Article 1er
(Texte de l'Assemblée nationale)
Après l'article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, il est inséré un article L. 331-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-21-1. - Les membres de la commission de protection des droits, ainsi que ses agents habilités et assermentés devant l'autorité judiciaire mentionnés à l'article L. 331-21, peuvent constater les faits susceptibles de constituer des infractions prévues au présent titre lorsqu'elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l'accès à un service de communication au public en ligne mentionnée aux articles L. 335-7 et L. 335-7-1.
« Ils peuvent en outre recueillir les observations des personnes concernées. Il est fait mention de ce droit dans la lettre de convocation.
« Lorsque les personnes concernées demandent à être entendues, ils les convoquent et les entendent. Toute personne entendue a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix.
« Une copie du procès-verbal d'audition est remise à la personne concernée. »
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Article 1er ter
(Texte de l'Assemblée nationale)
Le code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa de l'article L. 331-26 est complétée par les mots : « et l'avertissant des sanctions encourues en application des articles L. 335-7 et L. 335-7-1 » ;
1° bis À la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 331-26, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit » ;
1° ter À la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 331-26, les mots : « d'envoi » sont remplacés par les mots : « de présentation » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 331-35 est complétée par les mots : « et en application de l'article L. 335-7-1 ».
Article 1er quater
(Texte de l'Assemblée nationale)
L'article L. 331-36 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne est tenue d'informer la commission de protection des droits de la date à laquelle elle a débuté la suspension ; la commission procède à l'effacement des données à caractère personnel relatives à l'abonné dès le terme de la période de suspension. »
Article 1er quinquies
(Texte de l'Assemblée nationale)
Au deuxième alinéa de l'article L. 331-37 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée, les mots : « et de tous les actes de procédure afférents » sont remplacés par les mots : « , de tous les actes de procédure afférents et des modalités de l'information des organismes de défense professionnelle et des sociétés de perception et de répartition des droits des éventuelles saisines de l'autorité judiciaire ainsi que des notifications prévues au cinquième alinéa de l'article L. 335-7 ».
Article 2
(Texte de l'Assemblée nationale)
I. - Après le onzième alinéa (9°) de l'article 398-1 du code de procédure pénale, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu'ils sont commis au moyen d'un service de communication au public en ligne. »
II. - Après l'article 495-6 du même code, il est inséré un article 495-6-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-6-1. - Les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu'ils sont commis au moyen d'un service de communication au public en ligne, peuvent également faire l'objet de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale prévue par la présente section.
« Dans ce cas, la victime peut demander au président de statuer, par la même ordonnance se prononçant sur l'action publique, sur sa constitution de partie civile. L'ordonnance est alors notifiée à la partie civile et peut faire l'objet d'une opposition selon les modalités prévues par l'article 495-3. »
Article 3
(Texte de l'Assemblée nationale)
Après l'article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle, il est rétabli un article L. 335-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 335-7. - Lorsque l'infraction est commise au moyen d'un service de communication au public en ligne, les personnes coupables des infractions prévues aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 peuvent en outre être condamnées à la peine complémentaire de suspension de l'accès à un service de communication au public en ligne pour une durée maximale d'un an, assortie de l'interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur.
« Lorsque ce service est acheté selon des offres commerciales composites incluant d'autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s'appliquent pas à ces services.
« La suspension de l'accès n'affecte pas, par elle-même, le versement du prix de l'abonnement au fournisseur du service. L'article L. 121-84 du code de la consommation n'est pas applicable au cours de la période de suspension.
« Les frais d'une éventuelle résiliation de l'abonnement au cours de la période de suspension sont supportés par l'abonné.
« Lorsque la décision est exécutoire, la peine complémentaire prévue au présent article est portée à la connaissance de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, qui la notifie à la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne afin qu'elle mette en œuvre, dans un délai de quinze jours au plus à compter de la notification, la suspension à l'égard de l'abonné concerné.
« Le fait, pour la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, de ne pas mettre en œuvre la peine de suspension qui lui a été notifiée est puni d'une amende maximale de 5 000 €.
« Le 3° de l'article 777 du code de procédure pénale n'est pas applicable à la peine complémentaire prévue par le présent article. »
Article 3 bis
(Texte de l'Assemblée nationale)
Après l'article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 335-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 335-7-1. - Pour les contraventions de la cinquième classe prévues par le présent code, lorsque le règlement le prévoit, la peine complémentaire définie à l'article L. 335-7 peut être prononcée selon les mêmes modalités, en cas de négligence caractérisée, à l'encontre du titulaire de l'accès à un service de communication au public en ligne auquel la commission de protection des droits, en application de l'article L. 331-25, a préalablement adressé, par voie d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date de présentation, une recommandation l'invitant à mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès à Internet.
« La négligence caractérisée s'apprécie sur la base des faits commis au plus tard un an après la présentation de la recommandation mentionnée à l'alinéa précédent.
« Dans ce cas, la durée maximale de la suspension est d'un mois.
« Le fait pour la personne condamnée à la peine complémentaire prévue par le présent article de ne pas respecter l'interdiction de souscrire un autre contrat d'abonnement à un service de communication au public en ligne pendant la durée de la suspension est puni d'une amende d'un montant maximal de 3 750 €. »
Article 3 ter A
(Texte de l'Assemblée nationale)
Après l'article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 335-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 335-7-2. - Pour prononcer la peine de suspension prévue aux articles L. 335-7 et L. 335-7-1 et en déterminer la durée, la juridiction prend en compte les circonstances et la gravité de l'infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment l'activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique. La durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de la propriété intellectuelle et le respect du droit de s'exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile. »
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Article 4
(Texte de l'Assemblée nationale)
Le premier alinéa de l'article 434-41 du code pénal est complété par les mots : «, d'interdiction de souscrire un nouveau contrat d'abonnement à un service de communication au public en ligne résultant de la peine complémentaire prévue en matière délictuelle par l'article L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle ».
Article 4 bis
(Texte de l'Assemblée nationale)
I. - Le code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée est ainsi modifié :
A. - À l'article L. 331-17, la référence : « L. 331-26 » est remplacée par la référence : « L. 331-25 » ;
B. - Aux articles L. 331-5, L. 331-6, L. 331-7, L. 331-41, L. 331-44 et L. 342-3-1, la référence : « L. 331-39 » est remplacée par la référence : « L. 331-31 » ;
C. - Aux articles L. 331-5 et L. 331-44, la référence : « L. 331-40 » est remplacée par la référence : « L. 331-32 » ;
D. - Aux articles L. 331-6, L. 331-39 et L. 342-3-1, les références : « L. 331-41 à L. 331-43 et L. 331-45 » sont remplacées par les références : « L. 331-33 à L. 331-35 et L. 331-37 » ;
E. - Les articles L. 331-26, L. 331-32, L. 331-35, L. 331-36, L. 331-37, L. 331-38, L. 331-39, L. 331-40, L. 331-41, L. 331-42, L. 331-43, L. 331-44 et L. 331-45 deviennent respectivement les articles L. 331-25, L. 331-26, L. 331-27, L. 331-28, L. 331-29, L. 331-30, L. 331-31, L. 331-32, L. 331-33, L. 331-34, L. 331-35, L. 331-36 et L. 331-37.
II. - Au II de l'article 19 de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée, la référence : « L. 331-45 » est remplacée par la référence : « L. 331-37 ».
III. - Au second alinéa du 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, la référence : « L. 331-32 » est remplacée par la référence : « L. 331-26 ».
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M. le président. Sur les articles 1er à 4 bis, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le président de la commission de la culture, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’espère que nous écrivons aujourd'hui la dernière page d’une discussion qui nous a mobilisés à plusieurs reprises depuis presque un an. Le Sénat a su se rassembler pour marquer, sur toutes les travées, sa volonté d’assurer la protection de la propriété littéraire et artistique.
Nous pensions, d’une part, que ce grand principe né au siècle des Lumières, datant donc maintenant de deux siècles, et reconnu à l’époque comme un grand progrès, n’avait rien perdu de sa valeur de fond. C’est pourquoi il nous paraissait, aux uns et aux autres, nécessaire de légiférer, même si nous savions combien il est techniquement difficile de trouver un équilibre et de combattre une fraude de délinquance – appelons-la par son nom – astucieuse.
M. David Assouline. C’est bon !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Toutefois, mes chers collègues, même si une délinquance est astucieuse, notre rôle est-il de renoncer à la combattre ? Au contraire !
Nous pensions, d’autre part, qu’il ne fallait pas seulement s’opposer à la manifestation d’un désir de culture qui ne tient pas compte des droits des créateurs. Vient un moment où, compte tenu des techniques, l’offre doit être accessible au plus grand nombre.
Je prendrai un exemple très simple. À l’époque où j’étais étudiant, monsieur le ministre,...
M. Jean-Pierre Plancade. C’était hier ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Effectivement ! (Nouveaux sourires.)
À cette époque, nous avions, les uns et les autres, le goût de la lecture et soif de livres ; mais ces derniers, chers, n’étaient guère accessibles ! C’est l’invention et le développement des livres de poche qui a permis de répondre à cette soif parfaitement justifiée. (M. Jean-Pierre Plancade opine.) Souhaitons aujourd’hui que nous soyons tous capables de trouver l’équivalent pour internet.
Monsieur le ministre, vous nous demandez de voter ce texte complémentaire à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite HADOPI I, lequel nous contraint à recourir au judiciaire. Certes, c’est ce que nous voulions éviter, mais cela n’est pas de notre fait et, selon nous, il est vraiment nécessaire de trouver une solution pour que les jeunes qui ont peu de moyens puissent, par le biais d’internet, accéder aux formes contemporaines de la culture. Nous sommes donc très satisfaits de votre volonté de mettre en place une commission. Nous lui souhaitons de faire un bon travail. Pour notre part, nous serons très mobilisés pour participer à cette réflexion.
Aujourd'hui, mes chers collègues, il nous faut compléter le dispositif HADOPI. Et, s’il faut nous revoir pour trouver des solutions concrètes, je ne doute pas que le Sénat tout entier sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Candidatures à des commissions
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de l’économie, de l’aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement d’André Lejeune, décédé.
J'informe également le Sénat que le groupe de l'Union centriste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en remplacement de M. Michel Mercier, dont le mandat de sénateur a cessé.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la rentrée parlementaire augure mal des conditions dans lesquelles notre assemblée va être amenée à travailler.
Le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie aura bénéficié de la création d’une commission spéciale, ce qui est une bonne chose. Cette dernière aura travaillé à la toute fin de la session extraordinaire de juillet dernier, reprenant ses auditions avant la fin du mois d’août, ou plutôt, devrais-je dire, reprenant les auditions menées par son rapporteur, lequel a bien voulu les ouvrir à tous. Il n’en demeure pas moins que, malgré les efforts du rapporteur et des administrateurs du Sénat pour nous faciliter le travail, il n’est plus acceptable, dans un contexte de réforme constitutionnelle censée renforcer le rôle du Parlement et de l’opposition, de travailler dans une telle précipitation.
Cette précipitation s’est accrue du fait du recours du Gouvernement à la procédure accélérée, laquelle a succédé à la procédure d’urgence, dont les effets sont identiques : elle accélère le rythme des débats et prive les parlementaires des quelques avancées obtenues à l’occasion de la réforme constitutionnelle. Texte après texte, leurs nouveaux droits deviennent virtuels.
Il faut y ajouter le court délai – deux jours à peine – entre le moment où le texte issu des travaux de la commission spéciale a été mis en ligne et la date limite pour le dépôt des amendements, alors même que le projet de loi a été, sous l’impulsion de M. le rapporteur, profondément réécrit.
M. Guy Fischer. Il ne faut pas travailler comme cela !
Mme Annie David. Je ne m’attarderai pas sur le déroulement même des travaux de la commission, lesquels ont été suspendus jeudi dernier en fin de matinée durant près de cinq heures, pour permettre à certains de ses membres de participer à un événement élyséen, nous contraignant à reprendre à vingt et une heures, pour suspendre à une heure du matin et nous retrouver le lendemain pendant l’heure du déjeuner.
Par ailleurs, la commission se réunit en ce moment même pour examiner les amendements. Elle poursuivra son travail ce soir et sans doute demain matin.
M. Guy Fischer. C’est inadmissible !
Mme Annie David. Qui plus est, il nous est demandé, en commission, d’aller au plus vite.
Ces conditions de travail ne sont plus acceptables : elles ne permettent pas un travail serein et de qualité. Mme la présidente de la commission spéciale nous a dit ne pas être responsable d’une telle situation, n’étant pas maître de l’emploi du temps. Mais alors, qui l’est ? Qui décide de faire travailler les parlementaires sous pression et dans la précipitation ?
En réalité, cette précipitation fait écho à celle qui a été imposée par le Gouvernement aux partenaires sociaux pour conclure l’accord national interprofessionnel du 7 janvier dernier. C’est à croire que pression, désorganisation et urgence sont devenues les nouvelles méthodes de travail d’un gouvernement qui cherche, plus que jamais, à imposer à tous, y compris à ses propres parlementaires, ses contre-réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
6
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission spéciale)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (projet n° 578, texte de la commission n° 619, rapport n° 618).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux que s’ouvre aujourd’hui la dernière étape du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Ainsi que Mme David vient de le rappeler, ce texte a été examiné par la commission spéciale la semaine dernière. La discussion a été riche, active et nourrie, comme en témoigne la longueur de nos débats, qui ont largement dépassé le temps qui leur avait été imparti. Au final, les améliorations ont été nombreuses, et elles trouvent souvent leur source dans les propositions de M. le rapporteur.
Avant d’aborder le fond du texte, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail de la commission. Elle a certes œuvré dans des délais contraints, mais la qualité des débats et des amendements qui ont été déposés montre que le Sénat entend prendre toute sa place dans ce projet.
Je sais en effet que cette question intéresse les sénateurs depuis longtemps, tout particulièrement le rapporteur Jean-Claude Carle, le rapport de la mission commune d’information qu’il a présidée se trouvant à l’origine de cette réforme du financement et des dispositifs de la formation professionnelle. M. le rapporteur est à juste titre considéré comme une référence parmi les spécialistes de la formation, un compliment d’autant plus estimable que ce domaine comprend d’innombrables dédales et recoins…
Pourtant, les sommes en jeu sont considérables : les fonds attribués à la formation professionnelle représentent aujourd’hui 27 milliards d’euros, 12 milliards d’euros étant financés par les entreprises, près de 10 milliards d’euros par l’État – si l’on inclut la formation de ses propres agents – et 4 milliards d’euros par les régions.
Disons les choses clairement : étant donné l’importance des sommes et des intérêts, voire même des lobbies, impliqués, tout le monde pensait qu’une réforme de la formation professionnelle était difficile, voire impossible.
Notre pari fut au contraire de miser sur le dialogue avec les partenaires sociaux, mais aussi d’assumer notre tâche et nos responsabilités pour, enfin, donner un coup de jeune à un système de formation professionnelle qui, en dépit de ses qualités, est à bout de souffle – il faut avoir le courage de le reconnaître. En effet, ce système n’est plus juste, plus efficace, plus transparent. Il est donc urgent de le dépoussiérer en profondeur, et je vous signale d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que les projets de loi qui vous sont soumis portent rarement sur de telles sommes d’argent et sur des enjeux aussi importants en termes d’emplois.
L’objectif est de réformer un système de formation professionnelle fondé sur une conception du travail obsolète, héritage de l’après-guerre. Selon cette conception, un salarié entre dans une entreprise à l’issue de sa formation initiale et y accomplit toute sa carrière ou, au mieux, évolue au sein de la même branche. Cela débouche sur un système de formation professionnelle très largement cloisonné, dans lequel les sommes consacrées à la formation ne sont pas concentrés sur les dispositifs qui permettraient à des salariés de rebondir ou d’organiser différentes mobilités professionnelles.
Or, dans la crise actuelle, on voit qu’une formation professionnelle bien utilisée peut constituer une arme décisive. À l’inverse, une formation professionnelle passive, exclusivement défensive, qui se contente de conserver le salarié au sein d’une même branche professionnelle, sans lui offrir de véritables mobilités ou un réel déroulé de carrière, est totalement inefficace.
Les insuffisances de notre système de formation professionnelle apparaissent cruellement dans cette période de crise, et nous devons donc impérativement remédier à tous ses dysfonctionnements.
En premier lieu, pour être parfaitement clair, non seulement ce système se révèle incapable de corriger les inégalités entre salariés, mais il tend au contraire à les renforcer. C’est quand même un comble pour un système censé soutenir l’équité et le juste fonctionnement de notre marché du travail !
Ainsi, si vous êtes ouvrier, vous avez une chance sur sept d’accéder à un dispositif de formation professionnelle, contre une sur deux si vous êtes cadre. Autrement dit, la formation professionnelle finance davantage ceux qui ont déjà beaucoup d’atouts en termes de formation et moins ceux qui aurait plus besoin de formation pour dérouler une carrière.
De même, si vous travaillez dans une entreprise de taille importante, vous avez a priori plus facilement accès à des dispositifs de formation que si vous travaillez dans une petite PME, où vos chances d’y accéder sont quasi nulles. Les chiffres sont éloquents : si vous travaillez dans une entreprise de moins de dix salariés, vous avez cinq fois moins de chances d’accéder à la formation que si vous êtes dans un grand groupe.
Enfin, dernier exemple flagrant de l’inégalité de notre système actuel de formation professionnelle : si vous êtes un senior et que vous passez le cap des cinquante ans, vous avez deux fois moins de chances d’accéder à la formation professionnelle que si vous êtes un salarié âgé de trente à cinquante ans.
Autrement dit, plus vous avez besoin d’une formation professionnelle, moins vous y avez accès ; plus vous êtes employé dans un secteur où vous risquez de connaître des difficultés, moins vous avez de chances d’accéder à une formation.
Or, plus que jamais, surtout dans la période de crise que nous traversons, l’ascenseur social a besoin de formation professionnelle. Au contraire, cette dernière creuse aujourd’hui les inégalités entre les salariés bien formés et ceux qui le sont moins.
En deuxième lieu, ce système ne fait preuve d’aucune transparence, d’aucune lisibilité, et n’est que trop peu soumis à évaluation. C’est aujourd’hui l’une des lacunes majeures de notre système de formation professionnelle, qu’il faut avoir le courage de dénoncer.
En réalité, comme trop souvent dans le champ de l’emploi, on a laissé se développer progressivement des politiques sans prendre le soin de les évaluer. C’est déjà, en soi, un manquement terrible lorsqu’on gère des sommes aussi considérables. Mais il faut ajouter à cela des maux qui sont bien plus inquiétants et endémiques. Les trop faibles contrôles ont en effet fourni un terreau favorable aux dérives, notamment sectaires. Un certain nombre de formations dites de coaching ou de contrôle mental se sont ainsi développées, ouvrant la porte à tous les abus. Il faut aussi reconnaître que certaines règles d’éthique simples n’ont pas été suffisamment appliquées en matière de formation professionnelle, notamment celle qui consiste à dissocier la personne qui paye de celle qui encaisse. Ces règles minimales permettent de garantir que le système est juste et d’éviter une trop grande évaporation entre l’argent collecté et l’argent dont les salariés peuvent bénéficier sur le terrain.
Je donnerai une dernière illustration du manque de contrôle : nous avons aujourd’hui entre 20 000 et 30 000 organismes de formation déclarés qui sont fictifs. Il est temps de braquer nos projecteurs sur ces angles morts de la formation professionnelle, et de faire en sorte que le système soit, de nouveau, plus transparent.
Enfin, en troisième et dernier lieu, nous avons aujourd’hui un système qui est incapable d’accompagner les transitions entre les différents métiers et les différentes branches. Certains dispositifs testés durant la crise nous ont pourtant montré qu’il n’y avait pas de fatalité en la matière. Je pense notamment aux contrats de transition professionnelle, pour lesquels nous mobilisons l’argent de la formation afin que les salariés qui sont dans des secteurs en crise, tels que la vente à distance – un sujet que connaissent bien Mmes et MM. les sénateurs du Nord-Pas-de-Calais –, se reconvertissent dans le domaine des centres d’appel.
Pour cela, le président Jacques Legendre le sait bien, nous avons besoin d’un outil de formation professionnelle qui permette à ces salariés de rebondir, plutôt que les laisser s’enfermer dans des impasses.
À partir de ce diagnostic qui, je crois, est partagé par tous les acteurs de la formation professionnelle, les priorités de la réforme ont clairement émergé. Nous avons ciblé des objectifs précis, de façon à effectuer des frappes chirurgicales sur ce que nous avons considéré comme étant les points névralgiques du système, afin de le faire bouger.
La réforme qui vous est proposée vise en réalité trois objectifs principaux, qui sont simples, lisibles, et parfaitement compréhensibles par tout le monde sur le terrain.
Le premier, c’est la justice et l’équité. L’argent de la formation professionnelle doit aller à ceux qui sont le plus fragilisés et à ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les demandeurs d’emploi, les salariés faiblement qualifiés, les employés des PME et des branches qui ne disposent pas de moyens suffisants pour développer les dispositifs de formation, tels que les services à la personne et les emplois verts, dans lesquels nous devons investir massivement pour accompagner les emplois de demain.
En effet, il est inacceptable que, faut d’argent pour la formation, ces secteurs ne se développent pas, et que des métiers, surtout dans cette période de crise, ne trouvent pas preneurs. Le but est donc d’opérer une vraie révolution culturelle, en réorientant 13 % des fonds de la formation professionnelle au profit des secteurs qui en ont réellement besoin.
Le deuxième objectif est l’emploi, seule priorité qui vaille en termes de formation professionnelle. Celle-ci doit permettre à un salarié en activité de conserver son emploi et de progresser dans sa carrière, et à celui qui a perdu son emploi d’en retrouver un le plus vite possible. En dépit des objectifs initiaux et des lois fondatrices de la formation professionnelle, cette culture de l’emploi s’est quelque peu perdue. Le but de ce projet de loi est justement de remettre cet objectif au centre de la formation. Nous devons nous assurer que l’on ne continue pas « d’enfiler des perles », en dispensant des formations fictives ou qui sont surtout de la poudre aux yeux, et qui ne facilitent en rien l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi.
Tout d’abord, pour ceux qui ont déjà un emploi, le but est de faire en sorte que les droits individuels à la formation, les DIF, qu’ils avaient acquis ne soient pas perdus. Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à cœur, monsieur le rapporteur. Jusqu’à présent, le système était absurde : en effet, c’était au moment où le salarié avait le plus besoin de mobiliser ses droits à formation, c'est-à-dire lors d’une perte d’emploi ou d’une période de transition entre deux emplois, qu’on lui répondait qu’il était trop tard pour les utiliser. Grâce à l’engagement des partenaires sociaux, que je tiens à souligner, nous faisons un véritable pas vers une sécurité sociale professionnelle à l’échelle de notre pays, afin d’accompagner les transitions entre plusieurs métiers.
Ensuite, cette réforme devrait permettre d’effectuer son congé individuel de formation – CIF – en dehors de son temps de travail et, ainsi, de réhabiliter les fameux cours du soir qui, aujourd’hui, ne peuvent pas faire l’objet d’un véritable financement par le biais de la formation professionnelle. Je suis particulièrement attaché à ce point, car ces cours constituent souvent un moteur d’ascension sociale précieux pour les salariés, en leur offrant une chance de progresser dans la carrière en dépit d’une formation initiale insuffisante.
Le dernier exemple de cette culture de l’emploi est le bilan d’étape professionnel. Jusqu’à maintenant, un salarié pouvait passer quasiment toute sa carrière sans que jamais on ne prenne le temps de lui demander où il en est en termes de formation, de qualifications et de compétences acquises. La mise en place d’un tel bilan d’étape, tous les cinq ans, va permettre, à travers la loi, de faire le point et d’orienter le salarié vers les formations les plus importantes.
Il nous reste à parler de ceux qui recherchent un emploi. En tant qu’élus locaux, nous savons mieux que quiconque, pour rencontrer dans nos permanences et sur le terrain des personnes en recherche d’emploi, que celles-ci peuvent avoir un vrai projet professionnel et se heurter, pour autant, à un système qui s’avère incapable de financer une reconversion. Combien de fois a-t-on reçu des demandeurs d’emploi qui souhaitaient passer un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité – CACES –, avec à la clef la certitude d’être embauchés dans une entreprise de transports, ou qui désiraient commencer une formation en vue de devenir aide-soignante – domaine dans lequel les communes ont des besoins importants de recrutement –, sans pouvoir obtenir un financement de la formation sur la durée adéquate ?
Notre but est bien de réorienter l’argent pour que les demandeurs d’emploi ne se heurtent pas à des portes closes lorsqu’il existe un vrai projet de reconversion professionnelle.
Plus encore, nous souhaitons mettre en place une préparation opérationnelle à l’emploi permettant à des salariés qui ont perdu un emploi de préparer leur parcours de réorientation. Là encore, le droit individuel à la formation pourra être mobilisé.
La troisième priorité, que j’ai déjà évoquée précédemment, consiste à braquer les projecteurs sur les angles noirs de la formation professionnelle, afin de rendre cette dernière plus transparente, plus lisible, et de mesurer la réalité de son impact.
Il convient tout d’abord de faire un peu de nettoyage dans un système de formation professionnelle où les organismes ont proliféré. On compte aujourd’hui une centaine d’OPCA, ces fameux organismes collecteurs agréés, dont la moitié sont des organismes de branches ou interbranches. Le but est de revenir à quinze OPCA, et ce pour deux raisons simples.
En premier lieu, l’excessif émiettement des OPCA engendre des coûts de fonctionnement trop élevés et, surtout, empêche ces derniers d’avoir une force de frappe suffisante pour déployer une offre de proximité dans chaque territoire et dans chaque bassin d’emploi. Un OPCA qui collecte trop peu d’argent n’a pas les moyens de développer une offre de proximité.
En second lieu, les OPCA sont trop morcelés, enfermés dans des logiques de branches ou de métiers trop étroites. Développer des OPCA de plus grande taille nous permettra d’orchestrer des bascules et des transitions entre métiers.
Prenons un exemple précis : il existe aujourd’hui un OPCA centré sur le crédit agricole, un OPCA concernant les métiers de la banque et un autre relatif à l’assurance. Bon courage pour arriver à faciliter des transitions et faire en sorte qu’il soit possible de suivre une formation afin de passer du secteur de l’assurance à la banque, voire à l’intérieur de la banque au crédit agricole, ce qui n’apparaît pas totalement injustifié ou illégitime !
Notre but est donc que les OPCA aient une taille suffisante et, surtout, qu’ils soient adaptés à la nouvelle réalité du travail, où l’on change de métier plusieurs fois au long d’une carrière.
Par ailleurs, jusqu’à aujourd’hui, un OPCA était au mieux contrôlé tous les trente ans. C’est une perspective certes inquiétante, mais cela laisse tout de même une certaine marge entre deux contrôles.
Notre objectif, je ne m’en cache pas, est de revenir à une situation raisonnable, dans laquelle les OPCA devront désormais rendre des comptes tous les trois ans : ils seront soumis, comme tout le monde, aux délais de paiement et aux règles de la concurrence. C’est une hygiène minimale que l’on peut exiger, me semble-t-il, s’agissant du secteur de la formation professionnelle.
De même, pour que l’ensemble de la profession ne souffre pas du manque de professionnalisme, voire de la malhonnêteté de quelques-uns, minoritaires, l’offre de formation sera mieux contrôlée.
Comme vous le savez peut-être, notamment à travers les rapports de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, ou par les médias, la formation professionnelle a vu se développer à l’excès les sectes, qui ont proliféré sur l’argent de la formation.