Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaire : M. Daniel Raoul.
3. Motion référendaire sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. – Rejet d’une motion référendaire
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion ; Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie.
MM. Michel Teston, Yvon Collin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Nicolas About, Bruno Retailleau, Gérard Longuet, Jean-Jacques Mirassou, Martial Bourquin, Jean Desessard, Didier Guillaume, Claude Bérit-Débat, Marc Daunis, David Assouline.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.
Clôture de la discussion générale.
MM. François Fortassin, Jean-Pierre Bel, Mme Marie-France Beaufils, M. Jean Desessard., Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
MM. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Jean-Pierre Bel.
Rejet, par scrutin public, de la motion référendaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
4. Entreprise publique La Poste et activités postales. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Mmes Isabelle Pasquet, la présidente, MM. Michel Teston, Daniel Raoul, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
Amendement n° 10 de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Évelyne Didier, MM. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie ; Michel Mercier, ministre ; Michel Teston, Mme Isabelle Pasquet, M. Daniel Raoul. – Rejet.
Amendement n° 359 de M. Michel Teston. – Mme Bernadette Bourzai, MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Robert Navarro, Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 263 de M. Jean Desessard. – Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Jean Desessard, Didier Guillaume, David Assouline, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Martial Bourquin, Daniel Raoul, Jean-Jacques Mirassou, Mme Marie-France Beaufils, M. Jacques Mézard, Mme Catherine Tasca. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 366 de M. Michel Teston. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. – Retrait.
Amendement n° 368 de M. Michel Teston. – Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Michel Teston, Jean Desessard, René-Pierre Signé, Marc Laménie, Gérard Le Cam, Daniel Raoul, Simon Sutour. – Rejet.
Amendement n° 354 de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Michel Charasse, Mme Marie-France Beaufils. – Rectification de l’amendement.
Amendement n° 369 de M. Michel Teston. – MM. Jean-Claude Frécon, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre. – Rectification de l’amendement.
Amendement n° 424 de M. Michel Teston. – MM. Didier Guillaume, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; David Assouline, Mme Marie-France Beaufils, MM. Didier Guillaume, Jean-Pierre Bel. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 425 de M. Michel Teston. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, Christian Estrosi, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 426 de M. Michel Teston. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre ; Jean Desessard. – Rejet par scrutin public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
Amendement n° 427 de M. Michel Teston. – MM. Jean-Luc Fichet, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 428 de M. Michel Teston. – MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre. – Rejet par scrutin public.
Mmes Odette Terrade, Mireille Schurch, MM. Claude Biwer, François Rebsamen, Michel Teston, Mme Bariza Khiari, MM. Didier Guillaume, Jean-Jacques Mirassou, Martial Bourquin, Mme Jacqueline Alquier, MM. Roland Courteau, Yannick Botrel, Yves Chastan, Yves Pozzo di Borgo, Claude Jeannerot, Claude Bérit-Débat.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
MM. le président, Michel Teston, Guy Fischer, Daniel Raoul, Didier Guillaume, Martial Bourquin, Gérard César, François Rebsamen, Éric Doligé, Gérard Longuet, Jean-Pierre Bel, Pierre-Yves Collombat.
M. le président.
M. Daniel Raoul, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Nicole Borvo Cohen-Seat.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de la conférence des présidents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.
6. Entreprise publique La Poste et activités postales. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
MM. Yves Daudigny, Daniel Raoul, Gérard Miquel, Mme Colette Giudicelli, M. Guy Fischer.
Suspension et reprise de la séance
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie.
Amendements identiques nos 23 de M. Jean-Claude Danglot, 264 de M. Jean Desessard, 430 rectifié de M. Michel Teston et 581 de M. François Fortassin. – Mme Marie-France Beaufils, MM. Jacques Muller, Michel Teston, Mme Françoise Laborde, MM. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie ; Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Daniel Raoul, Mme Mireille Schurch, MM. Bernard Vera, Michel Teston, Mme Annie David, MM. Pierre-Yves Collombat, Michel Billout, Jacques Muller. – Rejet, par scrutin public, des quatre amendements.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaire :
M. Daniel Raoul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit les rapports sur la mise en application des lois n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 et n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis à la commission des finances et seront disponibles au bureau de la distribution.
Il a également reçu de Mme Valérie Delahaye-Guillocheau, présidente de l’Observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée, le rapport semestriel portant sur les dépenses d’assurance maladie afférentes aux établissements de santé au titre des cinq premiers mois de l’année 2009, établi en application de l’article L. 162-21-3 du code de la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Motion référendaire sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Rejet d’une motion référendaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la motion (n° 75) de M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Yvon Collin, et plusieurs de nos collègues tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Guillaume. Il y a un monde fou sur les bancs ! (Marques d’amusement sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Cela prouve qu’il y en a moins en commission !
M. Daniel Raoul. Passons au vote !
M. le président. Je vous rassure, monsieur Raoul, c’est un scrutin public de droit !
M. Bernard Piras. Nous sommes rodés ! (Nouvelles marques d’amusement sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de présenter notre motion référendaire devant un hémicycle déséquilibré.
Le débat sur l’avenir de La Poste – peut-être ne l’a-t-on pas suffisamment dit jusqu’à présent – se déroule dans un contexte qui n’est ni anodin ni habituel.
D’abord, la crise financière, cette folie qui nous a entraînés dans la situation que nous connaissons, crée des conditions d’incertitude sur l’avenir, d’une ampleur telle qu’elles devraient appeler chacun d’entre nous, et plus particulièrement ceux qui sont amenés à prendre des décisions, à agir avec beaucoup de prudence.
Ensuite, chacun sent bien aujourd’hui les inquiétudes qui se manifestent.
Ces inquiétudes sont bien sûr exprimées par les élus de l’opposition, dont, vous en conviendrez, monsieur le ministre, c’est la mission. Relayer les préoccupations qui remontent du terrain est le moins que l’on puisse attendre de l’opposition dans une démocratie !
Ces inquiétudes sont aussi celles de nombreux élus de la majorité, et non des moindres, – ils ne sont pas vraiment représentés ce matin – face à des projets engagés par le Président qu’ils ont choisi et exécutés par le gouvernement qu’ils défendent. Je pense notamment au dossier de la taxe professionnelle, au rouleau compresseur lancé contre nos collectivités territoriales ou même à la nécessité du recours à l’emprunt.
Enfin, et surtout, ces inquiétudes émanent de nos concitoyens, des Françaises et des Français qui ont vu progressivement disparaître ce qui constituait, d’une certaine manière, leur univers. J’évoque ici la perte des repères nécessaires pour faciliter la vie sociale et le vivre ensemble sur nos territoires, mais aussi l’angoisse liée à la disparition, pratiquement inéluctable, jour après jour, ici d’une gendarmerie, là d’une perception ou de tribunaux.
Oui, la présence territoriale postale s’effiloche de jour en en jour ! Avec des méthodes que chacun connaît ici, des amplitudes horaires qui diminuent brutalement, du jour au lendemain, des agents de La Poste malades ou en vacances qui ne sont pas remplacés, on en est arrivé à déprécier le service public postal. On s’est lancé dans une course effrénée vers le déclassement des bureaux de plein exercice, transformés en agence postale communale, puis, plus tard, en point de contact, ce qui revient à héberger les activités de La Poste ici dans une épicerie, là dans tout autre commerce multiservices, avec tous les aléas que cela suppose.
Cette évolution, nous pouvons facilement la quantifier : songez, mes chers collègues, que, dans mon département, l’Ariège, on est passé en cinq ans de 80 bureaux de poste de plein exercice à 13 ou 14 aujourd’hui.
L’inquiétude de nos concitoyens est d’autant plus forte que, comme vous l’avez tous dit, La Poste a toujours été un élément fort de l’identité de notre pays et de ses territoires, et qu’elle a fortement contribué à alimenter le lien social.
Bref, il nous faut répondre à plusieurs questions. Y a-t-il là un enjeu majeur pour le modèle républicain, que nous sommes censés, les uns et les autres, soutenir et représenter ?
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Jean-Pierre Bel. Sommes-nous résignés, prêts à tout accepter…
M. Guy Fischer. Non !
M. Jean-Pierre Bel. … sous prétexte que nous sommes confrontés à des évolutions qui nous dépassent, que les forces du marché doivent nous conduire inéluctablement, sans même imaginer d’autres solutions, à nous débarrasser d’un statut d’établissement public pour aller vers un statut de société anonyme, première étape – c’est une évidence ! – d’un processus aboutissant logiquement à une privatisation ?
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Jean-Pierre Bel. Si vous considérez, comme cela a déjà été dit, que le sujet que nous traitons porte bien sur un élément consubstantiel de notre modèle social, alors oui, la question de la consultation du peuple français se pose !
Sur le fond, il y aurait d’autres raisons de s’inquiéter de cette évolution. Si l’on examine par exemple la situation de nos voisins étrangers qui ont choisi cette option, le constat est le même pour tous, que ce soit en Suède, en Grande-Bretagne ou ailleurs : lorsqu’on met le doigt dans l’engrenage, on assiste immanquablement à une aggravation de la détérioration du service public postal,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. … qui justifie, à terme, la privatisation de la société anonyme.
M. René-Pierre Signé. La poste appartient aux usagers !
M. Jean-Pierre Bel. Souvenez-vous, mes chers collègues ! Tous ici, nous avons en mémoire le plaidoyer de ceux qui, pour justifier la fin du monopole d’EDF et la privatisation de GDF, nous assuraient que ces opérations permettraient de baisser les prix de l’énergie.
M. Guy Fischer. Ils nous ont menti !
M. Jean-Pierre Bel. On voit ce qu’il en est !
Désormais, vous voudriez nous faire croire qu’une société anonyme, demain largement privatisée, continuera à desservir, par exemple, les zones les moins accessibles, les territoires ruraux profonds, les espaces enclavés où pourtant s’acharnent à vivre des centaines de milliers de nos compatriotes.
M. René-Pierre Signé. Ils s’abonnent au journal pour voir le facteur !
M. Jean-Pierre Bel. Pour tous ceux qui font du service de La Poste une ardente obligation, considérant le rôle essentiel que celui-ci joue pour l’équité entre les territoires et la justice entre les citoyens, seul le recours au referendum peut valider un changement de cap !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. On le sait, les dispositions constitutionnelles adoptées en juillet 2008, dont l’effectivité dépend de l’adoption d’une loi de nature organique, ont toutes fait l’objet d’une initiative gouvernementale. Toutes, sauf une ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L’extension du référendum prévue par l’article 11 de la Constitution reste la dernière disposition dont le Gouvernement s’est, jusqu’à présent, complètement désintéressé.
M. René-Pierre Signé. Ils en ont peur !
M. Jean-Pierre Bel. Faut-il pourtant rappeler les propos de notre ancien collègue et ancien secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, ici même, devant le Sénat, le 12 février dernier ? Je le cite : « Quant au projet de loi organique sur le référendum, nous y travaillons. Bien sûr, tous les textes prévus par la révision constitutionnelle seront présentés progressivement au Parlement, au cours de l’année 2009. »
M. René-Pierre Signé. Il a disparu !
M. Jean-Pierre Bel. Il ajoutait : « Je peux prendre l’engagement de communiquer à la Haute Assemblée, dans les semaines à venir, le programme et le calendrier précis en la matière, de manière que chacun sache dans quels délais l’ensemble des textes pourra être adopté ». Tels étaient les propos de M. Karoutchi !
Mme Nicole Bricq. Il a été dégagé !
M. Guy Fischer. Il nous mentait !
M. Jean-Pierre Bel. Jamais, à aucun moment, nous n’avons eu un début de commencement de mise en œuvre de cet engagement gouvernemental ; jamais aucun calendrier ne nous a été communiqué.
Cherchez l’erreur, à moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’un marché de dupes sur des dispositions censées renforcer le droit des citoyens !
Faute de promesse tenue, nous sommes conduits à faire usage des outils qui sont à notre disposition, c’est-à-dire l’article 11 de la Constitution, dans sa version de 1995, aux termes duquel peuvent être soumises à référendum « les réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ».
Le débat de ce jour, dans lequel, évidemment, chacun des points de vue se justifie, est bien au cœur des grands choix politiques qui s’offrent à nous. Il doit avoir lieu au grand jour et être tranché, en dernier recours, par le peuple souverain.
Bien sûr, face à des difficultés que nous n’ignorons pas et parce que, monsieur le ministre, nous sommes soucieux de contribuer à un débat qui doit être utile pour l’avenir de la nation, nous vous avons écouté.
Vous avez déclaré : « Je vais faire ajouter dans le texte […] que La Poste ne sera pas privatisable. » Vous avez ajouté : « Je vais la rendre, c’est un mot qui n’est pas français, mais que j’utilise à dessein, “imprivatisable”. »
M. Jean-Pierre Bel. Certes, mais il était très parlant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. le ministre a été désavoué par Henri Guaino !
M. Jean-Pierre Bel. Vous avez également indiqué qu’avec l’adoption de l’amendement Retailleau toutes les garanties seront données pour que La Poste reste dans le giron du service public.
M. René-Pierre Signé. C’est impossible !
M. Jean-Pierre Bel. Me reviennent en mémoire les paroles prononcées par Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),…
M. Nicolas About. C’est une bonne source !
M. Jean-Pierre Bel. … alors ministre de l’économie et des finances. À la question : « qu’est-ce qui nous garantit que la loi ne permettra pas de privatiser EDF et GDF plus tard ? », il a répondu : « la parole de l’État », (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), en ajoutant qu’il n’y aurait pas de privatisation parce que EDF et GDF sont des services publics. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Il y a placé son ami Proglio !
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, vous dites aujourd'hui la même chose pour La Poste.
Le 29 avril 2004, Nicolas Sarkozy écrivait aux syndicats : « Les sociétés EDF et GDF resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France et pour la sécurité de nos approvisionnements. Leur capital restera majoritairement public. »
Monsieur le ministre, aujourd’hui, vous employez les mêmes mots.
M. René-Pierre Signé. C’est une habitude !
M. Jean-Pierre Bel. Pourquoi votre parole aurait-elle plus de poids que celle du Président de la République voilà quatre ans ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Sur TF1, Nicolas Sarkozy affirmait à l’époque : « C’est clair, c’est simple, c’est net, il n’y aura pas de privatisation de GDF. »
Monsieur le ministre, nos inquiétudes ont augmenté lorsque nous avons lu que Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy (Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Il n’est pas élu !
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie. Il a la liberté de parole et nous, nous sommes les élus ! Ce n’est pas saint Pierre !
M. Jean-Pierre Bel. … a déclaré hier, à propos des assurances que vous avez apportées pour éviter toute perspective de privatisation, qu’il « n’y a jamais rien d’éternel ». Il a ajouté : « C’est une réalité, ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire. »
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est évident !
M. Didier Guillaume. On le dit depuis le premier jour !
M. Jean-Pierre Bel. En vérité, tout le monde le sait bien, et il ne faut pas mentir aux Français, le fait qu’une activité ait été érigée en service public national sans que la Constitution l’ait exigé ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l’entreprise qui en est en charge.
Monsieur le ministre, il est donc clair, après vous avoir écouté depuis le début des débats et vous avoir vu refuser toute solution alternative, que vous avez choisi votre modèle de société. En restant ainsi sourd aux avertissements légitimes qui vous sont envoyés de multiples parts, vous entendez suivre ce chemin, qui traduit votre choix. Les Français ne l’oublieront pas.
Pour notre pays, vous avez fait le choix d’une société moins solidaire, dans laquelle chacun n’aura plus qu’à avouer son impuissance face à l’accroissement inéluctable des inégalités sociales et territoriales et des écarts de richesses.
Pour La Poste, vous avez fait le choix d’une société anonyme, qui permettra à ses dirigeants d’entrer enfin dans l’univers des salaires mirifiques, dans le monde des stock-options ou de parachutes dorés.
Inlassablement, vous nous jurez sur l’honneur que l’État n’ouvrira jamais le capital de cette société. Pourtant, est déjà prévue l’intervention d’une personne publique extérieure dont le rôle est non pas de financer à long terme, mais d’être un « porteur de parts » pendant quelques années avant leur transmission à d’autres. Je veux parler de la Caisse des dépôts et consignations, que nous, élus locaux, connaissons bien, en tant que porteur temporaire de projets. Mais celle-ci n’a en aucun cas vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement. Pourquoi en irait-il différemment pour La Poste ?
Dans vos rangs, certains avaient déjà envisagé de limiter, par amendement, la participation de l’État à 51 %. Vous le voyez, monsieur le ministre, ils anticipaient déjà la prochaine étape, la réduction de la part de l’État dans le capital !
M. René-Pierre Signé. La participation de l’État dans le capital n’est plus que de 27 % pour France Télécom !
M. Jean-Pierre Bel. Le vrai problème est peut-être que l’État ne veut plus assumer son rôle de soutien d’un service public fondamental, alors même que Bruxelles l’y autorise. Il ne rechigne pourtant pas à jouer ce rôle pour des banques privées, dans des proportions qui ne sont pas comparables. Quand on sait que des dizaines de milliards d’euros ont été apportés aux banques sans contrepartie,…
M. Guy Fischer. Ils ont siphonné le livret A !
M. Jean-Pierre Bel. … on a du mal à comprendre que le Gouvernement se refuse à recapitaliser un exploitant public assurant des missions de service public comme La Poste.
À cela s’ajoute le fait que la Banque postale a échappé à la crise financière et apporté la démonstration que sa présence dans le secteur public était une garantie contre les dérives financières.
Mes chers collègues, ce projet de transformation en société anonyme, parce qu’il ouvre la voie à une privatisation future de La Poste et fragilise un service public important, peut-être même le plus symbolique et le plus essentiel pour nos territoires et pour les Français, entérine un choix important pour notre pays. Il remet en cause notre Constitution, en particulier le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui précise : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
Ce choix essentiel devrait être clairement exprimé par les Français. Depuis que le Président de la République a décidé de remettre en cause ce service public essentiel, une forte mobilisation s’est organisée dans le pays. Nos concitoyens sont viscéralement attachés au maintien de ce service public.
Monsieur le ministre, vous auriez tort de minimiser ce phénomène, que personne ne peut aujourd’hui nier, compte tenu de l’ampleur et de l’énorme succès remporté par la votation citoyenne mise en place, dans des conditions certes difficiles, par des bénévoles dans de nombreuses communes.
Au total, 2 300 000 votants se sont prononcés sur le changement de statut de La Poste. Vous pouvez en sourire, le négliger ou le mépriser, mais c’est une réalité.
M. René-Pierre Signé. On verra aux élections !
M. Jean-Pierre Bel. La très grande majorité a voulu exprimer son opposition au changement de statut et montrer son attachement à La Poste, symbole fort du service public, garant des valeurs d’égalité et de solidarité. Au-delà, j’y vois également un message très clair envoyé à ceux qui nous gouvernent : les Français refusent la remise en cause des services publics qu’engage de manière quasi systématique le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Ils doivent être entendus !
Dans ce contexte, il nous paraît indispensable que cet attachement constaté de toutes parts se concrétise par la voie référendaire. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu’ils puissent être exclus d’un processus de décision qui concerne aussi intrinsèquement leur vie quotidienne et leur avenir.
Si vous choisissez d’organiser le débat, d’aller à la rencontre des citoyens en les consultant, nous y participerons, car, si nous nous opposons à la privatisation, nous ne sommes pas non plus favorables au statu quo.
Nous voulons une poste « démocratique » au sein de laquelle citoyens et usagers auront leur mot à dire, une poste forte qui s’engage au service du développement de notre pays, dans le cadre d’un pôle financier public au plus près des territoires, une poste qui se modernise et prenne toute sa place dans l’ère du numérique. Voilà ce qui serait la marque d’une grande ambition !
Cette ambition, nous la portons avec fierté, avec la satisfaction de voir toute la gauche rassemblée, l’ensemble des syndicats et de très nombreux élus mobilisés. Nous sommes honorés et fiers de mener ce combat au service des citoyens et des territoires que nous représentons.
Mes chers collègues, parce que nous pouvons être tous porteurs de ces mêmes valeurs, je vous invite à demander l’organisation d’un référendum sur l’avenir du service public postal. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG se lèvent et applaudissent longuement en scandant « Référendum » !)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir contribué à animer ce débat, mais cela ne changera rien à notre détermination. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ainsi va la démocratie, sereinement !
Nous avons donc à discuter de la motion présentée par M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Yvon Collin et plusieurs de leurs collègues tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales en application de l’article 11 de la Constitution.
Je voudrais commencer par quelques rappels sur cet instrument de procédure. Il est d’usage assez rare, puisqu’on n’en trouve que trois précédents concernant l’organisation des pouvoirs publics en Algérie, l’organisation des pouvoirs publics en Nouvelle-Calédonie et, enfin, plus près de nous, en 2003, l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen. Jamais une telle motion n’a débouché sur la « deuxième catégorie » de référendum prévue à l’article 11, le référendum d’initiative parlementaire. C’est la première fois, on peut le souligner, qu’une autre commission que la commission des lois en est saisie.
Je souhaite à présent faire quelques remarques sur la recevabilité de cette motion, avant de l’examiner formellement. Elle est présentée en application de l’article 11 de la Constitution.
M. Daniel Raoul. On le sait !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet article, dans sa version résultant de la réforme de 1995, prévoit que « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur […] des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ». Il ne fait pas de doute que la motion s’inscrit pleinement dans ce cadre, et qu’elle est donc, à ce titre, parfaitement recevable.
M. René-Pierre Signé. Premier point !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je tiens à le préciser, car la légitimité est un élément important dans notre débat de ce matin.
Venons-en maintenant au fond, et efforçons-nous de répondre à la question suivante : était-il nécessaire ou opportun de soumettre le projet de loi sur La Poste au référendum ? Je vais mettre fin dès maintenant à un insoutenable suspens en vous disant que nous ne le pensons pas, et ce pour deux sortes de raison.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. La peur des Français !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mes chers collègues, j’ai écouté M. Bel sans jamais l’interrompre.
La première raison est que ce texte s’inscrit dans la continuité de travaux législatifs importants menés dans le secteur postal au sein de notre assemblée, à l’occasion desquels jamais il n’a été recouru à l’article 11. Cela n’a pas été le cas lors de l’examen du texte qui deviendra la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et des télécommunications, alors que la rupture amorcée était peut-être plus importante que celle résultant du présent texte. Cela n’a pas été davantage le cas avec le projet de loi qui deviendra la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, et qui créait tout de même la Banque postale ainsi qu’une nouvelle autorité de régulation, dont tout le monde reconnaît le bien-fondé.
Le texte que nous examinons actuellement n’est donc pas une nouveauté dépourvue de toute histoire, mais une étape supplémentaire dans un processus d’adaptation du marché postal et de sa réglementation engagé sur le plan européen depuis une douzaine d’années, à travers trois grandes directives communautaires datant de 1997, de 2002 et de 2008. Dès lors, il n’y a pas lieu de consulter le peuple sur un texte venant en fait compléter une série d’autres textes tout aussi importants et que personne n’a jugé nécessaire, à leur époque, de soumettre à référendum.
La deuxième raison de notre opposition tient au contenu même du projet de loi. Contrairement à ce que les auteurs de la motion avancent, celui-ci n’a pas d’incidence directe sur la vie économique de notre pays et ne remet pas en cause, pour reprendre l’expression utilisée dans l’exposé des motifs de la motion, « la cohésion sociale de notre nation ».
La principale disposition du texte et la plus attaquée, celle qui prévoit la transformation de La Poste en société anonyme, n’a pas d’impact sur les missions qu’elle est chargée d’assurer. Comme nous nous escrimons à le rappeler, non seulement ses quatre grandes missions de service public ne sont pas affectées, mais elles sont même confortées ; elles sont rappelées dans un article spécifique du texte et leur financement y est garanti, là où il était incertain jusqu’alors.
Par ailleurs, je rappelle que les capitaux resteront entièrement publics, comme nous l’avons garanti, que la présence postale sera maintenue, à travers son inscription dans le texte, et que les personnels ne seront en rien affectés. Bref, on ne peut soutenir que le projet de loi donne lieu, dans les faits, à un bouleversement dans l’offre de service postale proposée à nos concitoyens qui justifie de les consulter préalablement.
Pour ces deux principales raisons, et tout en saluant l’initiative de nos collègues de réactiver un instrument de procédure par trop inusité, …
M. Jean-Jacques Mirassou. Et même jamais utilisé !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. … je conclurai au rejet de cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une faute politique !
M. Guy Fischer. Il a assuré le service minimum !
M. René-Pierre Signé. Vous ne nous avez pas convaincus !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi demandons-nous au Gouvernement de soumettre le changement de statut de La Poste au référendum ? Tout simplement, parce que nous avons la conviction que le projet de loi n’apporte aucune garantie – bien au contraire ! – que le capital de La Poste sera à 100 % public. Nous le faisons en tant qu’interprètes des plus de 2 300 000 Français qui se sont exprimés le 3 octobre dernier.
Selon le Gouvernement, La Poste doit changer rapidement de statut pour faire face aux défis de demain, pour satisfaire en urgence aux exigences européennes. Mais, nous assure-t-il, ce changement de statut n’aura pas pour conséquence, à terme, de privatiser La Poste. Qu’en est-il ?
La Poste manque de fonds propres. Certes, mais qui en est responsable ?
C’est l’État, qui n’assume pas ses obligations à l’égard du groupe La Poste en ne l’accompagnant pas financièrement pour le maintien d’un peu plus de 17 000 points de contact et en l’accompagnant insuffisamment pour le transport et la distribution de la presse. L’État ne joue pas son rôle alors que l’Union européenne n’interdit pas un soutien financier pour ces deux missions de service public.
Il y aurait urgence à changer le statut pour se conformer à la directive. Cette affirmation est inexacte ! D’une part, aucun texte européen n’exige que La Poste soit transformée en société anonyme. D’autre part, l’ouverture totale du marché des services postaux à la concurrence est prévue pour le 1er janvier 2011. Dès lors, où est l’urgence à légiférer ?
Selon le Gouvernement, ce texte vise uniquement à assurer à La Poste les moyens de son développement et il rendra La Poste « imprivatisable », selon les termes employés par Christian Estrosi. (M. le ministre opine.)
Nous le savons tous, y compris M. Guaino, que ce n’est pas le cas ! Le principe juridique du parallélisme des formes a pour conséquence que « ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire ».
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, inscrire la formule « service public national » dans un texte qui change le statut de La Poste et qui supprime le monopole n’est pas une vraie garantie. Rien n’empêchera le dépôt d’un nouveau projet de loi dans quelques années pour faire passer la part de l’État et des autres personnes morales de droit public au-dessous de la barre des 50 % du capital de La Poste.
Pourtant, vous avez une année devant vous pour faire voter la loi organique permettant la mise en œuvre de l’article 11 modifié de la Constitution, …
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est de l’obsession !
M. Michel Teston. …puis, si les conditions de forme sont réunies, ce dont je ne doute pas, pour consulter le peuple par référendum sur un éventuel changement de statut que vous appelez de vos vœux.
M. Michel Teston. Le Gouvernement n’ayant manifestement pas l’intention – vous me le confirmez à l’instant même – d’œuvrer en ce sens, ce sont donc les groupes de l’opposition qui demandent que ce texte soit soumis à référendum.
Tel est l’objet, mes chers collègues, de la motion référendaire que Jean-Pierre Bel vous a présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement, sous l’impulsion non pas de son chef, mais de celle du Président de la République, a installé il y a un peu plus d’un an la commission Ailleret, du nom de son président, et dont le rapport express a été remis sur commande en décembre 2008.
Au mois de juillet dernier, le Gouvernement déposait sur le bureau de notre assemblée le projet de loi relatif à la transformation de La Poste. Pour assurer un débat serein et studieux, le Gouvernement n’a pas trouvé mieux que d’engager la « procédure accélérée ».
Moins d’un an après la publication du rapport Ailleret, nous voici donc en plein débat parlementaire sur l’avenir de La Poste et, plus encore, sur l’avenir d’un service public à la française, le plus emblématique et probablement le dernier. Car s’il n’en reste qu’un, alors ce doit être La Poste ! Je l’ai dit en conférence de presse, je le répète à cette tribune : « La Poste est la vache sacrée du service public, il ne faut pas y toucher ! »
Comme l’a rappelé Jean-Pierre Plancade dans la discussion générale, depuis la signature de l’Acte unique en 1986, et plus encore depuis l’adoption par différentes majorités de plusieurs directives entre 1997 et 2008, la réglementation européenne nous a contraints à préparer l’ouverture totale de nos services publics à la concurrence. Pour autant, nous ne devons pas remettre en cause la notion même de service public. Toute la difficulté et toute l’ambiguïté se situent là.
En ce qui concerne La Poste, l’échéance se rapproche, puisqu’elle est fixée au 1er janvier 2011. Faut-il pour autant cautionner le présent projet de loi sans l’amender en profondeur ? Faut-il accepter de brader ainsi ce patrimoine collectif qu’est La Poste, qui appartient à tous les Français ? Plus largement, pourquoi priver nos concitoyens d’un droit d’expression sur une entreprise publique qui leur appartient, sur un service public postal de proximité auquel ils sont particulièrement attachés ?
C’est ici l’objet même de cette motion référendaire présentée il y a quelques minutes par Jean-Pierre Bel, motion signée et déposée hier après-midi par les sénateurs de l’opposition, issus de toutes les familles politiques de la gauche.
Sur le fond, groupe constructif, mais pas d’obstruction, le RDSE, groupe minoritaire au sens de la Constitution, a déposé une quarantaine d’amendements pour modifier en profondeur le projet de loi, introduire des protections et des verrous juridiques, bref pour infléchir sa logique libérale et défendre la notion même de service public.
Sur la forme – elle a ici son importance –, la majorité des membres de mon groupe défend l’idée que tous les citoyens de notre pays doivent, comme la Constitution leur en donne le droit, pouvoir se prononcer sur l’objet même de ce projet de loi, à savoir l’ouverture du capital de La Poste et son avenir comme service public accessible par tous et partout, malgré les fractures territoriales et sociales qui ne cessent de s’aggraver dans une République et une France en crise !
C’est la raison pour laquelle, le 4 octobre dernier, plus de soixante organisations syndicales, associatives et politiques, dont le parti radical de gauche, ont permis à une partie de la population de notre pays de s’exprimer lors d’une votation citoyenne organisée dans tous les départements.
Cette votation, certes informelle, a tout de même mobilisé plus de 2 millions de votants. Plus de 2 millions, cela a tout de même du sens ! Vous pouvez au moins l’admettre, monsieur le ministre ! Apparemment, non !
Mes chers collègues, au-delà de son résultat, cette votation a surtout eu le mérite de poser la question de l’avenir de La Poste et de susciter discussions et débats entre les Français. De ce point de vue, ce fut à l’évidence un succès, et c’est donc déjà une victoire !
Le message est clair : les Français ne veulent pas entendre parler de privatisation de La Poste.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous non plus !
M. Yvon Collin. Ce message est passé au sein du Gouvernement, si bien que, ministre après ministre, vous ne cessez de répéter qu’il n’y aura jamais de privatisation de La Poste !
M. Didier Guillaume. Et ils font l’inverse !
M. Yvon Collin. À tel point que votre insistance en devient suspecte, monsieur le ministre. Vous connaissez l’adage aussi bien que nous, sinon mieux, puisque c’est l’un des vôtres qui en a la paternité : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. »
Il y a surtout un précédent, pas si lointain : je veux parler de la privatisation d’EDF, malgré la promesse de non-privatisation, alors formulée par un ministre de l’économie, devenu depuis Président de la République.
Le message que nous adressons ce matin aux Français et à tous les usagers de La Poste est le suivant : rien ne s’oppose aujourd’hui à la tenue d’un référendum sur l’avenir de La Poste dans notre pays. Rien ! Ni en droit ni en opportunité ! De ce point de vue, le refus obstiné et tactique du Gouvernement est donc de nature à jeter un trouble supplémentaire sur ses véritables intentions, intentions dissimulées.
Mes chers collègues, le Gouvernement nous oppose une impossibilité législative à l’organisation du « référendum d’initiative populaire » prévu à l’article 11 de la Constitution, telle que sa rédaction résulte de la dernière révision constitutionnelle de juillet 2008. Il a raison, puisque le projet de loi organique chargée de prévoir les modalités du référendum d’initiative populaire n’a toujours pas été déposé au Parlement. On comprend pourquoi : il faut sans doute d’abord laisser passer le texte sur La Poste !
Il ne faudrait surtout pas que l’article 11 issu de la révision de 2008 puisse s’appliquer, autrement dit qu’un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, permette la tenue d’un référendum sur l’avenir du service public postal, ce joyau de notre République.
Toutefois, une solution existe. Cela a été dit et chacun ici le sait. Il est possible d’organiser un référendum sur la base de l’article 11 de la Constitution dans la version actuellement en vigueur, telle qu’issue de la révision constitutionnelle de 1995 voulue par le Président Jacques Chirac.
L’article 11 prévoit que le Président de la République peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur une réforme relative aux services publics - ici, le service public postal - , sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées parlementaires.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. « Peut » !
M. Yvon Collin. Force est de constater que le Gouvernement tarde à formuler ladite proposition au Président de la République. Il faut bien reconnaître que cela nécessite un certain courage ou plutôt un courage certain !
Alors, nous, parlementaires et sénateurs, nous prenons nos responsabilités. En nous appuyant sur notre règlement, en particulier sur son article 67, nous proposons une motion, qui, si elle venait à être adoptée par la Haute assemblée, serait soumise à l’appréciation de nos collègues députés.
II appartiendrait alors à l’Assemblée nationale de la voter à son tour - cela ne fait aucun doute - pour que la proposition d’un référendum soit officiellement et juridiquement formulée : le Président de la République devrait alors nous expliquer pourquoi il s’y refuse.
Pour en arriver là, il faudrait que la majorité fasse preuve de courage et que certains de ses membres apportent leur soutien à cette motion, ce dont je ne doute pas un seul instant.
Mais, pour nous, là n’est pas la question. Nous faisons ce que nous avons à faire, nous prenons nos responsabilités et demandons à la majorité sénatoriale de faire de même. Une nouvelle fois, nous la mettons à l’épreuve.
Et ce n’est pas fini ; les semaines à venir seront l’occasion de nouvelles batailles qui pourraient bien fissurer la majorité parlementaire, à en croire les journaux et les tribunes parues dans la presse depuis quelques jours.
M. René-Pierre Signé. Elle est déjà fissurée !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non, c’est le débat !
M. Yvon Collin. Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, une motion vous est proposée. Elle n’est pas en elle-même une motion partisane ; c’est une motion politique et non pas partisane. Un choix politique se pose à vous, qu’il vous faudra assumer devant les Français, devant vos électeurs.
Voter pour la motion signifie ni plus ni moins que vous êtes favorables au fait de proposer - car ce n’est qu’une proposition - au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
M. Jean Desessard. Bravo ! Bravo !
M. Yvon Collin. Il s’agit donc tout simplement de s’en remettre au peuple. Au-delà de toute question de fond sur ce projet de loi, nous pensons, au regard des enjeux colossaux de ce texte et de l’avenir de La Poste et de son service public, que c’est aux Français de décider.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ou à leurs représentants !
M. Yvon Collin. Voilà ce qui a motivé en tout premier lieu les signataires du groupe RDSE de proposer cette motion. C’est aussi la raison pour laquelle nous la voterons.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si certains depuis quelques jours estiment à nouveau que la terre ne ment jamais, nous pensons surtout que le peuple ne ment pas. C’est pourquoi nous lui faisons entièrement confiance pour approuver, ou non, ce projet de loi. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Charasse. Le jour où il n’y aura plus de facteurs, la natalité va baisser ! (Rires.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la discussion de ce matin a du sens : elle porte sur l’état de la démocratie dans notre pays, sur l’état de nos institutions et sur la place du peuple dans le débat politique.
Nicolas Sarkozy, dans son programme de 2007, s’adressant aux Français, déclarait : « Je vous associerai aux choix des réformes. […] Je crois que l’on prend les meilleures décisions si l’on prend le temps d’écouter ceux qui sont concernés sur le terrain et que les réformes sont mieux appliquées si chacun a pu, au préalable, les comprendre et les accepter : 10% du corps électoral pourrait demander au Parlement de se prononcer sur un texte de loi. »
M. Guy Fischer. Il avait menti !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est vrai que le Président de la République a très vite montré comment il entendait respecter le choix des Français, en commençant par passer outre le « non » au référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen, puis en refusant un référendum sur la révision constitutionnelle, forme pourtant assez naturelle en matière de choix de la loi fondamentale qui unit les citoyens d’une même nation.
Pourtant, les démocrates ont cru enfin, avec le timide référendum d’initiative parlementaire et populaire introduit dans la Constitution, qu’il s’agissait d’un commencement de promesse tenue.
Bien timide, j’insiste, puisqu’il faut deux cinquièmes des parlementaires et 10% du corps électoral pour qu’une proposition soit examinée par le Parlement, qui ensuite la votera ou non.
Si limitée soit-elle, l’irruption du peuple doit vous faire bien peur pour qu’à ce jour, comme le notait le président Jean-Pierre Bel, le projet de loi organique nécessaire à l’application de cette disposition n’ait pas encore été déposé par le Gouvernement !
Quand l’opposition a déposé un projet dans ce sens à l’Assemblée Nationale, la majorité, montrant le cas qu’elle faisait de la Constitution qu’elle a votée, a refusé d’en débattre !
Le peuple serait donc un empêcheur de tourner en rond ! Mais on peut également se demander si le Parlement n’est pas, lui aussi, un empêcheur de tourner en rond.
Comment expliquer le recours immodéré à la procédure accélérée sur des textes structurants de notre organisation sociale et dont l’urgence n’est pas démontrée, car indémontrable : la loi pénitentiaire, la loi hôpital, la réforme de la formation professionnelle, la loi HADOPI et maintenant le changement de statut de la Poste ?
Comment expliquer, si ce n’est par le mépris du Parlement, qu’il nous soit proposé de supprimer la taxe professionnelle, financement indispensable aux collectivités locales, sans qu’aucune réforme de la fiscalité locale pérennisant les ressources des collectivités ne soit proposée ?
Comment expliquer que l’on nous demande de modifier les scrutins départementaux et régionaux avant même que nous ayons pu débattre, et a fortiori avant que soit votée la réforme territoriale, indispensable préalable ?
Passage accéléré au Parlement, peur de consulter le peuple !
Ne pas vouloir écouter vous empêche-t-il pour autant d’entendre ? Je ne le crois pas.
Comment expliquer sinon le véritable dénigrement dont a fait preuve dans vos rangs la votation citoyenne ? Je vous explique de quoi il s’agit, parce que certains ont l’air de l’ignorer.
Le comité national pour la défense du secteur public de la Poste, qui représente soixante organisations, a invité de façon militante - bien évidemment puisqu’il ne s’agissait pas d’un référendum institutionnel, dont vous n’avez pas voulu- les citoyens à se prononcer sur la réforme du Gouvernement.
M. Nicolas About. Ce n’était pas sur la réforme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le bulletin était le même pour tout le monde. Les citoyens venaient de leur propre chef, ils émargeaient, ils pouvaient dire oui ou non au projet. Ce sont ainsi 2 500 000 citoyens qui se sont déplacés pour voter massivement non. Et je crains que vous n’ayez pas incité vos amis à voter !
Je précise qu’un sondage - on sait que le Président de la République est friand de sondages - a corroboré cette votation : 65% de nos concitoyens sont contre votre réforme.
M. Nicolas About. Ils sont contre la privatisation !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or, que n’a-t-on entendu !
Monsieur le ministre, vous avez fait tout en nuance en disant que vous émettiez de sérieux doutes « sur la crédibilité et la légitimité d’une votation citoyenne pilotée par la gauche », votation citoyenne qui vous rappelait « les grandes heures de l’Union Soviétique ».
MM. Christian Estrosi, ministre, et Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ah ça, oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre comparaison est tout à fait crédible pour nos concitoyens !
Ici même, vous avez un porte-parole zélé en la personne du sénateur centriste Hervé Maurey, qui qualifie de « scandaleuse mascarade » les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette « pseudo-votation ».
Quel mépris pour nos concitoyens et pour nombre de vos électeurs, monsieur Maurey ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Hervé Maurey. Je le confirme : c’est une escroquerie, une mascarade !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un scandale de vous entendre ! C’est honteux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Pourquoi ne pas interdire aux citoyens de signer des pétitions, et même de s’exprimer, puisque les maires qui ont participé à l’organisation de la votation en dehors des mairies et des heures de service sont traduits devant le tribunal administratif ?
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jusqu’où irez-vous dans la peur du peuple ? Autant de dénigrement est signe d’un grand malaise.
M. Daniel Raoul. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment expliquer autrement que vous dépensiez tant d’énergie à essayer de rassurer sur vos intentions jusqu’à vouloir inscrire dans une loi que la Poste sera « imprivatisable » ?
Qu’est-ce que ce néologisme ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Un nouveau mot, madame Borvo !
M. Hervé Maurey. Je respecte le référendum, mais je méprise les mascarades !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez du mal à convaincre, parce que nos concitoyens ont fait l’expérience des promesses non tenues. Ils ne font d’ailleurs que cela !
En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, assurait, la main sur le cœur,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … que EDF et GDF ne seraient jamais privatisées, ce qui fut fait deux ans plus tard pour Gaz de France.
M. Fillon, alors ministre en charge de La Poste, déclarait, le 21 mars 1996 : « Le gouvernement français est opposé à toute libéralisation du secteur postal. Nous considérons en effet que contrairement à ce qui se passe pour les secteurs des télécommunications, aucune raison technologique ne justifie aujourd’hui la déréglementation du secteur postal. La Poste est une entreprise de main-d’œuvre qui n’aurait rien à gagner à l’ouverture à la concurrence. »
M. Fillon, imprévoyant, enfonçait même le clou : « Outil économique, La Poste est donc également un facteur important de cohésion sociale. Elle appartient au premier cercle des services publics. »
M. Guy Fischer. Il nous a menti, voilà la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Fillon ignorait-il la voie ouverte par les directives européennes alors en cours d’élaboration ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ce n’est pas nous, c’est la majorité de gauche au Parlement européen !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans un très important et intéressant rapport d’octobre 1997, notre président, M. Gérard Larcher, repoussait catégoriquement toute privatisation au nom de la constitutionnalité du caractère public de la Poste. Dont acte ! Pourquoi aujourd’hui l’inscrire dans la loi ? Je crains que le Conseil Constitutionnel n’ait vu les choses autrement en 2006 !
M. Guy Fischer. Il a changé d’avis ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Larcher, reprenant l’idée de ce qu’il appelait une « sociétisation », c’est-à-dire une transformation en société anonyme, faisait le commentaire suivant : « Est-ce à dire que, tout comme pour France Télécom, une sociétisation présenterait un intérêt pour les postiers, pour la Poste et pour la nation ? Il ne le semble pas ». La vérité d’hier ne serait plus celle d’aujourd’hui ! Vous n’avez pas réussi à nous convaincre.
Trop de fois, le peuple a été trompé par les mêmes manœuvres : d’abord, on change les statuts ; ensuite, on privatise, avec des conséquences, hélas, désastreuses pour les salariés et les usagers !
Croyez-vous que nos concitoyens ne sont pas capables de comprendre ce qui se passe à France Télécom depuis des années ?
M. Alain Fouché. À qui la faute ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos concitoyens ont, hélas, le sentiment que plus aucun secteur n’est à l’abri : la santé, les transports, les services publics locaux et même l’éducation nationale sont menacés par la libéralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La libéralisation signifie la concurrence, la privatisation, bref l’abandon du service public !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces choix sont les vôtres et ceux du Président de la République. Un choix de société assumé, celui d’une une société libérale et concurrentielle que vous voulez débarrasser des entraves que constitue, pour les marchés financiers et les grands groupes capitalistes, le pacte social issu de la résistance et des conquêtes sociales.
M. Roland Courteau. C’est clair !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez l’habitude de dire, sur les bancs du Gouvernement, que vos projets tirent leur légitimité de l’élection présidentielle de 2007.
Ne s’est-il rien passé depuis 2007 ? Hélas, est intervenue une crise financière, sans précédent depuis 1929, fruit de la financiarisation de l’économie, des politiques ultralibérales conduites depuis des années, des États-Unis à l’Europe, sur le dos des salariés et des autres peuples de la planète !
Alors, le Président de la République, en héraut du modèle social, parle de refonder le capitalisme, de changer le monde même !
M. Roland Courteau. Des mots !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est loin des paroles aux actes. Qui paie le prix fort de cette crise ? Les banquiers, les actionnaires, les femmes et les hommes politiques qui ont placé l’économie mondiale au bord du gouffre ? Certainement pas, puisque les bonus, stock-options et autres avantages et paradis fiscaux perdurent, comme si de rien n’était !
Les Français, en revanche, paient la crise. Les salaires, l’emploi, les difficultés, la protection sociale : tout y passe !
M. Guy Fischer. Les retraites !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or nombre de commentateurs s’accordent à dire que, si la France a moins sombré que d’autres pays dans cette crise, c’est grâce à ce qui lui reste du pacte social de 1945 : …
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … des services publics, une protection sociale solidaire, des entreprises publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Alors, monsieur le ministre, quand le gouvernement auquel vous appartenez, en 2009, après l’échec pesant du libéralisme débridé que vous avez tant vanté,…
M. Alain Fouché. Le socialisme a été un tel succès…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … s’apprête une nouvelle fois, par le stratagème d’un changement de statut, à se donner les moyens de la privatisation d’un service public national, n’est-il pas nécessaire de consulter nos concitoyens ?
Surtout que ce changement de statut ne figurait pas dans le programme du Président de la République, que je cite : « Je crois résolument dans le service public, à son rôle pour l’égalité des chances. C’est pourquoi il est essentiel d’assurer sa présence dans les quartiers en difficulté, en milieu rural et outre-mer. »
Croyez-vous qu’en demandant à des guichetiers de la RATP de prendre en charge la distribution des lettres recommandées vous améliorez le service public ?
Croyez-vous qu’en ajoutant aux fonctions de l’épicier, du buraliste, du boulanger, du boucher celle de postier vous améliorez le service public ?
M. Alain Fouché. Absolument ! Je l’ai d’ailleurs dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Croyez-vous qu’en transférant aux collectivités locales la responsabilité d’agence postale communale vous allez respecter une présence harmonieuse du service public sur l’ensemble du territoire ?
M. Nicolas About. Mais bien sûr !
M. Roland Courteau. Certainement pas !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. C’est l’harmonie, que nous recherchons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour éviter toute remarque sur ce point, j’ai également consulté le contrat de législature de l’UMP.
Qu’y trouve-t-on ? « Nous ne procéderons à aucune fermeture de service public en milieu rural sans garantir un service public de qualité supérieure, à l’image par exemple des Points Poste, qui sont ouverts plus longtemps. » À qui veut-on faire croire cela, alors que des bureaux de poste ferment tous les jours en milieu rural ?
M. Guy Fischer. Ils se moquent de nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Outre la mauvaise foi de ce propos, comment dire que le service est de meilleure qualité parce que la boulangerie est ouverte plus tardivement qu’un bureau de poste classique ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Parce que c’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai noté nulle part que l’UMP avait annoncé le changement de statut de La Poste.
Nos concitoyens ne s’y trompent pas puisque, par leur votation citoyenne, ils manifestent à l’évidence qu’ils veulent dire ce qu’ils pensent de votre projet et pour le moins en débattre.
Or le référendum est tout à fait approprié pour permettre un large débat public.
M. Alain Fouché. On a compris…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pourrez d’ailleurs développer auprès d’eux les arguments dont vous nous avez donné un aperçu depuis le début de la discussion. Il faudrait que ceux-ci soient plus convaincants que la publicité gouvernementale : « La Poste change de statut mais reste un service public à 100%.» La campagne de communication dans la presse, qui a coûté la modique somme de 700 000 euros, n’a apparemment pas suffi à convaincre nos concitoyens, en tout cas ceux qui lisent les journaux !
Et puis, monsieur le ministre, le Gouvernement vient de donner le signal que vous ne rechignez pas au débat public, bien au contraire, puisque vous en organisez un tambour battant, d’ici aux élections régionales, sur l’identité nationale, sous l’égide du ministre de l’immigration !
Si je récuse, pour ma part, la façon dont le problème est posé et le cadrage de ce débat, je note cependant que 60 % de nos concitoyens interrogés considèrent que les services publics sont un élément très important pour l’identité de la France, à peu près au même niveau que la République, le drapeau et la laïcité. Raison de plus pour leur permettre de débattre de l’avenir du plus vieux service public de notre pays, La Poste, de la façon de le moderniser sans le dénaturer, et donc de les consulter par référendum !
Monsieur le ministre, si nombre de nos concitoyens ont voulu s’exprimer par leur « votation » militante, c’est parce que l’engagement du Président de la République de les associer à ces réformes n’a, jusqu’ici, pas été tenu.
Nous pouvons donner au Président de la République l’occasion de tenir cet engagement. L’article 11 de la Constitution est, depuis 1995, tout à fait approprié, puisqu’il permet le recours au référendum pour toute réforme relative à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je suis convaincue que vous allez voter notre motion référendaire afin que nos concitoyens puissent dire ce qu’ils pensent de la transformation de La Poste. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. C’est bien envoyé !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Nicolas About. Mes chers collègues de l’opposition, vous avez déposé une motion référendaire sur le projet de loi. C’est un acte solennel, prévu par la Constitution. Je n’ai aucun grief particulier contre l’utilisation de cet outil juridique…
M. Guy Fischer. Heureusement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne contestez pas la Constitution !
M. Nicolas About. … qui permet de demander au Président de la République, sur proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre le projet de loi à référendum, selon les dispositions de l’article 11 de la Constitution.
Il y a deux manières d’interpréter le dépôt d’une telle motion. Certains, mal intentionnés probablement, y verront un outil d’obstruction parlementaire.
M. Nicolas About. Les auteurs de cette motion, convaincus de l’échec de la procédure,…
M. Roland Courteau. C’est ce que vous pensez !
M. Nicolas About. … ne recourraient à cet outil qu’à la seule fin de faire traîner en longueur les débats. En effet, et nous sommes en train de le vivre actuellement, le dépôt de la motion référendaire entraîne un retard d’une demi-journée dans le processus d’adoption de la loi au sein de notre assemblée.
M. Didier Guillaume. Et les scrutins publics hier soir ? À qui la faute ?
M. Nicolas About. En ce qui me concerne, je ne me permettrai pas ce procès d’intention. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez raison ! C’est prudent!
M. Nicolas About. Vous riez, mes chers collègues ? Douteriez-vous de vos propres intentions ?
Ainsi, j’ose espérer que le dépôt de la motion référendaire traduit uniquement le vœu démocratique sincère que le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales puisse être adopté par le biais d’une procédure de démocratie populaire directe.
Je ne doute pas de l’opportunité politique d’utiliser la motion référendaire. Elle permet le rassemblement politique des divers partis dépositaires de la motion autour d’une contestation identifiable, sanctuarisée autour de la « privatisation » de La Poste.
Elle est aussi certainement populaire auprès d’une partie de l’électorat et naturellement des syndicats, dont les capacités de mobilisation à l’occasion d’une lutte « anti-privatisation » ne sont plus à démontrer.
D’ailleurs, mes chers collègues, lors de la discussion générale, vous avez été nombreux à souligner le succès de la votation populaire qui aurait mobilisé, le 3 octobre dernier, 2,5 millions de personnes, qui ont clairement répondu « non » à la privatisation de La Poste.
M. Yannick Bodin. Eh oui!
M. Nicolas About. Si, comme vous le demandez, on reposait la question aujourd’hui : « Êtes-vous pour ou contre la privatisation de La Poste ? », la majorité des votants répondrait assurément « non », et moi aussi d’ailleurs… Mais tel n’est pas l’objet de ce texte.
Tout cela, je l’entends bien, mes chers collègues. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le groupe de l’Union centriste s’oppose fermement à la motion référendaire.
Tout d’abord – c’est mon premier point –, j’estime que le recours au référendum doit rester une procédure législative exceptionnelle. (C’est le cas ! sur les travées du groupe socialiste.)
Elle est exceptionnelle d’abord parce que notre tradition républicaine est fondée sur la démocratie représentative. Nous avons la responsabilité, mais aussi le devoir, pour reprendre une expression de Mme Borvo Cohen-Seat, d’avoir le courage de proposer, de discuter, d’amender et de voter la loi ; et le courage n’est pas le transfert de cette responsabilité à d’autres. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. René-Pierre Signé s’exclament.)
Il nous faut donc prendre nos responsabilités, même si le débat n’est pas aussi véritablement serein et constructif – je n’ai pas besoin de taper sur le pupitre pour le faire comprendre –, bref, à la hauteur de ce que nos électeurs pourraient attendre comme exemple de démocratie.
M. René-Pierre Signé. Affrontez-les !
M. Nicolas About. Le référendum doit rester exceptionnel. On ne peut exiger des citoyens qu’ils appréhendent aisément les aspects juridiques et économiques fondamentaux qui font la complexité de ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! C’est trop facile !
M. Nicolas About. Pas du tout !
Souvenons-nous, par exemple, à quel point la complexité du traité constitutionnel européen avait en grande partie perdu les électeurs, au profit d’arguments électoralistes et de slogans faciles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Nicolas About. Mais si, et vous en avez été un exemple !
Justement, pour le cas présent du projet de loi sur le statut de La Poste, je suis encore plus sceptique, et c’est l’objet de mon deuxième point.
On peut aisément douter de l’honnêteté intellectuelle avec laquelle un certain nombre de propos sont tenus et qui, reconnaissez-le, biaisent le débat sur le changement de statut de La Poste et la libéralisation du marché du courrier de moins de 50 grammes, en le réduisant à celui d’une hypothétique « privatisation » que la rédaction de la loi d’aujourd’hui ne permet pas.
Si une loi future venait à en disposer autrement, il serait toujours temps, évidemment, de poser la question de la privatisation et de l’étudier objectivement. Or, en vous targuant du résultat de la votation populaire sur la privatisation de La Poste pour appuyer votre ferme opposition au projet de loi, vous vous rendez coupables de la confusion entre les deux situations.
Il suffit de lire l’article 1er du projet de loi : « Le capital […] est détenu par l’État ou par d’autres personnes morales appartenant au secteur public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels. »
Certes, une loi future pourrait y revenir, comme n’importe quelle loi pourrait revenir sur n’importe quel sujet. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste. – Tout à fait ! sur les travées de l’UMP.) C’est toute la grandeur de la loi !
Il est malheureusement trop tard : vous avez déjà commencé à biaiser le débat à l’intérieur de notre assemblée, comme vous l’avez fait à l’extérieur, avec la votation populaire…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Dans la rue !
M. Nicolas About. … et avec vos mobilisations « anti-privatisation ». Alors, à quoi bon un tel référendum ?
M. Roland Courteau. Pour respecter les électeurs !
M. Nicolas About. Autant, sur un plan quantitatif, la question pourrait mobiliser plus que le référendum sur le quinquennat, autant, sur le plan qualitatif, la qualité de l’expression citoyenne serait nécessairement altérée par votre confusion entre le présent texte et une privatisation.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About. L’expression populaire en ressortirait biaisée, et c’est dommage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand le peuple ne pense pas comme vous, c’est dommage !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Le peuple nous fait confiance pour l’instant !
M. Nicolas About. Aujourd’hui, votre velléité de démocratie populaire n’est pas crédible et me semble plutôt ne constituer qu’une triste échappatoire à des débats que, par ailleurs, vous vous plaisez à obstruer.
Le groupe de l’Union centriste n’entrera pas dans ce jeu.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Nicolas About. Au contraire, faisons honneur à notre démocratie représentative et construisons le débat sereinement au sein de cet hémicycle !
Certains ont déploré, lors de la discussion générale, le peu de temps – cinq jours – dont nous disposons pour nous prononcer sur ce projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales. (M. Roland Courteau s’exclame.) C’est vrai, la procédure accélérée s’applique. Justement, optimisons le temps que nous avons, améliorons le texte sur la base de discussions constructives !
J’espère que nous aurons l’occasion de vous entendre sur la garantie du caractère public des capitaux, sur les garanties à apporter à la qualité du service universel, sur le maintien de la présence postale sur nos territoires, sur le rôle et les pouvoirs de l’autorité de régulation, sur les mesures sociales. Bref, nous vous attendons sur les enjeux de fond de ce texte,…
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Nicolas About. … et pas uniquement sur une hypothétique privatisation, au risque de passer à côté du texte et de donner un bien triste exemple de notre démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons au moins un point commun, c’est notre attachement au très beau service public postal, dont Jean-Pierre Bel a déclaré dans son intervention qu’il était un élément consubstantiel de notre pacte républicain. J’ai moi-même indiqué dans la discussion générale qu’il était sans doute consubstantiel de notre identité nationale, dont il incarne les valeurs d’égalité et d’universalisme. Voilà qui est clair !
Cette motion référendaire s’appuie sur l’idée que le texte qui nous est proposé marque une vraie rupture radicale, un changement de cap. Je voudrais m’attacher à démontrer brièvement qu’il n’en est rien !
Tout d’abord, la radicalité de la rupture n’est pas dans la loi, elle est dans la réalité ! Demain, des opérateurs puissants, beaucoup mieux préparés que La Poste, peuvent menacer son avenir.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Nous sommes déjà, comme je l’ai souvent expliqué ici même, dans une révolution numérique qui bouleverse toutes les situations, y compris les situations les mieux acquises, en France comme ailleurs.
Je pourrais évoquer, sur le plan économique, The New York Times ou TF1, ou encore, sur le plan politique, l’élection de Barack Obama, ce qui s’est passé en Iran. Bref, Internet bouscule toutes les situations acquises. Ce serait faire preuve d’une cécité profonde que de ne pas vouloir adapter La Poste à cette nouvelle donne !
M. Nicolas About. C’est vouloir sa mort !
M. Bruno Retailleau. Ensuite, le texte qui nous est proposé ne marque pas une vraie rupture radicale. La vraie rupture législative ne s’est produite ni en 2005 ni en 2009 : elle date de 1990, quand La Poste est sortie de sa gangue d’administration des PTT, qu’elle est entrée dans la vie d’entreprise, qu’elle a commencé à recruter des salariés de statut privé, qu’elle s’est mise à prendre en compte la rentabilité, une rentabilité qui a été décuplée en quelques années, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, et M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Bruno Retailleau. La réalité, elle est là !
Et il ne vous aura pas échappé que, en 1990, ce n’était pas Nicolas Sarkozy qui était Président de la République ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, il n’y aura pas de changement de cap, car la loi qui sera votée permettra de renforcer le développement de La Poste. Cette dernière, grâce à un apport de 2,7 milliards d'euros, pourra déployer ses activités en France et en Europe. Il s’agit là d’un élément important et objectif.
Mme Michelle Demessine. Vraiment objectif…
M. Bruno Retailleau. En outre, les missions de service public de La Poste seront renforcées (M. René-Pierre Signé s’exclame.), car c’est non pas le statut de La Poste qui est un élément consubstantiel de notre modèle social, mais l’exercice des missions de service public. Or, à cet égard, le texte prévoit de nouvelles garanties, en particulier en ce qui concerne la présence territoriale. En matière d’aménagement du territoire, les lois passées dimensionnaient le réseau de La Poste à 14 500 lieux. C’était nécessaire. Aujourd'hui, 17 000 points de contact sont prévus. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Ce n’est pas rien !
Enfin, la compensation à l’euro près est un élément fondamental.
M. Jean-Pierre Bel. Parce que vous y croyez ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes crédule !
M. Bruno Retailleau. Il a également été beaucoup question de mon amendement visant à réaffirmer le caractère de service public national de La Poste. Je dispose de trop peu de temps pour répondre à cet instant à toutes les objections qui ont été soulevées, mais soyez assurés que je me ferai un plaisir cet après-midi, ou cette nuit, lorsque cet amendement viendra en discussion, d’y répondre point par point. Et je vous promets que vous n’aurez pas affaire à un ingrat ! (M. Nicolas About rit.)
La motion référendaire repose sur un abus de langage. Vous tentez de faire croire à nos concitoyens que le présent projet de loi vise à privatiser La Poste ! Or c’est absolument faux !
M. Jean-Pierre Bel. Ah bon ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument ! C’est tromper nos concitoyens !
M. Bruno Retailleau. Par conséquent, cette motion n’a aucun objet.
Puisqu’il a beaucoup été question de notre modèle, permettez-moi de vous dire que le modèle institutionnel et politique français n’est pas celui de la Suisse. Il appartient à la représentation nationale, donc aux députés et surtout, aujourd'hui, aux sénateurs, de prendre leurs responsabilités. Et croyez-moi, mes chers collègues, nous allons les prendre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un vrai bonheur pour moi que de participer à ce débat. En qualité de président du groupe UMP, je tiens à remercier mes collègues du groupe socialiste de leur forte mobilisation. Ils me permettent ainsi de mobiliser à mon tour mon groupe…
M. Jean-Pierre Bel. Pas ce matin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas !
M. Gérard Longuet. … et de donner de l’institution sénatoriale une image forte, sur un sujet qui le mérite. (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes convaincant !
M. Gérard Longuet. Cela étant, il est regrettable, mes chers collègues, que vous mobilisiez autant de sénateurs pour les priver finalement de débat.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Gérard Longuet. L’adoption de cette motion référendaire aboutirait en effet à empêcher les sénateurs de s’exprimer et de débattre, alors que ce travail leur revient, comme l’ont dit excellemment Nicolas About et Bruno Retailleau ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur Bel, vous avez flatté mes sentiments conservateurs. Vous avez mobilisé Louis XI au secours de votre motion. Pourquoi pas ? Après tout, les Capétiens ont fait la France ! Je vous rappelle simplement que, à cette époque, la poste était l’outil de puissance d’un État qui ne respectait aucune liberté. Si c’est votre seul exemple, il est inquiétant pour ce qu’il révèle de votre conception de la démocratie ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait déjà deux arguments stupides !
M. Gérard Longuet. Laissons de côté l’histoire de notre pays et revenons à la réalité postale d’aujourd'hui. Parlons de l’avenir de La Poste et venons-en à la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi qui nous est soumis, demande bien surprenante de votre part.
Si cette motion était adoptée, ce dont je doute, elle aurait l’effet d’une guillotine, dont la première victime serait le Sénat. En effet, notre hémicycle compte des sénateurs, de gauche comme de droite, ayant une profonde connaissance de la question postale. Ils ont sur ce sujet acquis une autorité et une crédibilité qu’il nous faut aujourd'hui mobiliser au service de cette grande entreprise en charge d’un service public.
Ainsi, le président de notre Haute Assemblée, Gérard Larcher, que j’ai connu lorsque j’étais secrétaire d’État chargé des postes et des télécommunications, a rédigé plusieurs rapports sur ce sujet, en tant que sénateur. Ce fut même le premier dossier sur lequel il eut à travailler. En 1997, il a publié un document intitulé Sauver la Poste : devoir politique, impératif économique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans lequel il a conclu qu’il ne fallait pas changer le statut de La Poste !
M. Gérard Longuet. En 1999, alors que la gauche était au pouvoir, il a rédigé un rapport intitulé Sauver La Poste : est-il trop tard pour décider ?, puis, en 2003, un document intitulé La Poste : le temps de la dernière chance. Le Sénat s’est toujours mobilisé avec attention sur ce sujet, car, comme l’ont rappelé certains collègues, la présence postale sur l’ensemble du territoire est une chance pour nos compatriotes, pour les individus comme pour les entreprises, même si les conditions d’activité de La Poste, cher Bruno Retailleau, ont effectivement considérablement évolué.
Pierre Hérisson, rapporteur du présent projet de loi, est l’exemple même du sénateur impliqué dans un dossier de fond et respecté de l’ensemble de ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, vous avez la chance d’avoir à vos côtés quelqu’un qui comprend, qui connaît bien la question de l’activité postale dans son ensemble et dont les jugements sont écoutés.
Monsieur Teston, je vous ai écouté avec intérêt. Vous exercez au sein de votre groupe la responsabilité de chef de file sur ce texte. Vous avez été précédé dans cette fonction par différents sénateurs qui ne partageaient pas mes convictions, qui étaient souvent sur la défensive, mais qui, comme la plupart d’entre nous, éprouvaient un véritable intérêt pour l’action postale : ils ont donc accepté, génération après génération, des évolutions qu’ils craignaient certes, mais qui se sont révélées pertinentes et judicieuses pour La Poste, pour la bonne raison d’ailleurs qu’elles étaient proposées par des professionnels de La Poste, à savoir par ses directeurs généraux successifs.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Comme aujourd'hui !
M. Gérard Longuet. Ces chefs d’entreprise, qui sont au contact de la réalité quotidienne, ont su trouver, à gauche comme à droite, des sénateurs attentifs à leur métier afin de défendre les conditions de succès de La Poste.
La Poste a constamment évolué depuis 1986. Ces évolutions ont été portées par des gouvernements de gauche comme de droite. À cet égard, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler que c’est en décembre 1997 qu’un gouvernement socialiste a signé la directive postale.
M. Michel Teston. Très mal négociée par le gouvernement précédent !
M. Gérard Longuet. Comment aurait-il pu en être autrement ? Cette directive était en effet un hommage rendu à la capacité de La Poste à répondre aux attentes de ses clients et de ses usagers. En définitive, si La Poste fonctionne, c’est parce que des clients franchissent chaque jour les portes des bureaux de poste en vue d’y trouver des services de qualité, lesquels n’ont cessé d’évoluer de façon constante depuis vingt-cinq ans.
Permettez-moi de revenir sur la réalité que j’observe en cet instant dans cette enceinte : en ce mercredi matin, près d’un tiers, pour ne pas dire la moitié des sénateurs sont rassemblés dans cet hémicycle. Nous offrons à ceux qui nous font confiance, à ceux qui nous ont mandatés, l’image d’une assemblée attentive. Pourquoi donc les priver de débattre des 26 articles du projet de loi, sur lesquels 629 amendements ont été déposés ?
Permettez-moi de citer les propos d’un sénateur socialiste pour qui nous avons, les uns et les autres, de l’intérêt et souvent de l’estime, notre éminent collègue Robert Badinter. Lors de la séance du 19 juin 2008, au cours de laquelle nous examinions les dispositions qui ont permis le dépôt de la présente motion référendaire, il a déclaré ceci : « […] autant je suis favorable au développement et à la pratique du référendum, y compris d’initiative populaire, à l’échelon municipal, départemental ou régional, autant je combattrai toujours le référendum d’initiative populaire national.
« Le référendum d’initiative populaire est l’instrument préféré des démagogues les plus extrêmes, de ceux qui, en toutes occasions, utilisent les passions pour énerver la démocratie : regardons autour de nous ! » (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Robert Badinter, qui a de la culture et de l’humour, ajoutait ensuite, citant Giraudoux : « l’imagination est la première forme du talent juridique. Ici, elle a simplement pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer sarcastiquement : " Vous savez ce que c’est qu’un chameau ? C’est un cheval dessiné par une commission parlementaire." » (Sourires.)
M. Didier Guillaume. C’est beau…
M. Gérard Longuet. Tel est le sentiment que cette forme très insolite d’initiative parlementaire inspire à Robert Badinter.
Un référendum peut être pourtant l’occasion d’un grand rendez-vous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qu’on demande, un grand débat public sur La Poste ! Vous avez passé un quart d’heure à dénaturer notre demande !
M. Gérard Longuet. Le général de Gaulle a su l’utiliser lorsqu’il s’est agi d’épargner à la France le naufrage que constituait une décolonisation qui n’aboutissait pas. Le président Pompidou l’a utilisé à son tour pour la construction européenne. D’autres présidents ont suivi, y compris François Mitterrand.
M. Guy Fischer. Vous n’avez avancé aucun argument jusqu’à présent !
M. Gérard Longuet. Mais sur un sujet aussi technique que l’avenir de La Poste, le Parlement est le lieu naturel du débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Pourquoi, mes chers collègues de la majorité, les socialistes, qui n’ont pas naturellement la culture du référendum, sont-ils aujourd'hui favorables à un référendum sur La Poste ?
Je rappelle qu’il y a ici des femmes et des hommes qui ont exercé des responsabilités gouvernementales, y compris sous mandature socialiste. Ont-ils eu recours au référendum pour demander aux Français leur avis sur les nationalisations en 1982 ? La réponse est « non » ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. C’était dans notre programme !
M. Gérard Longuet. Ont-ils utilisé le référendum entre 1997 et 2002 lorsqu’il s’est agi de dénationaliser ? Pas plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était sous Chirac !
M. Gérard Longuet. Les socialistes ont nationalisé, puis dénationalisé des entreprises sans jamais …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le Président de la République qui décide d’avoir recours au référendum !
M. Gérard Longuet. … demander leur avis aux Français ! Cela aurait pourtant été logique, compte tenu de ce qu’ils nous proposent aujourd'hui. Ils ont donc une mémoire sélective et souffrent d’une amnésie bien inquiétante ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces arguments sont pitoyables !
M. Gérard Longuet. Mais, en fait, ceux qui demandent aujourd'hui un référendum sur La Poste ne sont pas dans cet hémicycle ! En effet, ce n’est pas la gauche gouvernementale, qui a exercé des responsabilités et qui s’est efforcée de répondre aux besoins de notre pays, et pour laquelle j’ai le plus grand respect même si je ne partage pas la plupart de ses orientations, qui souhaite un tel référendum. La motion référendaire qui nous est aujourd'hui soumise est le résultat d’un règlement de comptes entre la gauche et l’extrême gauche !
M. Jean-Pierre Bel. Bon sang, mais c’est bien sûr !
M. Gérard Longuet. Le fond du problème, c’est que, lors des dernières élections européennes, le Nouveau parti anticapitaliste, le NPA, a obtenu près de 5 % des suffrages. Or, dans notre démocratie, seuls comptent les résultats du second tour d’une élection.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les Français apprécieront vos arguments affutés !
M. Gérard Longuet. Dans la perspective des prochaines échéances électorales, il est indispensable de rassembler la gauche dispersée. La Poste est donc prise en otage entre l’extrême gauche et la gauche gouvernementale !
Tel est donc l’objet…
M. Guy Fischer. C’est plutôt l’extrême droite qui a pris la majorité en otage !
M. Gérard Longuet. … de la présente motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est nul !
M. Gérard Longuet. Examinons les faits, mes chers collègues : le Comité national contre la privatisation de La Poste, qui a organisé la votation populaire, est animé par des gens aussi responsables que M. Schivardi, éphémère candidat à la Présidence de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que vous racontez ?
M. Gérard Longuet. Dans sa proposition, signée par des parlementaires socialistes, dont peut-être des sénateurs, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous racontez n’importe quoi !
M. Gérard Longuet. … il demande tout simplement l’abrogation de la directive européenne de décembre 1997, …
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Tout à fait vrai !
M. Gérard Longuet. … comme si cela avait le moindre sens !
Nous assistons donc à une surenchère entre l’extrême gauche, entre SUD-PTT d’une part, le NPA d’autre part, et un parti socialiste qui se sent dépassé sur sa gauche (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Gérard Longuet. … et qui aura donc besoin de fédérer…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de l’extrême droite, que vous connaissez mieux !
M. Gérard Longuet. … toutes les gauches s’il veut remporter le second tour des élections régionales (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste) et cantonales de 2010 et de 2011, voire les prochaines élections législatives.
M. Nicolas About. Oui !
M. Gérard Longuet. Cette motion référendaire n’est donc qu’une plaisanterie destinée à permettre aux socialistes de dire à leurs électeurs qu’ils sont au diapason des comportements les plus extrêmes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens apprécieront !
M. Gérard Longuet. À cet égard, je ne résiste pas au plaisir de citer M. Besancenot.
M. Jean Bizet. Ah ! le facteur !
M. Gérard Longuet. Le 19 septembre dernier, à Saint-Denis, haut lieu de rendez-vous de l’extrême gauche, il a appelé de ses vœux « un accord national sur une plateforme » qui trancherait « avec les déclinaisons locales des politiques d’adaptation au capitalisme menées par des majorités d’union de la gauche sortante ».
Voilà tout votre problème, mes chers collègues ! Si nous perdons notre temps…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de l’extrême droite, que vous connaissez beaucoup mieux !
M. Gérard Longuet. …avec cette motion référendaire, qui est un déni de la démocratie parlementaire, c’est parce que le parti socialiste veut pouvoir faire le plein des voix d’extrême gauche au second tour des prochaines élections ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vraiment le niveau zéro de la politique !
M. Gérard Longuet. Outre le fait que, si elle était adoptée, elle empêcherait le Sénat de débattre, cette motion guillotine, qui s’explique par des raisons de circonstances et d’opportunité et que nous devons à une surenchère de la gauche, serait in fine un mauvais coup porté à l’entreprise postale.
J’ai succédé avenue de Ségur à Louis Mexandeau, qui avait rédigé un rapport dans lequel il explorait avec beaucoup de lucidité toutes les pistes susceptibles d’améliorer le service de La Poste et d’assurer sa pérennité. J’ai hérité de ce rapport, que j’ai mis en œuvre et qui est à l’origine du célèbre slogan, toujours connu : « Bougez avec La Poste ! »
À l’époque, il y avait des socialistes de gouvernement qui acceptaient de prendre leurs responsabilités. Les socialistes d’aujourd'hui, pour les raisons partisanes que je viens d’évoquer, préfèrent compromettre l’avenir de l’entreprise postale.
Il est vrai que La Poste a toujours été une variable d’ajustement pour l’État. Sans parler de ce que M. Laurent Fabius a fait subir à France Télécom, je rappelle que M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, n’a jamais donné à La Poste les moyens de mettre en application la directive de 1997 et d’investir là où il aurait fallu le faire. Dans le même temps, les concurrents européens de l’établissement français, comme la TNT ou Deutsche Post, disposaient, eux, de capitaux suffisants.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. Et M. Jean-Paul Bailly s’efforce avec beaucoup de courage de rattraper un tel retard ! C’est à sa demande que nous avons examiné le principe même d’une société de capitaux, dans l’objectif d’offrir à La Poste les moyens de son développement. Tel est, en effet, le véritable hommage que la représentation nationale doit aux 320 000 hommes et femmes qui assurent au quotidien le succès de l’entreprise.
En appelant au rejet de cette motion référendaire, je vous propose tout simplement de libérer la gauche responsable de la surenchère trotskiste, qu’elle émane de SUD-PTT ou d’une extrême gauche parfaitement irresponsable ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous plutôt de l’extrême droite ; vous connaissez mieux !
M. Guy Fischer. Il a retrouvé les accents de sa jeunesse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce que vous venez de faire est scandaleux, monsieur Longuet ! Ça ne vous honore pas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais quelque peu perdu de vue M. Longuet, mais je constate qu’il n’a pas abandonné ses excès d’il y a quelques années. Apparemment, il n’a changé ni sur le fond ni sur la forme. Chassez le naturel, il revient au galop !
À l’heure où je vous parle, nous sommes parvenus à un moment décisif de l’examen du présent projet de loi. Depuis hier soir, se télescopent non seulement les certitudes et les convictions politiques des uns et des autres, mais également – il faut bien le dire – les conceptions bien différentes qui existent entre la droite et la gauche s’agissant du fonctionnement de la démocratie représentative.
À cet égard, la soirée d’hier fut particulièrement « démonstrative ». Motion après motion, amendement après amendement, nous, sénatrices et sénateurs de gauche, avons exposé notre conception du service public à la française. Nous nous sommes heurtés à des refus systématiques et mécaniques, au seul motif que les propositions avancées émanaient de notre camp.
Mais cette posture de la droite a fini par trouver ses limites. Hier soir, après avoir eu recours de manière systématique à la technique du scrutin public, la majorité a fait la démonstration qu’elle était en fait minoritaire (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste), tout en s’excusant presque auprès de nous d’une telle situation.
Puis, M. Longuet s’est mis à nous expliquer que, même si elle était minoritaire dans l’hémicycle, la droite restait tout de même majoritaire en s’adossant à son corps électoral ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jackie Pierre. C’est vrai !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. C’est la vérité !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est prévu par le règlement !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et ce n’est pas la dernière intervention de M. Longuet, qui a retrouvé sa véritable nature après quelques digressions sur le fond, qui permettra de crédibiliser le Parlement, surtout après un débat comme celui d’hier soir ! M. Longuet persiste et signe, mais il faut bien reconnaître que la confusion ajoute à la confusion et que nous touchons là aux limites de la crédibilité de la démocratie représentative. Et, de ce point de vue, votre responsabilité est entière, chers collègues de droite !
Pourtant, ceux qui discréditent leur propre rôle dans le cadre de l’exercice de la démocratie représentative sont également ceux qui ont feint pendant plusieurs jours de mépriser, d’ignorer et de dénigrer la valeur d’une votation citoyenne (Oh ! sur les travées de l’UMP.) ayant, pour le coup, mis en exergue les valeurs de la démocratie directe. Comme cela a été souligné, plus de 2,3 millions de personnes se sont exprimées à cette occasion.
M. Jackie Pierre. Cela fait 3% de la population !
M. Jean-Jacques Mirassou. Le Président de la République omniprésent, voire omnipotent,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais pas impotent !
M. Jean-Jacques Mirassou. … qui prétend avoir une relation singulière et permanente avec le peuple de France, aurait dû saisir lui-même l’occasion de mettre ainsi en application sa conception de cette relation, en particulier sur un sujet où il est manifeste qu’aucune majorité significative ne sortira du débat parlementaire !
Tout cela nous incite à réclamer, par le biais de cette motion référendaire, la mise en place de ce qui pourrait constituer un acte fort de la démocratie, sur un sujet très important. Il y va de la survie d’un patrimoine qui appartient à l’ensemble des Françaises et des Français !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est fini !
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous demandons tout simplement l’organisation d’un référendum. Cela répond plus que jamais – et c’est encore plus vrai depuis hier soir – à une exigence démocratique pour préserver l’intérêt général ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai trouvé les propos de M. Longuet bien éloignés du sujet dont nous débattons, c'est-à-dire La Poste. J’ai beaucoup apprécié l’intervention de M. About sur la forme, mais pas sur le fond : je vous ai trouvé quelque peu… à bout d’arguments, mon cher collègue ! (MM. Daniel Raoul et Jean-Jacques Mirassou applaudissent. –Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est facile…
M. Nicolas About. Monsieur Bourquin, vous ne manquez peut-être pas d’imagination, mais vous êtes… à bout de souffle ! Moi, en tout cas, je ne suis pas… à bout de convictions ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. De mon point de vue, M. le ministre a été chargé par le Président de la République de mettre en place un dispositif qui permettra ensuite de privatiser La Poste ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Didier Guillaume applaudit. –Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Daniel Raoul. C’est la réalité !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non ! C’est faux !
M. Martial Bourquin. C’est la vérité ; ne cherchons pas ailleurs !
Chers collègues de la majorité, je crains que vous ne rencontriez beaucoup de difficultés dans les mois ou années à venir pour expliquer cet état de fait dans vos territoires !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Chiche ! Nous verrons bien !
M. Martial Bourquin. Aujourd’hui, une fracture entre territoires ruraux et territoires urbains s’installe ; elle se traduit notamment par un départ massif des services publics. C’est ainsi – je l’ai indiqué hier – que des directions départementales de l’équipement et des directions départementales de l’agriculture ont disparu, qu’un fonctionnaire sur deux n’est pas remplacé et que des bureaux de poste deviennent des agences postales, puis de simples « points contact ». (M. Roland Courteau s’exclame.) Cette fracture s’installe, et vous allez l’aggraver en imposant à La Poste un traitement libéral !
M. Guy Fischer. Ultralibéral !
M. Martial Bourquin. Vous avez raison, monsieur Fischer : un traitement ultralibéral !
Mes chers collègues, c’est un contresens économique ! La crise financière est passée par là, et l’ultralibéralisme, qui a montré sa déficience, n’est plus à la mode !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Le socialisme non plus !
M. Martial Bourquin. C’est également un contresens sociologique. Le contexte de vieillissement de la population rend la présence de services de proximité dans les territoires ruraux et urbains absolument nécessaire.
M. Guy Fischer. Essentielle !
M. Martial Bourquin. Le Grenelle de l’environnement a été évoqué. Va-t-on continuer à éloigner les services publics des citoyens, comme c’est le cas actuellement ? Nous sommes en plein contresens !
Mes chers collègues, je vous ai entendus brocarder les 2,4 millions de citoyens qui se sont exprimés pour garder La Poste dans le secteur public.
M. Jackie Pierre. 3% de la population !
M. Nicolas About. Pas les participants ! La façon dont c’était organisé !
M. Martial Bourquin. Mais il me semble tout de même paradoxal de se moquer d’eux tout en refusant l’organisation par l’État d’un référendum, pas seulement sur la question de La Poste, qui en serait au cœur, mais sur la fracture territoriale et sociale qui s’est installée dans notre pays.
M. René-Pierre Signé. Oui ! Il y a deux France !
M. Martial Bourquin. Puisque nous ne sommes pas d'accord sur la politique à mener en France quant aux services publics, organisons un référendum pour nous départager. C’est ainsi que fonctionne une démocratie épanouie ! Il faut ce référendum ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Tous les partis qui n’ont pas de programme réclament un référendum !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. On va rire…
M. Jean Desessard. Mes chers collègues de la majorité,…
M. Nicolas About. À l’attaque !
M. Jean Desessard. … qui vous êtes tant moqués des conditions d’organisation de la votation citoyenne du 3 octobre, vous avez aujourd'hui l’occasion de rectifier le tir.
M. Nicolas About. Oui, et c’est ce que nous allons faire !
M. Jean Desessard. Organisez donc un référendum selon les règles de la République !
Le 3 octobre, lors de cette votation citoyenne, j’ai perçu un vrai désir…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Désir d’avenir ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. … de discussion politique sur un enjeu fondamental.
Je suis donc certain que le débat sur l’avenir du service postal intéresse nos concitoyens et que ces derniers participeraient à un référendum.
Pour ma part, je pourrais défendre ma conception du service public postal.
Je souhaite un service public de proximité présent dans les territoires ruraux, dans les banlieues, qui assure la présence publique, la présence humaine dans les territoires les plus reculés et les plus marginalisés.
Je souhaite un service public qui réponde aux attentes de la population, qui soit à l’écoute des besoins et qui ne soit pas dicté par la règle de la rentabilité, de la recherche du profit à tout prix.
Je souhaite un service public respectueux de l’environnement. Je voudrais qu’on m’explique en quoi la distribution du courrier effectuée chaque jour sur un même parcours par trois ou quatre sociétés différentes permet de réduire le trafic automobile.
Je souhaite un service public rénové, transparent dans sa gestion. C’est pourquoi je suis pour la participation des élus, des représentants de salariés, des associations d’usagers et de défense de l’environnement dans les conseils d’administration de La Poste au niveau national et au niveau territorial.
Je souhaite un service public qui participe à la sérénité sociale, c'est-à-dire un service public qui assure un salaire décent, des conditions de travail valorisantes et qui ne favorise pas la mise en place de la sous-traitance et de la précarité.
Je souhaite un service public qui n’instaure pas des logiques de souffrance au travail, telles qu’elles se sont développées dans l’entreprise autrefois sœur, France Télécom !
Si La Poste doit s’adapter aux nouvelles technologies, aux échanges européens mondiaux, je voudrais qu’elle le fasse en coopération avec d’autres établissements européens du secteur, et non par une concurrence accrue, synonyme, à terme, de dumping social et fiscal et de moindre qualité pour l’usager.
À nous de construire un grand service public postal européen !
Débattre du service public de La Poste, c’est débattre d’un choix de société. D’un côté, nous avons la politique de M. Nicolas Sarkozy, celle d’une libéralisation à tout va, du démantèlement des services publics, de la rentabilité maximale et du profit toujours plus juteux pour quelques-uns quand les autres connaissent précarité et chômage. De l’autre, il y a le modèle que je défends, celui d’une société régulée, où l’homme est au centre des préoccupations en tant qu’usager, et non en tant que client, en tant que salarié garant du service public, et non en tant qu’automate de la « taylorisation » des services, et en tant que citoyen participant à l’élaboration de son environnement économique et social. C’est donc aux Françaises et aux Français qu’il appartient de trancher et d’enrichir la réflexion.
C’est pourquoi je soutiens la présente motion et je souhaite que le Président de la République soumette à référendum ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, j’aimerais tout d’abord vous féliciter pour la soirée d’hier ! Ce fut une surprise : personne ne se doutait en effet que l’Olympique de Marseille allait faire un tel résultat ! (Sourires.)
M. le président. Je préférerais que l’on débarrasse Marseille de ses ordures ménagères…
M. Didier Guillaume. Peut-être, à l’instar d’hier, aurons-nous également une bonne surprise tout à l’heure, au moment du vote sur la présente motion référendaire. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Mais bien sûr…
M. Didier Guillaume. Les acteurs de ce débat vont peut-être acquérir la conviction que la motion référendaire présentée par les présidents des groupes de gauche est importante.
Mes chers collègues, ce débat est essentiel pour notre démocratie et pour le service public.
Comme hier soir, je donne acte à tous les sénateurs, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, de leur volonté de maintenir La Poste au sein du service public.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Didier Guillaume. Oui, nous sommes tous des défenseurs du service public, et nous souhaitons unanimement que La Poste en reste un !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Merci de le reconnaître !
M. Didier Guillaume. C’est la raison pour laquelle le président du groupe socialiste, M. Bel, et les présidents des groupes CRC-SPG et RDSE ont déposé cette motion référendaire. C’est en effet la seule solution pour que La Poste reste un service public.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est la seule pour vous !
M. Didier Guillaume. Michel Teston et beaucoup d’autres l’ont démontré hier soir, après un débat avec M. Gélard : l’EPIC est la seule garantie pour que La Poste reste dans le service public. À partir du moment où ce projet de loi vise à transformer La Poste en une société anonyme, rien n’empêchera, à terme, un autre projet de loi d’ouvrir complètement le capital de l’entreprise pour la sortir du service public. C’est ça, la réalité !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ça dépendra de vous !
M. Daniel Raoul. Vous l’avez déjà fait avec Gaz de France !
M. Didier Guillaume. Oui, M. Longuet a raison : tous les gouvernements sans exception, de droite comme de gauche, depuis des années, n’ont pas donné les moyens à La Poste de fonctionner.
Si le Gouvernement, en baissant la TVA, a accordé un cadeau de 2,4 milliards d’euros aux restaurateurs, lesquels n’en ont rien fait, il peut également consacrer 2,7 milliards d’euros à La Poste. Elle, au moins, réalisera des choses importantes,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La baisse de la TVA sur la restauration était une promesse de tous les candidats !
M. Didier Guillaume. …et elle se développera !
M. Gérard Longuet. Non !
M. Didier Guillaume. Je suis d’accord avec notre collègue Bruno Retailleau : ce projet de loi n’est pas un projet de privatisation. Nous n’avons d’ailleurs rien affirmé de tel. Arrêtons les caricatures !
Cependant, s’il n’est pas un projet de loi de privatisation, il ouvre la porte à un futur projet de loi de privatisation !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il fallait le dire plus tôt !
M. Didier Guillaume. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que le peuple s’exprime par voie de référendum. N’ayez pas peur du peuple ; le peuple a toujours raison !
Notre collègue Hervé Maurey, lors de l’intervention de Mme Borvo Cohen-Seat, a parlé d’ « escroquerie ». Mais l’escroquerie, c’est le fait de se moquer du peuple et des 2,4 millions de Français qui ont voté « non » !
Cette votation n’est pas une escroquerie, monsieur Maurey, c’est une mobilisation citoyenne !
M. Hervé Maurey. Si, c’est une escroquerie !
M. Didier Guillaume. Peut-être craignez-vous la mobilisation citoyenne, mais c’est elle qui donne de la force aux décisions !
Tout à l’heure, le président du groupe UMP, M. Longuet, a affirmé que le parti socialiste et la gauche étaient dépassés par l’extrême gauche,…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Didier Guillaume. … et que notre débat actuel visait à masquer une telle situation.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Didier Guillaume. Mais, monsieur Longuet, la droite n’est-elle pas dépassée par la droite ? Le Gouvernement n’est-il pas dépassé par des sénateurs enracinés dans le terrain, …
M. Nicolas About. Pas du tout !
M. Didier Guillaume. … sénateurs qui dénoncent la réforme de la taxe professionnelle ?
M. Nicolas About. Ils ne disent pas ça, mais le contraire ! Et le Sénat est dans son rôle !
M. Jean-Pierre Bel. Et M. Raffarin ?
M. Nicolas About. M. Raffarin légitime le Sénat !
M. Didier Guillaume. Le Gouvernement n’est-il pas dépassé par les députés, qui disent que l’emprunt ne va pas ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ce n’est pas le débat !
M. Didier Guillaume. Et lorsque M. Fillon « recadre sa majorité », pour reprendre le titre d’un article de presse (M. Guillaume brandit le journal le Parisien du 4 novembre 2009.), il prouve que les leçons que vous nous donnez au sujet de la gauche dépassée par l’extrême gauche peuvent s’appliquer également à la droite, beaucoup plus dépassée que nous ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Lundi, en commission de l’économie, de l'aménagement du territoire et du développement durable, l’amendement n° 566, déposé par un membre de la majorité, a été retiré à la demande du Gouvernement et du président de la commission. Son objet était tout simplement de permettre à l’État de procéder à toute opération sur le capital selon les règles du droit commun.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ça, les amoureux de La Poste !
M. Didier Guillaume. Il se cache peut-être parmi nous un certain nombre de personnes qui souhaitent, par idéologie, aller vers la privatisation de La Poste !
Pour notre part, notre idéologie est de toujours défendre le service public postal. Pour le faire du mieux possible, mes chers collègues, nous vous demandons de voter en faveur de la motion référendaire défendue par M. Bel. Le peuple a toujours raison !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le peuple a inventé la guillotine !
M. Didier Guillaume. Vous qui êtes les défenseurs du service public, vous qui souhaitez que La Poste reste un service public, votez cette motion référendaire ! Grâce au peuple, grâce aux voix référendaires des citoyens, nous serons assurés désormais que La Poste restera une grande entreprise publique et concurrentielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début des débats, lundi dernier, tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont été d’accord pour louer les services de La Poste, en particulier son caractère de service public.
Ils ont fait les louanges de tout ce que représentait La Poste sur notre territoire, en matière tant de lien social que de service de proximité. On a évoqué l’histoire du service postal. Certains ont parlé d’ « oiseau bleu que l’on retrouve sur les vélos, les casquettes ou les Renault jaunes des postiers ». Bref, tous, à droite comme à gauche, nous avons reconnu que ce service était indispensable au maillage de notre territoire.
Mais les parlementaires de gauche et ceux de droite divergent sur deux points.
Le premier point d’opposition tient au changement de statut de La Poste : la droite veut à tout prix passer du statut de l’EPIC à celui de SA, en vantant la SA comme l’alpha et l’oméga de la modernité. Vous prétendez que nous pourrons faire avancer La Poste grâce à ce statut et que ce changement apportera une réponse à la concurrence et aux directives européennes.
La gauche, elle, pense que l’EPIC, comme notre excellent collègue Michel Teston l’a bien démontré, peut en toutes circonstances permettre la modernisation de La Poste. Il suffit d’injecter un peu plus d’argent pour assurer une distribution de la presse et pour améliorer la présence postale sur le terrain. Nul besoin, donc, de transformer l’EPIC en SA. La première divergence entre nous se situe sur ce point.
Le second point d’opposition tient au principe de l’expression citoyenne. Un certain nombre de mes collègues l’ont dit : nous ne pouvons rayer d’un coup de crayon la mobilisation de 2,4 millions à 2,5 millions de citoyennes et de citoyens de France,…
M. Jackie Pierre. 3% de la population !
M. Claude Bérit-Débat. … qui se sont exprimés contre le changement de statut et contre la privatisation qui se cache derrière une telle disposition.
Vous avez brocardé l’opération, et un certain nombre de collègues n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer une manipulation.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. Le président du groupe UMP, Gérard Longuet, a même affirmé, voilà un instant, que nous avions instrumentalisé cette votation citoyenne, la motion référendaire étant le résultat d’un règlement de comptes entre la gauche gouvernementale et l’extrême gauche.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Sûrement !
M. Claude Bérit-Débat. Parler d’instrumentalisation alors que des citoyennes et des citoyens se sont mobilisés d’une façon aussi forte sur le terrain, c’est nier la démocratie participative et c’est refuser aux citoyens de pouvoir intervenir dans la politique de nos assemblées !
M. Guy Fischer. C’est afficher son mépris pour le peuple !
M. Claude Bérit-Débat. La motion référendaire que nous défendons aujourd'hui, soutenue par tous les groupes de gauche, vise justement à donner la parole aux citoyens.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour cela, il y a les élections !
M. Guy Fischer. Rendez-vous les 7 et 14 mars prochains !
M. Claude Bérit-Débat. Demain, ils pourront ainsi massivement dire « non » à la privatisation d’un outil nécessaire à notre territoire et garantissant le fonctionnement démocratique de La Poste.
Je vous invite donc, mes chers collègues, en cohérence avec vos propres propos, à soutenir cette motion référendaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre président de groupe l’a rappelé, le préambule de la Constitution de 1946, repris par la Constitution de 1958, dispose dans son neuvième alinéa : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
Depuis le début de nos discussions, tous les orateurs partagent le même constat, voire, dans certains cas, la même conviction : La Poste fait partie intégrante de nos territoires et contribue à en corriger certaines inégalités.
De façon plus ou moins lyrique ou posée, beaucoup d’entre nous ont souligné le caractère symbolique pour la République de ce service public de proximité, garant des valeurs d’égalité, d’adaptabilité, de continuité, notamment au niveau territorial.
En revanche, à ce stade du débat, ce qui nous sépare, ce qui constitue le nœud de nos divergences, c’est votre texte lui-même, qui vise à transformer La Poste en société anonyme et risque d’ouvrir la voie à une privatisation future.
Vous contestez ce fait, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et vous nous assurez que le texte que nous examinons rendra au contraire « imprivatisable » La Poste.
Force est de constater, pourtant, que notre position est partagée par les Français, notamment par de très nombreux élus locaux qui luttent au quotidien dans leurs territoires, dans leurs cantons, pour le maintien des services publics.
Les élus locaux sont au diapason de leurs concitoyens, qui se sont mobilisés autour de la votation du 3 octobre dernier : 2,5 millions d’hommes et de femmes se sont librement déplacés.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous entendons votre défense. Vous prétendez avoir tenu compte des inquiétudes de nos compatriotes et des élus locaux. Vous affirmez que vous avez fait évoluer votre texte et que vous voulez graver dans le marbre législatif le caractère public du service postal.
Hélas ! le Conseil constitutionnel vous a déjà répondu en concluant à la vacuité juridique d’une telle posture !
M. Roland Courteau. Très bien ! Il fallait le rappeler !
M. Marc Daunis. Dans ce climat d’incrédulité, vous en êtes même, monsieur le ministre, à user de néologismes, tel le terme « imprivatisabilité » ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Marc Daunis. Nous vous proposons de faire plus simple. La loi constitutionnelle du 4 août 1995 vous en donne la possibilité : nous vous invitons à consulter nos compatriotes !
Une votation citoyenne a été organisée. Mon collègue Jean Desessard l’a souligné, comme d’autres avant lui : vous ne pouvez pas balayer ce vote d’un revers de main méprisant, en criant à la tartufferie ainsi qu’à la manipulation ! Ce serait un peu court et manquerait singulièrement de lucidité.
Beaucoup de nos concitoyens ont compris que les bouleversements parfois silencieux d’un monde en proie à la globalisation nécessitaient de redonner de la puissance à l’intervention publique. Leur message devrait réjouir les républicains que nous sommes.
Effectivement, la République est une idée moderne. Ce débat doit être l’occasion non pas de diviser notre peuple, mais de le rassembler !
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, lors des travaux en commission, être prêt à retenir toute proposition permettant de sceller définitivement le caractère public de l’activité postale.
Si votre parole est sincère, vous ne sauriez être opposé à vous entourer d’une précaution supplémentaire : donnez-vous aujourd'hui les moyens permettant d’éviter, conformément à votre engagement, que certains ne sombrent demain dans la tentation de la privatisation.
Je puis vous garantir que, pour notre part, nous n’y céderons pas !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous non plus !
M. Marc Daunis. Que le vote du peuple souverain apporte à votre projet de loi une légitimité supplémentaire à celle que lui conférera le débat parlementaire ! N’hésitez pas : les représentants de la nation n’ont pas peur du peuple ! Nos concitoyens ne comprendraient pas d’être exclus d’un processus de décision qui marquera aussi profondément leur vie quotidienne et leur avenir.
Permettez-moi d’oser un pronostic : si vous demandez l’accord du peuple pour interdire la privatisation du service public postal par référendum, le résultat dépassera toutes vos espérances ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le débat de ce matin, nous avons entendu l’intervention de M. Longuet.
M. Gérard Longuet. J’espère que ce n’était pas la seule !
M. David Assouline. Notre collègue nous a expliqué, en citant Robert Badinter, tout le mal qu’il pensait du référendum. Mais sa citation était tirée de son contexte. En effet, nous pouvons tous, au sein de cet hémicycle, souscrire à l’idée que l’utilisation du référendum sur des sujets démagogiques, passionnels – telle la question de la peine de mort, comme cela avait été envisagé par certains –, est bien entendu funeste à la démocratie.
Mais, s’agissant d’une question concrète, ciblée, qui concerne la vie quotidienne de nos concitoyens, et après avoir respecté toutes les modalités du débat démocratique – et nous disposons des moyens, dans cet hémicycle et dans l’espace public, pour que nos concitoyens se saisissent de l’enjeu –, il ne s’agira plus de voter pour ou contre la privatisation. La question posée aux électeurs portera sur le projet de loi du Gouvernement. À ce moment-là, monsieur le ministre, vous pourrez expliquer que votre projet de loi ne se résume pas à une privatisation. Nous expliquerons, quant à nous, pourquoi il nous paraît conduire à une telle privatisation. Ce débat rationnel et serein prendra le temps nécessaire, et les Français trancheront, car cette question est intimement liée à leur vie quotidienne.
Évidemment, bien des sujets exigent des expertises et méritent des débats plus approfondis. Mais la question qui nous occupe aujourd’hui touche à la vie quotidienne des citoyens, qu’ils habitent un village, un quartier urbain ou un ghetto, comme il en existe beaucoup, et quelle que soit leur classe d’âge. Tant de personnes ne conservent un rapport au service public que par l’intermédiaire de La Poste ! Lors de la votation citoyenne, j’ai vu beaucoup de monde : il s’agissait non pas de hordes de gauchistes – je puis vous l’assurer –, mais de gens dont le rapport à La Poste conserve une signification forte, notamment en ce qui concerne La Banque postale,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup sont des électeurs de droite !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Souvenez-vous de ce que vous avez dit lors du débat sur la Banque postale !
M. David Assouline. … telles des personnes âgées. Pourquoi avoir peur d’un tel débat ? Il n’est pas dangereux pour la démocratie, il ne suscitera pas de passions qui peuvent nous faire basculer dans les extrêmes : il permettra simplement aux Français de se prononcer.
Monsieur Longuet, il est quand même paradoxal que vous opposiez au référendum la légitimité du débat parlementaire. Vous invoquez, à l’appui de votre argumentation, les quelque 600 amendements qui démontrent la réalité du débat parlementaire, alors que vous n’avez cessé de fustiger l’opposition lorsqu’elle déposait des amendements, justement pour nourrir ce débat…
M. Gérard Longuet. Il y en a peut-être 500 de trop !
M. David Assouline. Pourtant, dans cette discussion, nous n’obtenons jamais de réponse. Chaque fois que nous ouvrons un débat, la commission se contente d’émettre un avis défavorable, le ministre se range à son avis,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est tout simplement de la lucidité !
M. David Assouline. … et, lorsqu’il s’agit de passer au vote, loin de consulter les sénateurs présents en séance, on recourt de façon mécanique au scrutin public !
D’un côté, vous éteignez le débat parlementaire que nous animons par notre présence et nos interventions, et, de l’autre, vous refusez le référendum !
En outre, monsieur Longuet, vous contredisez tous les arguments invoqués dans cet hémicycle pour « vendre » la révision constitutionnelle de 2008 ! Je me souviens de la place que l’UMP et Nicolas Sarkozy avaient accordée à la réforme du référendum, pour dire qu’il s’agissait d’un approfondissement de la démocratie, d’une avancée sans précédent – bien que ce droit au « référendum d’initiative à la fois parlementaire et populaire » soit très encadré, il faut le rappeler. Or vous nous avez dit que ce référendum n’avait plus rien de démocratique ! C’est sans doute la raison pour laquelle le projet loi organique qui doit permettre la mise en œuvre de ce nouveau droit, que vous aviez défendu, n’a toujours pas été soumis au Parlement !
Il me reste un reproche particulier à adresser à M. Longuet,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il n’y en a que pour lui !
M. David Assouline. … dont les propos ont semblé raviver l’attention sur les travées de l’UMP. D’un coup, le côté droit de l’hémicycle s’est senti des ailes, comme s’il avait été revigoré par cette intervention !
Quel toupet, monsieur Longuet, de nous accuser d’être des otages de l’extrême gauche quand, sur des sujets purement idéologiques, qui n’ont rien de précis ni de concret pour les citoyens mais créent une musique de fond – ces sujets que je qualifiais tout à l’heure de « passionnels » –, vous ne cessez de chercher à « draguer » l’électorat du Front national ! Que faites-vous d’autre, lorsque vous créez un « ministère de l’immigration et de l’identité nationale » ou prétendez lancer un débat sur l’identité nationale ? Qu’avez-vous fait d’autre tout au long de la campagne pour l’élection présidentielle ? Avant chaque échéance électorale nationale, comme pour les élections régionales à venir, vous brandissez une loi sur l’immigration ou sur la sécurité qui s’ajoute à tant d’autres ! Et vous venez nous dire que nous sommes les otages de l’extrême gauche !
M. Gérard Longuet. Eh oui ! C’est la vérité !
M. David Assouline. Quoi qu’il en soit, cette extrême gauche n’est absolument pas antirépublicaine ! En revanche, vous, vous chassez parfois sur les terres de gens qui refusent de se situer dans le cadre de la République ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. C’est Mitterrand qui a relancé le Front national !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. J’en termine, monsieur le président.
La discussion que nous voulons ouvrir devant le peuple français doit porter non sur la privatisation en général, mais sur une question très simple : l’EPIC peut-il garantir la présence territoriale de La Poste et l’État peut-il abonder régulièrement son budget par des crédits dédiés aux missions de service public ?
M. Jackie Pierre. Temps de parole dépassé de trois minutes !
M. David Assouline. Oui, face aux défis de la mondialisation, nous apportons des réponses concrètes, car votre pente naturelle, quelle que soit la volonté que vous exprimez en cet instant dans cet hémicycle, mènera forcément à une privatisation rampante !
M. le président. Monsieur Assouline, il vous faut vraiment conclure !
M. David Assouline. Je terminerai donc d’une phrase : monsieur Hérisson, je ne vois pas pourquoi vous avez un problème avec l’EPIC !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais parce que je m’appelle Hérisson ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais rassurer M. Assouline : le rapporteur n’a aucun problème avec l’EPIC, pas plus qu’aucun d’entre nous !
Le seul véritable problème tient au statut actuel de La Poste. Nous sommes tous attachés à La Poste – je veux croire que cette conviction est partagée sur toutes ces travées – et n’avons plus une minute à perdre si nous voulons lui donner sa chance au 1er janvier 2011 ; or l’EPIC ne nous le permet pas ! (C’est faux ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Je l’ai dit à plusieurs reprises et je le répète : La Poste réclame des moyens. Comment lui donner ces moyens sans réformer son statut, alors qu’elle a elle-même consenti un effort d’investissement considérable ces dernières années…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Six milliards d’euros !
M. Christian Estrosi, ministre. … pour améliorer la qualité de son service public, ce qui la place d’ailleurs dans une situation difficile, avec six milliards d’euros de dettes et une baisse de son activité traditionnelle que la montée en puissance d’Internet ne réussira pas à enrayer, bien au contraire ? Nous préférons approuver la réforme du statut, pour donner à La Poste ces moyens et cette chance, tout en conservant son caractère public.
Je ne reviendrai donc plus sur cette question. Comme je l’ai dit hier, je ne parlerai plus du tout, dans ce débat, de privatisation, puisque ce problème a été réglé. Je réutilise, à dessein, le néologisme « imprivatisable », parce que toutes les dispositions ont été prises pour qu’il en soit ainsi !
J’aurais compris, à la limite, que vous déposiez cette motion référendaire pour demander aux Françaises et aux Français leur conception de l’avenir de La Poste. Après tout, pourquoi ne pas en débattre ?
M. David Assouline. Faites-le donc !
M. Jean-Pierre Bel. C’est vous qui déciderez de la question !
M. Christian Estrosi, ministre. Il ne s’agirait plus de savoir quel statut protégerait au mieux son caractère public, car la question ne se pose plus : ce caractère public est garanti ! Mais comment envisager l’avenir de La Poste quand on y est attaché, comme chacune et chacun d’entre nous, avec nos expériences partagées ?
Mme Mireille Schurch. Posez donc la bonne question !
M. Christian Estrosi, ministre. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, on n’est ministre qu’un temps : je l’ai été, je ne l’ai plus été, je le suis, je ne le serai plus… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mais j’ai un enracinement local.
Pour répondre aux reproches adressés par certains à ceux qui siègent sur les travées de l’UMP, en prédisant à ces derniers des réactions négatives dans leur village et dans leur canton, je peux affirmer que tous ceux que je vois ici bénéficient depuis longtemps de la confiance renouvelée de leurs électeurs dans les territoires ruraux les plus éloignés de ce pays, et que cet enracinement leur permettra d’obtenir longtemps encore la confiance de leurs administrés, parce qu’ils ont toujours été fidèles au rendez-vous pour défendre cette notion de service public à laquelle nous sommes si attachés.
Mme Michelle Demessine. La langue de bois…
M. Christian Estrosi, ministre. Pour avoir inauguré, en tant que ministre de l’outre-mer, des bureaux de poste à Saint-Georges de l’Oyapock au fin fond de l’Amazonie, au bord du Maroni, à la frontière du Surinam ou du Brésil, je sais ce que signifient la présence d’un facteur et un bureau de poste pour nos concitoyens les plus éloignés – j’aurais pu également citer les îles Marquise ou Wallis-et-Futuna. Mais eux aussi, qui comptent parmi les plus éloignés des plus éloignés de nos concitoyens, à 26 000 kilomètres de Paris, attendent que nous donnions à La Poste les moyens de faire face, en métropole ou sur nos trois océans, à la concurrence qu’elle devra affronter demain ! Tel est bien le sujet de ce débat.
Je regrette donc l’attitude de l’opposition, qui s’est concentrée sur une seule et même question, la privatisation, alors que ce débat est évacué (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –M. Jackie Pierre applaudit.), au lieu de se tourner vers l’avenir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous refusez de nous entendre !
M. Christian Estrosi, ministre. Pourquoi cette motion référendaire se concentre-t-elle uniquement sur la question de la privatisation ? L’explication est simple, et un certain nombre d’entre vous, notamment Gérard Longuet, l’ont d’ailleurs déjà donnée.
Premièrement, dans le prolongement de l’attitude adoptée lors des deux premières journées consacrées à ce projet de loi, l’opposition utilise cette motion pour conforter sa démarche d’obstruction (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens apprécieront !
M. Guy Fischer. Nous prolongeons la votation citoyenne !
M. Christian Estrosi, ministre. … afin que la discussion n’aille pas plus vite ni plus loin sur le vrai sujet qui devrait être au cœur de notre débat : la modernisation de La Poste ! Les auteurs de cette motion effectuent une manœuvre d’obstruction supplémentaire pour « pourrir la semaine », comme ils l’ont annoncé dès dimanche dernier ! Telle était bien leur intention : cette motion était un outil de plus pour « pourrir » le débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Deuxièmement, c’est devenu depuis quelque temps une habitude de la gauche, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, faute d’idée et de projet,…
M. Gérard Cornu. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre. … elle propose un référendum ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous êtes aujourd'hui les représentants d’une frange de la représentation parlementaire sans idée ni projet. (M. Roland Courteau s’exclame.) On n’a pas d’idée, alors, on propose un référendum !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens apprécieront !
M. Christian Estrosi, ministre. Eh bien, moi, je dis que La Poste mérite mieux que cette fuite en avant qui est la vôtre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une fuite en arrière !
M. Guy Fischer. On en reparlera, de votre projet !
M. Christian Estrosi, ministre. C’est une simple fuite en avant que de proposer systématiquement, faute d’idée, d’organiser un référendum !
En réalité, comme d’autres l’ont dit ici, notamment Gérard Longuet qui s’est exprimé de manière remarquable, aujourd'hui, nous voyons bien que la gauche n’a plus de repère, que la gauche ne sait plus où elle se situe (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez les repères de l’argent, et la gauche a les repères du service public !
M. Christian Estrosi, ministre. … que la gauche essaie de rattraper une extrême gauche qui ne cesse de la déborder. Je le dis aux représentants du groupe socialiste ici présents : vous devriez être plus prudents et faire attention, parce qu’un facteur à vélo ira toujours plus vite qu’un parti socialiste en panne ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Telle est la réalité !
M. Guy Fischer. C’est vraiment le degré zéro du débat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens apprécieront, même ceux qui vont à pied !
M. Martial Bourquin. Je vous donne zéro !
M. le président. Laissez le ministre terminer !
M. Daniel Raoul. Il révèle sa vraie nature !
M. Christian Estrosi, ministre. … vous avez, à de nombreuses reprises, évoqué le référendum d’initiative populaire. Vous avez sous-entendu que, si le Gouvernement ne prenait pas les dispositions pour faire voter la loi organique nécessaire, c’est parce que nous ne souhaitions pas permettre l’organisation de ce référendum dans les délais les plus rapprochés possible.
Eh bien, je vais vous apporter un certain nombre de réponses et de précisions, y compris en termes de calendrier !
M. Daniel Raoul. Cela nous changera !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c’est bien !
M. Daniel Raoul. Où est-elle, la majorité ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Dans les urnes !
M. Christian Estrosi, ministre. … pressés, depuis tant d’années, notamment par la gauche, d’inscrire dans la Constitution la possibilité d’organiser un référendum d’initiative populaire, que d’avoir, au mois de juillet dernier, fait inscrire dans la Constitution la possibilité d’organiser des référendums d’initiative parlementaire et populaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Non ! Il n’y a pas de loi organique !
M. Christian Estrosi, ministre. Et nous n’avons pas traîné ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) Encore fallait-il se donner les moyens de l’organiser dans les délais les plus rapprochés possible. Mais il y a des aspects techniques à travailler, sur lesquels nous nous sommes penchés. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. C’est tiré par les cheveux ! En fait, vous jouez la montre !
M. Christian Estrosi, ministre. Je vous annonce à cette occasion que sera déposé devant le Parlement, avant la fin de l’année, le projet de loi organique permettant d’organiser un référendum d’initiative parlementaire et populaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ? Pour faire passer cette loi sur La Poste !
M. Christian Estrosi, ministre. Mais je me dois d’en rappeler les règles : il s’agit d’un référendum d’initiative parlementaire et populaire.
M. David Assouline. Je l’ai dit !
M. Christian Estrosi, ministre. Le préalable, c’est qu’un cinquième des parlementaires rédige une proposition de loi.
M. Martial Bourquin. C’est le cas !
M. Christian Estrosi, ministre. Après quoi, celle-ci doit recueillir la signature d’un dixième du corps électoral de notre pays,…
M. Martial Bourquin. C’est fait !
M. Christian Estrosi, ministre. … c'est-à-dire environ 4,5 millions de Français.
Un référendum d’initiative parlementaire et populaire peut être utilisé dans deux hypothèses.
M. David Assouline. Je l’ai dit !
M. Christian Estrosi, ministre. Premièrement, il peut s’agir de proposer un texte pour le cas où le Gouvernement aurait décidé de ne pas légiférer sur un sujet. Ce n’est clairement pas le cas aujourd’hui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la raison pour laquelle il faut utiliser l’article 11 actuel de la Constitution !
M. Roland Courteau. Rendez-vous dans un an !
M. Christian Estrosi, ministre. … un texte dont nos concitoyens considéreraient qu’il n’aurait pas atteint ses objectifs ou ne donnerait pas satisfaction. Eh bien, c’est simple ! Après tout, comme d’autres l’ont dit, les parlementaires ont la légitimité, au nom du peuple, pour voter la loi, et ils vont le faire.
Supposons que, dans un an, un cinquième des parlementaires considèrent que cette loi n’a pas atteint les objectifs attendus de la population : il leur appartiendra de rédiger un texte visant à abroger celui qui vous est aujourd’hui soumis.
M. Gérard Longuet. Il n’y a pas de problème !
M. Christian Estrosi, ministre. Supposons que ce nouveau texte recueille l’approbation de 4,5 millions de Français considérant que les 2,7 milliards d'euros injectés en vue de moderniser le service postal ne donnent pas satisfaction et qu’il vaut mieux en revenir à la situation antérieure. À ce moment-là, puisque la loi organique sera déposée devant le Parlement dès le mois de décembre, vous aurez tout le loisir d’utiliser le référendum d’initiative parlementaire et populaire !
Soyez des démocrates ! Acceptez que nous mettions en œuvre cette réforme ! Demandez aux Françaises et aux Français, dans un an, de se prononcer et de dire si, selon eux, cette loi a porté ses fruits et a permis à La Poste d’être une grande entreprise, prête à l’ouverture de la concurrence au 1er janvier 2011 !
Permettez-moi, à cet égard, de citer Arnaud Montebourg…
M. Jean-Pierre Bel. On va vous citer Henri Guaino !
M. Christian Estrosi, ministre. … lors du débat constitutionnel : « Nous avons suggéré que la proposition de loi soumise à un référendum d’initiative populaire ne puisse avoir exclusivement pour objet l’abrogation d’une disposition sans contenir aussi une contre-proposition constructive. »
Alors, je dis : « chiche » à ceux qui proposent aujourd'hui un référendum pour masquer le fait qu’ils n’ont pas de projet alternatif sur La Poste ! À eux de réunir les signatures pour demander d’abroger le texte de loi dans un an !
Mais, comme l’a rappelé M. Montebourg lui-même, s’ils arrivent avec une contre-proposition constructive, ce sera encore mieux !
Je le dis très clairement : désormais, il s’agit d’avancer, il s’agit de donner sa chance à La Poste. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Il s’agit de permettre à La Poste de devenir demain cette grande entreprise européenne de logistique grâce aux TGV, aux avions,…
M. Guy Fischer. Les avions, vous allez les supprimer !
M. Christian Estrosi, ministre. … aux moyens d’aménagement du territoire que nous allons mettre à sa disposition pour renforcer sa présence dans les territoires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous avons la volonté de faire de La Poste l’entreprise la plus concurrentielle qui soit dans le domaine des communications électroniques. Nous avons conscience de la nécessité de rendre encore plus performante la Banque postale, qui s’adresse déjà aux personnes les plus vulnérables de notre pays.
Il est désormais temps de passer à la seule partie du débat qu’attendent en réalité les Françaises et les Français et de délaisser la manœuvre de diversion que constitue le faux prétexte de la privatisation. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !
M. Christian Estrosi, ministre. Voilà pourquoi le Gouvernement appelle le Sénat à rejeter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Explications de vote
M. le président. Avant de mettre aux voix la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, je donne la parole à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons à quelque chose d’assez curieux, voire de surréaliste !
La majorité nous dit – et elle est dans son rôle – que ce projet de loi est excellent. En même temps, tous muscles tendus, elle est arc-boutée pour refuser de façon systématique le référendum. Si elle était tellement certaine de l’excellence de ce projet de loi, sachant comme les Français sont avisés, elle accepterait de grand cœur ce référendum, car elle réussirait un coup politique extraordinaire : elle gagnerait un référendum initié par l’opposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Cela n’arrive qu’à Lourdes !
M. François Fortassin. Mais en réalité, elle craint, à l’évidence, le résultat. Et au-delà du résultat, ce qui serait extraordinaire, c’est qu’elle pourrait lancer à l’adresse de nos concitoyens une campagne reposant sur un slogan très simple : « Pour sauver La Poste, utilisez ses services ! »
Mais vous n’allez pas jusqu’au bout de cette logique !
De même, vous savez très bien que votre projet comporte une lacune fondamentale : aujourd’hui, l’ensemble des salariés de La Poste font très bien leur travail, mais ils attendent l’usager. Or, pour être prêts à l’ouverture à la concurrence, ils ont besoin d’une formation que vous n’êtes actuellement pas en mesure de leur proposer !
C’est donc l’existence même de votre projet qui est en péril. Dès lors, quel que ce soit le gouvernement en place – et je ne mets pas en doute votre sincérité intellectuelle –, dès l’instant que la situation ne sera pas aussi favorable qu’on le voudra, on ira immanquablement vers une privatisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Absolument !
M. François Fortassin. Et cela, vous le savez !
J’ai apprécié les arguments très charpentés avancés par le rapporteur et par Bruno Retailleau, même si je ne partage pas les points de vue de ces derniers. En revanche, monsieur le ministre, monsieur Longuet, vos attaques contre l’opposition et contre les 2 millions de citoyens qui se sont déplacés, sans la moindre épée dans les reins, témoignent d’une argumentation relativement invertébrée. (Mmes Raymonde Le Texier et Gisèle Printz applaudissent.)
Nous voterons bien entendu dans le sens développé par le président de notre groupe, Yvon Collin. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Après avoir entendu ce matin M. le ministre et les intervenants de la majorité sénatoriale, j’avoue mon incompréhension.
Monsieur le ministre, selon vous, cette discussion serait du temps perdu, l’opposition pratiquant l’obstruction et nous enfermant dans un débat stérile. Tel n’est pas mon sentiment.
Nous devons ce respect à tous ceux qui sont intervenus depuis hier : je pense que nous avons un vrai débat sur des questions qui, certes, nous divisent, mais qui touchent les Français et sont au cœur de leurs préoccupations quotidiennes, comme le savent bien les sénateurs qui sont enracinés dans les territoires et sont chargés de faire remonter ce qui se passe sur le terrain. Croyez-vous que le thème du service public ne fasse pas l’objet d’un vrai débat ? Estimez-vous que nous débattons depuis hier de questions futiles ?
Hier, le président du Sénat m’a dit que nous aurions l’opportunité, à l’occasion de la discussion de la motion référendaire, d’aller jusqu’au bout des questions : je crois même qu’il a parlé de « purger » un certain nombre de problèmes.
Or je viens d’entendre M. Longuet, puis M. le ministre nous dire que tout cela est vain, que nous sommes d’affreux opposants figés dans l’immobilisme et le conservatisme. Moi qui viens d’un pays cathare,…
M. Roland Courteau. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Bel. … je vous entends parler du dépôt d’une motion référendaire comme d’une sorte d’hérésie. Je ne comprends plus dans quelle direction pointe la boussole ni vers où vous voulez mener le débat parlementaire !
Il est une chose dont je suis sûr : c’est que la directive européenne postale prendra effet au 1er janvier 2011.
Nous avons donc le temps : le temps de discuter, le temps d’organiser des débats, le temps de consulter les Français, car il n’y a rien d’infamant à mêler démocratie parlementaire et démocratie participative.
Monsieur le ministre, je vous demande plus de considération pour ce qui se fait dans cette assemblée et pour le travail parlementaire en général.
Si vous êtes vraiment, comme vous nous assurez l’être, le défenseur du service public, je vous engage, en cette période de crise où nos concitoyens sont quotidiennement taraudés par les difficultés, à vous entourer de toutes les précautions.
Réfléchissez donc à ce que nous vous proposons et… consultez les Français par référendum ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos réponses – si tant est que l’on puisse les qualifier de « réponses » – à notre interpellation en faveur d’une consultation de la population : vous vous bornez à énoncer une série d’affirmations qui n’ont en réalité rien à voir avec une démonstration.
D’abord, nous l’avons déjà dit hier soir, un EPIC peut tout à fait recevoir des aides financières de l’État et des collectivités territoriales ; rien n’empêche donc le Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour donner à La Poste les moyens de se doter de l’outil dont elle a besoin pour faire face à la concurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Cessez donc de nous servir à tout bout de champ une fausse argumentation ! Opposez-nous au moins des éléments juridiques tangibles, que nous pourrions alors faire examiner par des juristes ! Vous nous demandez d’apporter au débat nos remarques et nos propositions, mais vous vous refusez à les entendre !
Ensuite, vous ne voulez pas vous engager dans la voie référendaire ouverte par la réforme de la Constitution au prétexte que les nouvelles dispositions ne sont pas prêtes à être mises en œuvre. Mais – nous vous l’avons déjà indiqué hier – vous n’avez pris aucune disposition pour qu’il en aille autrement, alors que vous aviez fait en sorte que le Président de la République, quant à lui, puisse bénéficier très rapidement des nouvelles dispositions constitutionnelles.
Vous allez être bientôt prêts, nous dites-vous, à présenter le projet de loi organique ; mais alors, faites-le d’abord, puisque, comme vient de le rappeler Jean-Pierre Bel, l’ouverture définitive à la concurrence n’interviendra qu’au 1er janvier 2011 ! Vous avez donc le temps tout à la fois de rendre applicable la réforme constitutionnelle et de consulter les Français sur votre projet de loi.
Et je dis bien « votre » projet de loi, puisque c’est vous qui avez décidé de modifier le statut de La Poste. Nous, nous voulons non pas une modification de son statut, mais une amélioration de la qualité de ses interventions sur le territoire, en vue d’apporter une meilleure réponse aux besoins des habitants et de renforcer l’égalité face au service public.
C’est vous qui voulez du changement de statut ! Cessez donc de nous inviter en permanence à faire d’autres propositions : nous l’avons dit, nous voulons le maintien du statut et l’amélioration du service rendu par l’EPIC.
C’est sur ce dernier terrain que se posent les questions, mais vous ne répondez à aucune d’elles.
Avec la volonté délibérée d’appuyer la revendication de la population, je voterai donc la motion référendaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Un facteur à vélo, raillait M. le ministre, ira toujours plus vite qu’un parti socialiste arrêté…
M. Gérard Cornu. « En panne » !
M. Jean Desessard. J’aurais pu laisser dire – d’autant que je défends les Verts – mais, si j’interviens, monsieur le ministre, c’est parce que la situation est beaucoup plus grave : ce qui va entraîner le développement des extrêmes, que ce soit d’ailleurs à gauche comme à droite, c’est l’exaspération sociale ! C’est la montée de la précarité et du chômage !
Extrême gauche ou gauche ? Vous pouvez peut-être ramener ce débat à un simple débat d’idées ; mais le fond du problème, c’est que, actuellement, les gens souffrent socialement, tant dans les entreprises que quand ils n’ont pas de travail ; et si les extrêmes sont renforcés, c’est parce que nos concitoyens estiment qu’on ne les entend pas assez.
S’agissant de La Poste, la solution, s’il y en a une, est donc justement de laisser nos concitoyens décider eux-mêmes de la nature du service public postal ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Second point, nous n’avons jamais dit que le projet de loi que nous examinons serait celui de la privatisation de La Poste ; c’est celui d’un changement de nature de La Poste !
À bien vous écouter, vous êtes en effet en train de nous dire que l’on a besoin d’argent non pas pour assurer les missions de service public, mais pour investir à l’étranger. Il faut que La Poste devienne une entreprise conquérante au niveau européen, avec un système de management différent et des objectifs autres.
Et nous aboutirons ainsi, dans quelques années, à un changement de nature, car ce ne sera plus La Poste d’aujourd'hui qu’il y aura derrière l’oiseau bleu et les voitures jaunes : ce sera une autre Poste, une autre mentalité. La logique qui dominera sera non plus celle du service, mais celle de la rentabilité financière !
Bref, vous gardez le logo, mais vous transformez la vraie nature de La Poste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, ceux de nos concitoyens qui voient ou verront tout ou partie de ce débat seront très en colère en vous entendant « défendre » comme vous le faites les salariés de La Poste – au fond, ce ne sont que des « archaïques »… – et en constatant de quelle façon vous traitez les Français lorsqu’ils s’expriment.
Comme d’habitude d’ailleurs, il ressort de ce débat que nos concitoyens sont incapables de comprendre : il n’y a que l’élite que vous êtes ici – à droite, à l’UMP, car, à gauche, il n’y a aussi que des idiots qui agitent le drapeau de la privatisation pour manœuvrer les populations et les faire voter ou signer des pétitions… – qui saurait de quoi elle parle !
Pourtant, et c’est assez ennuyeux, la cacophonie dans vos rangs n’est ni rare ni nouvelle ! Avant-hier, vous essayiez, monsieur le ministre, de nous faire croire à l’« imprivatisabilité »…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Là, c’est carrément de la « bravitude » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … de La Poste. Aujourd'hui, M. Guaino, qui parle en général pour le Président de la République, voire à sa place ou à celle du Gouvernement – on ne sait trop –, nous dit que l’« imprivatisibilité » n’existe pas…
Rien, en effet, n’est éternel, et, comme vous l’avez fait dans les secteurs du gaz et de l’électricité, il est à prévoir que, dans le secteur postal aussi, nous allons petit à petit passer du changement de statut à la diminution du capital public, puis à la privatisation.
Quant à ce qu’ont entendu nos concitoyens sur votre façon de les considérer… Ils participent à une votation citoyenne ? C’est scandaleux ! C’est de la manipulation ! Mais, monsieur le ministre, même dans des communes – j’en ferai la liste et je vous la ferai parvenir – dirigées par vos amis, se réclamant de la majorité présidentielle, de l’UMP ou que sais-je encore, des votations ont été organisées, avec l’accord des maires !
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Scandaleux ? Des imbéciles encore ?... Que ne les avez-vous poursuivis et mis au piquet ! Vous devriez le faire, puisque vous êtes les redresseurs de torts !
M. Guy Fischer. Ils ont même mobilisé les préfets !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyez donc plus modestes ! Dites-vous que le peuple est capable de comprendre beaucoup de choses, et il a compris : peut-être n’en a-t-il pas toujours été suffisamment conscient, mais il sait maintenant par expérience que, lorsque l’on commence par changer le statut, ensuite, on privatise !
On ne s’étonne pas dès lors que vous refusiez de mettre en œuvre, aussi timides soient-elles, les dispositions relatives au référendum d’initiative populaire. Vous vous méfiez !
Mais, monsieur le ministre, le Président de la République, lui, peut – et je voudrais que vous lui demandiez de le faire – utiliser l’article 11 de la Constitution, tel qu’il était et tel qu’il demeure. Nous sommes bien dans ce cadre puisque cet article l’autorise, sur proposition du Gouvernement, à soumettre à référendum tout projet de loi portant « sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ».
Le Président de la République dispose donc bien de la possibilité de consulter le peuple pour que chaque citoyen puisse exprimer son sentiment sur l’avenir de La Poste. Vous vous ferez fort de démontrer à nos concitoyens que vous n’entendez pas privatiser celle-ci et de leur expliquer ce que vous voulez en faire ; quant à nous, nous aurons le droit, parce que vous ne pouvez nous le prendre, d’expliquer ce que nous en pensons…
Organisez ce grand débat public puisque vous en avez le temps et, plutôt que de vous intéresser à d’autres débats, répondez à notre demande : faites un référendum !
Bien sûr, nous voterons la motion référendaire, et nous le ferons même deux fois plutôt qu’une après vous avoir entendu,…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Une fois, ça suffit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … car c’est peu de dire que vous ne nous avez pas convaincus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Pierre Bel. Cela va tout changer ! (M. le ministre chargé des relations avec le Parlement sourit.)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, si je me permets, à ce point de votre discussion, de prendre la parole, c’est parce que, depuis que le débat s’est engagé, j’ai entendu à plusieurs reprises – et à l’instant encore – un certain nombre d’orateurs dirent que le Gouvernement manifesterait quelque lenteur pour la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle votée au mois de juillet 2008.
M. Roland Courteau. C’est le moins que l’on puisse dire ! C’est plus que de la lenteur, c’est du sur-place !
M. Henri de Raincourt, ministre. Je sais pertinemment que mon collègue et ami Christian Estrosi a déjà très exactement répondu sur ce point, voilà quelques instants, à la tribune du Sénat,…
Un sénateur du groupe socialiste. On n’a pas dû entendre !
M. Henri de Raincourt, ministre. … mais je continue à m’interroger, comme je l’ai déjà dit trois fois au moins à l’Assemblée nationale, sur les raisons pour lesquelles l’opposition nous harcèle pour la mise en œuvre d’une réforme constitutionnelle contre laquelle, comme c’est son droit, elle s’est battue et qu’elle a absolument rejetée.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !
M. Roland Courteau. C’est la Constitution !
M. Henri de Raincourt, ministre. Que l’opposition nous laisse donc au moins la possibilité de mettre en œuvre cette réforme constitutionnelle !
M. Roland Courteau. Appliquez-la !
Mme Michelle Demessine. On peut tout de même vous rappeler à votre devoir. C’est même notre rôle !
M. Henri de Raincourt, ministre. Je vous remercie de ce rappel, madame Demessine. Il nous est sûrement utile, mais je veux vous donner quelques chiffres.
Nous avons déjà déposé sur le bureau du Parlement onze textes sur la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle.
M. Jean-Pierre Bel. Mais pas celui-là !
M. Henri de Raincourt, ministre. Huit ont d’ores et déjà été votés. En outre, j’ai indiqué, à l’occasion de la discussion d’une résolution qui avait été présentée par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, que le texte sur le référendum serait déposé sur le bureau du Parlement, comme l’a dit Christian Estrosi, avant la fin de l’année,…
M. Martial Bourquin. Après le texte sur La Poste ! Pourquoi pas avant ?
M. Henri de Raincourt, ministre. …et nous sommes le 4 novembre !
Franchement, que vous soyez opposés au texte dont nous débattons en ce moment, c’est votre droit le plus absolu, mais je me permets tout de même de vous inviter à essayer d’utiliser des arguments qui soient objectifs.
Toutes celles et tous ceux qui nous taxent d’un ralentissement en quelque sorte volontaire se trompent : telle n’est pas la volonté du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je ne reprendrai pas ici toute la problématique, technique et juridique, constitutionnelle qui commande la mise en œuvre de la procédure référendaire ; nous l’étudions sérieusement, avec méthode.
M. Roland Courteau. Vous gagnez du temps !
M. Henri de Raincourt, ministre. Je vous assure qu’il n’y a aucune espèce de volonté du Gouvernement de ralentir quoi que ce soit.
M. Roland Courteau. Vous jouez la montre !
M. Henri de Raincourt, ministre. Les arguments que vous utilisez ne sont pas très recevables, car, cette réforme constitutionnelle, vous l’avez combattue. Ayez donc au moins la modestie de nous laisser la mettre en œuvre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Sans vouloir harceler M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, notre ami Henri de Raincourt, je lui répéterai simplement la question que nous avons posée ce matin, et qui me paraît tout à fait légitime. Nous sommes tout de même chargés de contrôler les actes et les engagements du Gouvernement !
Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Roger Karoutchi, nous avait indiqué, le 12 février dernier, qu’il travaillait sur le projet loi organique relatif au référendum, qu’il allait nous soumettre progressivement plusieurs textes au cours de l’année 2009…
M. Jean-Pierre Bel. … et qu’il prenait l’engagement de communiquer à la Haute Assemblée, dans les semaines suivantes, un programme et un calendrier précis, afin que nous puissions connaître les délais d’adoption de l’ensemble de ces textes.
M. Roland Courteau. Promesses…
M. Jean-Pierre Bel. Cet engagement n’a pas été respecté s’agissant du projet de loi organique relatif au référendum. Nous vous posons donc une question simple : où sont ces engagements de nous fournir un calendrier sur ce texte ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix la motion de renvoi au référendum.
Je rappelle que, en application de l’article 68 du règlement, l’adoption par le Sénat d’une motion de référendum suspend, si elle est commencée, la discussion du projet de loi.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, la motion de renvoi au référendum est rejetée et le Sénat va poursuivre la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Entreprise publique La Poste et activités postales
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 51, rapport n° 50).
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour un rappel au règlement.
Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les dispositions de l’article 32 du règlement relatif à l’organisation de nos travaux.
Hier, dans la nuit, dans le feu du débat parlementaire, notre estimé collègue Gérard Longuet, président du groupe UMP, a affirmé qu’une grande société anonyme, la Société nationale des chemins de fer français, assumait depuis plus de soixante-dix ans un grand service public. Il s’agissait alors de nous expliquer par l’exemple que la nature juridique de l’entité assumant le service public ne préjugeait absolument pas sa capacité à répondre à ses obligations. Cette affirmation a généré quelque émotion, car elle était parfaitement inexacte.
Afin que les choses soient clairement établies, je vous donne lecture de l’article 18 de la loi d’orientation des transports intérieurs : « Il est créé, à compter du 1er janvier 1983, un établissement public industriel et commercial qui prend le nom de “Société nationale des chemins de fer français”. »
M. Alain Gournac. Cela n’a rien à voir !
Mme Isabelle Pasquet. « Cet établissement a pour objet :
« - d’exploiter, selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national ;
« - d’exploiter d’autres services de transport ferroviaire, y compris internationaux ;
« - d’assurer, selon les principes du service public, les missions de gestion de l’infrastructure prévues à l’article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France”.
« Cet établissement est habilité à exercer toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à cette mission. Il peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire. La gestion de ces filiales est autonome au plan financier dans le cadre des objectifs du groupe ; elles ne peuvent notamment pas recevoir les concours financiers de l’État prévus au paragraphe II de l’article 24 de la présente loi.
« Les modalités de gestion des autres réseaux ferroviaires ouverts au public sont fixées par des textes particuliers. »
Qu’une telle erreur ait été commise par un parlementaire qui fut, un temps, ministre de l’industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur, est assez regrettable.
M. Patrice Gélard. Il n’y a pas d’erreur !
Mme Isabelle Pasquet. Le dossier de la SNCF présente également un autre point intéressant. Ainsi, l’article 19 de la loi précitée dispose : « Les biens immobiliers dépendant du domaine public ou privé antérieurement concédés à la société anonyme d’économie mixte créée le 31 août 1937 sont remis en dotation à l’établissement public. Les biens immobiliers des autres réseaux de chemins de fer appartenant à l’État peuvent être remis en dotation à l’établissement public par décret en Conseil d’État, sans préjudice des droits d’exploitation qui auraient pu être accordés antérieurement.
« Les biens mobiliers antérieurement concédés à la société anonyme sont attribués en toute propriété et à titre gratuit à l’établissement public.
« Les biens mobiliers des autres réseaux de chemins de fer appartenant à l’État peuvent être attribués en toute propriété et à titre gratuit à l’établissement public par décret en Conseil d’État, sans préjudice des droits d’exploitation qui auraient pu être accordés antérieurement. »
Pour être tout à fait claire, la SNCF est non pas une société anonyme, mais un établissement public à caractère industriel et commercial, qui s’est édifié sur la dissolution et la transformation d’une société anonyme. Le choix de la structure EPIC pour la SNCF était juste.
Mais aujourd’hui, absolument rien ne justifie d’accomplir le chemin exactement inverse avec La Poste, que vous voulez transformer en proie future des spéculateurs financiers en fixant arbitrairement le capital de la société anonyme que vous souhaitez imposer avec ce projet de loi à la valeur la plus faible possible. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. Hier, nous avions en face de nous M. Estrosi, qui a d’ailleurs été peu agréable avec un certain nombre d’entre nous. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Il a été border line !
M. Michel Teston. Par ailleurs, il a annoncé qu’il allait si bien verrouiller le statut de la société anonyme qu’il serait impossible, par la suite, de privatiser complètement cette dernière.
Doit-on conclure des propos de M. Guaino que M. Estrosi a été désavoué par le chef de l’État lui-même ?
M. Roland Courteau. C’est un peu ça !
M. Michel Teston. Votre présence, monsieur Mercier,…
M. Josselin de Rohan. Excellente présence !
M. Michel Teston. … nous assure-t-elle que nous aurons un interlocuteur avec lequel nous pourrons dialoguer ? Nous vous faisons l’honneur de considérer qu’il en sera ainsi. Pouvez-vous nous rassurer ? Nous connaissons votre rondeur (Sourires.), votre façon d’aborder les problèmes.
Notre interprétation des événements survenus hier est-elle erronée ? Le pouvoir exécutif fonctionne dans une telle cacophonie que l’on peut légitimement s’interroger !
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, tout en vous accueillant et en espérant que la tonalité des débats va changer, je veux, en observateur totalement neutre, formuler quelques remarques sur ce qui s’est passé.
Mes excellents collègues du groupe socialiste, en particulier Michel Teston, qui est chef de file sur ce projet de loi, ont fait un travail tout à fait remarquable. Mais je n’ai pas du tout apprécié un certain nombre de remarques et de jugements de M. Estrosi…
M. Alain Gournac. Il n’est pas là !
M. Daniel Raoul. C’est bien regrettable ! S’il avait été présent, je lui aurais dit en face !
Ainsi, je n’ai pas apprécié qu’il qualifie certains amendements d’inutiles. De quel droit s’arroge-t-il la faculté de porter un tel jugement ? Un ministre est invité à écouter les membres des assemblées. Il revient au Parlement de faire son travail et de juger, par le biais des votes, de l’intérêt, de la valeur ajoutée des différents amendements. Ce n’est pas au ministre de dire qu’ils sont inutiles !
En outre, un ministre doit faire preuve de dignité et de neutralité vis-à-vis des parlementaires. Or, M. Estrosi a dit à l’un de nos collègues qu’il n’était pas un homme d’honneur. Un tel propos est tout à fait déplacé.
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il n’a pas dit cela !
M. Daniel Raoul. Monsieur le rapporteur, il faut écouter de temps en temps ! Ces propos ont été tenus en séance, la nuit dernière. Je souhaite, monsieur Mercier, que votre présence puisse contribuer à les effacer quelque peu. On a loué tout à l’heure votre rondeur.
M. Louis Nègre. Au fait !
M. Daniel Raoul. Je suis en tout cas persuadé que vous serez plus élégant et plus courtois que votre collègue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Madame Pasquet, messieurs Teston et Raoul, je vous donne acte de vos rappels au règlement.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vos propos relatifs à ma rondeur ne me vexent pas : telle est la réalité ! (Sourires.)
Je supplée très temporairement M. Estrosi, qui participe actuellement à la séance de questions d’actualité au Gouvernement, à l’Assemblée nationale.
M. Daniel Raoul. S’il répond sur le même ton…
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Raoul, je ne vous ai pas interrompu !
Je reviendrai au Sénat demain, pour l’examen des articles relatifs à l’aménagement du territoire.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About. C’est un grand plaisir !
M. Michel Mercier, ministre. Le présent projet de loi est porté par tout le Gouvernement, qui est un,…
M. Alain Gournac. Et indivisible !
M. Daniel Raoul. Et par M. Guaino, sans doute !
M. Michel Mercier, ministre. …M. Estrosi étant chargé, en sa qualité de ministre de l’industrie, de soutenir le texte devant le Parlement.
Monsieur Raoul, n’adoptez pas une attitude pire que celle que vous reprochez à M. Estrosi, sinon tous vos arguments s’effondreront par votre propre faute !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux que vous inviter toutes et tous à la sérénité, au travail et à l’étude immédiate du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des articles, entamée hier.
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA POSTE ET MODIFIANT LA LOI N° 90-568 DU 2 JUILLET 1990 RELATIVE À L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC DE LA POSTE ET À FRANCE TÉLÉCOM (SUITE)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France demande la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. À travers cet amendement visant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, nous souhaitons que la France demande, par exemple par l’intermédiaire du ministre de l’économie, la renégociation des directives européennes qui œuvrent pour la libéralisation du secteur postal.
M. Josselin de Rohan. C’est M. Jospin qui a mal négocié ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tiens, voilà du renfort !
M. Josselin de Rohan. Qui était au Gouvernement ? Les communistes !
M. Didier Guillaume. Lionel Jospin, c’était il y a longtemps !
M. Michel Teston. Et il s’est passé tant de choses depuis lors !
Mme la présidente. Mme Didier seule a la parole ! Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Évelyne Didier. Monsieur de Rohan, figurez-vous qu’une crise économique a éclaté entre-temps et que, dans de nombreux pays, on s’est aperçu que la libéralisation à tous crins n’était pas forcément une bonne idée ! Même certains de vos amis s’en rendent compte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. En effet, la Commission européenne s’est acharnée à imposer une ouverture à la concurrence du secteur postal, parfois contre la volonté des États. Ainsi, elle s’est opposée à la France, en 1997, ainsi qu’au Parlement européen, qui, en 1997 et encore en 2000, a tenté de freiner ce processus.
Rappelons que, en 2007, onze pays s’étaient opposés à la libéralisation de ce secteur pour 2011, en exigeant au moins un sursis jusqu’en 2013. Afin que ne soit pas méprisé l’avis des représentants des citoyens, nous demandons que ces directives soient renégociées.
Il s'agit, tout d'abord, de la directive européenne du 15 décembre 1997 dite « directive postale cadre », qui pose la définition d’un service universel minimum réduisant les missions d’intérêt public et introduit le principe d’une ouverture progressive du marché, qui sera totale en 2009.
La directive du 10 juin 2002 doit également être rediscutée, car elle pose les étapes de la libéralisation du secteur postal.
Enfin, il faut revoir la directive européenne du 20 février 2008, qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et fixe au 31 décembre 2010 l’échéance pour parvenir à la libéralisation totale des marchés postaux.
Cette libéralisation du secteur postal, imposée par la Commission européenne, entraîne pourtant des effets désastreux, qu’on essaye d’occulter.
Ainsi, l’expérience des pays européens voisins de la France ayant ouvert ce secteur à la concurrence est probante : l’Allemagne, qui a anticipé cette libéralisation, a vu passer le nombre de ses points contacts postaux de 30 000 à 13 000, et ce pays envisage encore de les réduire à 5 000.
La Suède, qui a externalisé la plupart de ses points contacts auprès de commerçants, connaît aujourd’hui l’un des plus mauvais taux d’accessibilité au service postal en Europe.
Enfin, l’Espagne, face à la concurrence, n’assure plus de service postal direct dans les zones rurales qui ne sont pas jugées assez rentables !
La Commission européenne et le gouvernement français tiennent un véritable discours idéologique, au mépris des conséquences dramatiques, pourtant bien connues, de l’ouverture à la concurrence du secteur postal.
Ainsi, la libéralisation du secteur postal est incompatible avec la réalisation de missions de service public, telles que la mise en place d’un tarif unique et égalitaire ou l’acheminement du courrier sur la totalité du territoire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils le savent ! Dans leurs villages, il n’y a plus de bureau de poste !
Mme Évelyne Didier. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’article additionnel que cet amendement tend à insérer dans le projet de loi prévoit que la France demandera la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.
S’il y a un sujet sur lequel le Sénat s’est penché depuis quelques années, c’est bien celui-là ! C’est d'ailleurs à la suite d’un vœu exprimé par la Haute Assemblée que la France, voilà un peu plus de deux ans, a obtenu que l’ouverture totale à la concurrence ait lieu en 2011, et non en 2009.
Il n’est pas réaliste de demander une réouverture des négociations sur un principe qui a été acté.
En outre, depuis hier, le traité de Lisbonne est désormais ratifié par l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Mme Évelyne Didier. Hélas !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous n’allons pas revenir sur une décision qui a été prise et qui constitue véritablement, pour reprendre une formule de M. Fischer, un joyau de la coproduction de la cohabitation ! (Mme Évelyne Didier s’exclame.)
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Madame Didier, j’aurais bien envie de vous faire plaisir ! (Sourires.) Mais encore faut-il m’en donner l’occasion !
J’ai bien compris que vous vouliez renégocier toutes les directives édictées depuis 1997.
Mme Évelyne Didier. Tout à fait !
M. Michel Mercier, ministre. Soit, mais nous ne pouvons tout refaire en une seule après-midi ! (Nouveaux sourires.)
Surtout, je suis très attaché à une règle toute simple, celle de la séparation des pouvoirs. Il n’appartient pas au Parlement de donner des instructions au Gouvernement.
M. Daniel Raoul. Et réciproquement !
M. Michel Mercier, ministre. Il revient au pouvoir exécutif, et à lui seul, de conduire les négociations internationales, dont il rend compte a posteriori au Parlement, devant lequel il est responsable. Les parlementaires ne peuvent donner des ordres à l’exécutif à travers un texte législatif !
Madame Didier, je suis donc obligé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. Daniel Raoul. Ne forcez pas votre nature…
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Le financement du service universel postal est aujourd’hui largement assuré par ce que l’on appelle le « secteur réservé », c’est-à-dire le monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de cinquante grammes, qui résulte effectivement d’une série de directives européennes.
Permettez-moi d'ailleurs d’indiquer que la directive de décembre 1997, que M. le rapporteur et M. le ministre ont visée, a permis d’obtenir la création du service universel, qui n’existait pas en juin de la même année.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Teston. Le gouvernement auquel vous pensiez, mes chers collègues de la majorité, a donc sauvé le service postal universel, alors que, en juin 1997 – après la dissolution ô combien réussie décidée par Jacques Chirac ! –, il avait trouvé une situation dans laquelle rien n’était garanti. Ne prétendez donc pas que c’est le gouvernement Jospin, pour l’appeler par son nom, qui est responsable d’un processus engagé avant lui et que vous avez largement accéléré à partir de 2002 !
M. Josselin de Rohan. C’est M. Jospin qui a signé la directive…
M. Michel Teston. Cela étant, demander la renégociation de la suppression du secteur réservé ne me paraît pas anormal.
Comme je l’ai indiqué dans mon intervention lors de la discussion générale, nous disposons d’éléments indiquant que bon nombre d’États membres de l’Union européenne, face à la crise économique, préféreraient maintenir le système du secteur réservé afin de financer le service universel postal, parce qu’il s’agit d’un mécanisme beaucoup plus adapté et sûr que celui que vous nous proposez à travers ce projet de loi, à savoir un fonds de compensation acquitté par l’ensemble des opérateurs de services postaux.
En effet, nous savons parfaitement que ce fonds n’assurera pas un financement aussi sûr que celui qui est garanti par le secteur réservé. M. le rapporteur a d'ailleurs qualifié récemment d’« usine à gaz » un autre fonds de compensation, celui qui a été institué pour le téléphone fixe par la loi de 1996 !
Nous soutenons donc tout à fait la demande de renégociation des directives qui est présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Les décisions européennes contenues dans les directives postales imposent l’ouverture à la concurrence des services postaux d’ici à 2011, alors même que ces dispositions ont été entérinées d’une manière très contestable, par des manœuvres politiciennes, sans véritable consensus et au mépris de la volonté des États et des peuples.
En n’acceptant pas de renégocier ces directives, le Gouvernement entérine la volonté de la Commission européenne et ne veut pas reconnaître que l’ouverture à la concurrence, déjà entamée, pèse sur la qualité des services fournis. Il refuse également de voir que ce phénomène sera aggravé par l’ouverture totale à la concurrence.
Dans le passé, le statut de France Télécom a été changé. La privatisation n’était prétendument pas programmée, et on assurait que l’entreprise resterait publique...
Or, treize ans plus tard, l’État ne dispose même plus d’une minorité de blocage ! La conduite de la politique de cette société est dictée par les impératifs du marché et elle est décidée en fonction des actionnaires. Quant aux résultats en termes de traitement du personnel et de conditions de travail, les suicides des salariés harcelés et précarisés sont révélateurs !
M. Roland Courteau. Ô combien !
Mme Isabelle Pasquet. Le refus de renégocier des dispositions européennes imposant l’ouverture à la concurrence du marché postal ainsi que la volonté d’outrepasser les exigences de l’Europe, en allant jusqu’à privatiser La Poste, sont révélatrices du projet politique et idéologique que le Gouvernement porte pour la France et pour l’Europe : celui-ci se construit par et pour le marché, l’entreprise et le profit, en ignorant l’incidence d’un tel dogme libéral sur les conditions de travail des salariés et la qualité des services rendus, qui sont sacrifiées.
En outre, rappelons-le, si ces directives européennes imposent l’ouverture du marché, elles n’exigent aucun statut particulier pour les entreprises.
Rien ne justifie donc cette transformation en société anonyme, ni la privatisation qu’elle engage. Le Gouvernement est véritablement hypocrite quand il prétend que le changement de statut est imposé par l’Europe et par la nécessité de recapitaliser La Poste pour faire face à l’ouverture totale à la concurrence en 2011.
En effet, les besoins de financement de La Poste sont estimés à trois milliards d’euros, ce qui représente un montant dérisoire au regard des sommes débloquées par l’État pour les banques.
Il s'agit donc d’un véritable choix idéologique : l’État vient en aide aux banques, qui sont par ailleurs à l’origine de la crise, et il sacrifie les services publics. L’ironie est grande quand on sait que La Poste elle-même se livre à des activités bancaires – d'ailleurs encadrées par des règles, à la différence de celles qui sont pratiquées par les autres banques ! – afin de garantir ses missions de service public en la matière…
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Le problème du secteur réservé qu’a abordé notre collègue Michel Teston est fondamental, me semble-t-il, surtout si l’on veut rediscuter les directives européennes.
Monsieur le ministre, vous affirmez que nous n’avons pas de consignes à donner au Gouvernement. Il me semblait tout de même que celui-ci devait parfois suivre l’avis du Parlement ! J’ai entendu parler de « coproduction ». Je ne sais pas ce que cette notion signifie dans votre esprit, mais, si vous considérez que les parlementaires ne peuvent exprimer aucun jugement ni aucun sentiment, alors ce n’est pas la peine de l’employer !
Le sujet qui nous préoccupe cet après-midi, c’est le fameux secteur réservé, qui, pour le moment, est financé par le monopole résiduel des postes nationales !
Ce fameux secteur réservé repose sur les plis de moins de cinquante grammes, en particulier. Or j’habite dans une ville où il est déjà concurrencé par certaines entreprises qui délivrent de tels courriers alors que l’ouverture du secteur n’est prévue qu’au 1er janvier 2011 !
M. Roland Courteau. Oui !
M. Daniel Raoul. Je vous demande donc, monsieur le ministre – vous transmettrez ma requête à M. Estrosi, qui, peut-être, vous écoutera plus que nous –, de vérifier que ce secteur réservé porte bien son nom !
En effet, il existe aujourd'hui à Angers des entreprises de quarante salariés qui distribuent des plis de moins de cinquante grammes, certes en y apposant des codes barres, conformément aux dispositions de la directive relatives aux adressages.
Je trouve inadmissible que, avant même l’échéance du 1er janvier 2011, le secteur réservé soit déjà ouvert à la concurrence, ce qui met forcément en jeu sa survie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 359, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement négocie au niveau européen une directive-cadre relative aux services d'intérêt général avant l'entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement a pour objet de rappeler – j’insiste sur ce terme – que la France s’était engagée à faire adopter une directive-cadre sur les services d'intérêt général.
En effet, c’est bien Lionel Jospin, alors Premier ministre, qui avait exigé lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002 que l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général constitue une condition sine qua non de l’ouverture à la concurrence maîtrisée des différents secteurs composant le marché intérieur.
C’est ce qu’il a obtenu des autres États membres européens. Toutefois, à notre grand regret, les gouvernements successifs depuis 2002 ne se sont pas sentis tenus par cet engagement, bien au contraire.
Pour relancer ce débat, le groupe socialiste du Sénat a déposé, voilà un an exactement, une proposition de résolution européenne n° 57 rectifié, qui a été débattue ici-même le 30 avril dernier.
L’existence d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général aurait probablement permis de maintenir le secteur réservé de La Poste, qui ne représente plus que 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis, mais qui assure encore aujourd’hui le financement du service universel. Notre collège Michel Teston en a fait la démonstration.
L’adoption d’une telle législation permettrait encore au service public d’être soustrait aux seules règles de la concurrence et de conforter son rôle stabilisateur, facteur de cohésion sociale et territoriale, comme chacun le reconnaît dans cet hémicycle.
Les sénateurs socialistes ont dressé les lignes de force de cette directive-cadre : clarification de la définition et du statut des services d’intérêt général, consolidation du principe de subsidiarité et de l’autonomie des autorités locales dans l’exercice de leur mission, volonté de mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence et reconquête du politique.
J’ajoute, pour y avoir participé activement, que le groupe socialiste européen a élaboré un projet de directive-cadre sur les services d’intérêt général qui, malheureusement, n’a été ni débattu ni adopté par le Parlement européen.
Le travail de formulation juridique est donc réalisé, il importe désormais de le mettre en œuvre. Cela demande une volonté politique et l’aptitude à saisir deux opportunités qui s’offrent à nous dans les semaines qui viennent.
La création d’un poste de commissaire européen en charge des services publics, garant de leur prise en compte dans toutes les politiques communautaires, de leur niveau de qualité, de leur bon fonctionnement serait d’ailleurs tout à fait justifiée au moment même où la Commission européenne va être renouvelée. Hélas ! nous direz-vous, l’on ne commande pas à M. Barroso. C’est bien dommage !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Bernadette Bourzai. Même si une telle demande n’est pas prise en compte, le Gouvernement se voit offrir une occasion unique de donner la preuve de l’ambition et de l’attachement au service public qu’il a affirmés lors de l’examen en séance publique de notre proposition de résolution européenne au mois d’avril dernier. Il lui suffit de demander, au nom de la France, la nomination de M. Michel Barnier au poste très important de commissaire européen en charge du marché intérieur et des services.
Si ce vœu est exaucé, nous espérons que M. Barnier demandera en priorité la mise en œuvre de la base juridique de l’article 14 du nouveau traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une fois le traité de Lisbonne en vigueur, et, par conséquent, l’élaboration d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt général que les socialistes, comme les citoyens européens, les syndicats européens et la société civile européenne, réclament depuis maintenant de nombreuses années.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Une minute trente de dépassement !
Mme Bernadette Bourzai. Cette directive-cadre reste, pour nous, un préalable absolu à toute ouverture supplémentaire à la concurrence pour le service postal, comme pour tout autre secteur d’ailleurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous refusons la transposition de la directive 2008/6/CE.
Mme la présidente. Madame Bourzai, je vous rappelle que vous disposez de trois minutes pour présenter vos amendements. Je pense que vos collègues et vous-même aurez à cœur de respecter ce temps de parole.
M. David Assouline. Nous nourrissons le débat !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le Gouvernement négocie à l’échelon européen une directive-cadre relative aux services d’intérêt général avant l’entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la troisième directive postale.
Il a été fait allusion à la proposition de résolution européenne de Mme Tasca, dont j’ai été le rapporteur au mois d’avril dernier. Le Sénat avait alors considéré que la Commission européenne devait prendre des initiatives en vue de conforter les services d’intérêt général, mais n’avait pas exigé que ces initiatives prennent nécessairement la forme d’une directive-cadre.
Je suis donc opposé à cet amendement, d’autant plus que les délais sont manifestement irréalistes avant l’entrée en vigueur de la concurrence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Madame la sénatrice, ma réponse sera identique à celle que je viens de faire à votre collègue. (M. David Assouline s’exclame.)
Monsieur Assouline, vous venez d’arriver et je vous salue. Mais vous n’êtes pas obligé d’interrompre tout le monde, à peine franchi le seuil de cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Madame Bourzai, j’ai bien entendu votre message et je le transmettrai au Premier ministre. Toutefois, un texte législatif ne peut contenir une injonction à l’exécutif.
Je rappelle en outre à la Haute Assemblée que transcrire en droit interne une directive européenne est une obligation constitutionnelle.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Michel Mercier, ministre. Le Conseil d’État vient d’ailleurs de le rappeler dans la décision qu’il a rendue le 30 octobre dernier sur l’affaire Perreux. Il reconnaît la possibilité pour tout citoyen de se prévaloir des dispositions d’une directive européenne, lorsque l’État n’a pas pris à temps les mesures de transposition nécessaires.
Le Gouvernement ne fait donc que son devoir en transcrivant cette directive européenne en droit interne.
Par conséquent, il émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Didier Guillaume. C’est bien dommage !
M. Martial Bourquin. Quel manque d’ambition ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Navarro, pour explication de vote.
M. Robert Navarro. Il existe actuellement un vide cruel dans la législation communautaire : l’absence totale de cadre législatif clair pour les services publics.
C’est pour cette raison que je vous appelle à voter cet amendement. Depuis des années, nous militons en faveur d’un tel cadre juridique : la présidence française de l’Union européenne aurait pu avancer sur ce sujet-clé.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Robert Navarro. Elle était d’ailleurs attendue par les autres États membres. Elle n’en a pas eu la volonté politique. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, et j’espère que vous transmettrez notre message de manière plus efficace !
À l’heure de la transposition de la directive relative à l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté, et dans la mesure où sera bientôt transposée la fameuse directive sur les services, dite « Bolkestein », un tel cadre juridique est absolument indispensable.
Les règles du marché intérieur ne peuvent pas s’appliquer aux services publics, qu’ils s’agissent des services d’intérêt général ou des services sociaux d’intérêt général. Les collectivités locales, les associations, les mutuelles et les syndicats en ont assez du flou juridique qui encadre leur activité. Ce n’est pas non plus à la Cour de justice des Communautés européennes de définir notre cadre juridique : il revient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.
Le Gouvernement serait bien inspiré de prendre conscience de l’urgence qu’il y a à construire ce cadre juridique avec ses partenaires européens avant de toucher à un seul service public.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai cet amendement.
Je dois avouer n’avoir pas bien compris la position de M. Hérisson. Alors qu’il a été rapporteur de la proposition de résolution européenne de Catherine Tasca, il affirme aujourd'hui qu’il est trop tard pour agir. Je suppose que, à l’époque où a été examiné ce texte, il n’a pas soutenu qu’il était trop tôt ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Aujourd'hui, il se contente de rappeler qu’il a été le rapporteur de ce texte, ce dont nous le félicitons.
Monsieur le rapporteur, qu’avez-vous fait depuis que cette proposition de résolution européenne a été examinée en séance publique ?
M. David Assouline. Il n’a rien fait !
M. Jean Desessard. Si vous aviez agi, vous nous auriez évité d’avoir à déposer aujourd'hui cet amendement !
M. David Assouline. Bien sûr !
Mme la présidente. L'amendement n° 263, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2010, il est instauré une commission indépendante d'évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l'État, des salariés de La Poste, des associations d'usagers et de membres du Parlement.
Cette commission est chargée de procéder à l'évaluation objective et contradictoire pour La Poste du coût précis du service postal universel et des obligations qu'il comporte ainsi que le montant de la perte de recettes qu'implique la suppression du secteur réservé.
Cette commission présente au Parlement les résultats de son évaluation avant le 1er janvier 2011.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise à permettre une évaluation objective et contradictoire du coût précis du service postal universel ainsi que du montant de la perte de recettes qu’impliquerait la suppression du secteur réservé. Cela suppose la création d’une commission indépendante d’évaluation composée de façon paritaire par des représentants de l’État, pour leur légitimité, des salariés de La Poste, qui sont les mieux à même d’évaluer les coûts, des associations d’usagers, qui ont des demandes à formuler, car ils n’ont pas envie de perdre leur temps au guichet, et de membres du Parlement, qui représentent le peuple.
Le service postal universel a un coût évaluable, qui doit être établi de façon incontestable et connu de tous, afin d’être comparé aux recettes garanties ainsi qu’aux recettes plus aléatoires.
Dans le secteur public comme dans le secteur privé, ce préalable de bonne gestion est incontournable. Pour notre part, nous refusons le changement de statut et nous voulons, par cet amendement, prouver que derrière la « modernisation » se cache la volonté de démanteler le service public.
Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement vous obligerait à sortir du flou dans lequel vous maintenez le Parlement, les usagers et les salariés. Quel serait le coût précis d’un service postal universel résultant de la fin du secteur réservé ?
La directive européenne ne dit presque rien à ce sujet. Le rapport Ailleret sur le développement de La Poste est quasiment muet sur le sujet. Le rapport de la commission de l’économie, quant à lui, mentionne pour l’opérateur un « surcoût net » estimé « grossièrement à un milliard d'euros par an ».
Si les régions avaient été aussi peu exigeantes avec la comptabilité de la SNCF, lors de l’évaluation du coût de la décentralisation...
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et de la gestion du TER, on les aurait accusées de brader l’argent des contribuables !
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-Christine Blandin. Je n’imagine pas que l’État soit moins vigilant que le sénateur Hubert Haenel, qui avait été mandaté par l’Association des régions de France dans les années quatre-vingt-dix. À moins que tout cela ne cache la volonté du Gouvernement de liquider le service public postal !
Ce n’est pas la perspective d’un fonds de compensation alimenté par les opérateurs qui nous rassure. Vous savez que France Télécom expérimente, pour y être adossée, la contestation permanente des coûts et les marchandages. Ensuite vient la tentation de céder aux nouveaux entrants, pour les attirer.
Nous refusons cette spirale, qui transforme les usagers en consommateurs, les consommateurs en consommateurs uniques qui ont les moyens, et les salariés en victimes.
D’ailleurs, le Comité économique et social européen a clairement estimé que « le financement durable du service universel n’était pas garanti par les éléments fournis par la Commission » et, dans son avis, il mettait en perspective « la pertinence du secteur réservé ».
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous attendons des comptes sérieux et demandons la création de cette commission indépendante d’évaluation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. C’est indispensable !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous trouverez réponse à toutes vos interrogations dans l’excellent rapport Ailleret et dans l’avis qu’il a émis sur l’ensemble de cette problématique.
M. Jean Desessard. Il n’y a rien là-dessus !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bien sûr que si ! On y lit même qu’actuellement le service public universel est bénéficiaire !
M. David Assouline. Pourquoi changer de statut s’il est performant ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’article L. 2-2 du code des postes et des communications électroniques prévoit que le fonds de compensation du service universel postal est alimenté par des contributions dont le montant est déterminé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
Ce mécanisme, précisé par l’article 16 du présent projet de loi, permettra à La Poste de supporter le coût financier de son obligation de service universel et répond donc à la préoccupation exposée par les auteurs de cet amendement.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. J’ai bien compris l’objectif des auteurs de cet amendement. Il est en effet indispensable de connaître le coût réel du service public universel, puisque cela conditionnera le montant des contributions qui seront exigées des opérateurs.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Michel Mercier, ministre. Sur ce point, nous sommes d’accord.
L’annexe I de la troisième directive postale donne des orientations à prendre en compte pour le calcul du coût net des obligations de service universel. Un décret reprendra l’ensemble de ses composantes.
L’ARCEP, autorité indépendante, est chargée d’évaluer ce coût dans notre pays. À cette fin, l’article 14 du texte issu des travaux de la commission prévoit qu’elle recevra communication de toutes les informations nécessaires par le prestataire du service universel.
Les précisions que je viens de vous apporter devraient vous conduire à retirer votre amendement. Dans l’hypothèse contraire, je donnerai un avis défavorable.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes du règlement, le signataire d’un amendement dispose d'un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs. Les explications de vote sont admises pour une durée n'excédant pas cinq minutes.
Je vous demande de respecter ces règles, faute de quoi je me verrai dans l’obligation, par souci d’équité, de vous couper la parole. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Et moi qui avais prévu de ne parler que trois minutes ; je vais donc pouvoir poursuivre pendant deux minutes supplémentaires ! (Rires.)
Monsieur le ministre, vous êtes formidable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Cela dit, vous auriez pu remercier Mme Blandin d’avoir présenté un amendement positif, qui vise non pas à faire de l’obstruction, mais à garantir le sérieux de l'État en matière de finances publiques.
M. Jean Desessard. Je le fais, moi ! Merci donc, madame Blandin (Sourires), de vous être préoccupée des recettes et des dépenses de l’État, parce que, même si ce dernier est riche, il faut resserrer ses finances.
Par conséquent, je le répète, ce n’est pas un amendement d’obstruction.
M. Nicolas About. Pas celui-là !
M. Jean Desessard. Quelle réponse avez-vous donnée à cette proposition positive ? Vous nous avez dit que la directive européenne avait mis au point un mode de calcul du coût du service universel. Quel est donc le résultat de ce calcul, monsieur le ministre ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le rapporteur nous a indiqué que le rapport Ailleret mentionnait un chiffre. Lequel ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non, il n’a pas donné de chiffre !
M. Jean Desessard. Nous y voilà ! Aucun chiffre n’est donné ni par la directive ni par le rapport Ailleret. Le seul chiffre disponible est celui de La Poste. Il est tout de même normal de vérifier si ce dernier est justifié.
Mais vous, vous faites complètement confiance à La Poste. Ce n’est pas sérieux ! C’est pour cette raison que nous vous proposons cet amendement visant à instaurer une commission indépendante d’évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l’État, des salariés de La Poste, des associations d’usagers et des membres du Parlement., afin d’évaluer le coût du service universel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Refuser un tel amendement est véritablement incompréhensible !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je vais utiliser la minute trente de temps parole qui reste à M. Desessard pour prolonger son argumentation.
Depuis deux jours, chaque fois que nous présentons un amendement, que nous prenons la parole, il nous est reproché de faire de l’obstruction, de ne pas formuler de propositions,…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. C’est sûr !
M. Didier Guillaume. Non ce n’est pas sûr, monsieur le président ! Nous sommes là pour avancer ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, mes chers collègues, si nous avons perdu beaucoup de temps hier soir, c’est parce que vous étiez minoritaires et que chaque vote a donné lieu à un scrutin public. Si vous aviez été majoritaires, le débat aurait peut-être progressé plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui nous concerne, nous faisons bien des propositions même si, ce matin, M. le ministre nous a dit qu’un facteur à vélo irait toujours plus vite qu’un parti socialiste en panne. (Rires.) Ce n’est pas idiot d’ailleurs ! Mieux vaut s’arrêter que s’engager aveuglément dans une privatisation.
Avec cet amendement, nous vous soumettons une vraie proposition, qui pourrait recueillir l’unanimité. Que peut-on lui reprocher ? Personne n’est en cause ! Nous voulons créer une commission indépendante pour effectuer des vérifications et s’assurer du bon fonctionnement du système.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il y en a déjà une !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas l’ARCEP qui joue ce rôle ! L’instance que nous appelons de nos vœux est très différente, puisqu’il s’agit d’une commission indépendante au sein de laquelle siégeraient, notamment, des représentants du Sénat.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Elle ne sera pas indépendante !
M. Didier Guillaume. Si le Sénat n’est pas indépendant, monsieur le président de la commission, c’est une nouvelle !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ce n’est pas une autorité de régulation !
M. Didier Guillaume. Tel est donc le sens de cet amendement.
Cependant, constatant que chacun de nos amendements est retoqué (Exclamations sur les travées de l’UMP.), nous nous interrogeons : avez-vous décidé de vous en tenir à votre texte et d’adopter la conception décrite par M. Longuet ce matin selon laquelle vous êtes majoritaires et donc que, quelles que soient nos propositions, nous avons politiquement tort parce que minoritaires,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il n’a pas dit cela !
M. Didier Guillaume. … auquel cas le Parlement ne sert à rien ?
Ou bien alors, acceptez-vous de débattre ? En l’occurrence, il s’agit un peu d’un amendement test. Par cette proposition positive, nous voulons montrer que tous les membres de la Haute Assemblée partagent le même souci de la défense du service public de La Poste et décident ensemble de se procurer des informations chiffrées plus développées que celles dont nous disposons aujourd’hui.
Le rapport Ailleret est muet sur ce point et, d’ailleurs, M. le rapporteur considérait, me semble-t-il, que ce qui était proposé était plus ou moins une usine à gaz.
En tout état de cause, cet amendement reflète notre souci d’avancer et je le soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Il faut faire confiance à l’ARCEP !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet amendement est symbolique de ce débat à plusieurs égards.
On laisse traîner dans l’opinion publique l’idée selon laquelle le changement de statut est une nécessité pour nos entreprises nationales, qui rencontrent des difficultés financières pour assurer leur mission de service public, face aux conditions de concurrence actuelle et aux contraintes imposées par les directives européennes, et doivent chercher des revenus dans un système concurrentiel.
Ainsi, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, dont je suis membre, sera bientôt saisie d’un projet de changement de statut de l’Agence France-Presse. S’il s’agissait de moderniser une structure créée voilà plusieurs décennies, ce serait acceptable. Mais l’on nous affirme qu’il faut remédier à la mauvaise situation financière de l’Agence, confrontée à un déficit structurel chronique. Or les chiffres montrent que, depuis 2002, l’Agence a toujours été bénéficiaire. Dès lors, pourquoi engager le changement de statut maintenant, puisque le problème n’est pas celui qui est affiché ?
Dans ce débat, nous demandons de la visibilité, non seulement pour les parlementaires qui en ont besoin pour légiférer, mais aussi pour l’opinion publique. Nombre de discussions deviendraient dès lors sans objet.
Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à Mme Blandin et à M. Desessard que les chiffres – on ne connaît pas le montant exact – montrent que le service universel est bénéficiaire. Répétez-le à l’opinion ! Criez haut et fort que ce n’est pas la situation financière de La Poste qui pose un problème !
Dans ce débat stratégique, dont l’objet n’est pas seulement l’alternative entre la privatisation et l’absence de privatisation, vous dites qu’avec la directive européenne on ne peut pas injecter de l’argent dans La Poste,…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. On n’a pas dit cela !
M. David Assouline. Si, vous le dites !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Il faut écouter !
M. David Assouline. … pour investir sur les marchés internationaux.
Mais c’est fort possible pour l’acheminement de la presse, le maillage territorial et la présence postale. Or c’est bien le seul sujet qui doit nous préoccuper, nous législateurs.
Pour nous, La Poste est un service public. Si vous voulez en faire une entreprise commerciale, spécialisée dans la vente, cela ne nous intéresse pas !
Nous souhaitons que nos concitoyens puissent disposer, comme par le passé, du service public qu’ils méritent, qui résiste à la concurrence résultant de l’ouverture des marchés, pour La Poste, la presse, le maillage territorial.
M. Daniel Dubois. On est d’accord !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiendrai cet amendement pour une raison très simple.
Pour permettre au Parlement de jouer le rôle très important que ne cesse de rappeler la majorité dans le domaine de l’évaluation, il faut, à l’évidence, lui donner les moyens de le faire en étant informé de façon objective.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est ce que nous essayons de faire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La création d’un organisme indépendant – vous en êtes friands ! – s’impose donc pour que nous, législateurs, puissions nous acquitter de cette mission de façon éclairée.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Mes chers collègues, j’ai l’impression que nous ne nous rendons pas toujours compte du fait que le Sénat a changé de mode de fonctionnement depuis la révision constitutionnelle. À l’heure actuelle, le texte issu des travaux de la commission est le texte de la majorité, ce qui n’est pas le cas des amendements qui sont proposés maintenant. Il est donc normal qu’ils soient repoussés par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Eh oui !
M. David Assouline. C’est un aveu ! Il n’y a plus besoin de séance publique !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Mon cher collègue, chaque fois que vous intervenez, sous le sceau de la légalité et du droit, vous faites de la politique. Vous êtes un élu du peuple. Cependant, je ne voudrais pas que vous vous cachiez derrière le sceau du droit pour faire passer des messages politiques.
Savez-vous que le débat d’idées, dans une assemblée quelle qu’elle soit, y compris au Parlement, peut aboutir à des consensus sur des questions essentielles ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Lorsque votre opposition vous parle, plutôt que de vouloir passer comme des bulldozers, ne vaudrait-il pas mieux l’écouter et essayer de dégager des consensus dignes d’intérêt ?
M. Patrice Gélard. Il y a la commission pour cela !
M. Martial Bourquin. J’ai l’impression, mon cher collègue, que vous avez dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !
M. le ministre nous a dit en commission : « Déposez des amendements ; tous ceux qui sont intéressants seront pris en compte. »
M. Patrice Gélard. Eh oui !
M. Daniel Laurent. Il n’y en a pas !
M. Martial Bourquin. Si vous nous dites à chaque amendement : « Circulez, il n’y a rien à voir », à quoi sert le Parlement ? Cela signifie que la loi sera faite par l’UMP et quelques satellites et que, en effet, il n’y a rien à voir ! C’est dramatique de penser ainsi !
Mes chers collègues, réfléchissez aux propos que vous tenez ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Le débat est quelque chose d’important ! Nous savons bien tous, pour être membres d’assemblées élues, qu’une opposition est utile, qu’elle parvient parfois à soulever des lièvres, de véritables problèmes. L’ignorer purement et simplement en affirmant que tout ce qu’elle propose est systématiquement nul et non avenu témoigne d’une conception du débat d’un archaïsme épouvantable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je suis heureux de l’intervention de M. Gélard (Ah ! sur les travées de l’UMP), car elle éclaire l’état d’esprit dans lequel la majorité veut conduire les débats face à l’opposition.
J’avais cru comprendre que la réforme constitutionnelle permettrait une coproduction, tant dans le cadre du travail de commission qu’en séance publique.
Or M. Gélard vient de nous dire, et je reprends ses termes : « C’est le texte de la majorité ». Si tel est votre état d’esprit, à quoi sert le débat en commission ? À quoi sert le travail produit en commission, y compris le travail de nuit, comme ce fut le cas pour le Grenelle de l’environnement ?
Cela dit, je mettrai un bémol à mon propos s’agissant des pratiques de la commission des affaires économiques. En effet, dans le cadre du Grenelle – je pense essentiellement au Grenelle I car, sur le Grenelle II nous avons eu quelques divergences, mais c’est normal entre majorité et opposition – ont été retenues des avancées de l’opposition comme de la majorité, qui ont véritablement débouché sur un texte de la commission.
Monsieur le doyen Gélard, je vous le dis calmement, si tel est le fond de votre pensée, cela pose un véritable problème pour le fonctionnement du Parlement.
M. Martial Bourquin. C’est grave, très grave !
M. Daniel Raoul. Si le texte qui sort de la commission est toujours le reflet de la pensée unique de la majorité, à quoi sert l’opposition dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean Desessard. Vous avez déclenché la machine, monsieur Gélard !
M. Jean-Jacques Mirassou. Au moment où nous nous acheminions vers une discussion plus calme, le doyen Gélard ranime l’assemblée !
M. Robert del Picchia. Ça réveille ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. M. Gélard est doyen, certes, mais certains d’entre nous sont également affectés de titres universitaires et ils n’essaient pas pour autant de parodier ou de dévoyer le rôle du Sénat.
Monsieur Gélard, en l’occurrence, vous vous comportez plus comme un saint Jean Bouche d’or que comme un doyen !
Mon collègue Daniel Raoul vient de le dire, si vos propos traduisent la pensée de la majorité en ce qui concerne à la fois l’utilité de l’opposition et le rôle fondamental du Sénat, c’est grave.
En tout cas, cette approche trouve au moins ses limites lorsque, comme hier soir, à minuit, nous nous trouvons face à une majorité introuvable pour cause de désaffection des élus du groupe UMP sur les rangs où ils doivent siéger ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Si vous trouvez que tel doit être réellement le fonctionnement du Parlement, pour notre part, nous ne pouvons accepter que le Sénat soit ainsi la métairie du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je reviens au fond du sujet tout en répondant au doyen Gélard et en soutenant mon amendement.
M. le doyen Gélard justifie l’immobilisme de la majorité sur le texte de la commission par le fait que le débat, dit-il, a eu lieu en commission.
Ce faisant, il flèche comme unique légitimité pour ce débat le fait d’être membre de la commission de l’économie.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Marie-Christine Blandin. Il exclut du débat les sénatrices et sénateurs qui ont des bureaux de poste, des salariés de La Poste près de chez eux, des maires et des usagers qui les interpellent.
C’est un véritable problème démocratique. Allez donc au bout du raisonnement, fermez l’hémicycle aux parlementaires qui ne sont pas de cette commission ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Vous me direz : dans vos groupes, vous pouvez parler entre vous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr, c’est leur conception du débat parlementaire !
Mme Marie-Christine Blandin. Si j’avais eu le temps, j’aurais pu expliquer à Jean Desessard toute la pertinence de cet amendement pour qu’il le défende en commission. Malheureusement, le Parlement, dans sa légitimité, m’a confié d’autres responsabilités, l’office, un rapport sur la grippe, etc., et je n’ai pas eu le temps de le faire.
C’est donc dans l’hémicycle, en toute transparence, que j’essaie de mobiliser l’ensemble de mes collègues avec la légitimité que j’ai acquise de mon expérience de présidente de la première région qui a accepté la gestion décentralisée du TER.
Grâce à notre collègue Haenel, pendant deux ans, nous avons établi le cahier des charges d’un audit extrêmement complet pour nous apercevoir que le service public à la française méconnaissait le détail de ses coûts.
Je cite quelques exemples : coût des conducteurs, coût des guichetiers, pourcentage des trains corail et des TER, coût des gares, de leur entretien, des abonnements, des cartes de réduction pour les séniors, des cartes professionnelles ; qui payaient les abonnements étudiants ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Laurent. Revenons-en au sujet !
Mme Marie-Christine Blandin. Nous avons quasi éduqué les comptables de la SNCF.
Une commission comme celle-là vous permettrait de clarifier les coûts de la lettre qu’on envoie dans un village à l’autre bout de la France, l’entretien des bureaux de poste et le coût de ce qui est acheminé à vélo, en camionnette ou par d’autres moyens.
Vous ne voulez pas le savoir parce que la somme que vous préparez n’est pas suffisante et vous n’osez pas le dire devant les Français : quand on ne donne pas les moyens au service public, on le tue ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Comme mes collègues, je suis très surprise de la déclaration de M. Gélard.
Le débat qui a eu lieu au moment de la modification de l’organisation de nos travaux semblait montrer que tous ceux qui ne sont pas membres d’une commission devaient pouvoir s’impliquer dans un sujet comme celui-ci, qui nous intéresse tous au plus haut point.
Si les membres de la commission de l’économie sont nombreux, ils ne représentent pas obligatoirement la diversité de l’ensemble des membres du Parlement. Nous avons tous notre propre connaissance du terrain.
Comme l’a dit Marie-Christine Blandin, nous avons tous été confrontés à la difficulté d’appréciation du coût d’une partie du service public, quel qu’il soit, pas seulement celui de La Poste.
Donnons-nous aujourd’hui les moyens d’apprécier ! Je fais partie, avec M. Hérisson, du groupe de réflexion sur La Poste. Nous avons auditionné des responsables, notamment M. François Ailleret et personne n’a été en mesure de nous apporter des précisions aussi rigoureuses que celles évoquées par Marie-Christine Blandin pour la SNCF concernant le coût du service universel de La Poste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Gélard n’en sait rien, il n’est pas membre de la commission !
Mme Marie-France Beaufils. Il faut faire ce travail. Nous ne pouvons pas nous en tenir à des appréciations données par La Poste elle-même sur les coûts.
Dire aujourd’hui, après le travail de la commission, « Circulez, il n’y a rien à voir ! » est un manque de respect pour les élus qui ne font pas partie de la commission de l’économie !
Nous avons décidé, en commun, de consacrer une semaine au débat sur ce sujet important qu’est l’avenir de La Poste et la présence postale sur l’ensemble du territoire et dans toutes les communes de France où elle est encore présente, y compris dans celles où elle devrait l’être avec l’augmentation des populations. Nous sommes assez nombreux aujourd’hui dans cet hémicycle pour chasser l’autisme qui vous gagne, mes chers collègues, depuis l’ouverture des débats lundi.
Il faut savoir entendre : ne restez donc pas fermés à nos arguments, qui sont loin d’être aussi politiciens que ceux que vous avez employés ce matin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Notre collègue M. Gélard est une grande voix du droit mais il n’en a pas le monopole.
Selon ses propos, le texte de la commission étant celui de la majorité, aucun amendement n’a lieu d’être voté par notre assemblée, ce qui implique que les amendements déposés par les membres du groupe UMP et par les non inscrits devraient donc systématiquement avoir le même sort. Je ne crois pas que ce soit bien, et cette analyse ne me paraît pas excellente.
Avec humilité, puisque je ne suis pas sénateur depuis très longtemps, je constate que les évolutions auxquelles nous avons pu assister – je me souviens du vote sur le travail dominical et de la quasi-obligation de vote conforme à laquelle nous avons été soumis – ne vont pas forcément dans le sens d’une plus grande démocratie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Je voudrais revenir sur le débat qui a été engagé de façon impromptue par le doyen Gélard sur la méthode de fonctionnement de notre assemblée.
Je rappelle que la révision constitutionnelle et la réforme de notre règlement ont été annoncées comme une prétendue amélioration du rôle du Parlement et un rééquilibrage.
Un sénateur du groupe socialiste Oui, un « progrès » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qu’on voit tous les jours…
Mme Catherine Tasca. C’est dans ce sens que nous avons travaillé à la réforme du règlement. Il a été dit très clairement par tous ceux qui ont travaillé sur ce texte qu’en aucun cas il ne serait porté atteinte au droit d’amendement. Chaque parlementaire ici, quel que soit le groupe auquel il appartient, engage aussi sa responsabilité personnelle.
Vouloir nier l’exercice du droit d’amendement,…
M. Patrice Gélard. On ne le nie pas !
Mme Catherine Tasca. … c’est véritablement nier le rôle du Parlement.
Vous l’avez nié, monsieur le doyen…
M. Patrice Gélard. Non !
Mme Catherine Tasca. … puisque vous prétendez que seuls les amendements pris en commission sont intéressants et donc recevables.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est offensant pour vos collègues, monsieur Gélard : s’ils ont envie d’adopter un amendement, ils en ont le droit !
Mme Catherine Tasca. Nous nous sommes donné une année d’exercice pour juger du fonctionnement de notre assemblée à partir de ces nouvelles dispositions.
Si la majorité avait la tentation d’interpréter le nouveau règlement comme une limitation du droit d’amendement pour l’opposition, lorsque nous en viendrons à évaluer nos nouvelles conditions de travail, nous serions amenés à reprendre notre liberté par rapport aux règles nouvelles.
Il est de l’intérêt de tous les membres du Sénat de bien réfléchir à cela et de respecter l’esprit de la réforme d’un règlement qui, pour le moment, est loin de nous prouver qu’il accroît les pouvoirs du Parlement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 263.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Catherine Tasca. Hélas !
Mme Marie-France Beaufils. C’est bien dommage !
Mme la présidente. L'amendement n° 366, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public postal assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables sur l'ensemble du territoire.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Les activités de La Poste ont toujours revêtu un intérêt stratégique et social. En étant, nous ne cesserons de le rappeler, plus de 2 millions à voter en faveur de la tenue d’un référendum, que la majorité continue de refuser, sur la question de son statut, les Français ont témoigné de leur attachement à cette entreprise publique.
Il est, somme toute, assez curieux de voir un parti politique se méfier des électeurs. Quoi qu’il en soit, devant l’entêtement du Gouvernement à passer outre les craintes populaires, nous tenons à ce que le projet de loi rappelle clairement certains principes.
À cet égard, il nous semble nécessaire de bien préciser que les tarifs postaux sont régulés pour que ce qui constitue l’essence même du service public soit maintenu. Notre recommandation porte sur deux points : la péréquation des tarifs et leur caractère abordable.
Premièrement, la péréquation est une nécessité. Chacun le sait, pour un opérateur, l’acheminement d’une lettre n’a pas le même coût, selon qu’elle est distribuée dans l’Aude, l’Hérault, la Drôme ou en plein centre de Paris. L’accessibilité du territoire et la densité de la population font que certaines zones sont nécessairement plus rentables que d’autres.
Permettez-moi tout de même de rappeler que, aux termes de l'article 1er de la Constitution, la France est « une République indivisible ». Si l’on ajoute le principe de continuité territoriale, alors une lettre doit pouvoir circuler en tout point de notre territoire pour le même coût, afin que l’égalité des citoyens ne soit pas un vain mot. C’est là un principe fondamental de notre République, et il nous importe qu’il figure dès les premières lignes du projet de loi.
Puisque le Gouvernement a décidé de livrer La Poste à l’exigence de rentabilité, nous souhaitons instaurer suffisamment de garde-fous pour empêcher le délitement de la qualité du service et de ses valeurs.
Deuxièmement, La Poste doit fournir un service abordable, afin que l'ensemble de nos concitoyens puisse en bénéficier.
La votation citoyenne organisée le 3 octobre dernier l’a rappelé, La Poste est l’affaire de tous. Nous devons faire en sorte qu’elle puisse le rester. Il faut garantir aux Français qu’ils pourront à l’avenir avoir facilement accès au service postal.
Cela suppose, notamment, que le prix du timbre ne grimpe pas en flèche, comme on a pu le constater dans de nombreux pays ayant privatisé l’entreprise nationale chargée du courrier.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise donc à protéger les citoyens et les consommateurs. Non, la concurrence ne conduit pas nécessairement à une réduction des prix. Nous pourrions citer de nombreux exemples qui prouvent le contraire.
Aussi est-il de notre devoir de tout mettre en œuvre pour que les Français ne soient pas les grands perdants de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mon cher collègue, cet amendement est satisfait tant par l’état du droit actuel que par les dispositions du projet de loi. D'ores et déjà, les tarifs du service universel sont uniformes sur le territoire et doivent demeurer abordables.
En effet, l'article 13 du texte prévoit : « Les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain. »
Par ailleurs, l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques précise : « Le service universel postal [est offert] à des prix abordables pour tous les utilisateurs. »
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Courteau, l'amendement n° 366 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Exceptionnellement, nous allons dire que nous avons été convaincus par les propos de M. le rapporteur, mais pas par ceux de M. le ministre, qui a été bien bref ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Nous retirons donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 366 est retiré.
L'amendement n° 368, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d'aménagement du territoire.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement a pour objet de rappeler que l'aménagement du territoire est considéré comme une « exigence essentielle » – pour reprendre la terminologie européenne – depuis la première directive postale de 1997. En effet, selon le point 19 de son article 2, complété par la troisième directive postale, l’aménagement du territoire constitue l’une des « raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation des services postaux ».
Le fait d’inscrire cette notion dans le projet de loi, avant même l'article 1er, permettrait de s’assurer que le Gouvernement souscrit bien à cette exigence.
Monsieur le rapporteur, le 30 avril dernier, à la suite de la demande de plusieurs de nos collègues d’une directive-cadre pour les services d'intérêt général formulée à l’occasion d’un débat sur une proposition de résolution européenne, vous aviez vous-même reconnu ceci : « Les services publics réduisent les inégalités de fait en apportant à chacun la possibilité d’obtenir des soins, d’éduquer ses enfants, de se déplacer pour un coût raisonnable. Une société pourvue de services publics efficaces bénéficie d’un point d’accroche lors des crises économiques.
« J’ajouterai – j’y suis particulièrement sensible en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale – que seule l’intervention des pouvoirs publics, notamment la péréquation, peut assurer à chacun un accès aux services de poste et de télécommunications, même pour celui qui est situé dans un territoire isolé ou socialement défavorisé, sans jamais dissocier les deux. »
Les services d'intérêt général ont donc des spécificités qui doivent être prises en compte. C’est ainsi que la Confédération européenne des syndicats estime que « des dispositions devraient être prises avant de décider de libéraliser des secteurs essentiels comme le secteur postal, afin de préserver la cohésion économique et sociale de l'Union européenne ».
Or, lors de l'examen de la proposition de troisième directive postale, l’UNI-Europa Poste, qui représente les syndicats postaux de tous les États membres, soit plus d’un million d’employés sur un effectif total de 1,6 million, a bien noté un déficit d’analyse et d’évaluation de l’impact économique et social et des effets sur l’emploi de la réduction du secteur réservé, et ce à chaque étape du processus, et a regretté que « les études retenues par la Commission pour arrêter ses propositions ne se [soient] pas intéressées aux répercussions sur la cohésion sociale et territoriale ni à l’emploi ».
Personne ne peut accepter que l'aménagement du territoire fasse finalement les frais à la fois de la troisième directive postale et de ce projet de loi. De la même façon, nous ne saurions tolérer un nouveau transfert de charges sur les collectivités.
L’exigence d’une directive-cadre pour les services d'intérêt général est, à ce titre, pleinement d’actualité.
Monsieur le ministre, vous vous dites réellement attaché, comme nous le sommes nous-mêmes, non seulement à la préservation des services publics, mais aussi à leur promotion : eux seuls peuvent garantir la solidarité et la cohésion sociale et territoriale. Vous vous devez donc d’encourager officiellement les États membres à donner vie à la nouvelle base juridique autorisée à cette fin par le traité de Lisbonne. Se saisir des nouvelles possibilités offertes par ce texte, qui devrait très prochainement entrer en vigueur, constituerait un symbole fort pour l'ensemble des citoyens européens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Madame Alquier, cet amendement tend à préciser que le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences de l’aménagement du territoire. Comment ne pas approuver une telle disposition ?
Or, La Poste contribue déjà, par son réseau, à l’aménagement du territoire. Cette mission de service public est d’ailleurs – je prends M. le ministre de l'espace rural et de l’aménagement du territoire à témoin – renforcée dans le texte adopté par la commission, qui me paraît suffisamment explicite pour répondre à votre préoccupation.
Point n’est besoin de se répéter, et je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Daniel Raoul. À quel article faites-vous allusion ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. En mettant notamment en avant le service universel postal, le projet de loi initial prenait déjà en compte les critères d’aménagement du territoire et d’accessibilité, plus précisément à l'article 2 pour répondre à l’interpellation de M. Raoul.
La commission de l’économie du Sénat est allée encore plus loin, puisqu’elle a adopté, avec l’accord du Gouvernement, un amendement visant à prévoir 17 000 points de contact de La Poste sur le territoire français.
Par conséquent, madame la sénatrice, votre amendement est pleinement satisfait, même si je comprends que vous l’ayez déposé et que vous souhaitiez en discuter. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. Jean Bizet. Voilà qui est bien dit !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Pour une fois qu’une directive européenne comporte un élément très positif – je fais référence, bien sûr, à la prise en compte de l’aménagement du territoire comme l’une des exigences essentielles pouvant amener un État membre à imposer une certaine organisation pour la prestation de services postaux –, pourquoi diable la commission et le Gouvernement n’acceptent-ils pas de l’énoncer en chapeau du projet de loi ?
Je constate d’ailleurs que M. Mercier, l’un de nos anciens collègues, se pose la même question et semble être d’accord avec moi sur ce point.
M. Michel Teston. Très franchement, je ne vois pas les raisons qui justifient de ne pas inscrire dans le texte que le « service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d’aménagement du territoire ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, nous avons vraiment de la chance de vous compter parmi nous cet après-midi !
L’idée générale, c’est que nous sommes tous favorables à l’aménagement du territoire. Mais là où tout se complique,…
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est quand il faut de l’argent !
M. Jean Desessard. … c’est effectivement quand la collectivité doit payer.
M. Jean Desessard. Il faut en effet assurer le service public, même quand il n’est pas rentable. Parce qu’il est utile, parce qu’il permet d’éviter la désertification rurale et de maintenir une présence humaine dans les villages, la collectivité doit faire un effort financier.
Monsieur le ministre, selon vous, nous devrions être satisfaits. Sans doute allez-vous me dire que je suis exigeant, mais pourriez-vous nous satisfaire davantage encore ? (Exclamations amusées.)
M. Michel Charasse. Satisfait ou remboursé !
M. Jean Desessard. Nous serions rassurés si vous pouviez prendre l'engagement de prévoir, dans les années à venir, les moyens nécessaires pour maintenir des bureaux de poste à part entière plutôt que d’installer des « points poste » chez les commerçants. Car ces derniers n’assureront, tout au plus, que deux ou trois des dix-sept tâches que remplit actuellement un bureau de poste.
Si vous aviez pu, grossièrement bien entendu et sans entrer dans le détail des 17 000 points de contacts, auquel cas nous risquerions d’être encore là dimanche, nous communiquer l’ensemble des moyens que votre ministère compte obtenir de La Poste pour maintenir, dans le cadre de l’aménagement du territoire, cette présence postale, nous serions davantage rassurés. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Pour être agréable à M. Desessard, ainsi qu’à l’ensemble de ses collègues, je veux rappeler que les obligations d’aménagement du territoire, qui s’appliquent spécifiquement à La Poste, et non aux autres opérateurs, sont incluses dans la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom. Nous les reprenons dans l’article 2 du présent projet de loi, mais elles sont déjà inscrites dans la loi.
C’est pourquoi l’amendement est satisfait. Je vous demande donc, madame Alquier, de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. L’aménagement du territoire est extrêmement important et le rôle qu’occupe La Poste dans ce domaine est prépondérant. La desserte des hameaux, en particulier, est essentielle, car la France ne peut pas vivre avec des zones complètement dépeuplées et délaissées.
Comme je l’ai déjà dit, je connais des personnes qui prennent des abonnements dans le seul but de voir le facteur : celui-ci leur apporte, non seulement le journal, mais aussi de la vie. En effet, le pire pour certaines personnes âgées et isolées, ce n’est pas la solitude, mais l’isolement.
Je suggère donc plutôt un élargissement des activités de La Poste. Après tout, c’est bien ce qu’elle a fait en devenant une banque postale : la banque des pauvres, d’ailleurs ; des gens qui ne sont pas clients des banques ; des personnes âgées qui, dans les campagnes, ont l’habitude de faire appel à elle pour ouvrir un livret.
Pourquoi le facteur ou le préposé de La Poste, qui se rend dans chaque hameau, dans chaque maison, ne pourrait-il pas assurer en même temps le portage des repas ? Pourquoi ne pourrait-il pas apporter de tels services supplémentaires ? Cette idée a déjà été proposée et je crois qu’elle correspond bien à la notion de vivre ensemble, de lien social.
M. René-Pierre Signé. Pour cette raison, nous tenons absolument à maintenir une présence postale, en tous lieux et tous les jours.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. La notion d’aménagement du territoire se situe réellement au cœur de nos préoccupations. Cela ne fait aucun doute ! Dans cet hémicycle, nous sommes tous convaincus de son importance, tant dans les secteurs urbains, dans les villes, que dans le monde rural et dans nos villages – nous sommes nombreux, ici, à représenter de petites communes. Nous sommes également tous convaincus du rôle indispensable que La Poste peut jouer dans les territoires ruraux.
M. le ministre et M. le rapporteur nous ont apporté des assurances, notamment en évoquant les dispositions de la loi du 2 juillet 1990, quant à la prise en compte de cette notion d’aménagement du territoire.
Nous sommes aussi particulièrement sensibles à l’importance de la présence humaine. Même si, malheureusement, notre société évolue beaucoup dans le virtuel, La Poste montre l’exemple dans ce domaine. Ses agents méritent donc aussi beaucoup de respect et de reconnaissance.
Quoi qu’il en soit, je crois que nous pouvons nous fier à la réponse de M. le ministre : la notion d’aménagement du territoire, à laquelle nous accordons tous, ici, une importance certaine, est bien prise en compte dans ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous allons soutenir avec ardeur l’amendement n° 368, présenté par le groupe socialiste, dans la mesure où il se réfère aux exigences d’aménagement du territoire. Ce sont des exigences auxquelles nous sommes particulièrement attachés, notamment en cette période où le Gouvernement s’apprête à dynamiter les communes et les départements dans un projet de loi dit « de réforme territoriale ».
Je ne veux pas opposer les ruraux et les urbains, qui sont complémentaires. Toutefois, ce pays compte 20 % de ruraux qui souffrent chaque fois que de beaux messieurs de La Poste viennent nous rencontrer, nous, les élus de ces populations, pour annoncer des fermetures progressives de bureaux de poste : d’abord le mercredi matin, puis le mardi après-midi… Malheureusement, les commissions départementales ne peuvent absolument pas peser sur ces choix, qui sont imposés.
Ce matin, nous parlions de référendum. Sur ce sujet particulier de l’aménagement du territoire, il y a vraiment lieu d’organiser un référendum. Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, nous pourrions même regrouper les deux sujets. Cela serait certainement intéressant : il suffirait de prévoir deux cases à cocher !
Vous êtes effectivement en train de faire sauter l’héritage de 1789, l’héritage de nos communes, de nos départements.
Au cours de ce débat, certains sont remontés à Louis XI. J’irai moins loin, s’agissant de l’aménagement du territoire. Néanmoins, mon attachement à ce sujet est d’autant plus fort que c’est un député des Côtes-du-Nord, département aujourd’hui dénommé les Côtes-d’Armor, qui s’est battu, entre 1839 et 1847, pour l’adoption du tarif postal unique. Celui-ci a été adopté en 1848. À l’époque, le timbre-poste n’existait pas encore ! Ce député des Côtes-du-Nord, élu sans discontinuité de 1834 à 1846, s’appelait Alexandre Glais-Bizoin et, quand il est décédé, en 1877, il était toujours conseiller municipal de la ville de Saint-Brieuc.
C’est vous dire, mes chers collègues, tout l’attachement que nous portons au principe d’un traitement égalitaire – il y a bien écrit « Égalité » quelque part sur les frontons de nos mairies ! – de l’ensemble de nos citoyens par ce grand service public qu’est La Poste.
Voilà pourquoi nous soutiendrons et voterons cet amendement ! Cette notion, essentielle, risque malheureusement de disparaître car nous voyons bien quel sera le profil de La Poste de demain. Il y aura de grands paquets de boîtes aux lettres au bout des routes de nos hameaux. Comment les personnes âgées feront-elles, dans ces conditions, pour aller chercher leur courrier ? Il y aura aussi des tarifs encore plus différenciés qu’aujourd’hui. Certes, il existe différents tarifs, envoi lent ou envoi rapide, et des tarifs pour les entreprises. Il n’empêche que, demain, les personnes éloignées des bureaux de poste devront payer plus cher.
Voilà, messieurs les ministres, ce que vous qualifiez de modernisation. Eh bien non ! Avec ce projet de loi, vous êtes en train de faire voter un véritable recul de société ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je viens de vérifier les références qui ont été données par M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.
Je suis navré, monsieur Mercier, mais il n’y a aucune trace d’une mission d’aménagement du territoire, ni dans la loi du 2 juillet 1990 – je parle bien de la loi, et non d’un code des postes et des communications électroniques – ni dans l’article 2 du projet de loi débattu aujourd’hui.
Certes, ce dernier fait apparaître toute une série de missions de service public, dont « le service universel postal » ou encore « la contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire ». Mais il est bien fait mention d’une contribution au travers du réseau postal, et nullement d’un service public d’aménagement du territoire, ce qui devrait être la mission de base de La Poste.
Je trouverai donc tout à fait normal que, au moment où nous évoquons tous, les uns et les autres, le rôle de service public de La Poste, cette mission d’aménagement du territoire soit inscrite en préambule des articles. Cela ne mangerait pas de pain et nous pourrions même obtenir un consensus sur cette mission de La Poste ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si vous souhaitez des références précises, monsieur Raoul, je vous rappelle les dispositions de la loi du 2 juillet 1990, dans son article 6 : « Dans l’exercice de ses activités visées à l’article 2 de la présente loi, La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel au titre des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques et dans le respect des principes fixés à l’article 1er de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Pour remplir cette mission, La Poste adapte son réseau de points de contact, notamment par la conclusion de partenariats locaux, publics ou privés. »
Nous sommes en train d’examiner des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er….
M. Daniel Raoul. Exact !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. … et, comme le savent ceux qui ont suivi, en commission, l’évolution du projet de loi, un certain nombre des points évoqués ici seront satisfaits au fur et à mesure de la discussion des articles.
Je vous demande donc simplement, mes chers collègues, de faire preuve de confiance à mon endroit ! Sur des sujets aussi essentiels que celui que nous évoquons, nous pourrons avoir un débat, mais cela se fera à l’occasion de l’examen d’articles ultérieurs. Ces discussions trouveront mieux leur place, me semble-t-il, dans le déroulement ultérieur de nos travaux, ce qui permettra éventuellement d’enrichir la loi avec des propositions de l’opposition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On commence à être sérieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour, pour explication de vote.
M. Simon Sutour. Je ne sais pas si mes collègues souhaitent répondre à la proposition que M. le rapporteur vient de formuler. Pour ma part, je suis surpris et choqué par les propos qui sont tenus !
On nous dit : nous sommes tous d’accord sur le fait que La Poste doit contribuer à l’aménagement du territoire. M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire nous signale que cette disposition est prévue dans la loi du 2 juillet 1990, mais il y a débat sur le contenu de cette loi. M. le rapporteur, quant à lui, nous indique qu’elle figure dans le projet de loi que nous allons voter. Il n’y aurait donc pas de problème et, sur le fond, nous serions tous d’accord.
Je prends à témoin l’ensemble de nos collègues, sans faire de distinction entre les représentants de départements ruraux ou urbains – le mien est à la fois urbain et rural : l’inscription d’une telle mention dans la loi n’est pas d’une efficacité considérable ! Quand nous parcourons nos communes et nos cantons, on ne cesse de nous saisir pour des bureaux de poste qui ferment une demi-journée, puis une autre. C’est un lent équarrissage !
Vous avez peut-être raison formellement, monsieur le rapporteur. Ne m’étant pas penché sur le contenu complet, exact, détaillé, exhaustif de cette loi du 2 juillet 1990, je n’en sais rien. Je vous fais donc confiance, puisque vous manifestez un grand intérêt pour La Poste et l’aménagement du territoire.
Mais, franchement, mes chers collègues, qui peut le plus peut le moins ! Si cela ne vous pose pas de problème sur le fond, acceptez donc notre amendement !
Sinon, vous revenez à la position que notre collègue Patrice Gélard a défendue et qui m’a choqué. Celui-ci semble estimer que tout est réglé, qu’il y a une majorité, que les commissions ont déjà délibéré et que, par conséquent, nous pouvons faire toutes les propositions que nous voulons, chanter,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Danser !
M. Simon Sutour. … le débat continuera. Moi, je dis « non » !
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, faites preuve d’ouverture et la discussion sera plus rapide ! Je tenais à insister sur ce point, et j’en ferai part aux élus de mon département.
Mes chers collègues, si cet amendement, qui permet d’enfoncer le clou s’agissant de l’obligation pour La Poste de contribuer à l’aménagement de nos territoires, notamment dans les zones rurales et de montagne, n’est pas adopté, chacun devra prendre ses responsabilités et les assumer devant nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le rapporteur, nous avons bien entendu les engagements que vous avez pris en ce qui concerne l’article 2. Vous avez parlé de confiance, mais nous restons vigilants et maintenons notre amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 354, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un moratoire est instauré sur l'entrée en vigueur de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement a pour objet d’instaurer un moratoire sur l’entrée en vigueur de la troisième directive postale du 20 février 2008, qui, par son article 7, interdit désormais aux États membres d’accorder ou de maintenir des droits exclusifs et spéciaux dans le secteur postal.
Or, avec l’arrêt Corbeau du 19 mai 1993, la Cour de justice des communautés européennes a étudié le droit exclusif de collecter, de transporter et de distribuer le courrier confié par la loi belge à la Régie des postes. Elle a admis que l’article 90 du traité permet aux États membres de conférer à des entreprises, qu’ils chargent de la gestion de service d’intérêt économique général, des droits exclusifs susceptibles de faire obstacle à l’application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence sont nécessaires pour assurer l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à ces entreprises.
D’autres arrêts rendus depuis lors, comme Commune d’Almelo du 27 avril 1994 et International Mail Spain du 15 novembre 2007, vont dans le même sens.
Cette jurisprudence constante n’a empêché ni l’adoption de directives soumettant les services d’intérêt général à la loi du marché ni une interprétation très libérale des directives sectorielles par la Commission.
Dans le cas de la troisième directive postale, aucune étude préalable n’a été menée, ni de la part de la Commission européenne ni de la part du Gouvernement, sur la portée de cette jurisprudence qui vient conforter, sur le plan juridique, la nécessité économique et sociale du maintien du secteur réservé comme option laissée aux États membres pour financer le service universel postal.
Dès lors, il nous paraît indispensable de demander un moratoire sur l’entrée en vigueur de la troisième directive postale et de contester le bien-fondé du projet de loi, qui vise à la transcrire, en attendant que la preuve soit faite que les droits exclusifs et spéciaux ne peuvent être invoqués dans le cas présent pour préserver le secteur réservé postal. Nous souhaitons que le Gouvernement prenne en compte notre demande et se rapproche d’autres États européens pour obtenir l’instauration d’un moratoire. Dans un contexte marqué par une profonde crise économique, financière et sociale, il devrait trouver des alliés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Teston, la France a déjà obtenu – nous y avons contribué tous les deux – que l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal soit repoussée de deux ans. Il n’est plus raisonnable de suspendre encore l’entrée en vigueur d’une mesure dont le principe a été accepté par notre pays il y a plus de dix ans.
Je vous rappelle que nous évoquerons les questions liées à cette directive dans le cadre du titre II. Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, il me semblerait plus judicieux de rouvrir la discussion de certains amendements portant articles additionnels avant l’article 1er au moment de la discussion des articles auxquels ils se rattachent. Nous pourrons à ce moment-là avoir un débat qui nous permette de trouver des compromis sur des questions essentielles. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur. Cette série d’amendements n’est pas inintéressante, loin s’en faut. Mais, en toute logique et pour conserver au texte sa cohérence, nous devrions en débattre lorsque les articles auxquels ils se réfèrent viendront en discussion.
Sur la directive, dois-je rappeler que le processus a été engagé avec la première directive du 18 décembre 1997 pour s’achever avec la troisième directive de février 2008. La France s’est battue pour obtenir le report de deux ans de l’entrée en vigueur de cette directive, qui interviendra non plus au 1er janvier 2009, mais au 1er janvier 2011.
Monsieur Teston, à mon tour, je vous demande de retirer votre amendement pour que nous revenions sur ce débat au moment où la transcription de la directive en droit français sera évoquée.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Madame la présidente, l’amendement de M. Teston est très intéressant même s’il est à mon sens mal rédigé parce qu’il ne répond pas à l’objectif poursuivi.
M. Teston, et il a raison, nous a montré que les directives doivent être appliquées conformément aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Or, ce n’est pas ce qui est dit.
C’est la raison pour laquelle, je propose de rectifier l’amendement en le rédigeant ainsi : « Les directives postales de 1997, 2002 et 2008 s’appliquent sous réserve des décisions contraires de la Cour de justice des Communautés européenne ». Là, c’est beaucoup plus clair. Cela signifie que la partie des directives qui contrevient aux décisions de la Cour n’est pas opposable à la France.
Un tel dispositif serait préférable à un moratoire qui n’est qu’une suspension provisoire et n’ôte pas l’illégalité.
M. Christian Estrosi a évoqué le calendrier il y a un instant et le fait que la France a obtenu qu’on repousse l’entrée en vigueur de la directive. « Encore une minute, monsieur le bourreau », disait Mme du Barry, mais elle a tout de même fini par y laisser la vie ! Je voudrais qu’il m’indique avec précision quels sont les articles de son texte qui permettent à La Poste de faire ce que les arrêts cités par M. Teston permettent de faire au regard des traités. J’ai beau regarder son texte, je n’en ai pas trouvé.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. L’argumentation de Michel Charasse n’est pas inintéressante. Cela étant, la formulation qu’il retient conduit à donner à la France le pouvoir de décider seule de ne pas appliquer un certain nombre de directives européennes. Ce n’est pas la meilleure façon de traiter la question. Il vaut mieux, me semble-t-il, se retrancher derrière les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes pour demander, dans le contexte économique difficile actuel, un moratoire avec l’aide d’autres États européens.
Nous pourrons alors engager à nouveau une vraie négociation. Entre nous, maintenir le secteur réservé qui ne représente plus qu’un peu moins de 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis ne paraît pas anormal. Je préfère donc la solution que nous avons retenue, tout en respectant celle de Michel Charasse, qui présente tout de même, à mon sens, d’extrêmes difficultés d’application.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. J’ai bien noté que M. Teston n’était pas favorable à la demande de rectification de son amendement.
Je réitère ma proposition de renvoyer le débat au bon moment, c’est-à-dire lors de la discussion du titre II relatif à la transposition de la directive européenne. Nous solliciterons l’avis du Gouvernement qui, en fonction de ce qui a été dit, peut peut-être envisager d’examiner, avec la commission, une rédaction qui serait acceptable pour résoudre le problème de principe posé par M. Teston.
Mes chers collègues, je vous rappelle tout de même, à toutes fins utiles, que la France ne pourrait décider seule et de sa propre initiative de suspendre la mise en œuvre d’un accord décidé au niveau communautaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. J’ai bien écouté M. Teston, mais je me rends à l’argument de forme du rapporteur. Puisqu’il y a en quelque sorte une clause de revoyure au titre II, qui comporte des dispositions relatives à l’application par la France des directives dont nous parlons, je reprendrai mon argumentation à ce moment.
Par conséquent, je retire ma demande de rectification mais je persiste à penser qu’il faut bien qu’apparaissent dans la loi, à un moment où à un autre, les décisions de la Cour de justice qui sont favorables à nos thèses et au maintien du service public. Or, pour le moment, cela n’y est pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous sommes dans une situation nouvelle quelque peu particulière, qui peut justifier le maintien du secteur réservé. La crise dans laquelle nous sommes plongés devrait nous amener à nous interroger plus avant sur les conséquences de nos décisions.
Par ailleurs, comme le rappelait ma collègue Évelyne Didier tout à l’heure, la situation des autres pays européens apporte la démonstration d’une attente différente de leur part en termes de mise en œuvre des directives européennes sur le service postal s’agissant de la mise en concurrence.
Ces deux arguments doivent être entendus. Je rappelle qu’un tel débat a cours aujourd'hui en Angleterre et qu’on assiste à des actions des postiers.
Je le répète, la possibilité de prolonger, voire de maintenir à terme, un secteur réservé doit être fermement débattue.
J’ai lu d’ailleurs que certains pays européens regrettaient que la France n’ait pas sollicité un nouveau report de l’entrée en vigueur de la directive.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez invités tout à l’heure à regarder l’article 17 concernant les prix. Après l’avoir relu, je peux vous dire que je n’y ai pas trouvé de réponse à nos interrogations. Je cherche chaque fois à me référer à vos arguments, mais ils se révèlent bien légers.
Cet amendement conforte donc notre proposition précédente, qui visait à demander la renégociation des directives européennes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. J’ai entendu les propositions de M. le rapporteur et celles de M. le ministre. Je leur pose donc la question très clairement afin que leur réponse figure au compte rendu intégral : peuvent-ils s’engager à ce que nous réexaminions cet amendement au titre II ?
Si oui, mais seulement à cette condition, j’accepterai de retirer mon amendement pour le représenter lorsque nous aborderons la suppression du secteur réservé, c’est-à-dire au titre II du projet de loi. Mais j’aimerais être sûr que l’on ne nous opposera pas le délai limite pour le dépôt des amendements.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non, il suffit que vous rectifiiez votre amendement pour l’affecter à l’article concerné du projet de loi : quoi qu’il arrive, nous l’examinerons.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Teston, je vous confirme que le Gouvernement est favorable au réexamen de votre amendement rectifié. À cette occasion, nous examinerons également la proposition de M. Charasse.
Monsieur Charasse, vous m’avez interrogé tout à l’heure. Qu’il me soit permis de vous préciser que les arrêts auxquels vous faisiez référence ont été rendus antérieurement à la troisième directive postale.
M. Michel Charasse. C’est l’application du traité !
M. Christian Estrosi, ministre. Certes, mais ce sont des arrêts qui ont été rendus avant la troisième directive.
Mme la présidente. Que décidez-vous, monsieur Teston ?
M. Michel Teston. Je rectifie l’amendement n° 354.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 354 rectifié, qui viendra en discussion lors de l’examen du titre II.
L'amendement n° 369, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l'accès universel à des services locaux essentiels.
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. La troisième directive postale, dont ce projet de loi transpose certaines dispositions, a au moins le mérite de rappeler, dans son exposé des motifs : « Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l’accès universel à des services locaux essentiels. »
Toutes les grandes associations françaises d’élus locaux avaient estimé nécessaire de rappeler, en juin 2007, à la veille de la première lecture de la troisième directive au Parlement européen, que « les services postaux, de par leur maillage territorial, constituent un service public essentiel pour la vitalité des territoires et un véritable vecteur de cohésion sociale ».
Les élus locaux ont également insisté sur le caractère impératif du maintien de ce service public « sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones rurales éloignées et les quartiers urbains sensibles ». Ils ont également ajouté que « le rôle crucial des services postaux justifie de prendre le temps de mieux considérer les conséquences et les moyens de l’ouverture totale à la concurrence ».
Le rapport de Markus Ferber, adopté par la commission des transports et du tourisme du Parlement européen le 18 juin 2007, estimait qu’il convenait de garantir que l’accès aux services postaux ne se détériore pas – le mot a son importance – dans les régions rurales et périphériques et que la libéralisation ne mette pas en péril la cohésion territoriale.
Or l’ouverture totale à la concurrence du service postal menace la cohésion sociale et territoriale, même si elle est garantie dans le traité.
D’ailleurs, il y a quelque temps, notre collègue Hubert Haenel, qui est absent aujourd’hui, sans doute pour de bonnes raisons, affirmait, dans un rapport sur les services d’intérêt général en Europe, que « les forces du marché » mettent en danger la cohésion. Il ajoutait : « Ces mécanismes présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d’exclure une partie de la population des bénéfices qui peuvent en être retirés et de ne pas permettre la promotion de la cohésion sociale et territoriale. L’autorité publique doit alors veiller à la prise en compte de l’intérêt général. »
L’amendement que nous proposons a pour objet de rappeler la dimension territoriale et sociale permettant l’accès universel à des services postaux essentiels.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Frécon. Je voudrais m’adresser à tous mes collègues, sur quelque travée qu’ils siègent.
Depuis trois jours, nous entendons chacun dire qu’il est pour la dimension territoriale et sociale du service postal. C’est aussi ce que nous disons tous dans nos départements. Dès lors, pourquoi ne pas réaffirmer totalement ce principe en le faisant figurer en chapeau du projet de loi ? Ainsi, la France montrerait son unité vis-à-vis de son service postal.
Pour éviter toute ambiguïté, je rappelle que le texte de cet amendement n’a pas été réécrit par nous. Il n’est que l’exacte transcription, mot pour mot, de l’exposé des motifs de la directive européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Une fois encore, mon cher collègue, cet amendement rappelle des principes qui figurent déjà sous une forme plus précise aux articles 2 et 6 de la loi du 2 juillet 1990, modifiée en 2005, aux articles 2 et 2 bis du présent texte adopté par la commission et, enfin, à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques.
Ainsi, l’article 2 dispose-t-il que les missions de service public sont : « La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l’article 6 de la présente loi ; ».
L’article 2 bis, quant à lui, dispose : « Ce réseau compte au moins 17 000 points de contact répartis sur le territoire français en tenant compte des spécificités de celui-ci. »
Nous aurons donc l’occasion de reparler de cette question au moment de l’examen de l’article 2, notamment.
Il m’appartient cependant de vous dire, à vous qui connaissez bien le sujet, à la fois pour avoir présidé la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF pendant un certain nombre d’années et en tant que membre de la commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, que ce qui figure à la fois dans la loi de 1990, modifiée en 2005, dans le présent projet de loi tel qu’il ressort de nos travaux en commission et dans l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques est de nature à apaiser vos craintes.
Il me semble que votre amendement est redondant. Je vous invite donc à le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je suis d’accord avec M. le rapporteur. Je ne reprendrai donc pas toutes ses explications.
Monsieur Frécon, vous souhaitez ajouter les mots : « Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l’accès universel à des services locaux essentiels ». Or cette phrase figure précisément à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques. En outre, les quatre grandes missions de service public en matière d’aménagement du territoire sont précisées à l’article 2 du projet de loi.
Je veux bien que l’on réfléchisse à la possibilité de faire un copier-coller de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, mais pas à cet endroit du texte, sinon cela l’alourdirait et n’aurait aucun sens.
Mme la présidente. Monsieur Frécon, l’amendement n° 369 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Frécon. Je m’attendais, monsieur le rapporteur, à ce que vous me fassiez une réponse similaire à celle que vous avez donnée à M. Teston et que vous estimiez que ce débat devrait avoir lieu dans le cadre de l’examen de l’article 2.
Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, qu’il n’est même pas besoin d’inscrire cette disposition dans le projet de loi, puisqu’elle figure déjà dans le code des postes et des communications électroniques.
Ce n’est pourtant pas à vous que je vais apprendre la différence entre un code, qui est une affaire interne à la France, et une loi, qui, tout en étant une affaire interne à la France, peut permettre de faire évoluer le système sur le plan européen. C’est pourquoi je crois que cette phrase doit être mise en exergue dans le présent projet de loi afin d’avoir plus de poids vis-à-vis de l’Europe.
Tout à l’heure, M. Mercier nous a incités, en commençant ce débat, à trouver des points qui nous rassemblent. Je pense que ce que nous proposons ici ne heurte personne et que c’est un bon moyen de trouver un consensus dans notre assemblée. C’est important pour le service public de La Poste, qui nous préoccupe tous au plus haut point.
Par conséquent, soit je maintiens cet amendement, soit, si M. le rapporteur en est d’accord, je le rectifie ainsi qu’il en a été fait pour l’amendement n° 354.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Frécon, vous pensez bien que je ne vais pas me contredire en quelques minutes. Je vous répète donc ce que j’ai dit tout à l’heure : il serait plus judicieux d’examiner de tels amendements portant articles additionnels avant l’article 1er dans le cadre d’autres articles.
Je serais donc plutôt favorable à la seconde option.
M. Jean-Claude Frécon. Dans ces conditions, j’accepte de rectifier mon amendement pour qu’il soit discuté à l’article 2.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n ° 369 rectifié, qui viendra en discussion ultérieurement.
L'amendement n° 424, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement de statut de La Poste doit faire l'objet d'un référendum.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, nos craintes demeurant les mêmes, cet amendement a de nouveau pour objet le référendum.
Nous sommes conscients que ce texte n’est pas un projet de privatisation : nous l’avons toujours affirmé. Nous craignons cependant qu’avec le changement juridique et le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme, la porte soit grande ouverte à une possible privatisation.
Parce que nous souhaitons tous défendre le service public, notamment le service public postal, il nous paraît opportun de faire valider ce changement par le peuple souverain. Un référendum devrait pouvoir sanctionner une telle décision de changement de statut de La Poste.
Mes chers collègues, je ne remets pas en cause votre position, quel que soit le groupe auquel vous apparteniez ; je suis convaincu que vous êtes tous favorables au maintien du statut public de La Poste.
M. Hervé Maurey. C’est bien !
M. Didier Guillaume. Nous avons toujours défendu ce point de vue, monsieur Maurey.
Simplement, pour conforter cette position, pourquoi ne souhaiteriez-vous pas, comme nous, que le statut d’EPIC soit conservé à La Poste ? Cela ferait obstacle à sa privatisation et garantirait son maintien dans le domaine public.
Tel est le sens exact de nos propos. Et le débat qui a eu lieu hier soir avec nos collègues MM. Gélard et Teston a bien montré la possibilité de financer les dépenses de fonctionnement d’un EPIC. (Marques de contestation sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, si le fonctionnement de La Poste s’améliorait, peut-être les fonds propres en seraient-ils renforcés et permettraient-ils de financer les investissements.
C’est la raison pour laquelle nous proposons à nouveau, à travers cet amendement n° 424, qu’un référendum ait lieu à l’occasion de chaque changement de statut de La Poste.
Le peuple est souverain, et son avis serait profitable à la majorité comme à l’opposition, car les Français sont majoritairement favorables au maintien du statut public de La Poste. Nous y serions tous gagnants, à moins qu’il n’y ait une arrière-pensée derrière tout cela…
Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention ! Mais il est vrai que, après la transformation de l’EPIC en société anonyme à capitaux entièrement publics, il serait envisageable que la part de l’État ne soit plus que de 50 %, puis de 40 %, ce qui aboutirait à la privatisation de La Poste. C’est ce résultat que nous souhaitons prévenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vraiment, monsieur Guillaume, j’ai l’impression d’avoir été absent ce matin, ou alors je n’ai rien compris ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
En effet, nous avons eu ce matin tout le temps nécessaire pour débattre de la motion référendaire. Celle-ci a fait l’objet d’un vote. J’ai du mal à comprendre qu’on revienne sur cette question : la modernisation de La Poste est urgente, et le recours au référendum ne peut que retarder les échéances en l’absence de solutions alternatives à la transformation en société anonyme. Nous n’allons pas ouvrir de nouveau ce débat par le biais d’amendements !
J’émets donc un avis défavorable. C’est une question de logique, de bon sens ; il y va du bon fonctionnement de notre institution ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Madame la présidente, je vais m’adresser à la Haute Assemblée avec une certaine fermeté.
Il n’est pas concevable de faire, hier, un certain nombre de rappels au règlement pour demander que la discussion sur le fond des articles ne commence qu’après la discussion de la motion référendaire et de revenir aujourd’hui sur cette question.
En effet, le président du Sénat, en accord avec l’ensemble des présidents de groupes, a décidé qu’après examen de la motion référendaire, si celle-ci venait à être rejetée, nous débattrions sur le fond du texte. Évidemment, si elle avait été adoptée, nous ne serions plus là pour discuter de l’avenir de La Poste !
Nous venons d’examiner un certain nombre d’amendements dont les dispositions justifiaient un échange entre les membres de la Haute Assemblée. Toutefois, dès lors que l’on commence à présenter un amendement du type de celui-ci, les soupçons que j’exposais ce matin à cette tribune, en répondant aux intervenants sur la motion référendaire, se trouvent confirmés !
À l’évidence, il y a ici une volonté clairement affichée de faire de l’obstruction au débat qui doit s’engager sur la modernisation de La Poste. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Les Français, comme les postiers, doivent être éclairés.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. On va les éclairer !
M. Christian Estrosi, ministre. Un certain nombre de membres de la Haute Assemblée, en défendant des amendements n’ayant plus lieu d’être puisque le Sénat s’est prononcé de manière souveraine sur la motion référendaire, font clairement obstruction au débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. C’est une provocation !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. La manœuvre n’est guère discrète. Avec M. Estrosi, au moins, on sait où l’on va ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Il vient, à mots couverts, de nous annoncer son intention d’utiliser d’autres méthodes pour brider le Parlement !
Le Gouvernement ne peut pas jouer sur tous les tableaux. On nous a expliqué ce matin qu’un référendum n’était pas nécessaire dans la mesure où le Parlement allait prendre le temps de discuter en profondeur les éléments du texte. On nous a même remerciés d’avoir déposé autant d’amendements, preuve que le Parlement allait prendre son temps dans un débat précis, concret, technique !
Maintenant, on nous fait savoir, de façon très appuyée, que ce débat est stérile et sans fondement, et l’on prend à témoin l’opinion publique pour nous accuser d’obstruction…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui !
M. David Assouline. … et passer en force !
M. Roland Courteau. C’est ça !
M. David Assouline. Nous allons faire preuve de vigilance et de patience et voir quelles sont les intentions du Gouvernement et de la Commission.
Monsieur le ministre, sachez que, malgré des moments d’emportement ici et là, le débat est très approfondi et apprécié par ceux qui l’écoutent ou le regardent.
Nous ne laisserons pas le Gouvernement initier une nouvelle étape et nous saurons la dénoncer par tous les moyens ! Nous aussi, nous savons parler à l’opinion publique ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, vous paraissez avoir des difficultés à appréhender la forte attente qui existe dans le pays. Je souhaiterais en donner des exemples précis, dont vous n’avez probablement pas connaissance.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Nous connaissons aussi bien que vous les communes rurales !
Mme Marie-France Beaufils. La consultation a eu lieu dans de nombreuses communes, qui ne sont pas nécessairement dirigées par des élus de gauche.
Roquefort-des-Corbières, petit village en plein développement démographique situé dans l’arrondissement de Narbonne et le canton de Sigean, par exemple, a organisé la votation citoyenne le 3 octobre 2009. Cette commune compte officiellement 736 électeurs inscrits, dont 336 se sont exprimés lors des élections européennes et 208 ont participé à la votation citoyenne du 3 octobre. Parmi eux, 45 ont voté « oui » à la privatisation, tandis que 162 se sont prononcés négativement. Rien ne justifie donc que l’on refuse ce référendum.
J’attire également votre attention sur le fait que le maire de Roquefort-des-Corbières, M. Christian Théron, est également conseiller général UMP du canton de Sigean.
On pourrait aussi évoquer Gimont, dans le département du Gers (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.), qui compte plus de 2 800 habitants. Le maire de Gimont, M. Pierre Duffaut, a approuvé l’organisation, dans sa commune, de la votation citoyenne qui a mobilisé, dans ce chef-lieu de canton, près de 570 habitants. M. Duffaut est de sensibilité divers droite, tandis que le conseiller général du canton de Gimont, M. Aymeri de Montesquiou, siège sur les bancs de cette assemblée.
On ne peut donc pas affirmer que seules des communes dirigées par des élus de gauche ont estimé nécessaire de consulter la population !
Pour notre part, nous n’avons pas peur de ce référendum. Nous souhaitons que les électeurs soient consultés sur l’avenir d’un service public qui revêt une telle importance dans la vie quotidienne des Français. Il arrive que, dans nos communes, le seul contact humain de certains foyers, soit, une ou deux fois par semaine, celui du facteur !
Or, c’est cette dernière part de l’activité de La Poste qui sera soumise à la concurrence. Elle mérite donc aujourd’hui toute notre attention. Les dispositions de cet amendement entrent tout à fait dans le cadre du débat qui nous occupe.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Avec tout le respect que j’ai pour M. Estrosi et les membres du Gouvernement, il me semble que ce n’est pas le rôle d’un ministre que de décider si tel amendement déposé par un sénateur de la majorité ou de l’opposition doit être défendu !
M. Didier Guillaume. Le Gouvernement ne peut pas nous empêcher de défendre cet amendement sous prétexte que le débat a eu lieu hier. Je rappelle, en outre, que ces amendements ont été déposés bien avant que la motion référendaire ne soit elle-même déposée, débattue et votée !
M. Didier Guillaume. Telle n’est pas ma conception. Certes, la motion référendaire a été rejetée ce matin. Mais permettez-nous malgré tout d’évoquer un sujet aussi important que celui du statut public de La Poste !
M. Didier Guillaume. Rien ne nous empêche, monsieur le rapporteur, de déposer un amendement ! M. le ministre indique qu’il est contre, fort bien ! Je trouve pour ma part que les arguments employés, selon lesquels le débat a déjà eu lieu, sont un peu forts de café !
Je tiens à défendre cet amendement pour souligner de nouveau le risque d’une privatisation qui ne dit pas son nom et parce qu’un petit voyant lumineux nous rappelle que ce texte pourrait bien être annonciateur d’une telle issue pour La Poste.
Rien ne devrait nous empêcher, tous ensemble, sénateurs et citoyens, d’affirmer avec force notre attachement au service public postal !
Vous allez voter contre, sans doute par scrutin public, mais le problème n’est pas là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la démocratie parlementaire !
M. Didier Guillaume. Je tiens simplement à relever que, si le fait de déposer un amendement s’apparente pour vous à de l’obstruction, c’est que vous vous faites une drôle d’idée du travail du Parlement !
Nous avons des convictions, vous avez les vôtres. Elles se rapprochent sur certains points et divergent sur d’autres. Nous avons la volonté de défendre le service public, vous en avez une autre. Pour notre part, nous voulons des garde-fous. Nous voulons être certains que nous pourrons nous regarder dans une glace, dans quelques années, et dire à nos concitoyens que nous ne leur avons pas menti, que La Poste reste un service public.
Monsieur le ministre, si dans cinq ans ou dans dix ans La Poste est encore un service public, nous vous en serons reconnaissants pour l’entreprise publique postale. Simplement, aujourd’hui, nous voulons des garanties. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à une rencontre avec le président du Sénat. Vous devriez laisser au Sénat, à son président et à ses présidents de groupes, le soin d’organiser les débats comme ils l’entendent.
À aucun moment, je vous le précise puisque vous semblez l’ignorer, nous n’avons donné un quelconque accord sur le contenu de la discussion qui suivrait l’examen de la motion référendaire. La rencontre avec le président du Sénat portait sur l’organisation de nos travaux, sur le temps imparti à la motion référendaire et sur la suite de l’examen des articles et des amendements.
Il existe une petite différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat, monsieur le ministre. Ici, nous avons considéré que le droit d’amendement était imprescriptible et que tout sénateur avait le droit de déposer et de défendre sereinement des amendements.
M. Jean-Pierre Bel. Vous devez absolument en tenir compte, monsieur le ministre, car cela conditionne le climat dans lequel vont se dérouler nos débats dans les prochains jours.
Vous nous faites sans cesse depuis hier un procès en obstruction,…
M. Jean Desessard. Depuis le début de l’examen du texte !
M. Jean-Pierre Bel. … comme si vous vouliez conditionner l’opinion publique à l’idée que nos débats sont inutiles, ou en tout cas trop longs. (Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Nous ne sommes pas là pour faire de l’obstruction, nous sommes là pour débattre de questions qui nous concernent tous en tant qu’élus et qui intéressent nos concitoyens. Laissez-nous parler de La Poste, laissez-nous débattre de ce projet de loi et, surtout, ne soyez pas en permanence soupçonneux, faites confiance au débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 424.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Cela recommence !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Pierre Fourcade. Bravo !
Mme la présidente. L'amendement n° 425, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucun changement de statut de La Poste ne peut se traduire par une remise en cause du service public procuré aux citoyens.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. À mon tour, je serai amenée à évoquer le référendum avec cet amendement…
Le projet gouvernemental inquiète, à juste titre, les Français. Ils ont été nombreux à exprimer leurs doutes, voire leurs craintes lors de la votation organisée le 3 octobre dernier. Par cette manifestation citoyenne, ils réclamaient l’organisation d’un référendum sur la question,…
M. Gérard César. C’est une mascarade !
Mme Gisèle Printz. … de manière à pouvoir donner leur avis avec force. Le Gouvernement leur a refusé cette possibilité et s’est entêté à vouloir présenter son texte.
Nous voici maintenant face à un projet court et souvent flou sur des problèmes pourtant essentiels. On ne peut accepter que les peurs de nos concitoyens soient traitées à la légère par leurs élus. La Poste est une entreprise à laquelle les Français sont attachés en raison des missions essentielles qu’elle est amenée à exercer.
La transformation de l’EPIC – établissement public à caractère industriel et commercial – en société anonyme nous pose problème. En dépit des assurances du Gouvernement sur le caractère entièrement public du capital, censé protéger le groupe des vicissitudes du secteur concurrentiel, nous nous interrogeons sur la possibilité de maintenir les exigences du service universel et ce qu’elles impliquent en termes d’effectifs, d’activité et d’engagements.
Nous avons pu constater depuis dix ans que le groupe menait une politique sociale dure conduisant à la réduction des effectifs, à la diminution du nombre de bureaux, à une moindre accessibilité. Le statut louable de l’EPIC n’a pu empêcher ou contrer ces évolutions, celui de société anonyme y parviendra sans doute encore moins, l’entreprise ayant perdu son statut d’exploitant public.
Aussi jugeons-nous fondamental que la loi précise d’emblée à l’opérateur historique qui sera chargé du service universel les attentes économiques et sociales de la puissance publique. Il n’est pas acceptable que le profit et la rentabilité soient les maîtres mots de cette entreprise, parce que ces derniers ne riment pas avec les impératifs de continuité territoriale et d’universalité du service.
L’avènement de la concurrence s’est fait, dans la plupart des pays européens, au prix d’une détérioration des conditions de travail des salariés, d’une hausse des tarifs parfois extrême et d’une perte de l’accessibilité. Le cas de la Belgique est, à ce titre, tristement éloquent.
Nous voulons un service de qualité parce que nos concitoyens méritent une attention particulière. Sachons aujourd’hui verrouiller les évolutions probables du secteur pour éviter de connaître des situations similaires sur notre territoire.
Cet amendement portant article additionnel vise donc à énoncer des évidences qui semblent ne plus en être, des réalités qui n’auraient pas dû cesser d’exister. Cela a un coût, nous le reconnaissons tous, mais l’unité de la République, la solidarité entre nos concitoyens et l’égalité de leur traitement est à ce prix.
La concurrence n’est pas la fin de l’histoire. Le service public, qui constitue à n’en pas douter une part de notre identité nationale, doit rester la pierre angulaire de toute réflexion sur le service postal. En conséquence, le changement de statut de La Poste ne doit pas conduire à une détérioration de la qualité de ses services. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise à préciser qu’aucun changement de statut de La Poste ne peut remettre en cause le service public procuré aux citoyens. Ma chère collègue, en vertu de l’article 2 du projet de loi, les missions de service public de La Poste sont garanties et le resteront.
Je rappelle les termes de cet article :
« La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité.
« I. - Les missions de service public sont :
« 1° Le service universel postal […] ;
« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire […] ;
« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;
« 4° L’accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.
« II. - La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité […] ».
Il ne saurait y avoir de rédaction plus précise et plus claire ! L’article 2 du projet de loi détaille l’intégralité des missions et des activités de La Poste afin de lever toutes les inquiétudes concernant l’organisation du service public.
Cet amendement n’a donc pas semblé utile à la commission, qui a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 425.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie, de l'aménagement du territoire et du développement durable. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Ils sont en train de vous pourrir la semaine, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Rendez-vous dimanche !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 426, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d'un établissement public industriel et commercial.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Certains de nos collègues de la majorité présidentielle affirment que le changement de statut de La Poste, « c’est la faute à l’Europe ». Il est vrai que certaines aides d’État sont incompatibles avec les règles du droit communautaire – c’est notamment le cas de la garantie illimitée de l’État, qui est dans la ligne de mire de la Commission européenne –, même si les autorités communautaires savent parfois faire preuve de souplesse en la matière, comme on l’a vu à l’occasion du renflouement des banques en faillite.
En sa qualité d’établissement public, La Poste n’est pas assujettie aux règles applicables aux sociétés en cas de faillite et d’insolvabilité. Par ailleurs, elle peut obtenir des prêts à des taux concurrentiels. Parallèlement, le droit communautaire autorise certaines aides de l’État quand leur bénéficiaire est chargé d’une mission d’intérêt général afin de compenser les surcoûts qui en résultent.
Et voilà qu’on nous invite aujourd'hui à donner des gages à la Commission européenne. Pourtant, rien dans le droit communautaire ne nous oblige à renoncer au statut d’EPIC, pas même la procédure d’infraction concernant la garantie illimitée de La Poste.
Prenons l’exemple de la transformation du statut d’EDF, qui était un EPIC, en société anonyme détenue majoritairement par l’État. Il s’agit là d’un précédent très instructif. Pour justifier ce changement de statut, le Gouvernement avait alors expliqué qu’il s’agissait de satisfaire aux exigences de Bruxelles et que la garantie illimitée était liée au statut.
Or, selon les termes mêmes de l’ancien commissaire européen chargé de la concurrence, M. Monti, l’octroi d’une garantie de l’État ne posait pas de problème de principe : seul était en cause son caractère illimité, étant entendu que le statut public ou privé d’une entreprise relève de la compétence du législateur national.
À l’occasion de la réunion de la délégation pour l’Union européenne du Sénat en juin 2004, M. Monti avait précisé que la transformation du statut d’EDF, telle qu’elle était prévue par le projet de loi, allait au-delà des exigences de la Commission européenne et qu’elle répondait au libre choix du Gouvernement français.
En laissant entendre que la transformation de La Poste en société anonyme était une exigence de la Commission, certains de nos collègues sont, au minimum, en pleine confusion, pour ne pas dire plus.
Il nous semble donc utile de rappeler que les missions de service public confiées à La Poste justifient son statut d’EPIC.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. De manière extrêmement synthétique, cet amendement prévoit que les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d’un établissement public à caractère industriel ou commercial. Or le projet de loi prévoit, au contraire, la transformation de La Poste en société anonyme – nous avons longuement abordé cette question pendant maintenant trois jours –, ce qui lui donnerait les moyens de continuer d’assurer son service universel. J’ai rappelé il y a quelques instants les termes de l’article 2 du projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, mon intervention vise à faire avancer le débat. (Rires.)
Mme la présidente. Nul n’en doute !
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré hier que c’était M. Bailly lui-même qui avait dit qu’il fallait transformer La Poste en société anonyme. Nous, nous n’y avions pas songé… (Nouveaux rires.) Mais vous non plus !
J’ai donc décidé de me renseigner sur la rémunération actuelle du président de La Poste… (Aïe, aïe, aïe ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pourquoi ces « aïe, aïe, aïe » ? On pouvait supposer que le salaire de M. Bailly allait baisser ! Eh bien, non, vous avez raison, mes chers collègues !
J’ai comparé le salaire d’un directeur d’établissement public et son salaire après transformation de l’établissement en société anonyme. La rémunération actuelle de M. Bailly s’élève à 477 000 euros bruts annuels.
Un sénateur de l’UMP. C’est peu !
M. Jean Desessard. N’exagérons rien ! C’est tout de même une rémunération confortable ! Cela dit, c’est vrai, M. Bailly doit se demander s’il fait vraiment l’affaire à son poste quand il parle avec tel ou tel « collègue » de leurs revenus respectifs. Ainsi, alors que M. Werner était jadis placé en dessous de M. Bailly dans l’organigramme des dirigeants de La Poste, depuis que La Banque postale est devenue une société anonyme, il perçoit aujourd'hui, en tant que président du directoire de ladite banque, 700 000 euros annuels !
Une sénatrice du groupe socialiste. Quelle injustice ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Quant au PDG de France Télécom, il perçoit 1,6 million d’euros, sans les stock-options, soit près de trois fois la rémunération du PDG de La Poste !
Autrement dit, celui qui affirme qu’il faut faire de La Poste une société anonyme est précisément celui qui, dans l’opération, pourrait voir sa rémunération multipliée par trois !
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Jean Desessard. Cela ne mérite-t-il pas qu’on s’y arrête au moins quelques instants ?
Voilà pourquoi je me suis autorisé à dire que mon intervention était destinée à faire avancer la réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 426.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous fait perdre notre temps avec ces scrutins publics !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que, tout comme hier soir, la commission demande systématiquement des scrutins publics. Sans doute craint-elle que les membres de la majorité ne soient pas suffisamment nombreux… (Dénégations sur les travées de l’UMP.)
En tout état de cause, cela nous fait perdre beaucoup de temps !
Au lieu de nous donner des leçons de trotskisme, M. le président du groupe UMP, qui n’est d’ailleurs pas là en cet instant, ferait mieux de s’assurer de la présence des membres de son groupe dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 427, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt économique général.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Au lieu de privilégier la future privatisation du service public postal, il serait novateur de réfléchir à l’avènement d’une nouvelle catégorie d’EPIC, d’un nouveau statut permettant de préserver les particularités de ce type d’établissement tout en respectant les exigences rappelées par la Commission européenne en matière de droit commun.
En conservant un statut similaire, La Poste serait en mesure de préserver son autonomie financière et ne pourrait passer sous la coupe des marchés financiers, l’État ne disposant pas de la propriété du capital de l’EPIC, qui est inaliénable et indivisible.
Cette initiative moderne mettrait l’entreprise postale à l’abri de toute pression d’actionnaires privés et lui permettrait de gérer le service conformément à l’intérêt général.
Si vous souhaitez réellement, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, garantir le statut public de La Poste, comme vous le répétez inlassablement dans les médias, vous n’aurez aucune raison de vous opposer à la remise d’un tel rapport, qui nous permettrait d’explorer de nouvelles pistes en matière de gestion des services d’intérêt économique général.
Vous nous expliquez aujourd’hui que vous êtes dans l’obligation d’opérer le changement de statut de l’entreprise publique postale. Si le rapport remis par le Gouvernement au Parlement permet à terme d’explorer de nouvelles pistes, peut-être reviendrez-vous sur cette décision.
En outre, la remise d’un tel rapport permettrait de redonner des moyens d’action au Parlement, dans un contexte politique fortement marqué par l’hyper-présidentialisation de notre régime.
Loin de nous diviser, le débat relatif aux pouvoirs du Parlement devrait nous unir. Nous sommes tous des parlementaires et nous avons vu nos moyens d’action se réduire depuis le début du quinquennat.
Au sein de votre majorité, certains se sont levés pour protester contre cette dangereuse dérive de l’exécutif. La remise d’un tel rapport constituerait un moyen pour le Parlement de s’emparer de ce débat. Nous devons créer un nouveau statut hybride préservant le statut des EPIC, tout en respectant les exigences rappelées par la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. À mon sens, cet amendement a un caractère général, car il porte sur les structures juridiques relevant globalement de la catégorie des établissements publics. La question est intéressante pour les juristes, et ceux-ci pourraient sans doute l’étudier de manière pertinente, mais il ne me paraît pas envisageable de la traiter lorsqu’il est question d’un seul des établissements visés.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 427.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Décidément, ils veulent nous « pourrir la semaine » ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 428, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est instauré un moratoire sur les suppressions de postes prévues à La Poste.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous assistons depuis plusieurs années à une baisse brutale des effectifs de La Poste. Certes, la direction n’impose pas de plan de licenciement, mais elle procède par non-remplacement de nombreux départs à la retraite. Aujourd’hui, pour deux départs à la retraite, l’entreprise n’embauche qu’un seul contractuel. Après 10 000 suppressions d’emplois en 2007, le dernier bilan social de l’entreprise fait état de 7 000 suppressions en 2008.
Tout laisse penser que, avec le changement de statut programmé, le Gouvernement fait le choix d’accentuer ce processus. D’ailleurs, le 29 juin dernier, le président de La Poste a reconnu dans la presse que « le taux de remplacement pourrait être de un sur trois » en 2009. Il a réitéré de tels propos devant les membres de notre commission, le 7 octobre dernier.
En passant du statut d’entreprise publique à celui de société anonyme, La Poste pourrait suivre la voie désastreuse tracée par ses homologues européens.
Ainsi, la Suède a mis fin au monopole postal en 1993. Depuis cette date, le nombre d’emplois est passé de 72 000 à 38 000,…
M. Roland Courteau. Beau résultat !
M. Jean-Jacques Mirassou. … tandis qu’augmentait en outre la proportion des travailleurs à temps partiel, jusqu’à représenter environ un tiers de l’effectif total.
En Allemagne, Deutsche Post a été privatisé en 2000. Il y avait 26 000 bureaux de poste avant la privatisation, contre 13 000 aujourd’hui, dont la majorité n’est plus constituée que de simples points de vente filialisés, installés dans des supermarchés ou des épiceries. Entre 1992 et 2006, le nombre d’employés est passé de 306 151 à 150 548, sur fond de développement de la sous-traitance. Le démantèlement de la Deutsche Poste s’est accéléré ces dernières années avec la vente des services financiers à la Dresdner Bank et à la Commerzbank. À cette occasion, ce ne sont pas moins de 50 % des effectifs qui ont été supprimés.
Quant à la poste britannique, elle a quasiment fait faillite en 2002. Sa restructuration a coûté 3 milliards d’euros et s’est traduite par la suppression de 30 000 emplois.
M. Roland Courteau. Et voilà un autre joli résultat !
M. Jean-Jacques Mirassou. En 2007, 250 bureaux de poste supplémentaires ont été fermés et la faillite des fonds de pension a mis à mal la retraite des postiers, avec un déficit de 5 milliards d’euros.
Aujourd’hui, certains pays, comme le Japon, reviennent sur la privatisation de leur poste
Dans un contexte de crise économique majeure, marqué par un accroissement du chômage et de la précarité, les auteurs de cet amendement estiment que les entreprises publiques mobilisées pour contribuer au plan de relance doivent jouer ou continuer à jouer leur rôle d’amortisseur en termes d’emploi. À un moment donné, il faut prendre ses responsabilités : on ne peut pas laisser la société se déliter à ce point sans poser des garde-fous sur le plan de l’emploi. Il y va du rôle fondamental du service public.
Faut-il se résoudre à voir La Poste supprimer des emplois en les remplaçant par des contrats d’insertion ? La qualité du service public postal ne doit pas souffrir de cette politique.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il est évident qu’en cautionnant la suppression de milliers d’emplois, en ouvrant la voie de la privatisation de La Poste, vous altérez grandement la notion même de service public postal.
L’instauration du moratoire que nous proposons permettrait de répondre à toutes ces interrogations et de concevoir, enfin, une nouvelle politique de l’emploi, où le salarié ne serait plus seulement perçu comme une variable d’ajustement pour l’entreprise. La nouvelle société anonyme, entièrement publique et dont l’État serait le principal actionnaire, ne devrait-elle pas montrer l’exemple ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La Poste, je le rappelle, est le premier employeur de France après l’État, avec 299 000 emplois – 162 000 fonctionnaires et 137 000 salariés –en 2007, dont 245 000 au sein de la maison mère.
Cela étant, est-ce à la loi de décider de la politique de l’emploi d’une entreprise, fût-elle détenue par l’État et par des personnes publiques ?
La commission ne peut pas donner un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Certes, la loi ne peut empiéter sur le domaine réglementaire. Pour autant, quand elle traite du service public, l’égalité d’accès doit être garantie.
Or, si l’on entre dans une logique qui accélérera la diminution des emplois, le service public ne pourra pas être assuré dans les zones plus ou moins reculées faute d’un nombre suffisant d’agents pour y maintenir les bureaux de poste de plein exercice. Si bien que la dérive constatée, par exemple, au Royaume-Uni et qui voit de plus en plus d’usagers contraints d’aller retirer leur courrier dans une épicerie, parmi les boîtes de conserve, sera également observée chez nous. Cela ne pourra que contribuer à écorner, voire à nier, la conception qui est la nôtre du service public.
Voilà pourquoi cet amendement tend à préserver des emplois tout à fait utiles dans une activité qui l’est tout autant !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 428.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er
Après l’article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :
« Art. 1-2. – I. – La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.
« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État.
« Cette transformation n’emporte pas création d’une personne juridique nouvelle. L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. La transformation en société anonyme n’affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique.
« II. – La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.
« Les premier et quatrième alinéas de l’article L. 225-24 du code de commerce s’appliquent en cas de vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.
« Le premier alinéa de l’article L. 228-39 du même code ne s’applique pas à la société La Poste.
« L'article L. 225-40 du même code ne s’applique pas aux conventions conclues entre l’État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »
Mme la présidente. Mes chers collègues, je demande instamment à ceux d’entre vous qui souhaitent s’exprimer sur l’article 1er de bien vouloir s’en tenir aux cinq minutes qui leur sont imparties.
La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Avec cet article, nous entrons dans le vif du sujet.
Le changement de statut de l’établissement public en société anonyme aura pour conséquence directe le fait que les activités de La Poste et ses personnels se trouveront soumis à une gestion privée.
Or rien dans les textes communautaires ne justifie ce changement de statut. Les traités européens n’obligent pas les entreprises à changer de statut en cas d’ouverture des marchés.
Quant à l’argument selon lequel le statut public serait un frein au développement de La Poste, les opérations réalisées démontrent le contraire : avec ses 102 filiales, l’entreprise a réalisé plusieurs grosses acquisitions, notamment l’achat d’Exapaq, pour 430 millions d’euros, d’Orsid, pour 19 millions d’euros, le partenariat avec la SNCF pour le transport du courrier sur les lignes TGV. Elle est également présente en Espagne, avec Sueur, en Grèce, avec Interatika, en Turquie, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, en Europe de l’Est, en Inde, etc. Elle a multiplié les partenariats financiers : Société Générale, Matmut, Crédit Municipal de Paris.
Ainsi, par sa politique de rachat, ses différents partenariats et ses échanges capitalistiques, elle est déjà présente en Europe, en Océanie, en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Afrique.
Autre argument avancé pour justifier cette privatisation rampante : La Poste ne disposerait pas de capacités suffisantes d’autofinancement et son endettement ne pourrait augmenter. Ainsi, on peut lire dans le rapport de M. Ailleret, qui dès la page 2 précise que son rapport n’engage que lui, que La Poste doit mobiliser « des fonds propres nécessaires à son ambition ».
Mais, si le niveau des capitaux propres de La Poste est trop faible et l’endettement trop élevé, à qui la faute ? Rappelons simplement que La Poste a dû donner 2 milliards d’euros et s’endetter de 1,8 milliard d’euros à titre de « compensation » pour le financement des retraites des fonctionnaires. Rappelons encore que l’entreprise publique a versé un dividende de 141 millions d’euros au titre de l’année 2007. Rappelons enfin que le coût des quatre missions de service public – accessibilité bancaire, service universel, transport-distribution de la presse et aménagement du territoire – pèse près de 1 milliard d’euros sur les comptes de La Poste.
M. Bailly avait demandé dans un premier temps que les 3 milliards d’euros qui manquent à l’entreprise soient recherchés sur les marchés financiers. Évidemment, cette solution a pris du plomb dans l’aile avec la crise financière…
Aujourd’hui, vous nous proposez de faire entrer des personnes morales publiques dans le capital de La Poste, sans jamais nommer la Caisse de dépôts et consignations, soit dit en passant ! Mais personne n’est dupe : ce type de démarche se solde immanquablement par la privatisation des opérateurs visés.
L’État ne peut pas se désengager financièrement de la prise en charge des missions de service public et arguer, ensuite, des difficultés financières de La Poste pour lui administrer le coup de grâce.
M. Ailleret nous parle d’ambition : La Poste aurait besoin, selon lui, « de mener une politique active de développement : élargissement de l’offre, acquisition d’une dimension européenne sur les créneaux pertinents, recherche constante de compétitivité ». Quand on connaît les déboires de TNT ou ceux de la poste allemande aux États-Unis, avec le retrait de DHL, on aurait plutôt tendance à considérer ce rêve expansionniste des dirigeants de l’entreprise publique comme pure chimère !
L’ambition ne devrait-elle pas conduire à trouver des solutions pour moderniser l’entreprise afin d’assurer la qualité du service public, notamment son accessibilité ?
Dans son rapport, M. Ailleret nous exhorte à ne pas perdre de temps, car il considère qu’en Europe et dans le monde les grandes manœuvres ont débuté dans le domaine postal. Dans un sens, il a raison ! La privatisation des opérateurs européens a produit des effets catastrophiques.
Ainsi, la poste allemande est devenue une poste sans bureau de poste : les 850 plus grands bureaux sont devenus des agences bancaires et les opérations postales se font dans les supérettes. La cotation de la Deutsche Post est médiocre et l’entreprise commence à connaître des difficultés à l’international.
Quant au modèle suédois, il est plaisamment qualifié de « moins un tiers » : un tiers d’emplois en moins, un tiers des bureaux fermés ! Et les clients doivent payer pour que leur courrier soit distribué à domicile.
Si l’article 1er était adopté, ne soyons pas dupes mes chers collègues, il se produira à La Poste ce qui s’est passé dans le domaine de l’énergie, des transports, des télécommunications et de la santé : les groupes privés profiteront des investissements à long terme qui ont été réalisés pour construire et entretenir des réseaux, pour promouvoir des savoir-faire.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Odette Terrade. Ces activités, qui relèvent du secteur public, sont devenues des champs de profits possibles avidement convoités par les groupes privés.
Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG défend l’attachement de nos populations au service public et à la protection de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. L’article 1er du projet de loi rendra possible la privatisation de l’exploitant public La Poste : telle est notre conviction.
Le rapport de M. Hérisson explique que la privatisation consiste dans l’intervention de personnes morales de droit privé au sein du capital. Or cette possibilité était offerte par le projet de loi dans la rédaction initiale du Gouvernement : l’article 1er permettait à « des personnes morales appartenant au secteur public » de participer au capital de La Poste. Ainsi, une société anonyme, personne morale de droit privé, aurait pu entrer dans le capital de La Poste. Cela en dit long sur les arrière-pensées du Gouvernement !
Le projet de loi donne également à l’actionnariat salarié la possibilité de détenir 49,99 % du capital de l’entreprise. Selon vous, une telle situation ne constituerait pas une privatisation, mais nous n’avons pas la même lecture.
Cet article prend donc très clairement acte du désengagement de l’État de ses missions de service public : il renforce la politique déjà engagée de fermeture des bureaux de poste de plein exercice et de recours massif aux contractuels – M. le rapporteur l’a d’ailleurs confirmé à l’instant.
Si ce projet de loi est adopté, le statut de La Poste relèvera du droit commun des sociétés. Ainsi, aucun régime spécifique de cession des actions n’est prévu. Par ailleurs, la composition du conseil d’administration va largement déroger à la loi relative à la démocratisation du secteur public. Enfin, l’actionnariat salarié, en plus de ses effets pervers sur les revenus des salariés, notamment en ces temps de crise, revient bien à une privatisation, même si elle n’est que partielle, du capital de La Poste.
C’est pourquoi, lorsque vous nous expliquez la main sur le cœur, monsieur le ministre, que La Poste est « imprivatisable », nous ne pouvons vous croire. Un service public national, cela se caractérise, mais ne se décrète pas ! Or vous dépossédez l’entreprise de ses missions de service public, supprimant, avec ce projet de loi, les caractéristiques qui en font un service public national. Vous tenez donc un double discours.
On peut noter que quelques reliquats de droit public persistent, de manière étrange, dans le projet de loi, mais au détriment des salariés : le président du conseil d’administration est nommé par décret et les salariés contractuels sont soumis aux dispositions de l’article 31 de la loi du 8 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.
Nous saluons votre prudence, monsieur le rapporteur, puisque vous avez souhaité, malgré les promesses de l’ensemble du Gouvernement, apporter des garanties afin que le caractère public à 100 % du capital de La Poste, hors actionnariat salarié, soit mieux inscrit dans la loi. Nous partageons votre analyse lorsque vous écrivez que la rédaction du deuxième alinéa de l’article 1er « a paru ambiguë et insuffisamment précise ».
D’une part, vous avez considéré que la conjonction « ou » utilisée dans cette phrase semblait laisser la porte ouverte à un désengagement de l’État, le capital de La Poste pouvant dès lors appartenir exclusivement à des personnes morales du secteur public autres que l’État. Hélas, le remède proposé, c’est-à-dire le remplacement du « ou » par un « et », nous semble inefficace. Tout d’abord, rien n’interdit que l’État détienne 0,1 % du capital, ce qui revient, vous en conviendrez, à peu près à la même situation que celle que vous souhaitez éviter. Ensuite, le processus de désengagement de l’État est largement engagé, notamment du fait de la non-compensation des charges de service public.
D’autre part, vous avez eu raison de préciser, monsieur le rapporteur, que seule peut entrer au capital de La Poste une « personne morale de droit public », qualification beaucoup plus restrictive que celle de « personne morale appartenant au secteur public ». Cependant, cette nouvelle rédaction ne règle pas la question de la libre cession des actions.
Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez expliqué au cours des auditions que les opposants au changement de statut n’étaient pas en mesure de proposer une autre forme juridique que la société anonyme afin de permettre à La Poste de lever des capitaux sans un nouveau recours à l’endettement. Nous vous renvoyons donc à nos deux propositions majeures : premièrement, le maintien de l’établissement public industriel et commercial, doté des moyens de se moderniser et d’assurer ses missions de service public et, deuxièmement, la création d’un pôle public financier. Je vous indique, monsieur le ministre, que la création de ce pôle financier figure désormais dans nos propositions d’amendement.
Face aux 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, aux 360 milliards d’euros débloqués pour faire face à la crise financière, aux 26 milliards d’euros du plan de relance, comment imaginer que l’État ne soit pas en mesure de trouver les moyens juridiques et financiers d’assurer un bel avenir à ce grand service public postal ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je serai, pour ma part, un peu moins pessimiste que les collègues qui ont parlé avant moi, car je ne fais pas, de cet article, la même lecture qu’eux : je ne crains pas une « privatisation rampante » de La Poste. J’ai conscience des objectifs du Gouvernement et confiance dans le nouveau statut qu’il veut donner à La Poste.
MM. Bruno Sido et Bernard Fournier. Très bien !
M. Claude Biwer. En 1991, lorsque a été créé l’établissement public à caractère industriel et commercial La Poste, en lieu et place de l’ancienne administration des postes, l’État l’a doté de l’équivalent de 3 milliards d’euros de fonds propres. Depuis, La Poste s’est développée avec sa propre capacité de financement et en ayant recours à l’endettement, lequel s’élève à l’heure actuelle à 6 milliards d’euros, ce qui représente 1,7 fois ses fonds propres.
Il est certain que, dans la perspective de l’ouverture totale du marché, La Poste ne peut plus compter que sur elle-même pour assurer son développement. Ainsi, en devenant une société anonyme à capitaux publics, comme le prévoit le projet du Gouvernement, La Poste disposera d’un capital qui lui sera apporté par ses actionnaires, en l’occurrence l’État et la Caisse des dépôts et consignations, soit 2,7 milliards d’euros, à raison de 1,2 milliard d’euros souscrits par l’État et 1,5 milliard d’euros par la Caisse des dépôts. Cet argent permettra à La Poste de réaliser les investissements indispensables à sa modernisation et à son développement, notamment dans le domaine du courrier, dont le bilan se dégrade d’année en année. Il est évident que cette dégradation quantitative aura des répercussions dans le domaine de l’emploi si l’on n’intervient pas.
La campagne qui a été orchestrée pour faire croire à la population et aux élus que le Gouvernement s’apprêtait à « privatiser » La Poste n’était donc pas dépourvue, me semble-t-il, d’une certaine dose de mauvaise foi, car ses auteurs, dont j’ai la faiblesse de penser qu’ils sont intelligents, savaient pertinemment qu’il n’en était rien !
M. Hervé Maurey. Faiblesse que je partage ! (Sourires.)
M. Claude Biwer. En effet, l’objet de ce projet de loi, et notamment de son article 1er, n’est pas la privatisation de La Poste, mais sa transformation en société anonyme à capitaux publics.
Conscients, néanmoins, des inquiétudes suscitées par ce changement de statut, nous sommes un certain nombre de sénateurs du groupe de l’Union centriste à proposer que la part de l’État dans le capital de La Poste ne puisse être inférieure à 51 %, cela dans le but de garantir à long terme l’engagement de l’État.
Toutefois, la solution retenue par notre commission de l’économie, qui a souhaité que le caractère public à 100 % du capital de La Poste, hors actionnariat des personnels, soit mieux précisé dans la loi, me convient parfaitement. Pour ce faire, elle a proposé l’interdiction du désengagement de l’État et précisé que seule une personne morale de droit public pourrait entrer au capital de La Poste.
Je suis persuadé que ces modifications seront de nature à rassurer le personnel de l’entreprise quant à son devenir, mais aussi les élus des collectivités territoriales rurales, qui tiennent beaucoup au caractère public de cette entreprise, ainsi qu’à l’exercice de ses missions de service public et à sa présence territoriale, précisées ultérieurement à l’article 2 du projet de loi.
Telle est, résumée en peu de mots, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’analyse que je fais de l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Il s’agit bien, avec cet article 1er, que nous vous exhortons, chers collègues de la majorité, à repousser avec nous, du cœur du débat.
Cet article prévoit en effet que la personne morale de droit public La Poste serait transformée, à compter du 1er janvier 2010, en une société anonyme. Pour l’instant, faut-il le rappeler, son capital est entièrement public : tous les amendements que nous présenterons viseront donc à la suppression de dispositions qui entérineraient un nouveau statut de La Poste.
Nous pensons que la préservation du statut d’établissement public est essentielle au respect des quatre principes fondamentaux du service public : la continuité, l’égalité de traitement, l’adaptabilité et l’universalité.
Nous voulons que La Poste demeure la propriété collective de la nation. L’actuel statut d’ÉPIC est parfaitement adapté à ses missions et la Commission européenne n’exige absolument pas son changement en société anonyme, notre collègue et ami Michel Teston le dit déjà depuis plusieurs jours, mais nous nous sentons obligés de le répéter constamment ! Dans l’enseignement, on connaît bien la maxime latine repetitio est mater studiorum. Nous rappellerons donc notre conviction profonde en recourant à la pédagogie de la répétition : rien n’impose de changer le statut actuel de La Poste !
Avec le nouveau statut que vous nous proposez, l’ouverture de son capital et la privatisation partielle ou totale deviendront possibles. D’ailleurs, un conseiller du Président de la République n’a pas dit autre chose hier, sur une chaîne de télévision, en rappelant que ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Vous pouvez donc affirmer, monsieur le ministre, en employant un curieux néologisme, que La Poste est « imprivatisable », nous vous répondons, quant à nous, que la privatisation sera tout à fait possible demain, ainsi que vient de le confirmer M. Guaino à la télévision, opposant ainsi étrangement un démenti à vos propos !
Le nouveau statut de La Poste inquiète. Comme de nombreux collègues, j’ai reçu des délibérations de conseils municipaux. La ville de Montbard, par exemple, a pris une délibération s’inquiétant de la privatisation potentielle de La Poste et demandant l’organisation d’un débat public ainsi que d’un référendum. Dans le même ordre d’idée – et cela peut vous intéresser, monsieur le ministre, puisque des entreprises sont concernées –, le conseil municipal de Lacanche, où sont fabriquées des cuisinières de grande renommée, refuse la transformation de son bureau de poste en agence postale communale, transformation envisagée alors que ce bureau réalise un chiffre d’affaires de plus de 100 000 euros grâce aux envois de plis et de colis des entreprises.
Il est donc clair qu’un démantèlement est en cours. Les élus savent que le service public postal, malgré de nombreuses réformes, n’est plus en mesure d’assurer la qualité du service rendu à la collectivité. Ce fait trouve d’ailleurs sa traduction dans les notations internationales : La Poste n’obtient plus qu’une notation « AA ». Cette détérioration résulte de l’incapacité aujourd’hui affichée de l’État de soutenir l’entreprise publique La Poste.
Les citoyens sont échaudés et, désormais, les bonnes paroles ne suffisent plus !
La transformation de La Poste en société anonyme constitue un transfert des droits de propriété d’un EPIC, propriété collective de la nation, propriété de tous les Français, à une société dont le capital social, vous le savez très bien, sera fractionné en actions détenues par différents propriétaires et introduit ultérieurement en bourse, ce qui contribuera à faire baisser la rating de La Poste. On pourra ainsi combler les trous creusés par la dette et réaliser une sorte de privatisation rampante !
Il est indispensable – et ce serait tellement plus judicieux ! – que l’État apporte à cette entreprise nationale les aides nécessaires pour garantir la distribution de la presse ainsi que la présence postale, afin qu’elle ne connaisse plus de problèmes de fonds propres. Nous voulons donc maintenir le statut d’EPIC de La Poste, car elle est la propriété collective de la nation française ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Chacun en convient, l’article 1er, qui vise à transformer l’établissement public La Poste en une société anonyme, est l’article central du présent projet de loi. Il comprend deux volets : le changement du statut de La Poste à partir du 1er janvier 2010 ; la détention du capital de la nouvelle société anonyme par l’État et d’autres personnes morales de droit public.
En premier lieu, et nous le répéterons avec force tout au long du débat, nous rejetons la transformation de La Poste en une société anonyme, car cette transformation ne s’impose nullement : d’une part, la directive européenne n’exige pas une transformation du statut actuel de La Poste ; d’autre part, l’argument selon lequel le développement La Poste exige cette transformation n’est pas fondé.
En effet, son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial n’a en rien compromis son développement international : j’en veux pour preuve le fait que La Poste a noué de nombreux partenariats avec des opérateurs postaux étrangers. En outre, elle a prouvé sa capacité à se développer, notamment avec la création de 102 filiales et la forte progression de sa croissance externe par l’achat d’entreprises dans le monde.
J’ajoute que, en dépit de la situation économique actuelle, l’entreprise publique n’avait jamais réalisé autant de bénéfices que ces dernières années parce qu’elle a su étendre ses activités en ne se limitant pas au pôle courrier. Les résultats du groupe au premier semestre 2009, dans un contexte pourtant peu favorable, ont confirmé le bien-fondé de sa stratégie multi-métiers : la progression des résultats de la Banque Postale, le maintien de la rentabilité du colis et de l’express et les plans d’économie mis en œuvre dès le début de l’année pour faire face à la crise compensent partiellement la baisse de rentabilité du courrier.
Au cours des dernières années, le groupe a consacré 3,5 milliards d’euros à moderniser son réseau, et sans accroître son endettement, qui se situe toutefois à un niveau élevé.
La Poste est donc, quoi qu’on en dise, une entreprise solide, qui a su montrer ses compétences tout en étant confrontée à la concurrence à laquelle les envois de plus de 50 grammes sont déjà soumis.
Enfin, la dette de La Poste est actuellement très bien notée, ce qui lui permet de s’acquitter d’intérêts modestes.
Néanmoins, nous ne le contestons pas, face aux enjeux auxquels elle est aujourd’hui confrontée, La Poste doit renforcer ses fonds propres et se désendetter. Pour cela, il convient que l’État assume enfin ses obligations pour la présence postale et qu’il les assume davantage pour le transport et la distribution de la presse.
En second lieu, l’article 1er indique que « le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public ». Je l’ai déjà dit et je n’y reviens pas, cette formulation ne garantit pas que les actionnaires autres que l’État seront des personnes morales, par exemple des entreprises publiques, dont le capital sera à 100 % public.
Le capital de La Poste doit rester entièrement public si l’on veut lui permettre d’assurer ses missions de service public. Cela suppose que La Poste reste un établissement public à caractère industriel et commercial, ce statut opérant un juste compromis entre l’assurance du maintien du service public et le développement d’une entreprise performante au sein d’un marché désormais entièrement concurrentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Le projet de loi présenté à notre assemblée repose sur plusieurs contrevérités conduisant à une évolution considérable du statut d’une entreprise à laquelle les Français ont récemment montré leur attachement en se mobilisant pour participer à la votation citoyenne.
Les Français ne sont pas convaincus par les affirmations des uns et des autres selon lesquelles le changement de statut n’aura aucune incidence, ni sur l’entreprise ni sur le service public. Ces doutes, nous les partageons parce que nous craignons que ce projet de loi ne soit l’antichambre d’une privatisation. C’est, en tout cas, le chemin qui peut y mener, monsieur le ministre.
Certes, si je dis, par exemple, « je vais te tuer », ce n’est pas la même chose que si je dis « je te tue ». Mais il y a une menace, et c’est à cette menace que nous réagissons depuis quelques jours.
M. Nicolas About. Voilà une analogie franchement osée !
Mme Bariza Khiari. L’ouverture totale du marché postal, qui met fin au secteur réservé, n’impose en aucun cas une mutation du statut de l’entreprise La Poste.
M. Alain Gournac. Bien sûr que si !
Mme Bariza Khiari. Les trois directives européennes prévoyant ces évolutions laissent aux États membres le soin d’opérer à leur guise.
Pourquoi, alors, transformer La Poste en une société anonyme ? M. Bailly, président de La Poste, affirme vouloir investir dans le développement international à hauteur de 3 milliards d’euros et ne pouvoir emprunter une telle somme sur les marchés, notamment parce que le ratio endettement/fonds propres serait défavorable à un nouvel endettement de La Poste. Voilà qui est curieux ! La RATP et la SNCF ont, eux aussi, le statut d’EPIC. Ils travaillent à l’échelon international sur des marchés concurrentiels au travers de filiales. Et cela ne les empêche pas d’emprunter ! Il est vrai que leur comptabilité est organisée de manière à rendre compatibles le statut d’EPIC et les avantages qui y sont liés avec l’exercice d’activités concurrentielles.
Je m’étonne que La Poste, qui exerce pourtant une activité bancaire, n’ait pas une comptabilité aussi bien organisée !
Mais il y a mieux : la RATP est endettée à hauteur de 5 milliards d’euros, alors que ses fonds propres sont de 2 milliards d’euros, et cela ne l’empêche pas pour autant d’emprunter !
Voilà qui illustre le caractère fallacieux de l’argument énoncé par M. Bailly. Je crois, pour ma part, que ce plan de développement sur le marché international est peu travaillé et qu’il ne convainc donc pas encore les investisseurs. Il serait surprenant que des banques refusent de fournir de l’argent à GeoPost si cette entreprise arrivait avec des perspectives de croissance assurées.
Le problème, c’est que, au lieu d’agir en bons gestionnaires en interrogeant M. Bailly sur son plan de développement, vous vous empressez – et à sa demande, selon ce que vous répétez sans cesse – de lui donner un blanc-seing et de modifier le statut d’une entreprise chère aux Français.
Monsieur le ministre, je ne vais pas développer l’argument sur les marges de manœuvre dont vous auriez pu faire bénéficier La Poste si n’avait été commis, au début du quinquennat, le péché originel du « bouclier fiscal » que nous appelons, quant à nous, le « boulet fiscal ».
Nous ne voterons pas cet article parce que, pour l’heure, le changement de statut de La Poste ne se justifie pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Je rejoins les orateurs précédents, et sans doute aussi sur ceux qui me succéderont, pour dire que l’article essentiel de ce projet de loi est l’article 1er. En effet, à partir du moment où il sera voté, le changement du statut de La Poste sera entériné ! Cela ne signifie pas que les autres articles sont secondaires, mais il reste que le cœur du projet est bien là.
Si ce débat nous passionne tant, si nous sommes si nombreux à intervenir, au point qu’on nous accuse parfois de vouloir faire de l’obstruction,…
MM. Nicolas About et Alain Gournac. Mais non ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. … c’est parce que nous sommes convaincus que le changement de statut de La Poste ne sert à rien. Hélas, depuis deux jours, il est impossible d’aborder sereinement ce sujet !
Vous avez entendu la démonstration de Michel Teston : si La Poste conserve, comme la SNCF, par exemple, son statut d’EPIC, elle pourra parfaitement travailler à l’échelle concurrentielle européenne tout en assumant la fonction de service public en France. Telle est la réalité !
Après tout, on pourrait considérer que, comme La Poste, la SNCF doit être privatisée ! En vérité, nous le savons, cela ne servirait à rien puisque les marges de manœuvre resteraient les mêmes.
De la même manière, quand nous affirmons, nous, que l’État a parfaitement la possibilité de financer l’EPIC de La Poste, c’est une réalité que l’on refuse d’admettre.
C’est pourquoi nous pensons qu’il y a, au mieux, une incompréhension de la part du Gouvernement et de la majorité, au pis, anguille sous roche. Notre crainte, c’est en effet que, en faisant passer La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme, on n’ouvre la porte à la privatisation. Et de cela nous ne voulons pas ! Sur ce point, chers collègues, nous aurions pu nous retrouver, mais je sais bien qu’aujourd’hui la majorité doit suivre le Gouvernement,…
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Didier Guillaume. … même si quelques voix dissonantes se font parfois entendre. Et je comprends bien que le Président de la République et le Premier ministre aient dû, hier, se livrer à un recadrage. Nous avons vécu cela il y a fort longtemps, quand nous étions la majorité. Peut-être un jour, d’ailleurs, redeviendrons-nous majoritaires… (Sourires.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ce n’est pas le débat !
M. Didier Guillaume. Quoi qu'il en soit, j’ai cru comprendre que certains conseillers du Président de la République comptaient au moins autant, sinon plus, que les ministres dans les orientations politiques et les décisions. Mais, en disant que La Poste est « imprivatisable », M. Guaino ne fait-il pas preuve de « bravitude » ? (MM. Alain Gournac et Michel Bécot s’esclaffent.)
En vérité, demain, la porte vers une éventuelle privatisation sera ouverte. C’est la raison pour laquelle nous devons réaffirmer ici que nous sommes attachés au service public,…
M. Alain Gournac. Nous aussi !
M. Didier Guillaume. … comme l’ensemble de nos concitoyens.
Du reste, monsieur Gournac, depuis le début de cette discussion, je n’ai jamais mis en cause l’attachement des sénateurs de la majorité au service public. Je n’ai aucun doute à cet égard et je ne fais aucun procès d’intention.
Ce que nous disons, c’est que, avec un EPIC, nous sommes sûrs que les choses ne peuvent pas dériver, tandis que, avec une société anonyme, la privatisation devient possible. Écoutez ce que disent beaucoup de gens !
Les Français sont attachés au service public, à la venue du facteur dans les quartiers,…
M. Alain Gournac. Ils ont raison !
M. Didier Guillaume. … comme dans le moindre recoin des zones rurales, où il est bien souvent le seul représentant du service public auprès des personnes isolées, dont certaines sont âgées. Il lui arrive aussi d’amener les médicaments.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Didier Guillaume. Il y a des personnes qui ne s’abonnent à un journal que pour avoir la visite quotidienne du facteur ! Cela, nous voulons le préserver.
S’il arrivait, par malheur, que La Poste soit privatisée, nous savons très bien que le triptyque du service public – égalité d’accès, non-discrimination, péréquation tarifaire – n’y résisterait pas. Tout cela serait mis à mal : on le sait très bien, qui dit « privatisation » dit « actionnariat ». Qui dit « actionnariat » dit « rentabilité » et la rentabilité, c’est l’inverse du service public à la française.
Mme Jacqueline Panis. La rentabilité, c’est aussi la responsabilité !
M. Didier Guillaume. Or on peut être un service public tout en gagnant de l’argent et en étant efficace.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cet article 1er, qui met le ver dans le fruit.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Didier Guillaume. Nous voulons réaffirmer que cet article 1er doit être combattu pour la bonne et simple raison que son adoption pourrait signifier la fin du service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Comme vient de le dire avec talent mon collègue et ami Didier Guillaume, l’article 1er constitue le cœur – on pourrait aussi parler de « noyau dur » –de ce projet de loi.
Le Gouvernement a d’ailleurs, sans ambiguïté, annoncé la couleur : si ce texte est adopté, La Poste cessera d’être une entreprise publique pour devenir une société anonyme. Chacun se rend bien compte qu‘il est bien difficile de faire rimer « société anonyme » avec « entreprise publique » !
On nous soumet un texte qui donnerait la possibilité à l’État de se retirer progressivement et significativement du capital, et ce quelles que soient les multiples assurances données par M. le ministre et les modifications apportées par les sénateurs de la majorité.
En effet, au bout du compte, malgré toutes les dispositions « prophylactiques » éventuellement mises en place, et au-delà du caractère prétendument « imprivatisable » – votre néologisme est, lui, définitivement improbable, monsieur le ministre ! – de La Poste, ce que fait une loi, une autre loi pourrait le défaire.
Notons-le au passage, cela signifie que, malgré l’ampleur de la crise qui secoue notre pays, le Gouvernement persiste, là comme ailleurs – ou, plutôt, là plus qu’ailleurs ! –, à administrer sa potion libérale sans mesurer les risques qu’il fait courir à notre société, notamment aux plus fragilisés de nos concitoyens, qui ont un impérieux besoin de s’appuyer sur le service public.
Personne ne saurait nier les difficultés rencontrées par La Poste, mais c’est surtout dans les rangs de l’opposition que des voix se font entendre pour dire que ces difficultés trouvent leur origine dans le désengagement de l’État, qui avait, qui a et qui pourrait continuer à avoir la possibilité d’abonder les crédits destinés, par exemple, à garantir l’acheminement de la presse et la présence postale.
À travers l’article 1er, le Gouvernement enfonce le clou et prend, de surcroît, le risque de brûler ses propres vaisseaux ! Mais comment pourrait-il en être autrement quand l’exécutif a, dans la ligne du libéralisme pour lequel il a opté, fait de la réduction du coût des services publics l’alpha et l’oméga de son mode de gestion ? Ce qui ne l’empêche pas, de manière tout à fait paradoxale, de laisser exploser dans le même temps la dette publique, en prenant des mesures dont nous avons largement contesté le bien-fondé. Je pense à l’aide colossale apportée, sans droit de regard, au secteur bancaire ; au pacte automobile et aux crédits engagés en faveur de ce secteur, dont peu de sous-traitants – j’en parle en connaissance de cause ! – ont pu apprécier les effets bénéfiques ; à la baisse de la TVA pour les restaurateurs avec, à la clé, une perte fiscale de 2,5 milliards d’euros ; enfin, encore et toujours, aux fameuses niches fiscales et au bouclier fiscal, maintenus contre vents et marées.
On connaît maintenant votre recette : sélectionner très strictement les bénéficiaires des aides, puis, juste après, mutualiser la dette !
Voilà ce que vous voulez à présent appliquer à La Poste. Malgré vos dénégations, le risque existe bel et bien que vous ne résistiez pas à la tentation de céder une partie des actifs de l’État : transformée en société anonyme, La Poste pourrait parfaitement faire l’objet d’une telle démarche, grâce à l’adoption d’une loi dans le cadre de cette procédure accélérée dont le Gouvernement est si friand.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous n’accordons plus aucun crédit à vos prédictions sur le statut de La Poste, nous voterons contre l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. À entendre les uns et les autres, il apparaît que, sur toutes les travées, nous aimons tous La Poste. Aussi ai-je envie de dire à mes collègues de la majorité : ne vous contentez pas de lui clamer votre amour, ce qui ne lui sert pas à grand-chose, adressez-lui donc une vraie preuve d’amour ! (Sourires.) Et savez-vous ce que serait cette preuve ? Ce serait de renoncer au changement de statut !
M. Alain Gournac. Non, car ce serait renoncer à la survie de La Poste !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, si vous renoncez au changement de statut, nous sommes prêts, de ce côté de l’hémicycle, à travailler avec vous à la modernisation de cette grande entreprise publique.
Cette modernisation impose un débat serein ; il faut qu’ensemble nous parvenions à faire en sorte que, dans une Europe, dans un monde où règne la concurrence, efficacité économique rime avec aménagement du territoire et grand service public postal. Nous devons donner à La Poste les moyens d’être une entreprise moderne, mais avec la volonté de lui garder son caractère public.
Pourquoi vouloir absolument changer de statut ? Il ne faudrait pas que l’on se hérisse – en particulier notre rapporteur ! – chaque fois que l’on parle d’EPIC ! (Sourires)
L’EPIC est un statut moderne. La Cour de justice des Communautés européennes, dans l’arrêt Corbeau de 1993, a reconnu que l’article 90 du traité de la Communauté européenne laissait latitude aux États de prévoir des restrictions à la concurrence et de se garder, ce faisant, des marges de manœuvre pour permettre aux entreprises publiques d’évoluer dans un monde en concurrence.
À mon sens, cette crispation sur le statut de La Poste montre que l’on n’a pas tiré tous les enseignements de la crise financière que nous venons de vivre. Je crains fort que, avec ce changement de statut, le « déménagement » du territoire et les suppressions d’emplois qui l’accompagnent ne connaissent une accélération considérable dans les mois qui viennent.
La SNCF, qui est en situation de concurrence, est un EPIC. Pourquoi La Poste, qui va être en situation de concurrence, ne pourrait-elle pas rester un EPIC ? Examinons les moyens de moderniser cette entreprise, mais ne la faisons en aucun cas basculer vers le statut de société anonyme, car, inévitablement, elle devra s’orienter vers une logique de rentabilité et vers une gestion privée, y compris pour les services publics.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est encore temps de revenir en arrière et de s’en tenir à cette volonté de modernisation de La Poste, dont personne ne conteste la nécessité, alors que tout le monde souhaite que La Poste reste un service public.
Or, dans le projet de loi qui nous est présenté, on ne trouve aucune proposition relative à la recapitalisation qui serait nécessaire à la modernisation. Ce n’est en effet pas son changement de statut qui, demain, assurera à La Poste une dotation suffisante, une manne régulière qui tomberait du ciel et lui permettrait de disposer des 5 milliards d’euros dont elle a besoin.
Rien, surtout, ne nous dit que ces capitaux seront disponibles sur le long terme. Pourtant, La Poste doit savoir maintenant de quels moyens elle disposera pour mener sa modernisation, d’autant que vous induisez vous-même l’exigence du long terme en prévoyant que La Poste sera prestataire de service universel pendant une période de quinze ans. Or, dans ce texte, vous ne donnez aucune garantie sur la pérennité des levées de capitaux, et nous n’avons pas davantage de certitudes sur les modalités du financement principal de La Poste.
Il ne me semble donc pas exagéré de dire que les propositions relatives au financement sont plutôt venues des rangs de l’opposition. Celles qu’a présentées Michel Teston sont même extrêmement précises : que l’État assume les charges qu’il devrait déjà assumer depuis très longtemps et aussi qu’il prenne toute sa part du coût que représentent l’acheminement de la presse et le service universel.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Voilà des propositions concrètes ! En les mettant en œuvre, on pourrait éviter une ouverture du capital. Sinon, dans quelques années, on ne manquera pas d’entendre que l’État est trop endetté et qu’il ne peut pas financer ces services publics…
Mes chers collègues, nous ne devons pas nous faire d’illusions. Tout à l’heure, nous avons entendu un ancien ministre des finances dire qu’il « aimait beaucoup » EDF. C’était aussi une grande entreprise de service public… Aujourd'hui, nous apprenons que l’on pourrait manquer d’électricité cet hiver ! Des cadres, des salariés d’EDF dénoncent un entretien insuffisant des centrales… Pourquoi ? Parce que EDF se situe davantage aujourd'hui dans une logique de rentabilité que dans une logique de service public.
Pour La Poste, mes chers collègues, il est encore temps d’abandonner le projet de privatisation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une double logique qui conduit à mettre en danger le service universel postal.
Ce projet de loi, d’une part, avalise pleinement l’ouverture totale à concurrence définitivement actée par la troisième directive postale et, d’autre part, procède à sa transposition en en retenant les dispositions les plus libérales.
Procédant directement de cette double logique, il met fin au secteur réservé qui faisait la force du service universel postal à la française et transforme La Poste, actuellement EPIC, en société anonyme.
C’est bien à une libéralisation du secteur postal que ce projet de loi procède.
Par exemple, le financement du service universel risque de ne plus être assuré, d’autant que l’assiette de contribution des opérateurs est bien trop étroite.
Peu de contraintes pèseront sur les concurrents de La Poste, alors qu’elle aura à assumer seule les missions de service public sur l’ensemble du territoire. Ses concurrents auront les mains libres pour se positionner sur les niches les plus rentables ; ils pourront même ne se livrer qu’à la collecte et au tri, laissant au facteur de La Poste le soin d’aller distribuer le courrier, y compris dans les zones les moins denses du territoire.
L’ARCEP, qui a toujours fait prévaloir les lois de la concurrence au détriment du service public et des opérateurs historiques, voit encore ses prérogatives augmenter, et cela reste vrai même si le rapporteur propose de mettre quelques bémols au texte du Gouvernement.
Voilà autant d’éléments qui ne créent pas un environnement très favorable à l’opérateur historique, pourtant chargé des missions de service public.
La première partie du projet de loi ne consiste qu’en une déclinaison des conséquences de la transformation de l’EPIC en société anonyme. Autant dire que la suppression de l’article 1er, que nous proposons, emporte avec elle la suppression de cette première partie et de la douzaine d’articles qui la composent. Devant cette proposition, chacun devra prendre ses responsabilités.
On nous explique que la transformation en société anonyme est incontournable, qu’il n’y a pas d’autres solutions, que l’actuel statut d’EPIC est un obstacle au développement de La Poste et que celle-ci a besoin de capitaux pour faire face à ses concurrents européens.
Elle aurait besoin de capitaux – mais personne ne sait exactement à combien ils se montent, plusieurs chiffres ayant été évoqués – pour moderniser son outil industriel et son réseau, pour développer ses activités de colis, voire de logistique, dans un environnement plus concurrentiel et marqué par la baisse du courrier.
Et l’on nous affirme que le changement de statut n’aurait aucune conséquence sur les missions de service public et sur l’entreprise elle-même, dont le capital demeurera à 100 % public ! Mais que constate-t-on ?
La Poste a déjà consacré 3,5 milliards euros à la modernisation de son réseau, avec, en toile de fond, d’un côté, la disparition de milliers de bureaux de poste au profit d’agences postales communales ou de relais poste dans des commerces et, de l’autre, la mise en place d’équipements automatisés au détriment du personnel.
Elle a également modernisé ses centres de tri en en faisant de véritables plateformes industrielles dotées de grandes capacités de traitement. Ces plateformes seraient cependant largement sous-utilisées aujourd’hui et pourraient, nous dit-on, être mises, à terme, à la disposition des opérateurs concurrents.
On en déduit que les capitaux dont La Poste « aurait besoin » seraient essentiellement destinés à lui permettre de mettre en œuvre sa stratégie à l’international. Comme le soulignait un communiqué du groupe La Poste, il s’agirait d’acquérir ou de développer des opérateurs alternatifs de courrier en Europe, de compléter le dispositif Express européen, notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie, et de procéder à quelques acquisitions ciblées hors d’Europe. « En dépit du bilan très positif de ces dernières années, La Poste ne dispose que d’une enveloppe très limitée de croissance externe, qui ne lui donne pas les moyens d’assurer la politique de développement ambitieuse et nécessaire de ses métiers et de saisir les opportunités », pouvait-on lire dans ce communiqué.
Au final, 2,7 milliards d’euros de fonds publics seraient donc mis au service de la stratégie d’internationalisation et de croissance externe de La Poste.
Cette stratégie ne va-t-elle pas se traduire, sur le plan national, par un appauvrissement de nos services publics avec, à la clé, des milliers de suppressions d’emplois, alors que l’orientation choisie n’a pas fait l’objet d’un débat public et citoyen ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, les faux remparts que vous érigez et qui ne sont, comme je l’ai dit hier, que des digues de papier, ne rassureront pas les Français, inquiets de la dérive vers la privatisation actuellement engagée. J’ai d’ailleurs noté que certains ministres, à vouloir trop rassurer, ont lancé de nombreuses salves de justifications qui se sont bien souvent télescopées, et parfois même contredites. Certains se sont même défaussés sur l’Europe, l’accusant d’imposer ce changement de statut, ce qui est, nous le savons bien, totalement faux.
Bref, tout cela paraissait abracadabrantesque.
Mais le clou de l’affaire, c’est lorsqu’un proche conseiller de l’Élysée a, d’une certaine manière, vendu la mèche : comme l’a écrit un journaliste, « pendant qu’Estrosi fait le pompier, Guaino souffle sur les braises ». M. Guaino a en effet déclaré qu’« il n’y [avait] jamais rien d’éternel », et que cela valait également pour les entreprises publiques. Pan sur le bec ! Ces propos nous rappellent les promesses non tenues sur Gaz de France faites en 2006 par M. Sarkozy.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous alliez rendre La Poste « imprivatisable ». Chiche ! Il ne tient qu’à vous, dans les prochains jours, de prendre toutes les dispositions afin d’inscrire dans la Constitution que La Poste ne pourra pas être privatisée. Mettez donc vos actes en phase avec vos discours et réciproquement !
Que penser de l’amendement de M. Pozzo di Borgo – celui-ci l’a finalement retiré – dont l’exposé des motifs visait à permettre à l’État de privatiser La Poste, à terme, sans qu’une nouvelle loi soit nécessaire ? Cet amendement et les explications qui l’accompagnaient traduisaient bien les intentions du Gouvernement de privatiser ultérieurement La Poste.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Roland Courteau. Quoi que vous puissiez dire, monsieur le ministre, nous savons que le sort de l’entreprise est décidé et ficelé depuis bien longtemps.
Pour notre part, nous voulons défendre le statut d’établissement public de La Poste. Nous persistons à penser que le statut actuel constitue une garantie absolument nécessaire de la préservation des missions de service public et du contrôle de la stratégie du groupe, et qu’il est tout à fait adapté à la nécessaire modernisation et au développement de cette entreprise.
C’est pourquoi nous vous affronterons lors de la discussion des articles afin de garantir et de sauvegarder une entreprise publique d’une grande utilité sociale et économique, qui est le symbole du service public à la française.
Oui, nous voulons le maintien du statut actuel ! Les contre-exemples donnés par les pays pionniers de la libéralisation et de la privatisation, énumérés par Jean-Jacques Mirassou, devraient en faire réfléchir plus d’un, d’autant que certains de ces pays, comme le Japon, font maintenant marche arrière dans ce domaine. Alors, mes chers collègues, méditez ces exemples.
Les Français vous observent. Ils n’accepteront jamais les services publics au rabais que vous leur proposez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement prend prétexte de la directive européenne du 20 février 2008 pour changer le statut de La Poste. Il a été abondamment démontré par plusieurs orateurs que le processus d’ouverture progressive à la concurrence du secteur postal n’impliquait nullement le changement de statut de La Poste et sa transformation de personne morale de droit public en société anonyme. On peut, dès lors, légitimement se demander ce que recouvre ce changement de statut. N’est-il pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom, du moins pas encore ?
Nous sommes donc bien loin de la directive elle-même, qui n’exige rien en matière de statut. Il faut chercher l’explication ailleurs. La majorité tente de justifier la démarche de privatisation en invoquant une condition nécessaire de l’ouverture à la concurrence. Disons-le nettement : si la concurrence ne rend pas nécessaire le changement de statut de La Poste, c’est que les changements qui nous sont proposés relèvent du pur dogmatisme libéral.
La mission de cohésion et de service au bénéfice de nos territoires assurée par La Poste, qui va bien au-delà de simples enjeux financiers, devrait justifier à elle seule l’engagement des pouvoirs publics. Aucune entreprise privée n’acceptera d’acheminer le courrier et d’être présente sur l’ensemble des territoires ruraux, car cette mission ne représente qu’une trop faible valeur ajoutée pour une entreprise dont le but est le profit. Est-ce bien là le modèle que nous voulons pour La Poste ?
Le statut de société anonyme est clairement une menace pour l’avenir de La Poste et pour le service postal en général. La Poste se retrouvera en effet face à des concurrents qui se positionneront sur les secteurs d’activité offrant la plus forte valeur ajoutée. Bien sûr, la mission de service public de La Poste demeure le dernier rempart contre ces dérives prévisibles, mais pour combien de temps ? L’État aura-t-il, à l’avenir, autant d’exigences pour les concurrents de La Poste que pour La Poste elle-même ?
Vous ne devez pas chercher à nous faire croire que ce changement de statut ne s’accompagnera pas, à terme, de mesures de réorganisation et d’adaptation, comme la fermeture de bureaux de poste, voire des réductions d’effectifs, puisque c’est déjà le cas.
Le texte prévoit que 100 % du capital seront détenus par l’État et par d’autres personnes morales de droit public. Mais nous avons vu que cela n’offrait aucune garantie durable quant à la permanence de la présence de l’État et du secteur public dans le capital de La Poste. La fusion GDF-Suez en témoigne : le capital qui avait été garanti par l’État est devenu, au final, majoritairement privé. Il serait bon que le Gouvernement apporte des garanties suffisantes et crédibles sur ce point, afin de s’assurer que La Poste restera dans le domaine public.
Mais pourquoi compliquer inutilement les choses ? Pour s’assurer que le capital de La Poste reste bien public, existe-t-il une meilleure solution que le maintien du statut actuel ?
La votation de ces dernières semaines a été un vaste mouvement citoyen dont l’ampleur a surpris les observateurs. Elle a rappelé l’attachement de nos concitoyens à La Poste et au service public postal. On ne peut sans prendre de risques nier, caricaturer, encore moins ridiculiser la volonté populaire qui s’est exprimée à cette occasion.
M. Alain Gournac. Le vote, c’est ici !
M. Yannick Botrel. La majorité sénatoriale disposait, si elle avait un doute sur ce qui s’est exprimé à l’occasion de cette votation, d’un moyen simple et éprouvé de se faire sa propre opinion : poser la question au peuple. Tel n’a pas été son choix.
Tout n’est pas encore perdu. Il reste à la Haute Assemblée une dernière possibilité sur la voie de la rédemption démocratique : il faut écouter les Français, maintenir le statut actuel de La Poste et, donc, supprimer l’article 1er du projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. L’hémicycle n’est pas un lieu assez vaste pour témoigner de notre mobilisation contre ce projet de loi et montrer au plus haut niveau de l’État les actions menées depuis plusieurs mois, dans l’ensemble du pays, par nos concitoyens et de nombreux élus locaux.
En combattant ce projet de loi, nous défendons La Poste, mais aussi l’ensemble de nos services publics, piliers économiques et sociaux de notre République qui ont permis à notre pays de se développer et de devenir une puissance industrielle et commerciale reconnue.
« La Poste restera un grand service public stratégique », avait dit le Premier ministre. « La Poste restera à 100 % publique », avez-vous renchéri, monsieur le ministre chargé de l’industrie. Mais les Français ne sont pas naïfs : ils n’ignorent rien de vos intentions futures. Nous avons la désagréable sensation de revivre le débat qui a précédé la privatisation de GDF.
Croyez-vous sincèrement que plus de deux millions de Français se seraient déplacés pour réaffirmer leur attachement à La Poste publique si l’enjeu n’était pas si important ? Votre seule réponse, monsieur le ministre, face à cet engagement populaire volontaire, c’est de remettre en cause la « légitimité et la crédibilité » de cette votation citoyenne et de refuser la tenue d’un référendum sur ce sujet, sans doute parce que vous en craignez le probable résultat.
La Poste, pour nos concitoyens, n’est pas une entreprise comme une autre, qui doit obéir à la loi du marché et se conformer à la logique de rentabilité économique. La conception du service public postal que vous nous proposez, fondée sur la rentabilité, ne correspond pas aux attentes des Français. La Poste, ce service public que le facteur symbolise si bien, est un service de proximité qui rythme la journée de nos concitoyens, particulièrement dans les milieux ruraux.
Les Français tiennent viscéralement à La Poste et à ses services, où la qualité des relations professionnelles n’a d’égale que celle des relations humaines. En introduisant une logique purement économique au sein du marché postal, vous romprez l’équilibre entre le milieu rural et le milieu urbain. En différenciant les services en fonction de leur rentabilité, vous favoriserez les villes au détriment des campagnes.
La Poste est aujourd'hui un établissement public industriel et commercial ; elle doit le rester. Par ailleurs, sa transformation en société anonyme ne garantit pas qu’elle gagnera en compétitivité.
Mais parlons de la concurrence imposée à ce service public. Doit-on la craindre dès lors qu’elle est déjà effective, hormis pour les envois de moins de 50 grammes, et dès lors que les conditions de cette concurrence seront les mêmes pour tous les opérateurs ? La Poste montre aujourd’hui qu’elle peut résister avec efficacité à cette concurrence malgré tous les écueils qu’elle doit affronter, et notamment la baisse de ses effectifs.
Nous connaissons votre argumentation : elle est bien rodée puisque vous la défendez en boucle depuis plusieurs mois dans tous les médias : « La Poste ne peut plus continuer à évoluer ainsi » ; « La Poste doit se moderniser ». Mais qui donc est contre cette modernisation, et en quoi le maintien du statut d’EPIC handicaperait-il le développement de La Poste ?
Si vous lui en donniez les moyens, ce service public modernisé serait un exemple pour tous les pays industrialisés où le dogme du libéralisme, avec tous les excès que nous connaissons et leurs conséquences pour les citoyens, s’effacerait devant la prééminence d’un service de proximité permettant à tous l’accès aux mêmes services pour une tarification identique sur l’ensemble du territoire.
Nous commençons déjà à percevoir ce qui se profile : nombre des 17 000 points de contacts seront remplacés par des points poste qui n’assureront qu’une partie des services fournis par un bureau de poste. Il faudra récupérer son colis entre le rayon alimentation et le rayon cosmétique d’un quelconque magasin. Cette vaste entreprise de dématérialisation du service a déjà commencé en milieu urbain, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où les usagers peuvent retirer leurs recommandés dans une station de métro. Il est évident qu’une telle mesure facilitera, à terme, l’externalisation de la délivrance des recommandés...
Pour les salariés de l’entreprise, ce changement de statut n’augure rien de bon. Le passage en société anonyme du groupe public va profondément modifier le régime de retraite complémentaire des 154 000 contractuels de l’entreprise. La retraite complémentaire de ces derniers relève aujourd’hui d’un gestionnaire public spécifique, l’IRCANTEC. La Poste étant vouée à devenir une société anonyme, ces contractuels pourront relever, demain, du régime complémentaire du privé, l’AGIRC-ARRCO. Cette modification se traduira par des cotisations plus élevées et des pensions réduites.
Au moment où vous souhaitez un changement de statut, je vous demande, monsieur le ministre, de réfléchir aux conséquences néfastes que subiraient les Français, mais aussi les personnels de La Poste, à l’exemple des employés de France Télécom.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons fermement au changement de statut prévu à l’article 1er. La Poste n’a pas vocation à devenir une société anonyme ; elle doit rester un EPIC.
« On a tous à y gagner » : tel était le slogan de La Poste à l’orée du xxie siècle. « On a tous à y perdre » serait un slogan autrement plus adapté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. L’article 1er, tel qu’il nous est soumis, contient un solide verrou anti-privatisation. Je trouve cela dommage, car l’efficacité économique et commerciale qui guide le projet de La Poste peut se trouver, à terme, renforcée par des échanges d’actions, des achats d’entreprises, de franchises ou des investissements que seule l’ouverture du capital à des investisseurs privés permettrait de financer.
Il s’agit de ne pas reproduire l’erreur faite par France Télécom au tournant du millénaire. Cette entreprise a procédé à environ 100 milliards d’euros d’achats entre 1999 et 2001, dont 80 % ont été payés cash. Cela a très gravement affecté l’économie du groupe et ses marges de manœuvre durant plusieurs années : en 2002, France Télécom était le groupe de télécommunications le plus endetté du monde. Après une décote de sa valeur du fait de ratios financiers préoccupants, il a fallu procéder à une augmentation de capital en faisant baisser la participation de l’État, d’où il est résulté le prix le plus élevé d’Europe pour le consommateur, ainsi qu’une pression forte sur les salariés.
À l’inverse, on peut tirer un enseignement intéressant de ce qui s’est passé entre les postes danoise et suédoise.
Le 24 juin dernier, la poste suédoise, Posten AB, et la poste danoise, Post Danmark, ont fusionné. Le Danemark avait anticipé en ouvrant 22 % du capital de la poste nationale à CVC Capital Partners – un fonds européen –, facilitant ainsi les opérations de fusion des deux postes. La poste suédoise, quant à elle, était possédée à 100 % par l’État. Mais contrairement à ce qu’il est actuellement question de faire en France, la loi suédoise n’avait pas interdit l’entrée de fonds privés dans le capital de Posten AB, si bien que juridiquement la fusion a été possible.
Le nouvel opérateur né de ce mariage, Posten Norden AB, atteignant une taille critique, a ainsi pu reprendre une place de quasi-exclusivité sur le marché scandinave, alors que des opérateurs privés taillaient des croupières aux deux opérateurs séparés. Inutile de préciser que les 50 000 salariés concernés sont assurés d’un futur plus radieux et que les capacités d’investissement de Posten Norden AB lui permettent de garder sa place de pionnier du service postal en Europe, aux dires des postiers français.
Voilà le paradigme économique que l’on ne pourra pas réaliser en verrouillant le capital de La Poste, comme le prévoit le présent projet de loi.
Mais au-delà de cette logique économique, je voudrais vous faire part, mes chers collègues, de ma seconde grande incompréhension, cette fois à l’égard des propos de mes collègues de l’opposition : depuis quand l’exécution d’une mission de service public est-elle l’apanage de la seule personne publique ? L’ouverture d’une partie du capital des investisseurs privés n’entache pas, a priori, la qualité de l’exécution des obligations de service public de La Poste.
Mme Marie-France Beaufils. L’expérience montre le contraire !
M. Yves Pozzo di Borgo. En effet, d’une part, les obligations et les modalités de leur exécution sont garanties par la loi, qui s’impose aux personnes publiques comme aux personnes privées. D’autre part, le surcoût du service public est financé par l’État, par ailleurs actionnaire substantiel, entraînant la neutralité économique des activités de service public. Les actionnaires ne peuvent donc pas exercer de pressions pour réduire les coûts du service public.
Il faut cesser de soutenir cette contrevérité selon laquelle l’exécution d’une mission de service public est l’apanage de la seule personne publique. Il existe heureusement bon nombre d’entreprises privées ou à capitaux publics et privés qui délivrent des prestations de service public de qualité.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Yves Pozzo di Borgo. Comme le présent projet de loi ne permet pas d’ouverture de capital, j’avais déposé un amendement tendant à permettre, à terme, la privatisation. Mais j’y ai finalement renoncé…
M. Daniel Raoul. Encore heureux !
M. Yves Pozzo di Borgo. …parce que j’appartiens à une majorité au sein de laquelle un arbitrage, que je respecte, est intervenu.
Cependant, je maintiens que verrouiller, à terme, toute ouverture de capital pourrait porter préjudice à La Poste…
M. Didier Guillaume. C’est l’inverse !
M. Yves Pozzo di Borgo. …et surtout à ses salariés. Je regrette que la gauche nous entraîne dans un débat d’un autre temps ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Nicolas About. C’est un discours de raison !
M. Didier Guillaume. Faut-il comprendre que ceux qui applaudissent sont favorables à la privatisation ?
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’imaginez, mon intervention sera d’une tout autre tonalité.
Je ne suis certes pas membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Néanmoins, je tiens à joindre ma voix à celle de mes collègues, non seulement parce que je suis parlementaire – ce qui suffit à justifier mon intervention –, mais aussi parce que je me sens ce soir le porte-parole des 594 maires de mon département. Chaque jour, ces élus voient reculer les services publics sur leur territoire. Ils ont toutes les raisons de douter du caractère positif de la transformation statutaire que vous préparez, monsieur le ministre.
À leur voix je veux ajouter celle de l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, qui a tenu son congrès voilà quelques jours dans mon département et qui mérite ce soir d’être entendue dans cet hémicycle. Elle a adopté une motion dont voici les termes :
« Ayant conscience que le changement de statut est une nouvelle étape d’un long processus engagé dès 1990, l’AMRF sait que le risque est grand de voir à terme l’entrée de fonds privés dans le capital de La Poste dont la privatisation serait l’aboutissement.
« Inquiets à ce titre du maintien des missions de service public dans les territoires, les maires ruraux de France :
« Demandent que le maintien du caractère public de l’entreprise […] soit très clairement affirmé dans les textes.
« Demandent que les missions de service public confiées à La Poste […] fassent l’objet de véritables garanties législatives.
« Demandent que le fonds de péréquation territorial soit consolidé. »
Mes chers collègues, pour quelles raisons les maires de notre pays sont-ils inquiets ? Il en existe deux, qui sont indissociables.
Premièrement, ils ont tout simplement la conviction que la réforme proposée constitue la première étape d’un processus dont l’aboutissement sera naturellement la privatisation.
Deuxièmement – raison fondamentale –, les maires sont attachés, comme nous tous dans cet hémicycle, au patrimoine commun que constitue le service public. C’est notre richesse commune. Le droit public français ne se comprend pas sans référence à notre tradition de service public, service public qui garantit l’égalité républicaine. Ne bradons pas ces valeurs !
La principale richesse de La Poste, ce sont ses personnels, présents sur l’ensemble du territoire. Monsieur le ministre, je vous exhorte à ne pas changer le statut de La Poste.
Permettez-moi de faire ici une confidence personnelle. En cet instant, je pense à mon père, simple facteur. Il m’a appris, non par des discours – il en était incapable –, mais par son exemple, l’engagement au quotidien pour le service public. Il m’a appris la grandeur, la noblesse et l’exigence du service public. Il était fier d’appartenir à un service de proximité et de première nécessité.
Monsieur le ministre, ayez conscience que La Poste, cet immense patrimoine humain, ne nous appartient pas : il appartient à la nation. Alors, ne le bradons pas ! C’est pourquoi je vous conjure de ne pas maintenir la transformation du statut de La Poste. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Beaucoup de choses ont été dites depuis le début de nos débats sur le changement de statut de La Poste. Du côté du Gouvernement et de la majorité – notamment vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur –, certains nous jurent, la main sur le cœur, que la Poste ne sera pas privatisée, qu’elle serait, selon le terme désormais consacré, presque sacralisé, « imprivatisable ». M. Pozzo di Borgo, quant à lui, tenant d’un libéralisme débridé, regrette que le verrou ne permette pas d’aller plus loin.
De notre point de vue, les dispositions garantissant que ce ne sera effectivement pas le cas, ni aujourd’hui, ni demain, ni même après-demain, sont pourtant toujours absentes.
En la matière, nous ne nous pouvons nous contenter de simples paroles et nous attendons encore que ces garanties figurent clairement dans le texte. Elles sont d’autant plus indispensables que le changement de statut risque surtout d’aggraver les problèmes existants de La Poste et les dysfonctionnements déjà constatés qu’ils induisent.
Pour les décrire, je m’appuierai sur l’expérience de mon département, la Dordogne.
J’ai rencontré de nombreux maires, surtout de petites communes rurales. Ils sont victimes d’un véritable jeu de dupes de la part de la direction de La Poste : soit ils acceptent que leur bureau de poste disparaisse au profit d’une agence postale, voire d’un point poste, ce qui signifie qu’ils acceptent de prendre financièrement en charge la gestion du service postal, soit les plages d’ouverture de leur bureau de poste diminuent. Des élus, notamment ceux de Bourdeilles, de Villars, de Saint-Antoine-de-Breuilh, de Saint-Pierre-de-Côle, m’ont confié leur inquiétude à cet égard.
Mais des communes plus importantes perdent, elles aussi, des heures d’ouverture, malgré une sensible progression démographique ; tel est le cas de la ville de Périgueux, chef-lieu du département, et de la commune voisine de Razac-sur-l’Isle.
De surcroît, dans un quartier sensible – mon département éminemment rural en compte malheureusement – faisant l’objet d’un contrat urbain de cohésion sociale, le bureau de poste est désormais fermé le samedi matin. Dans une autre petite ville, le bureau de poste est fermé le mercredi après-midi ; on a même voulu le fermer au moment de la sortie des classes, qui correspond pourtant à l’heure de plus forte affluence.
Je pourrais multiplier les exemples, mais je crois que ceux que j’ai cités suffissent à montrer que, concrètement, les citoyens ont besoin de plus d’un service public à la fois plus largement accessible et de meilleure qualité.
Je ne suis pas sûr que l’essentiel soit le changement du statut de La Poste. D’ailleurs, nombre des orateurs socialistes qui m’ont précédé ont démontré que le statut d’EPIC permettait fort bien de moderniser La Poste et de répondre à ses besoins. En revanche, je suis certain que ce n’est pas en transformant La Poste en société anonyme que nous pourrons résoudre les problèmes qui existent déjà. Au contraire, cela les accentuerait.
Être moderne, ce n’est pas se plier à une logique de concurrence. Être moderne, c’est mettre aujourd’hui en œuvre tous les moyens disponibles pour permettre à La Poste de remplir ses missions de véritable service public. Cela suppose toutefois d’apporter effectivement toutes les garanties nécessaires afin que la Poste ne soit à terme ni privatisée ni, surtout, soumise à une logique libérale inconciliable avec le service public auquel les Français sont très fortement attachés. Ils en ont d’ailleurs fait la preuve lors de la votation citoyenne. C’est en tout cas ce que nous nous efforcerons de démontrer lors de l’examen des amendements à l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd'hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
Jeudi 5 novembre 2009
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 51, 2009-2010) ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au gouvernement ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Vendredi 6 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Samedi 7 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Éventuellement, dimanche 8 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Lundi 9 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 11 heures, à 15 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010) ;
Mardi 10 novembre 2009
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 604 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Radiation de la liste électorale du maire de Douaumont) ;
- n° 618 de Mme Anne-Marie Escoffier transmise à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Accidents de la vie courante) ;
- n° 637 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Politique de dépistage du cancer du sein) ;
- n° 651 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Professionnalisation des emplois de vie scolaire) ;
- n° 653 de M. Michel Billout à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Disparité des effectifs de forces de police en Seine-et-Marne) ;
- n° 658 de M. Jean-Léonce Dupont à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Suspension d’agrément d’une assistante maternelle et réparation du préjudice) ;
- n° 660 de M. Michel Teston à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Engagement national pour le fret ferroviaire) ;
- n° 662 de Mme Anne-Marie Payet transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Rôle nocif des solvants dans l’environnement professionnel de la femme enceinte) ;
- n° 665 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
("Programme Bachelier" proposé par Acadomia) ;
- n° 667 de M. Jean Besson à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
(Financement du déploiement de la TNT sur la totalité du territoire de la Drôme) ;
- n° 669 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Reconnaissance concrète de l’enseignement agricole public) ;
- n° 671 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Prise en charge des personnes âgées à domicile et tarification des heures d’aide ménagère) ;
- n° 675 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Contrat énergétique et politique industrielle en Maurienne) ;
- n° 676 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Situation des auxiliaires de vie scolaire collectifs) ;
- n° 679 de M. Didier Guillaume transmise à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Maintien du dispositif de crédit d’impôt relatif à la réalisation de travaux d’adaptation du logement au handicap) ;
- n° 681 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Droit à l’image dans les établissements scolaires) ;
- n° 683 de M. Alain Fouché, transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle) ;
- n° 685 de M. Jacques Berthou à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Attribution de logements sociaux) ;
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;
Jeudi 12 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Vendredi 13 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Éventuellement, samedi 14 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Semaine sénatoriale
Lundi 16 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Débat d’initiative sénatoriale sur l’Afghanistan (demandes du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche) ;
2°) Question orale avec débat de M. Jack Ralite sur la numérisation des bibliothèques (demande du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche) ;
3°) Proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, présentée par MM. Louis-Constant Fleming, Jean-Paul Virapoullé et Mme Lucette Michaux-Chevry (texte de la commission, n° 57, 2009-2010) ;
4°) Proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, présentée par M. Michel Magras (texte de la commission, n° 56, 2009-2010) ;
5°) Suite de la discussion des articles de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux recherches sur la personne (texte de la commission, n° 35, 2009 2010).
Mardi 17 novembre 2009
De 14 heures 30 à 15 heures 15 :
1°) Questions cribles thématiques sur les collectivités territoriales ;
À 15 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
2°) Proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, présentée par MM. François Rebsamen, Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 631, 2008 2009) ;
3°) Proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 590, 2008-2009) ;
Mercredi 18 novembre 2009
À 14 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe du Rassemblement démocratique et social européen :
1°) Proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d’une entreprise du secteur public et d’une entreprise du secteur privé, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (texte de la commission, n° 88, 2009 2010) ;
À 18 heures 30 et le soir :
Ordre du jour réservé au groupe Union pour un mouvement populaire :
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (texte de la commission, n° 86, 2009-2010) ;
Du jeudi 19 novembre au mardi 8 décembre 2009
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2010 (A.N., n° 1946) ;
En outre,
Mardi 24 novembre 2009
À 14 heures 30 :
- Éloge funèbre d’André Lejeune.
Jeudi 26 novembre 2009
À 10 heures :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au gouvernement ;
Mardi 8 décembre 2009
À 21 heures 30 :
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009 ;
Si la discussion budgétaire ne se terminait pas avant le soir, ce débat pourrait avoir lieu dans la salle Clemenceau.
Semaine d’initiative sénatoriale
Mercredi 9 décembre 2009
Ordre du jour réservé au groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche :
À 14 heures 30 :
- Proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et ses collègues du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche (n° 461, 2008-2009) ;
Jeudi 10 décembre 2009
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe Union pour un mouvement populaire :
1°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique (A.N., n° 1857) ;
À 15 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
(Cet ordre du jour sera fixé ultérieurement).
Prochaine conférence des présidents : jeudi 12 novembre 2009, à 10 heures.
Mes chers collègues, y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Nous avons bien entendu les conclusions de la conférence des présidents sur l’organisation de nos travaux en cette fin de semaine et, au nom de notre groupe, je tiens à élever une vive protestation contre ces propositions.
En effet, on nous demande de travailler non pas seulement le samedi, mais aussi le dimanche ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et comment aller à la messe, alors ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Les sénateurs ont-ils peur de travailler plus ?
M. Michel Teston. Je le rappelle, nous siégeons en session non pas extraordinaire, mais ordinaire, et dans ce cadre nous travaillons en principe du mardi au jeudi !
Cette semaine, nous avons commencé nos travaux dès le lundi après-midi, et cela uniquement parce que le chef de l’État en avait décidé ainsi : il fallait que le Parlement, et d'abord le Sénat, examine en urgence ce projet de loi et qu’il le fasse en une semaine, quand deux au moins seraient nécessaires !
M. Roland Courteau. Au moins !
M. Michel Teston. Monsieur le président, je tiens donc à protester énergiquement contre ces propositions et je souhaite que le Sénat puisse se prononcer à leur sujet. J’espère que, à cette occasion, il s’en trouvera certains parmi vous, chers collègues de la majorité, pour les rejeter.
M. Paul Blanc. Il ne faut pas rêver ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous vous demandons, nous aussi, de soumettre au vote de notre assemblée les conclusions de la conférence des présidents.
En effet, nous ne pouvons admettre que cette instance se soit ainsi soumise aux directives du Gouvernement et du chef de l’État.
M. Martial Bourquin. C’est incroyable !
M. Didier Guillaume. Et insupportable !
M. Guy Fischer. De toute évidence, on précipite le travail parlementaire : je le rappelle, aux termes des conclusions qui sont soumises à notre approbation, toutes les séances commenceront à quatorze heures trente, ce qui signifie que l’on cherche à « optimiser » la semaine parlementaire. On abolit en outre les week-ends : deux sont déjà « préemptés », l’un pour terminer l’examen du texte relatif à La Poste, l’autre pour, théoriquement, poursuivre et achever la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et ensuite viendra le budget !
Plus largement, on bafoue tous les règlements, la session extraordinaire devenant le droit commun. Si nous acceptons cette évolution, nous travaillerons du lundi au vendredi en temps normal et, dans les périodes où il y aura avalanche de textes gouvernementaux, ce sera du lundi au dimanche soir !
Non seulement on prévoit de débattre du texte relatif à La Poste jusqu’à dimanche soir, mais nos travaux reprendront dès lundi matin pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui est tout à fait anormal !
Mes chers collègues, il faut que le vent de la révolte et de la résistance souffle dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. François Trucy et M. Paul Blanc. Installez une éolienne ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Nous devons dire non !
Monsieur le président, nous vous demandons donc formellement de soumettre les conclusions de la conférence des présidents à l’approbation de notre assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, vous pouvez comprendre la réaction de nos collègues face à l’énoncé des conclusions de la conférence des présidents. C’est à se demander si cette instance, dans sa composition, représente des sénateurs élus du terrain ! Je me pose des questions…
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, nous avons même eu des séances de nuit en commission, ce qui ne s’était jamais vu, j’en prends à témoin M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. (M. Jean-Paul Emorine, président de ladite commission, acquiesce.)
Mes chers collègues, si vous dressez le bilan des textes examinés depuis le mois de mai dernier, avec notamment le Grenelle I et le Grenelle II, et si vous pensez à tous ceux qui sont annoncés et dont les thématiques concernent cette même commission, vous constaterez que notre régime de travail est franchement insupportable pour des élus qui, comme nous, ont vocation à représenter des territoires !
Je reviens sur la décision de nous faire siéger samedi et dimanche, qu’a déjà évoquée notre collègue Guy Fischer.
M. Gérard Longuet. Vous voulez les 35 heures ?... (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Je n’oublie pas que l’extension du travail dominical a été rendue possible sous la pression ultralibérale de M. Hervé Maurey, ici présent, et de M. Yves Pozzo di Borgo, entre autres. Et je n’oublie pas non plus que Mme Isabelle Debré, alors rapporteur de la loi de modernisation de l’économie, a pris l’initiative de proposer l’ouverture des magasins d’ameublement le dimanche.
Mme Odette Terrade. En plein mois de juillet !
M. Daniel Raoul. Mais comment voulez-vous que nous nous rendions dans les magasins le dimanche si nous sommes ici ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va faire chuter la consommation !
Un sénateur socialiste. Et la messe ?
M. Bruno Sido. On peut y aller le samedi soir !
M. Daniel Raoul. La messe, c’est autre chose ! Vous pouvez encore y aller en raison de la souplesse de l’ordo – pour ceux qui connaissent ce genre de manuels –, qui dispense de la messe le dimanche si l’on assiste à celle du samedi soir. Mais les vêpres ? Et le salut du Saint Sacrement ? Vous reniez toutes vos valeurs ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Plus sérieusement, le régime auquel vous nous soumettez est inacceptable.
Comment travailler quand on ne nous laisse pas un instant de répit et qu’on nous empêche d’étudier nos dossiers de manière à débattre de manière réellement pertinente ?
J’ajoute que, si nous sommes réduits à subir ce régime-là, c’est aussi parce que la majorité est incapable d’assurer sa majorité numérique dans l’hémicycle ! Nous l’avons constaté hier : une mise aux voix par scrutin public a été nécessaire pour chaque amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er. Combien de temps ont pris ces votes sur le temps global consacré à l’examen de ces amendements ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cinq minutes pour chaque scrutin public !
M. Guy Fischer. Ils nous font perdre un temps considérable !
M. Daniel Raoul. Tout cela n’est pas seulement dû à un manque de disponibilité de la majorité ; c’est sans doute aussi le signe d’un manque d’implication. En fait, vous soutenez ce projet de loi comme la corde soutient le pendu !
Tirons-en les conséquences, monsieur le président. Il faut revoir les conclusions de la conférence des présidents. Je ne peux pas croire qu’elles émanent de gens qui ont été élus sur le terrain !
M. Bernard Vera. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Comme beaucoup de mes collègues, je trouve les propositions de la conférence des présidents complètement absurdes.
L’été dernier, M. Karoutchi, qui était alors secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement – il est aujourd'hui ambassadeur –, s’exprimant au nom du Président de la République, déclarait que les Français, qui ne disposent que de cinq semaines de congés par an, ne comprendraient pas que les parlementaires aient trois mois de vacances et que, pour cette raison, nous allions être appelés à siéger aux mois de juillet et de septembre. Ces propos, d’un populisme affligeant, témoignaient du plus profond mépris à l’égard du Parlement.
Mes chers collègues, considérons objectivement ce que sont notre engagement et notre rôle. Certes, en tant que parlementaires, nous sommes appelés à siéger à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mais notre mandat ne se limite pas à cela. Il faut également tenir compte du travail de réflexion mené avec nos équipes et, évidemment, du travail sur le terrain. Quelle valeur accorder à une démocratie dans laquelle les parlementaires seraient « hors sol », siégeant sans cesse sous les ors de la République,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sous les ordres !
M. Didier Guillaume. ... sans jamais se confronter à la population, sans rendre des comptes sur leur mandat, sans entendre ce qu’ont à leur dire leurs concitoyens ?
Je le dis sans ambages, les propositions de la conférence des présidents ne tiennent pas debout ! Si j’ai bien compris, dans les semaines qui viennent, le Sénat siégera sans discontinuer, y compris les samedis et dimanches. Ce n’est pas acceptable ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
C'est la raison pour laquelle, comme l’a réclamé Guy Fischer, nous devons nous prononcer par un vote sur les propositions de la conférence des présidents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est normal !
M. Didier Guillaume. Il faut que nous puissions dire haut et fort que cela n’est pas tolérable.
M. Jean Bizet. Cela fait déjà un quart d’heure de perdu !
M. Didier Guillaume. Pour autant, mes chers collègues, si nous devons siéger samedi et dimanche, soyez rassurés, nous serons présents et nous nourrirons le débat ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Je veux revenir un instant sur l’engagement de la majorité. J’ai entendu hier la fabuleuse démonstration du président du groupe UMP, Gérard Longuet. Mais, si un scrutin public est systématiquement nécessaire parce que vous n’êtes pas mobilisés sur un texte que vous jugez peut-être accessoire, vous allez « pourrir la semaine » du Gouvernement et vous serez responsables de ce temps perdu !
Revenons sur terre ! Michel Teston l’a souligné avec force hier et avant-hier, la discussion du texte sur La ¨Poste ne revêt aucun caractère d’urgence : nous avons encore un an pour débattre !
En tout cas, l’organisation des séances qui nous est proposée n’est pas propice à la sérénité dans laquelle nous sommes censés travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. S’il faut siéger, nous siégerons le temps qu’il faudra. (Exclamations et applaudissements railleurs sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Nous aussi !
M. Martial Bourquin. J’attire toutefois l’attention de la majorité sur un point : le ministre fait un chantage au Parlement. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Éric Doligé. Ça ne marche pas avec nous !
M. Martial Bourquin. Il nous dit : « Voilà votre temps de travail. Vos circonscriptions ou vos départements, je n’en ai rien à faire. Le Gouvernement veut faire passer ses projets de loi dans les délais qu’il a fixés. Si vous ne l’acceptez pas, vous travaillerez à temps complet, dimanche compris ! »
Or tout parlementaire a aussi pour mission de représenter le peuple.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Martial Bourquin. À l'Assemblée nationale, il représente les citoyens de sa circonscription. À la Haute Assemblée, il représente les élus locaux. Comment avoir un contact avec eux si nous sommes ici tous les jours de la semaine ?
Il s’agit là d’un chantage inouï, unique, et inique ! Cette stratégie trahit en fait une façon de gouverner : celle de gens pressés, qui ne travaillent pas leurs dossiers. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je peux en témoigner ! Je l’ai vu à propos de l’IRCANTEC : rien n’était prêt !
Le Gouvernement arrive sans cesse au Parlement avec de nouveaux projets de loi, le soumet à un rythme d’enfer et, pendant ce temps-là, que se passe-t-il ? Le chômage ne cesse d’augmenter, la pauvreté de croître, la situation économique et sociale de se dégrader ! Notre pays se trouve dans une situation insupportable et, sur des questions comme l’avenir de La Poste, qui touchent à l’équilibre des territoires, on refuse le débat.
Sur un tel sujet, on se livre à un chantage sur les parlementaires en leur demandant de se dépêcher de voter ce qui leur est proposé : « Faites de La Poste une société anonyme et vous serez tranquilles : vous pourrez retourner dans vos départements ! »
Voilà le chantage dont nous sommes l’objet !
Je le dis tout net : nous siégerons le temps qu’il faudra,…
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Martial Bourquin. … mais de tels procédés sont inadmissibles. Si vous les acceptez, chers collègues de la majorité – mais je veux croire que certains d’entre vous les désapprouvent –, vous serez des godillots ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Odette Terrade. Ils le sont déjà !
M. Martial Bourquin. Vous êtes en train de faire du Parlement une chambre d’enregistrement, qui n’a plus rien à dire sur des questions fondamentales qui concernent l’ensemble des Français !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On les a connus plus combatifs !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui provoquez cela !
M. Martial Bourquin. Le cynisme, le mépris pour le Parlement dont vous faites ainsi preuve est totalement stupéfiant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Il faut que chacun retrouve ici son calme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bonne idée !
M. Gérard César. J’ai eu l’honneur de représenter ce soir M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à la conférence des présidents, où vous étiez vous-même présent, monsieur le président. Nous avons décidé de faire siéger le Sénat samedi et dimanche, si besoin était. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous, la majorité, qui l’avez décidé !
M. Gérard César. Nous avons voté et, dans un vote, c’est la majorité qui l’emporte, ma chère collègue ! Sinon, c’est la démocratie qui est bafouée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole pour ce genre d’intervention, mais je dois exprimer ma surprise devant la décision qui a été prise de nous faire siéger samedi et dimanche pour achever l’examen du projet de loi relatif à La Poste.
J’imaginais la majorité sereine ; je la découvre énervée, agacée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Fébrile !
M. Didier Guillaume. Aux abois !
M. François Rebsamen. Or ce débat mérite du temps – et l’examen de ce texte ne revêt aucun caractère d’urgence, nous l’avons démontré – ainsi que de la sérénité !
La procédure accélérée qui a été engagée sur ce texte s’est transformée dans les faits en procédure accélérée « plus plus » ! Alors que, à vous entendre, il faudrait expédier l’examen de ce projet de loi, c'est-à-dire ne pas y consacrer le temps nécessaire, nous constatons que la majorité – mes propos ne s’adressent pas à ceux de ses membres qui sont présents ce soir et que je salue – ne fait pas montre d’une mobilisation exemplaire, qui témoignerait d’un vif intérêt pour ce débat sur l’avenir de La Poste. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Il semble bien que vous ne soyez pas capables d’assurer une majorité physique, alors que vous détenez la majorité politique !
M. Daniel Raoul. Voilà !
M. Martial Bourquin. C’est triste !
M. François Rebsamen. Jusqu’à présent, vous avez retardé nos travaux en demandant systématiquement des mises aux voix par scrutin public. Et, ce soir, nous nous retrouvons confrontés à une décision qui est une forme de chantage exercé sur la Haute Assemblée.
Pourtant, j’avais cru comprendre que le propre du Sénat était de prendre le temps d’examiner les textes, surtout quand ceux-ci affectent particulièrement les collectivités locales.
M. Bruno Sido. C’est précisément pourquoi nous siégerons samedi et dimanche !
M. François Rebsamen. Nous avons eu l’occasion de faire un certain nombre de démonstrations depuis le début de cette discussion et nous allons encore le faire. Je tiens à vous rassurer, nous le ferons même samedi et dimanche, car, nous, nous ne craignons pas de travailler, et de travailler longtemps – nous le faisons régulièrement –, quand on nous le demande et qu’il s’agit de l’intérêt général !
M. Bruno Sido. C’est bien !
M. François Rebsamen. Mais là, ce que vous proposez, c’est tout simplement de bâcler le débat, faute d’arguments sur les amendements que nous défendons.
En réalité, permettez-moi de vous le dire, vous ne nous avez toujours pas expliqué pourquoi, fondamentalement, vous vouliez changer le statut de La Poste. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Martial Bourquin. Ou très mal !
M. François Rebsamen. Vos arguments, nous les connaissons et nous pourrions les entendre ! Ils mériteraient un débat serein, ils mériteraient le temps de la réflexion.
L’histoire de La Poste n’est pas une petite annexe dans l’histoire la République française ! Cet établissement fait partie de notre patrimoine, il est lié à notre identité ! Puisque vous avez lancé un débat sur l’identité, nous pourrions en parler à propos des services publics !
M. Gérard Longuet. Que faisons-nous depuis deux jours ?
M. François Rebsamen. Permettez-moi de m’exprimer, cher collègue Gérard Longuet. N’en avons-nous pas le droit ?
M. Gérard Longuet. Naturellement ! Et vous en faites largement usage ! (Plusieurs sénateurs du groupe UMP abondent dans ce sens.)
M. François Rebsamen. Nous le faisons dans le respect des dispositions prévues par le règlement du Sénat !
Quoi qu'il en soit, les conclusions de la conférence des présidents dont il nous a été donné lecture ce soir bafouent ni plus ni moins les droits du Parlement à examiner sereinement un texte déterminant quant à l’avenir du service public postal. Car les tentatives qui seront faites, demain, pour ouvrir le capital social de La Poste modifieront profondément ce service public auquel tous les Français sont attachés.
Je le répète, la méthode de travail qui nous est imposée me surprend. Mes chers collègues, vous êtes tous des représentants des élus de vos territoires. Vous avez été élus par eux, vous les rencontrez, vous entendez ce qu’ils vous disent, vous connaissez les pétitions qui circulent. Prenez le temps de les écouter. Ne bâclez pas ce débat, qui mérite mieux que la procédure accélérée et que le chantage auquel on se livre ce soir sur le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur Rebsamen, vous venez de dire que nous sommes énervés et que nous manquons de sérénité. Permettez-moi de vous démontrer que nous sommes, au contraire, très sereins.
On nous a parlé de circonscriptions. Dans le département du Loiret, nous sommes actuellement trois sénateurs, deux UMP et un socialiste. Les deux sénateurs UMP, présents dans cet hémicycle,…
M. Didier Guillaume. Le socialiste est sur le terrain !
M. Éric Doligé. … sont sereins. Le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur, l’est certainement moins que nous, car, si j’ai bien compris, il est en train de labourer notre circonscription commune pour nous représenter, et je tiens à l’en remercier. (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Vous n’avez pas le droit de tenir de tels propos ! Ce que vous dites est scandaleux ! Cela ne vole pas haut !
M. Daniel Raoul. C’est scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est d’un niveau vraiment bas !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Didier Guillaume. Le général sans troupes !
M. Gérard Longuet. La conférence des présidents propose au Sénat de disposer d’environ quatre-vingt-dix heures de séance publique dans l’hémicycle pour examiner les vingt-six articles de ce texte.
Mes chers collègues, nous connaissons tous les problèmes de La Poste. Nous gérons ensemble cette institution, depuis des décennies pour ceux qui ont un peu d’ancienneté sur ces travées. La Poste mérite de l’attention, vous avez eu raison de le dire, cher collègue François Rebsamen, mais elle n’en mérite pas seulement à cette occasion. Depuis plusieurs années, Gérard Larcher, Pierre Hérisson ainsi que d’autres parlementaires se sont impliqués dans ce débat. La commission de l’économie a suivi de façon constante l’évolution de La Poste.
Nous ne sommes donc pas en train de réinventer le service public. Depuis des décennies, nous le gérons et nous le faisons évoluer dans l’intérêt collectif, en tenant compte, à la fois, de la demande des usagers et des clients de La Poste, de l’intérêt du personnel et des règles européennes, construction à laquelle l’immense majorité d’entre nous, à gauche comme à droite, sommes attachés.
Ne dites pas que ces quatre-vingt-dix heures d’hémicycle sont insuffisantes. Elles devraient permettre aux signataires des six cent vingt-neuf amendements, dont vous êtes l’immense majorité, de les exposer. Nous sommes prêts à vous écouter et, s’ils apportent une contribution nouvelle, à leur apporter une réponse,…
M. Daniel Raoul. Mais nous, nous ne sommes pas prêts !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La leçon, vous l’avez déjà faite !
M. Gérard Longuet. … et nous avons donc la possibilité de conduire un travail accompli de parlementaire.
En ce qui concerne notre présence sur le territoire, vous nous apportez la réponse : presque la moitié des membres du groupe socialiste sont présents et, je le reconnais, un pourcentage peut-être légèrement plus faible de l’UMP.
M. Daniel Raoul. C’est un euphémisme !
M. Gérard Longuet. Cela veut dire que nos sénateurs se partagent entre ceux qui travaillent au contact des élus et ceux qui assurent la présence dans l’hémicycle.
Mais, très honnêtement, avez-vous vu des textes aussi techniques bénéficier d’une telle assiduité ? Je m’en félicite pour La Poste, que j’ai dirigée, monsieur le ministre, lorsque j’exerçais des responsabilités précédentes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez dit au moins trois fois !
M. Gérard Longuet. Je terminerai par une observation. Si nous devons agir vite et prendre des mesures à cet instant, c’est parce que les 320 000 postiers ont le droit de savoir si la communauté nationale donne, ou non, à La Poste les moyens d’être une entreprise d’avenir,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Gérard Longuet. … de disposer des capitaux nécessaires aux investissements, de moderniser l’outil de travail et de ne pas se faire, en quelque sorte, manger la laine sur le dos par des postes étrangères.
M. Martial Bourquin. Comme EDF !
M. Daniel Raoul. Comme GDF !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme France Télécom !
M. Gérard Longuet. On peut attendre, dites-vous. Eh bien non, on ne peut pas attendre,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Gérard Longuet. … car toute part de marché perdue aujourd’hui, ce sont des emplois de postiers menacés. Vous ne pouvez pas être complices de ce retard ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Je n’avais pas l’intention d’intervenir en cet instant, mais les propos tenus par M. Doligé m’y obligent.
M. Éric Doligé. Voilà !
M. Jean-Pierre Bel. En effet, j’estime que la manière dont il s’est exprimé, la mise en cause directe et personnelle qu’il a manifestée à l’endroit de Jean-Pierre Sueur…
M. Éric Doligé. Positivement !
M. Jean-Pierre Bel. … est totalement inadmissible dans le cadre des relations et des discussions qu’entretiennent les membres de la Haute Assemblée.
Chacun sait à quel point Jean-Pierre Sueur est impliqué dans son travail de parlementaire, en particulier au Sénat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est plus impliqué que les sénateurs de l’UMP !
M. Jean-Pierre Bel. Il vous arrive même parfois de vous en plaindre.
L’astuce que vous avez cru pouvoir utiliser à l’encontre de notre collègue, monsieur Doligé, n’honore pas notre assemblée ni même votre personne.
En conséquence, je vous demanderai de manifester un regret ou de présenter des excuses concernant les propos que vous avez tenus voilà quelques instants. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Vous êtes en train de mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Vous prenez les élus pour des boucs émissaires, soit en les traitant comme vous venez de le faire, soit en diffusant l’idée qu’ils ne veulent jamais travailler et que ce n’est pas plus mal de les faire travailler le samedi et le dimanche !
Je sais très bien – nous parlons souvent ensemble – que la plupart d’entre vous désapprouve la proposition qui nous est soumise aujourd’hui. Si elle est adoptée, nous allons entrer ce soir dans un tunnel qui nous obligera peut-être à siéger jour et nuit, y compris le samedi et le dimanche, jusqu’au 8 ou 9 décembre, voire 10 décembre. Au fond, vous n’acceptez pas ces conditions de travail.
Laisser entendre que les élus de la nation qui ne sont pas présents dans l’hémicycle trahissent leurs propres électeurs, voire leurs engagements,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’ils sont en vacances !
M. Jean-Pierre Bel. … n’est pas digne d’un parlementaire de la République ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également. – Nouveaux sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur Doligé, je veux vous dire, à mon tour, que les propos que vous venez de tenir sont très très petits.
M. Gérard Longuet. Mais réalistes !
M. Pierre-Yves Collombat. S’il y a un soutier de la nuit parmi nous, c’est bien notre ami Jean-Pierre Sueur. Et si l’on faisait les comptes des présences, je ne suis pas sûr que vous gagneriez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce ne serait pas à votre avantage ! Vous êtes pourtant majoritaires !
M. le président. Mes chers collègues, je vous ai demandé s’il y avait des observations, j’ai cru comprendre que vous aviez répondu positivement et qu’il y avait eu quelques observations. (Sourires.) J’ai même été saisi par M. Fischer d’une demande de vote.
Nous allons nous reporter au règlement. Je vous donne lecture de l’article 32, alinéa 2 : « Le Sénat se réunit en séance publique en principe les mardi, mercredi et jeudi de chaque semaine. En outre, le Sénat peut décider de tenir d’autres jours de séance dans la limite prévue par le deuxième alinéa de l’article 28 de la Constitution, à la demande soit de la Conférence des présidents, soit du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. »
Ce soir, nous sommes saisis d’une proposition de siéger les samedi 7 et dimanche 8 novembre – puisque les observations formulées portent sur ces deux jours-là – par la conférence des présidents, qui l’a adoptée à la majorité. Il me revient donc de consulter le Sénat sur cette proposition.
M. René Beaumont. La conférence des présidents s’est prononcée, c’est elle qui est chargé du règlement, nous n’avons pas à voter !
M. le président. Monsieur Beaumont, vous avez oublié de me demander la parole, ce qui m’étonne de la part de quelqu’un d’aussi discipliné que vous. Par conséquent, je ne vous la donne pas puisque vous vous êtes exprimé.
M. René Beaumont. C’est gentil ! Merci !
M. le président. J’essaie d’être clair. Le règlement précisant « le Sénat se réunit… », nous sommes donc saisis de propositions.
Habituellement, il n’y a pas d’observations et les propositions sont adoptées par consentement tacite.
Aujourd’hui, vous en conviendrez tous, il y a eu des observations et une demande de vote. En vertu de l’article 32, alinéa 2, le Sénat est maître de son ordre du jour les samedis et dimanches. Il peut décider de ne pas siéger ces jours-là.
Je vais donc consulter le Sénat…
M. Patrice Gélard. Il a raison !
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. le président. … pour savoir s’il accepte ou refuse sur ce point la proposition de la conférence des présidents. Je ne fais rien d’autre qu’une lecture éminemment étroite du règlement, je n’envisage pas un instant de faire autre chose.
Je vais mettre aux voix cette proposition, sur laquelle je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Daniel Raoul. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Monsieur Raoul, honnêtement, je pensais que les observations valaient explication de vote, et donc que nous pouvions nous en dispenser. Mais si vous souhaitez une explication de vote, je vous l’accorde, puisque ce sera la seule du groupe socialiste.
Vous avez donc la parole.
M. Daniel Raoul. Votre générosité me trouble, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Remettez-vous, monsieur Raoul. (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Raoul. Qui peut raisonnablement exprimer ce soir un vote en son âme et conscience sur la proposition qui nous est faite, sinon les membres de cette assemblée physiquement présents, et non pas ce simulacre de démocratie que constitue la manière dont nous exerçons le scrutin public, à savoir par blocs de bulletins ? Nous dénonçons, depuis quelque temps déjà, le recours abusif au scrutin public. Quels sont ceux, parmi les absents dont on glisse le bulletin dans les urnes, qui ont connaissance de la proposition ainsi mise aux voix ? Je serais curieux de le savoir !
C’est bien parce que vous êtes minoritaires dans l’hémicycle en cet instant (Protestations sur les travées de l’UMP) que vous voulez recourir au scrutin public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sinon, pourquoi demander un scrutin public ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, il faudra à un moment donné que l’on clarifie les procédures de vote dans cette assemblée pour permettre tant à la majorité qu’à la minorité de s’exprimer.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Comme vient de me le souffler le président Longuet, ce sera la seule explication de vote du groupe UMP.
Tout d’abord, j’ai compté, nous sommes majoritaires.
M. Roland Courteau. C’est exceptionnel !
M. Martial Bourquin. Depuis un quart d’heure !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cessez donc de dire que nous somme minoritaires !
Ensuite, si nous avons demandé un scrutin public, c’est parce que la décision de siéger samedi et dimanche est celle de l’ensemble du groupe UMP, y compris de ceux de ses membres qui ne sont pas présents ce soir.
Si nous avons pris cette décision, c’est uniquement parce que vous êtes arrivés lundi en déclarant que vous alliez nous pourrir la semaine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. C’est faux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Aussi, nous, nous vous disons que nous allons aussi travailler le week-end ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame Des Esgaulx, votre intervention me paraît tout à fait déplacée ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
En effet, je me demande bien comment vous avez pu consulter les membres du groupe UMP pour savoir s’ils sont d’accord pour travailler samedi et dimanche prochains.
Si vous avez réuni tout le groupe, pourquoi n’avez-vous pas demandé à vos collègues d’être présents dans l’hémicycle cet après-midi (M. François Rebsamen applaudit), plutôt que de nous imposer une série de scrutins publics ? C’est inadmissible ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la proposition de la conférence des présidents.
M. Bruno Sido. Enfin !
M. le président. Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 28 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté la proposition de la conférence des présidents de siéger le samedi 7 novembre et, éventuellement, le dimanche 8 novembre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes. Le président du groupe UMP a eu le temps de consulter tout son groupe pour voter à sa place concernant la proposition de la conférence des présidents de travailler samedi et dimanche prochains. Je vais quant à moi être obligée d’envoyer un courrier électronique aux membres de mon groupe puisque j’ai voté pour eux sans leur demander leur avis.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. C’est trop tard !
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, il y a encore quatre inscrits sur l’article 1er. Je vous propose donc que nous les écoutions, après quoi je vous accorderai une suspension de séance de cinq minutes.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci, monsieur le président !
6
Entreprise publique La Poste et activités postales
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Article 1er (suite)
M. le président. Nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir rendre à cet hémicycle la sérénité qui doit être la sienne.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je veux apporter dans ce débat la voix, une de plus, d’un département rural, l’Aisne, où les habitants de toutes sensibilités et les élus dans leur diversité ont exprimé, affirmé, confirmé d’abord leur soutien au service public de La Poste, ensuite l’exigence de son maintien.
L’Aisne, un département où près de 10 % de la population se trouvent à plus de vingt minutes ou plus de cinq kilomètres d’un point de contact. Qu’en serait-il demain avec un service privatisé ?
Un département où 52 agences postales communales sont déjà en place et où dix-huit relais poste commerçants ont été créés. C’est dire si les communes se sont engagées, même si un différentiel entre le coût réel du service et la compensation a souvent été mis en évidence. Je veux citer l’exemple d’une petite commune, Wassigny, dans l’Aisne, qui a évalué ce coût à 2 200 euros par mois pour une compensation de 833 euros.
Un département où l’absurdité de la modernisation quelquefois poussée à l’extrême fait qu’une lettre, pour parcourir quelques kilomètres, d’un village à un autre, doit effectuer un voyage de 300 kilomètres aller et retour jusqu’à Amiens.
Un département où les situations de dégradation de la distribution du courrier sont de plus en plus graves et nombreuses, et nous savons que ce ne sont ni les compétences ni la conscience professionnelle des postiers qui sont en cause.
M. Bruno Sido. C’est clair !
M. Yves Daudigny. Un département où des 150 bureaux de plein exercice voilà dix ans, il ne reste aujourd’hui que trente-sept, peut-être bientôt une vingtaine, soit un pour trois cantons en zones rurales. Là aussi, qu’en serait-il demain avec une Poste privatisée ?
Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas nous convaincre que ce projet de loi, entier contenu dans son article 1er, s’il est voté, ne remettra pas en cause la qualité du service public rendu aux usagers. Ce serait l’inévitable conséquence d’une seule logique comptable et de la privation perçue comme la suite incontournable du projet examiné ces jours-ci.
Le précédent d’EDF-GDF nous interdit d’accorder du crédit aux garanties que vous dites apporter.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, les pétitions d’élus locaux se multiplient, relayant l’inquiétude des habitants face aux réductions d’horaires, aux moindres services rendus par les agences, à la confusion commerciale des relais poste commerçants, à la colère devant des bureaux maintenus mais aux portes fermées aux heures où ils pourraient être fréquentés. Attention à la diagonale du vide qui risque de traverser les campagnes de France !
Concernant précisément l’article 1er, vous avez déclaré, monsieur le ministre : « il est inscrit en toutes lettres dans le texte qu’à aucun moment des capitaux de fonds privés n’entreront au capital de La Poste, y compris via la caisse des dépôts et consignations ». Nous n’en avons pas la même lecture, et cela été largement démontré.
Je voterai donc contre l’article 1er de ce projet de loi parce qu’il n’est pas un élément de progrès, parce qu’il n’est pas porteur d’aménagement du territoire, parce qu’il n’est pas facteur de qualité de vie pour les Françaises et les Français.
Des millions d’entre eux, même si vous refusez cette vérité, se sont déjà exprimés contre ce texte, parce que La Poste, plus qu’un distributeur, est vecteur de lien social, de vie économique et de solidarité territoriale.
C’est avec force que nous devons exprimer notre opposition au changement de statut de La Poste en une société anonyme.
Si je me suis inscrit dans le débat et si je suis présent dans l’hémicycle, c’est non par malice, par calcul ou par volonté d’obstruction, mais parce que ce débat est essentiel dans la défense de valeurs que je veux réaffirmer au sein de notre Haute Assemblée, des valeurs qui fondent, par les services publics, les solidarités humaines et territoriales dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Comme nous parlons de La Poste, les lettres au Père Noël risquent de nous poser quelques problèmes quant à la délivrance du courrier à la date indiquée… (Sourires.) Mais c’est un autre débat.
J’ai écouté attentivement les enjeux du débat qui a eu lieu ces deux derniers jours. Cela me rappelle – excusez-moi de faire un peu « ancien combattant » – le problème qui s’est posé avec EDF et Gaz de France, et le statut que nous avions proposé dans le cadre d’un service public de l’énergie sous la forme d’un établissement public à caractère industriel ou commercial, EPIC, reliant Gaz de France et EDF.
Vous en avez fait deux sociétés…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Une société !
M. Daniel Raoul. Oui, une pour le moment, Gaz de France-Suez, et une deuxième qui est en gestation – je ne sais combien de temps cela va durer – entre EDF et Veolia.
Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt !
Vous avez nommé un président à la tête d’EDF, du moins c’est presque fait. Nous avions auditionné ce candidat sans que la loi nous y oblige. Cette audition, correcte et intellectuellement honnête, a eu lieu dans le cadre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mais le problème de la nomination de ce futur président n’aurait-il pas dû se poser devant une commission d’éthique ?
J’en reviens aux arguments que l’on nous a donnés. Je regrette que le rapporteur se soit momentanément absenté mais M. le ministre est là, il pourra donc sans doute me répondre pertinemment concernant les critères inventés, pardon, évoqués – excusez ce lapsus ! – pour justifier un changement de statut de La Poste.
On nous dit d’abord que c’est le président de La Poste qui en a fait la demande. Connaissez-vous la composition de son conseil d’administration et l’actionnaire de cet EPIC ?
Comment imaginer que le président de cet EPIC ne soit pas aux ordres du Gouvernement, et donc de l’État qui est son actionnaire ? Il est impensable qu’il ne soit pas le porte-parole du Gouvernement !
D’ailleurs, on a bien vu ce qui est arrivé à un ancien président-directeur général quand il a voulu user de sa liberté de parole pour réclamer une hausse des tarifs ! Je veux bien sûr parler d’EDF.
Ensuite, monsieur le ministre, lorsque vous vous dites prêt à accorder à La Poste le statut de service public national pour la rendre prétendument « imprivatisable », nous le savons tous, vous péchez par omission. Autrement dit, vous omettez de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel de 2006. Au regard de cette décision, vous le savez bien, l’amendement Retailleau, que vous évoqué, n’a aucune valeur juridique.
En outre, qu’adviendra-t-il de l’autonomie de la Caisse des dépôts et consignations si elle est appelée à souscrire à l'augmentation de capital à hauteur de 1,5 milliard d'euros ?
En définitive, vous êtes en train de mettre en place un jeu de dominos géant en vue, disons-le franchement, de privatiser La Poste, mais sans avoir le courage de le reconnaître, contrairement à notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Celui-ci avait en effet déposé un amendement en ce sens, que vous vous êtes empressé de considérer comme le chiffon rouge à ne surtout pas agiter en cette période,…
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Daniel Raoul. … alors qu’il reflète parfaitement le fond de votre pensée.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Daniel Raoul. En ponctionnant ainsi les ressources de la Caisse des dépôts et consignations, vous fragilisez sa capacité d’intervention pour d’éventuels investissements dans notre industrie, qui est pourtant dans un piteux état. Faites attention à ce que la part de ce secteur dans le PIB ne descende pas au-dessous de 20 % ! Si cela arrive un jour, c’est que la France ne sera plus qu’un grand musée ou une énorme attraction touristique : il n’y aura alors plus guère d’autre solution que de s’acheter la panoplie complète du guide touristique, avec la casquette en prime !
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, quel crédit pouvons-nous apporter à toutes ces déclarations faites la main sur le cœur, y compris de votre part, assurant que jamais, ô grand jamais, La Poste ne sera privatisée ?
M. le président. Concluez, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Je me souviens qu’un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie – qui occupait, pardonnez-moi de le préciser, un échelon supérieur au vôtre dans la hiérarchie ministérielle –, avait affirmé la même chose à propos de Gaz de France. Nous savons tous ce qu’il en est advenu !
Monsieur le ministre, quelles garanties réelles pouvez-vous donc nous donner aujourd'hui ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Bérit-Débat. Il n’y a aucune garantie !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, mes chers collègues, sur ce sujet, comme sur d’autres, j’ai l’impression que nous ne savons pas tirer les enseignements de nos erreurs passées. Les uns et les autres, nous revendiquons pourtant le droit à l’erreur, et nous en avons tous commis quelques-unes.
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.
Le premier concerne France Télécom. Aujourd'hui, dans nos campagnes, un certain nombre de lignes ne sont pas entretenues. Il arrive même que les fils soutiennent les poteaux ! (Sourires.) Dans mon département, le conseil général a été contraint de financer la construction de trente relais, pour que la téléphonie mobile puisse être déployée dans les zones blanches. Un problème similaire se pose pour le déploiement de la fibre optique, parce que les opérateurs se refusent à intervenir sur ces territoires à faible densité de population, la rentabilité n’étant pas au rendez-vous.
Monsieur le ministre, je suis très inquiet pour l’avenir de La Poste. Vous nous avez affirmé que cette entreprise publique serait « imprivatisable », grâce au verrou prévu par notre collègue Retailleau dans son amendement. Mais on sait ce qu’il en est des verrous…
Le second exemple porte sur les autoroutes.
Je me souviens du débat que nous avons eu, ici même, au Sénat, lorsqu’un gouvernement de gauche a proposé de privatiser une partie des autoroutes, 49 % pour être précis. Le ministre des transports de l’époque, Jean-Claude Gayssot, nous avait alors expliqué que le dispositif mis en place, dans lequel l’État conservait donc les 51 % restants, était censé perdurer. Alors que Jean-Pierre Raffarin, nommé Premier ministre, a su résister, Dominique de Villepin, qui lui a succédé, a entièrement privatisé les autoroutes, privant ainsi l’État d’une recette annuelle de 1 milliard d’euros, qui nous arrangerait bien en ce moment !
M. Didier Guillaume. Absolument !
M. Gérard Miquel. À l’évidence, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, l'augmentation de capital de 2,7 milliards d'euros ne sera pas suffisante pour assurer l’avenir de La Poste. Dans quelques années, il faudra trouver 3 ou 4 milliards d'euros supplémentaires pour faire face aux investissements nécessaires, notamment dans nos zones rurales : l’ouverture du capital sera alors inéluctable.
En outre, puisque la rentabilité ne sera plus assurée, les collectivités les plus faibles se verront demander une participation financière pour être assurées de conserver une distribution du courrier quotidienne en tout point de leurs territoires.
C’est en menant une telle politique libérale que l’on casse un service public. Ce sont systématiquement les plus faibles, les habitants des zones rurales et des banlieues en difficulté, qui en font les frais. Nous refusons qu’ils deviennent les victimes expiatoires.
Nous voterons donc contre l'article 1er, pour préserver le dernier rempart du service public ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.
Mme Colette Giudicelli. Monsieur Miquel, je peux comprendre votre inquiétude, car, c’est vrai, les choses changent avec le temps.
M. Daniel Raoul. Demain sera un autre jour !
Mme Colette Giudicelli. À cet égard, vous vous souvenez sans doute que, en 1997, Lionel Jospin avait mené campagne en défendant les renationalisations, puis qu’une fois arrivé au pouvoir il avait ouvert le capital de France Télécom, d’Air France, et privatisé Thomson, le GAN, la Société marseillaise de crédit, RMC, le Crédit lyonnais, l’Aérospatiale et les Autoroutes du sud de la France !
Chers collègues de l’opposition, vous avez tout à fait le droit d’exprimer vos inquiétudes, et force est de constater que vous ne vous en privez pas depuis lundi soir. Mais ne soyez pas aussi manichéens. À vous entendre, il y aurait, d’un côté, vous, les gentils, défenseurs acharnés de La Poste et de ses personnels, hérauts de la lutte contre sa privatisation…
M. Daniel Raoul. Jusque-là, c’est juste !
Mme Colette Giudicelli. Monsieur Raoul, ayez au moins la courtoisie de me laisser parler. Je suis une nouvelle élue et je ne prends tout de même pas la parole très souvent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel dommage…
Mme Colette Giudicelli. Et, de l’autre côté, il y aurait nous, les méchants, les sans-cœur.
M. Didier Guillaume. Mais non !
Mme Colette Giudicelli. Il est temps que ce discours s’arrête ! Le débat qui nous anime, alors que nous ne sommes même pas encore entrés dans le vif du sujet, n’est pas digne du Sénat. Efforçons-nous plutôt de progresser tous ensemble.
Au demeurant, monsieur Raoul, s’il vous venait ce soir à l’idée de prendre des nouvelles de votre famille ou d’amis habitant à l’autre bout de la France, je ne suis pas sûre que vous leur enverriez une lettre par la poste. Les moyens de communication ont évolué, et les postiers sont les premiers à nous dire qu’ils ont de moins en moins de courrier à distribuer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci pour la leçon, madame !
Mme Colette Giudicelli. Madame Borvo Cohen-Seat, cessez, je vous prie, d’interrompre à tout bout de champ les orateurs. Vous prenez tout le temps la parole, même quand on ne vous la donne pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Surtout quand on ne vous la donne pas !
Mme Colette Giudicelli. Monsieur Raoul, si vous voulez vraiment avoir des nouvelles rapidement de vos proches, vous allez plutôt leur envoyer un texto ou un mail.
M. Daniel Raoul. Ne croyez pas ça ; je vais d’ailleurs vous écrire sur-le-champ ! (M. Daniel Raoul joint le geste à la parole. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Mme Colette Giudicelli. Mes chers collègues, je souhaite que nous puissions tous travailler sérieusement à l’avenir de La Poste et de ses personnels, auxquels nous sommes aussi attachés que vous. Faisons en sorte qu’elle reste cette grande entreprise française qui fait notre fierté et dont nous avons besoin. Mieux, aidons-la à devenir, grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, la grande entreprise européenne de demain.
« Pour que la loi du progrès existât, il faudrait que chacun voulût la créer ; c’est-à-dire que, quand tous les individus s’appliqueront à progresser, alors, l’humanité sera en progrès. » : ce n’est pas de moi, c’est de Baudelaire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la votation citoyenne du 3 octobre dernier (Ah ! sur les travées de l’UMP),…
M. Jean Bizet. Ça recommence !
M. Guy Fischer. … qui a rassemblé 2,5 millions de nos concitoyens,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas beaucoup !
M. Jean Bizet. C’est du pipeau !
M. Guy Fischer. … a confirmé de façon magnifique combien les Françaises et les Français sont attachés au service public postal dans notre pays.
M. Roland Courteau. Cela gêne le Gouvernement et sa majorité !
M. Guy Fischer. L'engagement du Gouvernement de maintenir 100 % de fonds publics dans le capital de La Poste est « l’arbre qui cache la forêt ».
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Guy Fischer. Vous ne cessez de dire que la transformation en société anonyme ne changera en rien le statut de La Poste. J’affirme que ce sera le contraire.
MM. Didier Guillaume et Martial Bourquin. Bien sûr que oui !
M. Guy Fischer. J’en veux pour preuve la situation des salariés de l’escale aérienne postale de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, service rattaché actuellement à la plate-forme industrielle courrier Ain-Rhône, située à Saint-Priest, commune du Rhône limitrophe de Vénissieux.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Magnifique plate-forme !
M. Guy Fischer. Absolument, monsieur le rapporteur !
Le 19 octobre dernier, j’ai passé une grande partie de la nuit avec les 31 postiers de l’escale, qui avaient en effet souhaité me rencontrer, en présence du directeur.
Fort de cette expérience personnelle, je peux vous dire que les salariés sont très inquiets. En effet, au début du mois de septembre, la direction leur a annoncé le transfert de l’activité à sa filiale logistique Neolog, détenue à 100 % par la holding Sofipost, propriété du groupe La Poste. Le 6 avril 2010, les 31 postiers, tous fonctionnaires, devront quitter les lieux pour laisser la place aux personnels de Neolog, salariés de droit privé. Vous avez compris : si ce n’est pas de la privatisation, cela y ressemble tout de même beaucoup !
Les fonctionnaires seront, quant à eux, mutés dans un autre établissement dépendant de la plate-forme industrielle courrier Ain-Rhône. Leurs inquiétudes ne datent pas d’hier. Le site était déjà menacé de fermeture pour des raisons – simple prétexte ? – liées aux problématiques du développement durable qui s’imposent aussi à La Poste.
L’entreprise a fait état de sa volonté de réduire de 15 % ses émissions de gaz à effet de serre, en engageant un redéploiement des moyens de transport favorisant la locomotion électrique pour le courrier.
Mais, aujourd’hui, les fonctionnaires ne comprennent pas pourquoi la direction les prie de partir, alors que la même activité va se poursuivre avec des salariés de Neolog, sous statut de droit privé !
Quant à la politique sociale de la société Neolog – je terminerai sur ce point –, les salariés du site d’Halluin, dans le département du Nord, n’en gardent pas un bon souvenir. Pas moins d’une vingtaine de salariés, sur un effectif de quarante-cinq personnes, ont fait les frais d’une restructuration. Cette entreprise n’y va pas par quatre chemins : soit l’employé accepte la mutation, soit il est licencié !
Il existe donc bien une volonté de la part du Gouvernement et de l’entreprise de « saborder le navire » en amont, au travers des filiales de La Poste.
Voilà ce que votre gouvernement fait du service public, monsieur le ministre : il le livre aux appétits du secteur privé et organise une privatisation rampante de ses activités, pour le plus grand profit des actionnaires !
C’est pourquoi notre groupe votera résolument contre cet article 1er. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, comme je m’y étais engagé auprès de Mme la présidente Nicole Borvo Cohen-Seat, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, je voudrais vous donner mon sentiment par rapport à ce débat.
Si, en tant que président de commission, j’étais en mesure d’intervenir régulièrement au cours des discussions, j’ai surtout été très attentif à tous les propos qui ont été tenus. Certains ont pu avoir des réserves sur le temps de parole ou se plaindre de ne pouvoir s’exprimer. Il me semble néanmoins que tout le monde a eu le temps d’intervenir.
Il se trouve que j’ai siégé cinquante-cinq heures sur ce banc, pendant l’examen du Grenelle de l’environnement. Je suis donc capable de prendre la température de l’hémicycle et, à cet instant, j’appelle à une certaine sérénité.
Le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et le rapporteur Pierre Hérisson s’intéressent, depuis très longtemps, à l’avenir de La Poste.
Je ne vais relancer les débats qui ont eu lieu sur le changement de statut de La Poste, sur les 17 000 points de contact, sur le financement des investissements : les garanties apportées par le Gouvernement et le chef de l’État doivent, me semble-t-il, rassurer nos concitoyens.
Je ne reviens pas non plus sur la votation. J’ai personnellement reçu, en lieu et place du président Gérard Larcher, l’ensemble de la représentation syndicale. Par conséquent, je dispose d’une certaine approche de cette représentation.
Enfin, mes chers collègues, nous avons beaucoup débattu en commission, dans un premier temps sur le texte du Gouvernement. Une centaine d’amendements ont alors été déposés, dont certains ont été intégrés au texte de la commission. Et nous avons 629 ou 630 amendements supplémentaires à examiner, en séance publique.
Je crois donc que le débat est assez large. Or nous revenons toujours sur les mêmes sujets, alors même que M. le ministre et M. le rapporteur ont apporté des réponses. Par ailleurs, si j’examine globalement les 581 amendements qui restent en discussion – nous les lisons, avec M. le rapporteur, et en comprenons bien la technique –, certains amendements peuvent encore vraisemblablement améliorer le projet de loi. Mais, sans prétendre que les autres ne peuvent pas prêter à débat, j’appelle à une certaine sagesse.
Je l’ai bien compris, mes chers collègues, vous ne souhaitez pas siéger samedi et dimanche. Si, à compter de ce soir, nous parvenons à travailler dans une plus grande sérénité, il me semble que nous pourrons avancer et réaliser un très bon travail au cours des journées et des soirées de jeudi et vendredi.
Je n’essaie pas de convaincre les autres sensibilités politiques : c’est bien le rôle du Parlement de faire progresser les choses ! Mais, pour ma part, ce projet de loi me convient, surtout dans sa version modifiée par la commission et en tenant compte de certains amendements ultérieurs, qui devraient de toute évidence rassurer nos concitoyens, les employés de La Poste – bien sûr ! – et les élus. Il me semble donc que nous disposerons d’un texte nous permettant de faire progresser cette grande société, à laquelle nous sommes très attachés.
Je comprends bien les convictions de chacune et de chacun, et il me semble que je respecte, au sein de la commission, toutes les opinions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aussi !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Cela ne nous empêche pas de réaliser un très bon travail.
Je voudrais donc, à cet instant, ramener une certaine sérénité dans le débat. Nous pouvons nous faire tous les procès politiques possibles, tous les procès d’intention. Je crois que nous sommes là pour travailler, dans l’intérêt d’une société et de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 23 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 264 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 430 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 581 est présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mme Laborde, MM. Mézard et Milhau et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 23.
Mme Marie-France Beaufils. En proposant la suppression de l’article 1er, nous exprimons tout simplement notre opposition au changement de statut de La Poste. Cette opposition, monsieur le ministre, vise aussi à défendre un autre principe, celui du service public que vous voulez abattre. Ce n’est donc pas seulement de La Poste dont il est question.
La méthode employée pour arriver à la privatisation est bien rodée : elle a été expérimentée avec France Télécom, puis avec Gaz de France.
Ce changement de statut, nous dit-on, serait imposé par la mise en concurrence décidée par l’Europe. Le Gouvernement se retranche ainsi derrière la Commission de Bruxelles pour ne pas reconnaître que lui, et lui seul, est à l’origine d’une telle modification.
Cette majorité est effectivement à l’origine de la directive européenne du 20 février 2008 relative à l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et fixant au 31 décembre 2010 la libéralisation totale des marchés postaux. Je vous rappelle d’ailleurs que nos députés européens du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne n’ont pas voté cette directive. Elle représente une porte ouverte à la mise en concurrence et, comme les précédentes directives, aura des effets notoires en termes de désorganisation des services postaux.
Mais vous omettez de préciser, chers collègues de la majorité, que cette directive ne vous impose pas de modifier le statut de La Poste, cette compétence étant du pouvoir de chaque nation.
Je disais voilà un instant que le processus est bien rodé. Prenons l’exemple de France Télécom, transformé en exploitant de droit public, doté de l’autonomie financière et d’une personnalité morale distincte de l’État. Cette première étape – une disposition sur laquelle les députés et sénateurs communistes ont voté contre en 1990 – a permis de parachever ultérieurement le travail.
Ainsi, après la loi Fillon de 1996, à laquelle nous nous sommes opposés, la première ouverture de capital a lieu en 1997. Elle est suivie d’une autre en 1998, avant une nouvelle loi, en 2003, qui permet que l’État puisse devenir minoritaire, ce qui se réalise en 2004. En 2007, le Gouvernement porte l’estocade finale et ramène la part de l’État à 27 % du capital.
Les politiques de libéralisation ont toutes les mêmes effets : elles conduisent à la casse de nos services publics !
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que les promesses d’aujourd’hui ne sont pas de nature à nous tranquilliser. Bien au contraire, elles nous incitent à penser que vous écrivez actuellement un scénario identique pour La Poste.
Vous voulez en faire une société anonyme, soit une société de capitaux ainsi dénommée parce que son nom, sa dénomination sociale, ne révèle pas le nom des actionnaires. Elle peut même en ignorer l’identité lorsque les titres sont au porteur.
Le principe de base est clair : les actionnaires peuvent céder librement leurs titres,…
M. Gérard César. C’est terminé !
Mme Marie-France Beaufils. … ce qui suscite la crainte des postiers, des usagers et des élus. Ils vous le disent sur tous les tons, mais vous continuez à faire la sourde oreille.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-France Beaufils. Cet entêtement dogmatique entraîne notre pays vers des reculs de civilisation dont vous êtes les seuls responsables. (Marques d’impatience sur plusieurs travées de l’UMP.) Les services publics représentent un espoir pour d’autres peuples. Votre seul souci est de permettre à quelques-uns de vos amis de devenir bientôt actionnaires de cette nouvelle société anonyme.
M. Gérard Longuet. Les salariés aussi !
Mme Marie-France Beaufils. La Poste n’a pas besoin d’anonymat, il lui faut, au contraire, plus de transparence, plus de modernité et plus d’attention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole pour présenter un amendement est de trois minutes.
La parole est à M. Jacques Muller, pour défendre l'amendement n° 264.
M. Jacques Muller. Le changement de statut d’une entreprise publique et son ouverture à la concurrence n’arrivent pas par hasard. Cet article 1er est au cœur du projet de loi, dont l’exposé des motifs justifie le changement de forme juridique par l’adaptation « aux défis auxquels l’entreprise est confrontée ».
C’était la même chose pour France Télécom, il y a une dizaine d’années. On a évoqué l’importance de « moderniser », de « réformer », de « s’adapter ». Mais, monsieur le ministre, pour moderniser un service public, faut-il le privatiser ?
Les partisans de cette évolution avancent comme argument la nécessité de recapitaliser, au motif que les caisses seraient vides. Mais s’est-on demandé pour quelle raison les caisses sont vides ? Pour s’attaquer au service public, les gouvernements ont toujours appliqué les mêmes recettes : on pousse à bout une entreprise en réduisant les contributions publiques, puis on déclare le service public en danger.
Et puisque, pour les libéraux, le marché reste la meilleure solution, le Gouvernement dégaine un projet de loi – celui-ci doit être adopté en urgence – qui prévoit que le service public devra s’aligner sur des critères de rentabilité et de performance financière.
Tout cela, sans que le bilan des expériences passées soit effectué. On se garde bien de tirer les leçons des précédentes privatisations. Il est pourtant éloquent.
Prenons l’exemple de France Télécom, qui a été transformée en société anonyme en 1996, et dont le capital a été ouvert la même année : aujourd’hui, la participation de l’État au capital de cette entreprise historique se situe autour de 30 %. Quel est le bilan ? Pour les usagers, la privatisation n’a pas permis de baisser les prix, car le monopole public a laissé sa place à un oligopole privé. Orange, Bouygues et SFR ont pratiqué une entente illicite sur les prix, aujourd’hui condamnée, qui s’est faite au détriment des clients de la téléphonie. Quant aux agents de France Télécom, l’actualité en dit long sur leur triste sort.
Mes chers collègues, laissez-moi citer quelqu’un que nous connaissons bien ici : « Accepter le vent vivifiant de la compétition est une chose, se résigner aux tempêtes que produirait une déréglementation hâtive en est une autre ». C’est ce qu’écrivait dans Le Quotidien de Paris, le 26 mars 1993, à propos de France Télécom et de La Poste, Gérard Larcher, sénateur des Yvelines. M. le président du Sénat a raison : nous ne devons pas nous résigner aux tempêtes.
M. Patrice Gélard. Le temps de parole est épuisé !
M. Jacques Muller. En écho à ces propos, je souhaiterais rappeler ceux qu’a prononcés Jean Glavany en 1997 : « L’ouverture du capital de France Télécom a été une erreur. […] Il faudra à l’avenir dire : on privatise ou on reste un service public. Mais l’ouverture du capital me paraît un cache-sexe un peu honteux pour une privatisation qui ne veut pas dire son nom ». (Marques de désapprobation et d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Le choix qui nous est proposé est purement idéologique.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Muller. Donner notre aval à ce texte, c’est mettre en péril les agents qui bénéficient aujourd’hui d’un statut soumis à des règles déontologiques fortes, mais c’est aussi compromettre l’accès au service public postal pour tous, sur l’ensemble du territoire.
En conséquence, je vous invite, mes chers collègues, à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° 430 rectifié.
M. Michel Teston. La votation citoyenne du 3 octobre dernier (Ah ! sur les travées de l’UMP)…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne l’avait pas encore entendu, ça ! C’est nouveau, ça vient de sortir ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Teston. … a démontré que les Français n’étaient pas prêts à sacrifier leur poste et leur service public postal au profit d’une stratégie industrielle se résumant en la conquête de parts de marchés et d’opérateurs à l’étranger.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas rien !
M. Michel Teston. Cette stratégie, en admettant qu’elle soit pertinente, ne doit en tout cas pas être réalisée au détriment du développement sur le territoire d’une offre de services publics postaux et financiers de qualité, qui doit, au contraire, être consolidée.
À défaut, à qui bénéficierait finalement cette stratégie, si ce n’est aux futurs actionnaires exigeant d’être rémunérés pour leur apport de fonds axé sur le déploiement d’une telle stratégie ?
Avec le statut d’EPIC, La Poste dispose de l’autonomie financière. Elle a des fonds propres et n’a pas, à proprement parler, de capital. Elle n’a donc pas d’actionnaires et elle peut réinvestir l’ensemble de ses bénéfices.
En 2007, La Poste a réalisé un résultat net de 1 milliard d’euros. En 2008, au moment fort de la crise financière et économique, les bénéfices ont encore atteint près de 530 millions d’euros, alors que les entreprises, fortement touchées par cette crise, cherchaient à réduire leurs coûts, notamment leur poste courrier. Cela a contribué à accentuer la tendance à la chute du courrier, dont la baisse serait, pour les années 2008 et 2009, de l’ordre de 5 à 6 %.
Certes, au-delà des à-coups conjoncturels, la baisse de l’activité du courrier est structurelle. Mais force est de reconnaître que, comme le souligne le rapport Ailleret, le volume total du courrier n’a connu qu’une faible diminution, de l’ordre de 1,5 % sur la période 2003-2006. Pour l’entreprise publique, le chiffre d’affaires annuel sur la période 2004-2008 est en moyenne de l’ordre de 11 milliards d’euros.
La situation n’est donc pas si tragique.
En revanche, les citoyens souhaitent que le financement du service public postal soit garanti. Ils souhaitent avant tout que La Poste ait les moyens d’assurer un service public de qualité, y compris en matière d’offre de produits financiers, sur l’ensemble du territoire, et qui puisse répondre aux besoins des populations.
Avec l’article 1er, le Gouvernement veut faire sauter le dernier verrou avant la disparition progressive du service universel. Mes chers collègues, il faut maintenir le statut actuel de La Poste !
Pour conclure, je vous renvoie au rapport d’information n° 42 rédigé en 1997 par Gérard Larcher, dans lequel il estime que la « sociétisation » de cette entreprise n’apparaît pas indispensable. Il a entièrement raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 581.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE a souhaité, dans ce débat, adopter une attitude constructive, en déposant des amendements en commission comme en séance publique, mais la majorité de ses membres défend l’idée que les citoyens doivent avoir le choix pour cette réforme touchant leurs services publics.
Dans la logique de la motion référendaire, et dans l’attente que la majorité fige – hélas ! – le sort de La Poste, les auteurs de l’amendement s’opposent au changement de statut de l’établissement public La Poste en société anonyme et souhaitent la suppression de l’article 1er. (MM. Martial Bourquin et Jean-Claude Frécon applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Mes chers collègues, le changement de statut est la meilleure solution pour que La Poste puisse bénéficier d’un apport de fonds propres sans contestation de la part de la Commission européenne. Chacun doit en convenir.
Concernant ceux qui craignent une entrée de capitaux privés dans La Poste, je souhaiterais répondre à certains des propos tenus par M. Teston au cours de la discussion générale, car une mise au point est nécessaire.
L’expression « personnes morales de droit public » utilisée à l’article 1er ne vise pas, comme vous l’avez dit, cher collègue Teston, les entreprises publiques. Elle vise les établissements publics, ce qui est tout à fait différent.
Les entreprises publiques peuvent avoir des capitaux privés. Les établissements publics, eux, sont 100 % publics. Chacun doit bien faire la différence entre ces deux notions.
Les entreprises publiques dont vous parlez, monsieur Teston font en fait partie du « secteur public », et c’est précisément ce qu’a voulu éviter la commission lorsqu’elle a remplacé l’expression « personnes morales appartenant au secteur public » par l’expression « personnes morales de droit public ».
Il s’agit d’une modification fondamentale, pour essayer, en toute honnêteté et en toute confiance, de répondre aux craintes qui se sont exprimées depuis le début de la discussion de ce texte. Je souhaiterais que chacun comprenne bien que la rédaction proposée par la commission de l’économie du Sénat apporte les garanties dont vous avez tous besoin pour parler de cette question dans vos circonscriptions ou départements respectifs.
Aussi, compte tenu des observations que je viens de formuler, je demande aux auteurs de ces quatre amendements de les retirer, s’ils acceptent la rédaction de la commission, qui, je le répète, est radicalement différente de celle que prévoyait le projet de loi initial ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Mesdames, messieurs les sénateurs, enfin, nous abordons sérieusement le fond du débat !
Je comprends vos craintes, et je veux croire qu’elles sont émises avec conviction. Je tenterai de me convaincre moi-même qu’il s’agit de craintes de conviction.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bel effort !
M. Christian Estrosi, ministre. Les amendements pourraient être justifiés si notre débat avait eu lieu avant la discussion en commission, avant les profondes modifications – sans précédent par rapport à d’autres modifications statutaires antérieures – qu’elle a apportées au texte initial et qui ont été rappelées par M. le rapporteur.
Nous sommes tous attachés à La Poste, cette entreprise formidable que nous voulons « sauver ». J’utilise à dessein ce terme. En effet, certains se disent au fond d’eux-mêmes que, en évitant le débat et la réforme, on peut réussir à ne rien changer et à passer entre les gouttes et que l’état actuel de La Poste lui permettra de s’en sortir malgré l’ouverture à la concurrence. À ceux-là, je réponds qu’il ne fait aucun doute que son unique chance de s’en sortir est de procéder à ce changement de statut.
La Poste a-elle aujourd'hui une dette de 6 milliards d’euros ?
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. À qui la faute ?
M. Christian Estrosi, ministre. La réponse est « oui ». La Poste elle-t-elle confrontée à une baisse de l’activité courrier, qui ne va cesser de s’amplifier ?
M. Gérard Longuet. Hélas !
M. Christian Estrosi, ministre. On peut le regretter, mais, dans le même temps, on l’a souhaité. Je me souviens en effet du temps où j’étais ministre délégué à l’aménagement du territoire et où des parlementaires de tous bords, des maires ou des conseillers généraux venaient me voir en me disant : « Monsieur le ministre, je fais partie des 3 000 zones blanches pour la téléphonie mobile » ou « monsieur le ministre, nous n’avons pas d’accès à internet », ou encore « monsieur le ministre, nous ne recevons pas l’ADSL ». Leur argument était simple : pour des raisons d’équité, il est important que les territoires les plus isolés soient couverts et que personne ne soit laissé pour compte.
Aujourd’hui, les mêmes élus ruraux, dont je fais moi-même partie en tant qu’élu d’une circonscription de montagne, après avoir réclamé que nous modernisions les communications, que nous apportions les nouvelles technologies de l’information et de la communication, que nous accompagnions le changement de comportement de leurs administrés et après avoir obtenu gain de cause, regrettent une baisse de l’activité traditionnelle du courrier. Cela n’a pas de sens !
Tout le monde sait que notre société est en train de passer d’un monde à un autre. Or, dans le même temps, nous voulons que l’entreprise La Poste, à laquelle nous sommes si attachés, et qui doit franchir ce passage, reste compétitive tout en conservant son statut public.
Après avoir étudié toutes les possibilités, il s’avère que l’évolution statutaire est notre seul moyen d’éviter une condamnation par Bruxelles. Rappelez-vous le problème auquel a été confrontée l’agriculture au cours des mois écoulés. Si nous conservions le statut de La Poste en l’état, en versant les 2,7 milliards d’euros pour l’aider à se moderniser et lui permettre de faire face à l’ouverture à la concurrence, nous prendrions le risque de voir la France condamnée dans quelques années pour non respect des règles européennes. Cette somme devrait alors être remboursée.
Tout en assurant cette évolution statutaire, nous voulons garantir l’avenir de La Poste, quelle que soit la majorité au pouvoir demain. Il nous faut donc travailler ensemble et graver dans le texte le fait que les missions de service public et de service au public sont immuables. Certes, je le sais, rien n’est éternel. Même si je souhaite à chacun d’entre vous de connaître l’éternité (Rires), celle-ci est vaste et loin devant nous.
La discussion que nous entamons doit être la plus constructive possible. En tout cas, je le souhaite. J’ai d’ailleurs pris des engagements en ce sens au nom du Gouvernement par rapport à un certain nombre de propositions. Si tel n’avait pas été le cas, s’il n’y avait pas eu ce débat en commission, nous n’aurions pas fait état du caractère à 100 % public de l’établissement et nous n’aurions pas énuméré la liste des missions de service public, qui sont désormais immuables. Nous n’aurions pas non plus annoncé, avant même que l’amendement de Bruno Retailleau ne soit examiné, qu’il sera inscrit noir sur blanc que nous tenons compte du préambule de la Constitution de 1946.
Lorsqu’un débat s’ouvre et que l’on dispose d’autant de garanties fortes sur la préservation du caractère à 100 % public de La Poste, ces quatre amendements ne se justifient pas. À l’instar de M. le rapporteur, je demande donc moi aussi leur retrait. De plus, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais tellement volontaires au fond de vous-mêmes que vous voulez permettre à La Poste de se moderniser, de faire face à l’ouverture à la concurrence et de devenir une grande entreprise.
On ne peut pas dénoncer pendant des heures, comme l’ont fait certains, sur toutes les travées d’ailleurs, les dysfonctionnements de La Poste et demander que rien ne change. J’ai entendu dire, à juste titre, que certaines choses n’allaient pas comme, par exemple, le fait que des bureaux ferment dans les territoires ou que l’organisation d’autres ne convient pas.
Mme Annie David. À qui la faute ?
M. Christian Estrosi, ministre. J’entends aussi qu’on se plaint des files d’attente, qui ne sont pas acceptables, pour retirer des recommandés ou que des colis n’arrivent pas toujours à l’heure, notamment en période de pointe.
La Poste, grâce à l’engagement de ses postiers, de ses salariés, de ses fonctionnaires, a la capacité de se moderniser. Elle l’a déjà démontré ces dernières années après un grand nombre d’investissements. Nous savons qu’elle en est capable pour autant que nous lui en donnions les moyens.
Dans le même temps, il faut veiller, comme je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale, à ce que trois critères soient rigoureusement respectés.
Le premier concerne les personnels de La Poste. Alors que nous allons investir des moyens pour moderniser cet établissement, la dimension humaine du personnel, qui est au cœur de l’entreprise, doit absolument être prise en compte. Le personnel ne doit en aucun cas servir de variable d’ajustement.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. Le deuxième critère a trait aux élus.
Tous les élus doivent être respectés. Ils ne doivent pas simplement être consultés au passage, puis constater que l’organisation postale a fondamentalement été modifiée dans leur département sans qu’on ait tenu compte de leur avis. Nous devons même aller plus loin en décidant que les élus pourront se prononcer sur les changements d’organisation, y compris des grands centres de tri départementaux.
Le troisième critère concerne bien sûr les Françaises et les Français.
Les 10 millions d’usagers qui franchissent toutes les semaines la porte d’un bureau de poste doivent être respectés. Tous les efforts de modernisation de l’organisation de La Poste doivent réellement tenir compte de leurs attentes. Le travail que nous menons doit d’abord se tourner vers eux. Ils attendent de nous, non pas que l’on fige la situation, mais que l’on modernise La Poste en apportant de meilleures réponses. Ils espèrent non pas moins de service ou le même service, mais mieux de service public. (M. Bruno Sido opine.)
Telles sont les raisons qui me conduisent, au moment où nous ouvrons réellement le débat de fond, à demander aux auteurs de ces quatre amendements de suppression de l’article 1er de bien vouloir les retirer. Ainsi, nous pourrons ensemble, en essayant de prendre en compte les propositions les plus constructives, faire demain de La Poste une grande entreprise publique française qui résistera à toutes les offensives qui seront conduites à partir du 1er janvier 2011 par d’autres postes européennes ou par des groupements d’opérateurs qui s’organisent déjà sur tout le territoire européen, y compris dans nos régions et nos départements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole pour explication de vote à ceux d’entre vous qui me l’ont demandé, je vous précise que, à la demande du président Larcher, je lèverai la séance à vingt-trois heures cinquante-cinq. (M. Bruno Sido applaudit.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. J’ai écouté attentivement le plaidoyer de M. le ministre concernant le changement de statut de La Poste. Je dois dire que je ne suis toujours pas convaincu.
Je le suis d’autant moins que l’argument du chantage aux amendes infligées par Bruxelles ne tient absolument pas la route. Les traités actuels, avant même le traité de Lisbonne, permettent déjà aux États membres de définir les services publics. Le Gouvernement aurait donc dû commencer par définir le service public de La Poste et ses missions, autrement dit le cahier des charges de ce service public. (Brouhaha sur les travées de l’UMP.)
En outre, les traités permettent de définir les missions de service public et de les financer. Chaque État membre est totalement autonome en la matière. (Le brouhaha continue.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Arrêtez, ils ne vous écoutent pas ! (L’orateur marque une pause.)
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Daniel Raoul. Je m’aperçois que je ne suis pas le seul à avoir la parole, monsieur le président. Nos collègues de la majorité sont plus nombreux qu’hier soir et, apparemment, ils sont encore réveillés. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Poursuivez, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Quand on nous dit qu’il s’agit d’une conséquence des directives européennes, c’est un mensonge !
Un sénateur UMP. Non !
M. Daniel Raoul. Dans le domaine agricole, les condamnations qui pèsent sur nous, elles, sont véritables. En revanche, en matière de services publics, je le répète puisqu’un certain nombre de nos collègues parlaient de tout autre chose pendant que je l’expliquais, chaque État membre est totalement libre de définir ses services publics et de les financer.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Daniel Raoul. Je serais curieux, sans doute par déformation professionnelle, de soumettre nos collègues à une interrogation écrite afin de savoir ceux qui seraient capables de nous indiquer la différence entre un EPIC et une SA.
M. Gérard Longuet. Sans problème !
M. Daniel Raoul. Monsieur Longuet, ce n’est pas à vous, le bon élève de la classe, que je posais la question.
M. Gérard Longuet. Il est vrai que je suis redoublant !
M. Daniel Raoul. Pour avoir été ministre en charge de la poste, je l’imagine très bien, vous savez ce qu’est un EPIC, et pour avoir différentes relations, vous savez aussi ce qu’est une SA.
En revanche, je ne suis pas sûr que tous nos collègues saisissent l’enjeu d’une telle transformation.
En fait, il s’agit de transférer le patrimoine d’un EPIC, dont le capital a été construit par la nation,...
M. Roland Courteau. Par tous les Français !
M. Daniel Raoul. … en haut de bilan d’une société anonyme.
Vous aurez beau faire toutes les promesses que vous voudrez, tel sera le résultat : ce patrimoine sera disponible pour les futurs actionnaires, quels qu’ils soient.
Je ne vous fais même pas de procès d’intention pour le moment. Pourtant, je me rappelle une époque où nous avions un superministre de l’économie qui nous avait juré ses grands dieux que jamais Gaz de France ne serait privatisé.
M. Roland Courteau. C’était qui ? (Sourires.)
M. Daniel Raoul. Je n’aurais pas la cruauté de rappeler son nom…
On a vu ce qu’il est advenu : le patrimoine de Gaz de France, autrement dit tout le capital de cet établissement, a été réparti entre les mains des actionnaires.
Voilà ce que vous voulez faire en transformant un EPIC en SA ! Je vous demande d’y réfléchir sérieusement et d’informer nos concitoyens que vous êtes en train de les spolier, de les léser. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. Eh oui !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Depuis lundi, monsieur le ministre, vous multipliez déclarations et promesses pour nous convaincre que, selon vos propres mots, La Poste sera « imprivatisable ». Ce soir, vous allez même jusqu’à vouloir la « sauver » !
Vous invoquez même le préambule de la Constitution de 1946 et la notion de « service public national » que vous êtes prêt, dites-vous, à inscrire dans la loi.
Cela constitue, nous le rappelons, une contre-vérité. Il suffit d’ailleurs de lire intégralement les décisions du Conseil constitutionnel de 1986 ou de 2006, et non pas quelques morceaux choisis, pour comprendre que le caractère de service public national ne fait absolument pas obstacle au transfert au secteur privé de cette entreprise publique.
Une citation de M. Guaino pourrait vous en convaincre : « Il n’y a jamais rien d’éternel. C’est une réalité, ce qu’une loi fait, une loi peut le défaire ».
Ces propos, l’adhésion complète du Gouvernement aux politiques ultralibérales communautaires et les différentes lois que vous avez fait adopter pour privatiser plusieurs entreprises publiques forment un faisceau d’indices important qui nous laisse peu d’espoir quant à l’avenir de La Poste.
En effet, vous ne leurrez personne et surtout pas les citoyens, que vous n’avez de cesse de mépriser en dénigrant la consultation populaire du 3 octobre dernier.
L’article 1er du projet de loi constitue une privatisation de l’exploitant public La Poste. Privatisation partielle, si vous voulez, mais privatisation quand même, qu’il s’agisse de son statut, de sa gestion et, progressivement, de ses personnels ; ils ne seront plus des fonctionnaires.
D’abord, avec le changement de statut, le verrou aura sauté, la voie sera alors grande ouverte à une entrée majoritaire des capitaux privés dans l’entreprise.
Une société anonyme à caractère 100 % public, cela n’existe pas !
On connaît la chanson : le temps n’est pas si loin – c’était en 2004 – où Nicolas Sarkozy déclarait : « EDF-GDF ne sera pas privatisé. En revanche, nous devrons changer pour adapter le statut de ces grandes entreprises, pour leur donner les moyens du développement dont elles ont besoin ».
Ensuite, ce changement de forme juridique aura de graves conséquences sur les missions de service public que l’État confie à La Poste. Cette transformation accentuera bien sûr la précarité des personnels de droit privé. La convention régissant les statuts des personnels salariés pourrait céder la place à un éventail de conventions collectives moins avantageuses.
Enfin, il n’est pas souhaitable que l’État soit minoritaire par rapport aux autres personnes publiques, car lui seul peut défendre l’intérêt général contre les intérêts particuliers. Seul l’État a la capacité de promouvoir un service public de qualité pour l’ensemble de nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire.
« La Poste a un bel avenir », a dit M. Ailleret. Cela serait vrai si cet avenir n’était pas entre vos mains !
M. Paul Blanc. Oh là !
Mme Mireille Schurch. Afin que le service public postal ne soit pas définitivement détruit, les sénateurs du groupe CRC-SPG continueront la lutte au sein de cet hémicycle et à l’extérieur de celui-ci.
Un sénateur UMP. La lutte finale !
Mme Mireille Schurch. Pour toutes les raisons exposées, nous voterons en faveur des amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Contrairement aux affirmations de M. le rapporteur et de M. le ministre, ces amendements de suppression sont pleinement justifiés. C’est pourquoi les sénateurs de notre groupe les voteront.
En effet, nous ne pouvons croire aux arguments que vous avancez pour justifier la transformation en société anonyme de cet exploitant public qui remplit une mission ô combien importante aux yeux des Français.
Ainsi, selon le Gouvernement, l’État ne peut apporter une aide à La Poste sans que celle-ci soit considérée comme une aide d’État par les institutions communautaires.
Premièrement, et cela a déjà été dit, cet argument est faux. Deuxièmement, quand bien même le maintien du statut d’EPIC et l’aide que l’État souhaite apporter à La Poste seraient contraires aux prescriptions communautaires, le Gouvernement français, légitimé par le Parlement, pourrait pleinement assumer politiquement un tel choix.
Je l’ai dit à l’instant, l’argument concernant Bruxelles est erroné. L’État peut, en effet, apporter son concours au financement des missions de service public de La Poste sans que cela soit considéré comme une aide d’État.
Ainsi, à ma connaissance, l’État apporte des aides à La Poste pour l’aménagement du territoire, la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire, et ce depuis de nombreuses années, sans être inquiété ni par la Commission européenne, ni par la Cour de justice des Communautés européennes.
Mme Mireille Schurch. Tout à fait exact !
M. Bernard Vera. Rien n’empêche donc l’État de rembourser à La Poste le milliard d’euros dû au titre des missions de service public. Rien n’empêche non plus l’État, le Gouvernement et le législateur de renforcer les missions de service public de La Poste et donc leur financement.
Je rappelle également que l’Union européenne ne préjuge en rien du régime de propriété de la puissance publique.
Enfin, ce gouvernement agit en apparence de manière assez incompréhensible. Alors que les banques ont su trouver le soutien financier de l’État, sans prise de participation dans le capital, La Poste ne serait pas logée à la même enseigne.
À quel moment le spectre de l’aide d’État a-t-il été brandi pour les banques ? À aucun moment, et ce pour une raison simple : il s’agissait d’une décision politique.
De plus, les sommes en question n’ont rien de comparables : 360 milliards d’euros pour les banques, contre 1,5 milliard d’euros pour La Poste. Aussi, nous demandons qu’une décision politique soit prise pour La Poste.
Abonder le capital à hauteur de 1,5 milliard d’euros n’impose donc pas le changement de statut. C’est votre volonté inébranlable de privatiser l’ensemble des services publics qui impose le changement de statut !
Nicolas Sarkozy jurait la main sur le cœur que GDF ne serait pas privatisé. Aussi, comment croire à vos promesses, monsieur le ministre, sur le caractère « imprivatisable » de La Poste.
En outre, l’examen du texte en commission a révélé que ce projet tel qu’il est rédigé permettait d’ores et déjà à des personnes morales de droit privé de participer au capital de La Poste. C’est dire les précautions qui ont été prises et l’attention particulière que le Gouvernement porte au « 100 % public » !
Personne n’est dupe, ni de vos manœuvres, ni de vos desseins pour l’entreprise publique ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les citoyens se sont déplacés massivement lors de la votation citoyenne.
Laminer les services publics dans le cadre de la libéralisation de l’ensemble des activités humaines est un choix contraire à l’intérêt général. La crise économique, financière et, surtout, sociale que nous traversons le démontre tous les jours.
La modernité, mes chers collègues, ce n’est pas de privatiser La Poste ; la modernité, c’est de penser la sortie du libéralisme, et non de s’enfoncer encore un peu plus dans cette spirale du déclin.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ces amendements de bon sens, au nom des 2 300 000 personnes qui ont manifesté leur volonté d’un autre avenir pour La Poste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je souhaite d’abord répondre à M. Pierre Hérisson. Je lui confirme que les entreprises publiques sont bien considérées comme des personnes morales de droit public. Or, je le redis, aux termes de la loi du 2 juillet 1986, une entreprise publique est une entreprise dont au moins 51 % du capital est détenu par l’État, les administrations nationales, régionales ou locales.
La formulation proposée par la commission apporte donc un peu plus de garantie que la rédaction initiale, mais elle n’assure absolument pas que les autres actionnaires que l’État seront des personnes morales dont le capital est 100 % public !
J’en viens à deux critiques qui ont été opposées à notre volonté de maintenir le statut d’établissement à caractère industriel ou commercial pour le groupe La Poste.
J’ai entendu les ministres, le rapporteur et un certain nombre de collègues, dont M. Patrice Gélard. Le premier argument qu’ils avancent est le suivant : l’EPIC ne pourrait pas recevoir de subsides d’État. Or La Poste reçoit une aide de l’État pour une de ses missions de service public depuis de nombreuses années déjà, même si elle est insuffisante – 242 millions d’euros en loi de finances initiale pour le transport et la distribution de la presse. L’État n’en apporte pas pour la présence postale, alors qu’il pourrait le faire.
La SNCF, par exemple, qui est devenue un EPIC aux termes de la loi de décembre 1982, reçoit des dotations de l’État. Le président Pepy écrivait d’ailleurs dans son rapport d’activité 2008 : « la SNCF s’organise au plan comptable et financier de manière que la persistance de ce statut original soit en tous points compatible avec l’exercice d’activités concurrentielles ».
Second argument avancé pour s’opposer à notre demande : ce statut ne permettrait pas à La Poste de se développer pour faire face à l’ouverture totale à la concurrence à partir du 1er janvier 2011.
Là encore, les exemples de la SNCF, de la RATP et de La Poste elle-même viennent contredire ces affirmations. La SNCF s’est développée en France et à l’étranger. Je citerai ses dernières acquisitions : achat d’une entreprise de fret dont le siège est implanté à Dresde et acquisition de la partie internationale de Veolia Cargo. Elle a également pris des participations dans une société exploitant des trains à grande vitesse en Italie, concurremment d’ailleurs à Trenitalia.
Le même constat peut être fait pour la RATP, qui s’est développée en rachetant notamment des entreprises qui exploitent des tramways dans des pays étrangers.
Quant à La Poste, elle a fait de nombreuses acquisitions, je pense notamment, en Allemagne, au distributeur DPD, dont l’activité est particulièrement importante.
Le statut d’EPIC ne constitue absolument pas un obstacle au développement d’une entreprise. Par ailleurs, les aides publiques, dans un certain nombre de cas, sont tout à fait possibles.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement et vous demandons de renoncer au changement de statut de La Poste. (Très bien et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils et M. Bernard Vera applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu vos arguments, mais vous ne m’avez pas convaincue.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Dans ce cas, tant pis !
Mme Annie David. En refusant le changement le statut, nous ne cherchons pas le statu quo, bien au contraire, monsieur le ministre.
Hier, lors de nos interventions, M. Jean-Claude Danglot, Mme Évelyne Didier et moi-même avons formulé des propositions, mais vous ne les avez pas entendues, en tout cas vous ne les avez pas retenues, ce que je comprends puisqu’elles ne vont pas dans votre sens.
Vous vous appuyez sur des constats que nous pouvons partager. Effectivement, La Poste a de dettes, mais vous ne spécifiez pas l’identité de ses créanciers. Certes, La Poste doit se moderniser, mais, jusqu’à présent, vous ne lui en avez pas donné les moyens.
La Poste se retrouve ainsi aujourd’hui dans une situation qui vous fait dire qu’un changement de statut est nécessaire. Et vous affirmez sans cesse que ce changement de statut ne débouchera pas sur une privatisation de l’entreprise postale. Vous nous l’assurez la main sur le cœur, l’ajout introduit à l’article 1er par la commission de l’économie permettant, selon vous, d’empêcher cette privatisation. En vérité, vous cherchez à faire taire les protestataires.
Pour notre part, nous ne sommes pas dupes. Je vous rappelle qu’en 2004 déjà, lorsqu’il s’agissait de l’augmentation du capital d’EDF-GDF, d’aucuns criaient : « Pas de privatisation ! » Depuis, l’État actionnaire ne possède plus que 35,7 % du groupe GDF-Suez. France Télécom a connu le même sort que GDF, l’État y est désormais un actionnaire minoritaire.
Oui, nos craintes sont justifiées, et vous n’avez pas su les apaiser !
En outre, le processus de privatisation n’est pas le fait de ce seul texte. Le système privé n’est pas étranger à La Poste, qu’il s’agisse de ses modes de gestion ou de ses filiales privées dont la plupart ont le statut de société anonyme. La structuration de La Poste en quatre branches – courrier, colis et express, Banque postale et réseau de bureaux de poste – est d’ailleurs comparable à celle d’une entreprise privée.
La Banque Postale, par exemple, est une société anonyme dont le capital est détenu par La Poste. Elle a dévoilé début septembre un produit net bancaire semestriel en hausse de 3,2 %. Certes, sa collecte a baissé au premier semestre, mais, en dépit de l’ouverture du livret A à la concurrence, les encours d’épargne et de dépôts à vue sont en hausse, au rythme annuel de 8,1 %.
La Poste s’intéresse également à la société Tocqueville Finance ; elle veut « poursuivre l’équipement de ses clients » et faire progresser sa clientèle « dans la ligne de son objectif de 10 millions de clients actifs à la fin de l’année 2010 » : c’est bien la preuve qu’elle se situe pleinement dans le marché et adopte les critères d’une société privée.
Cette recherche de rentabilité n’a pas empêché la fermeture de nombreux bureaux de poste. C’est dans l’inversement de cette tendance qu’il faut chercher une solution constructive, et non dans le renforcement du processus de privatisation !
Au lieu de renforcer les missions de service public, vous ne faites que les affaiblir. Comment comprendre autrement que les fonds de compensation prévus depuis le vote de la loi en 2005 pour les missions de service public n’aient jamais été versés à La Poste ? Ils représentaient plus de 800 millions d’euros par an, soit 4 milliards d’euros à la fin de cette année. Et l’on ose dire que La Poste a besoin de liquidités alors que l’État n’a pas versé son dû !
Je profite de l’occasion pour saluer l’arrivée de notre collègue Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, j’avoue que j’ai eu un choc quand j’ai appris que le maire de Nice était un élu rural, mais cela m’a fait très plaisir.
Je veux bien vous accorder que vous croyez sincèrement aux garanties de votre dispositif anti-privatisation, mais admettez tout de même que celles-ci sont précaires et révocables !
Même si l’on déclare que l’activité postale est un service public national, qui ne peut à ce titre être privatisé, on peut changer la dénomination. Le jour où il cessera d’être « national » parce que l’Assemblée du même nom et le Sénat en auront décidé, il deviendra privatisable. Voilà ce que nous craignons !
Vous faites valoir un certain nombre d’arguments techniques pour justifier votre position, mais la question n’est pas si claire, comme en témoigne notre discussion. M. Michel Teston a montré qu’il était tout à fait possible de soutenir La Poste et de lui offrir des possibilités de développement sans en passer par la solution risquée que nous propose le Gouvernement. C’est tout l’enjeu du débat.
Reconnaissez que nos positions ne sont ni archaïques, ni déplacées. Notre crainte est fondée, et nous aurions préféré d’autres solutions pour permettre à La Poste de se développer.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Comme l’ont démontré les orateurs précédents, l’article 1er du projet de loi ouvre la voie à une privatisation à terme de l’entreprise publique. Pour faire passer son projet en douceur, le Gouvernement tente d’inventer un nouveau concept : la société anonyme 100 % publique !
Or le statut de société anonyme implique le transfert du patrimoine, un capital, des actionnaires et leurs confortables rémunérations. Cela n’est évidemment pas compatible avec l’exercice de missions de service public pour lesquelles la rentabilité est avant tout sociale et non pas économique.
Monsieur le ministre, vous avez parfaitement illustré ces contradictions dans l’interview que vous avez accordée, le 7 juillet dernier, au quotidien suisse Le Matin. Vous avez en effet affirmé : « à aucun moment nous ne laisserons de place, à l’intérieur du capital, à quelque acteur privé que ce soit ». Vous l’avez rappelé devant le Sénat à maintes reprises. Toutefois, un peu plus loin, vous ajoutiez : « Mais ce qui est une réalité aujourd’hui peut évoluer demain en fonction des circonstances ».
Nous soutenons donc la suppression de l’article 1er du projet de loi, car nous ne voulons pas que notre service public postal, l’équilibre de nos territoires, l’accessibilité et la continuité du service dépendent des circonstances ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Dans cet hémicycle, nous sommes tous conscients de la gravité de la situation que traverse La Poste aujourd’hui, un service public auquel nos concitoyens sont viscéralement attachés.
Pour autant, nous devons nous garder de faire de l’idéologie. Or refuser le nécessaire pragmatisme, adopter des dispositions déconnectées de la réalité du terrain en faisant abstraction des leçons de l’histoire, qu’est-ce sinon de l’idéologie ?
Après France Télécom, GDF et EDF, les Verts disent « stop ! » : nous ne voulons pas participer à la poursuite de ce qu’il faut bien appeler un démantèlement rampant du service public théorisé par les idéologues du libéralisme ! Nous refusons d’ouvrir la boîte de Pandore, fût-elle emballée dans du papier cadeau !
Aussi, nous voterons ces amendements de suppression.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 264, 430 rectifié et 581.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 5 novembre 2009 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).
À quinze heures et le soir :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 5 novembre 2009, à onze heures
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD