M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Je vous donne acte, monsieur Guillaume, que vous n’êtes pas un obscurantiste puisque vous avez vous-même évoqué la « clarté réelle ». (Sourires.)
M. Daniel Raoul. Joli !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est l’esprit critique des Lumières…
M. Louis Nègre, rapporteur. Certains se prennent pour Voltaire ici. (Nouveaux sourires.)
Cependant, votre amendement est pleinement satisfait par la modification adoptée par notre commission sur ma proposition.
Nous avons en effet souhaité que les travailleurs amenés à être exposés aux ondes électromagnétiques disposent d’un suivi particulier, dont les modalités seront définies par décret, conformément au code du travail.
Je vous renvoie donc, monsieur Guillaume, au IV de cet article 72, qui crée un nouvel article dans le code du travail, l’article L. 4453-1, que je cite : « Les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés aux champs électromagnétiques sont déterminées par décret en Conseil d'État pris en application de l’article L. 4111-6 du présent code.
« Ce décret est établi conformément aux principes de prévention fixés aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du présent code. »
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Je confirme les propos de M. le rapporteur : votre préoccupation est bien prise en compte ; il s’agit pour nous d’une priorité. Lors de la table ronde sur les risques industriels, nous avons d’ailleurs prévu cette dimension de l’implication des travailleurs dans la prévention des risques industriels.
M. le président. Monsieur Guillaume, l’amendement n° 704 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. J’avais l’intention de retirer cet amendement après l’avoir défendu, mais nous aurions été privés de l’intervention de M. le rapporteur...
Ayant entendu Mme la secrétaire d’État, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 704 est retiré.
Je mets aux voix l’article 72, modifié.
(L’article 72 est adopté.)
Article additionnel après l'article 72
M. le président. L’amendement n° 705, présenté par MM. Raoul, Ries, Teston et Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoult, Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2010, les téléphones portables spécifiquement destinés aux enfants sont obligatoirement équipés d'oreillettes.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. J’avais déjà présenté cet amendement en commission, dans le cadre du Grenelle I.
Madame la secrétaire d’État, interrogée au cours d’une interview publiée dans Le Parisien du 27 février 2009, soit un mois après votre nomination, à la question « doit-on protéger les enfants des ondes des téléphones portables ? », vous répondiez : « C’est une évidence. Le problème, ce n’est pas les antennes, mais je suis favorable à l’interdiction du mobile pour les petits, parce qu’ils sont en phase de développement. Et il faudra aussi rendre obligatoire l’usage de l’oreillette pour les moins de douze ans. Toute la problématique du téléphone portable est l’effet à long terme des faibles doses ». Cette dernière phrase satisfera sans doute notre collègue Marie-Christine Blandin.
C’est pour répondre à votre préoccupation que nous vous proposons de donner corps à l’une de vos idées. Une fois n’est pas coutume ! (Sourires.)
Nous pensons que vous avez raison, madame la secrétaire d’État. Même si vous n’êtes pas allée jusqu’à interdire les téléphones portables pour enfants, vous pourriez donc convenir avec nous que la suppression du haut-parleur au profit d’une oreillette permettrait d’obtenir les effets escomptés.
M. Daniel Raoul. C’est pourquoi, bien que je nourrisse peu d’illusions dans ce domaine, j’ose espérer que vous émettrez un avis favorable sur cet amendement.
Je sais que vous m’objecterez la nature réglementaire de cette disposition et que vous invoquerez la libre circulation des biens au sein de l’Union européenne : tout cela m’a déjà été dit en 2004 lorsque j’ai proposé de supprimer les haut-parleurs dans les téléphones portables destinés spécifiquement aux enfants.
Or, cinq ans plus tard, nous en sommes au même point : aucune disposition n’a été prise pour supprimer les haut-parleurs et imposer l’usage du kit oreillette, ce qui aurait permis d’accroître la distance entre le téléphone portable et l’oreille. En effet, comme cela a été rappelé depuis le début de l’examen de cet article 72, le problème qui se pose est celui de la distance entre l’appareil, qui a un certain débit d’absorption spécifique, et le crâne de l’enfant, et d’une éventuelle porosité de la barrière hémato-céphalique.
Quand des dispositions réglementaires seront-elles prises pour résoudre ce problème ? Si de telles dispositions nécessitent un accord au sein du Conseil des ministres européens, quand celui-ci se prononcera-t-il ?
Voilà cinq ans, votre prédécesseur, Mme Haigneré, m’a objecté qu’il était impossible de prévoir des dispositions spécifiques concernant ces appareils en raison du principe de la libre circulation des biens au sein de l’Union européenne. J’attends donc votre réponse, madame la secrétaire d’État !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Cette précision, si elle part d’un bon sentiment, est toutefois inutile. Le texte prévoit déjà que tous les terminaux soient équipés à l’avenir d’un kit oreillette. Dès lors, les prescriptions qui seront applicables en général le seront aussi pour les téléphones portables dits « destinés aux enfants ».
Par ailleurs, votre proposition est quelque peu paradoxale. Vous mentionnez, en effet, les téléphones portables « spécifiquement destinés aux enfants ». Or la commission puis la Haute Assemblée ont adopté une position de protection des enfants dans un cadre de santé publique. Je ne suis pas certain que le fait d’inscrire dans la loi l’existence des téléphones portables « spécifiquement destinés aux enfants » constitue une bonne démarche de prévention.
M. Daniel Raoul. Ces appareils existent !
M. Louis Nègre, rapporteur. Ce n’est pas une raison suffisante pour en faire la promotion !
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Le problème que vous posez est complexe, monsieur le sénateur.
Le projet de loi permet au ministre chargé de la santé d’interdire les appareils radioélectriques dont l’usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans. Dans ces conditions, il ne faut pas donner l’impression que nous acceptons l’existence des appareils spécifiquement destinés aux enfants. C’est un problème d’ordre rédactionnel.
En outre, l’amendement tend non pas à interdire les haut-parleurs, mais à rendre obligatoire le kit oreillette. Les appareils pourraient donc être équipés de ces deux accessoires.
J’ajoute que cet amendement pose un problème juridique. Une telle disposition ne pourrait être prise sans avoir été préalablement notifiée à Bruxelles.
M. Daniel Raoul. J’ai déjà entendu cela il y a cinq ans !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Je n’étais pas en fonction...
Tout en approuvant le principe de l’amendement, je ne peux accepter sa rédaction. Il faudrait la revoir avant le passage du texte devant l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je reconnais que la rédaction de cet amendement ne traduit pas l’idée que je voulais défendre. Il n’est en effet pas suffisant d’équiper les appareils d’un kit oreillette.
En 2004, lorsque j’avais préconisé de supprimer les haut-parleurs, on m’avait opposé les mêmes arguments, et notamment la position de Bruxelles. Modifier la rédaction de cet amendement avant l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale ne changera rien : on opposera toujours cette objection.
Quoi qu’il en soit, je savais que cette mesure relevait du domaine réglementaire, et non du domaine législatif. Je retire donc cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 705 est retiré.
Article 73
I. - Le titre II du livre V du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Il est ainsi intitulé : « Produits chimiques, biocides et substances à l'état nanoparticulaire » ;
2° Il est ajouté un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Prévention des risques pour la santé et l'environnement résultant de l'exposition aux substances à l'état nanoparticulaire
« Art. L. 523-1. - Les personnes qui fabriquent, importent ou distribuent des substances à l'état nanoparticulaire, en l'état ou contenues dans des mélanges sans y être liées, ou des matériaux destinés à rejeter des telles substances dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d'utilisation déclarent périodiquement à l'autorité administrative l'identité, les quantités et les usages de ces substances, ainsi que l'identité des utilisateurs professionnels à qui ils les ont cédées à titre onéreux ou gratuit .
« Les informations relatives à l'identité et aux usages des substances ainsi déclarées sont mises à disposition du public dans les conditions fixées par l'article L. 521-7.
« L'autorité administrative peut prévoir des exemptions aux dispositions formulées au deuxième alinéa lorsque cela est nécessaire à la sauvegarde des intérêts de la défense nationale.
« Art. L. 523-2. - Les personnes qui fabriquent, importent ou utilisent des substances mentionnées à l'article L. 523-1 transmettent, à la demande de l'autorité administrative, toutes les informations disponibles relatives aux dangers de ces substances ainsi que les expositions auxquelles elles sont susceptibles de conduire.
« Art. L. 523-3. - Les informations obtenues en application des articles L. 523-1 et L. 523-2 sont mises à la disposition des autorités de contrôle mentionnées à l'article L. 521-12, ainsi qu'aux organismes désignés par décret.
« Art. L. 523-4. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions et les modalités d'application des articles L. 523-1 à L. 523-3.
« Art. L. 523-5 (nouveau). - Les articles L. 523-1 à L. 523-4 s'appliquent aux substances entrant dans la composition des produits mentionnés à l'article L. 522-1. »
II. - Le livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est complété par un titre VI ainsi rédigé :
« TITRE VI
« PRODUITS DE SANTÉ CONTENANT DES SUBSTANCES À L'ÉTAT NANOPARTICULAIRE
« Art. L. 5161-1. - Les articles L. 523-1 à L. 523-3 du code de l'environnement s'appliquent aux substances entrant dans la composition des produits mentionnés à l'article L. 5311-1 ainsi qu'aux médicaments vétérinaires mentionnés à l'article L. 5141-1. »
III. - L'article L. 253-8 du code rural est complété par un III ainsi rédigé :
« III. - Les articles L. 523-1 à L. 523-3 du code de l'environnement s'appliquent aux substances entrant dans la composition des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code.
IV (nouveau). - À l'article L. 522-13 du code de l'environnement, les mots : « à un organisme agréé les informations nécessaires sur ce produit » sont remplacés par les mots « les informations nécessaires sur ce produit, notamment leur composition, aux organismes mentionnés à l'article L. 1341-1 du code de la santé publique ».
M. le président. L’amendement n° 726, présenté par MM. Raoul, Mirassou, Guillaume et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 523-1 du code de l'environnement, après le mot :
importent
insérer le mot :
, utilisent
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. L’enquête volontaire menée par l’AFSSET pour recueillir davantage d’informations sur les usages de substances à l’état nanoparticulaire n’a pas eu le succès escompté puisque peu de réponses ont été fournies, ce qui est navrant. Les propriétés particulières des nanomatériaux ne sont pas prises en compte alors que ceux-ci sont déjà bien présents dans les différents objets utilisés quotidiennement.
Il s’agit d’un domaine dont le champ d’application est vaste puisque l’on dénombre, à l’heure actuelle, environ 700 produits de consommation utilisant les nanoparticules.
C’est d’ailleurs la découverte des propriétés spécifiques des nanomatériaux, entre le matériau massif et le matériau à l’état nanoparticulaire, – catalyse, propriétés magnétiques et, ce qui est plus inquiétant, possibilité d’interfaçage avec des composés bio-organiques... – qui a donné lieu à la naissance d’un nouveau domaine de la physique, les nanosciences, et a conduit au développement de ces matériaux au cours des dernières années.
On peut imaginer des applications très positives de ces matériaux, en particulier dans le domaine de la vectorisation des médicaments : couplage des nanoparticules et téléguidage le long des vaisseaux jusqu’à l’emplacement de la tumeur à traiter.
Mais ils peuvent aussi avoir des effets très nocifs. Du fait de leur petite taille, les nanoparticules peuvent en effet provoquer une réaction biologique au contact du tissu et présenter un danger, selon les premières analyses du Comité de la prévention et de la précaution.
Intégrer dans le Grenelle de l’environnement des dispositions sur la prévention des risques pour la santé et l’environnement résultant de l’exposition aux substances à l’état nanoparticulaire nous semble donc nécessaire. Notre réflexion doit être encadrée par le principe de précaution et la vigilance par rapport aux risques potentiels.
Nous remarquons toutefois que, pour l’instant, l’obligation d’information ne vise que les personnes qui fabriquent, importent ou distribuent des substances à l’état nanoparticulaire. Ce n’est pas assez ambitieux. Notre amendement vise donc à élargir le champ de cette obligation en y intégrant les personnes qui utilisent ces substances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Monsieur Raoul, votre proposition a été entendue. En effet, le texte proposé pour l’article L. 523-2 du code de l’environnement et adopté par la commission est le suivant : « Les personnes qui fabriquent, importent ou utilisent des substances mentionnées à l’article L. 523-1 transmettent, à la demande de l’autorité administrative, toutes les informations disponibles relatives aux dangers de ces substances ainsi que les expositions auxquelles elles sont susceptibles de conduire ». Cet amendement est donc satisfait sur le fond.
En outre, les scientifiques ont attiré notre attention sur le fait qu’il convenait de ne pas dupliquer à l’infini les demandes, informations, formulaires et autres « paperasses ». Grâce à cet article, l’autorité administrative sera bien en mesure de demander toutes les informations disponibles sur ces substances aux personnes qui les utilisent.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. La procédure organisée prévoit que les distributeurs doivent faire cette déclaration en amont en indiquant qui sont les utilisateurs de ces substances. Nous évitons ainsi une multiplication des formulaires collectés, émanant de milliers d’utilisateurs.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Il m’avait échappé que le mot « utilisent » figurait dorénavant dans le texte définitif issu des travaux de la commission. Je vous prie donc de bien vouloir m’excuser.
À ma décharge, je rappelle que nous avons commencé à examiner le Grenelle II avant que le texte du Grenelle I soit tout à fait établi, et que nous avons proposé des amendements sur le Grenelle II alors que le Grenelle I n’était pas encore adopté ! Il n’est donc pas simple de savoir à quel texte se raccrocher ...
Quoi qu’il en soit, j’ai fait une erreur : je retire donc cet amendement.
M. Didier Guillaume. Faute avouée est à moitié pardonnée ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. L’amendement n° 726 est retiré.
L’amendement n° 510, présenté par MM. Bizet, César et Deneux, est ainsi libellé :
I. - Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 523-1 du code de l'environnement par les mots :
sauf quand ces derniers sont des distributeurs qui ne réalisent pas d'opérations de conditionnement de substances à l'état nanoparticulaire en l'état ou contenues dans des mélanges sans y être liées.
II. - Compléter le même texte par un alinéa ainsi rédigé :
« Les informations concernant l'identité des utilisateurs professionnels sont reconnues comme relevant du secret industriel et commercial et sont traitées conformément aux dispositions du II de l'article L. 521-7. »
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement vise à clarifier le champ de la déclaration des substances à l’état nanoparticulaire prévue à l’article 73, en ce qu’elle comporte une déclaration des utilisateurs connus de ces produits.
Tout d’abord, cet amendement exclut les distributeurs des utilisateurs professionnels qui doivent être déclarés. En effet, s’ils ne réalisent aucune opération physique avec ces substances, la déclaration de leur identité est inutile à des fins de prévention des risques.
Par ailleurs, cet amendement vise à spécifier que les informations sur les utilisateurs des substances, qui sont extrêmement sensibles d’un point de vue industriel et commercial, sont bien considérées comme relevant du secret industriel et commercial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Je rends hommage à l’honnêteté intellectuelle de M. Raoul, qui a reconnu son erreur.
Je tiens simplement à rappeler devant la Haute Assemblée que l’article L. 523-1 dispose : « Les personnes qui fabriquent, importent ou distribuent des substances à l’état nanoparticulaire […] déclarent […] à l’autorité administrative l’identité, les quantités et les usages de ces substances, ainsi que l’identité des utilisateurs professionnels […] ». C’est exceptionnel ! Nous sommes les premiers au monde à avoir prévu un tel dispositif.
Quant à l’amendement n° 510, il apporte une précision utile, sans remettre en cause l’esprit du texte adopté par notre commission. Par ailleurs, il autorise une protection des données relevant effectivement du secret industriel et commercial. Aussi, l’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Selon moi, l’amendement n° 510 n’apporte aucun complément. Il va à l’inverse de toutes les réponses données à M. Raoul pour l’inciter à retirer l’amendement n° 726 : la précision que vous proposez figure dans le texte, dormez tranquille, les utilisateurs sont concernés, l’horizon en matière de transparence n’est pas bouché.
Or l’amendement n° 510 vise à exclure de l’obligation de déclaration les utilisateurs professionnels pour peu qu’ils soient des distributeurs. Il est vrai que ces derniers n’interviennent pas sur les substances à l’état nanoparticulaire. Mais une telle exclusion entraînera une rupture dans la chaîne de traçabilité des substances. Par conséquent, les capacités de l’autorité administrative de suivre l’utilisation de ces substances seront considérablement amoindries.
On en est à un point tel qu’on aurait pu imaginer que les amendements nos 726 et 510 fassent l’objet d’une discussion commune parce qu’ils se neutralisent l’un l’autre.
Dans la mesure où Daniel Raoul a retiré l’amendement n° 726, les membres du groupe socialiste et apparentés ayant été rassurés, nous sommes un peu déconcertés !
M. Roland Courteau. Et inquiets !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer. L’obligation de déclarer les utilisateurs pèse dans tous les cas sur les distributeurs ; elle n’a pas été supprimée.
En l’occurrence, sont simplement exclus de l’obligation ceux qui ne réalisent aucune opération physique sur les substances. La déclaration de leur identité est inutile. Cependant, ils ne sont pas dispensés de déclarer l’identité des utilisateurs de ces produits.
Par ailleurs, il est évident que les informations visées relèvent en tout ou partie du secret industriel et commercial. Par conséquent, ces informations, qui seront connues de l’administration, ne pourront pas être rendues publiques.
M. le président. L'amendement n° 643, présenté par Mme Blandin, M. Muller, Mmes Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 523-2 du code de l'environnement, par les mots :
, ainsi que les renseignements nécessaires à l'établissement d'une nomenclature.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Si la toxicologie ou l’écotoxicologie sont en difficulté à l’heure actuelle, faute de formations, de ressources humaines et de postes, il n’en demeure pas moins que ce sont des sciences efficaces, indispensables, à condition toutefois que les moyens soient réunis. Ainsi, aujourd’hui, sont parfaitement décrits, par exemple, les effets des sels de métaux lourds, des solvants ou de l’arsenic.
Les nanomatériaux visés à l’article 73, outre leur taille particulièrement petite, ont comme autre caractéristique d’être des constructions atomiques créées de toutes pièces. Le produit final – fibre de carbone ou sphère d’un quelconque élément – a des impacts, positifs ou négatifs, sur les tissus vivants plus caractérisés par la forme spatiale – en cube, en fibre, en cône – du nano-objet que par sa matière chimique – carbone, cuivre, nickel ou autres. Fait aggravant, ces matériaux ne pèsent presque rien, mais ils ont proportionnellement des surfaces de contact très étendues avec les cellules qui les rencontreraient.
Depuis quelques années, les toxicologues abordent scientifiquement les nouvelles évaluations qui leur sont demandées. Mais ils se heurtent à des problèmes d’appellation et de description des nanomatériaux qu’ils doivent étudier : le secret industriel qui protège ces substances ne doit pas être un obstacle à la protection sanitaire des populations et aux analyses toxicologiques. C’est pourquoi ils demandent que les industriels leur communiquent non pas l’essence même de la fabrication, la recette physicochimique, mais les éléments nécessaires à l’établissement d’une nomenclature qui permette aux évaluateurs, aux chercheurs de différents pays de dialoguer entre eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Madame Blandin, l’amendement n° 643 est pleinement satisfait dans la mesure où il est expressément prévu au premier alinéa de l’article L. 523-1 du code de l’environnement que les personnes soumises à l’obligation de déclaration devront communiquer l’identité des substances, ainsi que les quantités et les usages. Cette identité permettra donc d’établir scientifiquement des regroupements pour mettre au point les nomenclatures de ces substances. Par conséquent, la commission vous demande de retirer cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, l’identité que vous évoquez est très souvent signalée par un nom – je pense notamment à la fibre de carbone – avec à côté un « r » entouré d’un cercle signifiant que ce produit est enregistré, labellisé. En aucun cas cette indication ne correspond aux éléments dont souhaitent disposer les toxicologues afin de communiquer entre laboratoires de recherche. Que leur importe, par exemple, l’appellation « Valurex » ?
M. le président. L'amendement n° 727, présenté par MM. Guillaume, Raoul, Mirassou, Daunis et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 523-3 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces informations permettent notamment aux pôles d'écotoxicologie d'évaluer les risques pour la santé et l'environnement résultant de l'exposition aux substances à l'état nanoparticulaire.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. L’ambiance étant très détendue cet après-midi dans l’hémicycle, je souhaite citer Le Canard enchaîné qui, la semaine dernière, affirmait : « grâce aux nanotechnologies, on pourra bientôt observer le nano-Grenelle de l’environnement ». (Sourires.)
Le sujet que nous évoquons – les nanoparticules, les pôles toxicologie et écotoxicologie – est essentiel. Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’échange d’informations, d’expériences entre laboratoires ainsi que la collaboration la plus étendue possible entre la recherche publique et la recherche privée sont primordiaux.
L’amendement n° 727 va dans le même sens que celui que vient de présenter Mme Blandin. Il est demandé au Gouvernement que de très larges échanges aient lieu sur les avancées techniques et scientifiques ambitieuses pour notre pays, essentielles pour le développement durable et la santé. Les laboratoires doivent être destinataires des évaluations qui figureront dans les rapports élaborés. Les auteurs de l’amendement n° 727 veulent aller plus loin et souhaitent que les pôles d’écotoxicologie qui sont en train d’être créés en France puissent également en disposer.
Mme Blandin l’a indiqué : l’écotoxicologie est en panne dans notre pays. Voilà quelques semaines, Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche annonçait, à grand renfort publicitaire, la création de 400 postes de chercheurs dans ce domaine, création, on le sait très bien, impossible pour des raisons budgétaires et de formation. C’est pourquoi l’information entre l’ensemble des laboratoires de recherche doit être la plus complète possible.
En privilégiant la recherche et la prévention, le dispositif proposé permettrait d’approfondir les connaissances dans le domaine, encore mal connu, des substances nanoparticulaires. Je me suis permis d’en « remettre une couche », si je puis dire. (Sourires.)