Article 40 ter (nouveau)
Afin d'assurer un suivi des volumes de produits phytopharmaceutiques utilisés en France, l'Observatoire des résidus de pesticides (ORP) réalise chaque année un rapport faisant état des pratiques agricoles qui est basé sur l'indicateur NODU (nombre de doses unitaires). Ce rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement et rendu public.
Mme la présidente. L'amendement n° 772, présenté par Mme Herviaux, M. Raoult et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans le cadre du suivi des produits phytopharmaceutiques utilisés en France, le Gouvernement établit chaque année un rapport faisant état des usages agricoles et non agricoles de ces produits. Ce rapport est transmis au Parlement et rendu public.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. En commission, nous avions demandé que l’Observatoire des résidus de pesticides réalise chaque année un rapport de suivi des volumes de produits phytopharmaceutiques.
Nous souhaitons, via l’amendement n° 772, préciser notre demande. L’Observatoire des résidus de pesticides étant une structure interministérielle sans exigence juridique propre, il nous semble important de souligner qu’il est de la responsabilité du Gouvernement d’établir un rapport annuel de suivi des usages de pesticides.
L’objectif de réduction de 50 % des usages des pesticides en dix ans est l’un des engagements majeurs du Grenelle de l’environnement. Il est donc nécessaire que le Gouvernement fasse un bilan annuel des avancées au Parlement.
L’article 1er de la loi Grenelle I prévoit, d’ailleurs, que le Gouvernement fera un rapport annuel sur sa mise en œuvre, qui doit aussi comporter une étude spécifiant l’impact sur le secteur agricole des mesures contenues dans la présente loi.
Nous proposons aussi que cette étude de suivi ne se limite pas aux usages agricoles. C’est la raison pour laquelle nous précisons : « usages agricoles et non agricoles de ces produits ».
Bien entendu, cette analyse devra être quantitative et qualitative, c’est-à-dire qu’elle devra s’attacher à vérifier que les risques diminuent et que ce sont donc les produits les plus dangereux qui doivent être moins utilisés, voire retirés du marché.
L’analyse devra notamment utiliser l’indicateur NODU, nombre de doses unitaires, qui permet de prendre en compte la concentration des produits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’article 40 ter avait été introduit dans le texte de la commission sur l’initiative de Mme Herviaux. Les précisions contenues dans l’amendement n° 772 sont de nature à assurer mieux encore l’information du Parlement sur les usages des pesticides que ce que prévoyait le dispositif initialement voté en commission.
Aussi, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'article 40 ter est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 40 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 894 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 40 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 213-4 du code de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de la mise en œuvre du programme mentionné au V de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques apporte directement ou indirectement des concours financiers aux personnes publiques ou privées. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Cet amendement concerne l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA. Aujourd’hui, cet organisme, qui reçoit les redevances, ne peut pas ensuite les reverser sous forme de subventions indirectes, aux chambres d’agriculture, par exemple.
Cet amendement vise donc à permettre, uniquement dans le cadre du plan Écophyto, des concours financiers directs ou indirects à des organismes tels que les chambres d’agriculture ou FranceAgriMer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques conduit ou soutient déjà des programmes de recherche et d’études qui peuvent être communs à plusieurs bassins, en particulier sous la forme de concours financiers à des personnes publiques ou privées.
Il convient de sécuriser juridiquement le mécanisme permettant à des collectivités publiques d’apporter leur concours financier directement aux opérations qui s’inscrivent dans le cadre du plan pluriannuel d’intervention de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, tout en n’étant pas effectuées par lui.
Aussi, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. En posant la question du rôle de l’ONEMA, cet amendement nous ramène au processus classique des organismes parapublics nouvellement créés.
Souvenons-nous des discussions qui ont précédé le vote de la loi sur l’eau : normalement, l’ONEMA devait servir à réunir des informations, puis à être à nos côtés pour nous conseiller.
La réalité est toute autre : devenu « pompe à phynances », l’ONEMA va piquer l’argent des agences de l’eau – et des sommes importantes, des sommes non négligeables – pour aller, par un effet de perversion, distribuer des subventions aux chambres d’agriculture !
Or chaque agence entretient déjà des relations directes avec les chambres d’agriculture avec lesquelles elle collabore pour organiser des plans d’action en direction du secteur agricole.
Si la loi autorise l’ONEMA à passer au-dessus de la tête des agences de l’eau pour distribuer des subventions ici ou là à travers le territoire national, elle va produire les mêmes effets pervers que tous ces organismes parapublics qui sont l’émanation de l’État – en clair, des fonctionnaires mis à leur disposition – et qui, on le sait, sont plus ou moins bien contrôlés. Il ne manque pas d’exemples récents de ces organismes parapublics qui finissent par fonctionner en doublon par rapport aux agences de l’eau.
Madame la secrétaire d’État, je voulais vous mettre en garde contre ces dérives.
En ma qualité de premier vice-président du conseil d’administration de l’agence de l’eau Artois-Picardie, je ne vois pas de gaieté de cœur toutes ces sommes issues de la vente de l’eau, liées à sa qualité et destinées à nos territoires, revenir à l’ONEMA !
Je tenais à vous alerter, madame la secrétaire d'État, car, les chambres exerçant sur les pouvoirs publics, quels qu’ils soient, des pressions auxquelles il est bien difficile de résister, il est à craindre que, d’année en année, petit à petit, on n’en vienne à oublier que les redevances perçues par une agence de l’eau ont avant tout pour objet de faire en sorte que, sur le territoire relevant de celle-ci, la distribution et l’épuration de l’eau, des ménages comme des industriels, soient effectuées dans des conditions correctes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Pour apporter de l’eau au moulin de mon collègue Raoult (Sourires),…
M. Robert del Picchia. Gratuite ! (Nouveaux sourires.)
Mme Évelyne Didier. … je veux insister à mon tour sur le fait qu’il s’agit, effectivement, de l’argent de l’eau.
Aujourd'hui, les plus gros contributeurs, au regard de leur consommation, sont les ménages. Or, à force de consacrer les fonds récoltés dans les agences à travers les différentes taxes à des objectifs qui ne sont pas directement liés à l’eau, on en vient en définitive à renchérir le coût de celle-ci pour les particuliers, qui sont aussi, en quelque sorte, des contribuables, et c’est là un aspect auquel nous tous, élus, devons être extrêmement attentifs.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 40 ter.
Article 41
(Non modifié)
Le II de l'article L. 211-3 du code de l'environnement est complété par un 7°ainsi rédigé :
« 7° En cas de menace pour la qualité de l'eau potable, délimiter tout ou partie de certaines des aires d'alimentation de captages d'eau potable visées au 5°, pour y limiter, dans un délai de trois ans, l'usage agricole des terres à une implantation de prairies permanentes extensives ou de cultures ligneuses sans intrants ou, à défaut, y soumettre le maintien d'autres cultures au respect de conditions limitant ou interdisant l'utilisation d'intrants de synthèse et établir à cette fin, dans les conditions prévues à l'article L. 114-1 du code rural, un plan d'action, comportant, le cas échéant, des mesures de compensation. » – (Adopté.)
Article 42
(Non modifié)
I. - L'article L. 611-6 du code rural est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-6. - Les exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de l'environnement peuvent faire l'objet de certifications dans des conditions fixées par décret. Les modalités de certification des exploitations ainsi que, le cas échéant, le niveau correspondant à une haute valeur environnementale, les modalités de contrôle applicables, les conditions d'agrément des organismes chargés de la mise en œuvre, les mentions correspondantes et leurs conditions d'utilisation sont également précisés par décret. »
II. - Le 2° de l'article L. 640-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la mention "issus d'une exploitation de haute valeur environnementale". »
III. - Après l'article L. 641-19 du même code, il est inséré un article L. 641-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 641-19-1. - Ne peuvent bénéficier de la mention "issus d'une exploitation de haute valeur environnementale" que les produits agricoles, transformés ou non, qui sont issus d'exploitations certifiées de haute valeur environnementale en application de l'article L. 611-6. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. L’objectif de l’article 42 est louable puisqu’il s’agit de favoriser le développement d’exploitations agricoles aux pratiques éco-responsables.
Dans ce cadre, cet article prévoit l’instauration d’un dispositif de certification environnementale, présentée, dans les conclusions du Grenelle, comme « une voie privilégiée pour développer production et consommation durables » en ce qu’elle « permet une reconnaissance des bonnes pratiques environnementales et sanitaires des agriculteurs dans la gestion quotidienne de leurs exploitations ».
Aussi les engagements nos 122 et 123 du Grenelle en prévoient-ils le principe ainsi qu’un calendrier ambitieux de mise en œuvre, avec 50 % des exploitations certifiées en 2012.
Si l’objectif ne peut que nous satisfaire, nous regrettons la confusion que cette nouvelle certification pourra entraîner avec le « bio ».
Si nous avions mauvais esprit, nous pourrions voir là un stratagème pour prévenir la difficulté du Gouvernement à atteindre les objectifs posés en termes de développement du « bio » par la définition de nouveaux objectifs parallèles plus facilement réalisables.
En conclusion, nous ne pouvons que souscrire au rapport de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ah !
Mme Évelyne Didier. Celle-ci estime que le texte, formulé de façon très générale et imprécise, et renvoyant à un décret pour l’ensemble de ses modalités d’application, n’assure ni l’unicité de la certification – ce qui permettra la coexistence avec l’agriculture raisonnée, de manière transitoire ou permanente –, ni sa dénomination tout en prévoyant le principe d’un degré de haute valeur environnementale, le HVE.
Il s’agit donc, une fois encore, d’une disposition d’affichage, qui fera l’objet de décrets rédigés, loin des parlementaires, dans le secret des ministères et qui risque de créer beaucoup de confusion !
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, sur l’article.
Mme Odette Herviaux. J’ai souhaité prendre la parole sur l’article 42, parce qu’il concerne les modes de production particulièrement respectueux de l’environnement et leur certification, même si mon propos se situe à mi-chemin entre les bonnes pratiques et la production d’énergie.
Je crois en effet que, au-delà des pratiques éco-responsables, il s’agit bien d’une certification liée à une gestion intégrée, à l’échelle tant des systèmes de production que de l’éco-énergie.
En agriculture, comme pour les entreprises ou pour les particuliers, en ce qui concerne l’énergie, les premières mesures à prendre avant tout investissement doivent être celles qui permettent le maximum d’économies d’énergie, notamment celles qui ont pour objectif de rechercher l’autonomie de l’exploitation agricole.
Mon intervention porte donc vraiment sur la production d’énergie, mais sur la production d’énergie à partir de la valorisation des produits agricoles.
Les exemples ne manquent pas : nouvelles conceptions de bâtiment d’élevage, baisse de consommation de carburant, nouveaux carburants, optimisation des pratiques, gestion du chauffage en serre, blocs de traite pour les exploitations laitières, etc.
Les diagnostics énergétiques prévus par ce texte vont dans ce sens et le plan de performance énergétique mis en place au début de 2009 a permis de soutenir les tout premiers diagnostics à partir d’outils connus.
Nous attendons la suite mais, là où tout se complique, c’est lorsqu’on aborde des démarches, qui paraissent pourtant encore plus efficaces au point de vue tant énergétique qu’environnemental, dans lesquelles un ou plusieurs agriculteurs peuvent décider de se lancer en vue de produire de l’énergie à partir de ressources renouvelables tout en recherchant à promouvoir de nouvelles voies de valorisation agricole.
C’est le cas de la méthanisation à partir uniquement des effluents d’élevage, des déchets verts et des graisses des industries agroalimentaires.
Alors que ces procédés existent et se développent – sous d’autres formes, il est vrai – chez nos voisins allemands depuis de nombreuses années, chez nous, la réalisation de ces unités par les rares courageux agriculteurs qui y croient relève du parcours du combattant : il faut compter trois ans en moyenne de papiers, de contact avec des administrations plus ou moins tatillonnes, de négociations avec les collectivités et avec EDF… Il y a de quoi démobiliser les plus entreprenants, surtout lorsqu’ils savent qu’en Allemagne la réalisation du dossier prend six ou sept mois !
Certains – peu nombreux – persistent pourtant et réussissent.
Ceux-là réussissent à récupérer et donc à valoriser tous leurs effluents, les graisses des entreprises qui abattent et travaillent leurs animaux, ainsi que les déchets verts de leurs concitoyens, réconciliant agriculture et environnement, et, surtout, replaçant l’agriculteur au cœur du développement de son territoire, au service de l’ensemble de la société.
De plus, le méthane est stockable, utilisable quand on en a besoin, soit en réseau de chaleur pour les bâtiments d’élevage et les maisons d’habitation, soit, surtout, pour la production d’électricité, ce qui le rend donc fiable aux heures de grande consommation.
Quant au digestat – c'est-à-dire ce qu’on appelait autrefois les déchets –, il devient un sous-produit organique qui, utilisé d’une manière rationnelle et efficace pour les cultures de l’exploitation, permet de mieux respecter l’environnement. Il peut aussi, et ce sera un véritable défi demain, être stocké, normalisé et transporté en tant que compost vers les zones où les sols se dégradent de plus en plus.
Il faut donc absolument mieux accompagner techniquement ce qui existe déjà, faire émerger de nouveaux projets, structurer localement une offre industrielle par un appui à la création d’entreprises spécialisées et l’émergence de partenariats performants.
Cette filière, tout autant que l’éolien et le photovoltaïque, mérite toute notre attention, mais son développement est conditionné par la création d’une rubrique installation classée spécifique à la méthanisation, par des conditions tarifaires plus favorables, notamment pour les petites installations qui produisent moins de 200 kilowatts électriques, non rentables à ce jour sans les aides publiques, par la création de filières organisées de valorisation des sous-produits organiques et, surtout, par la facilitation et la rapidité administrative dans la constitution des dossiers.
Avec l’aide de l’ADEME ou d’associations comme AILE, l’association d’initiatives locales pour l’énergie, qui intervient dans les départements de l’Ouest, cela devrait être possible, madame la secrétaire d'État.
C’est nécessaire pour l’agriculture de demain et pour l’émergence d’un nouveau modèle agricole.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l’article.
M. Jacques Muller. En préparant mes amendements sur l’article 42, j’ai examiné avec beaucoup d’attention l’exposé des motifs, qui fait apparaître que l’enjeu est de développer une agriculture « à la fois plus productive et plus respectueuse de l’environnement », prenant en compte le changement climatique et capable de répondre aux besoins d’une population en croissance.
Ces objectifs eux-mêmes me laissent perplexe.
Viser à une agriculture plus productive signifie très clairement chercher à augmenter les rendements, par hectare ou par animaux.
Or, en 2009, ce n’est plus une priorité sociétale. Le temps de la politique agricole commune née en 1962 est loin. Nous sommes en période d’excédents structurels, et non pas de déficits.
En témoignent les difficultés auxquelles est confrontée pour valoriser sa production la filière céréalière, qui se bat pour les restitutions et pour promouvoir les agro-carburants, comme les difficultés qui ont conduit à la crise laitière, à savoir la suppression des quotas et l’effondrement des marchés.
L’enjeu aujourd'hui n’est donc pas d’augmenter les rendements.
On peut aussi raisonner en termes de productivité par agriculteur, mais, je me pose la question, le Grenelle a-t-il pour objectif de contribuer à continuer de vider les campagnes et à diminuer le nombre d’exploitations agricoles ?
Nous ne sommes plus en 1972, lorsque le plan Mansholt avait pour objectif de restructurer l’agriculture afin d’accroître le rendement par individu…
Réduire l’activité agricole à la production de matières premières, que ce soit pour l’alimentation ou pour du carburant, est réducteur.
Les objectifs affichés négligent les fonctions nouvelles ou nouvellement reconnues de l’agriculture qui ont été mises en évidence par Bertrand Hervieu, à savoir l’aménagement durable du territoire et l’entretien des paysages. Un ancien ministre de l’agriculture, je veux citer ici Edgard Pisani, parlait d’une « agriculture ménagère ».
Tout cela a disparu, et je le regrette profondément.
Quant à « une agriculture plus respectueuse de l’environnement », c’est, bien sûr, une nécessité, mais la question se pose en termes non pas de pratiques mais de systèmes de production agricole.
Ces derniers ont évolué vers la spécialisation et l’artificialisation.
L’enjeu aujourd'hui est, vraisemblablement, de revenir à l’agronomie et à la polyculture, à la polyculture élevage, en tout cas d’avoir une approche plus agro-écologique et nous évoquerons tout à l’heure l’agriculture intégrée.
Dans son témoignage, l’ancien président de l’INRA, Guy Paillotin, rappelait devant la commission de l’économie que nous étions devant l’effondrement du mur des pesticides. Cela signifie bien qu’il nous faut changer de système.
En ce qui concerne l’enjeu climatique, je regrette pour ma part que n’ait pas été abordée dans la réflexion la question de l’autonomie énergétique des exploitations agricoles.
La prise en compte de l’enjeu climatique semble se résumer au développement des agro-carburants.
À cet égard, la pression de la profession est sensible : on a tout fait, y compris faire voter les absents, pour bannir ce mot de la loi et lui substituer le mot, politiquement présentable, de « biocarburants », ce qu’ils ne sont en rien.
J’aurais préféré qu’il soit question d’autonomie énergétique des exploitations agricoles, car c’est un enjeu stratégique. Si l’agriculture doit produire de la nourriture, alors qu’elle repose aujourd'hui sur l’emploi massif d’énergies fossiles, développer une agriculture plus économe en énergies fossiles est essentiel.
S’agissant enfin de la réponse « aux besoins croissants de la population », je rappelle qu’en France comme à l’échelle européenne nous sommes en surproduction. La question centrale est celle de la souveraineté alimentaire.
M. Bruno Sido, rapporteur. Quel rapport avec l’article 42 ?...
M. Jacques Muller. Je suis au regret de devoir rappeler ici les conclusions auxquelles nous étions arrivés le 9 avril dernier avec Edgard Pisani, qui nous faisait remarquer que l’autonomie, la souveraineté alimentaire devrait se traduire par un plan protéine en France et par le développement des herbages plutôt que par la fuite en avant vers une agriculture plus productive qui serait respectueuse de l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le recours à la méthanisation, dans le domaine agricole, n’était en effet possible jusqu’à présent qu’à l’issue d’un véritable parcours du combattant.
Pour remédier à cette situation, nous avons, premièrement, simplifié les procédures administratives en créant une rubrique spécifique méthanisation.
Deuxièmement, nous avons demandé à l’ADEME d’intervenir, dans le cadre du fameux fonds chaleur, pour soutenir financièrement les investissements pour la partie chaleur.
Troisièmement, pour le volet électricité, nous avons mis en place un groupe de travail qui rendra ses conclusions sur le tarif de rachat à la fin de l’année.
Nous soutenons donc pleinement la méthanisation et pensons que ces trois leviers permettront de faciliter la vie des agriculteurs. Trois ans ne seront plus nécessaires, comme pour les membres du GAEC que j’ai rencontrés vendredi dernier...
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 617, présenté par MM. Muller et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 611-6 du code rural est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-6. - Les exploitations agricoles engagées dans une démarche de mise en œuvre de modes de production plus respectueux de l'environnement peuvent faire l'objet d'une notation environnementale fondée sur les indicateurs de développement durable des exploitations agricoles qui servira de support à la répartition des crédits issus du premier pilier de la politique agricole commune. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Nous avons aujourd’hui pour mission de faire évoluer en profondeur, ad minima les pratiques agricoles, si ce n’est les systèmes de production agricole. Nous devons donc être capables d’évaluer ces pratiques, de proposer une démarche progressive et de mettre en place un levier efficace.
Or je doute que la certification soit un levier efficace, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, les consommateurs reçoivent actuellement un message globalement brouillé, du fait de la multiplication des marques, des labels, des appellations et des mentions « bio ». L’ajout de la mention HVE posera problème dans ce contexte, si j’en crois les conclusions du colloque qui s’est tenu au Sénat le 3 septembre dernier et au cours duquel les associations de consommateurs se sont unanimement prononcées contre cette dénomination supplémentaire.
Ensuite, la certification fait reposer sur les producteurs le coût de la validation de leurs pratiques. Ce coût étant une charge fixe, celle-ci pèsera davantage sur les petits producteurs.
Enfin, la certification risque de s’avérer inefficace. L’enquête réalisée à la demande du COMOP révèle ainsi que « beaucoup d’agriculteurs estiment qu’ils ne s’engageront dans la démarche que s’ils y trouvent un avantage économique ».
M. Bruno Sido, rapporteur. Bien sûr !
M. Jacques Muller. Ils ont raison car, à défaut, le dispositif ne fonctionnera pas.
La certification que vous proposez sera-t-elle payée par le consommateur ? En ces temps de crise, combien de consommateurs auront-ils les moyens financiers de valoriser cette certification ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Oh là là !
M. Jacques Muller. L’efficacité de ce levier risque d’être bien marginale...
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jacques Muller. La certification pourrait aussi être financée par le contribuable. Or il participe déjà au financement de l’agriculture via les crédits de la politique agricole commune, qui relèvent du premier pilier, à hauteur de 9 milliards d’euros par an. Dès lors qu’il s’agit d’un enjeu sociétal, pourquoi ne pas utiliser cet argent pour faire bouger l’agriculture ?
M. Barnier, lorsqu’il était ministre de l’agriculture, avait tenté une approche en ce sens, avant de revenir en arrière sous la pression des céréaliers, qui ont obtenu des compensations dans le cadre du budget national.
Ce n’est pas en nous appuyant sur une certification aux bases aussi fragiles que nous opérerons le changement profond et durable de l’agriculture que nous attendons. (M. André Dulait s’impatiente.)
Madame la secrétaire d’État, le ministère dispose, avec les indicateurs de durabilité, d’outils permettant d’évaluer la performance environnementale des exploitations agricoles. (Marques d’impatience au banc de la commission.) Nous devons nous en servir pour répartir l’argent public et obtenir un effet de levier efficace qui fasse bouger l’agriculture.
Mme la présidente. L’amendement n° 618 rectifié bis, présenté par MM. Muller et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Remplacer la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 611-6 du code rural par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les exploitations agricoles engagées dans une démarche de mise en œuvre des modes de production plus respectueux de l'environnement peuvent faire l'objet de certification fondée sur des niveaux qualitatifs d'exigence croissant, dont les modalités sont fixées par décret.
« Cette certification comporte trois niveaux d'exigences environnementales, dont le plus élevé repose sur des indicateurs de résultats et ouvre seul droit à la mention « exploitation de haute valeur environnementale ». Les deux autres niveaux de certification n'ouvrent droit à aucune mention « environnementale ».
« Les modalités de certification des exploitations ainsi que, le cas échéant, le niveau correspondant à une haute valeur environnementale, les modalités de contrôle applicables, les conditions d'agrément des organismes chargés de la mise en œuvre, les mentions correspondantes et leurs conditions d'utilisation, sont également précisées par décret.
La parole est à M. Jacques Muller. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir respecter le temps de parole de trois minutes qui vous est imparti.
M. André Dulait. Cela ne ferait pas de mal !
M. Jacques Muller. Je serai bref, madame la présidente, car le problème est plus simple.
Cet amendement vise trois objectifs : inscrire dans la loi le principe de progressivité, qui n’y figurait pas jusqu’à présent ; rappeler notre attachement aux indicateurs de résultats, avec la certification HVE ; éviter les usages abusifs de la dénomination HVE à des niveaux d’exigence environnementale inférieurs.