M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. Sur le fond, il est impossible de répondre correctement aux grands enjeux de société si l’on ne se pose pas les bonnes questions : ce projet de loi en est l’illustration.
Nous le savons tous, les problèmes actuels – le dérèglement climatique et l’engorgement routier – ne peuvent être résolus que d’une seule façon : il faut reporter massivement le transport routier vers le rail.
Qu’apporte le projet de loi dans ce domaine ? Quelques améliorations sont effectivement prévues, certaines propositions sont extrêmement dangereuses, mes collègues les ont évoquées. Surtout, c’est une grande occasion manquée : je pense à l’instauration d’un bonus fiscal pour les entreprises qui privilégieraient le rail à la route.
L’ouverture à la concurrence est présentée comme la mesure magique qui réglera tout et qui permettra d’opérer le report de la route vers le rail. Mais nous savons très bien que les choses ne se passeront pas ainsi ! Avec les nouveaux arrivants de l’Est, l’ouverture à la concurrence tirera encore les prix vers le bas, sans parler des systèmes de protection sociale des salariés routiers, et mettra en difficulté nos entreprises. Il aurait fallu prévoir une incitation fiscale pour les sociétés qui utilisent le rail.
Par ailleurs, il faut mieux organiser le rail en s’appuyant sur des opérateurs locaux de qualité. Le Sénat avait commandité un rapport, très intéressant, qui a été réalisé par Jacques Chauvineau, lequel insistait sur l’importance de la mise en adéquation de l’offre disponible et des attentes des entreprises. Les opérateurs locaux peuvent nous permettre d’atteindre cet objectif tout en s’appuyant sur les territoires pour prendre de l’envergure. Une telle politique fonctionne bien, je pense notamment à l’exemple des États-Unis sur lequel Jacques Chauvineau a travaillé. Or, le projet de loi ne prend quasiment pas en compte cette proposition. Quel dommage !
Les régions sont compétentes en matière de transport des voyageurs : elles ont lourdement investi et obtenu des résultats très importants, avec une augmentation du nombre des voyageurs de l’ordre de 25 % à 30 %. Elles n’ont pas attendu la mise en concurrence pour mettre à l’ordre du jour les calculs de trajets et d’itinéraire, les transports multimodaux et pour faire en sorte que les plans de déplacements urbains soient en accord avec les transports régionaux.
Nous devons mener la même politique en ce qui concerne le fret routier. Pour cela, il faut une volonté politique et il ne faut pas déréguler là où des investissements publics sont nécessaires.
Monsieur le secrétaire d’État, je prendrai un exemple pour illustrer mon propos.
La mise au gabarit européen de la ligne Mulhouse-Besançon-Dijon attend depuis dix ans. Régulièrement inscrite au budget de l’État, elle finit par en être systématiquement retirée. Aujourd’hui, les conteneurs ne peuvent emprunter les tunnels. On ne peut pas avoir de politique de ferroutage sans les investissements correspondants.
Monsieur le secrétaire d'État, avec ce texte, vous ne faites que jeter de la poudre aux yeux ! Vous pensez encore, comme avant la crise financière, que la mise en concurrence va tout régler, alors qu’il faut de grandes politiques publiques : C’est bien ce qui manque à votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
article 3 a
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d’État, un rapport parlementaire a été réalisé en 2004 par la mission d’évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics. Ce rapport, dont les conclusions sont alarmantes, stigmatisait le « poids colossal » de la dette des transports ferroviaires, critiquait les « circuits de financement […] incroyablement complexes » mis en place pour la financer, s’inquiétait des « raisonnements économiques […] la plupart du temps incertains » élaborés pour justifier une fuite en avant, et préconisait l’application de trente-cinq mesures pour « tenter de désamorcer cette menace pour les finances publiques ».
La dette colossale de RFF, qui était alors de 25 milliards d’euros, représente aujourd'hui plus de 27 milliards d’euros. Le Gouvernement continue d’éluder la question, pourtant soulevée maintes et maintes fois ici même, à l'Assemblée nationale et par tous les experts des questions ferroviaires.
Alors que la dette de RFF constitue, tout le monde le sait, le principal frein à l’investissement dans le système ferroviaire français, nous voulons pousser le Gouvernement à s’attaquer à cette tâche par l’élaboration d’un rapport clair, dans lequel il exposera les solutions qu’il entend mettre en œuvre pour résoudre cet épineux problème.
Nous avons déposé un amendement lors de l’examen de ce projet de loi en février et mars derniers. Une fois n’est pas coutume, la majorité de l’Assemblée nationale, sur proposition du député Hervé Mariton, nous a soutenus, renforçant nos ambitions, alors même que la majorité du Sénat les avait amoindries.
Nous attendons avec impatience, monsieur le secrétaire d’État, les conclusions du rapport prévu pour la fin de cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Le Cam. Mes propos s’inscrivent dans le droit fil de ceux de Mme Beaufils concernant les enjeux de la dette de RFF. Les éventuelles préconisations du rapport pour mettre fin à cette situation résident, pour une grande part, en toutes lettres dans le rapport de la mission sénatoriale sur le devenir des transports.
Je ne peux évidemment manquer de rappeler ici les termes du débat, qui est d’ailleurs né au moment de la séparation juridique de la SNCF et de RFF, l’entreprise chargée de gérer l’infrastructure, conformément aux orientations imposées par une directive européenne déjà ancienne.
Car, à bien y réfléchir, on ne peut et on ne doit jamais oublier que l’existence de RFF est la traduction concrète d’une organisation des transports résultant des choix des instances européennes. L’état et la qualité du service, dans la plupart des pays où ils ont été mis en œuvre, montrent toute leur pertinence. Gestionnaires en déficit chronique, retard constant dans les investissements, dégradation du service rendu, tel est le bilan des directives européennes en matière de transport, tout comme dans d’autres services publics, à commencer par les services postaux.
En un temps pas si lointain, c’est-à-dire en janvier 1997, peu de temps avant une dissolution inattendue, notre collègue Claude Billard indiquait, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi portant création de l’établissement public « Réseau Ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire : « Le Gouvernement nous propose aujourd'hui de mettre, en quelque sorte, la dette sur une voie de garage, dans le cadre d’une entité – RFN – dont on se doute qu’elle sera doublement en difficulté financière, le compte d’infrastructure n’ayant jamais été en excédent depuis vingt ans. La raison en est simple : son déficit est “organique”, structurel. II ne peut donc en être autrement. […]
« Cet établissement aurait vocation, sous des formes que nous nous proposons de préciser par ailleurs, à assurer à la fois l’apurement nécessaire du passif, c’est-à-dire l’ensemble de la dette obligataire de long terme de la SNCF, et de devenir l’interface entre la société nationale et les “marchés financiers” dans le cadre de son développement futur. »
Le constat de l’époque est évidemment toujours d’actualité – hélas ! – puisque le « train fantôme » de la dette de RFF est resté en gare et que ses wagons sont toujours aussi lourdement chargés.
Quant à la solution préconisée, celle de la constitution d’un établissement de défaisance ou de cantonnement de la dette ferroviaire, elle devrait à notre avis être examinée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, je m’étais inscrit pour prendre la parole sur l’article 2 bis A, mais je n’ai pas pu être présent au moment de la discussion de cet article. Toutefois, mon propos est valable pour l’ensemble des articles de ce projet de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, ce que j’ai à dire, je l’aurais dit avec plus de force encore à M. de Raincourt, s’il était resté.
Il est possible de juger du fond d’un texte en examinant la méthode employée et la forme utilisée. Cet amendement de plusieurs pages, présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale après le débat au Sénat, est l’un de ces camouflets qui sont si souvent infligés à notre assemblée. Ici, le débat parlementaire est mené dans l’urgence, en catimini, et à la baguette. Parfois, les sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, réagissent et se révoltent. Le Gouvernement a dû se dire que tel ne serait pas le cas avec cet amendement, puisqu’il ne traite que de l’Île-de-France et ne concerne donc pas toutes les collectivités.
Quoi qu’il en soit, il est inadmissible pour tous les élus qu’un amendement concernant les collectivités de l’Île-de-France n’ait pas été discuté au Sénat, assemblée qui est censée représenter les territoires et où les textes relatifs aux collectivités territoriales doivent d’abord être examinés. En l'occurrence, la Haute Assemblée est juste bonne à dire « amen » alors que cet amendement change beaucoup de choses !
Monsieur Apparu, le terme que vous avez utilisé tout à l’heure était absolument à contre emploi. Pour justifier cet amendement, vous avez parlé d’un échange entre la RATP et le STIF. Or, vous le savez bien, un échange entre deux partenaires suppose une discussion, puis un accord. Dans le cas présent, il s’agit non pas de donner quelque chose pour recevoir autre chose, mais d’imposer la volonté du Gouvernement.
Nous refusons cette méthode, qui nous laisse augurer de votre vision du Grand Paris. Avec ce gigantesque projet, qui pourrait pourtant être porteur d’avenir, on sait bien que Nicolas Sarkozy a une volonté de recentralisation. Il suffit de voir l’amendement qui a été adopté à la hussarde, de nuit, et qui permet à l’État de passer en force, sans débat avec les collectivités territoriales. Or le STIF, c’est d’abord la voix des collectivités territoriales en ce qui concerne le réseau de transport dans l’ensemble de l’Île-de-France. Nous reparlerons d’ailleurs de ces questions dans les jours, les semaines ou les mois à venir dans le débat sur La Poste, puis dans celui sur la réforme des collectivités territoriales.
Il y a ici même des élus locaux qui, indépendamment de leur appartenance politique, de gauche ou de droite, vous le disent : vous touchez au cœur de la décentralisation, au rôle même du Sénat et vous foulez aux pieds les collectivités. D’ailleurs, on le voit bien avec la suppression de la taxe professionnelle, dont certains s’émeuvent déjà. Car ce sont toutes les collectivités et pas seulement celles de gauche qui ne pourront plus faire face à leurs responsabilités et protéger les citoyens ! Une fois qu’elles auront assuré le minimum obligatoire, elles ne pourront plus, contrairement à aujourd’hui, financer les associations culturelles ou les clubs sportifs ; elles seront étouffées.
Il est bien que le Sénat puisse mettre le holà à ces abus. C’est pourquoi je souscris totalement aux propos qui ont été tenus par certains de mes collègues. Ils ne sont aucunement outranciers. En effet, on ne peut pas continuer à marcher de cette façon sur la région d’Île-de-France ! On ne peut pas continuer à marcher sur la Ville de Paris ! On ne peut pas continuer à marcher sur les collectivités territoriales ! On ne peut pas continuer à marcher sur tous ces élus qui se battent chaque jour pour qu’on respecte la vie de nos concitoyens franciliens !
Cet amendement donne le ton de ce qu’est l’ensemble du projet de loi : encore une fois, on affaiblit le service public, on affaiblit les territoires, et tout cela au nom de la réforme. Pourtant, nous voulons des réformes, nous sommes pour la modernisation. Malheureusement, les vôtres aboutissent chaque fois à une régression à tel point que, dans ce pays, qui a toujours été avide de progrès, vous commencez à installer dans les têtes de nos concitoyens que réforme veut dire régression.
M. Nicolas About. Au contraire !
M. David Assouline. Ainsi, ceux qui veulent maintenir le statu quo sont certainement confortés dans leur idée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Les partis de gauche et le parti socialiste continueront à se battre en faveur de toute forme de modernisation, à condition de ne pas détruire les progrès qui ont été accomplis, notamment la décentralisation.
La décentralisation, elle s’incarnait dans les prérogatives du STIF et non, je le répète, dans l’amendement que vous avez fait voter nuitamment à la hussarde à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
article 4
M. Roland Courteau. L’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence a imposé la mise en place d’un « organisme de régulation et de contrôle ». En France, ce rôle était jusqu’à présent confié au ministère des transports, assisté par la mission de contrôle des activités ferroviaires.
Le projet de loi a créé l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF. Cette autorité pourra instruire des plaintes, lancer des enquêtes et des investigations, et infliger des sanctions comme une interdiction temporaire d’accès et/ou une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires de l’opérateur.
Ce texte, attendu depuis longtemps, a pu être, sous certains aspects, l’arbre qui cache la forêt. En effet, tous les regards extérieurs s’étant focalisés sur la création de l’ARAF, certains de nos interlocuteurs en ont presque oublié les autres articles du projet de loi.
Le contexte européen nous y obligeant, il était difficile de nous opposer à cette création. Néanmoins, je souhaite revenir sur un point fondamental.
Comme cela est prévu aux termes du nouvel article 17-2 de la LOTI – article auquel nous nous sommes opposés –, l’Autorité veillera au respect des conditions ouvrant droit au cabotage pour les entreprises ferroviaires proposant du transport international de voyageurs. Elle devra vérifier que les dessertes intérieures sont réellement accessoires et ne perturbent pas l’équilibre des contrats existants.
Ce sont donc les critères définis par décret qui seront déterminants. Sur ce point, nous trouvons le texte bien flou.
Il m’eût été agréable, par exemple, d’avoir une idée du type de dessertes susceptibles de porter préjudice à certains contrats. Il eût de même été important d’avoir une idée des unités de mesure qui permettront de définir le caractère accessoire d’une desserte : le voyageur ? Le nombre de voyageurs par kilomètre ? Le rapport entre le « nombre de voyageurs sur desserte interne » et le nombre de voyageurs total ? Le rapport entre le chiffre d’affaires généré par la desserte interne et le chiffre d’affaires global ?
Les débats ne nous ont permis aucune avancée sur ce point. C’est pourquoi nous sommes contre cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Le Cam. Nous tenons à revenir sur les critères selon lesquels sont choisis les membres de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
En effet, selon le texte initial du projet de loi, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires « est composée de sept membres nommés en raison de leur compétence en matière ferroviaire, économique ou juridique, ou pour leur expertise en matière de concurrence. Leur mandat est de six ans non renouvelable ».
Nous considérons qu’il n’est pas pensable que les compétences sociales ne soient pas représentées via les organisations syndicales au sein de cette autorité. En effet, la présence des représentants syndicaux est d’autant plus importante que, selon l’article 4 du projet de loi, une telle instance « est associée à la préparation de la position française dans les négociations ou les actions de coopération internationales [...] ».
En donnant aux représentants syndicaux une telle possibilité de présence, il s’agirait également de donner un signe clair en faveur du dialogue social prôné par le Gouvernement.
Par ailleurs, je rappelle que les organisations syndicales sont présentes dans d’autres autorités de régulation sectorielles telles que la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, au titre des personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement. Nous pourrions donc nous inspirer de la composition de la CRE pour définir celle de l’ARAF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je tiens à vous faire part de nos hésitations et de nos critiques sur cet article, en particulier en qui concerne l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
Tout d’abord, nous craignons que cette autorité ne dispose pas des ressources suffisantes. En effet, dans la mesure où elle est directement financée par le budget de l’État, et non par une redevance – ce qui serait plus neutre –, l’ARAF pourrait voir sa dotation diminuer avec le temps si elle n’est pas tout à fait dans la ligne. Elle n’aura alors plus les moyens d’effectuer pleinement son travail.
Ensuite, nous notons un autre fait marquant : l’absence totale des collectivités locales dans ce texte. Pourquoi avez-vous refusé nos propositions pour que, notamment, les régions puissent nommer une partie des membres de l’ARAF ?
Tout au long de l’examen du projet de loi, nous avons dénoncé le peu de place que faisait le Gouvernement aux collectivités alors même qu’elles ont de plus en plus de responsabilités en matière de transports ferroviaires sur le plan régional.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Richard Yung. Il a longuement été question du STIF tout à l’heure, mais n’oublions pas les autres régions.
Nous avions proposé que l’un des membres de l’ARAF soit nommé par l’Association des régions de France. Libre à vous de choisir un autre organisme. Reste qu’il est nécessaire qu’un représentant des régions siège au sein de l’ARAF.
Cette autorité aurait ainsi pu devenir un véritable organe de conciliation où auraient été présents à la fois des parlementaires, des membres du Conseil économique, social et environnemental ainsi qu’une personnalité qualifiée régionale spécialisée dans le transport ferroviaire. Ne provenant pas du même environnement que les autres, cette dernière aurait pu apporter un éclairage local.
Puisque vous n’avez pas voulu suivre nos propositions, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que nous sommes contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
article 8
M. Simon Sutour. Cet article précise les missions et les pouvoirs de l’ARAF.
L’article 8 concrétise le rôle dévolu à cette nouvelle autorité par le nouvel article 17-2 de la LOTI, à savoir la surveillance du respect des conditions ouvrant droit au cabotage pour les entreprises ferroviaires proposant du transport international de voyageurs. Il s’agira de déterminer si les dessertes intérieures convoitées sont réellement accessoires et si elles ne viennent pas perturber l’équilibre des contrats existants. Dans ce cas, ces liaisons intérieures seraient interdites, car elles contourneraient directement la loi.
Malheureusement, nous l’avons vu lors de l’examen des précédents articles, le texte du Gouvernement a été assoupli. Il précise désormais que les entreprises internationales sont autorisées à ce cabotage, « à condition que l’objet principal du service exploité par l’entreprise ferroviaire soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres de l’Union européenne différents ».
Bien évidemment, ce sont les critères définis par décret qui seront déterminants – c’est très souvent le cas en la matière –, d’autant plus que le texte ne donne aucune indication précise et ne se rapporte même plus à la directive transposée. En l’état, le cabotage est loin d’être encadré et, même si l’ARAF peut s’y opposer, cela présente tout de même un sérieux risque pour la SNCF, qui pourrait se voir concurrencer de manière indirecte, ce que nous regrettons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Richard Yung. Bravo !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le traitement des litiges devient une mission essentielle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, mission qui était jusqu’à présent confiée au ministre chargé des transports. Cette autorité peut être saisie de toute réclamation sur des sujets entrant dans son domaine de compétence et afférent à ses missions définies à l’article précédent.
La rédaction de cet article va bien plus loin que l’obligation communautaire, qui prévoit que l’instance de régulation des activités ferroviaires doit avant tout garantir que l’accès au secteur s’effectue de façon équitable et non discriminatoire.
Comme il est souligné dans le rapport, cet article soulève certaines difficultés, notamment en ce qui concerne le lien entre l’autorité de régulation et l’Établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF.
Pourtant, l’Assemblée nationale a estimé que la surveillance exercée en matière de sécurité ferroviaire pouvait être source de discrimination. L’amendement ainsi adopté à l’Assemblée nationale, et confirmé par la commission mixte paritaire, vise donc à préciser que l’application et le contrôle des règles en matière de sécurité ferroviaire ne sauraient avoir pour effet d’entraver le bon fonctionnement du marché concurrentiel des transports ferroviaires.
Aux termes de l’article 30 de la directive 2001/14/CE, l’instance de régulation doit intervenir pour prévenir toute forme de discrimination. Elle sera compétente pour apprécier, à l’appui d’un litige, si l’EPSF a bien appliqué la réglementation en matière de sécurité.
Pourtant, je vous le rappelle, l’EPSF est une autorité chargée d’une mission régalienne, qui plus est dans le domaine sensible de la sécurité. On se retrouve donc dans un cas de figure où l’on confie à l’autorité de régulation des pouvoirs régaliens de sécurité.
Nous considérons qu’il s’agit d’une dérive particulièrement grave qui pourrait faire peser des risques importants sur l’application de la réglementation en termes de sécurité. En effet, il est fort à craindre que cette réglementation ne soit appréciée a minima afin de ne pas enfreindre la compétitivité des opérateurs ferroviaires.
Nous sommes absolument opposés à une telle conception, qui fait passer les principes de concurrence libre et non faussée devant les impératifs de sécurité !
De plus, il apparaît incohérent que l’autorité de régulation ait à se prononcer sur les discriminations pouvant résulter de la tarification ferroviaire, et ce alors même qu’elle est amenée, par l’article précédent, à participer à sa définition.
Par ailleurs, l’autorité de régulation est habilitée à substituer sa décision à celle de l’auteur de l’acte en cause. Elle peut ainsi enjoindre l’adoption de nouvelles conditions financières, mesure assortie, le cas échéant, d’astreintes financières. Même si cette possibilité est confiée à d’autres autorités de régulation, nous continuons de considérer qu’il s’agit de pouvoirs trop importants qui doivent rester du ressort de la puissance publique.
Mettre entre les mains d’une autorité administrative dont les membres ne sont pas des élus des pouvoirs quasi juridictionnels ne permet pas de garantir la séparation entre juge et partie : lui confier à la fois le pouvoir réglementaire, le pouvoir de décision et le pouvoir juridictionnel contrevient en tout au principe constitutionnellement reconnu de séparation des pouvoirs.
C’est pourquoi nous sommes contre cet article ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le vote est réservé.