M. Daniel Raoul. Hélas !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. À l’époque, bien que nous ayons souhaité étendre cette ouverture à l’équipement de la maison et au bricolage, seuls les magasins d’ameublement avaient été retenus, parce que leur fédération avait une convention collective suffisamment protectrice pour les salariés, ce qui n’était pas le cas des deux autres activités.
Vous avez dit tout à l’heure qu’un salarié n’avait pas été payé double, et je voudrais à cet égard apporter une précision très importante. Après l’adoption de cet amendement, les syndicats s’étaient inquiétés à juste titre en disant que, si le paiement double figurait dans la convention collective de l’ameublement pour cinq dimanches exceptionnels, le risque existait que ce paiement disparaisse pour les autres dimanches.
Le texte visé a été promulgué au mois de janvier 2008. Dès le 6 mai 2008, la fédération du meuble a proposé le paiement double pour tous les dimanches, mais les syndicats n’ont pas signé. Qu’il n’y ait pas de méprise : ils n’étaient pas opposés à cette mesure ; ils attendaient seulement la proposition de loi que nous sommes en train de discuter.
Je ne peux pas laisser dire que, lorsque l’on donne plus de liberté aux uns et aux autres en faisant appel à leur sens des responsabilités, ils ne savent pas en user à bon escient.
Mme Raymonde Le Texier. Cela ne change rien à l’arrêt de la Cour de cassation…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je ne fais aucune polémique, je vous donne juste une information sur la situation. Aujourd’hui, dans le secteur de l’ameublement, tous les salariés sont payés double le dimanche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le président, je répondrai aux différents intervenants le plus brièvement possible, en m’efforçant d’apporter des éclaircissements sur un certain nombre de sujets.
Plusieurs orateurs, dont Mme le rapporteur elle-même, ont émis l’hypothèse que l’examen d’une proposition de loi ne permettait pas, comme celui d’un projet de loi, d’engager un débat préalable avec les partenaires sociaux.
Je rappellerai d’abord qu’en effet cette proposition de loi a été déposée par un député et que le Gouvernement ne s’est pas opposé à sa discussion.
Je signalerai ensuite aux orateurs de l’opposition que le Conseil économique, social et environnemental a été consulté à deux reprises sur ce sujet, et que la proposition concernant les communes touristiques, qui est à peu près conforme au texte qui est examiné aujourd’hui, n’a suscité aucun rejet de la part des syndicats. L’adage « Qui ne dit mot consent » pourrait s’appliquer ici. Je ne veux pas parler à la place des partenaires sociaux ; je dis simplement qu’ils n’ont émis aucun vote contre ce texte.
Je voudrais répondre à Nicolas About, qui a soulevé deux points importants.
D’abord, le texte n’ouvre pas une brèche, mais tend au contraire à organiser la manière dont il est possible de déroger au principe du repos dominical. On ne peut pas à la fois dire, comme je l’ai entendu plusieurs fois, que la règle souffre de nombreuses exceptions, qu’il est très difficile de contrôler la situation, et reprocher au législateur de vouloir apporter un peu de clarté et de régulation dans un système qui est actuellement un peu désordonné, il faut bien le reconnaître.
J’ai bien entendu l’argument, qui a été invoqué à plusieurs reprises, selon lequel le texte allait régulariser des situations qui étaient illégales. Or l’objet de cette proposition de loi n’est pas celui-là ; il est de faire en sorte qu’on y voie clair désormais.
En ce qui concerne les critères de classement des communes touristiques, qui ont été évoqués plusieurs fois, je rappelle que la loi n’apporte rien de nouveau. Ces critères, au sens non pas du code du tourisme, mais du code du travail, celui qui nous intéresse en l’occurrence, et qui concernent un peu moins de 500 communes restent et resteront inchangés. J’ai d’ailleurs trouvé que l’intervention de M. About replaçait le débat à son véritable niveau.
Plusieurs d’entre vous, dont M. Lardeux, ont avancé l’idée, d’une manière systématique, que ce texte opérait un changement de civilisation, avec l’apothéose du caddie, l’abandon de la culture, de la famille et de la religion. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce serait vrai s’il s’agissait vraiment de supprimer toutes les règles applicables en matière de dérogation au travail le dimanche et de renoncer au repos dominical.
La proposition de loi n’a pas pour objet de faciliter partout le travail le dimanche, sans aucun contrôle. Elle tend à réguler, dans des conditions extrêmement précises et relativement limitées, les conditions dans lesquelles il est possible de déroger au repos dominical.
Je le dis en tant que ministre, mais aussi en exprimant mes convictions de citoyen : s’il s’agissait ici de faire en sorte que, désormais, le repos dominical ne soit plus respecté nulle part et que le travail le dimanche se généralise, je n’aurais pas défendu ce texte.
M. Dominique Braye. Nous non plus !
M. Xavier Darcos, ministre. Je suis heureux de vous l’entendre dire. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, personne ne pourra contester que ce texte présente des garanties pour les salariés, en particulier pour ceux qui travailleront dans les PUCE, qu’il s’agisse de l’application d’accords collectifs ou, à défaut, de l’obligation de doubler le salaire correspondant au dimanche travaillé.
Monsieur About, vous avez évoqué le contrôle de l’administration à la fin de votre intervention ; je m’adresse à vous parce que vous vous êtes exprimé le premier, mais beaucoup d’autres orateurs ont repris les mêmes arguments et je les prie de bien vouloir m’excuser si je ne les cite pas.
Je n’ai pas besoin de rappeler, dans une assemblée présidée par M. Gérard Larcher, même s’il est actuellement remplacé par M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence, que la politique de modernisation et de développement de l’inspection du travail a été voulue et mise en œuvre par ce gouvernement. Je ne vois pas pourquoi, dans un débat parlementaire, serait considéré comme nul et non avenu le fait que s’appliqueront les dispositions de notre code du travail qui permettent le contrôle par les inspecteurs !
M. Nicolas About. Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. Il n’y a aucune raison d’imaginer que le travail du dimanche serait sans contrôle, à la merci de logiques commerciales extrêmement cyniques. Bien au contraire, l’inspection du travail continuera de se faire comme elle se fait aujourd’hui, y compris les jours fériés.
M. Jean-Pierre Michel. Vous savez bien que l’inspection du travail tombe en décrépitude ! Écoutez les syndicats !
M. Xavier Darcos, ministre. Et vous, écoutez les inspecteurs du travail ! Je veux qu’ici aussi on respecte leur métier ! (MM. David Assouline. et M. Jean-Pierre Michel protestent vigoureusement.)
Alain Gournac et Hervé Maurey ont évoqué diverses dérogations. Il faut savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une partie des cent quatre-vingts dérogations au repos dominical que nous avons déjà pu recenser a été décidée par des gouvernements de gauche, ce qui n’a, en soi, rien de scandaleux. Dès lors que des dérogations peuvent être régulièrement ajoutées, il n’y a pas matière à une querelle entre gauche et droite, et le débat, me semble-t-il, vient de le montrer ; ce fut le cas, en particulier, en 1982. Que je sache, on ne s’est pas écrié alors que la civilisation allait subitement sombrer !
Madame Le Texier, vous avez cité diverses études pour illustrer les dangers potentiels de l’ouverture généralisée le dimanche. Or cette dernière hypothèse n’est pas envisagée dans le texte que nous examinons ici. Les études sur lesquelles vous avez appuyé votre argumentation – nous les connaissons : celles du CREDOC, du CESE, quelques-unes même de l’OCDE –, de même que les sondages dont vous avez mentionné les résultats, portaient non pas sur des dérogations au repos dominical mais sur l’hypothèse, totalement étrangère à la présente proposition de loi, selon laquelle plus aucune règle ne permettrait de respecter le repos dominical. Lorsqu’on cite une étude, madame, on ne le fait pas en dissimulant l’hypothèse sur laquelle elle se fonde, en l’occurrence la généralisation du travail du dimanche, et non de simples dérogations.
Mme Annie David. C’est bien dans cette hypothèse de généralisation que l’on se place !
M. Xavier Darcos, ministre. À M. Desessard, dont l’intervention avait un côté extrêmement spectaculaire… (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Théâtrale ! Guignolesque !
M. Xavier Darcos, ministre. … je répéterai que le CESE s’est prononcé à deux reprises sur la question des dérogations au repos dominical et que les partenaires sociaux ont été consultés à cette occasion. Je tenais à le souligner puisqu’il a présenté le dispositif de la proposition de loi comme une manière de contourner le droit du travail.
Au demeurant, qui a organisé, qui a relancé la négociation collective au niveau interprofessionnel sur des sujets aussi sensibles que la modernisation du travail ? Qui a fait voter une réforme sans précédent pour donner une place renforcée au dialogue social ? Qui, sinon l’actuelle majorité ? Il n’y a donc aucune raison de donner aujourd’hui des leçons en matière de droit du travail à une majorité qui, à de nombreuses reprises, s’est montrée exemplaire dans ce domaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Il a par ailleurs été question de Lyon. Si Lyon ne figure pas dans le dispositif, c’est pour une bonne raison : il n’existe pas dans cette ville d’usage de consommation le dimanche ! La zone touristique du Vieux Lyon remplit sans ambiguïté les critères qui définissent une telle zone, mais la situation est spécifique. Il n’y aura pas de PUCE à Lyon tout simplement parce qu’il n’y a aucune raison qu’il y en ait un. C’est clair, net et précis.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. François Fortassin a, lui aussi, défendu avec une grande énergie les valeurs qui sont les siennes, et je le comprends dès lors que l’on pourrait imaginer que soit en jeu une extension très large du travail dominical. Rappelons cependant les chiffres, comme quelques-uns l’ont fait : si cette loi s’applique, et elle s’appliquera, elle concernera 200 000 salariés supplémentaires. Aujourd’hui, en France, environ 7 millions de personnes sont déjà à travailler plus ou moins régulièrement le dimanche. Il n’est pas cohérent d’affirmer que le passage de 7 millions à 7,2 millions fera soudainement basculer l’ensemble de la société française dans une logique « états-unienne », pour reprendre un terme qui a été utilisé, ou à tout le moins dans une logique superconsommatrice. Il n’y a pas ici matière à convoquer les philosophes de l’hyperconsommation, Herbert Marcuse ou Jean Baudrillard ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Le principe de la proposition de loi reste celui d’un règlement à la marge de quelques dossiers, ne concernant que 500 communes et trois PUCE. Il s’agit en fait avant tout d’introduire une régulation dans ce qui se fait déjà. Le texte n’implique pas que, subitement, la totalité des dispositifs protégeant les salariés seraient supprimés !
M. Retailleau s’est plus particulièrement inquiété d’une différence de traitement qui lui paraissait être à la limite de l’inconstitutionnalité. Les personnes qui travaillent le dimanche peuvent se trouver dans deux situations différentes : ou bien le travail dominical est inhérent à l’activité, au métier : dans une station de ski, par exemple, il est évident que, au cours de l’hiver, vous travaillerez le dimanche, et vous le savez dès l’instant où vous vous engagez dans cette activité,…
M. Dominique Braye. C’est comme les sacristains ! (M. Le ministre s’esclaffe. – Rires sur certaines travées de l’UMP.)
M. Xavier Darcos, ministre. … ou bien, au contraire, le travail dominical est temporaire et exceptionnel, et sa nécessité est appréciée individuellement, commerce par commerce. Dans ce cas, je le rappelle, la loi fixera des obligations de négocier et de garantir des contreparties aux salariés.
M. Mézard, en particulier, a affirmé que le texte de la proposition de loi était illisible et serait source de nombreuses inégalités. Qu’il me soit permis de penser que la situation sera moins illisible et moins inégale après le vote de cette loi qu’elle ne l’est aujourd’hui !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Xavier Darcos, ministre. Bien au contraire, nous apportons de la clarté et des garanties.
Enfin, cher Gérard Cornu, vous m’avez posé deux questions très importantes.
La première portait sur les grandes surfaces qui présentent un caractère commercial tourné vers l’alimentation mais qui ont par ailleurs d’autres rayons. Je rappelle que la surface concernée sera considérée comme alimentaire lorsque l’activité alimentaire sera majoritaire dans le chiffre d’affaires, ce qui est relativement fréquent dans les très grandes surfaces. Dès lors que cette activité alimentaire sera majoritaire, les magasins en question resteront fermés le dimanche après-midi.
Votre seconde question concernait la complexité des arrêtés municipaux permettant l’ouverture cinq dimanches par an. Je ne suis pas en mesure de vous répondre ici même ; cependant, comme ancien maire et comme ministre, je suis de votre avis : je pense qu’il n’y aurait pas d’inconvénient à procéder à une simplification.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais indiquer clairement que je ne reproche à aucun d’entre vous d’avoir vis-à-vis des dimanches des vues personnelles, qu’elles soient liées à des convictions sociales et politiques ou qu’elles soient liées à des convictions plus intimes, culturelles, religieuses, comme celles dont M. Lardeux a fait part à la fin de son exposé. Mais ce n’est pas ce qui est en jeu ici. Il ne s’agit pas de transformer les dimanches en jours travaillés en France. (Si, si ! sur les travées socialistes.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est tout vu ! C’est ainsi que cela commence !
M. Xavier Darcos, ministre. Il s’agit seulement de réguler la situation de 500 communes qui sont des communes touristiques au sens du code du travail; il s’agit de réguler de grandes activités autour de trois grandes agglomérations de plus d’un million d’habitants, il s’agit de protéger des salariés dans toutes les circonstances où ils devront, par dérogation, travailler le dimanche. Souvenons-nous-en pour éviter de faire des procès d’intention qui ne sont pas conformes à l’esprit du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
6
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que :
- le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et une candidature pour la commission des finances ;
- et que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- Mme Bernadette Dupont, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Jean-Paul Alduy, démissionnaire ;
- M. Jean-Paul Alduy, membre de la commission des finances, en remplacement de M. Henri de Raincourt, démissionnaire ;
- et M. Jean-Pierre Bel, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par M. Jean-Luc Mélenchon, qui a cessé d’exercer son mandat de sénateur.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants des commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat, Patrice Gélard, Yves Détraigne, Bernard Frimat, Simon Sutour et Mme Éliane Assassi.
Suppléants : Mmes Anne-Marie Escoffier et Jacqueline Gourault, MM. Dominique de Legge, Jean-Claude Peyronnet, François Pillet, Jean-Pierre Sueur et Jean-Pierre Vial.
8
Création d’une commission spéciale et candidatures
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (n° 578, 2008-2009).
En conséquence, l’ordre du jour appelle, en application de l’article 16, alinéa 2, du règlement, la proposition de M. le président du Sénat tendant à la création d’une commission spéciale sur ce projet de loi.
Je soumets donc au Sénat cette proposition qui a recueilli en conférence des présidents l’accord de tous les groupes et celui des commissions intéressées.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour appelle la nomination des membres de cette commission spéciale.
Il va être procédé à cette nomination, conformément à l’article 10 du règlement.
La liste des candidats établie par les présidents de groupe va être affichée.
Cette liste sera ratifiée s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration d’un délai d’une heure.
9
Repos dominical
Suite de la discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
La discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme David et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°119.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 562, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cheminement de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’a pas été un long fleuve tranquille puisque la majorité s’y est reprise à quatre fois en moins de deux ans pour imposer à ses parlementaires, le 15 juillet dernier, un texte dont ils ne voulaient pas. Je passerai sur l’épisode de décembre 2008 où, sous la pression de plus de cinquante députés UMP, l’avant-dernière mouture de ce texte a été retirée de l’ordre du jour de nos débats…
Il demeure que, malgré la pression constante du Président de la République, vingt-cinq députés de la majorité ont, d’une manière ou d’une autre, refusé d’adopter cette proposition de loi ; et on les comprend !
En effet, en raison même de son dispositif, celle-ci sera contraire au principe d’égalité cher aux constitutionnalistes, mais aussi à nos concitoyennes et concitoyens, qui y voient l’un des principes les plus protecteurs. En effet, dès lors que l’article Ier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux droits », il est du devoir premier des législateurs de respecter ce principe et de veiller à le protéger.
Or, en imposant, demain, le travail dominical à l’ensemble des salariés dont l’entreprise ou l’établissement sera situé en zone touristique, vous transgressez deux fois ce principe.
Tout d’abord, vous privez les salariés de leur liberté de refuser une modification substantielle de leur contrat de travail et vous les plongez dans une situation d’inégalité. En effet, à n’en pas douter, en cette période de crise, alors que le chômage plane sur notre pays tel un spectre, à la situation de subordination dans laquelle sont déjà placés les salariés vis-à-vis de leur employeur s’ajoute une fragilité économique qui aggrave leur dépendance, et ils n’auront pas, vous le savez bien, monsieur le ministre, madame le rapporteur, la liberté de refuser la modification qui leur sera proposée.
Quant à l’organisation de différents modes de rémunération pour la même activité, selon que le salarié se trouve dans une zone touristique, dans un PUCE, avec ou sans contrepartie – car les deux seront possibles –, ou dans une zone non couverte par ces différentes dérogations, vous organisez un traitement différencié qui ne trouve aucune justification dans l’existence d’une situation différente puisque c’est la loi elle-même qui l’organise !
Pour notre part, nous, sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du parti de gauche, considérons qu’il faut renforcer la protection des salariés plutôt que de permettre aux patrons de disposer d’outils de pression supplémentaires sur leur personnel.
Avec nos collègues du groupe de la gauche démocrate et républicaine de l’Assemblée nationale, nous entendons nous associer à toutes les démarches entreprises en direction du Conseil constitutionnel afin qu’il censure une proposition de loi lourde de conséquences pour les droits fondamentaux des salariés de notre pays.
À ce titre, j’invite le Conseil constitutionnel à se pencher sur le non-respect, par cette proposition de loi, de l’esprit et des principes de notre Constitution. Je pense, par exemple, à l’interdiction, depuis l’arrêt du Conseil d’État du 27 mars 2000, de résilier un contrat de travail en raison de la situation familiale du salarié. Je citerai en particulier le cas des mères célibataires qui, dans les zones touristiques, se verront contraintes de travailler le dimanche : en raison de leur situation de famille et de l’immense précarité qui est souvent la leur – 60 % des salariés de la distribution sont des femmes, dont les salaires sont rarement supérieurs au SMIC et qui sont souvent employées à temps partiel –, elles devront soit refuser et être licenciées, soit sacrifier leur temps libre avec leurs enfants et accroître, au passage, leurs frais de garde, point évoqué tout à l’heure par M. Lardeux.
Ces femmes-là, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces mères de famille partagées entre leurs enfants et leur travail, n’iront pas le dimanche dans les commerces ouverts, faute d’en avoir le temps, mais aussi faute d’avoir suffisamment d’argent !
Par ailleurs, monsieur le ministre, je regrette que vous ne vous soyez pas conformé au respect du principe de sincérité des débats. J’en conviens, celui-ci est plus particulièrement utilisé en matière budgétaire. Il n’en demeure pas moins que, pour garantir la pleine application de l’article 3 de la Constitution, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants », vous auriez dû peser de tout votre poids pour que votre majorité mette un terme à son exercice d’énonciation de contrevérités. Je regrette, à cet égard, que vous vous soyez vous-même, dans l’hémicycle, prêté tout à l’heure à ce jeu, ainsi que je vais le démontrer.
La première contrevérité se trouve dans l’intitulé de cette proposition de loi. À le lire, celle-ci permettrait de réaffirmer le principe du repos dominical. Drôle de manière de réaffirmer un principe que d’étendre les dérogations existantes et d’en ajouter de nombreuses autres !
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Annie David. Mais il vous aurait été médiatiquement difficile de présenter cette proposition de loi pour ce qu’elle est : la généralisation du travail le dimanche. Car c’est bien de cela qu’il s’agit,…
M. Roland Courteau. Voilà !
Mme Annie David. … et ma collègue Isabelle Pasquet l’a très bien expliqué lors de la discussion générale.
L’intitulé de l’avant-dernière proposition de loi du député Richard Mallié avait au moins le mérite d’être clair : « Proposition de loi visant à définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires ».
Mais cet intitulé, à l’évidence, ne permettait pas à votre gouvernement de mener à bien sa campagne de « matraquage », consistant à répéter à l’envi que cette proposition de loi était d’une importance moindre que la précédente. Ce tour de passe-passe, le premier d’une longue série, avait visiblement une double vocation : finir de convaincre celles et ceux de vos amis sur lesquels les pressions élyséennes n’auraient pas suffi, mais également rassurer, à la veille des vacances, nos concitoyennes et concitoyens.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie David. Vous avez ensuite tenté de faire croire que cette proposition de loi reposait sur la notion de volontariat… Sauf que ce volontariat, les salariés qui travaillent actuellement dans les villes touristiques ne pourront même pas s’en prévaloir. Pour eux, c’est simple : travail obligatoire le dimanche, sous peine de perdre son emploi !
M. Roland Courteau. Voilà !
Mme Annie David. Au groupe CRC-SPG, nous ne cessons de dénoncer les employeurs voyous qui pratiquent du chantage à l’emploi.
Je me souviens d’avoir entendu ici même, monsieur le ministre, l’un de vos prédécesseurs dénoncer en séance publique le comportement d’un directeur d’usine qui menaçait de fermeture un établissement dont les salariés refusaient de revenir sur les 35 heures. Eh bien, demain, dans les zones touristiques, ce chantage pourra se poursuivre, et d’autant plus facilement qu’avec cette proposition de loi le Gouvernement, en ne prévoyant rien quant à la protection des salariés dans les zones touristiques, qu’elles soient d’intérêt ou d’affluence touristique – nous y reviendrons pendant le débat –, se fait le complice de ce chantage puisqu’il donne toute latitude aux employeurs mais aussi leur fournit les outils pour s’y livrer.
S’agissant des autres salariés, notamment ceux des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, il faut être au mieux bien naïf, au pis malhonnête, pour croire qu’ils pourront refuser de travailler le dimanche sans avoir à craindre pour leur emploi. C’est bien, d’ailleurs, ce qui avait amené quelque cinquante-cinq députés de l’UMP et du Nouveau Centre à affirmer, le 27 novembre dernier, dans la tribune intitulée « Vivement Dimanche » : « Chacun connaît les limites du volontariat : sans faire de procès d’intention aux chefs d’entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d’autre choix que celui d’accepter. »
Depuis cet appel, me direz-vous, bon nombre d’entre eux sont rentrés dans le rang, certains allant même jusqu’à cosigner le présent texte. Mais ce ralliement tardif ne signifie en rien que les propos tenus hier ne sont plus justes aujourd’hui, d’autant que la proposition de loi ne présente aucune garantie supplémentaire par rapport à ses précédentes versions.
Je ne peux que rappeler que la notion de « volontariat » n’a aucun sens dans un contexte de travail collectif puisque, comme dans toute société, les décisions individuelles ont nécessairement des répercussions collectives. Je reconnais toutefois que cela correspond au mouvement d’individualisation des relations de travail que vous avez entamé depuis des années, et dont la première pierre a été posée dans les années soixante-dix, avec l’individualisation des horaires de travail.
Au regard des politiques que votre majorité mène depuis des années, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que vous avez permis, avec l’« individualisation » des conditions de travail, la « morcellisation » des droits collectifs. Comme le soulignait Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, dans le magazine Liaisons sociales publié en mai dernier, « le volontariat est le moyen employé pour banaliser les atteintes aux protections collectives contenues dans le code du travail ».
La société du « libre choix » dont vous vous réclamez n’existe pas. S’accrocher à cette notion, c’est méconnaître l’ensemble des contraintes tant économiques que sociales qui pèsent sur les salariés dans les entreprises, et en dehors.
Quant aux contreparties financières censées « récompenser » les salariés privés de repos dominical – et vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré en séance publique à l'Assemblée nationale qu’elles devaient être « sérieuses » –, elles sont loin d’être à la hauteur. Contrairement aux annonces officielles, seule une minorité des salariés en profitera : celles et ceux qui travaillent dans les fameux PUCE, qui piquent beaucoup,…