M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le problème des transports et des déplacements en Île-de-France fait partie des toutes premières priorités des habitants. Nombre d’entre eux, toutes catégories sociales et âges confondus, expriment une réelle souffrance face à une offre de transports en commun souvent trop chère et inadaptée au regard des évolutions des modes de vie et de travail, et ce malaise serait encore aggravé par des dispositions que le Sénat a votées hier concernant d’éventuels péages.
Le texte qui nous est proposé comporte trois défauts majeurs, d’où trois reproches que je lui adresse.
Tout d’abord, sur le plan de la démocratie, il ne prévoit rien pour associer plus étroitement les usagers des transports et les citoyens à l’amélioration de l’offre de transport. Celle-ci, pourtant, ne peut plus être examinée de façon technocratique et doit, au contraire, partir des besoins qu’ils expriment et des propositions qu’ils formulent. Il est donc urgent d’imaginer des procédures de concertation permanentes, par exemple en organisant l’élection, par grandes zones géographiques, de représentants des usagers au conseil d’administration du STIF.
Par ailleurs – c’est mon deuxième reproche –, ce texte consacre le désengagement total de l’État.
S’il est indispensable que les élus départementaux et régionaux acquièrent la maîtrise, l’État ne peut pas, ne doit pas se désintéresser du réseau de transports collectifs de la région capitale, celui-ci structurant pour une grande part la vie économique de notre pays. C’est ainsi que le préfet de région pourra s’inviter, quand il le jugera nécessaire, au conseil d’administration du STIF. L’État se met donc uniquement en situation d’exprimer son « bon vouloir ». Il eût été plus sage de prévoir sa présence, avec voie consultative, sur une période donnée, le temps que les transferts de compétences et les transferts financiers soient totalement assurés.
Enfin – c’est le troisième reproche que je formule –, cette situation illustre le désengagement financier de l’État.
Il confirme que la décentralisation n’est qu’une simple opération de délestage, sur les collectivités territoriales, des budgets que l’État ne veut plus assumer.
Ce désengagement est consacré dès la modification de l’article 1er de l’ordonnance du 7 décembre 1959, portant création du STIF. La participation financière de l’État est purement et simplement supprimée. Divers mécanismes sont supposés la suppléer, dont un versement du Fonds de compensation pour la TVA, directement dépendant de la situation économique du pays, donc aléatoire. Par ce biais, les usagers, notamment les plus modestes, sont mis doublement à contribution, alors que la part des grandes firmes mondialisées, premières bénéficiaires du réseau de transports en commun, ne cesse quant à elle de baisser.
Les modalités de compensation sont également très floues et particulièrement inquiétantes. En se fondant sur l’année 2003, qui a vu le Gouvernement supprimer 20 % de ses crédits, l’État serait exonéré d’une grande partie de ses responsabilités. Voilà qui aggraverait une situation déjà préoccupante, le STIF ayant un budget en déséquilibre de 100 millions d’euros et le réseau étant dans une situation pitoyable.
En préalable au transfert de cette compétence à la région, nous proposons donc trois mesures compensatoires.
Premièrement, le Gouvernement doit décider d’un rattrapage budgétaire, ainsi que le précédent gouvernement l’avait fait lors du transfert des trains express régionaux, les TER, aux autres régions. Une telle décision ne serait que justice, puisque le réseau francilien supporte un trafic équivalent à l’ensemble des trafics de voyageurs des autres régions.
Deuxièmement, le Gouvernement doit réaliser un audit auquel sera étroitement associée la région, afin de procéder à un inventaire précis de l’infrastructure.
Je rappelle que Bercy a imposé des critères d’endettement tellement sévères à la RATP et à la SNCF qu’elles ne peuvent pratiquement plus rien financer. Les collectivités territoriales sont donc déjà contraintes de mettre la main à la poche pour offrir des conditions de transport correctes aux Franciliens.
Troisièmement, le Gouvernement doit donner des assurances concernant la pérennité et la progression de ses engagements dans les contrats de plan État-région, dont M. Delevoye a déclaré, après M. de Robien, qu’ils pourraient être supprimés. En effet, il serait inacceptable que l’État se désengage massivement, et par tous les moyens, des infrastructures de transport dans la première région économique européenne.
C’est en ces termes que, lors du débat sur la décentralisation version Raffarin, mon ancienne collègue Hélène Luc était intervenue dans le débat portant sur l’organisation des transports d’Île-de-France.
Ce rappel historique, pas si ancien, me semble utile pour que nous soyons en situation de voter comme il convient, dans le cadre de cette commission mixte paritaire.
Oui ou non, sommes-nous au clair sur la question des charges actuelles et à venir du syndicat des transports d’Île-de-France ? Oui ou non, sommes-nous au clair s’agissant du rôle que doit jouer l’État sur la question essentielle du financement de l’infrastructure comme des matériels roulants ? Oui ou non, voulons-nous continuer de confier à des entreprises publiques performantes – ici la RATP et la SNCF – la responsabilité d’assumer l’essentiel du service public du transport de voyageurs ?
Cet article, qui ne prend en compte que des préoccupations financières et, pour une part, électorales, n’y répond aucunement, et c’est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Il semble de bon ton ces temps-ci, du côté de l’UMP, de mettre en accusation le bilan de la gestion régionale du syndicat des transports d’Île-de-France, espérant peut-être capitaliser sur l’agacement des usagers devant la fréquence des retards, la vétusté du matériel ou encore sur l’insécurité des lieux de passage.
Mme Nathalie Goulet. On dirait le Paris-Granville !
M. Bernard Vera. La vraie question qui nous est posée dépasse en réalité les strictes considérations politiciennes, animées par les différents ministres et secrétaires d’État que l’UMP s’apprête à engager dans la campagne des élections régionales de 2010.
L’état des lieux des transports franciliens doit en effet se concevoir de deux manières : où en sommes-nous quant à la qualité des prestations fournies aux Franciliens eux-mêmes et où voulons-nous aller ?
La qualité des transports parisiens est étroitement liée à la question des financements, et le moins que l’on puisse dire est que ce que nous avions pointé en 2003 quant aux relations entre le STIF, la région et l’État demeure vrai.
Cet article de la commission paritaire mixte le montre d’ailleurs.
Pour résoudre les problèmes posés, on prive le STIF de moyens pour garantir ses investissements futurs et on valorise les opérateurs publics de transport, sans doute dans la perspective d’en modifier, à plus ou moins long terme, la structure et – pourquoi pas ? – la propriété.
Ce que nous disions en 2003 sur le fait que la question des transports franciliens est une préoccupation que l’État doit prendre en compte est plus que jamais vrai.
Comment va-t-on répondre aux objectifs de développement de nouvelles infrastructures de transport, notamment au travers de la réalisation de sites d’interconnexion multimodale, comme cela est plus ou moins prévu dans le projet de loi relatif au Grand Paris, si l’on décide de mettre en œuvre la procédure de séparation entre infrastructure et exploitation, rendant le STIF incapable de financer ses propres investissements ?
Il serait paradoxal que le « grand huit » de Christian Blanc, largement tourné vers l’ouest de la capitale – une fois encore –, proposant dessertes modernes et absence de rupture de charge, se double, dans le quotidien des Franciliens, de la persistance d’un service public de transports au rabais, notamment sur les réseaux de bus et un réseau ferré où ne seraient privilégiées que les lignes d’ores et déjà modernisées.
Quand Valérie Pécresse vient compatir aux difficultés que rencontrent les usagers de la ligne 13, confrontés à la suroccupation permanente des rames, elle essaie sans doute de faire oublier qu’elle participe à un gouvernement qui n’a rien fait, depuis deux ans et demi, pour avancer une solution sur ce problème et qui ne semble pas décidé à le faire plus avant, avec cet article du présent projet de loi.
Pour ma part, partisan d’une véritable modernisation des transports franciliens et très attentif notamment au dossier de la ligne 13, je ne peux qu’être très opposé à cet article du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Le Gouvernement nous place dans une situation particulièrement délicate, parce que cet amendement est, à l’évidence, pour un certain nombre d’élus de la majorité, critiquable tant sur la forme que sur le fond. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Sur la forme, lorsque ce texte a été présenté à la commission de l’économie, j’ai demandé au président de cette dernière, M. Jean-Paul Emorine, s’il concernait l’Île-de-France. Il m’a répondu que tel n’était pas le cas, que la problématique des transports en Île-de-France serait étudiée lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Par conséquent, vouloir régler la question par un amendement de plusieurs pages déposé quelques jours avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale, dans les conditions qui ont été évoquées par d’autres orateurs dans cet hémicycle, est tout à fait inacceptable pour les élus franciliens, des élus qui sont attachés au fait que l’État n’exerce pas d’une manière déficiente le monopole des transports en Île-de-France, monopole qu’il détient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Sénat n’a donc pas été consulté.
J’avais eu l’occasion de dire, lors d’un précédent débat sur l’ouverture des commerces le dimanche, que des dispositions spécifiques à la Ville de Paris pouvaient être censurées par le Conseil constitutionnel. Vous prenez le même risque ici, et ce risque est important dans la mesure où le projet de loi qui nous a été présenté ne mentionnait, à aucun moment, cette problématique spécifique à l’Île-de-France.
Sur le fond, ce texte est critiquable pour la raison suivante. Depuis des années, de nombreux élus ont fait le diagnostic de la particularité francilienne de ce monopole d’État avec un régime unique et l’affrontement de deux sociétés nationales, la SNCF et la RATP, puis d’une troisième, RFF, pour entreprendre des projets, ne jamais les terminer, rendre un service de qualité moyenne, souvent critiqué par les usagers des transports d’Île-de-France.
C’est ce qui justifie la création, après des années de combat, du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF. Mieux prendre en compte les usagers, les citoyens, dans la problématique des transports, casser les situations de monopole, notamment le monopole des syndicats : voilà pourquoi le STIF a été créé !
Avec de nombreux élus de droite, je revendique ce combat pour la création du STIF : nous jugeons cette avancée positive. Certes, une déficience conjoncturelle est constatée à la tête du syndicat, sur la politique menée en Île-de-France. Ce n’est pas une raison suffisante pour revenir à un système qui appartient au passé.
Ce n’est donc pas ainsi qu’il fallait procéder pour tenter de résoudre la problématique des transports en Île-de-France. La région a besoin de plus de concurrence : au nom de la modernisation, il faut faire en sorte qu’on n’attende pas 2039 pour permettre la création de lignes de bus par des collectivités territoriales et des élus locaux.
En réalité, monsieur le secrétaire d’État, vous faites là un compromis historique. Au nom de la paix sociale dans les entreprises publiques, vous optez pour un régime dérogatoire au régime européen, ce que vous ne dites pas, pas plus que les autres orateurs, d’ailleurs. Un régime d’exception a en effet été négocié, allongeant la durée du monopole des services publics, comme vous dites, de 50 %.
Le Gouvernement n’aurait pas dû accepter un tel régime dérogatoire et il ne devrait pas mettre quinze ans pour instaurer un système de concurrence. Telle est la réalité que vous ne mentionnez pas ! En outre, vous nous privez de pouvoir en débattre, ici, au Sénat. C’est tout à fait anormal !
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, tant sur la forme que sur le fond, je ne peux pas vous suivre dans cette affaire.
Nous reprendrons ce débat, afin de pouvoir construire un système moderne et adapté, qui ne soit pas un système de compromis avec les syndicats. Nous reprendrons ce débat, afin d’éviter que, jusqu’en 2029, les usagers de cette région, unique en France et en Europe, aient à payer 20 % de plus pour l’exploitation d’une ligne de bus ou de tramway, qui, partout ailleurs, aurait pu être mise en place avec plus de souplesse et de liberté.
C’est donc au nom des élus locaux, au nom de ce pour quoi nous avons combattu, que je ne voterai pas ce texte, et j’espère que nous pourrons reprendre très prochainement ce débat.
Rappel au règlement
M. Michel Teston. Monsieur le président, une délégation souhaite rencontrer certains parlementaires à propos non pas de ce projet de loi, mais du texte que nous examinerons ensuite. Serait-il possible d’interrompre nos travaux pendant une demi-heure ?
M. le président. Monsieur Teston, vous connaissez ma façon assez souple de présider. Nous avons bien compris que vous ne souhaitez pas que le Sénat entame dès ce soir l’examen du projet de loi soumis à notre assemblée. (Sourires sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pour autant, je suis au regret de vous refuser cette suspension de séance.
Mme Marie-France Beaufils. J’adhère totalement à la demande de notre collègue socialiste.
Je souhaite revenir sur la création des opérateurs de proximité, question abordée tout à l’heure par ma collègue Mireille Schurch. Cette création ne correspond nullement à une obligation communautaire : elle résulte bien d’une volonté délibérée, portée par le Gouvernement.
Cette disposition ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui. Elle est « rampante » depuis quelque temps. Ainsi, le rapport Chauvineau, dont les premiers travaux remontent à octobre 2005, avait proposé de confier à des « PME ferroviaires » locales le soin d’organiser les flux régionaux.
Ce rapport s’appuyait sur le constat suivant : « Pour surmonter le recul de l’offre ferroviaire résultant du plan fret SNCF, les chargeurs veulent susciter la création en France d’opérateurs ferroviaires de proximité, inspirés des short lines créées dans d’autres pays, en les adaptant aux conditions françaises. Ils veulent également associer la relance du trafic fret à une remise en état des infrastructures. »
La création de ces opérateurs de proximité est donc d’abord « justifiée » par l’échec du plan fret, qui a jeté sur les routes plus d’un million de camions, comme l’a rappelé ma collègue Mireille Schurch, et qui a abouti à une contraction du réseau et de l’offre de transport de marchandises. Mais on la « justifie » aussi par les attentes des régions et des entreprises pour le renforcement du dynamisme économique des territoires.
Sans préjuger l’intérêt que ce dispositif pourrait peut-être avoir pour certaines lignes présentant un très fort particularisme local, le principal reproche que nous faisons à la mise en place de ces opérateurs est qu’elle concrétise clairement le désengagement de l’État au regard des missions d’aménagement du territoire qu’il est censé remplir par le biais des entreprises publiques que sont la SNCF et RFF.
De plus, les expériences conduites ne sont pas particulièrement concluantes, à l’image de celle de Proxirail en région Centre. La rentabilité n’est pas au rendez-vous et on peut même parler de véritable fiasco, puisque l’opérateur s’est très vite montré intéressé par les trains entiers, en particulier de céréales, mais non par les wagons isolés.
On en revient ainsi aux problèmes de fond : certaines lignes ne sont pas rentables, mais participent à l’aménagement du territoire et au maintien du tissu économique. Leur exploitation relève donc de l’intérêt général et, partant, d’une mission de service public.
Or les réponses aux interrogations portant sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer la gestion de ces lignes ne sont pas satisfaisantes.
Monsieur le secrétaire d’État, non content de confier l’exploitation de service à ces nouveaux opérateurs, vous indiquez que RFF pourra, par voie de convention, leur confier également la gestion des infrastructures.
Cet article 2 induit donc la menace d’un désengagement supplémentaire à l’égard de l’infrastructure ferroviaire, avec le risque d’un transfert, voire d’un abandon, de tout ou partie des charges d’infrastructures des lignes déficitaires, nommées UIC 7 à 9, soit près de la moitié de la consistance du réseau.
Le plus probable, c’est que RFF, pour se dédouaner de la responsabilité de fermer des lignes jugées trop dégradées ou insuffisamment fréquentées, pourra proposer aux régions de se constituer opérateurs de proximité, afin de maintenir une offre de service dans des lieux très enclavés. Il s’agit donc de transférer à la collectivité une nouvelle compétence, sans débat préalable, et de lui faire prendre – de manière particulièrement habile, reconnaissons-le – la responsabilité de la fermeture d’une ligne sur son territoire.
Pourtant, les collectivités ont déjà été lourdement sollicitées dans le cadre de la décentralisation des transports de voyageurs, pour la reprise des TER. Elles ont énormément investi pour garantir aux usagers un service performant et de qualité.
Je signale d’ailleurs que les régions réclament depuis longtemps la possibilité de bénéficier de nouveaux financements pour leur politique de transport. Je pense, par exemple, à la généralisation du versement transport, que nous avons régulièrement proposée par voie d’amendement, mais qui n’a, pour le moment, jamais reçu un écho favorable de la part du Gouvernement.
Nous craignons donc que cette nouvelle disposition ne conduise une fois de plus, après le plan fret et le plan fret d’avenir, à une contraction importante du réseau.
Nous continuons de penser que la politique d’abandon du service de wagons isolés de la SNCF est une erreur. C’est justement ce service d’intérêt général qui pouvait répondre aux ambitions affichées.
Il s’agit donc aujourd’hui de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la réponse ferroviaire apportée à la problématique du transport de marchandises corresponde bien à une mission de service public et réponde aux exigences du Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Article 2 bis
Mme Isabelle Pasquet. J’estime qu’un tel article aurait dû légitimement être débattu au Sénat. Ce ne sera pas le cas, puisque le Gouvernement considère, comme mon collègue Guy Fischer l’a indiqué tout à l’heure, que la procédure accélérée doit devenir la procédure de droit commun.
Cet article, inséré par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, vise à favoriser l’émergence d’opérateurs ferroviaires de proximité spécialisés dans le fret.
À cet effet, il est demandé au Gouvernement de remettre au Parlement, sous six mois à compter de la promulgation du présent texte, un rapport relatif aux modalités et à l’impact d’un transfert à Réseau ferré de France des gares de fret, y compris les voies de débord, les entrepôts et les cours de marchandises, dans le but de rendre ce transfert effectif avant le 31 décembre 2010.
Les gares de fret appartiennent à l’État. Elles sont aujourd’hui gérées par la SNCF, qui doit en permettre l’accès aux entreprises actives sur le marché du fret, en application de la « théorie des facilités essentielles ». Les conditions d’accès à ces installations et aux services qui y sont rendus sont fixées dans un décret de 2003 et présentées de manière détaillée dans le document de référence du réseau, le DRR.
En vue de faciliter cet accès, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, et afin de favoriser l’émergence d’opérateurs ferroviaires de proximité, ces biens pourraient être transférés à RFF.
Il s’agit donc, une nouvelle fois, de priver la SNCF de ses outils et de démanteler une entreprise publique au nom de l’ouverture à la concurrence. Comment la SNCF pourra-t-elle assurer un service de fret digne de ce nom, compétitif, si elle n’a pas la main sur son patrimoine ?
Nous ne pouvons que nous inscrire en faux par rapport à une telle vision réductrice des enjeux en matière de développement du transport ferroviaire.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous réellement – mais nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet – que RFF, déjà écrasé par le poids de la dette, pourra assumer la gestion de ces gares ? N’est-il pas ici question de permettre par la suite à l’établissement, de la même manière qu’il pourra céder son réseau aux opérateurs de proximité, de céder également les gares ?
Nous voyons bien que votre position est dogmatique et ne répond en rien aux besoins de mobilité et à l’urgence de rééquilibrer les modes de transports, puisqu’il s’agit avant tout de créer les conditions d’un repli de la présence ferroviaire sur le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également. )
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les deux assemblées ont donc exigé que soit inscrite dans la loi la nécessité de trouver une solution concernant la dette que porte RFF, cette injonction ayant d’ailleurs été renforcée à l’Assemblée nationale.
Je souhaite néanmoins rappeler que nous avions proposé en première lecture un amendement qui tendait non pas à ce que le Gouvernement fasse des propositions au Parlement dans un horizon de temps plus ou moins long, mais tout simplement à ce que l’État s’engage à reprendre la dette de l’entreprise publique.
À travers cette intervention, nous souhaitons revenir sur une question qui nous semble essentielle, notamment pour le développement de l’offre de transport dans notre pays.
Ainsi, je vous le rappelle, l’enjeu principal pour le secteur ferroviaire est non pas l’instauration d’une concurrence libre et non faussée, mais bien le financement des infrastructures de transport.
En effet, le sous-financement se fait sentir depuis de nombreuses années.
En 2005, déjà, les auteurs d’un audit réalisé par l’École polytechnique de Lausanne estimaient que, si rien n’était fait, de 30 % à 60 % des lignes ne seraient plus utilisables à très brève échéance. Ils affirmaient que les subventions de l’État devraient augmenter de 400 millions d’euros par an pendant dix ans pour que le réseau ferré national soit remis à niveau.
Malgré les effets d’annonce du Gouvernement, aucune somme n’est réellement consacrée à cette problématique. Le projet de loi de finances pour 2010 est encore en recul dans le domaine des transports ; pis, il prévoit d’imposer aux entreprises de réseau une nouvelle cotisation pour compenser la suppression de la taxe professionnelle.
D’autres pays ne font pas ce choix. L’Allemagne, en particulier, s’est engagée dans un processus de désendettement de son système ferroviaire.
En outre, au moment où l’engagement porté par les lois sur le Grenelle de l’environnement est censé permettre l’essor des transports collectifs, notamment ferrés, nous estimons qu’il est grand temps que le Gouvernement s’engage à reprendre la dette de RFF, afin de permettre à l’établissement de réaliser les investissements nécessaires dans les infrastructures.
Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit d’un préalable à toute ouverture à la concurrence, dans votre logique libérale, que nous ne partageons pas ! En effet, le dynamisme des opérateurs ferroviaires, mais aussi, bien plus largement, de l’ensemble du tissu économique, dépend de la qualité des infrastructures ferroviaires et de leur accessibilité.
Par ailleurs, le désengagement massif de l’État au regard des besoins de financement de RFF a conduit l’entreprise publique à mettre en œuvre une hausse exponentielle – et non une modulation, contrairement à ce qui est soutenu dans le rapport – des péages, financée par la SNCF, et à céder son patrimoine immobilier. Nous connaissons tous les conséquences que cela a pu avoir sur le budget des régions et sur les usagers.
Le rapport d’information du Sénat qui a été remis l’année dernière a également dressé un constat unanime et alarmant de la situation. Mes chers collègues, permettez-moi d’en citer un passage particulièrement éclairant :
« Votre mission d’information rappelle [...] que RFF comptabilisait en 2006 une dette nette de 26 milliards d’euros. Celle-ci a pesé très lourd sur les comptes de l’établissement dès sa création, et a même progressé de 30 % depuis 1997.
« Dès lors, il n’est guère étonnant de constater que, sur les 2,5 milliards d’euros de dépenses en capital de l’État versés en 2004 à RFF et à la SNCF, seuls 320 millions d’euros étaient destinés à de nouveaux investissements (TGV Est notamment).
« Le poids de la dette de RFF et les coûts d’entretien d’un réseau ferré à bout de souffle obèrent les capacités d’investissement de l’établissement public. Il en résulte que RFF est réduit à n’être qu’un simple "compte d’enregistrement" de la dette, ce qui l’empêche en fait de jouer son rôle de constructeur et de gardien du réseau ferroviaire français. Cette situation ne peut perdurer et nécessite qu’une solution soit rapidement apportée par les pouvoirs publics. »
Nous souhaitons donc que cette position de la commission des affaires économiques, qui semble faire consensus dans la classe politique, se traduise concrètement. Nous serons extrêmement vigilants lors de la remise de ce rapport dans quelques mois. Nous attendons de vous, monsieur le secrétaire d’État, un acte significatif, conforme à l’esprit du Grenelle de l’environnement, pour que soient, enfin, dégagées des marges d’investissement dans les transports publics, qui en ont tant besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais vous faire part d’une remarque de forme et d’une réflexion de fond.
Sur la forme, il est tout de même assez incroyable que, en raison de la déclaration d’urgence, devenue aujourd’hui procédure accélérée – c’est maintenant pratiquement la règle –, le Sénat soit amené à voter des articles qui n’ont pas été examinés en commission. Le débat parlementaire ne peut pas s’effectuer dans de bonnes conditions, ce qui est détestable aussi bien pour la démocratie que pour le Parlement.