissent très bien, en fonction de leurs spécificités propres et au mieux de leurs compétences, Oséo en matière de crédits aux entreprises, la Caisse des dépôts et consignations en matière de logement social, La Banque Postale en matière de livret A… Au total, hormis le statu quo, aucun projet alternatif n’est proposé. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’indigne.)
Monsieur Teston, vous avez parlé de sérénité.
M. Michel Teston. Oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Ce n’est pourtant pas le Gouvernement qui a tout fait pour ralentir le débat ou déposer des amendements d’obstruction !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est bien connu que tout amendement est forcément d’obstruction !
M. Christian Estrosi, ministre. Votre intervention m’a surtout marqué par son manque d’ambition et de projet pour La Poste : votre seul projet, comme je le rappelais, c’est le statu quo ! Quel dommage que vous n’ayez rien à proposer pour l’avenir de La Poste.
M. Didier Guillaume. C’est facile !
M. Jean-Pierre Bel. Vous ne savez pas écouter, vous en êtes incapable !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Plancade, vous avez rappelé que la libéralisation des services postaux avait commencé avec l’Acte unique de 1986. C’est exact ! Et elle s’est poursuivie avec la première directive postale adoptée en décembre 1997.
J’irai même jusqu’à dire que la première réforme de la poste est intervenue en 1981, lorsque François Mitterrand a décidé de la transformer d’administration en établissement public : c’est à ce moment-là, en réalité, que le processus a débuté.
M. Didier Guillaume. Et qui était Président de la République en 1997 ?
M. Christian Estrosi, ministre. J’ai noté, monsieur Plancade, que vous vouliez des garanties sur la pérennité du service public. Le Gouvernement les apporte en acceptant d’inscrire les 17 000 points de contact dans la loi, ou encore en préservant les grandes exigences de qualité du service universel postal. Et si, pour compléter l’ensemble de ces missions, vous aviez d’autres amendements à proposer en cours de débat, Michel Mercier et moi-même pourrions bien évidemment les examiner avec intérêt.
Monsieur Danglot, vous avez eu des mots très durs en évoquant un « processus mortifère » à propos du projet du Gouvernement. Mais ce qui serait mortel pour La Poste, monsieur Danglot, ce serait que nous ne lui donnions pas les moyens nécessaires pour résister à l’ouverture à la concurrence et à la montée d’internet, ce serait qu’elle ne bénéficie pas de l’effort de l’État !
Monsieur Jackie Pierre, vous avez dit : « Il faut arrêter de voir le diable là où il n’est pas ». Vous avez tellement raison ! Que ce soit vis-à-vis des Français ou des postiers, nous avons tous le devoir de débattre sereinement de l’avenir de La Poste et de lui donner les moyens de son développement.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Dubois, vous avez formulé une remarque très importante : il ne faut pas « réduire le débat au seul changement de statut ». Vous avez raison ! Le groupe Union centriste a d’ailleurs enrichi de manière significative le texte initial, en inscrivant les 17 000 points de contact dans la loi. C’est une véritable avancée, que je salue.
Monsieur Mirassou, je note que vous voulez « sortir par le haut ». Vous avez toute la semaine pour le faire. Il s’agit d’une opportunité qu’il ne faut surtout pas laisser passer.
Monsieur Tropeano, vous considérez que les droits et statuts des personnels doivent être au cœur du projet de modernisation. Mais c’est ce que fait le Gouvernement avec l’IRCANTEC, pour garantir aux salariés de La Poste qu’ils continueront de bénéficier de leur régime de retraite complémentaire actuel, et avec un dispositif de prévoyance santé, qui sera un droit nouveau pour les fonctionnaires de La Poste.
Monsieur Jacques Blanc, selon vous, il faut faire preuve de hauteur. Je suis d’accord avec vous : La Poste mérite mieux que des débats stériles sur une privatisation qui n’aura pas lieu !
Une sénatrice UMP. Voilà !
M. Christian Estrosi, ministre. Vous avez parlé de votre expérience de médecin en Lozère qui connaît la force du lien social créé par La Poste, le fameux « oiseau bleu ». En tant qu’élu local, je partage votre sentiment. Nous avons milité ensemble, en Lozère comme en Languedoc-Roussillon, pour défendre des valeurs communes au service de nos territoires.
M. Jean-Pierre Bel. Avec qui ?
M. Christian Estrosi, ministre. Vous avez raison : nous n’avons pas le droit de tromper les postiers. Ensemble, nous allons assurer l’avenir de leur entreprise.
Madame Didier, vous avez axé votre intervention sur la présence postale territoriale. Il s’agit d’un sujet auquel le Gouvernement est particulièrement attentif, puisqu’il a accepté d’inscrire les 17 000 points de contact dans la loi. C’est une garantie majeure pour tous ceux qui craignaient une réduction de la présence postale territoriale.
Par ailleurs, la commission de l’économie a adopté un amendement de M. le rapporteur prévoyant que le contrat pluriannuel de la présence postale territoriale fixera les conditions minimales que devront remplir les points de contact en termes d’horaires d’ouverture et d’offre de base de services postaux et financiers. La mission d’aménagement du territoire est donc confirmée et garantie.
Madame Khiari, vous avez rappelé le rôle social de La Poste et l’attachement que les Français portent à cette entreprise. Le Gouvernement y est également attaché ! C’est pour cette raison qu’il déploiera les moyens nécessaires pour améliorer les services proposés.
Vous avez fait allusion à la mobilisation du 3 octobre dernier. Mais le message que nous ont adressé les Français, c’est qu’ils ne voulaient pas de privatisation. Nous non plus, puisque nous écrivons noir sur blanc que le capital de La Poste restera à 100 % public.
M. Guy Fischer. C’est faux !
M. Roland Courteau. C’est faux ! Il est têtu ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Henri Guaino!
M. Christian Estrosi, ministre. Je viens de l’indiquer en début d’après-midi aux députés : en effet, aucune garantie n’est éternelle ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Paul Raoult. Il l’a dit ! Quel aveu !
M. Christian Estrosi, ministre. Mon pire cauchemar serait qu’une nouvelle majorité défasse le texte que vous allez adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur Frassa, vous avez souligné, à juste titre, que le Gouvernement aborde ce débat parlementaire avec le plus grand esprit d’ouverture possible.
Vous avez également mentionné la détention du capital de La Poste : le Gouvernement a accepté la proposition de M. le rapporteur de rendre plus claire encore la rédaction du projet de loi en inscrivant dans le texte que le capital de cette société sera détenu uniquement « par l’État et par d’autres personnes morales de droit public ». En tout état de cause, il va de soi que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations pourront être actionnaires.
Vous avez mentionné les pouvoirs de l’ARCEP. Le Gouvernement a déjà accepté des amendements de M. le rapporteur et je vous confirme qu’il est prêt à en accepter d’autres si ceux-ci contribuent à une régulation équilibrée du secteur postal.
Madame David, vous avez fait état de la situation des fonctionnaires, notamment ceux que l’on nomme de manière impropre les « reclassés ». Plusieurs amendements ont été déposés à cet égard. Nous aurons le temps d’en débattre lorsque ces amendements seront examinés, à l’article 7 du projet de loi.
Vous avez évoqué l’IRCANTEC. Là encore, je me suis déjà exprimé et j’ai souligné que les droits des salariés actuels seront totalement maintenus.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Courteau, vous êtes revenu sur la privatisation et sur le changement de statut. Vous restez sur une position, hélas ! par trop dogmatique.
M. Daniel Raoul. C’est le comble !
M. Roland Courteau. Parlez-en à M. Guaino !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Fouché, je suis d’accord avec vous : La Poste a connu de grands succès, notamment la création de La Banque Postale. Il faut continuer à aller de l’avant. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé ce projet de loi.
Enfin, monsieur Desessard, vous avez, vous aussi, parlé de privatisation. J’ai déjà eu l’occasion de déclarer que le Gouvernement avait inscrit dans la loi le caractère 100 % public de La Poste. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, La Poste sera « imprivatisable ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous y trompez pas : le débat que nous avons en ce moment se tient devant les Françaises et les Français.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous allons engager 2,7 milliards d'euros pour permettre à La Poste de faire face à la concurrence, qui ne sera pas seulement celle de la Deutsche Post ou de la TNT néerlandaise, mais qui viendra également des petits groupements d’opérateurs qui se développeront et s’organiseront sur chacun de vos territoires.
M. Daniel Raoul. Ils y sont déjà !
M. Christian Estrosi, ministre. Qui peut prétendre aujourd'hui que La Poste n’a pas perdu 10 % de l’activité liée au courrier ?
M. Bertrand Auban. Ce n’est pas dû à cela !
M. Christian Estrosi, ministre. Qui peut nier que, lorsque nous nous rendons dans les bureaux de poste, les facteurs nous révèlent que, chaque matin, leur sac est un peu plus léger ? Voilà la réalité !
Dans trois ou quatre ans, La Poste subira une baisse de ladite activité de 40 % à 50 %. Comment ne pas profiter de cette semaine pour, ensemble, transformer La Poste en une grande entreprise européenne en matière de logistique, de transport de colis et de Chronopost grâce au TGV, aux avions (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.),…
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. ...dotée de plateformes logistiques exemplaires et tournée vers le courrier électronique, qui est le cœur de son activité ? Faisons en sorte que La Banque postale conserve sa spécificité et continue à offrir ses services aux plus vulnérables, tout en lui donnant les moyens de se hisser à un niveau de performance égal à celui des grandes banques européennes.
Laisser passer cette occasion serait, pour certains d’entre vous, une opportunité manquée. Je remercie les sénatrices et les sénateurs de la majorité, qui, je n’en doute pas, seront au rendez-vous, parce qu’ils sont attachés au caractère public de La Poste et à l’amélioration de ses services, laquelle est attendue par l’ensemble des Françaises et des Français. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. Je ne peux m’empêcher de constater qu’un proche conseiller du Président de la République a désavoué, en quelque sorte, M. le ministre en indiquant qu’aucune garantie n’était éternelle.
M. Roland Courteau. Ah ça !
M. Michel Teston. C’est vrai pour toutes les entreprises publiques. En vertu du principe de parallélisme des formes, en effet, quel que soit le texte qui a été adopté, le Parlement peut toujours défaire ce qu’il a fait.
M. Roland Courteau. C’est évident !
M. Michel Teston. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que, dès lors que le monopole de La Poste sera supprimé et que la concurrence s’exercera, ce que rend possible la troisième directive postale, le Conseil constitutionnel pourra toujours considérer La Poste comme un service public national. J’espère qu’il en sera ainsi, mais nous nourrissons des doutes sérieux à cet égard.
Alors, ne laissons pas croire à nos concitoyens qu’une simple inscription dans la loi suffira à apporter une garantie éternelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je fais miennes les craintes exprimées à l’instant par Michel Teston.
Monsieur le ministre, depuis qu’a commencé ce débat, nous ne cessons de vous objecter que l’inscription dans la loi de l’« imprivatisation » de La Poste n’a pas de valeur juridique. Vous ne pouvez pas faire aux parlementaires l’injure de considérer qu’ils ne connaissent pas la hiérarchie des normes : si vous voulez empêcher qu’une nouvelle loi ne puisse revenir sur les missions de service public de La Poste, inscrivez dans la Constitution que La Poste est un service public national.
Nous avons très bien saisi les enjeux du projet de loi. Nous avons parfaitement compris la position du Conseil constitutionnel qui, naguère, a validé la privatisation de GDF.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne nous laisserons pas tromper par de simples déclarations ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Danglot, Mmes Beaufils et Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, je défendrai la motion d’irrecevabilité contre le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Les motifs d’inconstitutionnalité ne manquent pas. Pourtant, depuis que ce texte est envisagé, les dirigeants de notre pays essaient de créer l’illusion que La Poste restera une entreprise publique. Or rien dans le projet de loi ne garantit expressément une participation majoritaire, pérenne, de l’État au capital de la nouvelle société anonyme créée. Mes chers collègues, j’espère que vous ne vous laisserez pas abuser par ce mensonge martelé. L’expérience et le contexte devraient nous y aider.
Le changement de statut de l’exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s’inscrivent dans un contexte de désengagement de l’État et d’ouverture à la concurrence du secteur postal déjà largement engagée en vertu de politiques communautaires, politiques que vous avez expressément soutenues en votant, au sein du conseil des ministres européens, la dernière directive postale. Forte de cela, la direction de l’entreprise n’a eu de cesse de réduire les coûts pour réaliser des bénéfices au détriment des usagers et des personnels. Cette lecture mercantile du service public n’est pas acceptable.
Si nous ne pouvons soulever l’inconstitutionnalité de toutes les décisions qui ont mis à mal le service public postal, nous allons faire la démonstration aujourd’hui que ce projet de loi, qui tend à donner le coup de grâce à l’opérateur historique postal, est inconstitutionnel et doit, à ce titre, être rejeté.
Tout d’abord, le projet de loi contrevient au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » (M. Patrice Gélard s’exclame.)
Mme Marie-France Beaufils. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de revenir sur ces notions à l’occasion de la loi relative au secteur de l’énergie, qui privatisait GDF, en dépit des belles promesses du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie d’alors, devenu depuis Président de la République !
Mais c’est une jurisprudence plus ancienne du Conseil constitutionnel qui explicite les notions de monopole de fait et de service public national. La Poste revêt ces deux caractères et, à ce titre, le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 doit être respecté.
Dans sa décision du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel a jugé que la notion de monopole de fait « doit s’entendre compte tenu de l’ensemble du marché à l’intérieur duquel s’exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu’elles affrontent dans ce marché de la part de l’ensemble des autres entreprises ».
Historiquement, que ce soit au travers de l’administration des PTT ou de la création de l’établissement public en 1991, La Poste a toujours eu le monopole de l’activité postale. Elle détient donc une position prépondérante, pour ne pas dire exclusive, dans le secteur de l’activité postale, qu’il s’agisse de la collecte, du tri, du transport ou de la distribution des envois postaux, secteur représentant la majorité de son activité globale.
La Poste exploite un service public national du fait du législateur, et une partie de son activité peut être rattachée au service public constitutionnel de la justice.
Sur ce point, on sait que la jurisprudence constitutionnelle est très restrictive en ce qui concerne la qualification de services publics constitutionnels. Ces derniers étant, pour l’essentiel, des services publics régaliens, ils ne peuvent faire l’objet d’une privatisation.
Certaines activités postales doivent être considérées comme se rattachant à des services publics nationaux constitutionnels. Je pense au service public de la justice : la lettre recommandée est une formalité légale obligatoire créatrice d’effets juridiques en termes de délai et de preuve. Elle constitue également une formalité obligatoire dans la citation en justice : baux ruraux, tribunaux d’instance, prud’hommes.
Or l’article 19 du projet de loi, qui tend à supprimer l’article L. 3-4 du code des postes et des communications électroniques, confirme la volonté du Gouvernement de privatiser cette activité de La Poste et de la faire échapper à tout contrôle, même réglementaire.
Monsieur le rapporteur, vous ne serez pas insensible à cette question, puisque vous aviez vous-même défendu, lors de l’examen de la loi de 2005, un amendement visant à réserver cette activité à La Poste.
L’article 1er du projet de loi, qui ouvre la voie à la privatisation de La Poste, combiné à l’article 19 du même texte, constitue donc une violation du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Il existe des services publics nationaux autres que constitutionnels, qui tombent aussi sous la protection du préambule de la Constitution de 1946.
Il ressort de la jurisprudence de 1986, notamment de son considérant 53, que « si la nécessité de certains services publics nationaux découlent de principes ou de règles à valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon les cas ».
Mme Marie-France Beaufils. La Poste fait partie de la catégorie des services publics nationaux par détermination de la loi. En effet, en 2004, le Conseil constitutionnel a considéré ceci : « en maintenant aux sociétés nouvellement créées les missions de service public antérieurement dévolues aux personnes morales de droit public Électricité de France et Gaz de France [...] le législateur a confirmé leur qualité de services publics nationaux ».
En ce qui concerne La Poste, l’organisation du service public postal a été fixée historiquement à l’échelon national et confiée par le législateur à une seule entreprise. Aujourd’hui encore, la Poste reste – ce qui est confirmé par l’article 14 du projet de loi – le seul prestataire du service universel postal. Le service public postal est toujours confié à titre exclusif à une seule entreprise : La Poste.
En ouvrant le secteur postal dans sa totalité à la concurrence, le projet de loi tend à dévoyer largement la notion de service public national.
En l’état actuel, on peut considérer que l’entreprise exploite un service public national. Or, par ce projet de loi, vous retirez à l’entreprise son caractère de service public national, et ce n’est pas en présentant des amendements d’opportunité que vous maintiendrez ce caractère. La réalité est que le projet de loi vide le service public national de sa substance.
Il s’agit maintenant de déterminer si, en dépit du changement de statut de l’exploitant public, La Poste reste la propriété de la collectivité. La réponse est non, car même avec une privatisation partielle, La Poste cesse d’appartenir à la collectivité.
La modification apportée au texte, en commission, visant à passer de l’expression « personnes morales appartenant au secteur public » à celle de « personnes morales de droit public » ne garantit pas que le capital reste majoritairement entre les mains de l’État. Aussi, parmi les parts détenues par le public, l’État ne sera pas majoritaire au regard de l’ensemble.
Une pluralité d’indices montre que La Poste va cesser d’appartenir à la collectivité : le défaut de majorité garantie à l’État, la privatisation du statut, les incertitudes quant au régime applicable aux personnels sont autant d’éléments qui vont dans le sens d’une gestion privée de La Poste.
Rien ne garantit dans le texte une nouvelle intervention du législateur en cas de privatisation de La Poste. Or cette privatisation est parfaitement envisageable si l’État ou les personnes morales visées cèdent leur part du capital, conformément aux règles applicables aux sociétés anonymes.
Avec le changement de statut de La Poste en société anonyme, avec la logique de rentabilité qui sous-tend de telles structures conçues pour faire des bénéfices et la possibilité de diviser le capital et la gestion privée de l’ensemble, le poids des intérêts privés sera déterminant dans la gestion de l’entreprise, comme en témoigne d’ailleurs la composition du conseil d’administration.
Or si les intérêts privés deviennent déterminants dans le fonctionnement de La Poste, non seulement La Poste ne répondra pas aux besoins des usagers, mais on peut en conclure sans détour que ce service public ne sera plus la propriété de la collectivité. Il en découle que l’article 1er du projet de loi est contraire au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Ce projet de loi contrarie les principes constitutionnels d’égalité devant les services publics, d’égalité des salariés, de liberté syndicale.
Dans sa décision du 16 juillet 2009 relative à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Conseil constitutionnel a examiné la compatibilité de cette loi avec le principe à valeur constitutionnelle d’égalité devant les services publics, issu de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La décision précise : « Les établissements de santé privés exerçant des missions de service public seront tenus, pour l’accomplissement de ces missions, de garantir l’égal accès de tous à des soins de qualité ». Or le projet de loi que nous examinons ne garantit pas l’égal accès à un service postal de qualité.
L’article 2 du texte décline les missions de service public à la charge de La Poste et précise que la nouvelle société anonyme contribue, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire. Or, même avec la mention des 17 000 points de contact, à l’article 2 bis, le réseau se situe déjà en dessous des exigences d’un service public de qualité et il est mis en danger par le changement de statut de La Poste et l’absence de consolidation du fonds postal national de péréquation territoriale.
Le statut de société anonyme et la fin du contrôle de l’État risquent d’aggraver une situation d’inégalité qui existe déjà sur le territoire, notamment en termes d’accessibilité. On le sait, le contenu même de l’activité postale varie énormément selon la structure proposée, ne serait-ce qu’en raison du statut des agents ou du commerçant, donc des opérations qu’ils sont en droit de réaliser.
Ainsi, en ce qui concerne les lettres recommandées, si le dépôt se fait dans un relais poste, la preuve du dépôt est envoyée sous enveloppe à l’expéditeur par l’établissement de rattachement dont dépend le relais poste. Dans ce cas, la seule date de dépôt faisant foi est celle qui est saisie par l’établissement de rattachement. L’usager n’est donc pas traité de la même manière selon que les missions de service public sont confiées à un relais poste ou à un bureau de poste.
Dans les relais poste, pour un retrait sur un compte courant postal ou un livret A dématérialisé, le titulaire du compte, domicilié dans la ou les communes de la zone, ne peut disposer que de 150 euros par période de sept jours consécutifs.
Le principe constitutionnel d’égalité devant les services publics ne doit pas être conçu comme une idée abstraite que seuls le juge constitutionnel ou le législateur seraient à même de comprendre : il s’agit des droits de nos concitoyens. On parle ici de situations concrètes et de problèmes injustifiables auxquels sont confrontés plus durement les habitants des zones rurales et des zones urbaines sensibles.
Les usagers ne sont pas les seuls à être touchés dans leurs droits par le projet de loi. Les personnels sont également mis à mal.
L’article 8 du projet de loi tend à supprimer certaines dispositions de l’article 31 de la loi de 1990 revisitée par le législateur en 2005. En effet, l’article 8 prévoit que La Poste peut, comme toute société commerciale, employer des agents contractuels. Il fait référence à l’article 31 de la loi de 1990 auquel il soumet les nouveaux agents de la société anonyme. Cependant, l’article 31 précise que ni les dispositions du code du travail relatives aux comités d’entreprise ni celles qui concernent les délégués du personnel et les délégués syndicaux ne sont applicables aux agents contractuels. Et cet article renvoie à un décret en Conseil d’État pour définir les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation chargées d’assurer l’expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d’organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle. Or, à ce jour, ce décret n’a toujours pas été publié.
En d’autres termes, les agents contractuels de La Poste société anonyme, contrairement à n’importe quel salarié de droit privé, ne sont protégés, dans ces domaines, ni par le code du travail ni par d’autres textes, en raison de la carence du pouvoir réglementaire. En soumettant les salariés de La Poste à un régime moins favorable que tout autre salarié d’une société anonyme, le législateur se rend coupable d’une violation du principe d’égalité des salariés.
De plus, cette absence de réglementation concerne les conditions dans lesquelles la représentation individuelle des agents de droit privé est assurée, les règles de protection, au moins équivalentes à celles qui sont prévues par le code du travail pour les délégués du personnel.
L’article 8 constitue également, à ce titre, une violation de la liberté syndicale, principe à valeur constitutionnelle qui découle du sixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».
Enfin, le Gouvernement se rend coupable d’un détournement de la procédure constitutionnelle aux seules fins de servir ses choix et au mépris de l’intérêt général.
L’article 3 de la Constitution dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Mais la Constitution prévoit également, dans son article 11, que le peuple a un droit d’initiative s’agissant des consultations populaires.
Depuis le vote de cette faculté constitutionnelle, deux événements majeurs sont intervenus. Tout d’abord, le Gouvernement a retardé le dépôt du projet de loi organique permettant d’exiger la consultation référendaire. Mais, dans nos communes – vous l’avez vu, mes chers collègues –, plus de deux millions de personnes se sont déplacées pour rejeter le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.
Ce rappel des faits est d’une importance majeure pour comprendre l’empressement du Gouvernement à faire passer sa réforme en engageant la procédure accélérée. Cette dernière, qui prive le Parlement d’une seconde lecture et raccourcit les délais concernant les travaux préparatoires, ne se justifie aucunement au regard des exigences communautaires.
Le droit communautaire n’impose pas le changement de statut comme préalable à l’ouverture totale du secteur postal à la concurrence. Je vous rappelle que l’échéance est fixée au 1er janvier 2011.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-France Beaufils. J’abrège la fin de mon intervention, monsieur le président !
On fait débattre en urgence un projet de loi dans le seul but de tenir en échec une révision constitutionnelle déjà votée, mais non encore totalement exécutoire du fait du retard même du Gouvernement. En bref, la procédure accélérée a pour seul objet d’éviter la procédure constitutionnelle autorisant la consultation populaire.
Moins d’un an après l’adoption de la réforme constitutionnelle, le Président de la République a pu s’exprimer devant les parlementaires à Versailles, mais le peuple, lui, est muselé ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Sur cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, j’ai déjà eu l’occasion de donner les principaux éléments de réponse lors de la discussion générale ; je n’y reviens donc pas.
Le présent projet de loi n’est contraire à aucune disposition constitutionnelle ou législative. Au contraire, il donne à La Poste les moyens de continuer à exercer ses missions de service public en pleine conformité avec le préambule de la Constitution de 1946.
Quant au titre II du projet de loi, je vous rappelle que la transposition en droit interne d’une directive communautaire est une exigence constitutionnelle. Ce projet de loi est non seulement recevable, mais absolument nécessaire.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre. Je me limiterai à évoquer le respect du principe d’égalité devant les services publics. Permettez-moi de vous dire que, s’il est une entreprise qui respecte ce principe, c’est bien La Poste.
Les Français, où qu’ils vivent sur le territoire, ont un égal accès à un point de contact de La Poste, lequel est situé, au maximum, à cinq kilomètres et à vingt minutes de trajet en voiture de leur domicile.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ça, l’égalité !
M. Christian Estrosi, ministre. Vous parlez d’un principe d’égalité rompu ! Permettez-moi donc de répondre sur ce point plus précisément. (Mme Annie David proteste.)
Les Français, quel que soit l’endroit où ils vivent, quel que soit le jour de l’année, ont droit à un service de levée du courrier six jours sur sept, même si vous voulez le supprimer par un amendement ; les Français, quel que soit leur revenu, peuvent ouvrir gratuitement un livret A et y domicilier leurs revenus et leurs paiements ; les Français, enfin, ont droit à des journaux acheminés chez eux à des conditions préférentielles par La Poste, afin que tous aient un égal accès à l’information.
La Poste est donc une entreprise exemplaire en matière d’égalité devant les services publics. Tout cela est réaffirmé dans ce texte. Votre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est à contre-courant de la réalité des principes d’égalité, que nous inscrivons dans ce texte.
C’est pourquoi le Gouvernement appelle au rejet de votre motion.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Les services publics ne doivent pas être considérés comme de simples activités marchandes. C’est pourquoi, en 1946, le constituant a souhaité protéger les citoyens contre la domination des puissances économiques et financières.
L’État a donc le droit, mais surtout le devoir, d’intervenir dans certaines activités, car il est le seul à pouvoir préserver l’intérêt général.
En réservant la propriété des services publics nationaux à la collectivité, le constituant a entendu protéger celle-ci des appétits privés. Par notre motion, nous dénonçons solennellement devant vous l’atteinte grave qui est portée au préambule de la Constitution de 1946 et, à travers lui, à l’intérêt général. Or cette atteinte est inadmissible, car nous touchons là au noyau irréductible de ce qui doit demeurer sous le contrôle de la collectivité, de ce qui doit appartenir à l’ensemble de la communauté.
L’exploitant public La Poste constitue un monopole de fait et exploite un service public national du fait de la volonté du législateur. Certaines de ces activités dépendent de services publics constitutionnels, comme celui de la justice, mais également de la défense. C’est pourquoi le projet de loi du Gouvernement, en dépossédant la collectivité au profit de la satisfaction des intérêts privés, est inconstitutionnel.
Cette nouvelle atteinte du Gouvernement au socle des services publics est d’autant plus grave que ce même Gouvernement fait reposer sur l’opérateur historique de lourdes responsabilités en matière de défense nationale et de sécurité publique.
Ainsi, l’article R1-1-25 issu du décret du 5 janvier 2007 relatif au service universel postal et aux droits et obligations de La Poste et modifiant le code des postes et des télécommunications électroniques dispose : « La Poste prend, conformément aux directives du ministre chargé des postes, toute mesure utile pour assurer l’exécution des missions de défense nationale et de sécurité publique qui lui sont prescrites.
« À ce titre, elle accomplit toute opération considérée comme indispensable à la continuité de l’action gouvernementale. »
On voit mal comment demander à La Poste, société anonyme, d’assurer de telles missions. C’est pourquoi il est nécessaire que l’entreprise reste un exploitant public sous le contrôle exclusif de l’État.
La volonté du Gouvernement de livrer in fine, coûte que coûte, l’exploitant public au privé, alors même qu’il s’agit d’un service public national, entraîne des incohérences dans le texte.
À calquer un peu vite le modèle de la société anonyme sur l’établissement public, le Gouvernement a oublié quelques règles élémentaires.
Ainsi, l’article 7 du projet de loi prévoit que les fonctionnaires de La Poste sont sous l’autorité du président de La Poste et gérés par lui. Le Gouvernement a rappelé l’avis du Conseil d’État du 18 novembre 1993, pour nous rassurer sur une éventuelle violation de l’article 13 de la Constitution et de l’ordonnance du 28 novembre 1958. Ce texte précise les conditions dans lesquelles le pouvoir de nomination du Président de la République peut être délégué par lui.
Cependant, l’article 7 du projet de loi, en prévoyant que le président de La Poste peut autoriser la subdélégation de ses pouvoirs de nomination et de gestion, dépasse largement les questions posées au Conseil d’État en 1993 et entre en contradiction avec l’article 13 de la Constitution. En effet, cela revient, à l’avenir, à permettre la nomination des fonctionnaires par des salariés de droit privé, par exemple.
Vous le voyez, les griefs d’inconstitutionnalité du projet de loi relatif à l’entreprise publique de La Poste et aux activités postales sont nombreux.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous vous dites prêt à soutenir un amendement visant à reconnaître le caractère de service public national de la Poste. Très bien, mais dans ce cas, tirez-en les conséquences et retirez votre projet de loi !
Vous dites : « Service public national/société anonyme » ; pour notre part, nous disons : « Service public national/établissement public national ». Nos différences sont irréductibles, malgré vos manipulations pour laisser penser le contraire !
De plus, le Conseil constitutionnel a précisé que le transfert au secteur privé d’une entreprise exploitant un service public national suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national.
Mes chers collègues, en votant le changement de statut de La Poste et le titre II du projet de loi, qui met en œuvre l’ouverture totale à la concurrence, que fait le législateur si ce n’est priver La Poste de ses caractéristiques de service public national ?
Le Gouvernement veut inscrire dans la loi que La Poste exploite un service public national et, par cette même loi, il prive l’entreprise de tous les éléments qui en font un service public national !
Il s’agit pour nous de protéger l’intérêt général, de préserver des activités régaliennes de l’État et un outil essentiel de la solidarité nationale ! C’est pourquoi, les sénateurs du groupe CRC-SPG soutiennent avec force cette motion et voteront bien évidemment pour. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Monsieur le président, je souhaite poser une question concernant notre règlement. À ma connaissance, celui-ci prévoit, pour les motions de procédure, l’intervention de l’auteur de l’initiative et d’un orateur d’opinion contraire. Or, jusqu’à présent, seul le rapporteur s’est exprimé et il n’a pas développé très longuement les raisons pour lesquelles il était opposé à l’adoption de cette motion. Notre règlement en la matière n’a donc pas été respecté, me semble-t-il.
Par ailleurs, nous sommes bien évidemment favorables à cette motion.
Je ne reviendrai pas sur la manière dont le Gouvernement explique que le changement de statut sera sans incidences et que La Poste restera un service public national. La transposition de la directive européenne qui ouvre totalement le marché des services postaux va à l’encontre de la définition du service public national. L’arrivée de nouveaux opérateurs brisera le monopole évoqué au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Par la suite, le Gouvernement pourra donc, sans enfreindre ce préambule, présenter un jour ou l’autre un nouveau projet de loi permettant d’ouvrir le capital de La Poste à des capitaux privés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Bourquin, Teston, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 540 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la motion.
M. Martial Bourquin. J’aimerais tout d’abord lever une ambigüité : nous sommes là non pas pour « pourrir la semaine du Sénat », mais pour travailler !
Tout à l’heure, j’ai évoqué avec le président du Sénat la séance d’hier : il m’a dit que les interventions étaient toutes d’un bon niveau. L’existence de désaccords n’autorise pas à caricaturer les opposants, …
Mme Annie David. Effectivement !
M. Martial Bourquin. … à les traiter d’« archéos » sous prétexte qu’ils ne proposent rien, parce que nous devons voter le projet de loi proposé !
Jeter ainsi l’opprobre sur l’opposition est d’une incroyable facilité.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Martial Bourquin. Nous sommes là pour travailler et faire des propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Absolument !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, malgré les divergences, on ne brocarde pas l’opposition, on l’écoute !
M. Marc Daunis. Il fallait le rappeler !
Mme Christiane Hummel. M. le ministre n’a brocardé personne !
M. Martial Bourquin. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité des interventions de tous les opposants à ce texte, notamment Michel Teston, entendus hier lors de la discussion générale. Ils ne sont pas d’accord avec vous, mais respectez-les ; c’est très important.
Au demeurant, ce n’est pas parce que vous ne cessez d’affirmer, la main sur le cœur et d’une voix vibrante, que jamais La Poste ne sera privatisée que cette promesse sera tenue ! En la matière, et on s’en souvient tous, GDF constitue un précédent. Mais il y a pire ! Dans les territoires ruraux, les DDE, qui étaient des facilitateurs de projets, ont disparu.
M. Alain Fouché. Elles ne fonctionnaient plus !
M. Martial Bourquin. Il en est de même des DDA.
M. Alain Fouché. Elles ne fonctionnaient plus non plus !
M. Martial Bourquin. Dans beaucoup d’endroits, les tribunaux ont été supprimés.
M. Alain Fouché. Cela ne gêne personne !
M. Martial Bourquin. Faut-il que je rappelle aussi les nombreuses fermetures de classe et de casernes de gendarmerie ?
M. Alain Fouché. C’est faux !
M. Martial Bourquin. Le Gouvernement actuel ne peut pas se poser en défenseur des services publics.
Nombreux sont ceux ici, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à vivre cette réalité en tant qu’élus locaux et à se dire qu’il est peut-être temps de mettre un terme à un tel « déménagement du territoire ». Pour cela, l’État doit être le garant de l’équité territoriale et mener une politique d’aménagement du territoire qui prenne le pas sur la révision générale des politiques publiques.
Très souvent, des élus ruraux comme des élus urbains, notamment les maires, sont amenés à prendre le relais de l’État pour pallier la disparition des services publics nationaux, et ce dans nombre de domaines. Cette situation ne peut plus durer !
D’un côté, il est reproché aux collectivités territoriales de coûter cher et d’augmenter les impôts locaux ; de l’autre, celles-ci se voient sans cesse attribuer des compétences supplémentaires. Certains présidents de conseil général, de droite comme de gauche, m’ont ainsi confié il y a peu de temps leur incapacité, dans les conditions actuelles, à boucler leur budget avant le mois de mars. Leur explication est toujours la même : les départements doivent supporter des charges de plus en plus lourdes, le Gouvernement prenant des décisions qu’il n’assume pas.
C’est dans ce contexte que nous abordons la question du statut de La Poste.
Monsieur le ministre, la façon dont vous avez abordé le débat constitue un manque de respect à l’égard de l’opposition. (M. Bernard Piras applaudit.) Parmi nous, il y a des maires, des présidents de conseil régional ou général, des élus du suffrage universel, et, à ce titre, nous devons être respectés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Martial Bourquin. Nous avons des divergences, certes, mais attachons-nous à parler du fond.
M. Martial Bourquin. Sur le fond, votre projet est inutile est dangereux.
M. Martial Bourquin. Vous verrez ! L’intervention de notre collègue Michel Teston comportait de nombreuses propositions. Et il y en aura d’autres !
Je pense profondément que la loi visant non pas à sauver La Poste, mais à assurer son financement dans la perspective de l’ouverture à la concurrence est encore à inventer. En tout cas, vous ne la proposez pas ! J’ai la faiblesse de penser…
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que vous ne siégez pas sur les travées de l’opposition ; vous êtes assis au banc du Gouvernement et vous devriez donc avoir une certaine retenue.
M. Bernard Piras. Ne jouez pas les voyous !
M. Martial Bourquin. Patience, je vais vous les faire ! J’ai quinze minutes pour cela !
J’ai la faiblesse de penser, disais-je, que le présent projet de loi représente le premier étage d’une fusée qui en compte deux.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Martial Bourquin. Aujourd'hui, le Gouvernement transforme La Poste en société anonyme pour qu’un autre Gouvernement – puisque qu’il y aura probablement un remaniement après les régionales – puisse, demain, la privatiser en toute sécurité.
Ce n’est pas parce que vous inscrivez dans la loi que le capital sera détenu à 100 % par des personnes publiques que les choses seront définitivement cadrées. Ce n’est pas vrai : ce qu’une loi met en place, une autre peut le défaire !
À cet égard, le statut d’EPIC constitue une garantie, et c’est d’ailleurs pour cela que vous y êtes résolument opposés. Vous prétendez que c’est la transposition de la directive européenne qui vous oblige à transformer en société anonyme l’établissement public industriel et commercial qu’est aujourd'hui La Poste. C’est faux : cela n’est mentionné nulle part !
M. Jean-Pierre Bel. Absolument !
M. Martial Bourquin. Nous sommes donc dans un débat idéologique.
M. Alain Fouché. Non, c’est un débat sur le territoire !
M. Martial Bourquin. Vous n’avez rien compris à la crise financière ! La libéralisation à outrance de l’économie et la bulle financière nous ont menés au chaos. Or la solution que vous proposez pour La Poste, à terme, c’est la privatisation : d’abord en partie, puis totalement.
Les conséquences réelles de votre projet doivent être connues de tous les élus des territoires. La présence postale sera considérablement diminuée. Vous évoquez les 17 000 points de contact ; mais s’agit-il d’une garantie ?
M. Hervé Maurey. Oui !
M. Martial Bourquin. Bien sûr que non, et je vais vous le démontrer très facilement.
Siégeant à la commission départementale de présence postale territoriale, je connais très bien le procédé employé pour fermer un bureau de poste : il suffit de diminuer son amplitude horaire. Imaginez un magasin qui n’ouvre qu’une ou deux heures par jour, qu’une demi-journée au lieu d’une journée : plus personne ne s’y rend ! Il ne reste plus qu’à constater cette inéluctable désaffectation pour prononcer la fermeture.
Mme Odette Herviaux. Bien sûr !
M. Martial Bourquin. Cela a une double conséquence : d’une part, la suppression de nombre d’emplois, et c’est d’ailleurs l’objectif réellement recherché tant il y a rarement eu autant de suppressions de postes qu’aujourd'hui ; d'autre part, la précarisation maximale des postiers, qui n’ont plus que quelques heures de travail par jour.
Je ne veux pas jeter la pierre aux maires qui doivent se contenter de mettre en place une agence postale, voire un simple point de contact, dans leur commune : ils n’ont pas le choix !
Monsieur le ministre, avec ce texte, vous préparez l’ouverture à la concurrence en opérant un véritable « déménagement du territoire » ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Sur cette question, je vous trouve assez absent ; j’aurais préféré vous voir faire preuve d’une volonté politique beaucoup plus forte.
La société anonyme n’est pas la panacée ! Le Gouvernement a choisi d’injecter 2,7 milliards d'euros pour faire face à 6 milliards d'euros de dettes et à un ambitieux programme de modernisation. Pourquoi ne pas avoir proposé de financer des projets d’avenir de La Poste par le biais du grand emprunt ? Pourquoi, surtout, n’avez-vous pas profité du contexte de défiance à l’égard des banques pour renforcer les compétences de la Banque postale au sein d’un pôle financier public ?
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, vous attendiez mes propositions, en voilà deux ! Épargnez-moi donc vos leçons en la matière !
Les banques inspirent aujourd'hui une grande méfiance. D’après un récent sondage, la moitié des Françaises et des Français se disent prêts à en changer. Contrairement au reste du secteur, la Banque postale n’a pas joué avec les capitaux nocifs. Comment se fait-il donc qu’aucune grande action de communication n’ait été organisée pour promouvoir l’image d’une banque différente, proche des citoyens ?
Je l’ai dit, vous vous abritez derrière l’Europe pour justifier le changement de statut. Tout à l’heure, vous nous avez accusés d’être des idéologues. Mais lorsqu’on affirme que l’ouverture à la concurrence passe forcément par la transformation en société anonyme, on est en pleine idéologie !
Hier, lors de la discussion générale, Michel Teston a brillamment démontré que l’établissement public industriel et commercial qu’est La Poste était tout à fait en mesure d’affronter la concurrence et, surtout, de se moderniser. Par certains côtés, cette modernisation est déjà à l’œuvre, et de façon remarquable, d’ailleurs.
Monsieur le ministre, vous n’avez jamais envisagé sérieusement d’autres scénarios juridiques et financiers pour assurer le financement pérenne de La Poste.
Restant sourd aux propositions qui ont pu vous être formulées, vous n’avez pas d’autre finalité que de transformer La Poste en société anonyme. Vous martelez, sans pouvoir dire autre chose, que modernisation et transformation en société anonyme sont intimement liées. Il est impensable de raisonner ainsi !
Vous auriez pourtant pu vous battre pour faire reconnaître par l'Europe l’originalité du modèle français. Notre pays s’est souvent distingué dans différents domaines, notamment sur les questions culturelles. Pourquoi ne montrez-vous pas que le statut d’EPIC est tout à fait compatible avec l’ouverture à la concurrence ?
Je n’aurai de cesse de le répéter, ce projet de loi constitue le premier étage d’une fusée qui en compte deux : il préfigure une privatisation qui, certes, interviendra plus tard, mais n’en sera pas moins réelle.
J’ai d’ailleurs pu constater que M. Guaino n’avait pas la même vision que vous sur cette privatisation : lui ne la rejette pas a priori.
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Martial Bourquin. Il faudra donc veiller à accorder vos positions, car, pour l’instant, force est de constater que la cacophonie règne au sein du Gouvernement ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. M. Guaino n’appartient pas au Gouvernement. Quant à la cacophonie, elle règne surtout chez les socialistes !
M. Martial Bourquin. Alors que plus de 2 millions de personnes ont, par leur vote, exprimé leur souhait de voir La Poste rester publique, vous allez à contre courant de ce souhait en préparant une future privatisation.
Vous avez le droit de défendre des positions, monsieur le ministre, y compris une privatisation, mais encore faut-il le faire ouvertement, ce qui n’est pas votre cas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pour notre part, nous nous opposons fermement à votre projet, en assumant nos choix politiques. Je vous invite à faire de même !
Je voudrais m’adresser maintenant à mon collègue Hervé Maurey, pour lui dire que je n’ai pas du tout apprécié son intervention hier soir.
Mon cher collègue, vous ne pouvez pas dénigrer comme vous l’avez fait les plus de 2 millions de citoyens qui sont allés mettre un bulletin dans une urne pour manifester leur souhait de garder La Poste telle qu’elle est et de conserver la présence postale sur le territoire. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Ce n’est pas la question !
M. Didier Guillaume. La réponse du peuple vous gêne !
M. Roland Courteau. Respectez-le !
M. le président. Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Martial Bourquin. Force est de constater que certains propos ne font pas plaisir à entendre !
Monsieur Maurey, la pilule a eu bien du mal à passer, mais je vous ai écouté ! On ne peut pas s’exprimer ainsi : plus de 2 millions de personnes, c’est énorme ! Je vous lance un défi : si vous pensez que le vote a été mal organisé et qu’il faut faire autrement, eh bien ! faisons-le.
M. Jean Desessard. Le référendum ! (M. Bernard Piras brandit la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».)
M. Martial Bourquin. Lançons un référendum national, organisé par les collectivités locales, pour consulter l’ensemble de la population française, et nous verrons ce que cela donnera. Ayez le courage de le faire ! (M. Charles Guené lève les bras au ciel.)
Jeune parlementaire, j’ai assisté à la réunion du Congrès à Versailles pour permettre au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement. Cela n’a pris que quelques heures. Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de loi prévoyant la possibilité d’organiser un référendum sur des grandes questions telles que l’avenir de ce grand service public qu’est La Poste ?
Monsieur Maurey, vos amis centristes ont pris le pouvoir au Japon : leur première décision politique a été de stopper la privatisation de la poste, qui s’est traduite par un désastre sur leur territoire. Vous devriez vous en inspirer !
Par ailleurs, j’ai vu aussi beaucoup d’impréparation, notamment sur la question des retraites : aussi incroyable que cela puisse paraître, certains ministres n’ont pas semblé se rendre compte que la transformation de La Poste en société anonyme risquait de mettre en danger l’IRCANTEC.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Ils ont simplement prévu que les anciens salariés resteraient à l’IRCANTEC ; ceux-ci pourraient donc, à terme, faire valoir leurs droits à la retraite. Mais en l’absence de nouveaux cotisants, l’IRCANTEC va se trouver en difficulté.
Quand je vois ce niveau d’impréparation de la part du Gouvernement, doublé d’une très grande précipitation, je me dis qu’il y a anguille sous roche,…
M. Roland Courteau. C’est le cas !
M. Martial Bourquin. …que rien n’est prêt, que l’on va faire des bêtises !
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de loi. Plutôt que d’agir sous la pression, prenons notre temps : nous pourrons avoir un véritable débat après avoir consulté les Françaises et les Français par référendum ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Je me bornerai à formuler quelques observations, qui confirmeront nos divergences d’approche sur la manière de faire évoluer et de moderniser cette grande entreprise publique qu’est La Poste.
S’en tenir au statu quo entraînerait une lente asphyxie de La Poste, qui se trouverait dans l’impossibilité de répondre aux défis qui l’attendent. Nous ne souscrivons pas à ce qui vient d’être dit. Le présent projet de loi est absolument nécessaire, à un double titre : sur le plan juridique, afin de parachever le processus de transposition des directives européennes postales, entamé voilà plus de dix ans ; sur le plan économique, afin de donner à La Poste les moyens de faire face à la concurrence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. M. Bourquin a parlé de respect, or il me semble avoir consacré beaucoup d’énergie à rencontrer les élus sur l’ensemble du territoire, quelle que soit leur sensibilité politique. Je crois leur avoir ainsi montré combien je les respecte. Qui peut d’ailleurs avoir le sentiment qu’on lui a manqué de respect, sinon le ministre auquel on a annoncé qu’on allait lui « pourrir la semaine » ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. C’est vous qui répétez cela depuis hier soir !
M. Michel Teston. Qui a prononcé cette phrase ?
M. Christian Estrosi, ministre. Qui donc s’est montré irrespectueux ? Sur ce point, vous ne me prendrez jamais en défaut !
Mme Évelyne Didier. Si vous voulez des exemples précis, j’en ai, monsieur le ministre ! Ils remontent au dernier débat budgétaire !
M. Jean-Pierre Bel. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Christian Estrosi, ministre. Bien volontiers, monsieur Bel : c’est pour moi une autre façon de respecter les sénateurs !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, les propos que vous nous avez reprochés à plusieurs reprises depuis hier n’ont été repris que sous forme de boutade par l’un d’entre nous, précisément parce que vous les aviez d’abord prononcés. Puisqu’ils semblent constituer votre argument principal, dites-nous qui a affirmé que nous avions l’intention de vous « pourrir la semaine ». J’aimerais vraiment le savoir, car cela commence à devenir insupportable ! Levez ce suspense, afin que nous puissions vous répondre avant de passer aux arguments de fond !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Bel, je vais vous donner la preuve matérielle que le groupe que vous présidez est complètement associé à cette volonté de « pourrir le débat » sur la réforme postale, tout au long de cette semaine. De même, je vais vous démontrer, en répondant à M. Bourquin, que vous vous complaisez à habiller certaines réalités.
Je commencerai par répondre sur le fond, car ce débat sur La Poste le mérite à mes yeux.
Vous affirmez, monsieur Bourquin, que les 2,7 milliards d'euros pouvaient être apportés à La Poste tout en maintenant le statut d’EPIC. Or vous savez très bien que l’Union européenne interdit un tel apport à un établissement public ! Si nous le faisions, nous serions immédiatement condamnés et La Poste devrait rembourser cette somme au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle le seul moyen de conserver le caractère public de La Poste tout en lui apportant 2,7 milliards d'euros consiste à la transformer en société anonyme à caractère public.
Par ailleurs, vous m’avez annoncé que vous alliez formuler des propositions, mais vous avez surtout parlé de bulle financière et agité le spectre de la privatisation. Le maintien de 17 000 points de contact postaux n’est pas une garantie à vos yeux et vous relevez qu’aujourd'hui la situation de certains bureaux ou agences est précaire – constat sur lequel nous pouvons nous rejoindre –, mais vous n’indiquez pas comment et avec quels moyens nous allons améliorer les choses : vous estimez au contraire qu’il ne faut rien changer, ce qui est pour le moins paradoxal ! Vous nous accusez d’adopter une démarche idéologique et de procéder au « déménagement du territoire », mais vous ne présentez pas la moindre proposition, préférant en rester à des procès d’intention et à une addition de bons sentiments.
Cela étant, alors que le sujet qui nous occupe fait débat depuis des semaines, vous venez enfin de formuler publiquement une suggestion : assurer le financement de La Poste par le biais du grand emprunt. Je prends donc acte de ce que le parti socialiste est favorable à un recours au grand emprunt pour financer La Poste : cela figurera au Journal officiel ! Cependant, que les 2,7 milliards d'euros proviennent du Gouvernement et de la Caisse des dépôts et consignations ou du grand emprunt, où est la différence ? Cela reste de l’argent public, et nous nous heurterons à l’opposition de l’Union européenne dans les deux hypothèses, car l’État n’a pas le droit d’apporter 2,7 milliards d’euros à un établissement public !
Telle est la seule proposition que vous ayez faite, après en avoir annoncé de nombreuses ! Entre nous soit dit, elle n’est d’ailleurs pas des plus originales !
Il est vrai que vous proposez également de mener un combat sur le plan européen pour faire accepter que des établissements publics puissent recevoir de l’argent public sans avoir besoin de changer de statut. Comment peut-on suggérer de s’engager dans cette voie alors que l’ouverture à la concurrence interviendra dans moins d’un an ? Compte tenu du temps qu’il faut pour amener les instances européennes à revoir si peu que ce soit leur position, La Poste aura disparu avant que nous ayons obtenu le moindre résultat, absorbée par des concurrents qui auront pu, eux, évoluer pour se renforcer. Cela dit, le fait que l’un de vos amendements prévoie de modifier le statut de La Poste en 2045 montre à quel point vos propositions sont caricaturales !
Je parlerai maintenant une dernière fois de privatisation, ayant déjà donné suffisamment d’explications sur ce point pour ne plus avoir à y revenir ensuite. Désormais, ce qui compte à mes yeux, c’est de débattre de l’avenir de La Poste, de sa modernisation, de la grande entreprise de logistique, leader européen, que nous voulons créer. Il est temps de tourner la page : La Poste ne sera pas privatisée ! Vous pouvez bien brandir ce spectre, cela ne m’intéresse pas ! Ma seule préoccupation est de donner toutes ses chances à La Poste.
Néanmoins, je tiens à réfuter absolument votre argument relatif à l’IRCANTEC, qui ne doit pas inquiéter les salariés. Au mois de juillet dernier, nous avons répondu à leurs attentes en ouvrant les négociations, notamment avec l’AGIRC-ARRCO. Il sera inscrit dans la loi que l’AGIRC-ARRCO versera une soulte à la hauteur des engagements nécessaires pour permettre aux salariés de La Poste de bénéficier du régime de l’IRCANTEC.
Enfin, vous avez fait référence à une boutade d’un conseiller du Président de la République sur le caractère non éternel de toute chose en ce bas monde : ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire, a-t-il dit.
M. Martial Bourquin. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Assurant que le projet de loi offre les plus grandes garanties possibles pour interdire la privatisation, M. Guaino a rappelé que nous sommes en démocratie et que si demain les socialistes ont la majorité et veulent changer la loi, ils le pourront. Vous n’êtes pas allé jusqu’au bout de la citation, monsieur Bourquin ! Tout comme M. Guaino, la seule chose que je craigne, c’est que demain vous ne reveniez au pouvoir pour changer la loi et privatiser La Poste ! (Rires sur les travées de l’UMP.) C’est la raison pour laquelle nous voulons nous entourer de toutes les garanties nécessaires.
En ce qui concerne votre volonté de « pourrir la semaine »,…
M. Jean-Pierre Bel. Ne le redites pas !
M. Christian Estrosi, ministre. … elle était exprimée dans une dépêche annonçant que le Sénat se préparait à un affrontement « sévère » sur le statut de La Poste : « “on va leur pourrir la semaine ”, proclamait-on au groupe socialiste » ; « “on sera nuit et jour dans les tribunes pour faire une lecture critique de chaque amendement ”, avertissait le représentant du comité national contre la privatisation de La Poste ».
M. Jean-Pierre Bel. Qui a dit cela ?
M. Christian Estrosi, ministre. Ce sont vos amis, ceux avec lesquels vous avez organisé cette votation qui n’avait ni queue ni tête ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. C’est la presse !
M. Christian Estrosi, ministre. Les propos tenus tout à l’heure par l’un des orateurs de votre groupe à cette tribune n’ont fait que confirmer cette intention ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je souhaite répondre à l’interpellation de M. Bourquin et expliquer notre vote, afin d’apaiser M. Teston, qui semblait désespéré que nous ne nous exprimions pas…
Monsieur Bourquin, je confirme que ce que vous appelez une « votation » n’était qu‘une scandaleuse mascarade ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Cela vous surprendra peut-être, mais je suis à la fois centriste et gaulliste ! En tant que gaulliste, je suis foncièrement attaché au référendum, et c’est pour cette raison que j’ai été scandalisé par cette mascarade ! En effet, poser à nos concitoyens une question qui n’a rien à voir avec le projet de loi, c’est tout simplement se moquer d’eux et de la démocratie !
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle était la question ? Le savez-vous seulement ?
M. Hervé Maurey. Et quand de surcroît on demande aux gens de voter contre la fermeture d’un bureau de poste qui, en l’occurrence, n’est absolument pas menacé, c’est même une escroquerie intellectuelle ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Cela étant, M. Bourquin m’a permis de prendre conscience que je suis complètement en phase avec mes homologues nippons, ce que j’ignorais : comme eux, je suis hostile à la privatisation des services postaux. Mais, encore une fois, ce n’est pas la question qui nous occupe aujourd'hui.
M. Roland Courteau. C’est un premier pas !
M. Hervé Maurey. J’ai beaucoup de respect et d’estime pour MM. Bourquin et Teston, mais je ne comprends pas leur position dans ce débat. En les écoutant, deux mots me viennent à l’esprit : archaïsme et surréalisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Archaïsme et surréalisme sont antinomiques !
M. Hervé Maurey. Je parle d’archaïsme parce qu’ils s’arc-boutent sur la défense du statut d’EPIC : depuis quand un statut juridique est-il une fin en soi ? La finalité, c’est que La Poste reste une grande entreprise de service public, que ses missions de service public soient confirmées et confortées : tel est l’objectif visé par le groupe de l’Union centriste au travers d’un certain nombre d’amendements, que nos collègues ne manqueront pas, du moins je l’espère, de voter. (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste.)
Nous souhaitons que l’entreprise La Poste puisse faire face à l’ouverture à la concurrence européenne. Voilà ce qui compte, au-delà de la question du statut, EPIC ou SA, qui relève en fait du détail !
Un étudiant en première année de droit – je parle sous le contrôle de M. Gélard – sait que le statut d’EPIC n’est nullement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public. Je vous invite à retourner à la faculté de droit le plus rapidement possible… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En outre, votre démarche est surréaliste dans la mesure où, alors que nous examinons un projet de loi qui, je le répète, ne prévoit pas la privatisation de La Poste,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Amen !
M. Hervé Maurey. … vous tenez absolument à évoquer un hypothétique futur texte relatif à cette privatisation. Certes, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais quel parlementaire pourrait s’en émouvoir ? C’est le principe même de la démocratie !
Cessons donc de débattre d’un projet de loi qui pourrait venir ultérieurement modifier celui que nous examinons aujourd'hui, d’autant que, si l’on entend s’opposer à la privatisation de La Poste, le maintien du statut d’EPIC n’est pas une garantie pour l’avenir : rien n’empêcherait qu’une autre loi intervienne ensuite pour transformer directement La Poste en société de droit privé, le passage par le statut de SA n’étant en rien une étape obligatoire.
Je suis quelque peu chagriné de voir des collègues pour qui j’ai beaucoup d’estime et de sympathie…
M. Jean-Jacques Mirassou. On ne le dirait pas !
M. Hervé Maurey. … s’enferrer dans une attitude archaïque et surréaliste. Naturellement, nous ne voterons pas la motion. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Pour notre part, nous voterons la motion de procédure présentée par le groupe socialiste, car nous considérons que ce projet de loi est dangereux pour le service public postal. À qui fera-t-on croire que l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des activités postales et la transformation de l’opérateur national en simple société anonyme permettent de garantir un service public efficace et moderne ?
Vous n’avez de cesse, monsieur le ministre, de nous dire que les missions de service public et la maîtrise publique seront sauvegardées, mais si ces missions sont définies – de manière relativement imprécise – dans le texte, leur financement reste plus qu’incertain.
Ainsi, la suppression du secteur réservé, prévue au titre II du projet de loi, va, une nouvelle fois, priver La Poste de ressources indispensables pour mettre en œuvre le service universel.
Dans ces conditions, la création du fameux fonds de compensation du service universel postal, inscrite dans la loi relative à la régulation des activités postales, devient plus que jamais nécessaire. Ce fonds devait initialement être géré par la Caisse des dépôts et consignations ; celle-ci prenant part au capital de La Poste, il vous revient donc de créer un établissement public dédié.
Je ne parlerai pas ici du fonds postal de péréquation territoriale, cette question ayant déjà largement abordée par mes collègues lors de la discussion générale. Son avenir est mis en péril par la suppression annoncée de la taxe professionnelle.
Le projet de loi s’articule autour de la notion de service universel, notion qui est pour vous le plus sûr outil du démantèlement des services publics à la française. On le constate encore dans ce texte, qui prévoit que les prix soient fixés en fonction des coûts : il n’est donc plus question de services publics, mais de services rendus dans des conditions économiquement intéressantes pour les actionnaires.
Vous renforcez encore le rôle et les pouvoirs de l’ARCEP, dont la mission est de permettre l’entrée sur le marché des opérateurs privés dans des conditions favorables. Les autres instances, curieusement, ont été mises en sommeil, notamment la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
Je formulerai maintenant des propositions, comme vous nous y avez invités à juste titre, monsieur le ministre, car si nous refusons le changement de statut, nous ne voulons pas non plus le statu quo.
À votre exigence de rentabilité maximale, nous opposons l’instauration de complémentarités et de coopérations comme bases du service public et de la cohésion nationale.
À l’échelle européenne, mettre en œuvre des réseaux transeuropéens a du sens. En revanche, organiser une guerre fratricide entre les services publics nationaux n’aboutit qu’à un vaste gâchis humain et financier.
À l’échelle nationale, nous proposons d’ouvrir le chantier de la création de deux pôles publics. J’ai cru comprendre que vous étiez favorable à la mise en place du premier d’entre eux, à savoir un grand pôle public financier, articulé autour de la Banque de France, de La Poste, de la Caisse des dépôts et des consignations et d’OSEO, afin d’orienter les finances publiques vers la satisfaction des besoins, sans recourir aux produits toxiques. Puisque vous nous avez félicités de cette proposition, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir intervenir auprès des services du Sénat pour que l’article 40 de la Constitution ne soit pas opposé aux sous-amendements que nous allons déposer à cette fin.
Par ailleurs, puisqu’il faut accompagner la complémentarité des usages d’une complémentarité des offres, pourquoi ne pas s’appuyer sur le formidable atout que représente le réseau postal pour lutter contre la fracture numérique ? Il y a là une piste importante à explorer en vue de la modernisation que nous appelons de nos vœux, l’objectif étant la création d’un grand pôle public des postes et télécommunications du xxie siècle. Il faudrait pour cela en finir avec la logique qui anime toutes les réformes que le Gouvernement entreprend en se défaussant de ses responsabilités sur le privé ou sur les collectivités locales, comme on le voit avec les APC et les RPC, ce qui mène à l’impuissance des pouvoirs publics à répondre aux besoins et à offrir des services à tous.
Pour toutes ces raisons, les 2,3 millions de personnes qui se sont exprimées le 3 octobre dernier peuvent compter sur les sénateurs du groupe CRC-SPG et, au-delà, de toute l’opposition pour faire entendre leur voix. Pour notre part, nous respectons leur démarche, monsieur Maurey, et nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de les mépriser. Nous sommes à leurs côtés, déterminés à affirmer que La Poste a un bel avenir devant elle, à condition de mettre en échec votre projet de loi de privatisation – c’est bien de privatisation qu’il s’agit – de ce grand service public postal. Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Madame Schurch, permettez-moi de vous rappeler, d’une part, que les orateurs doivent respecter leur temps de parole, et, d’autre part, que ce ne sont pas les services du Sénat qui décident l’application de l’article 40 de la Constitution, mais la commission des finances.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, l’article que vous avez cité tout à l’heure ne mentionne aucun nom, et je ne me souviens pas que le groupe socialiste, le groupe CRC-SPG ou les Verts aient annoncé vouloir « pourrir la semaine » ! Qu’est-ce que cette rumeur ? Se servir ainsi d’un article d’ambiance n’est pas digne d’un gouvernement,…
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’est plus gouverné !
M. Martial Bourquin. … et nous sommes en droit d’espérer autre chose.
Monsieur le ministre, vous nous demandez comment financer l’EPIC. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! M. Teston vous a dit hier que, pour le transport de la presse et la présence postale sur le territoire, il était possible d’allouer des financements publics à l’accomplissement d’un service public. En outre, un « rebasage » de La Poste est possible avant l’ouverture à la concurrence, car depuis des années l’État ne contribue pas à la présence postale.
Ces questions sont sérieuses et méritent d’être discutées. Nous ne disons pas : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Lorsque notre pays assurait la présidence de l’Union, la question des services publics aurait pu être placée, avec celle de la crise financière, au cœur du sommet européen, dont l’organisation, soit dit en passant, a coûté très cher… (Murmures sur les travées de l’UMP.) C’est d’ailleurs certainement grâce aux services publics et à notre protection sociale que nous avons mieux résisté que d’autres à la crise.
Par ailleurs, la question du grand emprunt est posée, ainsi que celle des pôles publics, dont la création est proposée par M. Danglot. Et puisque l’on cherche de l’argent pour financer La Poste, monsieur le ministre, pourquoi ne pas restreindre le bouclier fiscal ? Si La Poste est vraiment le joyau que vous avez décrit toute la journée, cela vaut la peine !
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Martial Bourquin. Sachez, monsieur Maurey, qu’il y a partout à la fois de l’archaïsme et du modernisme. Mais franchement, lorsque 2,4 millions de personnes vont voter, parfois avec la peur au ventre (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste), on ne peut pas ignorer leur démarche. Il s’est passé quelque chose de fort, et les médias ne s’y sont pas trompés. Les Français ont exprimé leur attachement au plus ancien de nos services publics. Nous ne débattrions certainement pas comme nous le faisons aujourd’hui s’il n’y avait pas eu cette votation ! (M. Hervé Maurey proteste.)
Monsieur Maurey, si vous voulez, en tant que gaulliste, un référendum en bonne et due forme, alors organisez-le !
M. Alain Fouché. Cela ne sert à rien !
M. Martial Bourquin. Enfin, je voudrais signaler à M. le ministre que, en ma qualité de maire d’une commune de 15 000 habitants, je suis assigné au tribunal administratif pour avoir pris une délibération sur La Poste… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Sur ordre du ministère !
M. Martial Bourquin. En effet ! Cela n’est pas admissible !
M. Didier Guillaume. C’est scandaleux !
M. Martial Bourquin. Nous avons organisé un référendum de façon bénévole, en dehors des lieux publics et des heures de travail des salariés. Qu’est-ce qui nous en empêche ? Qu’est-ce qui nous empêche d’adopter une motion tendant à demander que La Poste reste un établissement public ?
Mme Jacqueline Panis. Démarche mensongère !
M. Martial Bourquin. Comment peut-on nous déférer devant le tribunal administratif pour une telle raison ? Monsieur le ministre, je demande solennellement que les préfets retirent ces assignations, afin que l’on puisse débattre en toute sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 540, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d’une motion n°541.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Michel Teston, auteur de la motion.
M. Michel Teston. Le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales marque une rupture certaine dans l’organisation de nos services publics. Il constitue, à n’en pas douter, une étape de plus dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics correcteurs d’inégalités sociales et territoriales.
En effet, on ne saurait négliger les conséquences du basculement du statut d’EPIC vers celui de SA, tant sur le plan social et des statuts du personnel que sur le plan financier, avec la mise en œuvre de l’évaluation financière de La Poste ou encore l’attribution d’actions au personnel. Ces points méritent toute notre attention, car il s’agit là d’un véritable bouleversement de l’organisation de La Poste, consistant en un alignement sur le droit commun des SA.
Certaines questions restent sans réponse, qu’il s’agisse du régime conventionnel auquel seront soumis les personnels ou de la pérennisation du régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, autrement dit l’IRCANTEC. Le projet de loi n’a rien prévu à cet égard, ce qui signifie que ce régime est condamné à terme.
Le basculement vers le droit commun des sociétés anonymes annonce l’extinction progressive des emplois de fonctionnaire. Or la cohabitation des fonctionnaires avec les contractuels soulève un certain nombre d’interrogations, dans la mesure où les contractuels devraient être régis par les conventions collectives.
Plus précisément, la coexistence de plusieurs régimes de conventions collectives, qu’il s’agisse de la convention collective de La Poste, de celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou de celles des concurrents potentiels du fait de l’absence d’une convention commune pour les activités postales, risque de susciter de nombreuses injustices et inégalités entre les salariés. Cela est d’autant plus problématique que l’on observe, dans les postes étrangères, une nette dégradation des conditions de travail et une multiplication des emplois précaires.
Par ailleurs, la suppression dans le projet de loi d’une disposition de l’article 31 de la loi n° 90-568 faisant référence aux « conditions de travail » parmi les thèmes abordés par les instances représentatives du personnel, les IRP, est fortement symbolique : elle présage à coup sûr une diminution de la protection des salariés. Il semble pour le moins inopportun de supprimer l’expression collective des instances représentatives sur les conditions de travail à l’heure où celles-ci, sous la pression de plus en plus forte des objectifs de rentabilité, se dégradent dans toutes les entreprises.
On a pu voir, en particulier chez Renault ou France Télécom, à quel point l’évolution d’une entreprise publique était susceptible d’engendrer de fortes contraintes et ainsi d’entraîner un mal-être parmi les salariés. Les drames dont nous sommes témoins chaque jour doivent nous inciter à prendre le temps d’analyser les conséquences, pour les salariés, de la pression concurrentielle, ainsi que des exigences de productivité et de rentabilité.
Les questions et les problèmes que je viens d’évoquer auraient justifié un avis de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, voire la mise en place d’une commission spéciale.
Pour ce qui relève, tout d’abord, de la commission des affaires sociales, l’article 9 du projet de loi vise à étendre le champ d’application des mécanismes d’épargne salariale et d’intéressement à l’ensemble des personnels de La Poste. L’intéressement, distinct de la participation, associe collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise, tandis que le plan d’épargne salariale leur donne, toujours de manière collective, la faculté de participer à la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières. Ces dispositions, comme celles qui sont relatives à la représentation et à l’information des salariés, à la formation économique, juridique, ou encore aux conditions d’ancienneté, s’appliqueront à l’ensemble des personnels de La Poste, y compris les fonctionnaires en activité.
Par ailleurs, cet article précise les modalités selon lesquelles des augmentations de capital ou des cessions d’actions réservées pourront être réalisées dans le cadre d’un fonds commun de placement d’entreprise. Enfin, il étend le dispositif de participation aux résultats de l’entreprise.
Ainsi bascule-t-on concrètement dans le droit commun des SA, que ce soit avec l’intéressement du personnel de La Poste à la réalisation des objectifs de productivité et de performance de l’entreprise ou avec ces autres formes de rétribution, telles que les primes, qui ne font pas partie de la rémunération. Il s’agit de permettre aux salariés de constituer un portefeuille de titres émis par La Poste SA, pour les faire bénéficier d’un régime fiscal favorable, ce qui devrait, au demeurant, les inciter à agir pour faire monter le cours des actions de leur entreprise. Espérons que le changement de statut de La Poste, s’il intervient, ne préfigure rien de comparable à ce qui s’est passé dans d’anciennes entreprises publiques, comme GDF, avec l’instauration de mécanismes d’allocation et de distribution de stock-options aux dirigeants.
L’article 18 vise à compléter l’article L. 3-2 du code des postes et télécommunications en transposant des dispositions de la troisième directive européenne concernant, notamment, les « exigences essentielles ». Il s’agit de mettre en place des procédures transparentes et peu coûteuses de traitement des réclamations, de garantir l’accès aux services et aux installations des personnes handicapées, d’assurer la neutralité des envois postaux concernant l’identité de l’expéditeur. À cela s’ajoute une disposition introduite par le Parlement européen pour protéger les salariés, qui impose que « les obligations légales et conventionnelles » en matière de conditions de travail et de sécurité sociale soient respectées.
En outre, selon le considérant 53 de la directive, les dispositions adoptées ne doivent pas affecter le droit du travail, c’est-à-dire les dispositions légales ou contractuelles « concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs ».
Ces exigences essentielles devraient donc s’imposer à tous les prestataires de services postaux, sans préjudice du statut de fonctionnaire du personnel de La Poste. Encore faudrait-il qu’une harmonisation vers le haut des diverses conventions puisse être réalisée dans toute la branche ou le secteur des activités postales, afin d’éviter tout « dumping social » !
Or des incertitudes demeurent à cet égard. Comme je l’ai déjà indiqué, la mise en place d’une convention collective dans le secteur des activités postales est loin d’avoir abouti. En l’absence d’une telle convention, nous avons de bonnes raisons de penser que, après l’ouverture totale à la concurrence, les concurrents de La Poste continueront à appliquer des conventions moins avantageuses.
Enfin, ce projet de loi compromet l’équilibre financier du régime de I’IRCANTEC. Or, à ce jour, rien n’a été prévu pour pallier les conséquences de cette réforme. En effet, alors que les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d’emploi et de retraite afférentes, il n’en ira pas de même pour les 160 000 salariés contractuels, dont le régime va être modifié et qui vont, par conséquent, perdre le bénéfice de leur régime de retraite complémentaire. Que va-t-il se passer pour tous ces salariés ? La question reste sans réponse. Ils seront a priori affiliés à un régime beaucoup moins avantageux, avec des cotisations plus élevées pour des pensions plus faibles. De plus, l’affiliation de ces salariés à l’AGIRC-ARRCO aura des conséquences financières défavorables pour l’IRCANTEC, dont les contractuels de La Poste représentent environ 6 % de l’effectif cotisant et près de 30 % de la marge technique. L’IRCANTEC se trouvera donc gravement fragilisée, ce qui aura pour effet de remettre en cause les bénéfices escomptés de la réforme de 2008. Les conséquences du changement de régime risquent d’être désastreuses pour l’IRCANTEC si l’on devait transférer les agents concernés vers l’AGIRC et l’ARRCO.
Nous regrettons en outre que la commission des finances n’ait pas été saisie pour avis sur un projet de loi qui crée une société anonyme par actions, avec à la clé l’annonce d’une augmentation de capital de 2,7 milliards d’euros, dont 1,2 milliard d’euros seraient apportés par l’État et 1,5 milliard d’euros par la Caisse des dépôts et consignations.
Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur la provenance des fonds mobilisés par l’État, à l’heure où les contraintes qui pèsent sur son budget, d’un côté, et les charges de la dette, de l’autre, laissent peu de marges de manœuvre financières. Dans l’hypothèse où la Caisse des dépôts et consignations participerait à l’augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et assurer ainsi son développement, rien ne l’empêcherait de revendre sa part d’actions à tout moment. Il est d’ailleurs perceptible, au travers de ses dernières interventions, que la CDC semble cantonner son rôle à l’apport d’une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté et/ou présentant un intérêt stratégique pour la France ; en aucun cas elle n’a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.
La commission des finances aurait encore eu son mot à dire sur la mise en place du fonds de compensation alimenté par l’ensemble des opérateurs postaux, au prorata de leur chiffre d’affaires. Son avis nous paraît tout aussi nécessaire sur l’amendement portant l’abattement, au titre de la taxe professionnelle, de 85 % à 100 % pour financer le fonds de péréquation, puisqu’il est prévu que la différence soit compensée, à due concurrence, par la dotation globale de fonctionnement.
De plus, de sérieux doutes existent quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l’entreprise en cas d’abandon du statut d’établissement public. En effet, nous savons bien quelle évolution ont connue les grandes entreprises publiques ayant été soumises au même processus de transformation en SA : à terme, cela a abouti à leur privatisation. La fusion intervenue entre GDF et Suez illustre bien ce mouvement de privatisation. Le Gouvernement se défend de vouloir suivre cet exemple, arguant que la comparaison avec GDF n’est pas pertinente ; nous dirons simplement, à ce stade, que nous ne sommes pas dupes. J’ajouterai, en guise de démonstration supplémentaire, que de nombreux États ayant privatisé leur poste ont vu dans cette opération le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger leur dette. Est-ce que ce projet de loi concernant La Poste le permettrait aussi à terme ? La question est posée.
M. le rapporteur affirme que La Poste sera certes une entreprise, mais « pas comme les autres », avec un capital à 100 % public. Or, face au jeu de la concurrence et des marchés, difficilement contrôlable, comment garantir effectivement que cette entreprise demeurera « pas comme les autres » ?
Par ailleurs, quelle sera la rémunération des nouveaux actionnaires ? L’État, en tant qu’actionnaire, percevra-t-il des dividendes, alors qu’il ne compense pas intégralement, comme il le devrait, le surcoût lié aux missions de service public ? Comment utilisera-t-il ces nouveaux dividendes ponctionnés sur la société anonyme ? Quel sera le retour sur investissement exigé par la Caisse des dépôts et consignations ? Toutes ces questions mériteraient un débat.
Dans ce contexte, comment La Poste, devenue société anonyme, pourra-t-elle garantir le financement de ses quatre missions de service public, à savoir le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire ? Aucune garantie n’est en effet donnée quant à un financement suffisant et pérenne de La Poste.
Si le projet de loi maintient La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans, on relève l’absence de moyens nouveaux pour assurer cette mission. La nouvelle société anonyme risque de se voir contrainte à réduire ses coûts, ce qui se traduira probablement par des suppressions d’emplois, ainsi que par un recul de la présence postale et de la distribution du courrier. Les exemples ne manquent pas à cet égard en Europe, où nombre de services publics voient leurs missions se réduire du fait d’un environnement concurrentiel.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, compétentes pour donner leur avis sur les dispositions que je viens de rappeler.
Enfin, compte tenu de l’incidence que peut avoir le changement du statut sur l’aptitude de La Poste à exercer ses quatre missions de service public, nous considérons que le projet de loi devrait être renvoyé en commission spéciale, s’il devait advenir que les commission des affaires sociales et des finances ne soient pas saisies, comme nous le demandons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je voudrais d’abord apporter une précision sur le mode de fonctionnement de notre assemblée : la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est pleinement compétente en matière de services postaux. Elle a mené dans la plus grande transparence des auditions auxquelles les sénateurs membres du groupe d’étude postes et communications électroniques, que j’ai l’honneur de présider, ont participé. Je remercie d’ailleurs ceux de nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, qui ont assisté à ces nombreuses auditions ; ils ont ainsi pu se forger une opinion très précise sur les diverses questions abordées, notamment celle des retraites. Il aurait été bon que tous les intervenants sur ce sujet aient entendu les représentants de l’IRCANTEC et de l’AGIRC-ARRCO, car cela aurait peut-être permis que les appréciations soient un peu plus nuancées…
Le temps est maintenant venu de passer à l’examen du projet de loi et des amendements.
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission ne pouvant souscrire à la motion présentée par le groupe socialiste, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je souhaite formuler une remarque de fond.
Monsieur Teston, l’équilibre financier de l’IRCANTEC ne sera nullement mis en péril. En effet, un amendement déposé par le groupe UMP prévoit expressément un mécanisme financier de compensation au profit de cet organisme, afin de prendre en compte le fait que s’il conservera les salariés actuels de La Poste, les nouveaux salariés relèveront pour leur part de l’AGIRC-ARRCO.
Mme Annie David. Et voilà !
M. Christian Estrosi, ministre. Par ailleurs, en ce qui concerne les droits des fonctionnaires, le groupe du RDSE a déposé un amendement tendant à créer un dispositif de prévoyance santé au bénéfice de ces derniers, ce qui représente une garantie supplémentaire pour les agents de La Poste.
Au bénéfice de ces éclaircissements, il me semble que la motion tendant au renvoi à la commission n’a plus de raison d’être. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 541, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Ce rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.
Selon les indications fournies par M. le président Larcher sur la suite de nos travaux, le Sénat devrait débuter la discussion des articles du présent projet de loi avant l’examen de la motion référendaire, demain matin. Cette proposition me semble incongrue, monsieur le président : il s’agit d’un non-sens constitutionnel évident.
Vous me rétorquerez que le règlement le permet. Mais comment imaginer que l’on puisse commencer l’examen du corps d’un texte alors que le Sénat n’a pas encore décidé de sa propre compétence pour débattre de ce dernier et surtout pour le voter ?
En effet, l’adoption de la motion référendaire déposée sur le présent projet de loi signifierait que le Sénat a décidé que le peuple est souverain pour engager l’avenir de La Poste et que ni un individu, ni une institution ne saurait le faire à sa place.
Le débat parlementaire n’est pas un jeu de dupes. L’opposition sénatoriale a pris une décision rare, visant à permettre au Sénat de se dessaisir au profit du peuple tout entier. Une telle initiative mérite respect : il s’agit non pas d’une manœuvre procédurière pour gagner une heure ou deux de débat, mais d’un acte citoyen répondant à l’attente d’une population qui rejette massivement ce projet gouvernemental de libéralisation de La Poste.
Monsieur le président, mes chers collègues, il n’est donc ni sérieux, ni légitime, ni conforme à l’esprit de la Constitution et de notre règlement de débuter maintenant la discussion des articles. Je demande solennellement, par conséquent, la suspension de ce débat jusqu’après l’examen de la motion référendaire. En tout état de cause, je sollicite une suspension de séance immédiate, afin de permettre à chacun des groupes, mais plus particulièrement à ceux de l’opposition, de faire le point sur les arguments avancés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour un rappel au règlement.
M. Patrice Gélard. Je suis en total désaccord avec l’interprétation de M. Fischer, qui ne repose sur aucun argument juridique fondé.
M. Adrien Gouteyron. Évidemment !
M. Patrice Gélard. Des précédents existent. Par le passé, sous le gouvernement de M. Jospin, nous avons nous aussi, alors que nous étions dans l’opposition, déposé des motions référendaires, qui n’ont même pas été examinées par l’Assemblée nationale après avoir été adoptées par le Sénat… En tout état de cause, nos travaux s’étaient poursuivis jusqu’à ce que ces motions puissent être discutées. Je demande donc simplement que cette jurisprudence s’applique aujourd'hui. Dans l’hypothèse où la motion référendaire serait adoptée, nous devrions naturellement suspendre nos travaux sur le présent texte.
Je rappelle en outre qu’il n’appartient pas au Sénat de décider seul dans cette affaire ; l’Assemblée nationale doit aussi se prononcer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne change rien !
M. Patrice Gélard. Le Sénat peut certes demander l’organisation d’un référendum, mais pas seul !
Je demande donc que nous poursuivions nos travaux. Demain matin, nous examinerons la motion référendaire : si elle est adoptée, l’examen du projet de loi sera interrompu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. J’ai bien écouté les propos de nos collègues Guy Fischer et Patrice Gélard, et c’est avec le premier d’entre eux que je me sens en phase. (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Quelle surprise !
M. Michel Teston. J’espère que vous m’accordez ce droit, chers collègues de la majorité !
Nous allons aborder l’examen des articles du projet de loi. Or, si demain matin, au terme de nos débats, un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale, convaincus qu’il faut s’en remettre au peuple, acceptent de voter avec nous, nous aurons travaillé pour rien ce soir,…
M. Adrien Gouteyron. Ce ne serait pas dramatique ! Le travail ne nous fait pas peur !
M. Michel Teston. … et surtout montré que nous ne faisons guère cas de l’avis du peuple.
Il me semble donc absolument indispensable de satisfaire la demande formulée par M. Fischer. En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous la soutenons pleinement. J’ignore si le règlement du Sénat prévoit que nous puissions voter sur ce point, mais cette proposition me paraît excellente. Monsieur le président, pour que nous puissions en discuter entre nous, ne serait-il pas opportun de suspendre quelques instants la séance ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec intérêt. En tant que président de séance, je ne vois pas de raison d’interrompre nos travaux. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) M. le président du Sénat m’a indiqué tout à l’heure qu’il avait fait valider par les présidents des groupes politiques les modalités suivantes d’organisation de nos débats : à la suite du rejet des trois motions de procédure s’engagerait la discussion du titre Ier du projet de loi, commençant par l’examen de vingt-sept amendements portant articles additionnels avant l’article 1er et par douze interventions sur celui-ci. M. le président du Sénat m’a demandé de respecter ce schéma et de lever la séance vers minuit, pour qu’elle puisse s’ouvrir demain matin à neuf heures trente. Je vous rappelle, monsieur Fischer, que nous avons évoqué cette question lors de notre déjeuner commun… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Adrien Gouteyron. Quelle compromission, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Je me suis exprimé non pas en tant que vice-président du Sénat, mais comme simple sénateur ! N’usez pas d’arguments fallacieux, monsieur le président !
M. le président. À la demande de la commission, je suspendrai nos travaux à dix-neuf heures trente, pour qu’elle puisse se réunir à vingt et une heures quinze, la séance reprenant à vingt et une heure quarante-cinq.
Nous passons donc à la discussion des articles.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA POSTE ET MODIFIANT LA LOI n° 90-568 DU 2 JUILLET 1990 RELATIVE À L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC DE LA POSTE ET À FRANCE TÉLÉCOM
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le titre Ier, sous prétexte de moderniser La Poste, qui ne saurait, nous dit-on, survivre en l’état, vise à modifier le statut de l’établissement.
Nous estimons quant à nous que le changement de statut, loin d’être un préalable nécessaire à la modernisation de La Poste, représente au contraire un véritable danger pour l’accomplissement des missions de service public.
Ce projet de loi vise à transformer La Poste en société anonyme, dont le capital social serait détenu dans un premier temps par l’État et des personnes morales de droit public, mais sans que soit garantie leur présence majoritaire depuis que le texte a été modifié en commission.
Malgré les affirmations du Gouvernement, qui veut faire croire que ce changement de statut ne constitue en aucun cas un prélude à l’ouverture du capital aux entreprises privées, ce projet de loi cache très mal une volonté de privatisation de La Poste.
M. Mercier nous a juré, la main sur le cœur, qu’il aimait La Poste, mais les précédents de France Télécom, d’EDF et de GDF…
M. Alain Fouché. Pas EDF !
Mme Annie David. … ont montré que les déclarations de bonnes intentions, selon lesquelles la présence de la puissance publique dans le capital serait maintenue malgré la transformation de la forme juridique en société anonyme, sont absolument dépourvues de valeur.
Rien, si ce n’est la volonté de permettre, à terme, la privatisation de La Poste ne justifie d’ailleurs que l’on change le statut juridique de cette entreprise publique. J’en veux pour preuve l’absence de garantie en ce sens et le rejet par la commission de nos amendements ayant pour objet de prévoir clairement que seule la Caisse des dépôts et consignations entrerait au capital ou d’inscrire en toutes lettres dans le projet de loi l’affirmation d’un service public national de la poste.
Parce que nous sommes résolument opposés à tout projet de loi permettant la privatisation d’une entreprise qui accomplit des missions de service public, nous demandons la suppression du présent titre Ier.
Nous souhaitons que les missions essentielles de La Poste, telles que le service universel, la contribution à l’aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse ou l’accessibilité bancaire, soient garanties. Or l’accomplissement de ces missions n’est possible que pour une entreprise publique, au service de l’intérêt général, et non pour une société privée dont l’objectif est de dégager du profit !
Concrètement, si le texte était adopté en l’état, rien ne garantirait plus l’existence d’un service postal de proximité pour tous et sur l’ensemble du territoire français, y compris là où cette activité n’est pas rentable financièrement, par exemple dans les zones rurales ou de montagne. Rien ne garantirait non plus le maintien des accords conclus entre La Poste, l’État et la presse écrite pour assurer le transport et la distribution de cette dernière, qui traverse une crise assez grave, mettant en jeu sa survie même.
Pour garantir un véritable service public de qualité, assurant des missions de cohésion sociale primordiales, nous souhaitons donc que le titre Ier de ce projet de loi, qui ouvre la voie à une privatisation inacceptable, soit supprimé.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé de ce titre :
Dispositions préparant la privatisation de La Poste
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Par cet amendement, nous souhaitons donner au titre Ier du projet de loi un intitulé qui soit véritablement conforme à son contenu.
En effet, nous estimons que l’intitulé actuel de ce titre Ier tend à faire croire à l’ensemble des Français qu’il ne s’agit là que d’un simple toilettage de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, d’une « petite réforme », ne changeant quasiment rien à la situation actuelle de La Poste.
Or il n’en est rien : c’est bien d’une transformation profonde qu’il s’agit ! Derrière une formulation technique et d’apparence anodine se cache en réalité un projet politique clair : préparer le terrain et les conditions juridiques d’une future privatisation de La Poste.
Le passage du statut d’établissement public industriel et commercial à celui de société anonyme constitue un pas supplémentaire vers ce que l’on pourrait appeler la « privatisabilité » de La Poste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
La transformation en société anonyme constitue un changement radical dans la manière de gérer une entreprise. C’est la porte ouverte à l’actionnariat, à la financiarisation et à tous ses abus, tels que nous les voyons se manifester quotidiennement ; c’est surtout véritablement la fin de la notion de service public à la française qui prévalait dans cette entreprise.
En effet, la forme actuelle de l’EPIC permettait déjà de trouver un équilibre entre le service rendu à tous les Français et la rentabilité de l’établissement, nécessaire à sa pérennité. La transformation de La Poste en société anonyme n’est aujourd’hui nullement justifiée sur les plans économique, structurel ou juridique. C’est uniquement en vue d’une future privatisation que le Gouvernement promeut la forme juridique de la société anonyme. Dès lors, pourquoi ne pas l’indiquer clairement dans le projet de loi ? Tel est précisément l’objet de notre amendement.
Ainsi, les choses seraient clairement exprimées, sans langue de bois. Le Gouvernement et les partisans de cette réforme ont beau marteler que jamais La Poste ne sera privatisée, tous les précédents en la matière – EDF, France Télécom, entre autres – nous portent à croire que cette privatisation aura malheureusement bien lieu, à plus ou moins brève échéance. Dans ces conditions, autant l’inscrire dans le projet de loi !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il est inenvisageable de laisser La Poste dépourvue face à la transformation de son environnement économique. La commission a soutenu la transformation de La Poste en société anonyme, et elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 3.
En ce qui concerne l’amendement n° 4, il relève d’un pur procès d’intention. Le projet de loi préserve au contraire l’avenir de La Poste en tant qu’entreprise publique. La commission émet donc également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. L’adoption de ces deux amendements empêcherait d’allouer à La Poste les 2,7 milliards d'euros dont elle a besoin pour relever les défis de l’avenir… Nous ne pouvons faire un tel choix. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.
M. Michel Teston. Nous soutenons bien entendu les deux amendements de nos collègues du groupe CRC-SPG.
L’argumentation présentée par M. le ministre ne tient pas, dans la mesure où La Poste, sous sa forme actuelle d’établissement public à caractère industriel et commercial, peut parfaitement être subventionnée, au travers de la loi de finances initiale, pour l’accomplissement de deux de ses quatre missions de service public : la présence postale, le transport et la distribution de la presse. Or, pour l’heure, l’État n’appuie pas La Poste pour la première de ces missions, et il ne le fait qu’insuffisamment en ce qui concerne le transport et la distribution de la presse !
Il est possible de maintenir le statut d’EPIC : c’est la position que nous défendrons tout au long de ce débat.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous ne pouvons que demander la suppression du titre Ier, ou du moins sa réécriture, puisqu’il ne s’agit finalement que d’un déploiement de dispositions visant non pas à transformer La Poste en société anonyme pour lui permettre d’accroître ses fonds propres, comme vous l’affirmez, monsieur le ministre, mais bien plutôt à modifier sa forme juridique pour qu’elle puisse être privatisée.
Formellement opposés à la privatisation de toute entreprise publique, et donc de La Poste, nous nous prononçons pour la suppression de ce titre dans sa globalité. Je le répète, ces dispositions ne sont en réalité qu’un prélude à l’ouverture du capital à des entreprises privées !
Tout d'abord, les missions d’accessibilité bancaire sont remises en cause. Même si un article du projet de loi semble réaffirmer qu’elles correspondent à une mission de service public, la privatisation, que permet le titre Ier, conduira La Poste à devenir une banque ordinaire, sujette aux dérives que l’on connaît et qui sont à l’origine de la crise économique mondiale.
Ainsi, le livret A permettait de collecter l’épargne populaire au profit du financement du logement social, et la Banque postale garantissait le droit au compte pour tous. Or l’ouverture partielle à la concurrence a remis en cause ces missions : le livret A est désormais proposé par toutes les banques, qui l’utilisent à des fins exclusivement commerciales, et La Poste tente déjà de restreindre l’accès aux services bancaires pour les personnes qui ne « rapportent » pas assez ; la privatisation ne fera qu’aggraver ce phénomène !
En outre, si l’article 2 bis prévoit que le réseau de La Poste maintiendra au moins 17 000 points de contact, les caractéristiques de ces derniers seront précisées dans un contrat pluriannuel qui fixera les heures d’ouverture, ainsi que la gamme des services postaux offerts… Ainsi, aucune garantie n’est apportée par la loi, et la nature de ces points de contact postaux n’étant pas déterminée, la possibilité reste ouverte de confier les missions de service postal à des relais postaux, à côté des bureaux de plein exercice, ce qui correspond à un service moindre.
L’article 2 ter, quant à lui, porte à 100 % l’abattement dont bénéficie La Poste sur la base des impositions locales, telle la cotisation de la taxe professionnelle. Toutefois, quand on sait que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit de réformer la fiscalité locale, notamment en supprimant la taxe professionnelle, comment ne pas s’interroger sur la portée d’un tel article ! De plus, introduire une telle disposition revient, encore une fois, à faire supporter aux collectivités locales le poids financier des missions régaliennes de l’État.
La dégradation de la présence postale et du service rendu au public sur le territoire a déjà été entamée avec l’ouverture partielle à la concurrence. Une ouverture totale, liée à la privatisation de La Poste, ne pourrait qu’aggraver encore cette dégradation, au préjudice de la population.
Ce titre ne vise donc qu’à entériner la loi du profit, de la rentabilité financière et de la concurrence, au détriment des services rendus.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre, il est défendu de subventionner un EPIC, même en essayant de distinguer entre ses activités. Si nous le faisions, nous serions condamnés au remboursement des sommes versées, voire à des amendes !
Par conséquent, nous ne pouvons nous engager dans cette voie. M. le ministre a parfaitement raison. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement que vous êtes là pour le dire !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l’amendement n° 4.
M. Michel Teston. Je ferai observer à M. Gélard que, depuis de nombreuses années, l’État subventionne le transport et la distribution de la presse. Ainsi, dans la dernière loi de finances, ces crédits, répartis entre deux missions distinctes, s’élevaient à 242 millions d’euros. Certes, c’est insuffisant, il conviendrait de faire plus, mais cela n’a jamais suscité aucune remarque,…
M. Marc Daunis. Bien sûr !
M. Michel Teston. … car l’Union européenne, je le répète, considère qu’en matière de présence postale ou de transport et de distribution de la presse, chaque État membre est compétent. C’est en quelque sorte une application du principe de subsidiarité.
En revanche, il n’en va pas de même en matière de service universel postal…
M. Michel Bécot. Voilà !
M. Michel Teston. … et d’accessibilité bancaire, encore que, aux termes de la directive, si le Fonds de compensation du service universel postal n’est pas réparti équitablement entre les opérateurs, rien n’empêche un État membre d’intervenir.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Poste, exploitant autonome de droit public, exploite un service public national.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. La Poste exploite un service public national, et certaines de ses activités peuvent être rattachées à un service public national constitutionnel.
Contrairement au service public national du fait du législateur, les services publics constitutionnels ne peuvent cesser de relever de la collectivité, même si le législateur en décide ainsi. Préciser dans la loi qu’un service public est national ne permet donc pas d’éviter une privatisation, mais cela garantit que le législateur sera saisi de la question. Bref, on écarte une privatisation par voie réglementaire.
Par ailleurs, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il suffit au législateur de priver l’entreprise concernée des caractéristiques qui en faisaient un service public national pour pouvoir la privatiser. Or c’est exactement ce qu’entend faire le Gouvernement par le présent projet de loi, qui vise en effet à transposer le droit communautaire, livrant totalement le secteur postal à la concurrence, ainsi qu’à ouvrir l’ensemble des activités postales aux opérateurs privés et à supprimer le secteur réservé.
Quand le Conseil constitutionnel a voulu déterminer si GDF exploitait un service public national, afin de se prononcer sur la conformité de sa privatisation au Préambule de la Constitution de 1946, il a jugé « que les obligations de service public définies par l’article 16 de la loi du 3 janvier 2003 s’imposent non seulement à Gaz de France, mais encore à l’ensemble des entreprises concurrentes intervenant dans le secteur du gaz naturel ; qu’il en est ainsi en ce qui concerne les obligations de service public fixées par la loi, au niveau national, sur chacun des secteurs d’activité », et que, par conséquent, la loi déférée faisait perdre à GDF son statut de monopole public, rendant possible de procéder à sa privatisation.
Ainsi, dès lors que l’on change le statut de l’exploitant autonome de droit public dans le contexte d’ouverture à la concurrence du secteur postal, rien n’empêchera la privatisation totale de l’entreprise. M. le ministre déclare qu’il va rendre La Poste « imprivatisable » : outre que ce mot ne figure pas dans le dictionnaire, il n’a aucune réalité…
Par cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public, nous proposons de maintenir le statut d’exploitant autonome de droit public de La Poste. C’est en effet le seul moyen efficace d’empêcher toute privatisation. Au-delà, nous souhaitons la suppression de toutes les dispositions du projet de loi, car ce texte dans son ensemble remet en cause le service public postal national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous avons déjà eu en commission une discussion sur cet amendement. Nous avions alors proposé à M. Danglot de le rectifier pour le rendre identique à l’amendement n° 579 de M. Retailleau, que nous examinerons ultérieurement.
Si la commission a approuvé la mention du service public national, la référence au statut d’exploitant autonome de droit public rend l’amendement incompatible avec la transformation en société anonyme.
Cet amendement n’ayant pas été rectifié dans le sens souhaité par la commission, celle-ci émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je partage l’avis de la commission, mais je veux insister, madame Terrade, sur le fait que je suis favorable à l’inscription dans la loi du caractère de service public national de La Poste.
Cela étant, je vous invite à vous rallier à l’amendement n° 579 de M. Retailleau, qui fut d’ailleurs le premier à soulever ce point lors de la réunion de la commission de l’économie du 20 octobre. Un amendement identique a ensuite été déposé par M. Fortassin et certains de ses collègues du groupe du RDSE. Finalement, vous ne faites aujourd’hui que reprendre la proposition de M. Retailleau,…
M. Christian Estrosi, ministre. … en ayant pris soin d’insérer votre amendement avant le sien dans la discussion, ce qui me paraît tout à fait inapproprié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement a été déposé il y a longtemps, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Notre amendement n’a pas du tout la même portée que celui de M. Retailleau.
L’amendement n° 579, d’abord présenté en commission, vise à réaffirmer le caractère de service public national de La Poste, en garantissant ainsi que cette dernière ne pourra faire l’objet d’une privatisation. Il s’agit de faire en sorte que la transformation en société anonyme ne puisse avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste.
Cet amendement a été retiré, car le Gouvernement voulait réfléchir à cette proposition, puis il a été redéposé en séance. M. le ministre, qui a pu vérifier qu’il n’engageait à rien, semble maintenant vouloir le soutenir…
Notre amendement est différent. Tout d’abord, nous demandons le retrait du projet de loi, notamment bien sûr la suppression de son article 1er, qui procède au changement de statut de La Poste. Ensuite, nous souhaitons que le caractère de service public national de cet établissement soit expressément inscrit dans la loi.
De plus, notre amendement vise à préciser que La Poste conserve le statut d’exploitant autonome de droit public, car seul ce statut garantit la pleine maîtrise de l’État et le respect de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946.
Si la majorité ne vote pas notre amendement au nom de la défense du service public postal, elle le fera sans doute au nom de l’identité nationale, thème qui lui est cher ! En effet, selon les résultats d’un sondage publiés dimanche dernier par le Journal du Dimanche et Le Parisien/Aujourd’hui en France, 60 % des Français placent les services publics parmi les éléments importants qui constituent l’identité de notre pays !
Au nom de la défense des services publics, de la protection des usagers et du respect de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946, nous vous proposons, mes chers collègues, de voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Nous sommes favorables à cet amendement, dans la mesure où ses cosignataires ont pris la précaution de bien expliquer qu’ils sont pour le maintien du statut actuel d’exploitant autonome de droit public, tel que prévu par la loi de 1990, statut assimilé à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial par un arrêt du Tribunal des conflits et un arrêt du Conseil d’État, datant tous deux de 1998.
Le groupe CRC-SPG précise que cet établissement public à caractère industriel et commercial exploite un service public national au sens du Préambule de la Constitution de 1946. Nous sommes d’accord avec cette rédaction, tandis que celle de l’amendement n° 579 donne à croire que l’on restera dans le cadre du service public national tout en ouvrant la voie à un changement de statut.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Je relève une confusion entre établissement public et service public. Un service public peut être assuré de multiples façons, par exemple par une entreprise privée ou en régie, et pas forcément par un établissement public à caractère industriel et commercial. (M. Michel Teston s’exclame.) Je rappelle d’ailleurs que la SNCF a changé de statut.
Par ailleurs, s’agissant des subventions allouées au transport et à la distribution de la presse écrite, je souligne que c’est bien cette dernière qui est aidée, et non La Poste ! Si demain d’autres opérateurs participaient à la distribution des journaux, ils bénéficieraient du dispositif au même titre que La Poste.
M. Adrien Gouteyron. Eh oui !
M. Patrice Gélard. En outre, l’État peut subventionner le fonctionnement, mais absolument pas l’investissement : pour cela, il est nécessaire de passer au statut de société anonyme. Sortons de ce dialogue de sourds : si l’on ne va pas dans le sens que je viens d’indiquer, le service public continuera à être assuré par un établissement public industriel et commercial privé de toute possibilité d’évolution ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Guy Fischer. Il nous enfume !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous voulons insister, à propos du statut d’EPIC, sur un point qui nous paraît fondamental.
Nous n’avons jamais parlé d’investissement, mais uniquement de fonctionnement. M. Gélard est d’accord avec nous pour dire que l’État peut continuer à subventionner le fonctionnement de l’EPIC qui assure le service public postal comme il le fait aujourd’hui. Cela ne pose aucun problème.
Si l’État augmentait régulièrement ses subventions, les fonds propres de La Poste seraient bien plus importants qu’ils ne le sont aujourd’hui et il ne serait pas nécessaire de l’aider à financer ses investissements.
M. Charles Gautier. Voilà !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est faux !
M. Didier Guillaume. Telle est la réalité ! Pour que notre débat soit serein, nous devons être précis et dire la vérité à nos concitoyens, qui suivent nos discussions : oui, il est possible de subventionner le fonctionnement d’un EPIC tel que La Poste,…
M. Patrice Gélard. La presse, pas La Poste !
M. Didier Guillaume. … et si l’État le fait de façon régulière, année après année, alors les fonds propres de La Poste lui permettront d’investir et de se moderniser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Claude Bérit-Débat. C’est dommage !
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport comportant une étude approfondie sur les conséquences sociales de l'ouverture à la concurrence du secteur public postal est présenté au Parlement avant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Notre amendement vise à introduire un préalable indispensable à tout changement de statut de l’entreprise publique La Poste.
Avant l’entrée en vigueur de la loi, nous souhaitons en effet que soit présenté au Parlement un rapport sur les conséquences sociales de l’ouverture partielle du secteur public postal à la concurrence.
Le présent projet de loi tend à conférer à La Poste une nouvelle forme juridique, celle de société anonyme. En dépit des affirmations trompeuses du Gouvernement, selon lesquelles il s’agit de permettre à La Poste de lutter « à armes égales » avec ses concurrents, l’objectif est, à terme, la privatisation. À l’origine de ce texte se trouvent les notions de concurrence et de compétitivité dans un contexte européen, la directive du 20 février 2008 fixant au 31 décembre 2010 l’échéance pour la libéralisation totale des marchés postaux.
Placées sous l’égide du dogme libéral du marché et de l’entreprise privée, ces justifications éludent les conséquences réelles, malheureusement néfastes, de l’ouverture à la concurrence, qui sont pourtant prévisibles au regard de l’expérience européenne actuelle.
Avant l’entrée en vigueur d’une loi libérale, qui aura des répercussions pour tous les usagers de La Poste, il nous semble donc indispensable d’évaluer, par le biais d’une étude ad hoc, l’incidence de la concurrence sur le plan social, afin que puissent être prises en compte les situations problématiques qui ne manqueront pas d’apparaître, mais que le Gouvernement et les élus de la majorité se gardent d’évoquer.
Il est d’ailleurs fort regrettable qu’une telle étude n’ait pas été réalisée avant même l’élaboration du présent projet de loi. En effet, l’impact social de l’ouverture à la concurrence ne concerne pas que les seuls salariés de La Poste, car cette entreprise publique de proximité joue quotidiennement un véritable rôle de lien social auprès de nos concitoyens, qui se matérialise par la distribution du courrier par le facteur et par la présence de ses bureaux dans les zones géographiques isolées.
Ce rapport permettrait aussi de faire la lumière sur les réorganisations et fermetures de services qui ont eu lieu, les suppressions massives d’emplois qualifiés et sous statut, la précarisation de l’emploi, ainsi que sur la dégradation des conditions de travail, qui a pour corollaire la détérioration du service rendu.
Enfin, il contribuera à mettre en évidence, par la mention de faits avérés, que l’ouverture à la concurrence conduit à l’abandon du principe d’égalité et à la structuration du service postal selon des critères de rentabilité financière, la privatisation et la libéralisation dévoyant les missions de service public.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 décembre 2009, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de la déréglementation dans le secteur postal. Ce rapport examine l'impact en termes d'emploi, de santé au travail et d'aménagement du territoire de la transposition des directives européennes.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Depuis plus de vingt ans, l’Europe est devenue, pour les salariés du secteur postal, synonyme de déréglementation et de mise en concurrence. La privatisation de La Poste qui sous-tend ce projet de loi est, à n’en pas douter, l’aboutissement de ce processus.
La Commission européenne a d’abord adopté le Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux, qui découle de l’Acte unique européen de 1986. Puis, en février 1994, fut approuvée la résolution du Conseil européen sur le développement des services postaux communautaires. En janvier 1999, conformément à la première directive postale européenne, adoptée en 1997, fut ouverte à la concurrence la distribution des lettres d’un poids supérieur à 350 grammes. Ensuite, en 2002, avec la transposition de la deuxième directive postale, ont été concernés les envois d’un poids supérieur à 100 grammes, le seuil étant encore abaissé à 50 grammes en janvier 2006. Enfin, est prévue pour le 1er janvier 2011 la mise en concurrence de la distribution des lettres de moins de 50 grammes, ce dernier acte de dérégulation résultant, quant à lui, de la troisième directive postale, adoptée en 2008.
On le voit bien, aux trois directives postales ont correspondu trois trains de libéralisation, les commissaires européens, à commencer par M. Barroso, n’ayant qu’une obsession : poursuivre la dérégulation qu’ils avaient entamée avec le secteur des télécommunications.
L’argument est toujours le même : il faut coûte que coûte supprimer les barrières nationales, les protections, et privilégier la mise en concurrence. L’objectif est d’aboutir à une économie libre et non faussée, fonctionnant sans aucune intervention des pouvoirs publics. Et qu’importe si la réduction des prix annoncée n’est pas toujours au rendez-vous ! Natacha Tatu, du Nouvel Observateur, observe, avec raison, que, « à Bruxelles, la dérégulation est devenue une vraie théologie et les fonctionnaires se sont mués en inquisiteurs traquant sans merci les hérétiques subventions et aides publiques ».
Chers collègues de la majorité, à l’heure où vous allez transformer La Poste en société anonyme, en renonçant ainsi au service public postal, nous entendons, pour notre part, mettre en exergue les conséquences de ces politiques pour les salariés, leur santé physique et psychique, ainsi que pour la qualité du service public offert aux Français.
M. le président. L'amendement n° 362, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport spécifique sur l'évolution globale de l'emploi et les conditions de travail dans le secteur postal au plus tard le 30 juin 2010 puis tous les deux ans.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement l’établissement, préalablement à toute entrée en vigueur des dispositions européennes, d’un rapport sur la situation de l’emploi et des conditions de travail dans le secteur postal. Ce rapport sera transmis au Parlement avant le 30 juin 2010, afin que ce dernier ait le temps d’en évaluer, en toute transparence, les conclusions.
Ainsi que le démontrent les expériences menées dans les autres États membres de l’Union européenne, l’ouverture totale à la concurrence aura des conséquences certaines sur l’emploi et les conditions de travail.
Force est de constater que l’ouverture du marché à la concurrence a partout entraîné des réductions d’effectifs chez les opérateurs historiques, des emplois précaires étant créés, parallèlement, chez les nouveaux acteurs. Nous redoutons donc, non sans raisons malheureusement, des conséquences similaires pour le service public postal français.
Certes, le dépôt d’un tel rapport est prévu à l’article 23 de la troisième directive postale. Toutefois, dans la perspective de l’entrée en vigueur des dispositions en question, nous souhaitons pouvoir prendre plus rapidement connaissance de l’état des conditions sociales dans le secteur postal français, puisque, comme l’indique M. le rapporteur, des incertitudes existent quant à l’évolution globale de celui-ci.
Nous espérons que la tradition sociale de La Poste, telle qu’elle est décrite dans le rapport de M. Hérisson, à savoir celle d’une entreprise publique qui « vise à renforcer les emplois stables […] et à réduire significativement le nombre de contrats à durée déterminée », ne soit pas reniée au nom de la réponse à de nouveaux défis et de la conquête de nouveaux marchés.
Pour avoir un service public de qualité, il faut l’adapter aux évolutions technologiques, sans renoncer à investir dans les ressources humaines. C’est à ce prix que La Poste, premier employeur de France après l’État, pourra rester une entreprise « pas comme les autres » !
Par ailleurs, nous souhaitons que la stratégie de Lisbonne, qui consiste notamment « à promouvoir la croissance » et à « créer davantage d’emplois et des emplois de meilleure qualité », selon les termes employés lors du Conseil européen de mars 2005, préside à la transposition de la troisième directive postale, dont nous contestons néanmoins toujours le bien-fondé, ainsi que les objectifs qui la sous-tendent.
M. le président. L'amendement n° 357, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2010, le Gouvernement soumet au Parlement un rapport sur les conditions de l'application de la directive 97/67/CE modifiée par la directive 2002/39/CE au secteur postal français.
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Cet amendement, qui s’inscrit dans la même veine que le précédent, vise à assurer au Parlement une information précise et transparente sur les conditions d’application des directives postales européennes, ainsi qu’à prévoir une mission d’évaluation. Cette information ne serait pas un luxe ; elle aurait même dû être un préalable à l’élaboration du projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis.
Depuis la première directive postale de 1997, la Commission européenne a obligation d’élaborer régulièrement des rapports sur l’application des directives postales, rapports qui se fondent sur des études « indépendantes ». À nos yeux, ce dernier point pose problème, car la réalisation de ces études est confiée à des cabinets d’audit dont le travail aboutit invariablement à la même conclusion : il faut restructurer les entreprises et réduire les coûts.
Peut-on confier l’évaluation de l’accomplissement de missions de service public à des cabinets d’audit qui n’ont aucune obligation de prendre en compte les objectifs sociaux, économiques et politiques des traités européens, pas plus que l’exigence de cohésion économique et sociale ou le rôle des services publics ? Ne laissons pas les services publics être traités comme de simples entreprises !
J’ajoute que les conclusions tirées par la Commission européenne sont elles aussi purement idéologiques : comment peut-on accepter que des commissaires européens considèrent que l’organisation d’un service postal universel et le maintien d’un secteur réservé sont un « obstacle juridique » à l’application de « règles du jeu équitables ». Mais oui, cette formulation figure bien dans la troisième directive postale ! C’est un joli euphémisme pour désigner la concurrence organisée par les seules forces des marchés. Nous sommes loin de la concurrence régulée et maîtrisée des services, que chacun ici appelle de ses vœux.
L’évaluation que j’évoquais doit donc être reprise en main à l’échelon politique, comme en témoigne éloquemment la révision de la directive dite Bolkestein, première mouture de la directive relative aux services, révision obtenue grâce à l’implication des parlementaires de toute l’Union européenne.
Les parlementaires des différents États membres seraient parfaitement à même d’effectuer ce travail indispensable. La troisième directive postale impose à la Commission européenne de fournir un nouveau rapport d’évaluation à l’horizon de 2013, échéance qui nous paraît bien tardive. Le dernier rapport, qui date de l’été 2009, n’est pour l’instant disponible qu’en anglais.
Que le Parlement puisse évaluer, indépendamment des études commandées par la Commission européenne, les conséquences réelles de l’application des directives européennes postales déjà en vigueur avant toute éventuelle application de la troisième directive postale nous paraît un minimum. Nous souhaitons une évaluation plus politique que celle des cabinets privés.
M. le président. L'amendement n° 358, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement tous les deux ans, et pour la première fois au plus tard avant le 30 juin 2010, un rapport sur les tarifications commerciales du secteur postal.
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement vise à établir une véritable transparence des tarifications commerciales du secteur postal, en demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur ce sujet au Parlement.
On peut s’inquiéter des tentations que peut éprouver La Poste de facturer, notamment aux PME, la distribution du courrier à une heure qui était jusqu’à présent considérée comme normale. Selon un journal satirique dont la qualité des enquêtes ne peut être mise en cause, les entreprises devraient désormais payer triple tarif pour recevoir leur courrier avant onze heures du matin, ce qui est pour elles une absolue nécessité.
On n’ose imaginer les conséquences d’une telle politique tarifaire, qui manque totalement de transparence, sur le budget des PME, surtout pour celles d’entre elles qui sont situées dans des zones peu denses et dont l’activité est essentielle pour la vitalité de leur territoire !
Cette tendance ne pourrait être que renforcée par l’application de la logique de la troisième directive postale, dont il nous est proposé de transposer certaines dispositions, et non des moindres.
La mise en question du financement du service postal universel, la fin du secteur réservé et la fixation des prix en fonction des coûts auront des incidences notables sur les tarifs.
Un sénateur de l’UMP. Ce n’est pas vrai !
M. Martial Bourquin. Cette situation pourrait d’ailleurs être encore aggravée par l’adoption éventuelle d’une proposition de directive relative à la suppression de l’exonération de la TVA pour les services postaux que la Commission européenne vient de soumettre à nouveau au Conseil. Nous reviendrons plus longuement sur les conséquences d’une telle proposition.
En conclusion, l’augmentation des coûts pèsera lourdement sur les particuliers, mais surtout sur les budgets des petites et moyennes entreprises. Aussi souhaitons-nous que le Parlement puisse étudier de façon régulière les données précises de la facturation réelle des services proposés.
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard au 1er janvier 2012, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant l'évolution de l'emploi dans le secteur postal ainsi que celle des tarifs du service public postal depuis l'ouverture totale du marché.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique que les précédents, a pour objet de demander au Gouvernement de transmettre au Parlement un rapport détaillé sur l’évolution de l’emploi dans le secteur postal et des tarifs du service public postal avant l’ouverture totale du marché des services postaux en Europe.
On ne peut que s’inquiéter, en effet, des conséquences de la libéralisation du secteur, que de nombreux exemples en Europe mettent désormais en lumière.
La Confédération européenne des syndicats a elle aussi appelé à une évaluation des conséquences de l’application de la troisième directive postale pour l’emploi et la situation des travailleurs avant que l’on aille plus loin dans cette voie. Elle considère également qu’il est tout à fait contraire aux objectifs du modèle social européen de se borner à remplacer les monopoles publics par des oligopoles privés, au lieu de créer des emplois meilleurs et plus nombreux, et de substituer à des emplois sûrs des emplois précaires assortis d’horaires de travail ne permettant pas de concilier vie professionnelle et vie familiale.
En un mot, l’application de cette troisième directive postale, qui concerne plus de 1,6 million de salariés, risque d’entraîner des conséquences graves et permanentes pour l’emploi. L’ « optimisation » des ressources humaines au titre de la gestion des coûts du service universel a gagné tous les pays européens qui ont ouvert leur secteur postal à la concurrence. C’est un bel euphémisme, qui masque une réalité pouvant inspirer de grandes inquiétudes.
Ainsi, en Grande-Bretagne, l’équivalent de La Poste a déjà procédé à la suppression de 35 000 emplois, et un second plan de grande ampleur est annoncé. Depuis le 23 octobre dernier, les postiers britanniques sont d’ailleurs en grève. Au nom de la compétitivité, c’est la précarité qui s’installe ! En Belgique, de faibles salaires sont désormais proposés aux jeunes, aux retraités et aux femmes au foyer qui voudraient devenir facteurs de leur quartier, cela afin de limiter le coût de la distribution du courrier. De tels emplois, rémunérés 25 euros bruts par jour, ne sont viables que si on les combine avec une pension de retraite ou des indemnités de chômage : 8 000 ont été proposés, tandis que, parallèlement, 8 000 emplois ont été supprimés en cinq ans !
Au-delà des questions d’emploi et de conditions sociales pour les salariés des services postaux, on constate partout en Europe que les services sont rendus à des prix élevés, à la fois pour les particuliers et pour les entreprises, sans que les prestations fournies se soient pour autant améliorées.
Ces constats inquiétants nous font souhaiter que soit conduite une évaluation objective de toutes les conséquences d’une ouverture plus grande, voire totale, à la concurrence. Par conséquent, nous demandons instamment au Gouvernement la remise d’un tel rapport d’évaluation avant l’entrée en vigueur de la troisième directive postale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’amendement n° 6 prévoit la remise au Parlement, avant la promulgation de la présente loi, d’un rapport étudiant les conséquences sociales de l’ouverture à la concurrence du secteur public postal.
Monsieur Danglot, j’ai du mal à comprendre votre proposition. En effet, si cette mesure était adoptée, elle serait, comme toutes les autres dispositions du texte, applicable après la promulgation de la loi. Comment peut-elle donc prévoir la remise d’un rapport avant cette échéance, sauf à remonter dans le temps ?
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Les autres amendements faisant l’objet de la discussion commune visent à prévoir la remise au Parlement de rapports portant sur des sujets divers, parfois dans des délais peu réalistes. La commission est défavorable aux amendements nos 7, 362, 357, 358 et 363.
M. Guy Fischer. C’est du travail bâclé !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. En toute sincérité, mes chers collègues, combien d’entre nous lisent les rapports dont nous demandons régulièrement la remise en élaborant des textes de loi ?
M. Guy Fischer. Il n’y a que vous, bien sûr !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.
M. Claude Bérit-Débat. Je trouve que la réponse de M. le rapporteur est tout de même un peu légère !
En effet, il nous reproche de prévoir des délais trop courts pour la remise des rapports sollicités, alors que notre amendement n° 363 fixe comme date butoir le 1er janvier 2012 ! Ce n’est quand même pas là une échéance trop rapprochée !
En outre, il me semble normal, et même indispensable, de pouvoir évaluer les conséquences sur l’emploi et sur les tarifs du service public, par exemple, de l’ouverture du secteur postal à la concurrence. Nous sommes les porte-parole des citoyens, notamment des 2,4 millions d’entre eux qui, voilà un mois, ont voté contre vos propositions, même si vous ne voulez pas l’entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Il nous paraîtrait plus qu’opportun d’étudier les conséquences sociales de la libéralisation et de l’ouverture à la concurrence du secteur postal, en France et dans les autres pays d’Europe. Pourquoi refuser que soient évalués, dans des conditions sérieuses, les effets de cette évolution ? Pourquoi refuser la transparence et la connaissance des faits, sinon pour occulter les conséquences sociales, que l’on sait néfastes, de l’ouverture à la concurrence, fût-elle partielle comme en France : réduction et précarisation des emplois, diminution du nombre des bureaux de poste, restriction des services offerts ? La réalisation d’une telle étude interdirait de les nier
Depuis 2001, La Poste a ainsi perdu 25 000 emplois, et 600 bureaux de poste ont été fermés en 2007. Très concrètement, cela signifie une baisse du nombre de facteurs, et donc un allongement des tournées en zones rurales ou périurbaines. Cela signifie aussi que, pour assurer des missions de service public qui ne sont pas entièrement financées par l’État, La Poste joue sur la qualité de la couverture territoriale, les services aux usagers et les conditions de travail du personnel.
Il est intéressant de noter que, pour la première fois depuis la création de La Poste, on assiste à une baisse du volume du courrier, à hauteur de 3 % en 2008. Or La Poste évalue à 100 millions d’euros par an l’incidence financière d’une baisse de 1 % du volume du courrier.
Dans le contexte actuel d’ouverture à la concurrence, La Poste obéit à une logique de recherche de nouvelles parts de marché, au prix d’une dégradation du service, de la suppression de bureaux de poste et d’emplois !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La réponse qui nous a été faite m’a quelque peu surpris.
Aujourd'hui, on le sait, les PME connaissent de grandes difficultés, souffrent d’une grave pénurie de liquidités : l’année à venir sera très difficile pour elles. Ma question sera simple : comment pourraient-elles, dans ces conditions, payer trois fois plus cher qu’aujourd’hui pour que le courrier leur soit délivré avant onze heures ?
On ne nous répond pas sur le fond, alors que de telles questions le méritent et que l’on nous propose d’avoir un débat solide et sérieux…
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Mon explication de vote portera en fait sur l’amendement n° 357.
La troisième directive postale devrait entrer en application à compter du 1er janvier 2011. À ce jour, des études ont été commandées à l’échelon européen pour tenter de mesurer les effets de la mise en œuvre des deux premières directives, mais aucune véritable évaluation de cet ordre n’a été conduite par les administrations françaises.
Avant que la troisième directive postale n’entre en vigueur, il nous semble pourtant absolument indispensable que le Parlement français puisse évaluer, et ce indépendamment des études commandées par la Commission européenne, les conséquences réelles de l’application des deux directives précédentes. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 357.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. En commission, il nous avait été suggéré d’enrichir le débat et le projet de loi par des amendements, dont M. le ministre a dit qu’il était disposé à les prendre en considération s’ils apportaient quelque chose.
Permettez-moi de vous relire l’amendement n° 362 : « Le Gouvernement présente au Parlement un rapport spécifique sur l’évolution globale de l’emploi et les conditions de travail dans le secteur postal au plus tard le 30 juin 2010, puis tous les deux ans. » Très franchement, je ne vois pas en quoi cet amendement mérite d’être rejeté par la commission. Nous ne demandons rien d’extraordinaire !
M. Patrice Gélard. Cette disposition ne sera pas appliquée !
M. Yannick Botrel. De mon point de vue, non seulement il apporte quelque chose, mais, alors que l’on a reproché aujourd’hui à l’opposition de faire de l’obstruction sur un certain nombre de sujets, il contribue à faire avancer le débat sur un point dont l’importance ne doit échapper à personne : il s’agit en effet des ressources humaines d’une grande entreprise, La Poste, et des égards que nous devons à un personnel sur lequel, les uns et les autres, nous ne tarissons pas d’éloges.
Par conséquent, il me semblerait normal de procéder à un inventaire, ce qui nous permettrait ensuite de dresser des bilans d’étape et de prendre la mesure des évolutions à attendre.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous sommes tous très attachés au développement économique, et nous voulons que les entreprises puissent traverser ces temps de crise dans les meilleures conditions possibles.
En présentant l’amendement n° 358, M. Bourquin a souligné qu’il n’était pas normal que les entreprises doivent payer deux ou trois fois plus cher pour recevoir leur courrier avant onze heures – courrier qui comprend notamment des commandes. Est-il normal que les entreprises doivent payer deux ou trois fois plus cher pour pouvoir envoyer un devis ou un dossier à un client après l’heure limite de dépôt du courrier, fixée dans certaines zones beaucoup trop tôt dans la journée ?
Or c’est bien là le sujet qui nous intéresse ! En matière de développement économique, la dérégulation du service de distribution du courrier, telle qu’elle est en train de se mettre en place, privera les entreprises d’une part importante de leur réactivité.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a déposé l’amendement n° 357. Il ne s’agit pas de demander un rapport supplémentaire : d’ailleurs, il est bien possible que le Gouvernement commande beaucoup plus de rapports que le Parlement ! Nous voulons simplement pouvoir examiner sereinement la situation, notre objectif étant de maintenir un niveau élevé d’activité économique sur l’ensemble du territoire. Bien sûr, l’aménagement du territoire passe par le maintien de 17 000 points de contact de La Poste, mais il faut également que les entreprises de notre pays puissent continuer à travailler et à communiquer avec leurs clients et leurs partenaires.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous souhaitons pouvoir disposer d’un véritable état des lieux du secteur postal en France, avant toute transposition en droit interne de la directive européenne censée être à l’origine du changement de statut juridique de La Poste.
En effet, à l’heure où le Gouvernement voudrait faire franchir à La Poste une étape de plus dans sa conversion en entreprise entièrement commerciale, il est à nos yeux indispensable de dresser un bilan de la déréglementation de ce secteur, et ce de toute urgence : une telle étude d’impact, qui n’a jamais été réalisée, doit être menée dans les meilleurs délais, c’est-à-dire avant le 31 décembre prochain. Il est nécessaire que soient examinées concrètement et minutieusement les incidences de ce changement de structure, notamment en termes d’emploi, de santé des travailleurs et d’aménagement du territoire.
La transformation de l’établissement public industriel et commercial qu’est aujourd’hui La Poste en une société anonyme aura des conséquences très lourdes pour le personnel. Il n’est qu’à voir les problèmes que lui pose déjà la coexistence de deux régimes juridiques différents, avec l’empilement des statuts, les bricolages, les rafistolages auxquels donne lieu la création d’un véritable « ornithorynque juridique », certains personnels, dits les « ni-ni », n’étant ni des salariés de droit privé, ni de véritables fonctionnaires.
Le changement de statut doit également être précédé d’une étude sérieuse visant à mettre en lumière ses conséquences pour la santé au travail des salariés actuels et futurs de La Poste. À l’heure où l’on commence à mesurer l’étendue et la gravité de la souffrance au travail et où des missions parlementaires se constituent sur ces sujets, tandis que l’actualité nous rappelle chaque jour les dégâts humains causés par l’ultralibéralisme, il nous semble indispensable de nous interroger sur ces réalités et de commander un rapport portant notamment sur ces thèmes primordiaux.
Enfin, il convient également de mesurer l’impact de cette réforme sur l’aménagement du territoire, car elle risque d’engendrer une forte réduction de la présence postale.
C’est pourquoi il est selon nous nécessaire que ce rapport soit élaboré par le Gouvernement et adressé aux représentants de la nation avant le 30 décembre prochain.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Mes chers collègues, nous avons adopté l’année dernière une révision constitutionnelle qui a renforcé une mission que nous exercions peu dans le passé, celle de contrôle.
Il nous revient donc d’établir les rapports supplémentaires que certains d’entre vous réclament au Gouvernement : il nous appartient, durant les deux semaines consacrées chaque mois au contrôle sénatorial de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques, de nous atteler à cette tâche.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’application des directives européennes, je vous rappelle que les compétences de la commission des affaires européennes ont été accrues. C’est à elle qu’il incombe désormais de nous remettre des rapports sur toutes ces questions.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Effectivement, monsieur Gélard, le contrôle fait partie intégrante de notre activité de parlementaires. Cela étant, encore faut-il pouvoir disposer des moyens de l’exercer. Par conséquent, le fait de prévoir dans la loi la remise par le Gouvernement d’un certain nombre de rapports me semble être une sage précaution.
Certes, M. Hérisson vient de nous avouer qu’il ne lisait pas les rapports. En outre, il a estimé que les dates prévues pour leur remise étaient trop rapprochées.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous êtes contenté de valider les avis de M. le rapporteur. Au cours de ce débat, vous avez déploré que l’opposition vous fasse un procès d’intention et vous attribue des arrière-pensées que vous n’avez pas. Or vous pourriez très facilement nous prouver que nous sommes injustes avec vous : il vous suffirait de nous dire sur quels points vous êtes d’accord pour faire la transparence, et de quels délais vous avez besoin. Ainsi, si vous jugiez qu’il est matériellement impossible au Gouvernement de remettre pour le 30 juin 2010 certains des rapports que nous demandons, sans doute accepterions-nous de rectifier nos amendements pour repousser l’échéance d’un an. Nous pouvons comprendre que des raisons techniques imposent un tel report.
Par exemple, en ce qui concerne l’évaluation des conséquences de la réforme envisagée sur les conditions de travail, tous les parlementaires sont aujourd’hui confrontés, sur le terrain, au problème du stress au travail dans les entreprises, quel que soit le statut de celles-ci. Cela est tellement vrai que la conférence des présidents de notre assemblée a décidé à l’unanimité, sur l’initiative de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, de mettre en place une mission d’enquête sur cette question. En effet, il n’est pas acceptable que le travail puisse conduire certains salariés à perdre la vie.
Par conséquent, monsieur le ministre, appliquez le principe de précaution et acceptez nos propositions. Étudions quelles seront, dans cet avenir que vous prétendez radieux, les conditions de travail des salariés de La Poste. C’est une question qui intéresse tout le monde ! Dites-nous simplement de quel délai vous avez besoin pour réaliser un rapport sur ce thème. J’ajoute que prévoir la remise d’un tel document constituerait aussi un signal adressé à la direction de l’entreprise, qui saurait ainsi que le Parlement examinera de très près les conditions de travail de son personnel. Qui parmi nous pourrait être gêné par la présentation d’un rapport sur l’évolution de celles-ci ? Personne, c’est une question de bon sens ! Nous sommes prêts à prendre en considération, je le répète, d’éventuelles difficultés techniques imposant d’allonger les délais.
Monsieur le rapporteur, votre rejet de nos amendements correspond-il à une position systématique ? Considérez-vous que le texte est parfait, et donc non amendable ? Toutefois, je sais que vous êtes trop averti – ou plutôt affranchi, s’agissant de questions postales ! (Sourires.) – pour vous livrer à ce petit jeu. Nous vous offrons en quelque sorte l’occasion de nous démontrer votre bonne foi et votre ouverture d’esprit, vous devriez vous faire une joie de la saisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Frimat, tout au long de l’examen des 629 amendements ayant été déposés sur ce texte, j’aurai maintes occasions de faire preuve de mon ouverture d’esprit lorsque vos propositions en vaudront la peine ! Dans le cas présent, je ne vois pas l’utilité de ces demandes de rapports, sinon pour faire de l’obstruction ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 14 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Ce rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article de notre règlement relatif à l’organisation de nos travaux.
Pour que les choses soient claires, j’illustrerai mon propos d’un exemple particulièrement intéressant.
Voilà plus de dix ans, mes chers collègues, le président Larcher nous incitait à adopter un projet de loi qui contenait notamment la disposition suivante :
« Les ressources de Réseau Ferré de France sont constituées par :
« - les redevances liées à l’utilisation du réseau ferré national ;
« - les autres produits liés aux biens qui lui sont apportés ou qu’il acquiert ;
« - les concours financiers de l’État, eu égard à la contribution des infrastructures ferroviaires à la vie économique et sociale de la Nation, à leur rôle dans la mise en œuvre du droit au transport et aux avantages qu’elles présentent en ce qui concerne l’environnement, la sécurité et l’énergie ;
« - tous autres concours, notamment ceux des collectivités territoriales.
« Le calcul des redevances ci-dessus mentionnées tient notamment compte du coût de l’infrastructure, de la situation du marché des transports et des caractéristiques de l’offre et de la demande, des impératifs de l’utilisation optimale du réseau ferré national et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; les règles de détermination de ces redevances sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Réseau Ferré de France peut, dès sa création, faire appel public à l’épargne et émettre tout titre représentatif d’un droit de créance. »
À mon avis, cela bat en brèche certains des arguments, parfois drapés du sérieux de l’analyse juridique, qui nous ont été opposés depuis le début du débat quant à la nécessaire modification statutaire de La Poste.
Rien, à l’instar de ce qui s’est fait et continue de se faire par ailleurs pour RFF – regardez donc les crédits du ministère de M. Borloo – n’est donc interdit pour La Poste en matière d’apport d’argent de l’État sous toute forme appropriée.
Au demeurant, s’il fallait être sourcilleux sur les engagements de l’État, on pourrait exiger de lui qu’il accorde enfin à La Poste, dans le droit fil de la loi relative à la régulation des activités postales, les 1 871 millions d’euros qu’il lui doit au titre de l’aide au transport de la presse, c’est-à-dire plus que l’apport en capital associé au changement de statut !
Et ne parlons pas des 2 milliards d’euros qui doivent manquer à l’appel au titre de la mission d’aménagement du territoire...
Sans doute ne faut-il voir là qu’une coïncidence, mais, alors même que la démonstration est faite que l’on pouvait fort bien modifier la nature des ressources de l’exploitant public pour lui permettre de répondre aux exigences de la « modernité », rien n’est prévu dans ce projet de loi, sinon ce changement de statut qui, dans tous les cas de figure, ne constitue pas une réponse appropriée, sauf si cette « socialisation » devait conduire à la privatisation, que nous savons rampante dans la logique de fonctionnement et de conception du service rendu qui anime et habite ce projet de loi.
Le service public, pour vous, c’est ce qui coûte et ne rapporte pas ; ce n’est pas ce que vous voulez offrir au privé.
Ce brin d’histoire était nécessaire pour démontrer que rien n’oblige à privatiser La Poste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Vous êtes l’une des mémoires sélectives de notre maison, monsieur Fischer… (Sourires.)
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
M. le président. Nous reprenons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.
Je rappelle que l’amendement n° 7 a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Toujours avant l’article 1er, je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les principes qui organisent l'activité du service public de La Poste sont l'universalité, l'égalité, la neutralité, la confidentialité, la continuité et l'adaptabilité.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Nous avions déjà déposé un amendement identique en 2004, lors de la discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
L’orateur de notre groupe, Mme Évelyne Didier, déclarait alors :
« Cette disposition correspond à un paragraphe d’une résolution adoptée ici même sur la proposition de directive relative au développement des services postaux communautaires et l’amélioration de la qualité du service, proposition n° E-474.
« Le rapporteur de cette résolution était déjà notre collègue Pierre Hérisson.
« La majorité sénatoriale souhaitait donc en 1996 que le Gouvernement d’alors - M. Fillon était le ministre compétent -, soit porteur au Conseil des ministres européen de ces exigences. »
Ce à quoi notre collègue Pierre Hérisson répondait, au nom de la commission : « Cet amendement est d’ores et déjà largement satisfait par l’article L. 1 du code des postes et télécommunications, qui prévoit que “le service universel est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité ”. »
La tendance est forte aujourd’hui de faire l’amalgame entre service universel et service public. Il est utile de clarifier cette question.
Je souhaiterais revenir un instant sur cette notion de « service universel ». (M. le rapporteur manifeste sa lassitude.) D’origine américaine, elle est très éloignée de notre conception du service public à la française, et ceux qui souhaiteraient faire l’amalgame entre ces deux notions devraient méditer le rapport public publié en 1994 dans lequel le Conseil d’État se faisait l’écho de nos réticences en se demandant si l’on ne risquait pas, avec le service universel, « d’immoler sur l’autel de la concurrence ceux des intérêts de la collectivité et des usagers ou consommateurs qui ne peuvent être assimilés à des intérêts vitaux [et] de réduire les stratégies de service public [...] à des stratégies de type assistanciel ».
L’État est, dans cette conception, réduit à un rôle d’accompagnateur dépourvu de poids face aux mécanismes du marché. Ainsi, le service universel, repris par la suite dans les textes européens, n’est pour ainsi dire qu’un service de base, un service minimal conduisant à un nivellement par le bas. Certains le présentent même comme une sorte de label destiné « à rendre certains secteurs plus perméables aux lois du marché ».
Les différents traités européens l’ont abondamment utilisé, et le traité de Lisbonne en a fait son outil privilégié de la politique communautaire de libéralisation des services publics.
C’est donc une conception ultralibérale fondée sur la libre concurrence, l’absence de prise en compte de l’intérêt général et l’abandon de l’État au profit des mécanismes du marché. (M. le président de la commission de l’économie soupire.)
Il est donc intellectuellement malhonnête d’utiliser ce terme en laissant supposer qu’il désignerait un principe équivalent à notre conception du service public à la française. (M. le ministre s’exclame.)
Les principes développés dans notre amendement font partie de notre histoire commune ; certains voudraient les jeter aux orties sous prétexte que la modernité serait dans le camp des défenseurs des politiques libérales de tous ordres. Nous pensons que les mots sont importants et que les citoyens, comme ils l’ont montré le 3 octobre dernier, sont majoritairement attachés à cette conception républicaine.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public postal contribue à garantir la cohésion sociale, en assurant un égal accès de tous les citoyens aux services offerts par La Poste, en participant à la lutte contre les exclusions et à un développement équilibré du territoire.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le but de cet amendement est de défendre la mission de cohésion sociale de La Poste. Cet objectif de cohésion sociale se décline en plusieurs volets : l’égal accès de tous les citoyens aux services, la lutte contre les exclusions et le développement équilibré du territoire.
Historiquement, un modèle de service public en réseau s’est progressivement imposé en France. Son principe fondateur est l’égalité de traitement et d’accessibilité à l’ensemble des citoyens.
Le maillage postal de l’ensemble du territoire, puis sa desserte ferroviaire a incarné ce modèle. Une péréquation financière était appliquée au sein de chaque réseau, afin que ce service public puisse être présent sur chaque partie du territoire. Ce maillage traitait à égalité les régions dont l’isolement ou l’enclavement géographique n’autorisait pas une couverture suffisante des coûts, permettant ainsi d’assurer l’égal accès à ces services et le désenclavement des territoires les plus reculés.
La particularité des services en réseau justifie la présence d’un monopole public sur ces activités, qui permet seul d’assurer la continuité et l’harmonisation de l’accès aux services qu’ils procurent.
En termes de cohésion sociale, d’égalité de traitement entre les usagers et d’aménagement du territoire, les conséquences d’un changement de statut seront inévitablement négatives, en raison de l’étranglement de l’opérateur historique provoqué par la libéralisation du secteur et l’absence d’obligation de service public pour les opérateurs concurrents.
Les exemples suédois, allemand ou néerlandais donnent une idée du scénario qui nous attend.
Aujourd’hui, la soumission des services publics à des critères de rentabilité du secteur privé détruisent les solidarités sociales et territoriales nationales. En effet, contrairement aux agences postales communales et aux « points poste », les bureaux de plein exercice sont gérés avec un personnel postier, ce qui permet aux usagers de bénéficier d’une activité de conseil de qualité, dans le domaine financier comme dans le domaine du courrier.
En outre, la grande majorité des opérations financières ne pourront être effectuées dans vos fameux « points poste », qui sont censés pourtant offrir le même niveau de service que les bureaux de poste, par exemple les versements sur des comptes, l’envoi de mandats internationaux, les retraits par chèque à l’ordre d’un tiers ou les opérations de gestion de compte comme le changement d’adresse.
La réduction du nombre de bureaux de plein exercice est le résultat d’une restriction, par La Poste elle-même, des horaires dans ses bureaux de proximité. Dans les zones qu’elle a jugées trop peu rentables, elle a en effet transformé des bureaux de plein exercice en bureaux de proximité, limitant leur activité à une demi-journée, parfois à quelques heures par semaine, pour pouvoir ensuite mieux arguer de leur faible fréquentation.
Ce que vous proposez à certaines franges de la population, ce sont des services postaux au rabais, rompant ainsi l’égalité de traitement entre les usagers, ce qui rendra la vie des populations de zones peu peuplées plus fastidieuse.
Nous ne pouvons plus accepter la concentration de toutes les richesses de ce pays dans les centres-villes de ses grandes agglomérations. Aujourd’hui, un tiers de notre territoire est en situation de repli, perd des habitants, des emplois, des activités, publiques comme privées.
La privatisation de La Poste est, à ce titre, un nouveau message, extrêmement négatif, adressé aux habitants de ces régions, et il est par conséquent nécessaire de le contrebalancer en réaffirmant les valeurs que se doit de défendre un vrai service public.
M. le président. L'amendement n° 367, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La recherche de l'efficacité du service public postal ne peut entraîner la mise en œuvre d'un dispositif contraire aux principes fondamentaux d'universalité, de continuité, d'adaptabilité et d'égalité.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’un des principes fondamentaux du service public est celui d’adaptabilité. Il signifie que, chaque fois que c’est nécessaire, le service public peut être modifié pour répondre aux nécessités de l’intérêt général. Toutefois, cette modification ne saurait contrevenir aux principes d’égalité et de continuité, principes à valeur constitutionnelle.
Contrairement aux affirmations itératives de certains membres de la majorité, les socialistes ne sont pas des « archaïques ». Tout au contraire, ils ont à cœur de promouvoir un service public moderne, dynamique et efficace. Pour autant, la modernité, le dynamisme et l’efficacité ne sauraient se mesurer à l’aune de la seule rentabilité économique : ces vertus ne doivent surtout pas prospérer au détriment de la continuité et de l’égalité.
Cet amendement a également pour objet d’attirer l’attention sur le mode de fonctionnement des relais Poste commerciaux, dont le nombre ne cesse de croître.
Outre qu’il n’est pas totalement satisfaisant, de notre point de vue, de devoir traverser des rayons de boîtes de conserve ou des produits ménagers pour aller chercher un pli recommandé, force est de constater que, avec ce mode de fonctionnement, la délivrance des plis recommandés, des colis et, éventuellement, la réalisation des opérations bancaires simples ne sont pas garanties dans le temps.
En effet, pour que ces opérations puissent avoir lieu en tout temps, il faudrait refuser au gérant du magasin concerné la possibilité de partir en vacances, de prendre un congé maternité ou encore d’être malade ! Mais je sais que l’un des porte-parole de l’UMP a déjà manifesté son intérêt pour le sujet...
Compte tenu de l’environnement dans lesquels vous placez les services postaux et de l’augmentation du nombre des relais Poste commerciaux, tout porte à croire que la continuité du service ne sera pas garantie.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous préconisons de combattre cette dérive afin de permettre une égalité de traitement de tous les territoires et d’assurer la continuité du service.
M. le président. L'amendement n° 429, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation du statut d'exploitant public est essentielle au respect des quatre principes fondamentaux du service public que sont la continuité, l'égalité de traitement, l'adaptabilité et l'universalité.
La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Cet amendement a pour principal objectif de prévenir le risque d’une privatisation de La Poste, privatisation qui confisquerait à la puissance publique un outil essentiel d’aménagement du territoire et sonnerait le glas du service public postal.
On dit aujourd’hui qu’il est question non plus d’ouvrir le capital de La Poste, mais de transformer celle-ci en société anonyme dont le capital demeurerait à 100 % public. Or, on le sait, si la Caisse des dépôts et consignations participe à l’augmentation de capital, elle pourra à tout moment revendre ses actions.
C’est d’ailleurs dans ce rôle que la CDC semble vouloir se cantonner ces dernières années : apporter une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou œuvrer dans l’intérêt stratégique de la France.
En aucun cas la CDC n’a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.
L’exemple d’autres grandes entreprises publiques, comme France Télécom, EDF ou encore GDF, qui ont connu le même processus de transformation de leur statut en société anonyme aboutissant à terme à leur privatisation, jette de sérieux doutes quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l’entreprise une fois abandonné le statut d’établissement public.
Or le caractère public de La Poste constitue, à moyen terme comme à long terme, une garantie de la préservation des missions de service public à travers, notamment, le maintien des bureaux de poste et l’accessibilité bancaire.
D’ores et déjà, en France, des modifications d’horaire ou de jours d’ouverture des bureaux de poste sont décidées de façon abrupte, parfois sans prise en compte sérieuse des réalités locales.
Dans le même sens, la direction de La Poste décide trop souvent, unilatéralement, de déléguer aux communes la gestion directe des bureaux de poste les moins rentables. Ce processus est largement engagé dans tous les départements de France, bien souvent sans aucune concertation avec les élus concernés, ce qui est tout à fait inacceptable.
C’est bien entendu une atteinte à la mission de service public de La Poste, mais c’est aussi, et surtout, un nouveau transfert de charges vers les collectivités, les contribuables et les usagers.
Par ailleurs, comment la France compte-t-elle justifier, au regard du droit communautaire, le statut des agences postales communales ? Entre privatisation et « municipalisation des financements », on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir de La Poste et ses missions de service public.
Regardons autour de nous : depuis la directive européenne de 1997, qui appelle les pays membres à ouvrir leurs services postaux à la concurrence, les privatisations se succèdent et les États y voient le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger la dette.
On ne peut pas, aujourd’hui, exclure cette vision de court terme à laquelle certains pays n’ont pas résisté.
Si, demain, La Poste était privatisée, elle verrait alors sa stratégie subordonnée à la rentabilité financière exigée sur le CAC 40. Elle concentrerait son activité sur les marchés les plus rentables. Pour les autres, elle aurait le choix entre l’augmentation de ses tarifs, la dégradation des prestations ou, plus définitivement, leur suppression.
Seraient ainsi menacés la présence des bureaux de poste dans les zones rurales et les quartiers populaires, le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, partout dans les mêmes délais, et l’accès des foyers les plus modestes à la Banque Postale.
En Suède, pour ne citer que le plus ancien pays d’Europe engagé dans ce processus, il ne reste que deux opérateurs : l’un public, l’autre privé. L’opérateur public a dû augmenter ses tarifs et fermer 50 % de ses bureaux pour faire face à la concurrence...
Comme toujours, ce seront les citoyens et les territoires les plus démunis qui subiront les conséquences de cette dérive libérale.
M. le président. Mon cher collègue, à mon grand regret, je suis dans l’obligation de vous couper la parole. Vous avez dépassé de plus d’une minute le temps imparti. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, la règle doit être la même pour tous. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. On réglera cela à la chasse ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 452 rectifié, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le changement de statut de La Poste ne doit pas se faire au détriment des principes fondamentaux du service public que sont l'égalité de traitement, la continuité, et l'universalité et la mutabilité.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Avant l’examen des articles de ce projet de loi, il semble qu’il faille rappeler les principes fondamentaux du service public. Nous ne pensions pas être obligés d’en arriver là, mais le texte est littéralement vide de toute réflexion de fond sur ce que sont ou doivent être les services publics dans le monde d’aujourd’hui.
Ce sont pourtant les piliers incontournables du pacte social à la française, sur lequel, mes chers collègues, nous sommes interrogés en ce moment par la SOFRES, et ils semblent bien attaqués depuis quelques années.
La place du service public postal, quant à elle, est mise à mal par ce texte, qui reprend le fil directeur de la directive européenne faisant de la concurrence la règle et, du service universel, une exception.
Après la crise que nous venons de connaître, où est le positionnement obsolète ?
Ce sont les principes fondamentaux du service public qui lui dictent finalement son rôle. Le droit français en reconnaît quatre : l’égalité de traitement, la continuité, l’universalité et la mutabilité.
Or c’est sur la question de l’adaptabilité – ou de la mutabilité, en droit français – que repose une grande partie de l’argumentation de la troisième directive postale, qui consiste grosso modo à dire que le service postal universel, tel qu’il existe aujourd’hui, peut difficilement être en mesure de relever les défis des évolutions technologiques et des besoins des consommateurs – on ne parle même plus d’usagers, et encore moins de citoyens ! – et que seule l’entrée dans la concurrence peut permettre au service postal d’être compétitif, efficace et rentable.
Ces arguments sont développés aux considérants 14 et 15 de la troisième directive européenne.
Quant à nous, nous avons toujours estimé que le service public, pour peu qu’on lui en donne les moyens, était à même de relever ces défis et d’assumer les missions qui lui incombent.
C’est dans le cadre du service public que nous pourrons, tout en nous adaptant aux nouvelles technologies, satisfaire au mieux les besoins des usagers, les besoins de nos concitoyens.
Un nouveau statut pour La Poste n’est pas nécessaire pour cela.
D’ailleurs, la troisième directive postale reconnaît tout de même que les nouvelles technologies peuvent participer à l’entretien de la cohésion sociale et territoriale. Ainsi, au considérant 22, on lit dans le texte européen : « Dans les régions éloignées et peu peuplées, le commerce électronique en particulier offre de nouvelles possibilités de participer à la vie économique, la fourniture de services postaux de qualité étant alors un préalable important ».
Il y a ainsi deux lectures de la directive postale : celle qui ouvre la voie à une adaptation du service public aux mutations technologiques et celle qui l’enchaîne à une pure logique commerciale.
Nous sommes persuadés que le service public à la française est tout à fait capable de relever ces défis. Il suffit qu’on lui en donne les moyens et que nous y croyions tous.
C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter notre amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements en discussion commune ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’amendement no 8 vise à affirmer dans la loi les principes qui organisent l’activité du service public de La Poste.
Cet amendement rappelle les fameuses lois de Rolland qui gouvernent depuis longtemps le service public en France, ainsi que les règles propres à La Poste et aux opérateurs postaux qui sont déjà mentionnées dans le code des postes et des communications électroniques. Il n’est nul besoin de les mentionner dans le présent projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement no 11 tend à préciser que le secteur public postal contribue à garantir la cohésion sociale. Nous sommes d’accord sur le rôle du service public postal en termes de cohésion sociale, notamment à travers le service universel et le réseau de points de contact.
Cette disposition n’a toutefois guère d’effet juridique et il vaut mieux préserver concrètement ces missions de service public, comme le fait par ailleurs le texte adopté par la commission, auquel je vous renvoie.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement no 367 prévoit que la recherche de l’efficacité du service public postal ne doit pas se faire au détriment des principes du service public. Il est très proche de l’amendement no 8 de M. Danglot et de ses collègues du groupe CRC-SPG.
La commission ne peut donc qu’y être défavorable.
L’amendement no 429 a pour but de préciser que la préservation du statut d’exploitant public est essentielle au regard des principes fondamentaux du service public. Cet amendement est proche des deux amendements précédemment examinés qui rappelaient déjà les lois de Rolland.
La commission y est de même défavorable.
Enfin, l’amendement no 452 rectifié vise à prévoir que le changement de statut de La Poste ne peut se faire au détriment des principes fondamentaux du service public. Il est en substance identique aux amendements nos 8, 367 et 429.
L’avis de la commission sera donc identique, c’est-à-dire défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Ces cinq amendements visent à préciser que le changement de statut de La Poste ne peut pas s’effectuer au détriment du service public. Nous partageons pleinement cet avis.
Je considère que les interventions sur ces cinq amendements ne sont que des déclarations de principe et qu’elles sont inutiles. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Voilà qui est clair !
M. Christian Estrosi, ministre. En effet, nous précisons à l’article 2 du présent projet de loi les missions de service public que nous garantissons.
Il y a une différence fondamentale entre vous et nous. Alors que vous n’avez à la bouche que le maintien du service public, nous avons, nous, de l’ambition pour La Poste et souhaitons parler de son avenir et des moyens que nous mettrons à sa disposition pour permettre l’amélioration du service public, ce que vous n’évoquez jamais. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à voter contre ces amendements et à se projeter le plus rapidement possible dans la modernisation du service public. (Protestations continues sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. C’est du pipeau !
M. Didier Boulaud. C’est bien faiblard comme argumentaire ! Je dirais même faiblard de chez faiblard !
M. le président. Je rappelle au Sénat que j’ai été saisi par la commission d’une demande de scrutin public sur l’amendement no 8. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. C’est inadmissible !
M. le président. En ma qualité de président de séance, je me dois de respecter les demandes qui me sont présentées par la commission.
M. Bernard Piras. Vous n’êtes pas en cause, monsieur le président. Simplement, nous voyons bien que la majorité n’est pas majoritaire en séance !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l’amendement no 8.
M. Jean-Claude Danglot. Les principes associés à la notion de service public sont diamétralement opposés à ceux qui président au service universel. Vous entretenez la confusion pour mieux tromper les Français. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Le service universel est en lien étroit avec l’économie, en particulier avec la notion de marché, avec l’intérêt économique général et non plus avec le seul intérêt général : la différence est de taille.
Cette notion est associée au droit de la concurrence, ce qui est en contradiction avec notre conception républicaine de service public à la française.
Dans notre droit, les services publics à caractère industriel et commercial existent, bien entendu, mais ils ne sont qu’une division de la notion de service public. Ils participent à l’égalité entre les territoires et les citoyens. La finalité est la même. Tous les citoyens doivent être traités de façon égalitaire. Vous limitez ce principe à la seule finalité de cohésion sociale. Nous considérons pour notre part que le primat doit être accordé à la redistribution.
Vous estimez que des compatibilités sont à rechercher avec l’ouverture à la concurrence, alors que, pour nous, c’est la coopération qui est à privilégier. La concurrence est source d’inégalités et d’inefficacité économique. Tous les principes qui président à l’organisation des services publics tels que l’universalité, l’égalité, la confidentialité, la neutralité, la continuité et l’adaptabilité sont absents de votre conception.
Vous assimilez le service public à une prestation de service privé, les mettant sur un même plan. Vous voulez faire croire que l’usager qui utilise un service public pourrait être traité comme un client payant un service privé. Or, nous l’avons dit, les finalités ne sont pas les mêmes.
Le service public ne consiste pas à produire seulement un service individuel pour un usager, il est aussi l’un des instruments majeurs à la disposition des pouvoirs publics pour influencer l’environnement socio-économique d’un territoire. Oublier cette dimension dans la réflexion vous permet de mettre les deux activités sur le même plan.
Ce que l’on constate bien évidemment aujourd’hui est un désengagement de l’État sur des secteurs économiques répondant à des besoins collectifs, avec pour seul objectif de permettre au privé de pouvoir « se faire de l’argent ». (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Le rappel de cette évidence ne vous convient pas, et par manque de courage, bien souvent, vous n’assumez même pas cette position.
Vous attribuez à de mystérieuses décisions qui seraient prises à l’échelon européen ces orientations sur lesquelles vous n’auriez aucun pouvoir. Mais vous êtes collectivement responsables de ces dérives, qui mènent notre société sur la voie d’inégalités toujours plus grandes.
Vous ne cassez pas les services publics par plaisir, je vous l’accorde, mais vous les cassez, c’est sûr, par intérêt : l’intérêt d’une minorité d’actionnaires qui pourra, grâce à vous, si ce projet de loi est adopté, se remplir rapidement les poches. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Après avoir délesté l’État d’un bien qui est le nôtre, vous vous assoirez sur les principes qui président à la conception républicaine de nos services publics !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous éprouvons en cet instant un sentiment étrange.
Chaque fois qu’un amendement est présenté par un groupe de l’opposition, il est rejeté a priori, avec des explications toujours plus réduites et des arguments toujours plus lapidaires. Or ces amendements visent tous à améliorer le texte, à l’enrichir dans l’intérêt du service public, et vont donc tous dans votre sens, chers collègues sénateurs de la majorité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous dites toujours la même chose !
M. Didier Guillaume. Comme nombre de mes collègues avec lesquels je m’en suis entretenu, je me demande qui est en train de pourrir la semaine, qui fait de l’obstruction au Parlement. N’est-ce pas la commission qui, à chaque vote, demande un scrutin public ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Rires sur les travées de l’UMP.)
Pour notre part, nous ne demandons qu’à aller vite, à présenter nos amendements avant de passer au vote mais, systématiquement, la commission demande un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Peut-être ne s’agit-il pas d’une tactique d’obstruction. Il se peut aussi, chers collègues de la majorité, que l’intérêt que vous portez à La Poste ne soit pas suffisant pour que vous soyez majoritaires dans cette enceinte. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. Non, non et non !
M. Didier Guillaume. Nous vous demandons d’accélérer le processus afin que nous puissions débattre sereinement, dans la perspective de l’enrichissement de ce texte, afin d’améliorer le service public, dans l’intérêt de La Poste, de ses employés et, surtout, des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cela s’appelle comment, ce que vous faites ?
M. Daniel Raoul. La riposte !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je suis un peu surpris de l’avis donné sur plusieurs de nos amendements qui ont pourtant été présentés avec beaucoup de respect et qui sont le fruit d’un travail de fond. On les réfute d’un mot : « inutiles ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Oui, mes chers collègues, le ministre, sentencieux, a simplement déclaré qu’ils étaient inutiles. La question est donc réglée : on pense pour nous ; nous n’avons rien à dire.
Nos amendements reposaient sur deux idées : garantir l’efficacité du service public et veiller à ce que cette efficacité ne soit pas recherchée au détriment de la qualité du service.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? J’ai, dans ma commune, élaboré un « plan canicule », comme beaucoup de maires ; les postiers sont parties prenantes, car ils assurent une présence humaine, permettent l’accessibilité au service des personnes âgées, par exemple. C’est cela aussi, l’efficacité du service public, chers collègues de la majorité !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Philippe Richert. Donneur de leçons !
M. Martial Bourquin. Le service public doit rester un service public à part entière. Il faut maintenir la présence humaine, améliorer l’efficacité du service sans nuire à sa qualité.
Si vous considérez que de telles questions sont superfétatoires et inutiles, vous vous trompez complètement : elles se posent tous les jours dans nos communes et pour l’ensemble des services publics. Je trouve déplorable votre « Circulez, il n’y a rien à voir » ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans une réunion de l’UMP. Nous sommes ici au Sénat, la Chambre Haute. Nous sommes la représentation nationale et nous sommes en droit de demander, sur des questions aussi importantes, des réponses pertinentes et de qualité.
Mais je m’interroge, comme M. Didier Guillaume. Avez-vous prévu, sur tous les amendements de cette nature, de demander un scrutin public ?
Si nous continuons ainsi toute la soirée, nous n’avancerons pas. Cela s’appelle pourrir une séance. Nous ne comprendrions pas que la soirée se termine ainsi.
Visiblement, vous vous comptez et, comme vous êtes en difficulté, vous décidez de pourrir la soirée.
Nous souhaitons défendre nos amendements, échanger de vrais arguments et voir le Sénat se prononcer par des scrutins normaux, c’est-à-dire à main levée.
Les amendements de MM. Danglot et Teston étaient de qualité. Ils méritaient d’autres réponses de la part de nos collègues et du ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Je regrette que vous ayez émis un avis défavorable sur nos amendements, monsieur le ministre.
Nous voulons, nous aussi, un service public de La Poste moderne, qui se projette vers l’avenir, c’est-à-dire un service public postal qui contribue à garantir la cohésion sociale en assurant un égal accès de tous les citoyens aux services offerts par La Poste, en participant à la lutte contre les exclusions et au développement équilibré du territoire.
Comme l’a indiqué M. Bourquin, apporter ces précisions dans le projet de loi n’est pas superfétatoire et encore moins rétrograde. C’est, nous le croyons, la réaffirmation de valeurs fortes pour que le service public postal réponde aux attentes légitimes de nos concitoyens et aux enjeux du millénaire.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. J’ai été très surpris, monsieur le ministre, d’entendre dans votre bouche que nous ne ferions qu’énoncer des principes et que c’était inutile. Pour nous, c’est tout l’inverse ! Nous pensons que, sans principes, on va droit dans le mur et que la notion de service public, déclinée de façon très précise dans cet amendement, donne tout son sens au débat que nous avons aujourd’hui.
Monsieur le ministre, vous nous avez assuré que vous vouliez vous aussi défendre le service public, mais, qu’à l’inverse de nous, la gauche, vous prépariez l’avenir de La Poste.
M. David Assouline. Mais pourquoi opposez-vous la défense du service public à l’avenir de La Poste ? C’est en assurant la première que nous garantirons le second !
Mes chers collègues, pensez à l’aménagement du territoire, par exemple, qui devrait vous être cher, à vous, élus UMP de toutes les régions de France. Quand vous revenez de vos circonscriptions ou de vos terres, une fois le week-end passé, vous n’êtes pas les derniers à confier que vous avez entendu beaucoup de choses, et pas toujours agréables.
C’est que les citoyens qui ont participé à la votation citoyenne n’étaient ni des électeurs de gauche ni des électeurs de droite ; ils étaient certainement tout cela à la fois.
Moi, j’ai tenu un samedi matin un bureau de vote devant la mairie du XXe arrondissement. Toute la matinée, des mariages étaient célébrés. Des mariages de gauche ? Non, bien sûr, mais des centaines de personnes faisaient la queue afin de voter pour l’avenir de La Poste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Vive la mariée ! (Rires.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui, vive la mariée !
M. Daniel Raoul. Et les faire-part ?
M. David Assouline. Vous savez très bien à quel point les citoyens… (Brouhaha et exclamations diverses sur l’ensemble des travées.) J’ai tout mon temps, chers collègues !
M. le président. Mes chers collègues, et je m’adresse aux deux côtés de l’hémicycle, veuillez laisser l’orateur s’exprimer, s’il vous plaît !
M. David Assouline. Monsieur le président, vous voudrez bien décompter ces interruptions de mon temps de parole ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Monsieur Assouline, je réclame le silence, mais le brouhaha vient des deux côtés.
Mes chers collègues, soyez raisonnables.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. David Assouline. Vous savez à quel point les citoyens sont attachés à toutes les missions de service public de La Poste. Monsieur le ministre, sur cette question, il vous a fallu très vite répondre à l’opinion. Vous avez fait preuve d’imagination et inventé un nouveau mot,...
M. David Assouline. ... au travers de l’amendement de M. Retailleau, pour affirmer que La Poste serait « imprivatisable ». Mais une personne très au fait de tout cela, Henri Guaino, vous a dit immédiatement que le concept n’existait pas et que votre proposition ne constituait en rien une garantie.
Vous voulez absolument dissimuler que, in fine, votre projet entraînera la privatisation de La Poste et remettra en cause toutes les missions de service public énumérées dans cet amendement. Voilà ce que vous voulez cacher dans ce débat !
Vous auriez pu assumer le choix, comme nombre de libéraux dans le monde, de la privatisation. Mais, vous le savez, en France, nous sommes attachés au service public postal. Alors, vous avancez masqué ! (Protestations continues sur les travées de l’UMP.)
Peu importe, je continue ! (Non ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
L’objectif dans ce débat pour nous, socialistes, est de vous démontrer, pendant ces longues heures de discussion, que c’est bien là que vous voulez emmener La Poste.
M. Philippe Richert. Cela suffit !
M. David Assouline. Nous continuerons, quant à nous, de défendre nos positions avec les citoyens français, en demandant un référendum. Si vous ne craigniez pas le peuple, vous accepteriez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Richert. Nous sommes ici au Parlement, pas sur les barricades !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 15 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vais mettre aux voix l’amendement n° 11.
J’indique que j’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l’amendement n° 11.
M. Michel Teston. Monsieur le président, mes chers collègues, nous n’allons pas continuer à voter sur chaque amendement par scrutin public, tout de même ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Il appartient à chaque groupe de s’organiser pour que le nombre de ses représentants en séance soit suffisant. Si l’UMP n’est pas en mesure de le faire, ce n’est pas de la responsabilité des groupes de l’opposition.
M. Gérard Longuet. Personne n’est parfait !
M. Michel Teston. Nous vous le disons clairement, si les choses continuent ainsi, nous ne participerons pas aux scrutins.
Monsieur le président, nous demandons que l’on en revienne au vote à main levée.
M. le président. En vertu du règlement de notre assemblée, si la commission sollicite un scrutin public, le président de séance doit y procéder de droit. Je ne fais qu’appliquer le règlement, même si, je vous l’accorde, ma position est parfois délicate !
Mme Annie David. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, le temps que l’hémicycle se remplisse un peu…
M. le président. Ma chère collègue, c’est aux présidents de groupe de me saisir d’une telle demande.
M. David Assouline. Suspension de séance !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, afin de redonner du sérieux et de la dignité à ce débat, qui est important, il serait bon que vous acceptiez au moins de suspendre la séance, jusqu’à ce que la majorité soit majoritaire (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et que nous puissions enfin travailler dans de bonnes conditions. (Rires et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le ministre n’a pas hésité hier soir, avec même des trémolos dans la voix,...
M. Didier Boulaud. Ah oui !
M. Didier Guillaume. ... à affirmer qu’il y allait de l’avenir de La Poste…
M. Didier Guillaume. … et qu’il y avait, d’un côté, ceux qui voulaient l’abandonner et, de l’autre, ceux qui souhaitaient aller de l’avant pour que La Poste reste un service public moderne, efficace et économiquement concurrentiel.
Et pourtant, malgré l’enjeu, nous assistons à une parodie de débat : non seulement on ne répond pas à nos arguments, mais, de surcroît, des scrutins publics sont systématiquement réclamés pour pallier le manque de mobilisation de la majorité sur ce sujet.
Monsieur le président, dans l’intérêt de tous, et tout bien considéré, nous vous proposons même de lever la séance, car il est peut-être un peu tard pour certains de nos collègues. Nous pourrions reprendre nos travaux tranquillement demain matin avec une majorité de sénateurs.
M. Daniel Raoul. Faites-nous confiance !
M. Didier Guillaume. Cela dit, sans vouloir donner de leçons, compte tenu de ce qui est en train de se passer, je ne suis pas persuadé qu’une majorité de sénateurs soit favorable à votre projet, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Protestations sur les travées de l’UMP.)
Nous sommes tous pour le maintien du service public de La Poste - je n’ai pas entendu un sénateur dire l’inverse -, mais nous voyons bien que nous divergeons quant aux moyens d’y parvenir.
Tout à l’heure, lors du débat qui a opposé deux de nos éminents collègues, Patrice Gélard et Michel Teston, la démonstration a été faite, irréfutable, que les arguments avancés en ce qui concerne le financement de La Poste ne tiennent pas et ne sont que de circonstance : le Gouvernement peut tout à fait trouver 200 à 250 millions d’euros pour financer chaque année l’établissement public industriel et commercial.
Autrement dit, le seul argument que vous avancez pour justifier la transformation de La Poste en société anonyme n’est pas valable. Derrière tout cela, il y a simplement la volonté de passer d’un EPIC à une SA, au départ publique à 100 %, puis à 50 %, pour en arriver à une privatisation pure et simple.
Nous ne nous laisserons pas faire, et c’est peut-être la raison pour laquelle certains sénateurs sont présents ce soir, non pas pour pourrir le débat ou pour faire de l’obstruction, mais tout simplement pour affirmer leurs convictions d’hommes et de femmes, de citoyens français, d’élus du peuple, et dénoncer le démantèlement du service public de La Poste.
Nous avons besoin, en ville comme en zone rurale, de ce service public. Pour la France, pour les Français, mettre le doigt dans l’engrenage, c’est bientôt y passer le bras puis le corps tout entier.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je sollicite la levée de la séance, afin que nous reprenions nos travaux lorsque la majorité sera mobilisée. Sans cela, ce soir, nous frisons peut-être le ridicule ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Monsieur Guillaume, en tant qu’observateur neutre, je tiens à vous signaler qu’un tiers des membres du Sénat sont présents, ce qui est rare un soir de séance.
M. Didier Guillaume. Le sujet est d’une grande importance.
M. le président. On ne peut donc pas soutenir que les sénateurs seraient indifférents.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je serai très bref. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Oui, je serai bref, car je ne voudrais pas « pourrir » la soirée de M. le ministre ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il y a une chose que je ne comprends pas. (Exclamations amusées.) Nous avons, avec nos petits moyens, organisé une votation citoyenne, certains devant les mairies, d’autres, c’est mon cas, devant les bureaux de poste. Vous nous avez dit que 2 300 000 personnes, ce n’était pas assez. Qu’à cela ne tienne, puisqu’il vous en faut plus, organisez un référendum. Mais vous n’en voulez pas !
Quelle conclusion pouvons-nous en tirer sinon que vous avez peur que le référendum montre que vous êtes minoritaires, peur que le projet de loi ne passe pas ?
Donc, pas de référendum ! En échange, un débat ici, au Sénat, où vous êtes majoritaires.
Majoritaires, certes, mais où êtes-vous, chers amis, je vous le demande ? Pourquoi n’êtes-vous pas présents en nombre ? Que signifie, pour vous, être majoritaires ? Emporter la décision en chargeant l’un d’entre vous de déposer dans l’urne un gros paquet de bulletins ?
Non, ce n’est pas cela, un débat démocratique ! Ce n’est pas cela, la représentation nationale !
M. François Trucy. Suffit !
M. Jean Desessard. Vous avez le droit de refuser la solution du référendum parce que vous estimez que c’est à la représentation nationale de débattre et de voter. Mais alors, assurez-vous au moins que vous êtes majoritaires dans l’hémicycle et que ce n’est pas simplement un porteur de bulletins qui fait les lois en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je reprends le fil de mon rappel au règlement de cet après-midi.
J’avais notamment fait la démonstration que, la motion référendaire devant être examinée demain matin, nous ne pouvions absolument pas, nous ne devions absolument pas entamer la discussion des articles aujourd’hui.
Nous sommes maintenant dans une situation de blocage qui traduit avant tout le fait que, au fond d’eux-mêmes, de très nombreux sénateurs veulent dire non à cette privatisation rampante. (Vives protestations sur les travées de l’UMP.) Vous savez pertinemment que tous les élus locaux, en particulier ruraux, sont vent debout contre cette réforme de La Poste ! (Nouvelles protestations et rires sur les mêmes travées.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
M. Guy Fischer. Riez, mais vous verrez, c’est la réalité ! Que ce soit au fin fond de la Haute-Loire ou dans les tout petits villages de Haute-Savoie, les élus savent parfaitement que cette réforme va à l’encontre de l’intérêt général.
M. Jean Bizet. C’est faux !
M. Adrien Gouteyron. Ne parlez pas au nom de la Haute-Loire !
Mme Jacqueline Panis. Ils n’ont pas de bureau de poste, dans les « tout petits villages » !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous demandons que la séance soit levée pour qu’elle reprenne demain dans de meilleures conditions. Commençons par là où nous aurions dû nous arrêter (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.), c’est-à-dire le vote de la motion référendaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, j’ai eu la chance d’être à deux reprises ministre de la poste, ...
M. Charles Gautier. Les postiers s’en souviennent !
M. Gérard Longuet. ... et je peux, comme vous, exprimer mon respect et ma considération pour ce très grand service public. C’est également une très grande entreprise qui fait la fierté des agents qui la servent et qui, assurément, jouissent dans notre pays d’une immense estime.
Je rappellerai cependant à nos collègues que, s’il y a au Sénat une majorité, ce n’est pas le fait des malices et des hasards de la séance : c’est par la volonté du peuple français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Guy Fischer. Alors, soyez présent !
M. Didier Boulaud. Où est-elle, cette majorité ?
M. Roland Courteau. Elle ne se voit pas !
M. Gérard Longuet. Nous sommes ici les représentants d’une majorité, et la vie parlementaire, mes chers collègues, a ses règles propres. Vous en avez tous une trop grande expérience, devant laquelle je m’incline, pour oublier que le règlement a prévu, justement, le cas dans lequel nous nous trouvons à cet instant. Car une majorité, même voulue par les électeurs, ne peut pas être mobilisée à tout instant. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je respecte votre majorité physique, respectez notre majorité politique, qui a été voulue, elle, par les grands électeurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Rires et protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bertrand Auban. C’est ridicule !
M. Gérard Longuet. Vous avez une majorité physique de circonstance, tant mieux pour vous, c’est un heureux hasard, et les postiers y seront sensibles.
Lorsque le rapporteur s’exprime, lorsque la commission s’exprime, lorsque la majorité s’exprime, c’est au nom des grands électeurs qui ont voulu donner à notre assemblée une majorité claire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !
M. Gérard Longuet. Je n’entends pas que cette majorité s’incline devant le rendez-vous malicieux et hasardeux d’une minorité qui, certes, ce soir, je le reconnais, a su battre le ban et l’arrière-ban pour une soirée d’animation. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Et en plus, le mépris !
M. Gérard Longuet. Mais ce n’est pas cela, la démocratie. (Protestations sur les mêmes travées.)
La démocratie, c’est l’expression du peuple par les grands électeurs qui nous élisent.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande d’appliquer le règlement. Nous enchaînerons les scrutins publics, mais c’est la condition de l’expression de notre majorité. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations et huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bertrand Auban. Ce n’est pas brillant !
Mme Nicole Bricq. C’est hasardeux !
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs orateurs ont laissé entendre ce soir que la défense de La Poste, la défense du service public, était l’apanage de sénateurs siégeant d’un côté de l’hémicycle cependant que, sur les autres travées, des hommes et des femmes inconscients des enjeux locaux auraient tout juste le droit de s’exprimer, et encore, à temps compté.
M. Didier Guillaume. Personne n’a dit cela !
M. Bernard Piras. Personne ne l’a dit ! Vous n’avez pas écouté !
M. Philippe Richert. J’ai écouté !
M. Roland Courteau. Vous n’étiez pas là !
M. Philippe Richert. Un seul orateur, je l’ai d’ailleurs applaudi, a observé à un moment du débat qu’un consensus régnait ici sur le fait que ce service public méritait d’être défendu par tous et qu’il était défendu par tous. Dans ces conditions, est-il vraiment indispensable de prendre ce ton professoral (Rires sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Didier Boulaud. Non, vous n’êtes pas mon professeur !
M. Philippe Richert. … ce ton de donneurs de leçons systématiques sur les valeurs, sur les territoires, sur le service public ?
Je respecte tout à fait vos arguments. Permettez que nos positions ne soient pas les vôtres et que nous puissions les exprimer en recourant aux voies et moyens prévus dans le règlement, qui contient les modalités de fonctionnement du Sénat que nous avons choisies.
Nous devrions pouvoir nous écouter davantage, mieux tenir compte des uns et des autres et, dans le respect de chacun, continuer d’avancer. C’est en tout cas le vœu que, à titre personnel, je forme.
M. Didier Guillaume. Nous sommes d’accord !
M. Bertrand Auban. Si ce n’est pas une leçon...
M. Philippe Richert. Vous avez vos positions, et je les respecte.
M. Didier Guillaume. L’inverse est vrai !
M. Philippe Richert. Acceptez que la majorité du Sénat…
M. Jean Desessard. Il faut qu’elle siège !
M. Daniel Raoul. Vous êtes minoritaires !
M. Philippe Richert. … puisse adopter une position différente et utiliser, tout simplement, les voies et moyens prévus dans le règlement.
Mais, je vous le concède bien volontiers, il serait préférable que nous soyons plus nombreux que vous en séance ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Enfin, on le reconnaît !
M. Roland Courteau. Tout ça pour en arriver là ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec attention le président du groupe UMP, M. Longuet. Je connais sa compétence dans le domaine tout particulier dont nous traitons aujourd’hui, mais son argumentation n’a pas manqué de me surprendre.
Je me souviens d’une époque où l’on avait raillé, ô combien ! un député de gauche – il fut par la suite secrétaire d’État – qui avait déclaré en substance : « Vous avez juridiquement tort parce que nous sommes politiquement majoritaires. »
Or c’est ce que je viens d’entendre ce soir. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. C’est exactement le contraire ! Je vous répondrai !
M. Jean-Pierre Bel. Je ne vous ai pas interrompu, mon cher collègue !
Voilà quelques mois, dans nos débats sur la révision de la Constitution, nous avons essayé de faire en sorte que le Parlement soit mieux considéré et rétabli dans ses droits.
Or, ce soir, en réalité, qu’est-ce que j’entends ? Que nous devrions être une chambre d’enregistrement…
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Bel. … qui, parce qu’il y a une majorité tout à fait évidente, se contenterait d’accepter le fait majoritaire, la séance n’étant plus qu’un grand théâtre dans lequel l’opposition resterait éternellement l’opposition et se contenterait de faire de la figuration.
M. Didier Boulaud. On peut rester chez nous !
M. Jean-Pierre Bel. Eh bien, non ! Nous sommes là, et ce soir nous sommes effectivement nombreux.
J’ai entendu bien des collègues, dans des discussions publiques, dans des conversations privées, souhaiter que nous soyons plus présents dans cet hémicycle afin que le Sénat puisse enfin donner de lui une image différente de celle que nous avons souvent déplorée.
C’est un vrai débat qui nous réunit ce soir, un débat qui nous touche tous. Car je sais bien qu’il vous touche, vous aussi, chers collègues, et que vous vous sentez tous concernés, parce que vous vivez sur vos territoires. Alors, bien sûr, la passion est là, et les sénateurs sont présents. Ne nous le reprochez pas !
Ce soir, nous sommes à la hauteur des enjeux. Ce soir, nous sommes là pour représenter des gens qui attendent beaucoup de nous, nous sommes là pour représenter nos territoires. Et nous resterons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Je participe à ce débat depuis son début et, jusqu’ici, je suis peu intervenu. J’avoue que, ce soir, je suis à la fois choqué et surpris des termes qui ont été employés.
M. Guy Fischer. « Animation » !
M. François Patriat. Ainsi donc, le fait d’avoir été élu sur un pacte majoritaire aurait de facto pour conséquence non seulement qu’il n’y ait pour ainsi dire plus d’opposition, mais qu’en plus celle-ci doive rester minoritaire physiquement pour ne pas gêner le bon déroulement des choses !
M. André Trillard. Laignel !
M. François Patriat. Ces derniers jours, monsieur le ministre, vous avez souligné, aussi bien à la radio que dans la presse écrite, l’importance capitale de ce projet de loi. Ne pas être capable de réunir votre majorité sur un texte aussi important, n’est-ce pas un aveu d’échec, n’est-ce pas une forme de mise en cause ?
Nous aimons tous La Poste, mes chers collègues, mais nous l’aimons différemment.
Nous, membres de l’opposition, nous ne sommes ni dogmatiques ni archaïques : nous sommes tout simplement lucides.
Ce n’est pas être archaïque que de défendre un service postal auquel les Français sont attachés, parce qu’il est performant, parce qu’il est utile, parce qu’il correspond à la notion de service public.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu tout à l’heure rappeler que, en tant que ministre chargé de l’aménagement du territoire, vous aviez rencontré beaucoup d’élus. Alors, je vais témoigner de l’une de ces rencontres.
En 2005, vous êtes venu deux fois dans le département de la Côte-d’Or, une fois à Dijon, une fois à Beaune. J’étais présent, avec d’autres maires, le jour où vous avez été interrogé sur l’internet à haut débit et sur les « zones blanches » de téléphonie mobile. Le maire d’une petite commune située à la frontière du Morvan vous demandait de quels moyens il disposerait pour faire face au déficit d’internet, au déficit de téléphone. Vous avez répondu, la main sur le cœur, avec toute la passion et toute la sincérité que je vous connais : « L’opérateur historique y pourvoira. »
C’était en 2005.
Depuis, les communes concernées n’ont toujours pas de couverture téléphonique, n’ont toujours pas le haut débit. Aujourd’hui, c’est aux départements, c’est aux régions que l’on demande de faire le travail…
M. Bertrand Auban. Eh oui !
M. François Patriat. … à la place d’un opérateur historique qui a disparu, tout comme vous voulez, avec ce projet de loi, que La Poste disparaisse. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
C’est de cela que nous ne voulons pas ; c’est de ce scénario-là que nous ne voulons pas, et c’est pour cette raison que nous sommes présents aujourd’hui. Notre lucidité repose sur des faits tangibles, sur le constat d’expérience que les choses se font toujours au détriment de la population.
Ce n’est pas être archaïque, ce n’est pas être dogmatique que de lutter contre la disparition des contre-pouvoirs, que de lutter contre la disparition des instruments de la régulation, que de lutter contre la disparition des services publics, auxquels les Français sont attachés. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. M. Gérard Longuet a tenté de nous apporter la preuve que la procédure accélérée a été engagée sur ce texte à dessein. (M. le ministre s’entretient avec des sénateurs du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils s’interrompt.)
M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue. (Les conversations cessent.)
Mme Marie-France Beaufils. Je reprends.
Nous avons donc entendu tout à l’heure M. Longuet nous démontrer que la procédure engagée sur ce texte l’a été volontairement. Pourtant, mes chers collègues, la libéralisation totale du secteur postal n’interviendra qu’au 1er janvier 2011 !
Nous n’avons eu de cesse de le répéter depuis l’ouverture de la discussion, La Poste est un service public auquel les Français sont fortement attachés. Si nous le rappelons de nouveau, c’est bien parce que la consultation citoyenne que nous avons organisée nous en a donné une nouvelle preuve.
Nous avons volontairement qualifié cette initiative de citoyenne, car, pour ce qui est du référendum d’initiative populaire, qui est désormais prévu dans la Constitution et qui aurait pu être mis en œuvre à cette occasion, vous n’avez pas voulu prendre plus tôt les dispositions législatives permettant à cette nouvelle possibilité de référendum d’être utilisée, interdisant ainsi à la population de donner son point de vue.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. Et, en plus, vous engagez la procédure accélérée sur ce texte !
Même si nous sommes les représentants de la nation, nous nous interrogeons sur ce refus d’entendre la population.
Pourquoi la disposition relative au référendum d’initiative populaire telle qu’elle est issue de la dernière révision constitutionnelle n’a-t-elle pas été mis en œuvre de façon plus rapide, alors que celle qui permet au Président de la République de s’exprimer devant les parlementaires réunis à Versailles a été, elle, rendue effective très rapidement ?
Mme Annie David. Immédiatement !
Mme Marie-France Beaufils. La réponse est simple : le Président de la République entend diriger dans les moindres orientations l’ensemble de notre travail en s’exprimant devant les assemblées réunies en Congrès, mais il refuse à la grande majorité de la population le droit de participer à un débat qui concerne son avenir !
C’est cette forme de mépris pour l’expression de l’électorat qui rejaillit aujourd'hui sur nos débats.
Mme Annie David. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. La votation citoyenne a montré que les Français souhaitaient donner leur point de vue sur un service public de cette importance.
Samedi dernier, dans mon département, j’ai assisté à l’ouverture de deux « multiservice » dans lesquels des points Poste avaient été installés. Pour la population, cette mise en place a été rendue nécessaire, car La Poste n’assume plus ses responsabilités : elle a même désorganisé ses services pour ne plus être en mesure le faire ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. - Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Aujourd'hui, nous n’avons plus la même qualité de service !
C’est sur ces questions-là que les Français veulent s’exprimer. Vous le leur refusez. En plus, vous engagez la procédure accélérée et, comble de tout, ce soir, vous ne voulez pas de débat. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. C’est exact !
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils. Nous sommes les seuls à intervenir ! M. le rapporteur et quelques élus de la majorité se sont bien exprimés, mais dans la discussion générale, pas dans la discussion des articles. Nous n’avons entendu personne contester les arguments que nous avons avancés.
Mme Annie David. Personne !
Mme Marie-France Beaufils. Si vous refusez tout débat de fond, c’est peut-être parce que, vous aussi, vous avez entendu ce que disent vos électeurs, sur le terrain,...
M. Guy Fischer. Bien sûr, qu’ils l’ont entendu !
Mme Marie-France Beaufils. ... et que vous ne voulez pas le rapporter ici, dans cette enceinte.
Je regrette vivement que ce débat de fond sur l’avenir de La Poste ne puisse avoir lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16:
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme Annie David. La majorité est minoritaire, mais s’applaudit !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l'amendement n° 367.
M. Jean-Jacques Mirassou. L'amendement n° 367 a été l’occasion de montrer que deux conceptions du service public s’opposaient, la vôtre et la nôtre. Nous en ferons la démonstration jusqu’au bout, s’il le faut, car nous ne lâcherons pas, chers collègues !
Nous n’entendons pas non plus fuir nos responsabilités, d’autant que les explications de M. Longuet ne nous ont pas convaincus, pas plus que lors du vote du Grenelle de l’environnement, quand, à l’entendre, l’opposition aurait dû s’excuser d’être majoritaire dans l’hémicycle.
La commission de l’économie s’est réunie voilà quelques minutes. On nous a expliqué en long, en large et en travers qu’il était inutile de déposer une motion tendant à soumettre ce projet de loi à référendum. Or ceux qui veulent nous persuader que cette procédure serait disqualifiée parce que la droite est majoritaire sont ceux-là mêmes qui cherchent à nous faire croire que, même s’ils sont minoritaires ce soir, ils représentent l’opinion publique. Pourquoi donc ne pas autoriser cette opinion publique à se prononcer par référendum ? Voilà une attitude bien contradictoire ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Vous refusez de prendre ce débat au sérieux et d’assumer vos responsabilités. Nous prenons les nôtres et nous continuerons, sereinement et sérieusement, de défendre notre conception du service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Didier Boulaud. Formidable ! Quel succès ! Quel talent ! Quelle majorité merveilleuse !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l’amendement n° 429.
M. Bernard Frimat. Nous ne désespérons pas que la majorité puisse devenir majoritaire dans cet hémicycle ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste. - Oh ! sur les travées de l’UMP.) Vous avez encore le temps de réveiller quelques-uns de vos collègues ou de les faire revenir des bureaux de poste où ils se sont retranchés pour ne pas assister à la séance ! (Sourires.)
M. Didier Boulaud. En bonnet de nuit ! En pyjama !
M. Bernard Frimat. M’adressant à Gérard Longuet, je veux lui donner acte du fait que l’utilisation du scrutin public est parfaitement conforme au règlement de notre assemblée.
Cela étant, comme notre collègue choisit soigneusement ses mots, je m’interroge à propos du terme « malicieux » qu’il a utilisé. Qu’un sénateur soit présent dans l’hémicycle pour débattre d’un projet de loi qu’il considère comme essentiel ne relève pas de la malice ! Il fait son travail de parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’ai en mémoire une intervention du président du Sénat – peut-être nous rejoindra-t-il tout à l'heure pour nous permettre d’échapper aux scrutins publics ! – posant le problème de l’absentéisme des parlementaires. J’ai même lu que nos collègues de l’Assemblée nationale, toutes tendances politiques confondues, ont été révulsés de devoir « pointer » au Palais-Bourbon.
Or, ce soir, notre hémicycle est bien garni ; allez-vous nous reprocher de faire notre travail de parlementaire ?
Si ce texte est aussi essentiel, aussi fondamental que vous le prétendez, chers collègues, vous qui vous posez en sauveurs de La Poste et qui, dites-vous, allez lui assurer, au travers de ce projet de loi, un avenir radieux et européen, pourquoi n’avez-vous pas fait l’effort d’être présents en nombre suffisant ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est clair !
Mme Françoise Henneron. Mais nous sommes là !
M. Bernard Frimat. Nous ne vous reprochons pas la position que vous soutenez. C’est votre droit, et chacun dans cette assemblée défend ses convictions et vote librement, comme il le souhaite, sur le texte présenté.
Sur le fond, donc, vous avez une position, nous en avons une autre, que Michel Teston a présentée hier dans une intervention tout à la fois synthétique et claire. Nous aurons l’occasion d’en débattre, si du moins nous obtenons des réponses sur le fond, tant du Gouvernement que de la commission.
Le débat, c’est le b.-a.-ba de la démocratie.
Mais nous sommes arrivés aujourd’hui à une situation qui ne peut se régler autrement que si vous êtes, vous, physiquement, à la hauteur de vos engagements juridiques.
Il peut arriver à tous les groupes, y compris au nôtre, de ne pas être en nombre suffisant. Je dois reconnaître que, présidant la séance, il m’est arrivé parfois de voir devant moi des travées un peu plus désertes que ce soir.
Réjouissons-nous donc de cette volonté des parlementaires d’exercer leurs fonctions d’élus de la nation, de venir dans cette enceinte défendre solidement leurs convictions.
La Poste est un sujet sensible, nous le savons. Quelles que soient vos opinions sur la votation, il n’est jamais anodin que plus de 2 millions de personnes se déplacent pour participer à une opération citoyenne.
Demain, nous vous proposerons de permettre à tous les Français d’y participer, car, à travers La Poste, vous touchez au lien social, extrêmement important dans notre pays, et au fond, vous le reconnaissez vous-mêmes, sans avoir de garanties.
En tout état de cause, mes chers collègues, les scrutins publics vont se poursuivre. Nous ne multiplierons pas les explications de vote, mais nous en ferons quelques-unes pour animer cette séance et faire en sorte que la mission du président de séance, qui serait sinon limitée aux seules annonces de scrutin public, soit moins horriblement triste ! (Sourires.)
Mes chers collègues, réjouissons-nous de la vitalité du Sénat ! Nous avons sans doute ce soir un avant-goût de ce qui nous attend en 2011, quand nous serons majoritaires ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote. (Les membres du groupe socialiste scandent « Desessard ! Desessard ! »)
M. Jean Desessard. Si nous étions au Palais-Bourbon, aujourd’hui, dans la même situation, …
M. Didier Boulaud. Le 49-3 !
M. Jackie Pierre. Nous sommes au Sénat, ici !
M. Jean Desessard. … ces amendements auraient été adoptés, puisque le règlement de l’Assemblée nationale n’autorise qu’une seule délégation de vote par parlementaire, conformément à la Constitution, il convient de le rappeler.
Pourquoi le Sénat ne la respecte-t-il pas ? Le règlement du Sénat est-il plus fort que la Constitution française ?
M. Philippe Richert. C’est n’importe quoi !
M. Jean Desessard. Si nous appliquions la Constitution, nous aurions la majorité, ce soir ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. Il ne faut pas tout mélanger !
M. Jean Desessard. Selon la loi fondamentale française, un parlementaire ne peut être porteur que d’un seul mandat. Cette disposition vise à permettre le vote personnel des parlementaires ! (M. Philippe Richert proteste.) Aux élections, le système uninominal…
Mme Jacqueline Panis. Et La Poste ?
M. Jean Desessard. … est fait précisément pour donner la possibilité à des personnes de se présenter indépendamment des partis.
Il est tout de même formidable que le Sénat pratique le vote par parti, le vote par groupe ! (M. Philippe Richert et Mme Jacqueline Panis s’exclament.) À l’Assemblée nationale, on ne voit plus un porteur de bulletins voter pour l’ensemble de son groupe ! (M. François Trucy lève les bras au ciel.)
Pourquoi le Sénat, qui se veut moderne, conserve-t-il un système archaïque qui permet à un seul de voter pour cent quarante, alors que c’est contraire à la Constitution ?
M. le président. Monsieur Desessard, ce soir, ce n’est pas le cas. On ne peut pas dire que tel ou tel vote pour cent quarante de ses collègues !
M. Didier Guillaume. On n’en est pas loin !
M. Jean Desessard. Le scrutin public, c’est quoi ?
M. le président. En trente-deux ans d’expérience, j’ai rarement vu cent quinze parlementaires présents en séance à vingt-trois heures trente, comme ce soir !
M. Martial Bourquin. C’est La Poste !
M. Jean Desessard. C’est précisément pourquoi je vous propose un vote individuel !
M. le président. J’applique le règlement du Sénat. S’il y a lieu de le modifier, la conférence des présidents y réfléchira.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, vous avez le droit de m’interrompre, mais, si vous prenez la parole pour me contredire, je vous demande de bloquer le compteur ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.- Vives protestations sur les travées de l’UMP.) Il n’existe pas dans cette enceinte de pouvoir absolu, à l’image de celui que l’on reproche à l’Élysée de tenter d’installer. J’ai le droit de parler et vous avez celui de me couper si vous l’estimez absolument indispensable, mais il faut le décompter de mon temps de parole !
Permettez-moi donc de poursuivre. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
Oui, je sais, mes propos vous gênent, mais croyez-vous que cela me fasse plaisir (Oui ! sur les travées de l’UMP) qu’un seul de nos collègues puisse déposer dans l’urne cent quarante bulletins et que l’on donne souvent l’impression, de cette manière, que trois cent quarante parlementaires ont voté, alors qu’une dizaine seulement étaient présents ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
L’Assemblée nationale a vécu des moments importants, précisément parce que le scrutin a donné lieu à des votes-surprises, certains députés n’ayant pas voté comme on s’y attendait.
Au Sénat, c’est impossible, parce que le scrutin public est en quelque sorte un vote bloqué, mais c’est anticonstitutionnel ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Si vous me dites que cela ne figure pas dans la Constitution, je vais chercher à l’instant mon exemplaire et je reviens vous lire l’article pertinent à la prochaine explication de vote ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je donne acte à M. Frimat d’avoir reconnu que le recours au scrutin public était conforme à notre règlement et je remercie M. le président de séance d’avoir rappelé qu’il n’avait jamais vu notre assemblée aussi fournie à cette heure.
M. Bertrand Auban. Pour La Poste !
M. Gérard Longuet. Nous ne pouvons que nous en réjouir, compte tenu de l’intérêt que nous portons les uns et les autres au sujet.
Monsieur Desessard, vous avez été quelque peu excessif, mais ce n’est pas franchement une surprise. Reconnaissez cependant que de nombreux sénateurs sont présents, le scrutin public ne faisant que prolonger cette présence.
M. Jean Desessard. Non !
M. Gérard Longuet. Permettez-moi de m’étonner. Le groupe socialiste est venu très nombreux. Le terme « malicieux » que j’ai utilisé tout à l'heure est peut-être trop fort, mais il traduit ma conviction profonde : si vous étiez aussi nombreux sur tous les textes, nous aurions sans doute une meilleure mobilisation de notre côté et mon travail de président de groupe serait beaucoup plus facile. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Elle est bonne, celle-là !
M. Gérard Longuet. J’en reviens à l’amendement n° 429 pour vous répondre non pas sur la forme, mais sur le fond.
Vous nous dites que la préservation du statut d’exploitant public est essentielle.
Comme cela a été rappelé par un juriste de talent, la solution que M. le ministre nous propose est déjà à l’œuvre depuis longtemps ; le précédent est ancien, confirmé et connu, et fait le quotidien de plusieurs dizaines de milliers de salariés et de plusieurs millions d’usagers. Il s’agit de la SNCF, mes chers collègues, qui est, depuis soixante et onze ans, une société anonyme de droit privé à capitaux d’État.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Longuet. C’est exactement ce que nous proposons pour La Poste. Cet exemple offre la démonstration parfaite que l’on peut assurer des missions de service public avec un statut de société anonyme de droit privé.
M. Michel Teston. Non !
M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !
M. Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle j’invite mon groupe à ne pas voter l’amendement n °429. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.
M. Philippe Richert. Je me réjouis, à mon tour, d’une telle mobilisation. Le Parlement s’honore d’une assistance si nombreuse pour débattre d’un sujet qui concerne le quotidien de nos concitoyens.
Je tiens, cela dit, à réagir aux propos de notre collègue Jean Desessard, qui nous explique que le règlement du Sénat est anticonstitutionnel.
M. Jean Desessard. (Debout, brandissant un exemplaire de la Constitution). Vous l’avez là !
M. Philippe Richert. Je vous rappelle que ce règlement, tel qu’il a été voté, a été soumis au Conseil constitutionnel, qui l’a validé. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Tout parlementaire, si éminent soit-il, et nous connaissons la pertinence de vos jugements, se doit de se ranger à l’avis du Conseil constitutionnel à propos des textes qui lui sont soumis, sauf à remettre en cause le fonctionnement même du Conseil, ce qui serait particulièrement grave.
M. Jean Desessard. Je vais vous répondre !
M. Philippe Richert. Je le répète, monsieur Desessard, quelle que soit votre lecture, le règlement du Sénat, sur lequel nous nous fondons et que nous appliquons avec toute la rigueur nécessaire, a été soumis au Conseil constitutionnel, qui l’a validé.
M. Jean Desessard. Cela n’apparaît pas !
M. Philippe Richert. Cela, même vous, monsieur Desessard, vous devriez pouvoir le reconnaître. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d’en revenir à l’amendement n° 429.
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je réagis aux propos du président du groupe UMP, M. Gérard Longuet.
Au départ, la SNCF, après sa nationalisation, était bien une société anonyme. Il me semble cependant qu’en 1982 la loi d’orientation des transports intérieurs l’a dotée d’un nouveau statut, celui d’établissement public à caractère industriel et commercial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Jacques Mirassou. Elle est devenue un EPIC le 1er janvier 1983.
M. Michel Teston. Voyez, on me le confirme, cette mesure est effective depuis le 1er janvier 1983, en application de la loi de décembre 1982 que j’ai citée.
M. Guy Fischer. M. Longuet s’est trompé !
M. Gérard Longuet. J’ai raison déjà sur quarante-cinq ans ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 429.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. C’est historique !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. (Exclamations.)
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 18 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, sans doute pour explication de vote sur l'amendement n° 452 rectifié ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. J’appelle en effet à voter pour l’amendement, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Cela étant, je souhaite répondre à M. Richert.
Mon cher collègue, le règlement est flou sur la question. Il ne précise pas, ce qui permet de passer à côté.
Permettez-moi de relire rapidement l’article 27 de la Constitution. (Protestations croissantes sur les travées de l’UMP –. L’orateur s’exprime dans un brouhaha continu.)
Mme Jacqueline Panis. Non, non, et non ! Nous sommes ici pour parler de La Poste !
M. le président. Vous avez la parole pour une explication de vote, monsieur Desessard.
M. Jean Desessard. « Tout mandat impératif est nul.
« Le droit de vote des membres du Parlement est personnel.
« La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Il s’agit de l’article 27 de la Constitution de la Vème République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Jacqueline Panis. Et La Poste, dans tout cela ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 452 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 19 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Didier Boulaud. De peu !
M. le président. Les résultats sont constants, mon cher collègue.
L'amendement n° 9, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé
La Poste s'engage à demander la réalisation d'un audit, dans la maison mère comme dans ses filiales, dressant un bilan des conditions de travail des salariés et de la multiplication des formes d'emploi précaire. Ce bilan tiendra également compte de la répercussion de cette politique du personnel sur les salariés comme sur la qualité du service rendu aux usagers.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Il est indispensable de dresser un état des lieux des évolutions de La Poste qui dépasse le simple prisme économique retenu par le Gouvernement.
L’ouverture à la concurrence de nos services publics n’aura pas seulement des conséquences économiques, elle aura également des conséquences sur l’emploi. L’ampleur de ces conséquences ne peut être réduite au supposé « ajustement transitoire » prévu par la Commission européenne.
Cela semble évident, l’emploi serait la principale variable d’ajustement dans une entreprise comme La Poste, entreprise de main-d’œuvre par excellence, si celle-ci venait à être soumise à des politiques de management inspirées du privé et à une logique de concurrence pour lutter à armes égales contre ses concurrents européens.
C’est là que les réductions de coût seront recherchées parce que c’est là qu’elles peuvent être trouvées le plus facilement. On le voit déjà avec la multiplication des contractuels de droit privé au statut précarisé par rapport à celui des fonctionnaires embauchés en particulier dans les filiales de La Poste.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Mireille Schurch. Nul doute que ce modèle sera étendu aux activités postales proprement dites dans un proche avenir si l’entreprise devait répondre à une obligation de compétitivité avec les postes de pays où la protection sociale des travailleurs est bien moins élevée.
Cette mise en rapport directe avec les entreprises postales de pays plus « compétitifs » conduira nécessairement, à l’issue d’un dumping social destructeur, à un nivellement par le bas des conditions de travail en Europe plutôt qu’à une avancée de l’ensemble des pays membres vers un modèle social plus protecteur.
C’est pourquoi nous exigeons la réalisation d’une étude d’impact du changement de statut sur les conditions de travail des personnels. Il n’est pas besoin de citer à cette occasion les conséquences de la privatisation de France Télécom sur les conditions de travail et le mal-être profond engendré par l’introduction brutale de techniques de management privé reposant sur une pression constante exercée sur les salariés au service d’une compétitivité maximale.
Par ailleurs, cette étude devra également considérer les conséquences d’un tel changement des conditions de travail sur la qualité du service public rendu.
Seul un véritable examen de ce type permettra de disposer de tous les éléments pour décider de la pertinence de la libéralisation des activités postales.
Les services du Centre d’analyse stratégique et ceux de l’Institut de recherches économiques et sociales nous paraissent les mieux à même d’établir un tel rapport.
Nous demandons en conséquence le blocage du processus d’ouverture à la concurrence tant qu’un tel bilan n’aura pas été établi.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Frimat. Favorable ! (Sourires.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Comme vous venez de l’expliquer dans le détail, cet amendement prévoit la réalisation, à la demande de La Poste, d’un audit relatif aux conditions de travail des salariés et de l’emploi précaire.
La situation des salariés de droit privé de la Poste, notamment de ceux qui enchaînent les contrats à durée déterminée, a déjà été évoquée par notre collègue président du Sénat, M. Gérard Larcher, dans son rapport sur La Poste de 1997, tout le monde s’en souvient.
M. Guy Fischer. Il faut le réactualiser !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est ce que nous avons fait avec la loi de 2005 et c’est ce que nous faisons avec le présent texte.
M. Guy Fischer. Mais bien sûr !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Toutefois, une prise de conscience a eu lieu, notamment entre 2004 et 2005. Un audit ne me semble donc pas nécessaire.
D’après les chiffres fournis par La Poste, 88 % des salariés sous convention commune travaillaient à temps plein à la fin de 2008, contre 67 % en 2003, soit un taux quasi identique à celui des fonctionnaires.
Aujourd’hui, 3,3 % seulement des effectifs sont sous contrat à durée déterminée. De plus, 19 000 postiers en CDD se sont vu proposer un CDI depuis 2005.
Au regard de ces chiffres, qui montrent une évolution très favorable, nous ne pouvons pas accepter aujourd’hui le principe d’un audit.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Guy Fischer. Il y a CDI et CDI !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. M. le ministre est fatigué !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, je voudrais profiter de cette explication de vote pour attirer votre attention sur ce qui est en train de se passer dans mon département, les Bouches-du-Rhône.
À Martigues, après vingt-deux jours de grève des facteurs et au vingtième jour de grève de la faim de l’un d’entre eux, la direction départementale de La Poste refuse toujours de négocier et de rencontrer les organisations syndicales. Dans le même temps, elle met en demeure le gréviste de la faim de se réalimenter.
Tout ce qu’elle a gagné, pour l’instant, c’est que le mouvement se renforce et s’amplifie : 95 % des personnels de la distribution postale sont aujourd’hui en grève !
Le mouvement touche de nombreux établissements des Bouches-du-Rhône et dure, bien souvent, depuis plus de trois semaines. Les élus locaux et nationaux ont été amenés à intervenir à plusieurs reprises auprès de la direction départementale de La Poste, pour qu’elle accepte, enfin, d’ouvrir des négociations en vue de sortir du conflit. Ils ont même dû demander l’intervention du préfet pour tenter de débloquer la situation dans un bureau de poste de Marseille.
Aujourd’hui, je m’adresse à vous, monsieur le ministre. Il est dangereux que des dirigeants d’entreprise laissent ainsi perdurer des situations conflictuelles en stigmatisant des salariés et des syndicalistes, alors que ces derniers, inquiets pour l’avenir de leur entreprise, n’ont qu’un seul but : défendre l’emploi et le service public pour le bien de la collectivité.
Personne n’a intérêt à laisser pourrir la situation, ni les dirigeants ni les salariés, encore moins les usagers. La Poste doit s’engager, sans tarder, dans un véritable dialogue social.
C’est parce que je suis confrontée à ce type de situation que je voterai cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission. (M. Jean Desessard proteste.)
Monsieur Desessard, je ne fais qu’appliquer le règlement.
M. Jean Desessard. Et la Constitution, monsieur le président ?
M. le président. Deux éminents membres de la conférence des présidents, dont M. Frimat, sont chargés de soumettre les nouvelles dispositions du règlement à un réexamen au bout d’un an d’application.
Il va donc être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le président du Sénat m’ayant demandé de lever la séance avant minuit, nous allons maintenant interrompre nos travaux. (Exclamations.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4
Dépôt d'une question orale avec débat
M. le président. J’informe le Sénat que M. j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 50 - Le 12 novembre 2009 - M. Jacques Mézard attire l’attention de Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur la situation des personnes placées en garde à vue et sur la nécessité de renforcer leurs droits.
Par un arrêt Dayanan c/ Turquie du 13 octobre dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le fait qu’un accusé privé de liberté ne puisse avoir accès à un avocat, y compris commis d’office, durant sa garde à vue constituait une violation du droit à un procès équitable tel que défini par l’article 6 (points 1 et 3) de la convention européenne des droits de l’homme. La Cour a ainsi souligné que « l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres aux conseils » dès la première minute de sa garde à vue. Il apparaît donc que la procédure pénale française est aujourd’hui contraire à la jurisprudence de la Cour.
De surcroît, cet arrêt a été rendu peu de temps avant que soient publiées au Journal officiel du 28 octobre 2009 les dernières recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté. À la suite de la visite d’un commissariat, le contrôleur a pu constater un certain nombre d’atteintes répétées, et déjà observées ailleurs, aux conditions élémentaires de dignité de la personne placée en garde à vue : la vétusté des locaux, l’impossibilité d’accès à un point d’eau ou le retrait systématique du soutien-gorge ou des lunettes, entre autres. Ces constats démontrent une nouvelle fois les graves carences du système carcéral français.
Les 577 000 gardes à vue enregistrées en 2008 illustrent l’importance du sujet, tout citoyen pouvant potentiellement se retrouver un jour placé en garde à vue malgré le principe de la présomption d’innocence. Il souhaiterait donc savoir comment le Gouvernement entend tenir compte de cette jurisprudence et de ces recommandations pour faire évoluer les droits et la condition de la personne placée en garde à vue, dont la situation est aujourd’hui indigne de notre République.
(Déposée le 3 novembre 2009 – annoncée en séance publique le 3 novembre 2009)
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
5
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 4 novembre 2009 :
De neuf heures trente à douze heures trente :
1. Examen de la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (n° 75, 2009-2010).
À quatorze heures trente et le soir :
2. Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD